Olivier Vial Inès Charles-Lavauzelle
L'ECOLE, MALADE DE L'EGALITARISME Comment la soigner ? - Ordonnance 2012
CERU
L'ĂŠcole malade de l'ĂŠgalitarisme Comment la soigner ? Ordonnance 2012
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Dans la même collection
Jacques Rougeot, [2008] UNI 40 ans de combats, 40 affiches, éditions Union nationale Inter-universitaire (UNI), Centre d’études et de recherches de l’UNI (CERU), 102 p. 11,50 euros Olivier Vial, Inès Charles-Lavauzelle [2009], Le mur de Berlin n’est pas tombé tout seul, éditions Union nationale Inter-universitaire (UNI), Centre d’études et de recherches de l’UNI (CERU), 112 p. 10 euros Olivier Vial, Inès Charles-Lavauzelle [2009], Les étudiants des classes moyennes sont-ils condamnés au système D pour étudier ?, éditions Centre d’études et de recherches de l’UNI (CERU), collection notes et études, 28 p. 5 euros Jacques Rougeot, [2010] Ah ! Laissez-nous respire ! Contre la censure des bien-pensants, éditions Union nationale Inter-universitaire (UNI), Centre d’études et de recherches de l’UNI (CERU), 84 p. 10 euros Olivier Vial, [2011], La jeunesse n'est plus ce qu'elle était ...tant mieux!, éditions Union nationale Inter-universitaire (UNI), Centre d’études et de recherches de l’UNI (CERU), 54 p. 5 euros ISBN- 9782810623785 2
Olivier Vial Inès Charles-Lavauzelle
L'école malade de l'égalitarisme Comment la soigner ? Ordonnance 2012
CERU
3
CERU 34 rue Emile Landrin 92100 Boulogne-Billancourt http://www.ceru.fr 4
Sommaire Introduction
7
Première partie : les symptômes
13
Des moyens importants mal affectés et gaspillés
15
Des résultats académiques décevants et des inégalités qui se creusent 26 Un climat scolaire qui se dégrade
34
Les vocations en crise
43
Deuxième partie : le diagnostic
49
"La conjuration des Egaux" à l'école
51
Des pédagogies adaptées à un enfant qui n'existe pas
57
L'égalitarisme et les enseignants
68
Troisième partie : le traitement
81
Propositions pour guérir l'école de l'égalitarisme
89
Annexe
103
Glossaire
104
Bibliographie
106
5
6
Introduction
"Le mammouth n'a plus que la peau sur les os", titrait l'Humanité à la fin de l'année 2011.1 Difficile à croire, au vu de l'importance des crédits qu'il engloutit ! En 2010, 134 milliards d'euros ont été dépensés en France pour l'éducation. Cette dépense a quasiment doublé en trente ans, alors même que le nombre d'élèves demeurait relativement stable.2 Pourtant, il est vrai que le mammouth est dans un triste état, mais sa maladie n'est pas celle que certains disent. Cette maladie, c'est l'égalitarisme. C'est pour tenter de guérir ce grand corps malade que nous proposons ces quelques pages sous forme d'ordonnance. S'il suffisait d'injecter des milliards, il jouirait d'une santé florissante. Avec plus de 88 milliards d'euros inscrits dans le projet de loi de finances 2012, c'est près d'un quart du budget de l'Etat qui est absorbé par des dépenses liées au ministère de l'Education nationale 1
L'Humanité, 19 décembre 2011
2
La DIE (dépense intérieure pour l'éducation), calculée en euros constants, a progressé de 87 % entre 1980 et 2010, alors même que, durant cette période, le nombre d'élèves, lui, n'augmentait que de 4,5 %. Chiffres issus de l’Etat de l’Ecole, n°21, novembre 2011, édité par la Direction de l'Evaluation de la Prospective et de la Performance (DEPP) du ministère de l'Education nationale. 7
ou à celui de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. En France, plus d'un fonctionnaire sur deux travaille pour l'un de ces ministères, ce qui fait du mammouth le neuvième plus gros employeur du monde avec 970 654 postes équivalents temps plein (ETP) inscrits au projet de loi de finances en 2012. Ces trente dernières années, la dépense moyenne par élève n'a cessé de croître à un rythme beaucoup plus soutenu que celui de l'inflation. Entre 1981 et 2011, l'indice des prix a progressé de près de 160 % alors que l'augmentation de la dépense moyenne par élève dépassait, elle, les 400 %, pour atteindre en 2010, 8 150 euros par élève. La part de cette dépense supportée par les collectivités publiques (Etat + collectivités territoriales + administrations publiques) a, elle aussi, continué à progresser passant de 83,7 % en 1980 à 85,6 % en 20103, alors que, dans le même temps, l'effort consenti par les ménages pour l'éducation de leurs enfants diminuait.4 Alors, à la vue de ces chiffres, comment continuer à croire tous ceux, syndicats, experts patentés, associations d'éducation populaire, qui, depuis des décennies, dénoncent le désengagement de la puissance publique, résumant quasiment tous les maux de notre système éducatif à une simple question matérielle et comptable ?
3
ibid.
4
La part de ce financement supportée directement par les familles passe de 10,8 % en 1981 à 7,9 % en 2010. - ibid.
8
Avec 7 % du PIB consacré aux dépenses d'éducation, la France se classe parmi les nations qui investissent le plus dans ce secteur. En 2008, la dépense d'éducation moyenne des pays de l'OCDE n'était que de 5,9 %. Certains pays, qui affichent pourtant de meilleurs résultats académiques, consacrent une part beaucoup moins importante de leur richesse nationale à l'éducation. La Finlande, qui caracole en tête des classements internationaux, n'y investit que 5,9% de son PIB, et l'Allemagne à peine 4,8 %. Si les résultats de l’école et le bien-être des élèves et des enseignants étaient directement proportionnels aux moyens investis, comme aiment nous le faire croire les syndicats, nos écoles compteraient parmi les plus efficaces du monde, et tous y seraient parfaitement heureux. Il suffit de s’intéresser, même rapidement, à ce qui se passe dans les établissements scolaires pour deviner que la réalité ne ressemble pas à cette situation idyllique.
Un malaise plus profond
Dans ses vœux aux personnels de l’Education, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, le 5 janvier dernier, le président de la République a lui-même reconnu que, malgré les efforts budgétaires consentis, il demeurait une véritable “crise d’identité” au sein du monde enseignant. Ce malaise est également ressenti par les Français, qui expriment une grande défiance vis-à-vis de l'école. Une étude réalisée en juillet 2011 par l’institut IPSOS révèle ainsi que 64 % des Français estiment que 9
l'enseignement en France fonctionne mal, qu’il ne garantit pas une réelle égalité des chances (60 %), et qu’il prépare mal à la vie professionnelle (68 %). Les Français, certainement plus lucides et moins attachés à la seule défense d’intérêts corporatistes que les syndicats de la rue de Grenelle5, ont bien conscience que les problèmes les plus importants, auxquels il faut s’attaquer en priorité, ne sont pas ceux du manque d’enseignants ou du nombre d’élèves par classe, mais bien ceux de la maîtrise du français à l’écrit comme à l’oral et du rétablissement de la discipline au sein des établissements.6 Depuis 2002, les différents gouvernements de droite ont engagé de nombreuses réformes : refonte des programmes du primaire, mise en place de l’orientation active, réforme du lycée, mise en place de l’autonomie des universités, développement du crédit impôtrecherche ... Les premiers résultats positifs commencent à peine à se faire sentir (baisse légère de l'illettrisme et de l’échec en premier cycle universitaire, amélioration sensible de la professionnalisation des études...), tant l’inertie de ces ministères est grande. Il faudra de la persévérance et de la constance pour redresser notre école. Mais, au delà de ces réformes structurelles, si l’on veut continuer à moderniser notre système éducatif pour qu’il soit à nouveau un atout au service de notre pays et de sa jeunesse, il convient, désormais, de s’attaquer à la racine du problème, au cancer qui ronge l’éducation en France : l’égalitarisme.
5
La rue de Grenelle est la rue où se situe le ministère de l'Education nationale
6
Marianne - Histoire, hors-série, "L’école de la République", septembre-octobre 2011, pp. 6-19 10
C’est cette vision dévoyée de l’égalité qui régit encore l’organisation de notre système éducatif et inspire tous les hérauts de la bienpensance éducative. L’égalité est devenue le mètre étalon à partir duquel on construit et on évalue toutes nos politiques éducatives. “L’enseignement qui avait traditionnellement pour mission de transmettre des connaissances, est aujourd’hui censé promouvoir l’égalité. Tous les élèves étant par décret déclarés égaux, ils doivent tous marcher d’un même pas jusqu’aux mêmes diplômes, l’application de ce principe étant censée favoriser la promotion des élèves issus des milieux défavorisés.”7 Cette croyance, dénoncée en ces termes par le professeur Rougeot, conduit à des résultats totalement contraires aux objectifs affichés. Plus on parlait et on encensait l’égalité dans les textes, plus les inégalités se creusaient entre les élèves. La présente ordonnance a été rédigée afin de suggérer un traitement pour lutter contre la maladie de l'égalitarisme dans l'éducation. Nous dégagerons d'abord les premiers symptômes, puis nous dresserons un diagnostic en nous intéressant aux "agents infectieux", avant de proposer un traitement.
7
Jacques Rougeot, [2010], Ah ! Laissez-nous respirer ! Contre la censure des bienpensants, éditions du CERU, BOD, 84 p. 11
12
Premi猫re partie
Les sympt么mes
13
14
Lorsque l'on s'intéresse à l'état de notre système éducatif, il n'est nul besoin de pousser très loin l'auscultation pour voir apparaître de nombreux dysfonctionnements. Par souci de concision et de clarté, nous avons choisi de ne présenter ici que quatre grandes séries d'indicateurs, faisant référence aux moyens, aux résultats, au climat scolaire, ainsi qu'à la crise d'identité qui frappe le milieu enseignant. En effet, tel un boulimique, notre système éducatif consomme une quantité importante de crédits et de postes de personnels (1), sans que cela lui "profite" réellement, les résultats académiques des élèves restant très décevants (2). Le cœur n'y est plus. L'ambiance dans les classes, entre indiscipline et violence, se dégrade (3), et les enseignants, déconsidérés, doutent de leur vocation et désertent le métier (4).
1.
Des moyens importants mal affectés et gaspillés
Dans un monde qui évolue de plus en plus vite, il peut être rassurant de savoir que certaines choses n'évolueront jamais, à l'image des syndicats de l'Éducation nationale. Depuis des décennies, à chaque rentrée scolaire, leurs mots d'ordre restent les mêmes : plus de postes, plus de moyens, la question de leur utilisation et de leur affectation leur apparaissant comme simplement subsidiaire. 15
Ainsi, dans une parfaite communion, médias et syndicats ont réussi à faire croire qu'une bonne politique éducative se mesure à l'aune des sommes investies et des postes créés. Cela explique en partie que les dépenses consacrées à l'éducation aient augmenté de 87 % (euros constants) en trente ans, alors que la population scolarisée est restée relativement stable. Cette augmentation conduite à l'aveugle a fait abstraction des besoins et des déséquilibres dont souffrait notre système éducatif. Elle les a même, jusqu'au début des années 2000, renforcés. Des crédits répartis en fonction de l'influence syndicale La France s'est distinguée, durant des décennies, de ses partenaires européens car elle investissait moins pour former un étudiant que pour un lycéen.8 Les rapports successifs de l'OCDE signalaient régulièrement cette bizarrerie, ce qui n'a pas empêché, au cours des années 90, les ministres successifs9 de continuer à investir massivement en faveur des lycées, alors même que ces derniers, en comparaison de leurs homologues européens, étaient déjà largement sur-dotés. Au début des années 2000, la dépense moyenne par lycéen était de 7776 dollars US en France, soit 32 % de plus que la moyenne de l'OCDE qui s'établissait alors à 5919 dollars US. La Finlande ne dépensait que 5479 dollars US par élève. 8
Au début des années 2000, la dépense moyenne pour un étudiant d'université ne dépassait pas les 6 900 euros par an, alors que la dépense pour un lycéen atteignait 9090 euros. 9
Lionel Jospin (1988-1992), Jack Lang (1992-1993), François Bayrou (1993-1997), Claude Allègre (1997-2000), Jack Lang (2000-2002) 16
La France, comme une mauvaise mère, semblait préférer certains de ses enfants et accordait un traitement de faveur à l'enseignement secondaire au détriment du primaire et du supérieur. Un tel déséquilibre entre les cycles10 est difficilement explicable, sauf à envisager que l'affectation et la répartition des moyens et des postes ne se ferait pas exclusivement en fonction des besoins, mais plutôt en fonction de la puissance des syndicats et de leur capacité de nuisance. Quand on connait la force des syndicats du secondaire, au premier rang desquels le SNES, et la peur qu'inspirent les mouvements lycéens aux politiques, cette hypothèse acquiert de la crédibilité. C'est, sans doute, cela que l'on a appelé la cogestion. Il aura fallu attendre les années 2000 pour que le nécessaire rééquilibrage des moyens investis entre les différents cycles soit entrepris. Désormais, la part de la dépense intérieure d'éducation (DIE) consommée par le secondaire diminue au profit du primaire et surtout du supérieur. La dépense par étudiant a progressé de 32 % entre 1990 et 2010. Elle est désormais supérieure à la moyenne de l'OCDE. Une armée mexicaine difficile à contenir La question des moyens dans l'Education nationale reste, avant tout, une affaire de postes. Les dépenses de personnels représentent 94,5% des crédits du ministère de l'Education nationale et près des trois quarts de la dépense totale d'éducation (DIE), le reste se
10
En l'an 2000, les pays de l'OCDE investissaient en moyenne 4229 $ par élève dans le primaire, 5174 $ dans le secondaire et 11 422 $ dans le supérieur. La France, avait choisi de privilégier fortement les élèves des lycées. 17
répartissant entre les dépenses de fonctionnement (17,1 %) et d'investissement (9,2 %).11 Malgré l'importance de ces dépenses, la gestion des ressources humaines n'a jamais brillé par sa précision. Il a toujours été difficile de connaître clairement le nombre de fonctionnaires dépendant du ministère de l'Education nationale ou de celui de l'Enseignement supérieur.12 En 2010, alors même que les syndicats dénonçaient la suppression de 12 000 postes, le ministère, procédant à un dénombrement de ses effectifs, a, divine surprise, retrouvé 20 000 postes supplémentaires13, qui existaient mais qui avaient disparu, depuis plusieurs années, des radars du ministère. Les syndicats auraient dû se réjouir de cette annonce, puisque finalement, cette année-là, le nombre de suppressions de postes était largement compensé par cette découverte inattendue. Ils ne l'ont pas fait ! Comment ne pas s'interroger, comme Philippe Marini, "sur la qualité du pilotage des emplois du premier employeur de l'Etat."14 ?
11
DEPP, "Coût de l'éducation en 2010", note d'information, 29 septembre 2011.
12
Deux types de chiffres sont souvent cités. Le premier est celui du nombre de postes équivalents temps plein (ETP) inscrit dans le projet de loi de finances. En 2012, le ministère de l'Education nationale et celui de l'Enseignement supérieur emploient 970 654 ETP. Le second, fourni par la direction de l'évaluation du ministère, annonce un total de 1 108 217 agents, dont 928 458 enseignants. Les chiffres fournis par la DEPP sont plus importants que celui des ETP inscrits au budget, en raison des personnels qui travaillent à temps partiel. 13
Les Echos, 12 novembre 2010.
14
Philippe Marini, rapporteur général du budget au Sénat, cité dans "les Dossiers du Contribuable", n° 3 18
Si l'on s'intéresse au nombre d'enseignants qui sont réellement devant des élèves, le Mammouth nous réserve de nouvelles surprises. Un rapport de la Cour des Comptes, publié en janvier 2005, établissait que le nombre d'enseignants qui n'exerçaient que peu ou pas du tout "le métier pour lequel ils ont été sélectionnés, recrutés et formés" équivalait à près de 97 500 postes ETP. 15 Le député JeanYves Chamard, dans un rapport d'information publié la même année, tirait lui aussi la sonnette d'alarme en notant que le nombre de décharges de service aux justifications hasardeuses représentait 14 900 ETP. Depuis, un travail de remise en ordre à été entrepris. Lors de ses vœux aux personnels de l'éducation, le 5 janvier 2011, le président de la République déclarait : "Nous avons beaucoup diminué le nombre, objectivement trop élevé, de professeurs qui n'étaient pas devant les élèves [...] : 8 000 postes d'enseignants qui avaient été recrutés en "surnombre" dans le premier degré ; nous avons mis fin à des milliers de mises à disposition d'enseignants auprès d'associations diverses. Nous avons amélioré l'efficacité de notre système de remplacement, réorganisé l'administration et regroupé l'offre de formation, parfois trop diverse." Le nombre de mises à disposition a été considérablement réduit depuis dix ans, mais de sérieux efforts de transparence restent à accomplir en la matière. On ne peut que saluer le ministère de la fonction publique, qui, pour la première fois en 2012, a publié une grille des postes mis à la 15
ibid. 19
disposition des syndicats. 1789 postes ETP seront ainsi mis à la disposition des syndicats de l'Education et de l'Enseignement supérieur.16 Joli effort de transparence, mais joli cadeau aussi, que l'on peut évaluer à plus de 118 millions d'euros chaque année !
