BEPS: l’étau se resserre sur l’optimisation fiscale Service d’information
5 juilet 2016 / no 3095
Service d'information Publication hebdomadaire Rédacteur responsable : P.-G. Bieri, Centre Patronal
5 juillet 2016 / N° 3095
BEPS: l’étau se resserre sur l’optimisation fiscale Ikea, Google, Apple et autre Starbucks ont récemment défrayé la chronique en raison d’une optimisation fiscale jugée trop agressive. Le projet BEPS doit permettre de remettre un peu d’ordre dans ce débat.
Une collaboration contre les pratiques dommageables Les deux dernières décennies ont été marquées par une harmonisation, au plan international, des politiques fiscales et des règlementations destinées à éviter les doubles impositions. Les stratégies ainsi mises en œuvre – passant souvent par la conclusion de conventions – ont eu un effet positif sur la capacité de nombreux Etats à attirer de nouveaux investisseurs, tout en évitant de les exposer à une surimposition. Cette vision est aujourd’hui en partie dépassée. La dernière crise financière a placé les entreprises face à des défis délicats, poussant certaines à pratiquer une optimisation fiscale considérée comme agressive. L’opinion publique s’en est émue tandis que l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) s’attelait à travailler sur un programme qui empêche de tels agissements.
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Elaboré par l’OCDE, le G20 et d’autres Etats – dont la Suisse –, le projet BEPS, composé de quinze actions, veut lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. Des règles communes en matière d’imposition des entreprises ont finalement été arrêtées au début du mois d’octobre 2015. Les pays participants doivent désormais les retranscrire dans leur législation nationale et
permettre ainsi d’éviter que les sociétés «jouent» du manque de coordination entre les Etats pour se soustraire à leurs obligations fiscales. Ces instruments, que la Suisse a d’ailleurs intégrés dans la troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE III), placent tous les pays impliqués dans le projet BEPS sur pied d’égalité («level playing field»). La mauvaise tournure du débat Si la démarche est louable, elle présente cependant un côté un peu malsain. En effet, le besoin croissant de transparence et la jalousie ressentie par quelques-uns face aux succès que rencontrent certains entrepreneurs amènent à condamner – de manière injuste la situation fiscale de ces derniers et les stratégies qu’ils ont choisies pour réduire leur facture d’impôts. Aux yeux de nombreux commentateurs, planification fiscale rime avec évasion fiscale. On donne une image négative de celui qui cherche à optimiser sa charge d’impôts en recourant aux possibilités qui lui sont offertes par les dispositions légales en vigueur en matière de fiscalité ou leurs lacunes. Or toute entreprise intègre la planification fiscale dans son orientation stratégique. Et contrairement à la fraude, par laquelle on se soustrait de façon illicite à des obligations fiscales, l’optimisation consiste à recourir à des procédés et des pratiques tout à fait légaux pour maintenir sa facture d’impôts au strict minimum admis par les diverses
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législations. De l’amalgame fréquent entre ces différentes notions résulte donc un glissement progressif du débat vers la condamnation de toute planification au nom de la moralisation du droit fiscal. Une imposition honnête De l’amalgame fréquent entre la fraude fiscale et l’optimisation résulte un glissement progressif du débat vers la moralisation du droit fiscal.
Les entreprises ne sont pas toutes des tricheuses. Elles font face à des turbulences économiques, se retrouvent confrontées à une bureaucratie croissante et à des règlementations d’une rare complexité. Dans ce contexte chahuté, les sociétés cherchent donc légitimement à développer des activités rentables, mais se retrouvent pourtant «clouées au pilori» parce qu’elles ont pris des mesures de nature à réduire les coûts liés à leur imposition. Il ne faut pas oublier que ces entreprises contribuent, d’une part, à la création de valeur et, d’autre part, à la prospérité de la Suisse.
Le projet BEPS doit dorénavant les accompagner. Il détermine les règles du jeu en matière de fiscalité internationale. Cette première étape franchie, il s’agit maintenant aussi de s’assurer que tous les pays retranscrivent de la même manière, dans leur législation interne, les principes posés par le projet BEPS, y compris dans leur interprétation. Les Etats ont tout à y gagner. Et nul doute que les entreprises y trouveront aussi leur avantage, pour la prospérité de tous.
Anne-Sophie Narbel