Monnaie pleine: un titre trompeur

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Monnaie pleine: un titre trompeur

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25 avril 2018 N° 3185


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Monnaie pleine: un titre trompeur L’initiative «Monnaie pleine» prétend sécuriser le système monétaire. En réalité, elle introduirait un système centralisé, étatiste et dirigiste, en concentrant toutes les responsabilités entre les mains de la banque nationale. Or celle-ci n’est guère outillée pour crédits. En outre, en l’absence de couverture-or, elle ne crée pas de véritable «monnaie pleine». La sécurité promise par l’initiative n’est qu’un leurre.

Concentrer les responsabilités entre les mains de la BNS Les sujets de la votation fédérale du 10 juin prochain commencent déjà à susciter de multiples débats et prises de position. Le 17 avril annoncé son rejet de l’initiative populaire dite «Monnaie pleine», dont le titre complet est «Pour une monnaie à l’abri des crises: émission monétaire uniquement par la Banque nationale!» Cette initiative n’est portée par aucun à gauche ou à droite; ses soutiens se recrutent de manière isolée de part et d’autre de l’échiquier politique. Le but de cette initiative est de lutter contre les scripturale par les banques privées. Dans le

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octroyer des crédits qui ne sont pas couverts par les dépôts d’épargne qu’elles possèdent (on dit que ce ne sont plus les dépôts qui font les crédits , mais les crédits qui font les dépôts ). En agissant ainsi, elles créent par elles-mêmes une masse monétaire «scripturale» qui dépasse celle émise par la Banque nationale suisse (BNS). A l’heure actuelle, on estime que cette monnaie scripturale représente environ 90% de la masse monétaire totale. Le texte de l’initiative propose de transformer le système en exigeant que seule la BNS soit

autorisée à créer la monnaie, y compris la monnaie scripturale. La BNS aurait ainsi un contrôle total de la quantité de monnaie en circulation. Les banques commerciales, pour leur part, ne pourraient prêter que de l’argent déjà déposé par les épargnants ou mis à disposition par la BNS. Les auteurs de l’initiative partent de l’idée que les banques pourraient continuer à prêter autant d’argent qu’aujourd’hui, mais que cet argent devrait préalablement avoir été émis par la BNS. Celle-ci aurait pour mission de «garantir l’approvisionnement de l’économie en argent et visionnement de l’économie en crédits par les tiendrait de «mettre en circulation, sans dette, l’argent nouvellement émis». La législation dans l’intérêt général du pays». Des crédits au ralenti En disséquant ainsi le texte de l’initiative, on réalise déjà qu’elle est extrêmement dirigiste et étatiste, et donc beaucoup moins séduisante qu’on voudrait nous le faire croire. On peut immédiatement ajouter qu’un tel système, à ce que l’on sait, n’est actuellement pratiqué dans aucun autre pays. Serait-il prudent que la Suisse joue un rôle de cobaye? Il ne faut pas non plus sous-estimer les problèmes inhérents à un changement de système: serait-il raisonnable d’abandonner un modèle qui a le mérite d’être connu et de Suite au verso


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fonctionner, pour le remplacer par un autre la BNS devrait «prendre le relais» en créant brusquement une masse monétaire dix fois plus grande qu’aujourd’hui?

L’initiative ne supprimerait pas les risques création de monnaie! Elle se contenterait de déplacer la responsabilité des banques commerciales vers la banque nationale.

conséquences pratiques qu’entraînerait la mise en œuvre de cette «monnaie pleine». Les banques auxquelles on demanderait un crédit devraient le refuser si elles ne possèdent pas les réserves correspondantes, ou alors – plus vraisemblablement – elles devraient demander à la Confédération la mise à disposition de la monnaie correspondante. Au pire, cela pourrait entraîner une raréfaction du crédit; au mieux, il en résulterait des retards et des lourdeurs peu compatibles avec la souplesse d’une économie moderne. On peut assez facilement imaginer qu’une partie de la clientèle se tournerait vers des banques étrangères, ou peut-être vers des monnaies étrangères qui se mettraient à proliférer sur le territoire suisse. Une opposition stérile entre BNS et banques commerciales Cette toute-puissance que la BNS obtiendrait pour accorder ou refuser du crédit permet de mettre le doigt sur la critique la plus fondamentale: l’initiative ne supprimerait absolution de monnaie! Elle se contenterait de déplacer la responsabilité des banques commerciales vers la banque nationale, en centralisant le processus de création monétaire. Mais

cette centralisation n’apporterait guère de sécurité supplémentaire, car la BNS, elle aussi, crée de la monnaie «à partir de rien»: depuis longtemps déjà, ses émissions monétaires ne sont largement plus couvertes par des réserves d’or et l’on estime que ces réserves, à l’heure actuelle, ne représentent plus que 5% des actifs. Comment parler de «monnaie pleine» dans ces conditions? Certes, la BNS, contrairement aux autres banques, ne serait pas guidée par des intérêts commerciaux. Mais cette «vertu» ne lui permettrait pas de mieux évaluer les besoins monétaire trop généreuse, ou au contraire calculables. L’initiative «Monnaie pleine» s’appuie sur une opposition stérile entre banque nationale et banques commerciales. La réalité est que ces interchangeables. Et une chose est sûre: ce n’est pas en «cassant» le système qu’on va améliorer sa sécurité. Pierre-Gabriel Bieri


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