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/ Le Cercle CitĂŠ
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/ exposition du 10.09 au 09.10.2016 au Cercle CitĂŠ
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introduction
entretiens
Laurianne Bixhain
Patrick Galbats
Daniel Wagener
Roger Wagner
/ cercle5
Christian Aschman
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/ un regard actuel sur la ville
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/ FR / introduction
Le Cercle municipal, lieu de rencontres sociétal et culturel durant cent ans, qui a immuablement vécu les grands événements de la ville et du pays, garde aujourd’hui encore toute sa force d’attraction. Le nouveau complexe Cercle Cité ouvre en 2011 et 5 ans plus tard affirme son rôle de forum incontournable du centre-ville. En nous référant à la géométrie, un nombre infini de cercles existent autour d’un point central. Par extension, le Cercle Cité, entouré de nombreux cercles (sociaux, historiques, naturels etc.), pose un sujet intéressant à exploiter de manière visuelle. L’anniversaire des 5 ans est donc l’occasion de demander à des photographes de travailler sur le thème de cercles et de partager leur regard sur la ville. L’exposition Cercle5 est pensée dans la suite de l’exposition traditionnelle de la Photothèque de la Ville de Luxembourg qui cette année traite le sujet de l’histoire de la place d’Armes et du Cercle, afin de révéler des approches photographiques et images dans un contexte plus actuel. En tant que plateforme culturelle, le Cercle Cité favorise les partenariats et pour cette exposition, le commissariat a été assuré par Anouk Wies pour le Cercle Cité et Michèle Walerich pour le Centre national de l’audiovisuel. Leur choix s’est porté sur 5 photographes de générations et parcours différents dont les approches personnelles offrent une certaine variété et un ensemble de travaux rendant compte en partie de la création photographique contemporaine au Luxembourg. La démarche en vue de l’exposition s’est faite dans une certaine continuité, un processus évolutif, en consultation avec les photographes qui s’est étendu sur un an, plusieurs saisons, des cycles. Si nous discernons aisément l’idée de tournée, de déplacement, les photographes ont chacun leur style propre s’inscrivant dans un contexte original. La réalisation de Christian Aschman crée facilement le lien avec l’exposition de la Photothèque, puisqu’il s’inspire et travaille en partie avec des documents historiques du Cercle tout en questionnant la place de celui qui regarde. L’approche plutôt conceptuelle de Laurianne Bixhain traite de l’idée de la circulation, de la transmission, de la relation entre l’homme et la mécanique, de l’industriel aussi, sans toutefois montrer de personnes directement. Absence de présence humaine également dans le travail de Daniel Wagener, jeune photographe et graphiste, qui se fascine pour l’apparence et la transformation urbaine, en créant une sorte de répertoire visuel personnel de ses déambulations en ville.
6 Quant aux prises de vue de Patrick Galbats, elles se concentrent sur les gens, la population de toutes origines (tous cercles) du centre-ville, la photographie de rue pour laquelle il est toujours à l’affût du bon moment, de la parfaite lumière. Roger Wagner réalise pour ce nouveau projet un assemblage qui rend visibles des aspects évocateurs de notre société, des endroits surprenants à Luxembourg formant des points de constellation, en cercle, autour du Cercle Cité. A travers les cinq regards d’auteurs contemporains, Cercle5 nous livre des reflets de notre entourage et met en lumière la diversité et richesse du paysage urbain actuel pour nous plonger dans des ambiances entre questionnement et contemplation.
/ EN The Cercle municipal, hosting societal and cultural gatherings for one hundred years, that has steadfastly been the backdrop to the city and country’s major events, remains just as appealing as ever. The new complex Cercle Cité opened in 2011 and is now 5 years later confirming its role as a major forum for the city centre. With reference to geometry, an infinite number of circles exist around a central point. By extension, the Cercle Cité, surrounded by many circles (social, historical, natural etc.), formulates a subject to exploit visually. The 5-year anniversary is therefore an opportunity to ask photographers to work on the theme of circles and to share their view of the city. The Cercle5 exhibition was conceived in liaison with the traditional exhibition by the Photothèque of the City of Luxembourg that this year is covering the subject of the history of the Place d’Armes and the Cercle, so as to unveil photographic approaches and images in a more contemporary context.
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/ introduction
As a cultural platform, the Cercle Cité fosters partnerships and for this exhibition, the curators are Anouk Wies for the Cercle Cité and Michèle Walerich for the Centre national de l’audiovisuel. They selected 5 photographers from different generations and career paths whose personal approaches provide a variety and a body of work in part reflecting contemporary photographic creation in Luxembourg. The approach regarding the exhibition is very much a degree of continuity or an evolving process in consultation with the photographers spanning a year, several seasons and cycles. If the idea of a tour or of movement is easily identifiable, the photographers each have their own style within an original context. Christian Aschman’s accomplishment links naturally with the Photothèque exhibition, since he is inspired by and partly works with the historical documents from the Cercle whilst questioning the place of the person looking. Laurianne Bixhain’s rather conceptual approach is about the idea of circulation, transmission, the relationship between man and mechanics, industry too, without however showing people directly. There is also an absence of human presence in the work of Daniel Wagener, a young photographer and graphic designer, intrigued by appearance and urban transformation, creating a personal visual repertoire of his wanderings in the city. As for the shots by Patrick Galbats, they focus on people, the population of all backgrounds (all circles) of the city centre, street photography for which he is always on the lookout for the right moment, the perfect light. For this new project Roger Wagner produces a composition rendering visible the evocative aspects of our society, surprising places in Luxembourg forming constellation points, in a circle around the Cercle Cité. Through the five perspectives by contemporary authors, Cercle5 reveals reflections of our surroundings and highlights the diversity and complexity of the contemporary urban landscape immersing us in environments between questioning and contemplation.
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/ entretiens
/ entretiens
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/ FR
/ Christian Aschman
/ Ces derniers mois, tu as fait de longues recherches dans les archives photographiques, à la Photothèque notamment. On y trouve d’ailleurs des images marquantes de Luxembourg par Camille et Pol Aschman. Un héritage formel et visuel avec lequel tu t’identifies ?
C’est surtout la personnalité de Pol Aschman qui m’a toujours fasciné, car au moment où j’ai commencé mes études de photographie, je connaissais très peu son travail. C’est en consultant ses archives il y a une dizaine d’années que j’ai réellement découvert sont travail et sa personne. Je ne pense pas qu’il y ait un héritage formel et visuel dans mon travail, le lien se fait plutôt par les sujets. Camille et Pol Aschman ont beaucoup photographié des sites industriels et de l’architecture. Tous deux réalisaient également un travail d’édition et d’illustration de leurs publications. /
La mode et le travail pour des marques commerciales ont été des vecteurs importants
dans ton travail. Quels sont tes centres d’intérêt et ton approche à présent ?
Déjà dans les photographies de mode et dans les commandes commerciales, j’ai cherché à exprimer ma part de personnalité. La ville et l’espace urbain y ont toujours été très présents, que ce soit dans les repérages de lieux pour la mode ou dans les sujets mêmes. Je ne cherche pas particulièrement à prendre de la distance avec la mode ou autre, j’essaye de montrer davantage mon travail personnel, sous forme de livres ou d’expositions.
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La retouche ou modification de l’image est aujourd’hui
/ Dans tes photographies on ne voit presque pas de gens.
facile et omniprésente dans la communication. Dans tes
As-tu souhaité changer avec le travail pour Cercle5, en adop-
recherches de cartes postales au sujet du Cercle municipal,
tant une manière plus spontanée, suscitant éventuellement
tu as été frappé par une image reproduite accidentellement
une narration ou plutôt de la contemplation ?
en miroir. Quelle est ta position par rapport à la manipulation d’image par l’artiste ?
/ Dans ton travail, tu ne mets pas forcément un sujet en avant, on dirait que tu te concentres plus sur le cadrage que sur l’objet en tant que tel. Quel importance attribues-tu à la recherche graphique ?
Il arrive en effet très souvent qu’il n’y ait pas de sujets ou d’objets dominants dans mes images, que le regard se balade et cherche à deviner ce que je veux montrer. La plupart du temps l’objet devient alors ce vide, une zone lumineuse, un retour de lumière. Mon travail est surtout une recherche autour du cadre et de la surface plutôt qu’un travail purement graphique. Ces espaces racontent des histoires, des espaces hors-champs, il s’est passé quelque chose ou quelque chose va arriver.
/ Est-ce que ton travail, à l’instar de ton livre « The space in Between », exprime une certaine recherche sur l’espace voire les espaces qui t’entourent mais aussi une réflexion dès le départ quant à la reproduction sur papier ?
Ce qui m’intéresse particulièrement c’est l’espace urbain, l’espace urbain comme surface, l’espace qui nous entoure, l’espace qui est le reflet de notre societé, de notre personnalité. L’espace entre les personnes, la question de la place de celui qui regarde. L’espace-temps aussi, ce moment de vide entre ce qui a été et ce qui va venir. Ensuite vient le travail sur la mise en espace de ces images, que ce soit un lieu d’exposition ou l’espace d’un livre. Il n’y a pas de réflexion au départ.