Des établissements généreux avec l'argent public La mauvaise gestion des ressources humaines n'est pas le seul apanage de la rue de Grenelle. Les établissements, au premier rang desquels les universités, sont eux aussi régulièrement épinglés pour leur gabegie. Récemment, l'université de Toulouse-le Mirail, surtout connue pour entretenir la flamme du souvenir de mai 68 et son folklore gauchiste, a été rappelée à l'ordre par la cour régionale des comptes de Midi Pyrénées pour sa gestion dispendieuse de ses personnels BIATOSS (techniciens, ouvriers, administratifs, personnels des bibliothèques). Alors que le temps de service d'un fonctionnaire est fixé réglementairement à 1607 heures annuelles, les présidents successifs de cette université avaient décidé de réduire cette harassante charge de travail en instaurant un régime dérogatoire du droit17, très 16
http://www.acteurspublics.com/files/pdf/nap/moyens_syndicats_ministeres.pdf
17
Dans son rapport d'observations définitives sur les comptes et la gestion de l'Université Toulouse le Mirail, la chambre régionale des comptes de Midi Pyrénées a rappelé que " les personnels BIATOSS de l'université du Mirail sont dans une position statutaire et réglementaire, que leur rémunération est financée sur le budget de l'Etat et que dès lors, ils ont l'obligation de respecter les règles en vigueur dans la fonction publique. " "Par rapport, à la norme réglementaire, l'écart de 207 heures 20
favorable à ses personnels. Ces derniers ne travaillant finalement que 1400 heures par an, ce qui revenait à leur accorder 7 semaines de congés de plus que le reste des Français, de quoi leur laisser le temps de préparer le Grand soir. Rien que cette infraction engendre un surcoût estimé à 3 millions d'euros pour les finances publiques.
Les chambres régionales de la Cour des comptes ne manquent pas de travail, d'autres établissements ayant mis en place, par exemple, un système de répartition des heures supplémentaires très innovant. En effet, plusieurs établissements d'enseignement supérieur avaient pris l'habitude de permettre à certains de leurs personnels d'effectuer des heures supplémentaires, alors même qu'ils n'avaient pas réalisé l'intégralité de leurs heures de service. Pratique et surtout très rémunérateur. Si toutes ces dérives mises bout-à-bout constituent bien un gisement de gaspillage ; il en est un autre beaucoup plus important et pourtant beaucoup moins connu.
annuelles par agent aboutit, en multipliant cet écart par le nombre d'équivalent temps plein (819), à un déficit de 169 533 heures travaillés soit plus de 100 équivalents temps plein. Autrement dit, l'Université rémunère une centaine de BIATOSS, dont elle n'aurait pas l'usage, ni la charge financière si elle respectait le dispositif légal de temps de travail. Le coût chaque année pour l'Etat est de 3 millions d'euros environ. ", précise la Cour.
21
La ruineuse complexité des lycées français
Quand on s'intéresse au fonctionnement des lycées généraux et techniques, un chiffre attire tout de suite l'attention : celui du taux d'encadrement, c'est-à-dire du nombre d'élèves par enseignant. La France dispose d'un taux beaucoup moins élevé que celui de la Finlande ou de la moyenne des pays de l'OCDE. Il s'élève à 9,5 en France, pour 16,2 en Finlande et 13,6 dans l'OCDE, ce qui signifie que pour un même nombre d'élèves la France dispose de près de deux fois plus d'enseignants que la Finlande. Pourtant, la taille des classes est beaucoup plus importante en France (24,5 élèves par classe) qu'en Finlande (20,1 élèves par classe). Comment expliquer un tel paradoxe ? Le lycée français est devenu au fil du temps le parfait exemple de la mauvaise organisation et de la mauvaise affectation des moyens dont dispose l'Education nationale. Quelques exemples : Les options proposées au lycée se sont multipliées et les citer tient de l'inventaire à la Prévert : Persan, peule, Haossan (une langue nigérienne), surf, golf, escalade ... Ces options, souvent très peu demandées par les élèves, mobilisent pourtant des enseignants. Ainsi, en 2008, le Figaro18 rapporte que 8 élèves seulement avaient choisi l'option "langue des signes" dans l'académie d'Aix-Marseille et qu'il a fallu faire venir l'examinateur de la région parisienne.
18
Aude Séres, Les options au bac sont trop coûteuses http://www.lefigaro.fr/actualites/2008/04/19/01001-20080419ARTFIG00011-lesoptions-au-bac-sont-trop-couteuses.php 22
Ces cours d'option sont souvent confidentiels et il n'est pas rare qu'un enseignant fasse classe devant moins de dix élèves. Selon la discipline qu'il enseigne, il aura, par ailleurs, bien du mal à effectuer l'intégralité de son service de 18 heures de cours par semaine, "faute de clients". Dans le même temps, afin d'aider les élèves en difficulté, les enseignements dispensés, non pas devant la classe entière, mais devant des groupes réduits d'élèves, se sont généralisés. Mais, afin d'éviter de sombrer dans la stigmatisation tant honnie des élèves en difficulté, ces cours en effectif réduits ont été proposés à tous les élèves, même à ceux qui n'en avaient pas besoin. Le ministère estime qu'aujourd'hui la moitié des enseignements au lycée se font devant des groupes réduits. Et puis, il y a aussi tous les petits bonus accordés, depuis 1950, par le statut d'enseignant et défendu avec fougue par les syndicats, comme la méconnue "heure de première chaire". Les professeurs enseignant 6 heures et plus en première et terminale sont considérés comme professeurs de première chaire et de ce fait leur service est automatiquement diminué d’une heure. La journaliste Sophie Coignard estime que ce simple "avantage" représente l'équivalent de 5 000 postes à temps plein.19 Ces options tout à la fois pléthoriques et confidentielles, comme l'extrême banalisation des cours en effectif réduit et les petits cadeaux prévus par les décrets de 1950, participent à une telle 19
Sophie Coignard, [2011], Le pacte immoral, Albin Michel. 23
inflation des coûts, que l'on comprend mieux pourquoi la France dépense 62 % de plus par lycéen que la Finlande.20 Cela engendre un surcoût, rien que pour le lycée général, de près de 2 milliards d'euros par an. Du fait de sa complexité, notre système a besoin pour fonctionner de 40 % de postes en plus. Chaque année, plus de 29 000 postes sont ainsi affectés aux lycées, alors que ceux-ci n'en auraient pas eu besoin si l'affectation des moyens et des heures de cours avaient été optimales. (cf. encadré n°1) Encadré n°1 Estimation du surcoût engendré par la mauvaise affectation des moyens au lycée général. Afin de calculer ce surcoût, il convient de comparer le nombre d'heures annuel d'enseignement dont la France a besoin pour assurer l'intégralité des cours (BTH : besoin théorique en heures de cours), et le nombre d'heures de cours qui est facturé aux contribuables (NHTD : nombre d'heures d'enseignement théoriquement dispensées). Calcul du besoin théorique en heures de cours (annuel) - (BTH) BTH = 39 127 (Nombre de classes de lycées générales et techniques -Chiffre DEPP) X 1072 ( nombre moyen d'heures de cours par an au lycée- Chiffre OCDE) = 41 944 144 heures de cours nécessaires
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20
D'après l'OCDE, en 2008, la France dépensait 12 087 USD, contre 7461 USD pour la Finlande et 9396 USD pour la moyenne des pays de l'OCDE. 24
Nombre d'heures d'enseignement théoriquement dispensées chaque année (NHTD) Le service normal d'un enseignant est de 18 h par semaine, 36 semaines par an, soit un service annuel de 648 heures d'enseignement. Seuls les titulaires d'une agrégation, qui représentent, selon les chiffres fournis par la DEPP, environ 28 % des enseignants de lycées généraux et techniques, ont un service réduit à 15 h par semaine, 36 semaines par an, soit 540 heures par an. NHTD = Nombre d'heures effectuées annuellement par l'ensemble des agrégés + nombre d'heures effectuées annuellement par l'ensemble des autres enseignants Sachant que le projet de loi de finances 2012 a inscrit 98 817 enseignants (ETP) pour les lycées généraux et techniques, on peut estimer que 27 669 postes ETP sont pour des enseignants agrégés (ce qui correspond à 28 % des postes ETP) et le reste soit 71 148 postes ETP pour les autres enseignants. NHTD = (27 669 X 540) + (71 148 X 648) = 61 045 164 heures d'enseignement théoriquement dispensées.
Calcul du surcoût engendré par la complexité du système NHTD - BHT = surcoût engendré par le système calculé en heures de cours 61 045 164 - 41 944 144 = 19 101 020 Rien que dans les lycées généraux et techniques, chaque année la complexité du système (profusion d'options, cours en demi-classes, affectation non optimale des enseignants) conduit, pour assurer le bon fonctionnement de ces établissement, à produire plus de 19,1 millions d'heures de cours de plus que ce qui serait théoriquement nécessaire si le système était plus simple et les moyens parfaitement alloués. Ce surcoût représente plus de 44 % du besoin théorique. 25
Il équivaut à 29 477 postes de certifiés (ETP), pour un coût annuel que l'on peut estimer à plus de 1,9 milliard d'euros.
2 - Des résultats académiques décevants et des inégalités qui se creusent 5 juillet 2011, l'ambiance est à l'allégresse. 85,6 % des candidats au baccalauréat ont obtenu leur diplôme. Dans la série scientifique, dont une épreuve avait partiellement été annulée après une fuite portant sur le sujet, le taux de réussite culmine à 89,4 %, en progression de près d'un point. Les nouveaux diplômés et leurs familles sont heureux ! Le ministère peut lui aussi se réjouir. Les bons résultats ont fait oublier les polémiques concernant l'organisation des épreuves, et, pour la première fois, la proportion d'une génération obtenant le baccalauréat dépasse les 70 %. Elle s’établit à 71,6 % contre 65,3 % en 2010, chiffre qui n’avait quasiment pas évolué depuis 15 ans.21 A en croire les statistiques officielles, les candidats au "bac" ne se contentent pas d'arracher leur diplôme, ils le font avec la manière. Depuis 1967, le nombre de lauréats de la mention "très bien" a explosé, ils sont proportionnellement 17 fois plus nombreux aujourd'hui à obtenir cette distinction.22 21
Le ministère se félicite en ces termes dans un communiqué :"Cette augmentation historique s’explique par la forte progression des bacheliers de la voie professionnelle. C’est le résultat concret et direct de la réforme de la voie professionnelle de 2008 dont l’objectif était d’élever le niveau de qualification du plus grand nombre de jeunes grâce au baccalauréat professionnel en 3 ans. En 2011, les bacheliers professionnels représentent ainsi 27,3 % des bacheliers, soit 5,2 points de plus qu’en 2010". 22
Chiffres publiés dans le JO Sénat du 01/11/2007 - page 1986 26
De quoi accréditer l'idée que tout va très bien dans l'école française et que le niveau monte, comme le prétendent toujours certains pédagogues habitués à prendre tout le monde, y compris la réalité, à contre-pied. Les Français sont plus circonspects. Ils considèrent peut-être, comme le professeur Jean-Robert Pitte, ancien président de la Sorbonne, qu'il y a "arnaque"23, et que les commissions d'harmonisation qui, après chaque session, révisent à la hausse les notes, ne sont pas étrangères à ces bons résultats. La difficile maîtrise du français Loin de cet optimisme, près d'un Français sur deux estime que les élèves maîtrisent mal le français. Les évaluations réalisées par le ministère leur donnent en partie raison. Entre 2003 et 2009, les performances des élèves à la fin de l'école primaire en compréhension de l'écrit ont très légèrement progressé, mais seulement un tiers des enfants maîtrisent complètement les compétences attendues par les programmes du primaire. "A l'autre extrémité de l'échelle, 13 % des élèves sont en difficulté, proportion qui approche un quart (23 %) en zone d'éducation prioritaire." 24 Ces élèves sont à peine capables de trouver dans un texte des informations qu'on leur désigne explicitement, mais en aucun cas de les mettre en relation et encore moins de comprendre le sens global du texte.
23 24
Jean-Robert Pitte, [2008], Stop à l'arnaque du bac, éditions Pocket DEPP, [2011], l'Etat de l'école, p.44 27
Ces difficultés ne disparaissent pas avec le temps. L'association "Sauvons les lettres" a, en 2004, proposé à des élèves de troisième une courte dictée (85 mots), soumise, 4 ans avant eux, à d'autres élèves. En quatre ans, le nombre d’élèves qui ne maîtrisent pas l’orthographe de base a doublé. Ils furent 56% à obtenir un zéro à la dictée en 2004, contre 28 % en 2000.25 Il faut dire que, pendant des décennies, on a culpabilisé les futurs enseignants au sein des IUFM en leur martelant qu'il fallait cesser d'enseigner la grammaire, l'orthographe et la conjugaison. C'est chose faite en 2002, quand les nouveaux programmes de français tournent le dos à la grammaire rétrograde et à ses règles oppressives pour la remplacer par l'observation réfléchie de la langue, l'ORL. Fini les règles apprises par cœur, c'est à l'enfant de découvrir en contemplant un texte comment fonctionne la phrase, comment s'accordent les adjectifs ... C'est tellement plus ludique ! Et sans doute beaucoup moins efficace.26 Rachel Boutonnet27 relate les mises en garde qu'elle a entendues à l'IUFM " L'objectif n'est pas d'apprendre des choses à l'élèves, mais de l'aider à construire ses savoirs en les faisant émerger. Attention donc à ne pas apporter de savoirs, puisque, quand on dit quelque chose à un enfant, ça ne sert à rien. [..] Attention à ne pas l'ennuyer, soyez communicateur, amusez-le. Attention à ne pas le traumatiser par des
25
http://www.sauv.net/eval2004analyse.php
26
La grammaire a été réintroduite dans les programmes du primaire en 2008 par Xavier Darcos. 27
Rachel Boutonnet, [2003], Journal d'une institutrice clandestine, Ramsay 28
notes ou des sanctions"28 Ne serait-ce que pour cette raison, nous ne pouvons qu'applaudir à la suppression, voulue par Nicolas Sarkozy, des IUFM, qui étaient devenus des machines à "désapprendre". Luc Ferry, à son arrivée au ministère, semble prendre la mesure du problème. Il déclare que " les difficultés en lecture et en écriture sont à la racine de la plupart des échecs dans l'enseignement primaire et secondaire; elles handicapent lourdement l'insertion sociale et professionnelle des adultes qui n'ont pu les surmonter." Il affirme également29: " Quant à la dictée, c'est un outil indispensable non seulement d'évaluation, mais aussi de formation. " Il sera pour cela, comme après lui Gilles de Robien pour son combat contre la méthode globale, ou Xavier Darcos pour sa volonté de réintroduire la grammaire et la chronologie en Histoire30, catalogué par ses opposants dans la catégorie des nostalgiques de "l'école d'antan". Etiquette qui, rue de Grenelle au royaume des progressistes autoproclamés, vaut excommunication immédiate. Ces résistances au sein de l'Education nationale sont difficiles à comprendre, quand on sait, qu'en France, malgré la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans et les sommes investies dans l'éducation, chaque année près de 40 000 jeunes de 17 ans sortent du système scolaire en étant illettrés. De quoi forcer à un peu d'humilité, ceux qui, depuis plus de 40 ans détiennent des responsabilité dans les couloirs des ministères, des syndicats ou de feu les IUFM. 28
Rachel Boutonnet citée in Coignard Sophie [2011]
29
Le point du 25/01/02
30
http://www.education.gouv.fr/cid21007/presentation-des-nouveauxprogrammes-du-primaire.html 29
Depuis 2007, le pourcentage de jeunes en grandes difficultés de lecture à légèrement reculé, mais il reste supérieur à 10 % (10,8 % ; -1,2 point par rapport à 2012). Les évaluations réalisées au cours des Journées d'appel à la défense (JAPD) montrent que près de 20 % des jeunes ont de grandes difficultés à comprendre un article de journal gratuit. Dans nos sociétés occidentales, l'illettrisme est rapidement synonyme d'exclusion, ces illettrés se retrouvent sans doute parmi les 180 000 "décrocheurs" qui quittent le système scolaire chaque année sans diplôme ni qualification. Jusqu'en 2008, l'existence de ces "décrocheurs" était un secret de polichinelle. Tout le monde savait que ces jeunes existaient, mais personne ne souhaitait réellement troubler le confort des hiérarques de la rue de Grenelle en tentant de savoir combien ils étaient (certains chiffres très minorés existaient pourtant) et surtout qui ils étaient. Sous l'impulsion, notamment, de Luc Chatel, cet effort a été fait. On sait aujourd'hui qu'ils sont très nombreux, près de 20 % d'une génération, qu'"environ 50 % ont des problèmes d'apprentissage cognitif qu'ils traînent depuis l'école primaire, auxquels se greffent des tensions familiales, des obstacles financiers, des problèmes d'orientation, des difficultés à se réinscrire dans la filière choisie ou dans l'établissement souhaité… On sait que les décrochages se font moins en cours d'année qu'au moment de la réinscription, entre le début de l'été et la rentrée de septembre"31
31
Virginie Mora, chercheuse au CEREQ, Centre d'études et de recherches sur les qualifications, in le Monde du 12 juillet 2011. 30
On a pu également les recenser. Désormais la politique de l'autruche n'est plus possible. Maintenant que l'on connait chacun de ces jeunes, il va falloir trouver une solution soit pour leur faire reprendre des études ou une formation, soit pour les accompagner vers un emploi. La tâche n'est pas aisée puisque, trois ans après leur sortie du système scolaire, 40 % de ces jeunes sont encore au chômage. En 2010, en partenariat avec les services de l'emploi et ceux de l'éducation, des plateformes ont été mises en place dans les départements afin de suivre et d'accompagner individuellement ces jeunes. C'est un véritable progrès, il est simplement regrettable que personne n'ait eu le courage de s'y attaquer avant. La France, élève moyenne de l'OCDE "Quand on se regarde, on se désole, quand on se compare on se console" dit-on souvent. Malheureusement, en matière scolaire, cette recette est peu efficace. Depuis l'an 2000, l'OCDE a lancé une enquête pour évaluer le niveau des jeunes de 15 ans en compréhension de l'écrit et depuis 2003 en culture mathématique. En 2009, le classement de la France s'est considérablement dégradé. En compréhension de l’écrit, la France est passée du 13ème rang (sur 43) au 22ème rang (sur 65) entre 2000 et 2009 et du 16ème rang (sur 46) au 22ème rang (sur 65) en culture mathématique entre 2003 et 2009. En valeur absolue, les résultats des élèves français ont chuté entre 2000 et 2006, avant de légèrement progresser entre 2006 et 2009 pour s'approcher de la moyenne des pays de l’OCDE. Sur l’ensemble 31
de la période, leurs performances ont, malgré tout, baissé de 1,8% en compréhension de l’écrit et de 2,7% en mathématiques.
