Dossier fiscalité

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Dossier Jean-Hugues Busslinger Imposition de la fortune, mais aussi du revenu, le canton est régulièrement dans le peloton de tête des plus gourmands .

Trop d’impôts dans le canton de Vaud On paie beaucoup d’impôts dans le canton de Vaud… on osera même dire qu’on en paie trop. Il est temps que Vaudoises et Vaudois en prennent conscience.

Si notre fiscalité s’avère globalement concurrentielle par rapport aux autres cantons s’agissant des sociétés, il n’en va pas de même pour leurs collaborateurs domiciliés dans le canton de Vaud. La fiscalité des personnes physiques s’y révèle, en effet, particulièrement lourde. Ainsi, s’agissant des personnes morales et à la suite des modifications effectuées dans le cadre de la réforme de l’imposition des entreprises (RIE III puis RFFA et son application vaudoise), Vaud est dorénavant en phase avec les autres cantons suisses. Les éléments introduits dans la législation, notamment l’application des outils adoptés

Imposition de la fortune En comparaison intercantonale et jusqu’à une fortune nette de deux millions de francs, le canton de Vaud se situe régulièrement, en matière d’imposition de la fortune, à une peu enviable deuxième place parmi les cantons qui taxent le plus. Il n’est devancé que par le canton de Fribourg pour les fortunes inférieures à CHF 800’000.—, puis par le canton de Neuchâtel pour les montants supérieurs. Et même pour une fortune de cinq millions de francs, il occupe encore la quatrième place. En pourcentage, les Vaudois qui ont une fortune de CHF 400’000.— paient 58% de plus qu’à Berne et 98% de plus qu’à Genève. Par rapport à Aarau, le taux est de 344% et de 628% comparé à Zurich. Comparaisons pour une fortune de CHF 250’000.— et pour une fortune de 2 millions de francs :

Fribourg Lausanne

CHF 1’210 CHF 13’306 CHF 922 CHF 14’394

CHF 250'000.— CHF 2'000'000.—

CHF 292 CHF 13’603 CHF 613 CHF 10’262

Genève Berne

CHF 125

Aarau

CHF 7’400

Zurich

CHF 110 CHF 6’074 0

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sur le plan fédéral tels que les déductions pour recherche et développement ainsi que celles liées aux brevets (patent box notamment), combinés au taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés (13,79%), ont pour effet que Vaud n’est certes pas le canton le plus avantageux, mais on peut constater qu’il est correctement placé. On doit y voir un élément favorable pour le développement des entreprises ou leur implantation dans le canton, ce qui aura des conséquences positives sur l’emploi. Les personnes physiques lourdement taxées

Il en va très différemment pour les personnes physiques . Que ce soit sur le plan de l’imposition de la fortune ou du revenu, le canton est régulièrement dans le peloton de tête des plus gourmands . Pour l’imposition du revenu, Vaud est presque systématiquement, quelle que soit la situation du contribuable (célibataire, couple marié avec ou sans enfants) dans les trois premiers cantons qui imposent le plus lourdement, à l’exception des très bas revenus. Ainsi, un couple marié vaudois, sans enfant, qui réalise un revenu brut de CHF 80’000.– paiera 70% de plus d’impôts que s’il était domicilié à Zurich. Un célibataire réalisant le même revenu paiera à Lausanne 54% de plus qu’à Zurich ou 30% de plus qu’à Aarau. Un couple de rentiers mariés ne se voit pas mieux loti si ses rentes représentent CHF 80’000.– : il paiera certes un tout petit pourcent de moins qu’à Neuchâtel, mais 49% de plus qu’à Sion ou trois fois plus qu’à Genève. Il en va de même sur le plan de l’imposition de la fortune (voir l'encadré ci-contre). Le canton de Vaud se révèle – hormis pour les fortunes supérieures à cinq millions de francs – dans les deux ou trois cantons qui pratiquent les taux les plus élevés. Et l’on n’oubliera pas que Vaud est, avec Appenzell Rhodes-Intérieures, Lucerne et Neuchâtel, l’un des rares à connaître encore l’imposition des parts de succession dévolues aux descendants.