/ entretiens / Christian aschman
Dans mon travail personnel la retouche et la transformation numérique sont quasiment absentes. J’ai besoin de ressentir la réalité, le vrai. Souvent quand je vois des photos composées de toutes pièces ou trop retouchées, je ressens une sorte de froideur qui s’en dégage et elles ne me touchent pas. Comme s’il y avait une distance entre elles et moi. Je suis assez puriste et me sens plus proche de la photographie classique. En photographie de mode, j’utilise la retouche numérique, mais toujours en respectant une certaine limite, en restant au plus près de la réalité sans la transformer. En publicité la retouche et la transformation d’images sont beaucoup plus présentes car, selon le concept, les images doivent être créées ou composées artificiellement.
Pour moi, c’est un travail de contemplation et de narration. J’observe en silence et dans le cas d’une présence humaine, on se retrouve souvent face à une mise en abyme, la personne regarde elle-même vers un espace. Chaque image suscite sa propre narration, comme extraite d’une séquence d’un film. La juxtaposition d’images très différentes les unes des autres va créer sa propre histoire. Je ne cherche pas à donner ou à raconter une histoire dans laquelle je dirige le lecteur. Dans le cas des portraits, c’est la personne qui va être le sujet et l’environnement un moyen d’ancrer la personne dans le cadre.
12 / Selon quels critères optes-tu pour le digital plutôt que pour l’analogique ?
Pour mes commandes commerciales, je travaille aujourd’hui exclusivement en digital et cela surtout pour des raisons pratiques et de rapidité. Pour mon projet « The space in Between » j’ai opté pour le numérique pour tout ce qui était photo urbaine et l’analogique pour tout ce qui était élements d’architecture, des sujets plus graphiques que j’ai exclusivement photographiés en noir et blanc. Au Japon l’analogique reste très présent et depuis ma résidence d’artiste à Tokyo j’ai eu envie de le réutiliser, conscient de l’attention différente à avoir lors de mes prises de vue. Ce temps d’attente entre le moment de la prise de vue et la visualisation de l’image m’intéresse beaucoup. / Ton inspiration vient d’artistes en particulier ?
Je suis très souvent inspiré par la peinture et le collage. En photographie, ce sont les travaux par exemple de Robert Frank, Lee Friedlander, Lucien Hervé, Aglaia Konrad, ou Wolfgand Tillmans qui m’inspirent. Pour cette exposition, mon travail prend la forme de composition en trois tableaux, entre un choix de photos du Cercle existantes et mes propres prises de vues depuis le « regard » du bâtiment du Cercle. En quelque sorte une inversion ou une réponse visuelle par rapport au point de vue classique et récurrent des images touristiques. Le nombre 3 m’a par ailleurs marqué lors de mes recherches. Nombre fondamental et à grande teneur symbolique, on le retrouve précisément sur la façade du bâtiment, avec ses arcades et portes. Le nombre symbolise aussi le pouvoir, exprime l’achèvement, l’idée de groupe et d’harmonie. Sans vouloir suivre de règles de chronologie ou de hiérarchie, le triptyque permet ici de composer avec le temps, avec des images appartenant à différentes époques et de les agencer à l’intérieur de ces trois espaces qui forment un ensemble. L’intégration d’une carte postale, trouvée lors de mes recherches, sur laquelle une erreur d’impression s’est infiltrée, apporte une certaine perturbation et joue sur l’inversion et la manipulation visuelle. Mais je voulais surtout laisser une très grande liberté au spectateur de se positionner lui-même par rapport à la question de point de vue et de la place de celui qui regarde.
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/ EN / Over the last few months you have conducted extensive research in the photographic archives, in particular at the Photothèque. There are indeed striking images of Luxembourg there by Camille and Pol Aschman. Do you identify with this formal and visual heritage?
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Fashion and working for commercial brands were
important channels in your work. What interests you and what is your approach at the moment?
Already in the fashion photographs and commercial work, I sought to express part of my personality. Cities and urban space have always played a role, whether when location scouting for fashion shots or the very subject. I do not particularly want to distance myself from fashion or anything else, I am trying to show my personal work more, in the form of books or exhibitions.
/ entretiens / Christian aschman
More than anything Pol Aschman’s personality has always fascinated me, as when I began studying photography, I barely knew his work. I really discovered his work and him as a person whilst looking at his archives around ten years ago. I don’t think there is a formal and visual heritage in my work, the link is more through the subjects. Camille and Pol Aschman photographed many industrial sites and architecture. They both also carried out the editorial work and illustration of their publications.
14 / Image editing or modification is very easy these days and ubiquitous in communication. In your research on postcards about the Cercle, you were struck by a mirror image. What is your stance regarding image manipulation by artists?
I virtually never use digital editing and transformation in my personal work. I need to feel reality, the truth. Often when I see photos that have been invented or over-edited, I feel a sort of coldness radiating from it and they do not move me. As if there was some distance between me and them. I am quite a purist and feel closer to classical photography. In fashion photography, I use digital editing, but always respecting a certain limit, by remaining as close as possible to reality without changing it. In advertising, editing and the image transformation have a much larger presence as, according to the concept, the images have to be created or comprised artificially. In your work, you do not bring a subject to the forefront, it seems that you focus more on the framing than on the object itself. What importance do you attribute to graphic research?
In fact very often there are no dominant subjects or objects in my images, the viewer’s gaze moves around trying to fathom what I want to show. Most of the time the object then becomes this empty space, a bright area, a return to light. My work is above all research on the frame and the surface rather than purely graphic work. These spaces tell stories, unknown spaces, where something has happened or something is going to happen. You almost never see anyone in your photographs. Did you want to change with the work for Cercle5, by adopting a more spontaneous style, sometimes generating narration or rather contemplation?
For me, it is a work of contemplation and narration. I observe silently and in the case of human presence, we are often looking at a “mise en abyme�, the person is self-focused towards an area. Each image triggers its own narration, like an extract from a film sequence. The juxtaposition of images that are very different from one another creates its own story. I am not seeking to give or tell a story in which I lead the observer. As regards portraits, the person will be the subject and the environment is a way of rooting the person in the frame.
15 Does your work, like your book “The space in Between”, express research on the space or even the spaces that surround you but also a reflection at the outset regarding the reproduction, on paper?
What interests me in particular is urban space, urban space as a surface, the space that surrounds us, the space that reflects our society and our personality. The space between people, the question of the place of the person looking. Space and time too, this moment of emptiness between what has been and what is yet to come. Then the work on the layout of these images follows, whether an exhibition venue or the space in a book. There is no reflection at the start.
analogue?
For commercial commissions, I now work exclusively with digital for practical reasons and speed. For my project “The space in Between” I opted for digital for any urban photos and analogue for any architectural elements, more graphic subjects that I photographed exclusively in black and white. In Japan analogue is still very present and since my artist residency in Tokyo I wanted to use it again, mindful of the different approach required during my shots. This waiting time between the moment of the shot and viewing the image interests me greatly. Do any particular artists inspire you?
I am very often inspired by painting and collage. In photography, work by for example Robert Frank, Lee Friedlander, Lucien Hervé, Aglaia Konrad and Wolfgang Tillmans inspires me. For this exhibition, my work is composed of three pictures, between a choice of exist-
/ entretiens / Christian aschman
What criteria do you use to opt for digital rather than
ing photos of the Cercle and my own shots from the “eyes” of the Cercle building. It is a reversal of sorts or a visual response in terms of the classic and recurring perspective of touristic shots. The number 3 has also marked me during my research. It is a fundamental number and highly symbolic. It can be found on the façade of the building, with its archways and doors. The number also symbolises power, expresses completion, the idea of group and of harmony. Without wanting to follow any chronological or hierarchical rules, the triptych format here enables the composition to take shape over time, with images belonging to different periods laid out within these three spaces that form an ensemble. The integration of a postcard, found during my research, on which there is a printing error, lends an element of disruption and plays on reversal and visual manipulation. Above all I wanted to give viewers the freedom to position themselves with regard to the question of viewing point and the position of the person looking.
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/ FR
/ Laurianne Bixhain
La ville, la mobilité et les moyens de transport, sont des sujets récurrents dans ton tra-
vail, que tu développes souvent au cours de tes voyages et résidences d’artiste. En réponse à la commande Cercle5 et dans la suite de cette approche, « M » trace un périmètre plus large avec un travail réalisé lors d’un séjour de recherche à Manchester en mars 2016. Tu y explores différents lieux : un garage de mécanique, un labo photo, une usine de textile, qui se rencontrent dans une conversation visuelle. Quelle est ta démarche ?