2000
2003
2006
2009
France OCDE France OCDE France OCDE France OCDE Compréhension de l'écrit
505
498
Mathématique Résultats de l'enquête PISA- OCDE
496
494
488
492
496
493
511
500
496
498
497
499
Au passage, il est étonnant de noter que c'est entre 2006 et 2009, au moment même où le gouvernement supprimait des postes d'enseignants, que les résultats de nos élèves ont cessé de chuter. Etrange, car si l'on croit la doxa syndicale, le niveau aurait du mécaniquement s'effondrer. Une fois encore, la réalité invalide le discours des syndicats. Au pays de l’égalitarisme, les écarts se creusent. L’écart entre "bons" et "mauvais élèves" se creuse. Cette évolution s’explique essentiellement par la baisse du niveau des moins « bons » élèves. Le nombre d’élèves en difficulté progresse de 4 points et atteint désormais 20%. Les résultats de l’enquête PISA révèlent aussi les difficultés de la France liées à son immigration. Le sujet est tabou. Le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, s'est heurté à une véritable fronde "politiquement correcte" lorsqu'il avait évoqué ce simple fait : 32
les enfants issus de l'immigration ont en moyenne plus de difficultés scolaires que leurs camarades. En compréhension de l'écrit, par exemple, l’écart de résultat entre les élèves nés en France de parents français et ceux nés de parents étrangers est de 60 points en France, contre 43 en moyenne pour l’OCDE. Quand on sait qu'un écart de 40 points représente un retard d’une année scolaire complète, on ne peut que constater que les élèves issus de l'immigration connaissent un échec scolaire important. En moyenne, à 15 ans, ils ont accumulé un an et demi de retard par rapport aux autres élèves. En France, les élèves issus de la première génération d'immigrés ont ainsi deux fois plus de risques de compter parmi les élèves peu performants. La situation s’améliore pour les élèves de la deuxième génération, même si les écarts restent très élevés. Ainsi, 35 % des élèves de la deuxième génération restent dans le groupe des élèves les plus faibles recensés par l’enquête PISA, contre 17% pour les autochtones et 42 % pour les élèves de la première génération. Au moment de la polémique qui avait suivi les propos de Claude Guéant, ses adversaires affirmaient que les différences de résultats entre les immigrés et les Français procédaient avant tout de différences sociales. Or, les résultats de l'enquête de l'OCDE contredisent ces positions. En corrigeant des variables socioéconomiques, les écarts de performance entre élèves issus de l'immigration et élèves autochtones, l'écart de performance demeure très important. Les résultats des élèves issus de l'immigration restent inférieurs de 30 points à ceux des élèves autochtones (contre 27 points en moyenne OCDE). Cela démontre que les élèves issus de l'immigration sont confrontés à d'autres difficultés que celles liées à leur contexte socioéconomique. Certains auteurs, comme Malika Sorel, membre du 33
Haut Conseil à l'Intégration (HCI), pointent d'autres facteurs comme, par exemple, les difficultés de maîtrise de la langue, l'implication moins forte des familles, l'opposition dans certains cas entre la "culture enseignée à l'école" et celle transmise au sein de la cellule familiale. En niant cette réalité au nom des bons sentiments et de la non "stigmatisation", l'Ecole a nié le problème et s'est ainsi interdite de proposer des solutions à la hauteur de l'enjeu.
3 - Un climat scolaire qui se dégrade Une école vandalisée à Brest, un adolescent grièvement blessé d'un coup de couteau à Aubervilliers, un professeur de maths frappé et insulté en pleine classe par un jeune de 14 ans à qui il avait simplement demandé de ne pas mettre ses pieds sur le bureau ... Voilà quelques-uns des 47 000 incidents signalés au cours de l'année scolaire 2009/2010 au sein des établissements d'enseignement secondaire.32 Au vu de ces faits divers et de l'importance de ces chiffres, doit-on s'inquiéter ? Non !, répondent en chœur les pédagogues les plus influents. L'insécurité scolaire est un fantasme. " Aucune statistique scientifique ne montre d'augmentation des violences scolaires depuis
32
DEPP, "les actes de violence recensés dans les établissements publics de premier et second degré", note d'information, novembre 2010 http://media.education.gouv.fr/file/2010/88/8/NIMEN1020_160888.pdf 34
que les médias et pouvoirs publics se sont emparés du sujet, en 199333 94." , affirme Cécile Carra, sociologue et enseignante en IUFM. Les témoignages d'enseignants abondent pourtant dans le sens contraire. Mais attention, nous met en garde Philippe Meirieu, le grand gourou des "pédagogistes" et le responsable éducation d'Europe Ecologie- les Verts (EELV) ; il ne faut pas les prendre pour argent comptant. "Les enseignants constituent une profession dont les repères et les certitudes professionnelles ont été mises à rude épreuve ces dernières années ; ils sont donc particulièrement fragiles et ont le sentiment d'être agressés, non seulement par leurs élèves, mais aussi par toute la société" 34 La violence scolaire ne serait ainsi qu'une affabulation d'enseignants dépressifs. D'ailleurs, Philippe Meirieu ne pense-t-il pas également qu'ils sont en partie responsables de cette situation ? L'autorité suspecte Claire Mazeron, professeur de géographie et vice-présidente du SNALC (Syndicat national des Lycées et Collèges) évoque l'état d'esprit qui règne dans les stages organisés par les IUFM et consacrés à la gestion de la violence scolaire : "Un élève vous insulte ? vous moleste ? vous crache à la figure ? Ne l'auriez-vous pas provoqué ? N'avez-vous pas eu trop d'exigences à son égard ? L'avez-vous bien fait participer, en début d'année, à l'écriture des "règles de vie
33
Entretien dans Libération, le 18 février 2010. http://www.liberation.fr/societe/0101620128-la-violence-scolaire-est-avant-toutune-petite-violence-du-quotidien 34
Entretien paru dans le numéro spécial des Cahiers pédagogiques consacré à la violence scolaire, 2003 35
citoyennes de la classe" ? Et surtout - comble de l'horreur - ne seriezvous pas trop "frontal "?"35 La violence des élèves est souvent présentée comme une réponse à l'autorité des enseignants, car, selon Philippe Meirieu, il y a "autorité" et "autorité". En classe, l'autorité doit être "une autorité qui autorise", qui "autorise des découvertes intellectuelles et permette d'accéder au plaisir d'apprendre,"36 pas une autorité qui interdit. Cet angélisme va jusqu'à remettre en cause le principe même des sanctions. Ainsi, Sylvie Ayral37, enseignante, sans doute nourrie au lait de ces belles théories, s'est lancée, après " avoir été choquée par la place des punitions" dans l'école, dans des recherches à leur sujet. Les résultats de son enquête, publiée sous le titre "La fabrique des garçons", dénoncent une "véritable" injustice. "Dans un milieu scolaire mixte, qui se réclame pourtant égalitaire [sic] et prétend traiter l'élève de façon asexuée, 80 % des punitions sont décernées à des garçons." relève-t-elle, oubliant de préciser qu'en 2010, 77 % des incidents signalés sont également le fait de garçons.38 N'est-il pas 35
Claire Mazeron, [2010], Autopsie du Mammouth, éditions Jean-Claude Gawsewitch, p. 82 36
ibid.
37
Sylvie Ayral est également docteur en sciences de l'éducation et membre de l'Observatoire international de la violence à l'école. Cette citation est extraite de "Les garçons plus souvent punis", Le Parisien, 14 mars 2011 38
DEPP, "les actes de violence recensés dans les établissements publics de premier et second degré", note d'information, novembre 2010 http://media.education.gouv.fr/file/2010/88/8/NIMEN1020_160888.pdf 36
normal qu'il existe un lien de cause à effet entre le nombre d'incidents signalés et le nombre de sanctions prononcées ? Sylvie Ayral préfère expliquer cette différence par le fait que "l'école est traversée par des stéréotypes". Les insultes, l'insolence, les dégradations ne seraient que des "manifestations de virilités ostentatoires" dans un milieu enseignant largement féminin. Les garçons rechercheraient ainsi la confrontation, l'affrontement, voire des sanctions pour prouver leur virilité à des enseignantes. Ces dernières, en les punissant, ne feraient qu'entrer dans leur jeu. C'est pourquoi, l'auteur de cette étude propose d'éviter de sanctionner les garçons. Pour lutter contre cette violence qui perturbe le bon fonctionnement des cours, elle invite les établissements à "évaluer leurs propres pratiques et analyser leur dimension sexuée. L'école doit instaurer, une mixité active, [...], où l'on propose des modèles de masculinité alternatifs et non compétitifs."39 Concrètement, on voit mal quel modèle de masculinité alternatif on peut proposer à un élève qui perturbe un cours, insulte ou menace physiquement ses camarades ou ses enseignants. Les attentes contradictoires des parents Du côté des parents d'élèves, les attitudes et les attentes sont très ambivalentes. La plupart s'indignent de l'indiscipline et critiquent le manque d'autorité. Ils placent ainsi la question de la discipline dans les établissement en deuxième position de leurs priorités pour l'école.40 Mais, la plupart d'entre eux sont également prompts à 39
Entretien avec Sylvie Ayral, in Terra Femina, mars 2011
40
Enquête IPSOS, juillet 2011, publiée dans L'école de la République, Hors Série Histoire de Marianne, septembre 2011 37
défendre leur enfant contre le professeur qui le punit ou envisage de le faire redoubler. Au fil des années et des circulaires ministérielles, la place des parents au sein de l'institution scolaire s'est considérablement développée, souvent pour le pire. C'est la loi Jospin du 10 juillet 1989 qui installe les parents comme des membres à part entière de "la communauté éducative" et précise le rôle des associations de parents d'élèves. Qu'attendre, par exemple, de la FCPE, principale fédération de parents d'élèves, marquée à gauche, pour faire respecter l'autorité, le respect de la discipline et le règlement intérieur, quand on sait que sa section parisienne avait, à l'occasion du dernier grand mouvement lycéen, informé l'ensemble des parents qu'ils pouvaient laisser leurs enfants bloquer illégalement et occuper nuitamment le lycée, et cela l'esprit tranquille car des "parents responsables " seraient présents durant l'occupation ? En 2008, la révolution lycéenne avait ses chaperons et ils étaient encartés FCPE. Cet exemple, que certains jugeront caricatural, est néanmoins significatif d'une évolution signalée par de nombreux enseignants. Petit à petit, les parents se sont placés du côté des enfants, de leurs enfants, jusqu'à en devenir les zélés avocats. Claire Mazeron note ironiquement que les enseignants ne font désormais plus classe devant des élèves, mais devant les "Mon Cœur, Mon chéri" de parents inquiets pour le bien-être de leur chère progéniture. L'autorité des enseignants en a été considérablement affectée. En effet, durant des décennies, l'alliance se faisait entre adultes, enseignants et parents étant les deux faces d'une même autorité visà-vis à des enfants. Si un élève était puni en classe, il n'allait pas se 38
plaindre à ses parents, car il savait qu'il serait puni une seconde fois. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les conseils de discipline dans lesquels la place des parents a été accrue au détriment de celle des enseignants41 singent désormais les tribunaux. La place faisant la fonction, les représentants des parents d'élèves, assis aux côtés des représentants des élèves, se prennent au jeu et s'imaginent devoir défendre les élèves contre les enseignants, même quand ils sont indéfendables. Les conseils de discipline ne sont pourtant pas des tribunaux. Les sanctions qu'ils prononcent sont éducatives. Réussir à les éviter grâce au soutien des représentants des parents ne fait que renforcer le sentiment d'impunité de certains élèves, ce qui ne rend service à personne et surtout pas aux intéressés. Quand les représentants des parents d'élèves ne suffisent pas, il est de moins en moins rare de voir débarquer de véritables avocats pour assister leur client victime d'un mauvais choix d'orientation ou de la sévérité supposée d'un professeur. 42 En présence d'un avocat, les débats sont souvent déséquilibrés. Les chefs d'établissement n'ayant pas forcément de formation juridique, se trouvent dépourvus face aux arguments procéduriers ou aux rappels aux grands principes du droit. Les professeurs peuvent, eux, se sentir carrément humiliés quand un élève échappe à une sanction 41
Suite à une circulaire de juillet 2002, signée de Jack Lang et de Ségolène Royal.
42
Un décret de juillet 2000 introduit dans l'enceinte scolaire les grands principes du droit commun, comme l'individualisation de la peine, le débat contradictoire et la possibilité de se faire assister, y compris par un avocat 39
méritée ou que ce sont eux qui deviennent les accusés grâce au bagout tarifé d'un ténor du barreau. C'est ainsi que fin 2002, un directeur d'école, après avoir botté les fesses de deux garnements qui chahutaient lors du spectacle de fin d'année, dut affronter Maître Gilbert Collard qui, représentant d'un élève, lui réclama 15 000 euros de dommages et intérêts.
L'indiscipline, une réalité qui finit par coûter cher L'autorité est prise en tenaille, depuis des décennies, entre l'angélisme des spécialistes des sciences de l'éducation et la duplicité de certains parents. Alors, comment s'étonner que l'indiscipline et les violences scolaires prospèrent ? "Le premier rapport sur cette question est rédigé par l'inspecteur général Georges Tallon en 1979. Il est difficile de ne pas voir ici la proximité avec une autre date, doublement emblématique : l'année 1975, qui voit à la fois s'ouvrir le collège unique et débuter la crise pétrolière. Autrement dit, les « nouveaux publics », entendons par là la totalité des enfants des milieux populaires et non plus seulement les plus méritants d'entre eux, sont admis en masse dans l'enseignement secondaire. Signe du choc que représente l'arrivée des nouveaux publics au collège, les taux de redoublement augmentent spectaculairement entre 1975 et 1985 : de 6,5 % à 16,4 % en 5e, de 7,3 % à 14,3 % en 3e. Or certains jeunes des milieux populaires sont parfois porteurs d'une
40
culture de l'affrontement physique [...] Nouvellement admis au collège, ils y importent avec eux cette brutalité potentielle" 43 Les violences scolaires, de l'avis des historiens, ont toujours existé. Mais on a longtemps refusé de les mesurer. Il aura fallu attendre 2001 pour que soient mises en place les premières statistiques. Celles-ci démontrent qu'il ne s'agit en rien d'un fantasme, et que ce phénomène est bien réel. Chaque année, plus de 45 000 faits graves sont ainsi signalés, 80 % sont des atteintes aux personnes dont 39 % sont des violences physiques et 35 % des violences verbales.44 Les chiffres recueillis font apparaître une tendance à la hausse de ces signalements jusqu'en 2008. Les mesures mises en place, malgré les critiques et les polémiques, par les gouvernements de droite, comme la vidéo surveillance de certains établissements, le rapprochement police et éducation grâce à la désignation de policiers référents, portent-elles leurs premiers fruits ? Une chose est sûre : depuis deux ans, on constate une baisse des signalements d'incidents, ces derniers étant, cependant, toujours trop nombreux pour que l'on puisse se réjouir et crier victoire.