Des excédents impressionnants

Dans le même temps, les comptes de l’Etat réalisent, année après année, des excédents record : les bénéfices représentent des dizaines, voire des centaines de millions de francs. Qu’on en juge : avant écritures de bouclement, l’excédent représente en moyenne 470 millions par an depuis dix ans; au total, les bénéfices cumulés ont atteint 4.7 milliards de francs, tandis que, après les écritures de bouclement, les excédents nets représentent encore 1.426 milliard de francs. Quoi qu’on en dise, on est loin d’une fluctuation de type conjoncturel, mais bien en présence d’un surplus régulier de recettes. Effet pervers de cette bonne santé financière (dont on ne dira jamais assez qu’elle est pour l’essentiel à mettre au crédit des contribuables), ces excédents aiguisent les appétits. Ils favorisent l’indiscipline financière et permettent à la majorité de gauche de multiplier les allocations diverses ou les dépenses de type social (le canton verse plus de1.7 milliard de francs annuellement à ce titre). Cette forme d’incitation implicite à se montrer généreux avec l’argent du contribuable ne peut avoir pour conséquence, en cas de retournement conjoncturel, que de faire augmenter encore la pression fiscale au nom du maintien du niveau des subsides et autres allocations. On sait bien en effet qu’il est presque impossible de revenir en arrière, une fois les largesses accordées. En parallèle, plutôt que d’alléger le fardeau des contribuables, l’Etat reporte sur les communes des montants toujours plus importants qui résultent notamment de cette politique cantonale riche en allocations diverses, et notamment des dérives de la facture sociale. Si nombre de communes se trouvent dans une situation financière difficile de ce fait, on ne manquera pas de relever que, pour certaines d’entre elles tout au moins, la situation est également due à l’absence de modération des dépenses propres et surtout de volonté de maintenir les prestations au niveau commandé par les recettes. Des attentes déçues

Sous la dénomination Impulsions 2022 , les organisations économiques faîtières du canton de Vaud (Chambre vaudoise du commerce et

de l’industrie, Chambre vaudoise immobilière, Fédération patronale vaudoise et Prométerre) ont publié, en août 2017, un programme d’impulsions politiques destiné à accompagner tant le Conseil d’Etat que le Grand Conseil tout au long de la législature. La problématique fiscale figure en bonne place parmi ces propositions. Il s’agissait notamment d’alléger l’impôt sur la fortune, de réduire le taux de l’impôt sur le revenu, de réintroduire le principe de l’immutabilité de la valeur locative et d’instaurer un système moniste d’imposition des gains immobiliers, sans alourdir la charge fiscale des propriétaires. On ne peut pas vraiment dire que l’exécutif vaudois ait entendu le message, puisque le programme de législature 2017–2022 du Conseil d’Etat se borne à évoquer l’action suivante (sous

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Entre augmentation de taxes et refus d’allégements La situation actuelle est parfaitement illustrée par deux exemples récents : celui de la taxe sur l’électricité et le sort réservé en commission du Grand Conseil vaudois à la motion Aurélien Clerc. La prolifération des taxes diverses observée ces vingt dernières années et par lesquelles de plus en plus de tâches jusqu’ici assumées par l’impôt se voient frappées de taxes séparées ne laisse pas d’étonner. Parmi les plus emblématiques, on rappellera la taxe au sac censée conduire tout un chacun à adopter un comportement vertueux dans la gestion de ses déchets ménagers, alors qu’auparavant l’élimination des ordures était assurée sans coût supplémentaire par les communes. La fourniture d’électricité est devenue un parfait exemple d’accumulation de taxes diverses, puisqu’outre le prix du kilowattheure et les coûts afférents au transport du courant, celles-ci représentent des montants non négligeables (un exemple sur le site d’un grand fournisseur régional romand indique une part de l’ordre de 16% de la facture). Taxe fédérale certes, mais aussi taxes communale et cantonale. S’agissant de cette dernière, le Grand Conseil, à une majorité significative, vient d’en accepter le triplement et d’autoriser qu’à futur son montant puisse être cinq fois plus élevé qu’actuellement. Sur les vingt-cinq millions supplémentaires ainsi obtenus, cinq sont destinés au fonctionnement du secrétariat général de la direction de l’énergie ! Sur le plan de l’imposition des capitaux de deuxième et troisième piliers, qu’on sait particulièrement lourde dans le canton, une motion a certes été déposée par le député A. Clerc. Las, les débats de commission ont eu pour résultat de transformer la motion en postulat, ce qui revient à supprimer son caractère contraignant. Selon le rapport de commission, pour le conseiller d’Etat en charge des finances, les éléments à retenir étaient une baisse de recettes de l’impôt et le fait que, si le canton devait rester concurrentiel, il ne fallait pas affaiblir la solidarité indispensable dans le système de prévoyance. En définitive, trop encourager le retrait de capital serait inadéquat. On trouve ainsi toujours de bons motifs pour refuser d’apporter des solutions à ce qui est un véritable problème : on en jugera par les chiffres figurant dans l’annonce en page 6.

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Dossier Les revendications ne sont pas nouvelles, mais on doit constater que rien ne bouge.