Je joue avec les noms des villes, les associations que l’on peut faire, sans vouloir les représenter, sans non plus que l’on puisse forcément les reconnaître. Le travail « lllumination is the new interior sensation » (2015) par exemple, est une série d’images composée de photographies prises à Istanbul, Chicago et Athènes. Ce sont à chaque fois des détails architecturaux, des objets ou des éléments très précis, un peu comme des images de films dont on se rappelle, mais que l’on n’arrive plus très bien à situer. De la même manière, « M » n’est pas non plus un travail documentaire à proprement parler. J’y ai photographié un labo photo dans un centre d’affaires à la périphérie de la ville, des garages, des ordinateurs, des bouts de voitures rapiécés, le sigle d’une marque et des pare-brise de voitures, la tour la plus haute de la ville vue depuis
17 la tour d’eau d’une ancienne fabrique de coton, un chantier dans le quartier Media City, des éléments architecturaux le long de viaducs, des tunnels, des arcs, des travées, des enseignes, des écrans, des vidéos de surveillance, des palissades de chantier, une presqu’île, etc. – mais finalement cela pourrait être ailleurs ou bien être de l’ordre d’une invention de ma part. C’est cette sensation que j’aimerais recréer : partir de noms de villes et se perdre un peu, pour celui qui regarde. / Des plans rapprochés faits de machines et d’ustensiles reflètent un intérêt pour l’étude des qualités tactiles du monde : géométries et architectures, surfaces et textures, le sens pour la composition et le traitement de la lumière. d’échelle des tirages dans l’espace. « M » évoque une diversité de thématiques : agglomérations, histoire du lieu, monde du travail, le temps et le processus même de la photographie. Comment vois-tu cette conversation entre la recherche formelle et les sujets évoqués ? Comment relates-tu cette expérience au contexte de Cercle5 ?
Par rapport au thème qui était donné, ce qui m’a intéressé était d’explorer de quoi les villes sont faites. Quelle est l’influence des outils que l’on emploie pour construire les choses ? Comment vont-ils influencer l’apparence des villes ? Par exemple un bâtiment qui est conçu par ordinateur, va-t-il finalement ressembler plus à une image de synthèse qu’un bâtiment qui a un vécu et qui a servi ? Aujourd’hui, il n’y a plus vraiment de production industrielle à Manchester. Les voitures mises en vente par le garage que j’ai visité, sont assemblées de mille bouts de voitures accidentées ou recyclées. Le bâtiment du Cercle est un peu comme un bateau, tellement large, toutes les pièces sont imbriquées les unes dans les autres, avec plein de passages. Il est difficile de comprendre tout de suite, comment les différentes fonctionnalités du bâtiment sont
/
« M » comme… (…Manchester, Metropolis, Mobilité,
Mécanique, Moteur, voyage Mental)?
Je m’intéresse à évoquer tout un imaginaire qui est associé aux villes. « M » comme « Alphaville », de Jean Luc Godard, tourné à Paris, mais qui joue dans une galaxie, sur une autre planète ; on reconnaît des villes existantes et en même temps on n’est pas sûr de savoir où on est exactement. « M » comme une ville anonyme, comme si l’on n’osait pas prononcer son nom, comme un point d’interrogation, comme un code, évocateur de plein de choses différentes. « M » aussi comme un clin d’œil au film « M – Eine Stadt sucht einen Mörder » (1931) de Fritz Lang, qui parle d’un meurtrier terrorisant toute la ville, reconnaissable de par sa petite mélodie. /
Pour « M » tu expérimentes la prise de vue analogique,
tu travailles en noir et blanc, tu portes un soin particulier à la dynamique des supports, aux tirages et leur matérialité (« il me plait de montrer la texture, le mouvement et la tension du papier nu »). Comment signifies-tu le lien entre la photographie analogique et ses procédés, entre l’image et la technique ?
« M » est en effet un projet un peu différent, dans le sens où j’ai changé d’outil, en utilisant un appareil photo argentique. L’idée était de casser une certaine habitude de travail ou même de visionnage, de se détacher de l’écran et de se demander comment ces voitures, ou ces villes avec leurs bâtiments sont construites. Je réfléchis aussi comment mes images à moi sont fabriquées. Le fait de retourner à un procédé mécanique ou chimique, trouve une résonance avec le sujet que je photographie.
/ entretiens / laurianne bixhain
Cette matérialité se trouve encore magnifiée par les jeux
articulées entre elles. C’est aussi une sorte de « Frankenstein », où des pièces ont été rajoutées au fur et à mesure.
18 J’aime bien le rappel à la technicité de l’image, le rôle essentiel que la technique joue dans ce processus. Fabriquer une image, c’est employer des machines, passer par des appareils pour atteindre un certain résultat. J’aime bien le va-et-vient entre le fait de photographier et ce que l’on reconnaît sur l’image, entre des matériaux et un procédé très technique, quelque chose d’un peu abstrait, mais en même temps quelque chose de très concret.
Les ordinateurs mourront. Ils périssent sous leur forme actuelle. Une boîte, un écran, un clavier, ils se fondent dans la vie de tous les jours. N’ai-je pas raison? Même le mot ordinateur sonne stupide et vieillot. David Cronenberg (« Cosmopolis », 2012)
/ D’où vient ton intérêt pour la mobilité, les voitures ?
/
/ EN
Le nom du garage que j’ai photographié est « Specialist in vehicle body repair work ». J’aimais bien ce que la notion de « véhicule » pouvait évoquer dans ce contexte : un contenant pour transporter un corps, mais aussi un support pour véhiculer une pensée. Par rapport à la mobilité, elle peut être perçue comme quelque chose de positif, le fait de pouvoir se mouvoir librement et en même temps c’est quelque chose qui est réservé à certaines personnes et qui exclut d’autres. Quelles sont les auteurs qui t’influencent ? / Cities, mobility and means of transport are recur-
En concevant ce travail, j’ai beaucoup regardé le travail de Hannah Collins, j’ai découvert un projet de Mohamed Bourouissa et j’ai été très attirée par le travail « Choco » de Stephanie Kiwitt. Quelques films : « Europa » de Lars von Trier, « Cosmopolis » de David Cronenberg, « Brussels Transit » de Samy Szlingerbaum, « Leçons de ténèbres » de Vincent Dieutre, « The Belly of an Architect » de Peter Greenaway. Et quelques livres: « Mann ist Mann » de Bertold Brecht, « Dead Cities » de Mike Davis. Les gens ne mourront pas. N’est-ce pas le credo de la nouvelle culture ? Les gens seront absorbés par de véritables torrents d’information. Je n’y connaît absolument rien.
ring themes in your work that is often developed whilst travelling or during an artist residency. In response to the Cercle5 commission and further elaborating this approach, “M” spreads the net wider with work accomplished during a research trip to Manchester in March 2016. You explore different places: a mechanic’s garage, a photo lab and a textile factory that communicate visually together. What is your approach?
I play around with the names of the towns, making combinations, without wishing to represent them, without them necessarily being recognisable. The work “lllumination is the new interior sensation” (2015) for example, is a series of images formed of photographs taken in Istanbul, Chicago and Athens. These are in each and every case architectural de-
19 tails, or very precise objects or components, a bit like film images that you can remember, but that you can no longer situate very easily. In the same way, “M” is not strictly speaking documentary work either. I photographed a photo lab in Manchester in a business park in the outskirts of the city, garages, computers, bits of patched cars, the brand emblem and windscreens of cars, the highest tower of the city seen from the water tower of a former cotton factory, a building site in the Media City district, architectural details along the overhead railway, tunnels, arches, spans, signs, screen, surveillance videos, building site fences, a peninsula etc. – however it could be anywhere and everywhere or be an invention on my part. That is the sensation that I would like to recreate, to give the names of the cities and for those looking at them to become a little lost. / Close shots of machines and utensils reflect an interest in studying the tactile qualities of the world: geometry and architecture, surfaces and textures, the meaning in terms of the composition and the light processing. This materiality is magnified further by the play on of places, the world of work, time and the photography process itself. How do you view this conversation between the formal research and the subjects evoked? How do you document this experience in the context of Cercle5?
In relation to the given theme, what interested me was to explore what towns are made of and the influence of the tools that are used to build things. How will they influence the appearance of the towns? For example, will a building that is calculated by computer eventually resemble a digital image more than a building that has a background and has been used. Today, there is no longer really any industrial production in Manchester. The cars on sale at the garage I visited are made from thousands of bits of damaged or recycled cars. The Cercle building is a bit like a boat, so broad, all the rooms are interdependent on each other, with many corridors. It is hard to comprehend at first how the different functions of the building fit together. It is also a “Frankenstein” of sorts, where pieces were gradually added. /
“M” for…(…Manchester, Metropolis, Mobility, Mechanic, Motor, Mental journey)?
I am interested in referring to a world of imagination associated with towns. “M” for “Alphaville”, by Jean Luc Godard, filmed in Paris, but it takes place in a Galaxy, on another planet, towns that exist are recognised and at the same time it is not clear where we are exactly. “M” for an anonymous town, as if too risky to pronounce its name, like a question mark, like a code, evocative of many different things.
