Réflexions avant une prochaine réforme fiscale Service d’information
15 février 2017 / no 3125
Service d'information Publication hebdomadaire
N° 3125 – 15 février 2017
Réflexions avant une prochaine réforme fiscale Après le vote négatif sur la troisième réforme de l’imposition des entreprises, il s’agit de préparer rapidement un nouveau projet capable d’intégrer les oppositions les plus virulentes, sans revenir sur les acquis des réformes précédentes et en accordant une place adéquate à l’autonomie fiscale des cantons.
Préparer une nouvelle RIE III sans remettre en cause de la RIE II La troisième réforme de l’imposition des entreprises a connu un échec retentissant dans les urnes. Au lendemain de cette votation, chacun tente d’en tirer quelques conclusions, ce qui est bien normal.
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La première chose à dire est qu’il va falloir préparer un nouveau projet. Celui qui vient d’échouer a été victime, sans doute, d’une argumentation insuffisamment convaincante, mais aussi, en partie, de la stratégie électoraliste d’un parti qui attendait depuis plusieurs années de remporter une victoire devant le peuple – la campagne des opposants a été qualifiée de «populiste» par un journaliste vedette de la Télévision suisse romande. Maintenant que cet épisode est passé, la réforme qui a servi de bouc émissaire doit être remise sur les rails et le Parti socialiste va devoir présenter «son» propre projet… de cadeaux aux multinationales! Gageons qu’il jouera le jeu, car l’appauvrissement de la Suisse n’est pas dans son intérêt, ni d’un point de vue électoral – puisque ses électeurs sont de moins en moins issus des classes modestes –, ni sur le plan politique, car toutes les dépenses sociales sont tributaires des recettes fiscales abondantes issues de la prospérité économique du pays. S’il est trop tôt pour dire à quoi ressemblera le nouveau projet, on peut tout de même déjà
insister sur deux aspects. Le premier est que les travaux doivent aboutir rapidement, pas forcément pour se plier au délai fixé par l’OCDE (janvier 2019), mais parce que les entreprises ont besoin de connaître dans les meilleurs délais le sort qui leur sera réservé. Pour cela, il ne faut pas repartir de zéro, mais plutôt adapter le projet déjà connu. Le second principe qui mérite d’être posé est qu’il ne faut en aucun cas revenir sur les acquis de la précédente réforme (RIE II), dont on a dit beaucoup de mal – à tort! Non seulement la RIE II n’a pas empêché les recettes fiscales de la Confédération de croître régulièrement et abondamment, mais en plus elle a soulagé de nombreuses PME suisses, en luttant notamment contre la double imposition économique et contre certaines entraves fiscales pénalisant les sociétés de personnes. Un travail en amont pour désamorcer les oppositions Pour le reste, toute la difficulté sera de concevoir cette réforme de manière à intégrer et à désamorcer les oppositions les plus virulentes. L’exemple du fonds routier FORTA, sorti gagnant du scrutin de dimanche passé, mérite à cet égard d’être suivi: pour atteindre ce résultat, l’essentiel du travail n’a pas été fourni durant la campagne de votation, mais avant, durant les travaux parlementaires et en amont de ceux-ci, où diverses concessions ont été Suite au verso
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faites afin de transformer progressivement les opposants potentiels en partisans du projet.
Non seulement la RIE II n’a pas empêché les recettes fiscales de la Confédération de croître régulièrement et abondamment, mais en plus elle a soulagé de nombreuses PME suisses.
Cette manière de travailler peut apparaître frustrante, surtout si l’on doit faire des compromis entre de bonnes et de mauvaises options. Mais c’est le prix à payer pour la stabilité du système politique suisse, qui ne s’accommode guère des coups de force qu’une majorité de fortune impose et que la suivante défait. Il faudra y songer pour le nouveau projet de réforme fiscale, mais aussi pour d’autres dossiers futurs tout aussi vitaux, où il conviendra de neutraliser assez tôt certaines oppositions peut-être infondées mais dont le potentiel de nuisance pourrait menacer tout l’édifice, quelle que soit la qualité de ce dernier. Donner la priorité à l’autonomie des cantons Enfin, on veillera à ne pas négliger l’importance du fédéralisme. Les résultats du vote de dimanche, mais aussi l’habileté avec laquelle le canton de Vaud, par exemple, s’était préparé à la réforme, ou encore le fait que les arguments employés pour justifier la RIE III n’ont pas eu partout le même effet, tout cela rappelle à quel point le tissu économique diffère d’un canton à l’autre.
Cela implique, d’une part, que les campagnes de votations ne doivent jamais être conduites de manière centralisée et, d’autre part, que les interventions législatives de la Confédération doivent toujours rester aussi restreintes que possible, en laissant clairement la priorité à l’autonomie cantonale. Ce principe doit être appliqué dans tous les domaines, mais tout particulièrement, en l’occurrence, dans celui de la fiscalité. A-t-on seulement songé que, si la Confédération avait sagement renoncé à prélever un impôt fédéral direct et à «harmoniser» les impôts cantonaux, le dossier RIE III serait probablement refermé depuis longtemps? Pierre-Gabriel Bieri