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forme de deux lignes noyées au milieu du rapport): «A la suite de la réforme fédérale PF17, examiner la nécessité de modifier l’imposition de la fortune, notamment dans un environnement à taux de rentabilité bas, tout en préservant la dynamique des recettes fiscales.» Entre vouloir «examiner une nécessité» et prendre des mesures concrètes, on conviendra sans difficulté qu’il y a un gouffre.

− L’augmentation d’impôts pour une majorité de contribuables en 2020 − Le retrait de capital du 2e pilier (annonce ci-dessous) − L’imposition du revenu d’un couple marié

cosmétique. Il s’ensuit que nombre de députés, qui devraient pourtant a priori être sensibles à la nécessité de diminuer la charge fiscale des personnes physiques, montrent la plus grande retenue à faire des propositions concrètes, voire s’en abstiennent. Sous l’angle des réductions du coefficient applicable aux personnes physiques, le canton a certes développé une stratégie fiscale. La convention entre le Conseil d’Etat et les communes concernant la mise en œuvre de la RIE III contenait notamment la reprise par le canton du coût des soins à domicile. En contrepartie, une bascule fiscale devait avoir lieu qui, pour se révéler neutre pour les contribuables, impliquait que les communes baissent leur coefficient de 1,5 point dès 2020. Cette baisse était toutefois facultative . Comme on pouvait hélas s’y attendre, aucune baisse réelle d’impôts ne s’est produite. Au contraire, le coefficient cantonal a bien augmenté de 1,5 point, mais une majorité de communes ont soit maintenu leur coefficient au niveau antérieur, soit procédé à d’autres adaptations, une minorité d’entre elles appliquant réellement la baisse de 1,5 point. Résultat des courses, les contribuables vaudois paient en majorité plus d’impôts en 2020 qu’en 2019. Certes, une baisse du coefficient cantonal d’un point est annoncée pour 2021. On relèvera le geste tout en soulignant qu’il ne sera pas de nature à remettre la pression fiscale vaudoise dans une honnête moyenne par rapport aux autres cantons.

Et il y en aura bien d’autres.

Il faut agir

Une situation bloquée

Parmi les difficultés rencontrées pour espérer la mise en œuvre d’un allégement fiscal, on doit relever la franche opposition de la majorité de gauche qui domine le Conseil d’Etat et qui veille avec énergie à maintenir le niveau élevé des recettes. On constatera aussi une forte résistance du côté du Département des finances, qui semble se refuser à toute modification autre que

Une campagne de sensibilisation Face à une situation qu’on doit considérer comme bloquée, les organisations économiques ont décidé de lancer une campagne de sensibilisation destinée au grand public pour faire prendre conscience que, dans le canton de Vaud, les personnes physiques paient beaucoup, voire beaucoup trop d’impôts. Sous le logo générique « Vache à lait : trop d’impôts en Pays de Vaud », cette campagne s’attachera, durant toute l’année 2020, à mettre en lumière les excès vaudois en matière de fiscalité. Elle s’articule autour d’annonces de presse, d’un site internet sur lequel les éléments chiffrés pourront être consultés et d'une page Facebook. A titre d’exemples, les premières thématiques retenues sont les suivantes :

Trop d’impôts en Pays de Vaud

Arrivé à la retraite, vous décidez de retirer votre capital de prévoyance ? (2ème ou 3ème pilier)

Impôt cantonal prélevé sur un capital de prévoyance de 200’000 francs : (à cet impôt cantonal s’ajoutent les impôts communal et fédéral)

Vaud

9'494.–

Dans le canton de Vaud, vous devrez payer un impôt pouvant s’élever à plus du double de ce que vous devriez verser si vous habitiez dans un canton voisin.

Neuchâtel

7'433.-

Fribourg

7'300.– 6'065.–

Genève

4'140.– Valais

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Une action résolue est indubitablement nécessaire pour qu’à terme le canton de Vaud, dont on ne peut dire qu’il présente des caractéristiques à ce point particulières qu'elles induiraient un surcroît de dépenses, quitte sa position d’ogre fiscal et traite ses contribuables à l’aune des autres collectivités cantonales. Les revendications ne sont pas nouvelles, mais force est de constater que rien ne bouge. Il convient dès lors que Vaudoises et Vaudois prennent conscience qu’il est possible de faire autrement et que le niveau des prélèvements est à l’évidence trop élevé. La campagne conjointe des organisations économiques doit les y aider (voir l'encadré ci-contre). Nous encourageons dès lors toutes celles et ceux qui partagent le sentiment que, dans ce canton, on paie trop d’impôts, à rejoindre notre action, à la partager sur les réseaux sociaux et à s’inscrire sur le site internet www.vachealait.ch.


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