/ entretiens / laurianne bixhain
scale of the prints in the space. “M” evokes a diversity of themes: urban areas, the history
20 “M – Eine Stadt sucht einen Mörder” (1931) by Fritz Lang, about a murderer who terrorizes the whole town, unmistakeable by its melody.
able to move freely, and at the same time it is something reserved for a certain group of people, excluding others. /
/
working in black and white and paying particular attention to the dynamic of the supports, the prints and their materiality (“I like to show the texture, movement and tension of the bare paper”). How do you represent the link between analogue photography and its processes, between image and technique?
“M” is indeed a little different in terms of projects in the sense that I changed tools, by using a film camera. The idea was to break with a certain work or even viewing habit, to break away from the screen and to ask how these cars, or these towns with their buildings are built. I also consider how my own images are made. Going back to a mechanical and chemical process resonates with the subject that I am photographing. I like the recall of the technical nature of image, the essential role that technique plays in this process. Image making requires the use of machines, resorts to machines to attain a certain result. I like the back and forth between taking a photograph, and what we recognize on the image, materials and a very technical process, something a little abstract, but at the same time something very concrete. /
Which authors influence you?
For “M” you experiment with analogue photography,
Where does your interest for mobility, for cars come
from?
The name of the garage that I photographed is “Specialist in vehicle Body repair work”. I really liked what the notion of “vehicle” could evoke in this context: a container to transport a body, but also a support to convey a thought. In relation to mobility, it can be perceived as something positive, being
In putting together this work I looked at work by Hannah Collins a lot, I saw a project by Mohamed Bourouissa, I am very drawn to the work “Choco” by Stephanie Kiwitt. Several films: “Europa” by Lars von Trier, “Cosmopolis” by David Cronenberg, “Brussels Transit” by Samy Szlingerbaum, “Leçons de ténèbres” by Vincent Dieutre, “The Belly of an Architect” by Peter Greenaway. And several books: “Mann ist Mann” (Man Equals Man) by Bertold Brecht and “Dead Cities” by Mike Davis. People will not die. Isn’t this the creed of the new culture ? People will be absorbed in streams of information. I know nothing about this. Computers will die. They are dying in their present form. A box, a screen, a keyboard, they are melting into the texture of everyday life. Is this true or not ? Even the word computer sounds backward and dumb. David Cronenberg (“Cosmopolis”, 2012)
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/ FR
/ Patrick Galbats
« Out of office » s’intéresse aux flux de la ville, et capte la présence humaine : gens des
bureaux, du monde de la finance, étudiants, retraités, touristes, ouvriers, enfants, flâneurs… « Out of office » introduit une tension intéressante entre présence et absence. Quelle a été ton approche ? Comment te positionnes-tu ?
Le titre « Out of office » fait allusion aux réponses automatiques de ces logiciels de courrier électronique, lorsqu’une personne s’absente de son bureau. Désormais aujourd’hui, les bureaux ne sont plus des espaces individuels, mais des grandes plateformes ouvertes avec une vingtaine de bureaux ou plus. Certains vont même plus loin et obligent leurs employés, chaque fois qu’ils quittent le travail, de ranger l’espace qu’ils ont occupé. Ici les bureaux individualisés n’existent plus. On pourrait l’appeler la politique du « clean desk ». Indépendamment du genre de bureau que ces gens occupent, ils travaillent énormément, parfois quatorze heures par jour. En les observant dehors, soit pendant une courte pause de midi ou le soir quand ils vont vers la gare pour prendre leur train, je remarque souvent une absence sur leur visage. Mes sujets photographiés se déplacent en ville, sans vraiment y être. D’après moi, ils sont toujours en train de travailler, ou en pensées chez leurs proches. Le fait que je ne photographie pas uniquement des gens de bureau, mais aussi des retraités, des jeunes où des personnes faisant leurs courses en ville, est dû à mon désir de confronter différents « mondes » en une seule et même série. Le Luxembourg a une population étrangère de 45% et Luxembourg-ville se rapproche des 70 % sans compter les non-résidents. J’essaie également de montrer que nous vivons plutôt l’un à côté de l’autre, chacun dans sa bulle. Je ne vois pas que nous vivons réellement ensemble.
/ entretiens / patrick Galbats
Une marée de visages, d’attitudes et d’histoires sur fond de façades. Le titre de la série
22 / Souvent, le cadre dans lequel évoluent tes personnages
/ Tu as choisi de travailler en noir et blanc, la lumière
est littéralement celui d’un contexte en transition, de chan-
directe est essentielle dans la mise en œuvre, la composi-
tier, où les choses se construisent, se déconstruisent. Une
tion et le cadrage de tes images. Tu photographies souvent
société en mouvement dans un cadre changeant ?
aux heures dorées, qui correspond – selon la saison – au moment de la journée où les flux sont au pic. Peux-tu nous
Le pays veut refaire son image par le « nation branding ». Pour moi ce n’est que coller une nouvelle étiquette sur un vieux produit. Malgré mon pessimisme, manifestement le Luxembourg est en train de changer, au moins sa façade. Les innombrables chantiers au centre-ville sont pour moi une parfaite métaphore pour illustrer la volonté d’un pays de se reconstruire. On démolit pour reconstruire ce qui existe déjà, des banques, des bureaux et des lieux de consommation. Outre la valeur métaphorique des chantiers, je leur donne également une grande importance parce que je les trouve simplement très photogéniques et ils renforcent le contraste entre les personnes avec leur vie intériorisée et le chaos extérieur. /
« Out of office » révèle aussi une certaine typologie, un
arrêt sur le vif d’une société contemporaine. En regardant tes images, on pense évidemment à des auteurs comme Walker Evans, Garry Winogrand ou encore Philip-Lorca diCorcia, figures majeures qui ont pratiqué la photographie de rue. Quels sont les auteurs qui t’influencent ?
Walker Evans est l’incontournable référence pour la photographie comme Marcel Duchamp l’est pour l’art conceptuel. À la fin des années vingt, quand Evans a commencé à photographier, il travaillait comme gardien de nuit pour pouvoir photographier en journée. Avec un boîtier Leica et un objectif 35 mm, il a réussi à capter le « rush » des heures de pointe, le New-York cosmopolite et un monde accentué sur l’argent et le commerce. Le court métrage « Manhatta » (1921) de Paul Strand et de Charles Sheeler, m’a également marqué pour ma série « Out of office ». Pour moi, il y a tout dans ce film, ce que nous pouvons observer de nos jours à Luxembourg-ville ou ailleurs.
dire un peu plus sur ces choix ‘stylistiques’ ?
Mon dernier vrai travail personnel réalisé en noir et blanc remonte à 2003, c’était la série « Edicius » (suicide à l’envers) sur les toxicomanes de la gare de Luxembourg. Il y a deux ans environ, j'ai de nouveau eu envie de de travailler sans couleur. Les photos pour « Out of office » ont été réalisées en semaine, parfois pendant mes déplacements entre deux rendez-vous pour l’hebdomadaire « d’Land », dans ma pause de midi ou en début de soirée, quand les gens rentrent chez eux. Puisque le « Land » continue à publier les photographies en noir et blanc, je continue aussi à voir le monde en noir et blanc pendant les jours que je travaille pour eux. « Out of office » a été photographié de manière rapide, pour la majorité des images je n’ai pas utilisé le viseur et je me suis déplacé presque aussi vite que les personnes photographiées. Ce mode opératoire ne me laissait pas vraiment le temps de me concentrer en plus sur la couleur. Finalement je n’y vois pas d’intérêt non plus pour ce projet. Il m'importe plus de montrer des détails tels que les nombreux gens collés à leur téléphone portable en attendant ou en marchant dans la rue, leur tenue, l’élan avec lequel ils se déplacent et l’expression sur leur visage. Concernant la lumière, je crois qu’en photographie, le flash ne fait que remplacer ou imiter la lumière de soleil directe. Même si j’admire l’audace et certaines photographies de Bruce Gilden, je ne pourrais pas travailler de cette manière agressive. Je préfère attendre qu’une situation se produise naturellement. Le fait qu’il y ait beaucoup de lumière m’a permis d’utiliser des temps de pose rapide – puisque moi-même je suis en
23 mouvement pendant la prise de vue – et de fermer le diaphragme de mon objectif pour avoir une plus grande profondeur de champs. La lumière directe crée une image fortement contrastée et des ombres dures, c’est des composantes dont je me sers pour construire mes images. / Ton travail varie entre des commandes éditoriales et des projets sur le long terme comme p. ex. ton travail personnel actuel en Hongrie et la série « Le nouveau paysage familial » (2007). Comment approches-tu les différents contextes de travail, comment se construit la narration
/ EN
entre la série versus l’image singulière de presse.
/
“Out of office” revolves around flows within the city,
and captures human presence: office workers, people from the world of finance, students, the retired, tourists, children, workers and strollers… A tide of faces, demeanours and stories is depicted against a backdrop of façades. The title “Out of office” introduces an interesting tension between presence and absence throughout the series. What was your approach and how do you position yourself?