43
Vincent Troger, Point sur la violence scolaire, Sciences Humaines, http://www.scienceshumaines.com/la-violence-scolaire_fr_14590.html 44
résultats de l'enquête SIVIS/ MEN-MESR DEPP 2010 41
La France, plus atteinte que la moyenne par l'indiscipline Les analystes de l'OCDE ont construit des indicateurs pour mesurer et comparer le "climat de discipline" qui règne dans les classes. La France se place largement en dessous de la moyenne des pays de l'OCDE et ne parvient qu'à accrocher une triste 60ème place sur 65 pour ce qui est du "calme dans les classes". Cette indiscipline quotidienne qui n'est souvent pas assez importante pour être comptabilisée dans la violence scolaire et être signalée, n'en représente pas moins un handicap majeur pour notre système éducatif. L'OCDE rappelle ainsi que "l'ambiance dans la classe peut exercer un impact réel sur la performance des élèves. Les classes et les établissements qui déplorent davantage de problèmes de discipline sont moins propices à l'apprentissage, puisque les enseignants doivent passer plus de temps à faire régner le calme avant de pouvoir commencer la classe. [...] Les résultats du PISA 2009 montrent que le climat de discipline est fortement corrélé à la performance des élèves."45 En France, en 1999, des sociologues ont mené une étude au sein de trente classes de CE2 afin de mesurer le temps réellement disponible pour l'enseignement durant une heure de cours. Ils ont constaté "que le temps quotidien réellement disponible pour le travail était très variable d'une classe à l'autre, allant de 3 heures et quart à près de 5 heures, pour une moyenne s'établissant à environ 4 heures et 20 minutes."46
45
cité dans "Les dossiers du Contribuable", septembre 2011
46
CAS, Note d'analyse, Que disent les recherches sur "l'effet enseignant", n°232, juillet 2011 42
Cela peut expliquer en grande partie le manque d'efficacité de notre système. En effet, les élèves du primaire en France ont beau avoir 139 heures de cours de plus que la moyenne de l'OCDE47, si le temps consacré à l'enseignement sur une heure de cours varie de 53 %, il est très probable que, finalement, le temps consacré à l'enseignement en France est beaucoup plus faible que dans des pays où la discipline est plus rigoureuse.
4 - Les vocations en crise Du côté des enseignants, la situation n'est guère plus brillante. Le métier ne fait plus recette. La diminution, depuis dix ans, du nombre d'inscrits aux différents concours de recrutement témoigne de cette désaffection. Le nombre de candidats présents au CAPES de mathématiques a été, ainsi, divisé par 4,27 passant de 5773 candidats en 2001 à seulement 1303 en 2011, alors que dans la même période, le nombre de postes à pourvoir n'a diminué que de 4%. Cette situation n'est pas isolée. Le nombre de candidats présents au CAPES d'anglais a également été divisé par 3 et par 3,6 en lettres. Alors que le nombre de postes ouverts à ces deux concours n'a diminué en moyenne que de 32%, ces évolutions ont mécaniquement fait exploser le taux de réussite. En mathématiques, celui-ci a bondi de 55 points, passant de 17,1% en 2001 à plus de 72% Ces différences sont encore plus spectaculaires lorsqu'on les évalue matière par matière : le temps consacré à l'enseignement du français variait en effet de 1 à 4 tandis que celui consacré à l'enseignement des mathématiques variait de 1 à 3. 47 En France, les élèves du primaire ont en moyenne 918 heures de cours par an, contre 779 heures pour la moyenne de l'OCDE. 43
en 2011. En anglais et en lettres, il a plus que doublé48. Dans certaines disciplines, la situation est encore plus grave car, comme le relève Claire Mazeron, le nombre de candidats admissibles aux épreuves orales ne couvre même pas le nombre de postes ouverts49. Dans ces conditions, on ne peut que s'interroger sur la qualité des enseignants nouvellement recrutés. Entre 1999 et 2005, la moyenne des derniers admissibles au CAPES de lettres est passée de 8/20 à 6,5/20 50, et encore comme pour le jury du baccalauréat, des consignes sont souvent données pour harmoniser les notes à la hausse. La situation n'a pas tendance à s'améliorer. Le mammouth est de moins en moins regardant quant à la sélection de ses futurs enseignants. Cela ne manquera pas de poser, à l'avenir, de nouveaux problèmes, les études de l'OCDE attestant que le niveau des enseignants est un des facteurs les plus déterminants pour la réussite des élèves.
48
Le taux de réussite au CAPES d'anglais est passé de 23,8% en 2001 à 48,3% en 2011. Celui du CAPES de lettres est passé de 21% à 53,7% sur la même période. 49
« En éducation musicale, 120 postes ont été ouverts, mais il n'y a eu que 114 candidats admissibles aux épreuves orales ; de même en lettres classiques, seulement 103 candidats ont réussi la première partie du concours pour 185 postes ouverts. » 50
Marie-Christine Bellosta, De la diplômation à l'emploi: pour un renouveau de la politique scolaire et universitaire cité in Mazeron [2010] 44
Comment expliquer cette crise des vocations? Même les traditionnels attraits de la fonction publique, comme l'emploi à vie, ne suffisent plus à séduire les étudiants. Les enseignants sont de plus en plus nombreux à souffrir d'un sentiment de déclassement. Ils ont souvent l'impression que l'image de leur profession et leurs conditions matérielles se sont considérablement dégradées ces dernières années. Médecin ? Avocat ? Député ? Enseignant ? Commissaire de police ? Notaire ? Ingénieur ? Parmi ces métiers, les Français devaient choisir vers lesquels ils orienteraient leurs enfants. Le métier d’enseignant arrive en troisième position (33%) juste derrière médecin (43%) et ingénieur (35%).51 Ces chiffres ne permettent pas de confirmer que les Français ont une image négative du métier d'enseignant, même si certains préjugés ont la vie dure. 50% des Français estiment que l'on choisit le métier d’enseignant, avant tout, pour la sécurité de l’emploi. 42% affirment que c'est également pour le temps libre. Ce chiffre monte même à 59% chez les artisans, commerçants et chefs d’entreprise. De plus, 43% des Français regrettent que les enseignants ne soient pas assez ouverts sur le monde extérieur, et ils sont encore 45% à craindre que les enseignants ne s'intéressent pas à tous les élèves, notamment ceux qui sont les plus en difficulté.
51
Sondage CSA, juin 2005, "l'image des enseignants auprès des Français." 45
Du point de vue matériel, le déclassement n'est pas plus évident. Les enseignants ont vu leur salaire augmenter au rythme annuel de l'indice des prix soit d’environ 1,9%52 entre 1990 et 2005. Cette augmentation est semblable aux autres professions de la fonction publique. Cependant un écart est notable pour les milieux de carrière où l’augmentation est moins forte que pour les autres cadres du public. Il est, malgré tout, éclairant de comparer "l'évolution des traitements bruts avec celle des salaires bruts (traitement brut + primes et indemnités). Cette comparaison révèle que le déficit salarial croissant des enseignants est avant tout la conséquence d'une politique de rémunération complémentaire (primes et indemnités) moins dynamique pour eux que pour les autres cadres. [...] En 2005, les enseignants du secondaire ont finalement des niveaux de traitement brut assez similaires à ceux des autres cadres A de la fonction publique, mais ils gagnent en net près de 50% de moins, du fait d'indemnités et de primes considérablement plus faibles."53 Les syndicats de l'éducation sont, en grande partie, responsables de ce différentiel. En effet, on comprend bien où s'est toujours situé de façon cynique, l'intérêt des syndicats dont le pouvoir est directement proportionnel au poids relatif du corps enseignant dans le reste de la société. En faisant ce calcul, ils ont toujours exigé des créations de postes plutôt que des hausses de salaires, refusant par principe toute 52
Rapport Pochard p.43
53
Dominique Goux, Eric Maurin "Les enseignants, leur rémunération et leur niveaux de vie 1982 - 2005" Centre pour la recherche économique et ses applications, février 2008.
46
rémunération au mérite. L'évolution des carrières des enseignants en a ainsi été affectée. Elle diffère des autres personnels qualifiés de la fonction publique par une progression de salaire rapide en début de carrière et beaucoup moins dynamique après la quarantaine. Malgré cela, la paupérisation ressentie par les enseignants est toute relative puisqu'entre 1982 et 2005, "la rémunération horaire moyenne des enseignants comme du reste des personnels qualifiés de la fonction publique s'est appréciée par rapport à celle des personnels les plus qualifiés du secteur privé. Les enseignants rattrapent progressivement les cadres du privé, mais ces derniers restent globalement devant et leur poids augmente dans la société. dans ces conditions, la question reste ouverte de savoir si le classement des enseignants dans la hiérarchie des salaires se modifie."54 Ce rattrapage s'est encore accéléré, depuis 2007, grâce au plan de revalorisation des carrières qui s'est traduit par une progression de 18% pour le salaire des jeunes enseignants. Ces derniers commencent ainsi leur carrière avec un salaire de 2 000 euros brut. Malgré ces chiffres qui nous amènent à relativiser le déclassement des enseignants, leur malaise n'en est pas moins réel. Sa source semble plutôt à rechercher du côté du système des ressources humaines du ministère qui, par son caractère centralisé, anonyme et froid, transforme n'importe quelle campagne d'affectation en épreuve de bizutage.
54
Ibid. 47
Les jeunes enseignants sont, du fait du système, parachutés dans les zones les plus difficiles. On peut ainsi lire sur un forum "Se frotter à la réalité du terrain assombrit l’image que l’on se faisait du métier et nous fait perdre confiance". Les plus méritants attendent en vain le moindre signe de reconnaissance de leur hiérarchie . A "l'Education nationale, il n'y a aucun management, aucune évolution de carrière. Vous êtes seul. Tout est lissé, étal. Que vous soyez le plus performant des enseignants ou le plus mauvais, il ne se passe rien. Aucune sanction négative, aucune sanction positive, aucune progression salariale"55. Cette absence totale de reconnaissance, au nom de l'égalité absolue devant le statut, du mérite et du travail réalisé, finit par être totalement démotivante.
55
Kévin André a démissionné et créé Zupdeco, une association d'aide aux élèves en difficulté in LePoint.fr 48
Deuxième partie
Le diagnostic
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50
Si l'on avait laissé les responsables de l'Education nationale inscrire eux-mêmes la devise républicaine sur le devant de leurs écoles, le mot "égalité" aurait rapidement grignoté la place des deux autres, poussant "fraternité" et " liberté" hors du fronton. L'égalité, passion bien française, a réussi à enrégimenter l'école à son service. Pour égaliser la société, il fallait d'abord égaliser l'école, les pédagogies, la formation des enseignants et les enseignants euxmêmes. Ces derniers, d'ailleurs, furent nombreux à l'accepter, car ils se voyaient ainsi investis d'une mission qui transcendait leur métier : celle de construire une société plus égale, et donc, de leur point de vu, forcément plus juste. Leur rêve consistait à croire qu'il suffisait de faire en sorte que tous les élèves réussissent de la même façon, que tous parviennent ensemble sur la même ligne d'arrivée pour que les injustices de la vie disparaissent.
"La conjuration des Egaux" à l'école Malheureusement, la quête de l'égalité est une aventure sans fin, car, nous avait avertis Tocqueville : "les hommes ne fonderont jamais une égalité qui leur suffise.". "Quand l'inégalité est la loi commune d'une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l'œil ; quand tout est à peu près de niveau, les moindres le blessent. C'est pour cela 51
que le désir de l'égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l'égalité est plus grande."56 L'Histoire l'a souvent confirmé. Cela faisait moins de dix ans que l'égalité des droits avait été conquise et déjà certains la jugeant insuffisante, souhaitaient la dépasser. C'est ainsi, qu'en 1795, Gracchus Babeuf, journaliste et révolutionnaire français, organisa "la conjuration des Egaux". Ses membres conspiraient pour dépasser l'égalité en droit, inscrite dans la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, et imposer "l'égalité réelle". "Nous ne voulons pas seulement l'égalité écrite dans les droits de l'homme ; nous la voulons au milieu de nous, sous le toit de nos maisons. Nous consentirons à tout pour l'obtenir ; pour elle, nous ferons table rase. Périssent s'il le faut, tous les arts pourvu qu'il nous reste l'égalité réelle", précisait ainsi leur manifeste rédigé en 1795. Au vu de ce texte et de sa postérité, Gracchus Babeuf n'occupe certainement pas la place qu'il mérite au sein de notre Panthéon national. Karl Marx, lui même, a reconnu en lui le précurseur du communisme, et il est aussi, sans nul doute, l'inventeur de l'égalitarisme contemporain. Si les historiens pensent que son exécution en 1797 a définitivement mis un terme à sa conjuration, c'est qu'ils connaissent bien mal l'école. A son époque, ses idées l'ont conduit à l'échafaud, aujourd'hui, ses héritiers sont nombreux parmi les spécialistes des sciences de l'Education. Le parti socialiste est même allé jusqu'à placer, fin 2010, sa convention programmatique sous ses bons auspices, intitulant celle-ci "Pour l'égalité réelle".
56
Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Tome 2, cité dans Julien Jaume, [2008 ], Tocqueville, éditions Fayard, p.430 52
En matière d'éducation, le Manifeste des Egaux reste d'une inquiétante modernité. Il affirme, par exemple : "qu'il ne soit plus d'autres différences parmi les hommes que l'âge et le sexe ; tous ont les mêmes besoins et les mêmes facultés ; qu'il n'y ait donc pour eux qu'une même éducation et une même nourriture."57 Du mouvement pour l'école unique des années 1920, au plan Langevin-Wallon ou à la loi Haby instaurant le collège unique, en passant par le développement de "l'école nouvelle" et la mise en place de la discrimination positive à Sciences-po, chacune de ces "réformes" fut menée au nom de cette éducation égale pour tous. La promotion de l'égalité relègue ainsi la transmission du savoir au rang d'objectif annexe, quand ce dernier n'est pas tout simplement accusé d'être l'obstacle principal à cette marche vers l'égalité. Que de points communs entre l'exhortation babouviste appelant à faire table rase et à sacrifier tous les arts sur l'autel de l'égalité réelle, et la dénonciation, faite par Bourdieu58, du savoir comme outil de la domination bourgeoise, ou bien même la critique d'Althusser dénonçant l'école comme un "appareil idéologique d'Etat". Entre ces prises de position, la parenté est évidente. Le savoir est présenté comme l'une des sources premières des inégalités. Après mai 68, ces théories vont prospérer. En s'appuyant sur elles, on remplacera, par exemple, l'étude des classiques de la littérature française par des textes de rap ou d'affiches publicitaires, afin de placer tous les élèves sur un pied d'égalité, quitte à sacrifier pour cela 57
Extrait du manifeste de Egaux - 1795, cité dans Quetel Claude, [2006], Ces textes qui ont marqués l'Histoire de France, éditions Bordas, pp. 278-279. 58
Ces thèses sont développés dans deux livres coécrits avec Passeron, les Héritiers (1964) et La reproduction (1970). 53
la transmission de notre patrimoine culturel. Il devait, alors, sembler plus facile d'aboutir à l'égalisation dans l'éducation par un nivellement par le bas des objectifs et des programmes, que par une politique exigeante qui aurait peut-être permis de tirer vers le haut les plus faibles. Mais, l'excellence suppose l'effort, et ce dernier est également condamné par les nouveaux pédagogues qui lui ont préféré, depuis longtemps, l'épanouissement de l'enfant et l'apprentissage par le jeu59. Aujourd'hui encore, les principaux indicateurs utilisés par les pouvoirs publics pour évaluer les résultats de leur politique éducative sont d'inspiration égalitariste. Que l'on se donne, actuellement, comme objectif 50 % d'une classe d'âge au niveau de la licence, après s'être fixé, dans les années quatre-vingt, comme horizon 80 % d'une génération obtenant le bac est révélateur de cette emprise. Dans le cadre de l'évaluation des performances des administrations mise en œuvre grâce à l'application de la LOLF, on préfère des indicateurs mesurant les écarts entre les meilleurs et les plus faibles des élèves ou entre ceux issus de familles aisées et ceux dont les familles sont plus pauvres, à des indicateurs mesurant en valeur absolue le niveau des élèves et leur progression : c'est là aussi le signe d'un changement de priorité, l'éducation devant être, avant tout, créatrice d'égalité.
