La machine normative continue de s’emballer

Page 1

La machine normative continue de s’emballer Service d’information

12 juillet 2016 / no 3096


Service d'information Publication hebdomadaire Rédacteur responsable : P.-G. Bieri, Centre Patronal

12 juillet 2016 / N° 3096

La machine normative continue de s’emballer Les conventions internationales sont aussi source de l’accroissement immodéré de normes en tout genre. Ainsi, une «stratégie nationale pour mettre en œuvre les principes des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme» a été mise en consultation. Reposant sur un fondement idéologique biaisé, elle promet à terme de nouvelles prescriptions légales. Le Conseil fédéral serait bien inspiré d’y renoncer.

Un usage immodéré des «stratégies nationales» On connaît la propension de la machine administrative à produire sans cesse de nouvelles normes, recommandations ou directives, souvent élaborées par quelques experts fonctionnant en vase clos. A l’origine de ces normes, on trouve fréquemment des «stratégies nationales» ou des «programmes nationaux», mis au point par les mêmes experts, qui répertorient les champs d’action, les axes de travail ou les catégories de mesures envisageables, et qui doivent constituer le cadre de référence de la mise en œuvre concrète. Une autre source inépuisable de nouvelles normes réside dans les multiples conventions internationales ou multilatérales. A ce titre, le Conseil de l’Europe et les Nations Unies génèrent un grand nombre d’accords que la Suisse a tendance à incorporer dans son droit national même en l’absence de nécessité ou d’utilité.

Route du Lac 2 1094 Paudex Case Postale 1215 1001 Lausanne T +41 58 796 33 00 F +41 58 796 33 11 info@centrepatronal.ch Kapellenstrasse 14 3011 Bern T +41 58 796 99 09 F +41 58 796 99 03 cpbern@centrepatronal.ch www.centrepatronal.ch

Dernier avatar en date, la récente mise en consultation d’une «stratégie visant à mettre en œuvre les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme», qui propose et décrit pas moins de 51 mesures et instruments politiques pour la mise en œuvre de ces principes. Elaboré conjointement par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) et par les services du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), ce rapport fait suite à l’adoption par le Conseil

des droits de l’homme des Nations Unies, en juin 2011, de 31 principes relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. On relèvera que la Suisse a participé au financement et à l’élaboration de ces principes directeurs, sans qu’on sache cependant quels ont été les montants investis ou les ressources mobilisées. Un postulat de départ biaisé Le postulat de départ de cette stratégie, tout comme les principes directeurs des Nations Unies, repose sur un fondement idéologique pour le moins douteux, à savoir que l’activité économique serait par essence en contradiction avec les droits de l’homme. Les entreprises ou les acteurs privés seraient ainsi insuffisamment instruits de leurs responsabilités en la matière, ne prendraient pas suffisamment en considération leur rôle dans le respect des droits de l’homme, tandis que les instruments permettant de réparer d’éventuels préjudices ne seraient qu’insuffisamment développés. On se permettra de ne pas partager ces a priori réducteurs et idéologiquement orientés. La «Responsabilité sociale des entreprises» n’est en effet pas un vain mot et se voit pratiquée au quotidien par le monde économique. Il est cependant évident que cet exercice est fonction de la taille et des possibilités de chaque entreprise et l’on n’oubliera pas que leur apport à la société, notamment en termes d’emplois, d’impôts et de contributions sociales, est essentiel. Suite au verso


Service d'information

De nouvelles prescriptions légales

Il est possible non seulement d’abandonner des normes superflues, mais aussi de ne pas en adopter de nouvelles.

Quand bien même ce «Plan d’action national» devrait être mis en œuvre par une combinaison de mesures juridiquement non contraignantes, il n’exclut pas d’imposer des prescriptions légales complémentaires. La machine normative menace donc de se mettre en marche et, au détour de certaines mesures, on perçoit par exemple que les travaux en vue d’instaurer une action collective dans notre pays sont en cours. Le procédé n’est pas acceptable, ce d’autant moins que la mise en œuvre des 31 principes des Nations Unies promet à l’évidence une kyrielle de nouvelles normes, ne serait-ce que parce que les mesures non contraignantes seront considérées comme n’ayant pas produit les effets escomptés ou parce que d’autres Etats auront mis en œuvre une législation ad hoc. Le Conseil fédéral semble pourtant conscient des limites du procédé alors qu’il est question d’élaborer un accord international juridiquement contraignant concernant les entreprises et les droits de l’homme. A ce propos, il se déclare critique à l’égard du nombre croissant de conflits de normes dus à un développement incontrôlé de différents régimes de droit international et dit douter qu’un tel accord

puisse améliorer de manière substantielle la protection contre les violations des droits de l’homme commises par les entreprises. On est dès lors tenté de le prendre au mot. Dans l’optique d’une réelle simplification administrative (on rappellera qu’il est possible dans ce cadre non seulement d’abandonner des normes superflues, mais aussi de ne pas en adopter de nouvelles), il sera bien inspiré de renoncer à imposer aux entreprises une stratégie de mise en œuvre des principes onusiens qui se révèle aussi inutile et redondante qu’administrativement coûteuse et susceptible de «développements incontrôlés». Il serait aussi judicieux, à l’avenir, de veiller à ne reprendre dans le droit interne que les dispositions internationales qui sont concrètement utiles au pays, à son économie et à sa population.

Jean-Hugues Busslinger


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.