The title “Out of office” alludes to the automated out of office responses generated by email software. Today offices are no longer individual spaces, but large, open floors with twenty or so desks or more. Some take it even further and force their employees to clear the space that they have occupied each time that they leave work. Separate offices no longer exist here. There is what is known as a “clean desk” policy. Regardless of the type of office that these people occupy, they work very hard, sometimes fourteen hours a day. Observing them outside, either during a short lunch break or in the evening as they head towards the station to take their train, I often notice that their faces appear vacant. The subjects that I photograph move around the city, without really being present. As I see it, they are still working, or thinking of those close to them.
/ entretiens / patrick Galbats
Les photos que je fais pour la presse peuvent être illustratives, narratives ou même parfois poétiques, mais elles doivent surtout rester journalistiques. Le photographe doit fournir des images d’une personne, d’un moment ou d’un lieu précis et cela doit toujours coller plus ou moins avec le texte écrit par quelqu’un d’autre. S’il s’agit de couvrir une manifestation, mon travail s'avère simple, parce que ces gens sont venus exprès pour être vus et entendus. C’est pareil pour des rendez-vous politiques. Il me reste seulement à chercher un angle de vue qui se démarque et de photographier assez vite pour créer des images insolites. Dans mon travail personnel, le sujet est souvent inspiré par mes lectures ou bien une rencontre. Que le sujet soit d’actualité ou non, ce qui m’importe c’est qu’il me parle, et qu’à mon tour, je sois interpellé par son potentiel narratif. Garry Winogrand s’interrogeait « à quoi ressemblent les choses quand elles sont photographiées ».
24 The fact that I do not photograph office workers uniquely, but also the retired, young people or people shopping in town, is because of my desire to confront different “worlds” in one single series. 45% of the population of Luxembourg is foreign and almost 70% in the city of Luxembourg not including non-residents. I also try to show that we live alongside each other; everyone in their own bubble. I do not see us really living together. / Often the framework in which your characters evolve is literally a context in transition, of construction, where things are constructed or deconstructed, a transient society in a changing framework?
The country wants to change its image through “nation branding”. To me this is just sticking a new label on an old product. In spite of my pessimism, Luxembourg is clearly changing, or at least its façade is. The numerous building sites in the city centre are for me a perfect metaphor to illustrate the determination of a city to be rebuilt. Demolishing takes place to rebuild what already exists, banks, offices and places for consumption. In addition to the metaphorical value of the building sites, I also place great importance on them because I simply find them very photogenic and they reiterate the contrast between the people internalising their lives and the external chaos. /
“Out of office” also reveals a certain typology, a captured moment of a contemporary
society. Looking at your images, we think of authors such as Walker Evans, Garry Winogrand or even Philip-Lorca diCorcia, representative figures photographing in the streets. Which authors influence you?
Walker Evans is my key reference for photography, as is Marcel Duchamp for conceptual art. At the end of the twenties, when Evans began to photograph, he worked as a night guard in order to photograph during the day. With a Leica and a 35 mm lens, he succeeded in capturing the “rush” during rush hour, cosmopolitan New York and a world focused on money and business. The short film “Manhatta” (1921) by Paul Strand and Charles Sheeler also made an impression on me for my series “Out of office”. For me this film encompasses everything. This can also be observed now in the city of Luxembourg or elsewhere.
25 /
You chose to work in black and white and the light is
/
Your work varies between editorial commissions and
long-term projects like for example your current person-
compose. You often photograph in the golden hours, that
al work in Hungary and the work ”Le nouveau paysage
correspond – according to the season – to the time of day
familial” exhibited in 2007. How do you approach different
when the flows are at their peak. Can you tell us a little
work contexts, how does the narrative develop between the
more about these stylistic choices?
construction of a series versus a singular press image?
My last real personal work in black and white already goes back to 2003 with the series “Edicius” (suicide backwards) about the drug addicts at Luxembourg station. A couple of years ago, I wanted to work without colour again. The photos for “Out of office” were produced in the week, sometimes whilst moving between two meetings for the weekly “Land”, during my lunch break or at the start of the evening, when people are returning home. Since “Land” continues to publish photographs in black and white, I also continue seeing the world in black and white. “Out of office” was photographed rapidly, I didn’t use the viewfinder for the majority of the images and I moved almost as quickly as the people photographed. This method of operating didn’t really leave me time to focus on colour in addition. Ultimately I cannot see its value to this project either. It is more important to me to show details such as the numerous people busy on their mobiles whilst waiting or walking in the street, their behaviour, the momentum with which they move and the expression on their face. Regarding the light, I think that in photography, the flash merely replaces or imitates direct sunlight. Even if I admire the audacity and certain photographs by Bruce Gilden, I couldn’t work in this aggressive way. I prefer for a situation to materialise naturally. The fact that there is a lot of light enabled me to use a fast shutter speed – as I am moving myself during the shooting – and to close my lens iris opening to have a greater depth of field. Direct light creates a sharply contrasting image and harsh shadows, components that I use to construct my images.
The photos that I produce for the press may be illustrative, narrative or sometimes even poetic, but they must above all remain journalistic. The photographer is requested to take pictures of someone, of a moment or a precise place and it must always gel more or less with the text written by someone else. It is simple if my work is to cover a street protest because these people have come expressly to be seen and heard. It is the same for political events. All that remains is to find a unique perspective and to photograph quite quickly to create unusual pictures. In my personal work, the subject is often inspired by what I have read or who I have met. Whether the subject is topical or not, it is important that it speaks to me, and that in turn, I am attracted by its narrative potential. Garry Winogrand questioned “what things look like when they are photographed”.
/ entretiens / patrick Galbats
implemented like a component with which you frame and
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/ FR
/ Daniel Wagener
/ Daniel, ton parcours, après des études de communication visuelle à Berlin, t’amène à la photographie que tu as étudiée à l’École de Beaux-Arts à Bruxelles. Tu t’intéresses aux procédés d’impression (travail en labo photographique, risographie,…), tu expérimentes avec différentes formes, que ce soit le livre, la vidéo ou bien des propositions qui sortent l’image de sa bidimensionnalité. Pour Cercle5, tu as été invité à participer à l’exposition et à concevoir le graphisme pour le catalogue. Comment adoptes-tu ces multiples intérêts et influences dans ton travail personnel ?
La photographie et le graphisme m’intéressent car ils sont tous les deux liés aux machines. Mon travail a toujours été porté par un intérêt particulier pour les machines et la technique, depuis mon enfance et les explorations sur mon tout premier ordinateur. Je conçois graphisme et photographie comme des langages visuels, deux médiums que j’associe. Il existe beaucoup de peintres qui sont devenus photographes, et de photographes qui influencent des peintres, c’est une suite logique dans l’histoire. Cet intérêt pour les différentes disciplines a été éveillé lors de mon enseignement à la section artistique de l’École des Arts et Métiers, qui m’a encouragé à explorer la peinture, la lithographie, la sérigraphie, la photographie, le travail en labo aussi bien que l’infographie. Dans la suite de mon parcours d’études, cette porosité entre les disciplines n’a pas toujours été aussi évidente et je regrette ce cloisonnement. Autrefois des métiers spécifiques avaient leur place dans une chaîne de production, alors qu’aujourd’hui, en tant que graphiste, tu es amené à tout réaliser sur une machine. Quelque part toutes ces séparations ne se justifient plus. Dans l’art aussi, j’ai beaucoup d’admiration pour les artistes qui s’approprient différentes techniques, qui associent sculpture, photographie, peinture, vidéo dans leur œuvre.
27 / Tu travailles en digital et en analogique, selon quels
/ Ton travail réalisé pour Cercle5 se situe dans la conti-
critères optes-tu pour l’un ou l’autre ?
nuité de « mind/matter » (2015), une exploration urbaine menée à travers les lieux que tu visites régulièrement. Tu t’intéresses entre autres à des structures temporaires, des palissades de chantier, des systèmes de signalisation de la ville, qui donnent forme à un certain vocabulaire visuel ou symbolique. Quelle est ton approche pour cette commande ?
Ce qui me fascine au Luxembourg, c’est le changement constant de son espace urbain. À chaque fois que j’y retourne, de nouvelles constructions apparaissent un peu partout et avec elles, des structures éphémères qui accompagnent leur chantier. Parfois un peu maladroites, ces structures bâtardes génèrent un répertoire formel particulièrement dynamique, échappant probablement ici à la planification de l’architecte : on coupe un morceau par-ci, on rajoute un panneau parlà, on prolonge, on rafistole, on colle, on repeint, il y a des choses drôles qui émanent – pour ensuite disparaître un beau jour. Peut-être qu’il y a quelque chose de sentimental aussi dans le constat que les choses changent tout le temps, surtout si l’on vit à l’étranger, et que l’on découvre que certains repères disparaissent. Je photographie très rarement les gens, et lorsque ça arrive, ils sont anonymes, je ne m’intéresse pas à leur histoire. Néanmoins, même si l’humain n’est pas directement représenté dans mes images, je m’intéresse aux humains dans un sens plus large, à l’étude de tout ce qui est façonné par l’homme, les produits qu’il développe comme par exemple les publicités, l’aspect technique d’un chantier, comment ses fondements sont construits.