59
Dès 1864, Jean Macé, le créateur de la Ligue de l'enseignement, fonde un journal "Le magazine d'éducation et de récréation" afin d'associer éducation et divertissement. 54
Le mythe de l'égalité scolaire créatrice d'égalité sociale Le sociologue Raymond Boudon, qui s'intéresse aux politiques éducatives menées dans les principaux pays libéraux depuis les années soixante, note : "Toutes paraissent avoir été essentiellement guidées par un principe : égaliser autant que faire se peut les chances de tous à l'accès au diplôme, atténuer au maximum l'influence de l'origine sociale sur le niveau scolaire.[...] : si la démocratie admet l'inégalité des résultats, elle ne saurait entériner l'inégalité des chances. Mais l'égalitarisme ne serait sans doute pas devenu le principe dominant des politiques d'éducation si ceux qui les ont mises en œuvre n'avaient partagé l'idée reçue selon laquelle, en égalisant les chances devant l'éducation, on égalise par là même les chances devant la vie, les Lebenschancen au sens de Max Weber, c'est-à-dire les chances devant l'emploi et devant le statut socioprofessionnel. "60 Effectivement, cette idée, selon laquelle la démocratisation du système scolaire doit nécessairement conduire à une plus grande mobilité au sein de la société, est quasi-unanimement défendue, jusqu'à paraître une évidence. Dans la préface à la seconde édition - parue en 1984 - de son enquête, Raymond Boudon rappelle que "l'une des fonctions principales des sciences sociales est sans aucun doute de débusquer les fausses évidences de la pensée sociale spontanée." Et c'est à quoi il est parvenu au terme d'une enquête très fouillée sur les politiques éducatives menées en France et à l'étranger et leurs résultats effectifs en terme de mobilité sociale. Contrairement aux idées reçues, l'augmentation générale du niveau théorique 60
Raymond Boudon, [2010 ], L'inégalité des chances, Hachette, collection Pluriel, p.10 55
d'instruction n'a pas permis d'accroître la mobilité sociale. C'est ce que confirmèrent l'ensemble des données empiriques mobilisées pour cette étude. Depuis, les travaux d'une autre sociologue de l'éducation, Marie Duru-Bellat, ont confirmé ces conclusions. Elle dénonce, dans un livre publié en 2006, l'inflation scolaire. "Une chose est sûre, " écrit-elle "l'ouverture du système scolaire ne débouche pas mécaniquement sur davantage de mobilité sociale, et les évolutions de la structure des emplois importent bien plus que la diffusion de l'éducation."61 L'augmentation importante du niveau général d'éducation s'est surtout traduite par une hausse de la déqualification, conduisant à une forme de déclassement des entrants sur le marché du travail. Le déclassement est lié à une forme de dévaluation des diplômes qui peut être mesurée en comparant dans le temps l'évolution des postes auxquels on peut prétendre en fonction de son diplôme. D'après, Marie Duru-Bellat, le déclassement frapperait 40 % des non bacheliers et 44 % des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur.62 Les résultats de ces enquêtes pourtant très sérieuses sont restés assez confidentiels. Le consensus concernant l'allongement des scolarités arrangeait tout le monde, et notamment les syndicats d'enseignants qui pouvaient ainsi continuer à réclamer plus de postes. A sa sortie, le livre de Raymond Boudon a été fraîchement accueilli, car il contredisait des opinions très répandues. "Il coupait les ailes à l'optimisme facile qui soutenait les politiques égalitaristes en matière 61
Duru-Bellat Marie, [2006], L'inflation scolaire, les désillusions de la méritocratie, éditions du Seuil, collection la République des Idées, p.18 62
ibid. 56
scolaire à une époque où le bien-fondé de ces politiques était rarement remis en question." Mais surtout, conclut Raymond Boudon, à la fin de sa préface "un redoutable effet pervers de cet optimisme a été en fin de compte de conduire à des politiques éducatives qui paraissent avoir négligé la fonction première de tout système d'éducation, sa fonction de formation, au profit d'une fonction d'égalisation, dont le caractère largement chimérique apparaît aujourd'hui de plus en plus clairement ?"63 L'enfer est pavé de bonnes intentions. L'opinion publique a plus ou moins accepté ces réformes éducatives et les renoncements qualitatifs qui les accompagnent, les croyant justifiés et, surtout efficaces pour accroître l'égalité sociale, à laquelle majoritairement elle aspirent. Craignant sa réaction, si elle apprend que la remise en cause de notre modèle éducatif traditionnel, n'a pas eu les effets promis en fait d'égalité, et que, probablement même, ces derniers sont contraires à ceux escomptés, les principaux hérauts de l'égalitarisme ont choisi de les nier et de poursuivre en pressant le pas sur la même voie. Des pédagogies adaptées à un enfant qui n'existe pas.
Emportés par leur élan, ces derniers critiquent aujourd'hui l'égalité des chances avec la même virulence qu'hier les babouvistes rejetaient l'égalité de droit. Pour Philippe Meirieu, afin de parvenir à une réelle "éducation démocratique", il convient désormais de "faire son deuil, une bonne fois pour toutes, du pseudo idéal de l'égalité des
63
Raymond Boudon [2010], p.14 57
chances. Disons-le clairement, l'égalité des chances, il y a la Française des jeux pour cela".64 L'égalité des chances ne mérite pourtant pas un tel mépris. Pour le philosophe André Comte-Sponville : "L'égalité des chances, c'est le droit de ne pas dépendre exclusivement de la chance, ni de la malchance. C'est le droit égal, pour chacun, de faire ses preuves, d'exploiter ses talents, de surmonter, au moins partiellement, ses faiblesses. C'est le droit de réussir, autant qu'on le peut et qu'on le mérite. C'est le droit de ne pas rester prisonnier de son origine, de son milieu, de son statut."65 Mais il est vrai que l'égalité des chances s'oppose à l'égalité des résultats. Elle admet des inégalités "justes" induites par les capacités intellectuelles, le mérite individuel ou les efforts consentis. Et cela, les tenants de la démocratisation de l'école ne peuvent pas le souffrir, car cela revient à considérer qu'il existe une part de responsabilité individuelle dans la réussite scolaire. Or, depuis près de cinquante ans, ils essaient de nous convaincre de la parfaite égalité des talents et des aptitudes entre les élèves. Les différences de réussite et de niveaux ne seraient que la résultante de paramètres extérieurs au premier rang desquels les conditions matérielles et sociales et l'environnement familial. Liliane Lurçat, docteur en psychologie et directrice de recherche honoraire au CNRS, le résume ainsi : "Dans l'école des sciences de 64
Philippe Meirieu, Pierre Frackowiak, [2009], L'éducation peut-elle être encore au cœur d'un projet de société ?, éditions de l'aube 65
André Comte Sponville, extrait du Guide Républicain, L’idée républicaine aujourd’hui, SCÉRÉN-CNDP, ministère de l’Éducation nationale, Delagrave, 2004. 58
l'éducation, les sociologues et les pédagogistes rejettent la singularité de la personne au nom de déterminismes liés à l'origine sociale qui seraient les plus puissants, les seuls dignes d'être pris en compte au sein de l'école. En imposant le primat du groupe sur l'individu, l'école de masse inhibe les potentialités, rabote les aspirations et désenchante l'enfance. La sociologie de l'éducation donne une image réductrice de la place de l'individu dans l'école. La dimension individuelle est niée. Seul le groupe est pris en considération et non la personne, dans la mesure où chacun est identifié à son milieu d'origine. Les pédagogistes récusent la réussite individuelle. "66 "Le sens des apprentissages scolaires ne peut résider dans la réussite individuelle" avait déjà écrit en 1997 Philippe Meirieu67. C'est pour sortir de ces présumés handicaps sociaux et familiaux que vont prospérer les pédagogies nouvelles. Ces dernières ont toutes pour point commun de se centrer sur l'enfant, sur ce qu'il sait, sur son expérience et non pas sur des connaissances qui seraient transmises du maître à l'élève. Dans les IUFM, on rappelait, ainsi, aux futurs enseignants qu'il fallait que l'enfant s'épanouisse, qu'il ne fallait pas l'ennuyer avec des connaissances qu'il ne pouvait relayer directement avec son expérience. Bref, que c'était à l'enfant de construire par lui-même son savoir, l'enseignant n'ayant qu'un rôle d'accompagnateur.
66
Liliane Lurçat, "la formation des maîtres au vent de l'idéologie", Conflits actuels, n°3, hiver 1998, p.45 67
Philippe Meirieu, Guiraud Marc, [1997], L'école ou la guerre civile, éditions Plon. http://www.meirieu.com/LIVRESEPUISES/ecoleouguerrecivile.pdf 59
Pour Philippe Meirieu, l'enfant se construit à travers le rapport qu'il établit entre l'homogène et l'hétérogène. "Il faut donner à l'enfant des espaces de rencontre de l'hétérogène en même temps que nous lui donnons des lieux et des cadres de traitement où il se sent respecté dans sa différence et où ses besoins spécifiques sont pris en compte."68 C'est au nom de ce galimatias que l'on va adapter les programmes au vécu des enfants afin qu'ils y trouvent le reflet de leur "homogène", renforçant, par la même, les différences existant entre les enfants issus de familles disposant d'un capital culturel important et les autres. De l'autre côté, c'est afin d'offrir suffisamment d'hétérogénéité que l'on va justifier l'existence de "classes hétérogènes avec des élèves d'origines différentes, de sensibilités différentes, de niveaux différents, dont certains ont des difficultés particulières."69 Si certains pensent encore qu'une trop forte hétérogénéité de niveau au sein d'une classe nuit fatalement au travail des enseignants et à la réussite des élèves, c'est qu'ils oublient un peu vite que d'après les théories en vogue, ce n'est pas l'enseignant qui transmet le savoir, mais bien les élèves qui le construisent grâce à leurs différences. Comme le relève Chantal Delsol, le problème c'est que toutes ces théories n'ont jamais cherché à se confronter à la réalité. C'est à partir de ce "jus d'esprit" qu'elles ont fini par concevoir un système adapté à un enfant qu'elles avaient elles-mêmes inventé. Dès lors, "L'enfant est considéré, non plus comme un être en devenir et attendant pour se structurer des modèles adultes, mais comme un citoyen à part entière, déjà doté de toutes les capacités et attributs nécessaires. L'enfant n'a pas à apprendre l'autonomie : il est 68
Philippe Meirieu, [2009]
69
ibid. 60
autonome de nature, et il s'agit seulement de laisser s'épanouir en lui ses capacités."70 Dans un tel modèle, toute forme d'autorité, y compris celle que confère normalement le savoir, est discréditée. L'objectif est uniquement, comme d'ailleurs l'avaient souhaité dès 1978 les socialistes, l'épanouissement de l'enfant. "Un système éducatif n'a de raison d'être que l'épanouissement de l'élève et de l'étudiant, la compréhension du monde où il vit, son adaptation aux différents milieux, familiaux, professionnels, où il évolue et, pour finir la prise de responsabilité dans le concert civique et le débat social."71 Le mirage de l'égale répartition des talents Il suffit pourtant de regarder autour de nous pour nous apercevoir que tous les enfants ne sont pas également doués des mêmes facilités. La maturité intellectuelle est plus ou moins rapide et au final, même si cela peut paraître cruel de l'affirmer, tous n'ont pas les mêmes capacités. Quatre auteurs, économistes et sociologues, se sont intéressés au mécanisme à partir duquel la France "trie" sa jeunesse. Leur thèse est loin d'être libérale, mais ils affrontent avec lucidité la réalité et, notamment, ils démontrent "qu'il faut se résoudre à reconnaître que la réussite scolaire et l'insertion professionnelle et sociale sont très corrélées aux capacités individuelles. Ces capacités sont d'ordre cognitif et non cognitif. Les premières sont mesurées par des tests de 70
Chantal Delsol, [2011], p. 23
71
Extrait du plan Mexandeau, cité par Bernard Kuntz, enseignant et président du SNALC jusqu'en 2011, dans le numéro 3, de la revue Conflits actuels, intitulé "Libre Ecole", p. 33, 1998. 61
quotient intellectuel. Les secondes par des tests psychologiques qui évaluent les traits de personnalité."72 Les capacités "non-cognitives", comme le fait d'être "consciencieux"mesuré par la capacité de contrôler, réguler et diriger les impulsions-, peuvent être plus fortement associées à la réussite scolaire que l'intelligence, mesurée par les tests de quotient intellectuel. Tout cela conduit à affirmer que "l'inégalité des chances a des racines profondes qui sont avant tout liées aux inégalités de capacités,"73 poursuivent ces auteurs. Or, ces inégalités sont le fruit à la fois de l'hérédité et de l'environnement familial. Elles s'établissent ainsi dès le plus jeune âge. L'hérédité est un sujet tabou. Pourtant, certaines études, qui ont suivi les membres d'une fratrie placés aléatoirement hors de leur famille d'origine, ont permis de mettre clairement en évidence les influences relatives entre les facteurs liés à l'hérédité et ceux liés à l'environnement familial. "Il semble que l'hérédité compte à peu près pour moitié dans l'explication des capacités cognitives comme non cognitives ; l'autre moitié pouvant être attribuée à l'environnement de l'enfant, dont une grande partie est familiale".74 Quant à l'environnement familial, c'est le niveau d’études des parents, plus que leurs revenus qui influence la réussite des enfants. Ce capital culturel est souvent corrélé à la pratique d'activités culturelles, mais aussi à une ambition scolaire plus forte des parents 72
Pierre Cahuc, Stéphane Carcillo, Olivier Galland, André Zylberberg, [2011], la Machine à trier, éditions Eyrolles, p 65 73
ibid.
74
ibid. p.70 62
pour leurs enfants, ces deux éléments étant des facteurs importants pour améliorer la réussite scolaire.75 Pourtant, durant des décennies, ce sont les facteurs économiques que l'on a mis en avant, l'école étant accusée de favoriser les fils de riches. Quant à l'échec des enfants issus des milieux défavorisés, on s'est contenté, pendant de nombreuses années, de l'expliquer par le manque de moyens matériels. Là encore, il faut sortir des slogans. Si l'environnement familial et le confort de l'enfant (chambre individuelle, accès à des livres, lieux calmes pour étudier) exerce une influence notable sur la réussite scolaire et si ces éléments sont souvent liés au revenu de la famille, tout ne se résume pas à une simple question financière. Même François Dubet, sociologue et inspirateur du projet du parti socialiste, reconnaît aujourd'hui que les choses ne sont pas aussi simples. Il cite, notamment, les travaux de Susan Mayer qui "observe que les aides sociales financières accordées aux familles pauvres n'accroissent pas le temps que les parents consacrent à leurs enfants et n'affectent ni leurs résultats scolaires ni leurs conduites déviantes." 76 L'argent est moins important que le temps consacré par les parents au suivi du travail de leurs enfants, ainsi qu'à l'ambition scolaire qu'ils affichent pour eux.