/ entretiens / Daniel Wagener
Alors que je réalise beaucoup de mes commandes commerciales en digital, l’analogique me correspond mieux pour mon travail personnel. Il m’inspire une tout autre démarche, aussi bien pour la prise de vue, la sélection des images, le rythme de travail, la qualité des couleurs et des matières. Je sors avec mon appareil, je fais développer mes négatifs, je les revois après une semaine – la temporalité de ce processus me permet de prendre du recul et d’éviter de faire deux, trois, quatre fois la même image. À une époque où tout devient plus cher, plus compliqué, où les laboratoires ferment progressivement, des métiers deviennent désuets, les pellicules disparaissent du marché, la poursuite de la voie analogique exhale une certaine nostalgie. Mon attachement un peu dogmatique pour l’analogique me permet aussi de garder une certaine résistance par rapport à une poursuite frénétique technologique. Je travaille avec l’appareil de mon père, je ne dois pas m’occuper d’avoir constamment le dernier modèle ou faire des mises à jour. C’est certainement aussi un peu têtu de ma part, on ne casse pas une chose qui fonctionne. Ceci dit, je ne suis pas contre le digital. L’évolution rejoint ma curiosité pour la technique, la technologie. J’apprécie avant tout la très grande liberté des possibilités qui m’est offerte aujourd’hui, je peux travailler avec le négatif, le scan, le grain, visionner et traiter mes images à l’écran, imprimer…, pour ma part j’ai trouvé le système qui me convient.
28 / Tu opères par subtiles manipulations qui effacent des
/
informations, interviennent sur les surfaces et objets pré-
surplombent l’exposition depuis une enseigne lumineuse.
Les images de deux ânes au regard bienveillant,
sents dans tes images, ôtant leur évidence dans leur rap-
Tu nous dis que l’âne est un animal qui t’intrigue et que
port au réel. Comment voies-tu ces processus d’altération
tu affectionnes depuis un certain temps. Quel sens prend
rencontrer ton propos ? Comment se situe ta démarche par
cette adoption symbolique du bestiaire dans le contexte
rapport à la surenchère de stimuli visuels et plus particuliè-
particulier de la ville ici ?
rement, quel usage en fais-tu dans ton propre travail ?
Pour moi, mes images sont entières. L’appareil photo est une machine à mensonges. Une photographie n’est jamais réelle – elle est plate, une représentation, peut-être du réel. À partir du moment où tu prends une photo, tu déformes déjà le réel, tu coupes un extrait du réel, tu déplaces quelque chose de son contexte, c’est ainsi depuis les premières images. C’est une des raisons pour laquelle je trouve que la photographie documentaire est problématique. J’ai du mal à y croire, je ne peux rien y voir de réel, il n’y a pas d’émotion. Ce que je vois, c’est ce qui se trouve au mur, le produit final, et non l’endroit, et non son histoire. « What you see is what you see » pour citer la formule célèbre de Frank Stella à propos de ses peintures. Au départ, j’ai commencé par effacer les typographies de mes images, peut-être à cause de à mon travail de graphiste, opérant avec des typographies toute la journée. À un moment donné, la présence de certains logos très typées, dominants dans les images devenait insupportable pour moi. Je me suis donc mis à supprimer les lettres des logos, de manière à me retrouver avec des formes géométriques colorées, que j’ai ensuite déplacées. J’ai ainsi commencé à construire des images entières, un peu comme un peintre qui compose ou bien un architecte qui construit une maison, qui travaille avec des éléments existants.
Il y a en effet très peu de présence humaine dans mes images, mais il y a des animaux. J’ai un attachement sentimental avec les ânes et en général avec les animaux. Les animaux sont les observateurs extérieurs, ceux qui nous regardent et qui nous interrogent sur ce que nous sommes en train de faire. Les regards doux des ânes introduisent ici une mise en perspective du monde de l’art, la nécessité de créer, le système des institutions, la crise économique, le marché de l’art, la notion de plaisir, l’absurdité de certains gestes, la raison d’être, la persistance, l’auto-dérision. Je pense à l’arrière-grand-père d’un ami, l’écrivain luxembourgeois Nik Welter qui aimait dire „Ich denk mir meins und pfeiff mir eins“.
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you went on to study photography at the École des BeauxArts in Brussels. You’re interested in printing processes (photographic lab work, risograph printing…) and you experiment with different forms, whether book or video or proposals breaking with two-dimensional image. For Cercle5, you were invited to take part in the exhibition and to create the graphic design for the catalogue. How do you engage with these wide-ranging interests and influences in your personal work?
I am interested in photography and graphic design as they are both connected to machines. My work has always been driven by my keen interest in machines and technology since my childhood and exploring my very first computer.
/
You work with digital and analogue, what criteria do
you use to opt for one or the other?
While I produce many of my commercial commissions digitally, analogue suits my personal work better. This process inspires an entirely different approach to work regarding shooting, image selection, the pace of work and the quality of the colours and materials. I go out with my camera, I have my negatives developed, I see them again after a week – the temporality of this process enables me to take a step back and to avoid taking the same image two, three or four times. At a time when everything is becoming more expensive and more complicated, laboratories are disappearing, professions are becoming obsolete, another film is no longer being made, there is a certain degree of nostalgia: I certainly attach a dogmatic dimension to pursuing the analogue approach.
/ entretiens / Daniel Wagener
/ EN / Daniel, after studying visual communication in Berlin
I recognise graphic design and photography as visual languages, two mediums that I combine. There are many painters who have become photographers and photographers who influence painters; it is a logical extension in history. This interest in different disciplines was triggered whilst studying in the art department of the École des Arts et Métiers, encouraging me to explore painting, lithography, silkscreen painting, photography and lab work as well as computer graphics. Over the course of my studies, this porous nature between different disciplines has not always been as clear and I regret this compartmentalisation. Where once specific professions were at play in a production chain, today, as a graphic designer, everything can be produced on a machine. All these separations are somehow no longer justified. In art too, I deeply admire artists who acquire different techniques, who combine sculpture, photography, painting and video in their work.
30 In this sense, analogue also enables me to retain a certain resistance regarding the frantic pursuit of all things technological. I work with my father’s camera. I am not preoccupied by constantly seeking the latest model or carrying out updates. It is also definitely a little stubborn on my part, “if it ain’t broke don’t fix it” as the saying goes. However, I am not against digital. This development echoes my curiosity about technique and technology. Above all I appreciate the broad scope in freedom of possibilities offered today, I can work with negatives, scanning, grain, as well as view and process my images on the screen, print…I have found the system that suits me. /
Your work created for Cercle5 is in continuity with
“mind/matter” (2015), an urban exploration conducted through places that you visit regularly. You are interested, amongst others, in temporary structures, construction hoarding and the city’s signalling system, that give shape to a certain visual or symbolic expression. What is your approach to this commission?
What fascinates me about Luxembourg is how its urban space is constantly changing. Each time that I return, there are new constructions everywhere, along with temporary structures on the building sites. At times slightly awkward, these rough and ready structures generate a particularly dynamic formal repertory, probably beyond the architect’s planning here: a piece is cut here, a board is added there, it is extended, patched up, stuck together and repainted, there are funny things that emanate – and then eventually disappear. Perhaps there is also something sentimental in the observation that things change all the time, especially if you live abroad, and you suddenly notice that certain bearings have disappeared. I very rarely photograph people, and if it so happens, they are anonymous, I am not interested in their history.
Nonetheless, even if I do not depict people directly in my photos, I am interested in humans in a broader sense, in studying everything that is shaped by man, the products that he develops like for example adverts, the technical aspect of a building site, how its foundations are built. /
You subtly remove information, interfere with the
surfaces and objects present in your photos, making them less prominent in their relationship with reality. How do you see these alteration processes encounter your intention? How does your process compare to the exuberance of visual stimuli and more specifically, what use do you make of it in your own work?
For me, my images are intact. The camera is a machine that tells lies. A photograph is never real – it is flat, a representation, maybe of reality. From the moment that you take a photo, you already deform reality. You take an excerpt from reality. You take something away from its context. This has always been the case with photos. It is one of the reasons for which I find documentary photography problematic. I have trouble believing in it, I cannot see the reality in it, no emotion can appear. What I see is what is on the wall, the final product, and not the place, and not its history. “What you see is what you see,” Frank Stella famously said about his paintings. Initially, I began by deleting the typography from my images, maybe due to my work as a graphic designer, working with typography all day long. At a particular moment, the presence of certain very typical logos, predominant in the images became unbearable for me. I began to delete the letters from the logos, being left with colourful geometric shapes that I then shifted. I thus began to construct entire images, a bit like a painter who composes or an architect who builds a house, working with existing components.
31 / Two donkeys gaze benevolently over the exhibition from an image in a light box. You say that donkeys intrigue you and that you have been fond of them for a while. What does the symbolic adoption of the bestiary in the specific context of the city signify here?
There is indeed very little human presence in my images, but there are animals. I am sentimentally attached to donkeys, and to animals in general. Animals observe from the outside, watching us and questioning what we are doing. The donkeys gently gazing puts the world of art into perspective, the need to create, the system of institutions, the economic crisis, the art market, the notion of pleasure, the absurdity of certain gestures, raison d’être, persistence and self-derision. I like to think about a friend’s great grandfather, the Luxembourgish writer Nik Welter, whose motto was: “Ich denk mir meins und pfeiff mir eins”.
/ entretiens / Daniel Wagener
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/
/ FR
/ Roger Wagner
Le titre de ce travail, « Inner Circle », peut être interpré-
té de différentes manières. Comment décrirais-tu ce choix ?
En fait, le titre est strictement géographique et peut être compris comme un jeu de mots avec le donneur d’ordre, le Cercle Cité. Cela n’a rien à voir avec Dante et ses cercles intérieurs de l’Enfer. « Inner Circle » se définit comme la zone de prise de vue que j’ai traitée de manière photographique pour me déplacer vers le Cercle Cité situé au centre. La ceinture verte historique de la ville offre ici une frontière naturelle bienvenue. / Tu as entrepris dans les années 1980 un travail photographique sur les Musées d’Histoire Naturelle à travers l’Europe. Quels rapprochements entre l’espace naturel et l’espace urbain trouves-tu ? Est-ce que la ville peut être vue comme paysage ?
Un paysage est une constellation d’éléments comme l’est également un paysage urbain. La différence réside le plus souvent dans l’atmosphère, la nature peut être plus romantique, plus élégiaque et plus énigmatique. Cependant, mon objectif est de mettre également l’accent sur ces éléments dans un paysage urbain, le plus souvent nettement plus banal.
33 / Si l’homme est quasiment absent de tes photographies, tu l’expliques par une certaine volonté de distanciation du sujet ?
Les Hommes sont rarement présents, la plupart du temps ce sont des mesures de référence ou des figures de dos qui donnent un point de repère à l’espace. Ils sont le plus souvent absents car l’instantané spatial fonctionne également sans l’Homme, cela devient ainsi davantage un état des lieux et non la documentation d’un moment d’action. / Décrirais-tu ton approche par rapport à la prise de vue comme celle d’un documentariste ?
Je documente des situations, pas des actions. / On voit dans ta photographie un grand souci de précision et d’attention aux détails. Dans quelle mesure la technique prend de l’importance dans ton travail? Suis-tu un protocole particulier que tu t’imposes ?
/ Dans ta série Self-appropriation, tu simules l’accrochage de tes photos dans le cadre muséal, une mise en abyme certes, mais qui pose également la question de l’idée du tableau, de l’échelle, du statut de l’œuvre d’art, de l’appropriation. Ce serait aussi un questionnement ou critique par rapport au travail de commissaire d’exposition, du milieu institutionnel ?
Non, ce n’est pas une critique du monde de l’art. Comme les situations sont sous mon contrôle durant une prise de vues, j’étends ici en quelque sorte mon influence. En outre, c’est une variation sur l’ancienne et belle idée de l’image dans l’image et en même temps un hommage à mes précédents travaux grand format. /
L’utilisation du grand angle et du grand format pour le tirage favorise en quelque sorte
une immersion dans l’image. Pour l’exposition Cercle5, tu as opté pour un format plus petit, 30x45 cm maximum, comment ce choix s’est-il opéré ?
La diversité du paysage urbain n’aurait pas été convenablement reflétée dans un seul tableau. Le grand nombre des travaux petit format rend mieux la diversité de l’environnement urbain.
/ entretiens / roger Wagner
Si je me considère comme un documentariste des situations, alors chaque élément a la même importance car il n’y a pas de hiérarchie d’actions (A fait quelque chose, B regarde). De plus, je pense que la production lors de la prise de vue et la post-production ont autant d’importance l’une que l’autre !
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/ EN / It is possible to interpret the title of this work, “Inner Circle”, in different ways. How would you describe this choice?
In fact the title is strictly geographical and should be understood as a pun on the name of the ordering institution which commissioned the work, the Cercle Cité. It doesn’t refer to Dante and his inner circles of hell. “Inner Circle” defines the geographical area I covered while working on my photographs moving towards the Cercle Cité located in the centre. The city’s historic green belt provided a perfect natural boundary. / In the 1980s you produced a series of photographs of Natural History Museums across Europe. What connections do you see between natural spaces and urban ones? Can cities be viewed as landscapes?
A landscape is a constellation of elements, which is what you get with an urban landscape. The difference lies mostly in the atmosphere as nature can be more romantic, more elegiac and more other-worldly. So what I’m also aiming to do is highlight these elements in an urban landscape which is usually far more banal. /
You explain the fact that people are more or less absent
from your photographs because you’re wanting to create a certain detachment from the subject?
People rarely appear, and if they do, generally it’s as figures seen from behind to provide a sense of scale or a point of reference in the space. Most of the time they don’t appear since the snapshot taken of the space also works without people, which makes it more about taking stock rather than documenting a moment of action.
35 /
When you’re taking photographs, would you describe
your approach as that of a documentary maker?
I document what is there, not what is happening. / In your photographs we can see that you are very concerned with accuracy and pay great attention to detail. To what extent is technique important in your work? Do you apply a particular protocol that you have to follow?
If I consider myself as documenting what is actually there, then each element is of equal importance, since there isn’t any hierarchy of action (A does something, B looks on). What’s more, I consider taking photographs and post-production as being equal!
hang your photos in a museum setting, which is of course a “mise en abyme”, but this also questions the idea of paintings, of scale, of the status of the work of art and of appropriation. Is there also some questioning going on here or some criticism of curatorial work and the institutional world?
No, the art world is not being criticised. Just as I can control what is actually present within a photograph, I’m extending my influence here as it were. It’s also a variation on the great old idea of the picture within a picture, while at the same time paying tribute to my earlier large-format works. / Using a wide angle and then a large format for the prints, encourages us to some extent to become immersed in the picture. For the Cercle5 exhibition you opted for a smaller format, 30x45 cm maximum, how did this choice come about?
The diversity of the urban landscape would not have been adequately reflected in a single tableau. A multitude of small-format works mirrors the diversity found in urban surroundings.
/ entretiens / roger Wagner
/ In your “Self-Appropriation” series, you pretend to
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/ Christian Aschman / Christian aschman
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/ FR
/ EN
Christian Aschman est né en 1966 à Luxembourg. Il a étudié à l’Ecole de Recherche Graphique (ERG) à Bruxelles et partage son temps entre Luxembourg et Bruxelles. Photographe indépendant depuis 1992, il est l’auteur de nombreux reportages de mode, de portraits et de commandes photographiques autour du thème de la ville, de la construction et de l’architecture. En 2011, il réalise une installation photographique au KIOSK – place de Bruxelles sur invitation de l’Aica Luxembourg. Il est l’auteur de plusieurs livres photo, dont récemment le livre d’artiste « The space in Between » publié aux éditions Théophile’s Papers (2015) avec le support de la Bourse CNA – Aide à la création et à la diffusion en photographie. Deux expositions collectives se succèdent en mars et avril 2016, « The present is yours, the future is mine » au Cercle Cité à Luxembourg et « Point of View / One Thousand Books : Manifolds » à la Kunsthal Charlottenborg à Copenhague.
Christian Aschman was born in 1966 in Luxembourg. He studied at the École de Recherche Graphique (ERG) in Brussels and divides his time between Luxembourg and Brussels. He has been a freelance photographer since 1992, his work is encompassing many fashion shoots, portraits and photographic commissions incorporating themes such as the city, construction and architecture. In 2011, invited by Aica Luxembourg, he created a photographic installation for KIOSK – Place de Bruxelles. He is the author of several photo books, including the recent artists’ book “The space in Between” published by Théophile’s Papers (2015) supported by the Bourse CNA – Aide à la création et à la diffusion en photographie. In 2016, Christian’s work is presented in several group shows, amongst which “The present is yours, the future is mine” at Cercle Cité Luxembourg and “Point of View / One Thousand Books: Manifolds” at Kunsthal Charlottenborg in Copenhagen.