75
Dossier d'actualité Veille et Analyses, n° 63, juin 2011, http://ife.enslyon.fr/vst/DA-Veille/63-juin-2011.pdf 76
François Dubet, [2010], Les places et les chances, repenser la justice sociale, éditions du Seuil, collection la République des idées, p.42 63
Maintenir l'illusion coûte que coûte. Le système éducatif n'est pas en manque d'idées pour entretenir l'illusion des enfants également "doués", et ainsi retarder le moment où il faudra regarder la réalité en face et envisager des solutions. Un des moyens les plus efficaces pour éviter de mesurer les difficultés que rencontrent les élèves consiste évidemment à supprimer les notes. En cassant le thermomètre, on ne peut plus mesurer la fièvre. C'est ainsi que le ban et l'arrière ban des pédagogues, acteurs de l'éducation populaire et autres grandes consciences, se sont mobilisés, fin 2010, pour appeler à la suppression des notes dans le primaire, mais aussi au collège, justifiant leur combat par la prétendue souffrance psychologique dont les élèves français seraient atteints en raison de notre système barbare de notation. Ce dernier casserait les élèves et nuirait à l'image qu'ils ont d'eux-mêmes. Or, contrairement aux idées reçues, les élèves n'ont pas une image dégradée d'eux-mêmes. Même dans l'enquête réalisée par l'Afev77 et qui sert pourtant de support à ceux qui réclament la suppression des notes, on peut constater que, parmi les jeunes en difficulté scolaire qui sont interrogés, 83 % estiment appartenir au groupe des "moyens" ou des "forts". Où est la perte de l'estime de soi ? Les pays qui ont mis en place des systèmes alternatifs à la notation sont petit à petit en train de faire machine arrière. Le Québec, tout comme certains cantons Suisse, ont ainsi rétabli les bulletins de 77
Baromètre Trajectoires/Afev 2010 du rapport à l'école des enfants des quartiers populaires. 64
notes. Le Danemark et la Suède réforment également leur système d'évaluation qui, jusqu'alors, n'était basé que sur quelques paliers d'évaluation, pour mettre en place un système plus précis et ressemblant à une notation classique.78 En France, les enseignants d’une classe de 6ème du lycée collège Van der Meersch de Roubaix ont expérimenté, en 2009, la suppression des notes. Nourris de discours pédagogistes, vantant l'évaluation dite "formatrice", ils espéraient ainsi améliorer la motivation des élèves et leurs résultats. Tous les professeurs de cette classe de 6ème ont évalué les élèves, au cours de l’année scolaire 2009/2010, grâce à des grilles de compétences en ne mettant plus aucune note. Contrairement à ce qu'enseignaient les doctrines pédagogistes, ce type d’évaluation n’a pas permis d’améliorer les résultats des élèves. Au contraire ! Dans la monographie rédigée par les enseignants de cette classe en fin d’année, le bilan est sans appel. « Le bilan n’est pas à la hauteur de nos attentes. L’ambiance de travail s’est dégradée [… ] Les élèves ont eu tendance à devenir moins compétents au cours de l’année à cause d’un manque de rigueur. […] Seuls trois élèves ont fait l’effort d’apprendre leurs conjugaisons, les autres ne s’en sont pas donné la peine et il semble que l’absence de notes en est une cause aggravante. […] La disparition de la note ne semble donc pas être une solution pour agir sur la motivation des élèves. »79 78
Voir à ce sujet, la note du CERU, La suppression des notes à l'école est un échec, octobre 2010, http://www.ceru.fr/spip.php?article4 79
Monographie réalisée par les enseignants http://www4b.aclille.fr/~sepia/spip.php?article130 65
Les enseignants ont donc conclu à la nécessité de revenir à un système classique de notation, système qui avait, d’ailleurs, été regretté par les élèves eux-mêmes. Pour entretenir l'illusion quant aux résultats des élèves, une seconde méthode, encore plus radicale, est souvent évoquée. Elle consiste à redéfinir les programmes de façon à les simplifier suffisamment pour faciliter la réussite des élèves. En orthographe, par exemple, André Chervel80, bien obligé de constater "qu'il ne fait plus aucun doute aujourd'hui qu'une majorité d'élève ne maîtrise plus les compétences de base de l'orthographe", propose tout simplement de "simplifier considérablement l'orthographe", ce renoncement étant, comme à chaque fois, motivé par des raisons de justice sociale : "Si l'on ne fait rien, la situation ne peut que s'aggraver et l'orthographe deviendra une discipline de luxe comme le latin autrefois. On observe d'ailleurs déjà l'émergence d'officines privées qui promettent de réconcilier les enfants avec l'orthographe ! L'autre option, démocratique, serait de maintenir le cap d'une discipline enseignée à tous les Français et donc de simplifier considérablement l'orthographe."81 La ficelle est un peu grosse. Motivés par des raisons similaires, d'autres ont franchi le pas et décidé d'appliquer cette méthode. C'est ainsi que Richard Descoings, le très médiatique directeur de Sciences-Po Paris, a décidé de supprimer l'épreuve de culture générale du concours d'entrée à son 80
Historien des langues et membre du très influent Institut national de la recherche pédagogique (INRP) rebaptisé récemment Institut français de l'éducation (Ifé). Organisme qui est à l'origine de toute la recherche pédagogiste française. 81
"Enseigner aujourd'hui l'orthographe à l'école : mission impossible ?" Forum Rets du 11 mars 2009, cité dans Mazeron Claire [2010], p. 153 66
établissement, malgré l'opposition de beaucoup d'étudiants et d'anciens de l'Institut d'études politiques de Paris,82 cette épreuve étant présentée comme trop discriminante socialement. Pourtant, les résultats d'une enquête menée en 2004 par une équipe du CEVIPOF à la demande de l'Institut afin d'étudier les biais sociaux liés aux concours d'entrée prouvent exactement le contraire. Dans un communiqué, daté du 23 mars 2004, la direction de la communication de Sciences-Po notait : "Pendant des années, on a admis l'idée selon laquelle la culture générale, épreuve sans programme, faisant appel à l'environnement social et culturel des candidats, était socialement très discriminante. C'est faux. En effet, toutes choses étant égales par ailleurs, on ne constate aucune différence significative de note obtenue à l'épreuve de culture générale entre les CSP+ et les CSP-. [...] En revanche, l'épreuve d'Histoire, pourtant épreuve à programme, celui de Première et de Terminale, est la plus discriminante socialement." Quelques années plus tard, la pression du politiquement et du pédagogiquement correct, ainsi que la volonté du directeur d'attirer à nouveau la lumière médiatique sur son établissement auront eu raison de l'épreuve de culture générale. Derrière les bons sentiments affichés, il existe une bonne dose de condescendance. Cette charité "éducative" voudrait, finalement, faire croire que les enfants des milieux modestes sont condamnés à user de passe-droit pour réussir. L'expérience de l'Institut d'études politiques de Bordeaux nous offre un éclairage radicalement différent. En effet, cette école, à la différence des autres IEP de 82
Le Mouvement des étudiants (MET), branche étudiante de l'UNI a lancé une pétition pour défendre l'épreuve de culture générale, estimant qu'elle constitue l'ADN de cette formation. http://www.mouvementdesetudiants.fr/spip.php?article346 67
province, mais aussi de Sciences-Po Paris, a choisi de durcir son concours d'entrée en l'interdisant à tous les bacheliers ayant obtenu moins de 12/20 au bac. Cette exigence supplémentaire s'est traduite par une augmentation du nombre d'étudiants boursiers reçus. Aujourd'hui encore, l'IEP de Bordeaux est celui qui a les promotions les plus socialement diversifiées, mais il reste une exception. L'égalitarisme a encore de beaux jours devant lui.
L'égalitarisme et les enseignants
La passion égalitaire n'a pas épargné les enseignants. Le milieu s'est révélé d'autant plus fertile à son développement que les deux camps qui, traditionnellement, s'opposent sur toutes les questions éducatives, les "Pédagogistes" et les "Républicains" se retrouvent chacun à leur manière à adorer l'égalité. D'un côté, les adeptes des "pédagogies modernes" militent pour l'unification du corps des enseignants. Ils estiment que quelle que soit la discipline que l'on enseigne et l'âge des élèves à qui l'on fait classe, tous les enseignants doivent être recrutés à un même niveau de diplômes, recevoir la même formation, maîtriser les mêmes techniques pédagogiques, car celles-ci sont sensées transcender les approches disciplinaires. Leur rêve a, en partie, été réalisé par Lionel Jospin. En 1989, dans sa loi d'orientation pour l'école, ce dernier avance d'un grand pas sur la voie de l'instauration d'un corps unique des professeurs de la maternelle à l'université, en mettant fin à l'existence du corps des 68
instituteurs et à ses spécificités (recrutement après le baccalauréat et formation au sein des écoles normales primaires). Les instituteurs se sont, alors, transformés en "professeurs des écoles". Le progrès était en marche. Tous les enseignants devenaient égaux en dignité puisqu'ils pouvaient désormais tous prétendre au titre de "Professeur" ; comme si les instituteurs avaient eu besoin de cette nouvelle dénomination pour être respectés ! Mais le changement est plus profond, ces derniers sont, depuis, recrutés avec les mêmes diplômes et ils suivront une formation au sein des mêmes IUFM (jusqu'à la disparition de ceux-ci) que les enseignants du secondaire. A l'époque, le mathématicien et homme de gauche, Laurent Schwartz, qui avait été le premier lauréat français de la médaille Fields en 1950, a dénoncé ce qu'il considérait comme un dérapage de la politique égalitariste du gouvernement socialiste " L'égalitarisme s'étend aux enseignants [...] On tente de remplacer la compétence par des qualités affectives, le dévouement, les qualités pédagogiques qui sont bien évidemment indispensables. Mais les connaissances sont primordiales : on ne peut enseigner que ce que l'on connaît très bien. "83 On aurait pu croire qu'une telle réforme eût calmé les appétits égalitaristes. Mais, parmi les pédagogistes les plus fervents, cette quête n'est jamais finie. Ainsi, en 2003, Philippe Meirieu, reprenant le slogan de mai 68 "Tous enseignants !", militait pour que tous les fonctionnaires puissent devenir enseignants en consacrant pour
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Laurent Schwartz cité dans Fanny Capel, [2006], Qui a eu cette idée folle un jour de casser l'école ?, Chantal Delsol, [2011], p 45 éditions Ramsay, p 97 69
commencer, par exemple," 10 % de leurs temps à transmettre aux jeunes générations ce qu'ils ont appris." 84 Tout cela participe à la dévalorisation du métier, laissant croire qu'il ne nécessite aucune compétence et aucun savoir particulier et qu'il peut être confié à n'importe qui, dès lors que ce dernier est formé aux "bonnes pédagogies". La magie du concours De l'autre côté, la position est quasiment symétrique, et c'est la nostalgie des "hussards noirs" et d'une République mythifiée qui fait le lit d'un autre culte de l'égalité. Celle-ci est alors vécue comme un bouclier contre les injustices, contre l'arbitraire et le favoritisme de l'Etat et de l'institution. Dans ce camp, le concours apparaît comme le centre du système, le garant ultime et définitif de la compétence des enseignants. Tout se joue comme si les enseignants avaient reçu, grâce au concours, une onction magique les rendant, parfaitement et tout au long de leur carrière, infaillibles. Dès lors, toutes interventions du ministère ou des chefs d'établissement dans la gestion des avancements deviennent suspectes. C'est, en effet, avant tout pour échapper au favoritisme que les recrutements se font grâce à un concours national. "Pour être
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Xavier Darcos, Philippe Meirieu,[2003] Deux voix pour une école, éditions Desclée de Brouwer, p.137 70
pleinement égalitaire, le système requiert une sélection sur des critères absolument neutres : le savoir seul."85 Or, si la maîtrise de la discipline enseignée est primordiale, elle n'est jamais suffisante. Ce n'est pas parce qu'un étudiant a brillamment obtenu un master de lettres classiques qu'il saura automatiquement apprendre à lire à un enfant. "Un enseignant n'est pas seulement celui-qui-sait. Il doit réussir en pédagogie : il doit transmettre son savoir, et n'est donc pas seulement en prise avec des connaissances, mais aussi et surtout avec des élèves"86, nous dit Chantal Delsol. Mais attention, faire œuvre de pédagogie ne signifie en aucun cas épouser les thèses de ceux que l'on a présentés, au fil des pages, comme "les pédagogistes". Liliane Lurçat trace très bien la ligne qui existe entre ces deux attitudes : "La pédagogie n'est pas séparable des connaissances à transmettre. Elle prend des formes différentes selon les disciplines. A l'inverse, le pédagogisme sépare la pédagogie des disciplines. Il veut se situer au dessus des connaissances à transmettre, auxquelles il substitue un arsenal de techniques et de procédés."87 Récemment, des enquêtes empiriques ont démontré que ces deux façons de procéder ne sont pas aussi efficaces, les pédagogies
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Chantal Delsol, [2011], p.44
86
ibid.
87
Liliane Lurçat, "la formation des maîtres au vent de l'idéologie", Conflits actuels, n°3, hiver 1998, p.44 71
centrées sur le savoir, dites " explicites", obtenant de bien meilleurs résultats. Rappelons que les méthodes "actives", défendues par les "pédagogistes" français, placent l'enfant au centre et attendent de lui, comme nous l'avons déjà vu, qu'il construise lui-même son savoir. A l'opposé de ces méthodes, certains chercheurs anglo-saxons ont, dans les années soixante-dix, développé d'autres méthodes, comme les "pédagogies explicites" ou même la méthode "Skinner". Ces dernières ne sont en réalité qu'une simple retranscription, dans le jargon des sciences de l'éducation, des pédagogies traditionnelles. Elles recommandent, par exemple, de faire travailler les élèves régulièrement, à partir d'un plan ordonné de connaissances allant des choses les plus simples aux plus complexes (et non l'inverse), en rappelant et faisant ressortir les éléments importants des leçons. Elles insistent sur l'importance de la répétition et d'une évaluation régulière pour faciliter l'apprentissage des élèves. De telles conclusions n'apportent rien de nouveau par rapport à ceux qui avaient conservé un brin de "bon sens", mais elles bousculent nombre de dogmes enseignés durant des décennies dans nos IUFM. Il ressort, également, des résultats des enquêtes empiriques que l'exigence et l'ambition que porte l’enseignant vis-à-vis de ses élèves, constitue un facteur déterminant des performances scolaires.88 Tout cela démontre bien que les enseignants, pour faire progresser leurs élèves, doivent complètement dominer leur discipline, mais également être capables de bien structurer leur cours et faire preuve 88
Dossier d'actualité Veille et Analyses, n° 65, septembre 2011 http://ife.ens-lyon.fr/vst/DA-Veille/65-septembre-2011.pdf 72
de motivation. Or, ces dernières qualités ne sont pas du tout évaluées par le concours. "La conséquence est que nombre d'enseignants n'ont aucune vocation d'enseignant. Ils aiment les matières qu'ils étudient, mais ils deviennent professeurs par destin, parce que leur matière mène aux concours et les concours à l'enseignement".89 Ce que nous dit, ici, Chantal Delsol se confirme à chaque rentrée. Il suffit de consulter certains forums pour y trouver affichées les angoisses existentielles de jeunes enseignants placés devant un choix cornélien. Ils ont obtenu leur concours et leur titularisation dans la fonction publique, mais, après quelques mois ou années d'expérience, ils s'aperçoivent qu'ils ne sont "pas faits pour ça", que "le contact avec les élèves ne passe pas". Faut-il pour autant démissionner ? En période de crise, renoncer à un emploi à vie n'est pas chose aisée. C'est ainsi que la plupart décident de prendre leur mal en patience, ce qui ne s'avérera au final bénéfique ni pour eux ni pour leurs élèves. Le concours est, bel et bien, nécessaire, mais il ne peut pas être suffisant pour sélectionner correctement les futurs enseignants et garantir leur motivation tout au long de leur carrière.
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Chantal Delsol, [2011], p 45 73
Tous les enseignants ne sont pas également doués
"Depuis quatre décennies, un ensemble de recherches menées dans le domaine de l'éducation a pu confirmer l'intuition de nombreux parents : les progrès de leurs enfants dépendent de manière significative du talent et des compétences de leurs professeurs [...]. Toutes choses égales par ailleurs, 10 % à 15 % des écarts de résultats constatés en fin d'année entre élèves s'expliquent par l'enseignant auquel l'enfant a été confié."90 Ces recherches démontrent également que l'influence des enseignants sur la réussite des élèves est un facteur bien plus déterminant que celui, par exemple, de la taille des classes ou de l’établissement dans lequel ces derniers sont scolarisés. " Les études sur l’effet enseignant nous livrent donc plusieurs résultats importants : premièrement, l’enseignant a un impact significatif sur les acquisitions de ses élèves et les enseignants diffèrent sensiblement du point de vue de leur capacité à faire progresser leurs élèves ; deuxièmement, si l’on arrive à faire progresser sensiblement les enseignants en efficacité, on peut en attendre des effets potentiellement supérieurs à ceux qui résulteraient d’une diminution importante de la taille des classes ; troisièmement, au cours du temps, les impacts des enseignants successifs se cumulent, mais le rôle qu’a eu chaque enseignant sur les acquisitions de ses élèves s’estompe assez vite."91 90
Centre d'analyse stratégique, "Que disent les recherches sur l' "effet enseignant"?, note d'analyse n°232, juillet 2011. 91
ibid., p.6 74
Au final, ces études soulignent que les enseignants peuvent se révéler plus ou moins efficaces pour faire progresser leurs élèves. Quant on s'intéresse plus précisément aux qualités nécessaires pour "devenir" un bon enseignant, les résultats de ces enquêtes révèlent quelques surprises. Ainsi la formation pédagogique initiale des enseignants semble moins importante que l'ancienneté. "Les études statistiques réalisées pour établir les effets comparés de la formation initiale et de l'expérience sur l'efficacité des enseignants a permis de démontrer que l'expérience ( avoir un minimum de 3 ans d'expérience ) avait des effets positifs bien plus importants que ceux de la formation initiale. Aujourd’hui, aux États-Unis, la plupart des études suggèrent que l’effet de la formation initiale est soit faible, soit non significatif".92 Ces résultats américains ont été confirmés en France par une évaluation rendue possible suite à une erreur administrative. "En 1990 et 1991, à la suite d'une erreur de prévision, de nombreux instituteurs durent être recrutés sur les listes d'attente aux concours. A la différence des candidats reçus, ils furent donc directement envoyés dans les classes, sans suivre les deux années de formation en Ecole normale. La comparaison des acquis de leurs élèves avec ceux des élèves ayant été scolarisés dans des classes tenues par des enseignants débutants sortis de l'Ecole normale (ayant donc passé et réussi le concours deux ans plus tôt) ne révèle pas d'effet significatif de la formation initiale pour la lecture." Tout cela confirme bien que l'efficacité des enseignants est également liée à des qualités "humaines" intrinsèques, comme leur
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ibid, p.7 75
motivation, leur ambition vis-à-vis de leurs élèves, leur autorité, leur capacité à "tenir" une classe ou leur rigueur. Malheureusement, ni le recrutement des enseignants, ni la gestion de leur carrière ne prend en compte ces critères.