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Christian Aschman Sans titre 2016 jet d’encre pigmentaire
/ Christian aschman
p. 39 – 42
Christian Aschman 2016 SCHROEDER Marcel* Carte postale : Luxembourg. Monument Dicks et Lentz, Place d’Armes et Cercle Municipal. Edit. Thill,S.A. Bruxelles FISCHER Batty 1953* Inconnu 1952* Inconnu 1959* Christian Aschman 2013 Christian Aschman 2016 Inconnu 1952*
* Photothèque de la Ville de Luxembourg
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/ laurianne bixhain
/ Laurianne Bixhain M
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/ FR
/ EN
Laurianne Bixhain est née en 1987 à Wiltz. Elle est titulaire d’un Diplôme national d'arts plastiques (DNAP) et d'un Diplôme national supérieur d'expression plastique (DNSEP) de l’École des beaux-Arts de Bordeaux et a terminé un Meisterschülerstudium en photographie sous la supervision de Prof. Heidi Specker à l’Académie des arts visuels de Leipzig. Ses projets à venir comprennent sa participation au Mois Européen de la Photographie à Berlin et sa nomination pour l’ING Unseen Talent Award à Amsterdam. Récemment, elle a reçu la Bourse CNA – Aide à la création et à la diffusion en photographie du Centre national de l’audiovisuel (CNA) au Luxembourg et a effectué plusieurs résidences à Chicago, Manchester, Berlin, Athènes et Istanbul.
Laurianne Bixhain was born in 1987 in Wiltz. She received a B achelor of Arts(BA) and a Master of Fine Arts (MFA) from the School of Fine Arts, Bordeaux and completed a Meisterschülerstudium in photography under the supervision of Prof. Heidi Specker at the Academy of Visual Arts, Leipzig. Her upcoming projects include her participation in the European Month of Photography, Berlin and her nomination for the ING Unseen Talent Award, Amsterdam. She recently received the Bourse CNA – Aide à la création et à la diffusion en photographie from the Centre national de l’audiovisuel (CNA), Luxembourg and has participated in residencies in Chicago, Manchester, Berlin, Athens and Istanbul.
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Laurianne Bixhain M 2015 / 2016
100 x 150 cm
p. 48 – 49 photolithographies 12 x 18 cm
p. 50 photolithographie 12 x 18 cm
/ laurianne bixhain
p. 47 impression pigmentaire sur papier barytĂŠ
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/ Patrick Galbats / patrick galbats
Out of Office
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/ FR
Patrick Galbats est né en 1978 à Luxembourg. En 2002, il finit ses études de photographie à l’École Supérieure de l’Image dite « le septantecinq » à Bruxelles. La même année, il devient photographe de presse au Luxembourg où il vit et travaille actuellement. De 2011 à 2016, il était le photographe attitré de l’hebdomadaire d’Lëtzebuerger Land. En outre, dès ses années d’études, Patrick Galbats réalise des travaux personnels de longue durée. Il s’intéresse aux faits de société, à l’évolution de l’individu dans un monde en changement et au paysage comme témoignage de notre époque. Son style photographique s’approche de la « poésie documentaire ».
/ EN
Patrick Galbats was born in 1978 in Luxembourg. In 2002, he completed his photography studies at the École Supérieure de l’Image known as “Le septantecinq” in Brussels. The same year, he became a press photographer in Luxembourg where he currently lives and works. From 2011 to 2016, he was the official photographer for the weekly d’Lëtzebuerger Land. In addition, from the time he began studying, Patrick Galbats has pursued long-term personal projects. He is interested in aspects of society, the evolution of individuals in a changing world and in the landscape as a testimony of our period in time. His photographic style bears a close resemblance to “documentary poetry.”
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Patrick Galbats Out of office 2015 / 2016
d'encre sur papier baryté
p. 68 – 69 Impression numérique à jet d'encre sur papier baryté
p. 60 Impression numérique à jet d'encre sur papier baryté
/ patrick galbats
p. 67 Impression numérique à jet
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/ DANIEL WAGENER
/ Daniel Wagener
SANS TITRE / LUXEMBOURG VILLE
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/ FR
/ EN
Daniel Wagener est né en 1988 à Luxembourg. Après des études de communication visuelle à Berlin, il obtient un Master en Photographie à l’Académie Royale des BeauxArts de Bruxelles en 2015, dans l’Atelier de Chantal Maes. A Bruxelles, il a collaboré à plusieurs projets artistiques et socio-culturels, notamment aux hubs créatifs du Byrrh et de la Pyramide, dans lesquels il a installé un laboratoire photographique participatif. Son travail artistique prend place à la frontière du graphisme et de la photographie, deux domaines qui constituent son métier principal. Il participe, depuis 2013, à plusieurs expositions à Luxembourg et Bruxelles. Il travaille actuellement comme graphiste, photographe et scénographe de théâtre et dispense des cours de photographie à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles. Il vit et travaille à Bruxelles.
Daniel Wagener was born in 1988 in Luxembourg. After studying visual communication in Berlin, he obtained a Masters in Photography at the Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles in 2015, in the class supervised by Chantal Maes. In Brussels, he participated in several artistic and sociocultural projects, notably in the creative hubs Byrrh and Pyramide, in which he set up a participatory photographic laboratory. His artistic work takes place at the boundary between graphic design and photography, two domains that constitute his main profession. Since 2013 he has participated in several exhibitions in Luxembourg and Brussels. He is currently working as a graphic designer, photographer and theatre set designer and gives photography lessons at the Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles. He lives and works in Brussels.
/ Le Cercle CitĂŠ
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Daniel Wagener 2015 / 2016 Sans titre / Ville de Luxembourg
Bam impression blueback
p. 64 – 65 à-plat chantier 1-3 impression pigmentaire contrecollé
p. 66 Iesel recto/verso caisson lumineux
/ Daniel Wagener
p. 63
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/ Roger wagner inner circle
/ Roger Wagner
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Roger Wagner est né à Luxembourg en 1962 où il vit et travaille. Il prend des photographies grand format depuis les années 1990. Il est connu pour ses tirages analogiques à grande échelle, d’une acuité et d’une perception des détails permettant au spectateur de s’immerger et de contempler facilement les objets seuls. La nature richement dépeinte explore toujours les interventions humaines. Ses œuvres récentes, plus petites, sont un hommage au genre menacé de la photographie grand format. Parmi ses expositions récentes, on compte « Forever » au BUBOX Art-Space, Kortrijk (Belgique) en 2016, « Collection » de l’Œuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte à Luxembourg en 2014 et « Full House », Galerie Aeroplastics Contemporary à Bruxelles en 2014. Il a été sélectionné pour de nombreuses commandes, il a remporté le Monika von Boch Award en 2007, et son travail fait partie des collections Arendt & Medernach à Luxembourg; IKOB Museum für Zeitgenössische Kunst à Eupen en Belgique; Musée de la Photographie à Anvers, en Belgique.
Roger Wagner was born in Luxembourg in 1962. He lives and works in Luxembourg. He is a large format photographer since the 1990s. He is known for his analogue large-scale prints, sharpness and readability of all details, enabling the viewer to immerse the surroundings and to contemplate single objects easily. The richly depicted nature considers always the human interventions. His recent, smaller works pay homage to the endangered species of the large scale photography. Recent exhibitions include “Forever” at BUBOX Art-Space, Kortrijk (Belgium) in 2016, “Collection” of l’Œuvre Nationale de Secours Grande-Duchesse Charlotte, Luxembourg in 2014 and “Full House”, Galerie Aeroplastics Contemporary, Brussels in 2014. He was commissioned for numerous works, awarded the Monika von Boch Award in 2007 and his work is included in collections such as Arendt & Medernach, Luxembourg; IKOB Museum für Zeitgenössische Kunst in Eupen Belgium; FotoMuseum in Antwerp, Belgium.
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Roger Wagner Inner Circle 2015 / 2016
contrecollée Dibond 3/3 mm
p. 72 – 73 Impression numérique sous verre acrylique contrecollée Dibond 3/3 mm
p. 74 Impression numérique sous verre acrylique contrecollée Dibond 3/3 mm
/ roger Wagner
p. 71 Impression numérique sous verre acrylique
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/ Exposition À l’occasion du 5e anniversaire de réouver-
Traduction des textes
ture du Cercle de la Ville de Luxembourg,
Louise Jablonowska, Why Vanilla ?
une commande pour de nouveaux travaux au sujet des cercles et du centre-ville a été
Editeur
faite à cinq photographes.
Cercle Cité – Agence luxembourgeoise
Le commissariat a été assuré en partenariat
d’action culturelle
de l’audiovisuel (CNA) et Anouk Wies pour le
Impression
Cercle Cité.
Chez ROSI, Belgique Cultura, Belgique
Production Cercle Cité – Agence luxembourgeoise
Tirage
d’action culturelle, avec le soutien de la
250 exemplaires
Ville de Luxembourg ISBN 978-99959-911-7-3 / Catalogue © Cercle Cité – Agence luxembourgeoise d’ac-
Coordination
tion culturelle, les artistes, les commissaires
Saskia Raux, Anouk Wies
– Luxembourg septembre 2016.
Suivi éditorial
Le Cercle Cité est soutenu par
Anouk Wies, Michèle Walerich
la Ville de Luxembourg.
Textes
Cercle Cité
Anouk Wies, Michèle Walerich
Place d’Armes
En collaboration avec les artistes
B.P. 267 L-2012 Luxembourg
Conception graphique Daniel Wagener
www.cerclecite.lu
/ Le Cercle Cité
par Michèle Walerich pour le Centre national
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