Le Mammouth ne reconnait pas le mérite de ses enseignants
D'ailleurs, il est difficile de parler de gestion des ressources humaines quand on évoque la façon dont le ministère gère son million de fonctionnaires, avec leurs 160 000 changements de poste (dans le premier et le second degré) et leurs 100 000 promotions ou changements d'échelon par an. Le rapport de la commission Pochard, chargé en 2008 de réfléchir sur l'évolution du métier d'enseignant avait pointé de nombreux manques. Il notait que " gérer les enseignants, c'est, comme pour bien des fonctionnaires, gérer des dispositions statutaires, des normes, des procédures et prendre une multitude d'actes de gestion, de façon mécaniste, sans suffisamment de lien fonctionnel avec les besoins du service ou une analyse de la ressource humaine en cause."93 La gestion des carrières et des mutations fonctionne grâce à ce que certains nomment "la moulinette à points". Chaque candidat à un mouvement, que ce soit une promotion ou une mutation, bénéficie d'un certain nombre de points, en fonction principalement de son 93
Rapport Pochard, "Les enseignants à l'aube du XXI° siècle", la documentation française, p.65 76
ancienneté (de poste et de grade), de son affectation actuelle et de sa situation familiale. A partir de ce total de points, on fait "mouliner" la machine pour déterminer ce à quoi il peut prétendre. Quant à la notation suite aux inspections afin d'être mieux acceptée et de ne pas créer trop de jalousie entre collègues, "elle a été encadrée par des grilles s'imposant aux notateurs pour éviter les distorsions entre eux, entre disciplines, entre académies. Ainsi, la note administrative fait l'objet d'une péréquation. Il en résulte inévitablement le sentiment d'une forme de pilotage "automatisé", Autant dire que toute prise en compte de la motivation, du travail, des résultats des enseignants est impossible dans un tel système. C'est la première faille de ce système. De plus, un enseignant n'est, en moyenne, inspecté qu'une fois tous les sept ou huit ans dans le second degré, et tous les quatre ans pour le premier degré. Les membres de la commission Pochard estiment très justement que "cette évaluation n'est pas suffisamment efficace pour détecter les enseignants qui posent problème et qui devraient, par un biais ou un autre, être retirés du face-à-face avec l'élève." Mais, même si ce système était plus efficace, serait-on réellement capable de faire sortir des classes les enseignants qui posent problème ? Malheureusement, certains faits divers nous amènent à répondre par la négative. A Bourges, en octobre 2011, dans un accès de démence, un jeune agrégé a tué d'un coup de sabre une policière qui tentait de le maîtriser. Cet enseignant avait fait l'objet de plaintes auprès de sa hiérarchie suite à ses nombreux délires sur la fin du monde, ou l'existence d'extraterrestres, des vampires et des loupsgarous. Aucune mesure d'éloignement n'avait été prise. Il a, malheureusement, continué à enseigner jusqu'à la veille du drame.
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Mettre un enseignant à la porte de sa classe ou de son établissement ne semble vraiment pas faire partie de la culture du ministère. Il suffit pour s'en convaincre de regarder le faible nombre de révocations d'enseignants, en moyenne seulement une dizaine par an pour près d'un million de fonctionnaires.94 La seconde faille du système, c'est son incapacité totale à prendre en compte les besoins d'un établissement dans la gestion des affectations. Ces dernières étant quasi-exclusivement conditionnées par les vœux des enseignants eux-mêmes, si un établissement juge avoir besoin de rajeunir son équipe enseignante, ou au contraire pense nécessaire de disposer de quelques enseignants plus expérimentés pour étoffer ses équipes, il n'existe quasiment aucun moyen de prendre ses demandes en compte. Pour les établissements, l'affectation des moyens humains relève de la pure loterie. L'effet le plus direct et le plus négatif de ce type de mouvement est de conduire à faire assurer les emplois vacants dans les quartiers difficiles par de jeunes professeurs qui sont contraints d'accepter ces postes parce qu'ils n'ont pas suffisamment de points et d'ancienneté pour enseigner ailleurs. Dans le second degré, près de 40 % des néotitulaires avaient été affectés, en 2007, dans des établissements difficiles, ce chiffre pouvant atteindre 69 % dans l'académie de Créteil. "Autrement dit, là où l'on a besoin de la ressource humaine la plus attentivement choisie, au savoir-faire pédagogique éprouvé, pour
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En 2010, il y a eu 181 fonctionnaires révoqués, dont une centaine dans la police alors que ce ministère ne comporte que 145 000 agents. 78
répondre à des besoins particulièrement avérés, on envoie de façon purement impersonnelle les recrues les moins expérimentées"95 Dans certains établissements difficiles, la rotation des enseignants est vertigineuse, de l'ordre de 80 % tous les deux ans. Comment construire un projet pédagogique et mobiliser une équipe, quand on sait qu'à peine arrivés les enseignants pensent à partir ? Aujourd'hui, tout le monde reconnait l'existence de ces failles. Mais, alors qu'il semble urgent de réfléchir à un nouveau système d'évaluation, de promotion et d'affectation des enseignants tenant mieux compte de leurs aptitudes et de leur mérite, les syndicats estiment qu'il suffit de supprimer la notation sans la remplacer par un autre dispositif. Encore une fois, les syndicats ont ainsi trouvé la meilleure façon de préserver l'illusion de la parfaite égalité de talents et de mérite entre les enseignants !
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Rapport Pochard, p.66 79
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Troisième partie
Le traitement
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Au fil des décennies, l'école s'est éloignée de son objectif initial : la transmission des savoirs. Certains de ceux qui sont présentés comme les pères fondateurs de l'école républicaine et moderne avaient, pour elle, d'autres aspirations. Ils voulaient lui faire jouer un rôle plus direct afin d'influencer, voire de façonner la société selon leurs plans. Finalement, ils n'auront fait qu'appliquer la feuille de route laissée, en 1866, par Jean Macé, fondateur de la Ligue de l'enseignement. La postérité n'a retenu de cet homme de gauche que son combat pour l'école publique, laïque et gratuite. Ses motivations sont moins connues. Pourtant, elles méritent notre attention, car elles portent les germes de l'école égalitaire. Pour Jean Macé, l'objectif premier de l'école, ce n'est pas la simple diffusion du savoir, c'est "l'éducation au suffrage universel". De son propre aveu, son organisation "poursuit un but essentiellement politique", qui fixe à l'éducation le soin "de faire des électeurs"96. Cette thèse, même si elle n'a pas toujours été aussi clairement affichée, n'a jamais cessé d'inspirer la gauche et ses alliés au sein du milieu scolaire. Depuis, comme le note François Ewald, l'école est devenue le "lieu privilégié de l'initiation à la République, elle est
96
"Pour se souvenir de l'avenir. Brève histoire de la Ligue de l'enseignement", site internet de la Ligue de l'enseignement. www.laligue.org 83
chargée de "fabriquer" le citoyen de la démocratie "égalitaire".97 On lui a, ainsi, fixé pour mission d'apprendre aux enfants "les gestes citoyens", les comportements "éco-responsables", et le catéchisme "politiquement correct". "Et cela, non pas en s'appuyant sur le capital social dont l'enfant hérite de sa communauté d'origine [quitte à l'enrichir], mais en prétendant forger un être nouveau."98 Cette école s'adresse ainsi à un enfant abstrait qu'elle a elle-même inventé. Comme le chien qui lâche sa proie pour l'ombre, elle a sacrifié la transmission du savoir au nom de l'égalité. Elle n'aura obtenu ni l'un, ni l'autre. Car, "plus l'école renonce à transmettre les connaissances, plus ces dernières se voient réservées à ceux auxquels leur famille et/ou leurs moyens confèrent la possibilité de s'instruire ailleurs99. Au bout du compte, l'égalitarisme tue l'école,"100 et tourne le dos à une juste égalité des chances. Pour guérir l'école de cette maladie, il faut, tout d'abord, admettre que l'institution scolaire ne s'adresse pas à des "élèves désincarnés", ni à des professeurs "statufiés". Tous doivent être considérés comme des personnes différentes, dont il faut reconnaître les talents, 97
François Ewald, "Refonder l'école", la Lettre n°15, Fondation pour l'innovation politique. 98
Ibid.
99
Un chiffre permet d'illustrer ce propos, c'est celui du marché des cours privés. Il est évalué à plus de 2 milliards d'euros par an 100
Bernard Kuntz, Conflits actuels n° 3, intitulé "Libre Ecole", p. 33, 1998.
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encourager les efforts et sanctionner les fautes. C'est à ce prix que nous pourrons renouer le fil de l'excellence qui permet, par l'école, de faire rayonner et progresser une nation.
Sortir de l'hypocrisie de l'égalité de niveau des élèves.
"Il n'existe ni bons, ni mauvais élèves ". C'est au nom de cette croyance, apparemment généreuse, que l'on a nié les différences d'aptitudes des élèves en leur faisant croire que tous pouvaient progresser au même rythme vers les mêmes diplômes. L'hétérogénéité des classes fut longtemps vantée par la majorité des "pédagogues," culpabilisant ceux qui aspiraient à la constitution de classes de niveau plus homogènes. Tout en faisant semblant de respecter cette doxa, le système l'a contournée de façon très hypocrite. Officiellement, les classes de niveau n'existent pas, même si tout le monde sait que le choix des options est déterminant pour être dans les "bonnes classes". Combien de collégiens ont choisit "allemand, première langue" parce que cela leur assurait une place parmi les meilleurs ? Malheureusement, il n'est pas toujours très simple de s'y retrouver, chaque établissement ayant, pour l'entrée dans ses meilleures classes, ses propres options. Faut-il préférer le russe au latin ? Choisir sport à la place d'une troisième langue vivante, n'est-ce pas courir le risque de se retrouver déclassé ?
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Au delà de ces questionnements, le fait que ces classes de niveau se soient constituées dans une quasi-clandestinité interdit de reconnaître leur existence et donc d'ajuster les crédits qu'on leur consacre. C'est le prix de l'hypocrisie. Qu'une classe regroupe les bons élèves, ou qu'elle rassemble une majorité d'élèves en difficulté, l'institution dans une fausse impartialité lui accordera les mêmes moyens. Or, il serait bien plus juste et efficace de constituer des classes de trente bons élèves, pour pouvoir, parallèlement, mettre en place des classes de quinze élèves pour ceux qui ont besoin de plus de soutien. Cela impose d'accepter, enfin, que tous les élèves n'ont pas les mêmes facilités et que l'école doit s'adapter à cette réalité, en créant des classes de niveau, en diversifiant les filières et en améliorant l'orientation des élèves.
Mieux prendre en compte les qualités personnelles des enseignants
Ce sont les mêmes raisons et le même impératif de réalisme qui nous impose, aujourd'hui, de changer profondément la façon dont le ministère gère le recrutement et les carrières des enseignants. Prétextant une totale neutralité vis-à-vis de ses agents, le ministère a fini par les réduire à leur "statut", gérant leur avancement de façon automatique et aveugle, et les considérant, au final, comme des pions totalement interchangeables. Or, tout comme les élèves, les enseignants n'ont pas tous les mêmes qualités ni la même motivation. Ne pas le reconnaître nuit à la qualité 86
de l'enseignement, puisque l'on s'interdit, comme nous l'avons montré dans la partie précédente, d'affecter les enseignants en fonction de leurs compétences spécifiques et des besoins des établissements, cela affecte, également, leur motivation. Comment ne pas se démotiver quand on sait que ses efforts ne seront jamais récompensés ? L'évaluation des enseignants doit être totalement redéfinie afin qu'elle dépasse la simple prise en compte de l'ancienneté pour s'intéresser réellement au travail, aux compétences, aux résultats et au mérite des professeurs. Cela doit naturellement conduire à une politique de rémunération récompensant les enseignants les plus efficaces et les plus méritants.
Concilier autonomie des établissements et unité nationale de l'enseignement
Le troisième grand axe de réforme vise à donner plus d'autonomie aux établissements afin de sortir de l'extrême centralisme du ministère et de permettre aux établissements, dans le strict respect des programmes nationaux, de s'adapter aux besoins de leurs élèves. Cette autonomie doit concerner, à la fois, la définition d'un projet d'établissement, auquel tous les enseignants doivent souscrire, la gestion des rythmes scolaires, mais aussi celle du budget et des recrutements.
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Afin d'éviter que cette nécessaire autonomie ne conduise à un morcellement de l'éducation nationale, pouvant entraîner des dérives communautaristes, les programmes, la formation et l'évaluation des élèves doivent rester nationaux. Enfin, ces réformes ne se feront pas sans réaffectation des moyens. L'objectif doit être de réinvestir 50 % des économies réalisées sur le budget de l'Education nationale dans les dispositifs permettant de bâtir cette école respectueuse des talents et des mérites de chacun.101
101
Depuis 2007, une gestion plus rigoureuse a permis de ne pas renouveler les postes de 60 000 enseignants partant à la retraite. Cela a représenté plus de 7 milliards d'économie. En 2012, 2,5 milliards ont ainsi été économisé. Il convient de poursuivre les efforts de rationalisation de notre système éducatif. Les fruits de cette optimisation réalisée depuis 2007 et les fruits à venir doivent être réinvestis dans les établissements scolaires. 88
Propositions pour guérir l'école de l'égalitarisme
1. Instaurer des classes de niveau et moduler le taux d'encadrement des élèves en fonction de leur niveau De nombreuses enquêtes récentes démontrent que constituer des groupes homogènes permet d'améliorer sensiblement les progrès des élèves. Jean-Pierre Chevènement rapporte, par exemple, le cas d'une expérience menée dans la région de Baltimore aux USA, où, "grâce à une pédagogie structurée" et des "groupes de niveau", "on a amélioré les performances en lecture, par rapport au score moyen, dans une proportion de 14 % à 87 %. [...] et ce chez un échantillon d'enfants en difficulté, pour la plupart issus des milieux défavorisés."102 Les études sur "l'effet-maître" confirment également que pour être efficace l’approche éducative de l’enseignant doit être la plus adaptée possible aux spécificités de chaque élève. Sur ce point, la constitution de groupes de niveau favorise un suivi évident des apprenants. C'est pourquoi, des classes de niveau homogènes doivent être mises en place, chaque fois que cela est possible, le taux d'encadrement devant être fonction du niveau des élèves.
102
Jean-Pierre Chevènement dans le livre d'entretiens croisés avec Luc Chatel, le monde qu'on leur prépare, éditions Plon, septembre 2011. 89
2. Favoriser la diversification des parcours, dès la classe de quatrième. Pour sortir du moule du collège unique, il faut faciliter l'accès à l'enseignement professionnel, dont la filière doit être revalorisée. A partir de la 4ème, les élèves qui le souhaitent doivent pouvoir suivre des cours dans le cadre de classes fonctionnant sur le modèle éprouvé des classes "sports-études" et proposant, à la fois, un enseignement général et professionnel. Ce type de classe pourrait, également, permettre aux élèves qui le souhaitent d'entrer en apprentissage dès 14 ans.
3. Augmenter le nombre de places dans les centres EPIDE et les internats d'excellence Le système scolaire doit continuer à diversifier son offre en direction à la fois des élèves en difficulté, mais aussi de ceux qui ont de réelles aptitudes. Les internats d'excellence s'adressent à des collégiens, lycéens et étudiants motivés qui ne bénéficient pas d'un environnement favorable pour réussir leurs études. Il s’agit de mettre à la disposition de ces élèves les moyens matériels de réussir. Il faut continuer à accroître le nombre de places proposées dans ces établissements. Les établissements publics d'insertion de la défense (EPIDE) sont des structures destinées aux jeunes de 18 à 25 ans, en situation d'échec et avec des comportements inadaptés à l'environnement scolaire. 90
Leur objectif est, grâce à un encadrement inspiré de celui de l'armée, de redonner des cadres et des repères à ces jeunes, avant de leur proposer une formation professionnelle. 80 % des jeunes qui ont suivi jusqu'à son terme cette formation ont, soit trouvé un emploi, soit repris une formation. Ce dispositif, qui n'accueille que 2400 personnes, doit être, également étendu.
4. Renforcer l'orientation active Les futurs bacheliers sont confrontés à des choix d'orientation d'autant plus difficiles qu'ils ne disposent que d'une information très incomplète pour choisir la filière dans laquelle ils souhaitent poursuivre leurs études. Depuis septembre 2006, le dispositif de l'orientation active a été mis en place afin d'aider les lycéens à s'inscrire à l'université. Ces derniers doivent déposer un dossier auprès des universités qui, de leur côté, sont censées les informer objectivement quant à leurs chances de réussir dans la filière choisie et aux débouchés professionnels que cette dernière offre. Ce dispositif mérite d'être considérablement renforcé en étant élargi dans un premier temps à l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur, publics comme privés. Par ailleurs, des test d'aptitude pourraient être mis en place, à titre informatif, pour que les lycéens puissent se faire une idée fondée de 91
leurs réelles aptitudes à suivre telle ou telle filière ou discipline universitaire. Un tel dispositif a été expérimenté avec succès en musicologie à l'université Paris 4-Sorbonne. Il pourrait se développer dans d'autres filières, comme la médecine, où les taux d'échec en première année sont massifs.
5. Créer un observatoire national de la première expérience professionnelle Depuis un décret du 6 février 1985, les universités ont l'obligation de publier des données relatives à l’insertion professionnelle de leurs diplômés. Il aura fallu attendre plus de vingt ans et le rappel de cette obligation dans la loi LRU du 10 août 2007 pour que les universités commencent à se doter des outils nécessaires à la réalisation de telles statistiques. Or si, depuis deux ans, ces données sont centralisées et publiées par le ministère, certains chiffes laissent songeur. Plusieurs universités affichent des taux d'emploi de 100 % pour leurs diplômés. Comment les croire ? Il est vrai que les universités n’ont aucun intérêt à publier de mauvais chiffres, cela pouvant nuire à leur réputation. C'est pourquoi elles choisissent consciencieusement les diplômes qu'elles vont évaluer. Ainsi, en 2010, les statistiques rendues publiques ne concernaient que les 30 % d'étudiants inscrits au sein des filières les plus professionnalisantes.
92
En choisissant de n'évaluer que leurs meilleurs diplômes, les universités produisent des statistiques bien trop flatteuses par rapport à la réalité. C'est pourquoi, afin d'unifier les statistiques réalisées sur l'insertion professionnelle des jeunes diplômés et, ainsi, de se doter d'un outil objectif pour évaluer la qualité de l'ensemble des diplômes de l'enseignement professionnel jusqu'aux grandes écoles, il convient de créer un observatoire national et indépendant de la première expérience professionnelle.
6. Faire une place plus importante à la rémunération au mérite des enseignants La rémunération des enseignants se décompose en deux parts : le traitement, qui correspond au paiement du service d'enseignement et évolue au rythme de la montée d'échelons et de grades des enseignants. Cette dernière reste quasi-automatique, même si elle est plus ou moins rapide en fonction des évaluations des enseignants. les primes et indemnités diverses, qui sont attribuées essentiellement en fonction des contraintes de service (enseignement en ZEP, indemnité de professeur principal, ...) et indépendamment de toute prise en compte réelle de la qualité du travail effectué.
L'évaluation de la qualité de l'enseignement proposé par les professeurs doit continuer à être assurée par l'inspection académique. Cette dernière doit, cependant, être profondément réformée. Tous les enseignants doivent être inspectés au moins une 93
fois tous le 3 ans. La péréquation des notes administratives, qui conduit à estomper les effets de l'évaluation, doit être abandonnée. Au cours de ces évaluations, les inspecteurs d'académies doivent également pouvoir s'appuyer sur des indicateurs concrets et objectifs, comme la progression des élèves lors des différentes évaluations nationales. Une telle réforme permettra de mieux prendre en compte l'efficacité pédagogique des enseignants pour leur évolution de carrière et l'évolution de leur traitement. Quant à la seconde part de leur rémunération, celle qui concerne les primes et les indemnités, elle doit être considérablement développée et gérée par le chef d'établissement. Ces derniers disposeraient d'une enveloppe dont le montant varierait en fonction des besoins et des résultats de leur établissement. C'est sur la base de cette enveloppe que le chef d'établissement pourrait attribuer des primes afin de fidéliser les meilleurs enseignants, mais aussi financer le paiement d'heures supplémentaires, la mise en place de dispositifs de soutien, etc. Ces enveloppes seraient abondées dans le cadre d'une contractualisation avec le ministère. Ce dernier affecterait à ce dispositif l'intégralité des sommes versées au titre des primes et indemnités existantes et des heures supplémentaires ( 2,69 milliards en 2012), auquel il pourrait ajouter 50 % des économies réalisées grâce au non renouvellement de postes (soit 1,25 milliard de plus), ce qui permettrait de dégager près de 4 milliards d'euros. Le chef d'établissement serait, ainsi, en charge de l'évaluation du travail et de l'engagement quotidien des enseignants, et il pourrait, 94
grâce à une politique de primes attractives, fidéliser et motiver son personnel.
7. Porter à 18 h minimum le service de tous les enseignants du secondaire
Dans les établissements d'enseignement secondaire enseignent indifféremment des certifiés dont le temps de service hebdomadaire est officiellement fixé à 18 heures et des agrégés où il est fixé à 15 heures. Tous les professeurs qui enseignent plus de six heures devant des classes de première et de terminale sont considérés comme des enseignants de "première chaire" et bénéficient, à ce titre, d'une heure de réduction de leur temps de service. La suppression de cette disposition permettrait d'économiser l'équivalent de 5000 postes ETP par an. Quant aux agrégés, s'il est tout à fait normal de mieux les rémunérer parce qu'ils sont plus diplômés, rien ne justifie aujourd'hui que leur temps de service soit plus faible que celui des certifiés. Le simple fait d'aligner leur temps de service sur celui de leurs collègues permettrait d'économiser environ 7900 postes ETP par an. Ce surcroît de travail devrait être compensé par une hausse de 20 % de leur traitement correspondant à la hausse de 20 % de leur service hebdomadaire. Grâce à la suppression de l'heure de première chaire et à l'alignement du temps de service des agrégés sur celui des certifiés 95
(moyennant une augmentation de 20 % de leur salaire), le service minimum de tous les enseignants du secondaire sera porté à 18 heures hebdomadaires.
8. Confier aux chefs d'établissements le recrutement des enseignants, tout en garantissant le caractère national de leur formation. La formation des enseignants et les concours (CAPES, agrégation, ) doivent demeurer nationaux afin de garantir l'unité de l'enseignement sur l'ensemble du territoire. Le nombre de postes ouvert aux concours doit également rester une prérogative du ministère. Un effort de programmation et de transparence est attendu. Il serait souhaitable que le nombre de postes ouverts dans chaque discipline soit connu au moins cinq ans à l'avance. Une réforme importante doit être menée afin de changer les procédures de recrutement des enseignants et les confier aux chefs d'établissements. Afin de garantir le niveau des postulants, tous les reçus aux concours doivent être inscrits, comme cela est le cas dans la fonction publique territoriale, sur une liste d'aptitude. Puis, c'est à eux de poser leur candidature auprès des établissements qui les intéressent. Cette procédure permet une meilleure prise en compte des besoins des établissements, qui peuvent définir de véritables fiches de poste 96
et ne plus subir les hasards du système d'affectation des néotitulaires. Au moment du recrutement, un contrat, précisant les missions de l'enseignant, notamment pour les missions annexes à son service d'enseignement, comme, par exemple, l'accompagnement personnalisé, ainsi que les primes afférentes, sera signé entre le chef d'établissement et la nouvelle recrue.
9. Labéliser les manuels scolaires Depuis quelques années, des polémiques régulières accompagnent la sortie des nouveaux manuels scolaires. Contrairement aux programmes, qui sont élaborés et adoptés sous le visa du ministère, le contenu des manuels reste de la seule et entière responsabilité des éditeurs. D'après le Syndicat national de l'édition (SNE), l'édition scolaire comptait, en 2003, 5 068 titres dont 1487 nouveautés. Difficile de s'y retrouver, surtout quand certains éditeurs s'éloignent des programmes pour faire du prosélytisme en faveur des "idées à la mode". C'est ainsi qu'en 2011, quatre éditeurs ont décidé d'aborder la théorie du genre dans les manuels de la classe de première en sciences de la vie et de la terre (SVT). Cette théorie n'était pourtant pas citée dans les programmes officiels. De même, en économie, un "contre-manuel" a été édité faisant l'impasse sur les nouveaux programmes jugés trop libéraux.
97
Afin d'aider les parents, les élèves mais aussi certains enseignants à savoir quels sont les manuels qui respectent les programmes, une labellisation ministérielle des manuels scolaires indiquant leur conformité avec les programmes doit être mise en œuvre.
10. Développer les évaluations nationales et régulières des élèves. L'évaluation des élèves doit être très régulière afin de détecter le plus rapidement possible l'apparition d'éventuelles difficultés pour être ainsi en mesure de proposer immédiatement des solutions pédagogiques adaptées (aide personnalisée, aide aux devoirs ...). Si la plupart des évaluations doivent être réalisées par les enseignants qui suivent les élèves au quotidien, il est primordial que des évaluations soient, également, organisées régulièrement à l'échelon national. Cela permet d'évaluer de façon plus objective les progrès et les retards des élèves, en évitant les aléas liés aux politiques de notation, plus ou moins sévères, propres à certains enseignants ou établissements. Cela permet aussi de s'assurer que les programmes nationaux sont enseignés avec la même rigueur sur l'ensemble du territoire. Pour être efficace et remplir leur rôle, ces évaluations doivent se faire sur la base d'épreuves portant sur des sujets nationaux, corrigées majoritairement par des enseignants extérieurs à l'établissement de l'élève. 98
Au delà du baccalauréat, qui remplit déjà (plus ou moins bien) cette fonction en fin de terminale, le brevet doit être renforcé, notamment en diminuant la part du contrôle continu, afin qu'il puisse tenir ce rôle en fin de troisième ; enfin un autre temps d'évaluation doit être proposé en fin de CM2.
11. Evaluer les méthodes d'apprentissage Les différentes méthodes pédagogiques doivent être régulièrement évaluées à partir d'enquêtes empiriques françaises et internationales. Les résultats de ces enquêtes doivent être publiés, et un effort important de diffusion des meilleures pratiques doit être entrepris. Ainsi, les pédagogies "explicites" ou "directives" doivent être généralisées.
12. Evaluer les établissements tous les 3 ans
Comme le proposait la réforme Darcos de 2007, le principal volet de contrôle doit être consacré à l’évaluation des établissements. Une première inspection minimale doit permettre l’évaluation triennale et rapide des établissements scolaires, sur la base de leur gestion budgétaire, et des résultats scolaires de leurs élèves aux évaluations nationales. 99
Cette mission doit être confiée à l'inspection académique et, pour la partie budgétaire, aux chambres régionales de la Cour des comptes. En cas de mauvais résultats, un second contrôle, plus approfondi, doit être réalisé.
13. Adapter le financement et la dotation des établissements aux résultats des évaluations triennales.
Le financement et la dotation des établissements doivent être fonction du nombre d'élèves inscrits, de leurs besoins spécifiques, mais aussi des résultats des évaluations des établissements. Les établissements ayant réussi à faire progresser leurs élèves doivent pouvoir bénéficier d'une augmentation de leur dotation leur permettant d'accueillir plus d'élèves. Quant aux établissements ayant obtenu de mauvaises évaluations triennales, un audit plus complet devra être proposé. Cet audit peutêtre amené à proposer des réformes, assorties d'une enveloppe de crédits fléchés pour les financer.
100
14. Interdire le recours aux avocats lors des conseils de discipline
Afin d'éviter que les conseils de discipline ne se transforment en parodie de procès, nous proposons d'interdire aux élèves convoqués devant un conseil de classe de se faire représenter ou assister par un avocat.
15. Assurer un traitement financier équitable entre l'enseignement public et de l'enseignement privé.
Alors qu'en dix ans la fréquentation des établissements publics a chuté de plus de 100 000 élèves, l'enseignement privé en a, lui, accueilli 20 000 supplémentaires. Ce sont plus de 2 millions d'enfants, soit 17% des élèves, qui ont été scolarisés dans le privé en 2010 (primaire et secondaire confondus). Aujourd'hui, le privé est victime de son succès. Il a de plus en plus de mal à accueillir correctement ces nouveaux élèves, d'autant plus que l'Education nationale lui consacre proportionnellement moins de crédit qu'au public. En 2012, la part du privé dans le budget de l'Education nationale n'est que de 14 %. Afin d'assurer un traitement équitable entre les établissements privés sous contrat et les établissements publics, l'Education nationale doit consacrer à l'enseignement privé une part de son 101
budget qui soit strictement équivalente à la part relative des élèves inscrits dans le privé. En 2012, si une telle règle était respectée, le budget de l'enseignement privé devrait être alimenté de deux milliards d'euros supplémentaires.
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Annexe
DIE Premier cycle
Elève s
DIE Deuxième cycle Elève s
DIE Supérieur Elève s
1990
2000
2010
Part de la DIE (en%)
26,9
27,2
28,6
Dépense moyenne par élève*
3670
5 170
5 730
6 953 400
6 552 000
6 664 300
Effectifs Evolution du nombre d'élèves entre 1990 et 2010 Part de la DIE (en %)
45,2
44,7
42,3
Dépense moyenne par élève*
7 050
9 090
9 670
5 725 800
5 614 000
5 353 200
Effectifs Evolution du nombre d'élèves entre 1990 et 2010
TOTAL
-6,50%
Part de la DIE (en%)
16,4
16,7
20,2
Dépense moyenne par élève*
8 240
9 600
11 430
1 717 108
2 160 300
2 318 700
Effectifs Evolution du nombre d'élèves entre 1990 et 2010 Dépense moyenne par élève*
DIE
-4,10%
35% 18 960
Evolution globale de la dépense moyenne par élève entre 1990 et 2010
Source DEPP
103
26 830
41,50%
Effectifs 14 396 308 Elève Evolution globale du nombre s d'élèves entre 1990 et 2010 * aux prix 2010
23 860
14 326 300 -0,42%
14 336 200
Glossaire
D DEPP : La direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance exerce une fonction de suivi statistique, d'expertise et d'assistance pour le ministère de l'Éducation nationale et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elle garantit la qualité de la production statistique.
DIE : La dépense intérieure d'éducation représente toutes les dépenses effectuées, sur le territoire national, par l'ensemble des agents économiques, administrations publiques centrales et locales, entreprises et ménages, pour les activités d'éducation: activités d'enseignement scolaire et extrascolaire de tous niveaux, activités visant à organiser le système éducatif (administration générale, orientation, documentation pédagogique et recherche sur l'éducation), activités destinées à favoriser la fréquentation scolaire (cantines et internats, médecine scolaire, transports) et les dépenses demandées par les institutions (fournitures, livres, habillement).
E
Equivalent temps plein (ETP) : correspond, pendant une période donnée, à un travail qui nécessiterait l'affectation de « n » personnes à plein temps pendant toute la période considérée, pour le réaliser. Par exemple, une charge de 3 ETP pendant 104
une semaine correspond à un travail réclamant 3 personnes affectées à plein temps (typiquement, 5 jours) pendant la semaine. L LOLF : La loi organique relative aux lois de finance du 1er aout 2001 refond en substance les principes et outils de gestion comptable de l’Etat et des administrations.
O Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) : Sa mission est de promouvoir les politiques qui amélioreront le bien-être économique et social partout dans le monde. Pour cela, l’OCDE mène des enquêtes comparatives entre Etats du monde et en publie les résultats. A partir du programme PISA, l’éducation est un des quatre engagements majeurs de l’OCDE. http://www.oecd.org
P PISA (enquêtes, programme) : Le programme PISA («Programme for International Student Assessment» /«Programme international pour le suivi des acquis des élèves» en français) est un ensemble d'études menées par l'OCDE et visant à mesurer les performances des systèmes éducatifs des pays membres et non membres. Leur publication est triennale. La première étude fut menée en 2000
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idée
folle
un
jour
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ANALYSES
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DONNEES STATISTIQUES L'état de l'École : 29 indicateurs sur le système éducatif français Repères et références statistiques sur formation et la recherche. Statistiques
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les enseignements,
la
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