Répliques
En 2012, les jeunes s'apprêtent à voter plus à droite que leurs parents
Contribution du CERU Centre d’études et de recherches de l’UNI
Mars 2012
Contexte
Le vote des jeunes évolue de façon similaire à celui des ouvriers. Autrefois, électorat "captif" de la gauche, il s'en est aujourd'hui affranchi.
Etre jeune, c'est voter à gauche. Ce théorème, pour caricatural qu'il soit, fut pourtant validé dans les urnes. La jeunesse a longtemps accordé très majoritairement ses suffrages à la gauche. Le différentiel entre le vote des jeunes et celui de l'ensemble des Français fut souvent supérieur à 10 points. En 2007, par exemple, les 18‐25 ans avaient accordé 11 points de plus à la candidate socialiste au second tour de la présidentielle que la moyenne des Français (58 % contre 47 %). Or, François Hollande, comme la gauche dans son ensemble, ne bénéficie plus du soutien de la jeunesse. En 2012, les jeunes s'apprêtent même à voter plus à droite que leurs parents.
La prime électorale accordée par les jeunes en faveur du candidat de gauche au second tour présidentielle tend à disparaître. Les 18‐24 ans représentent environ 15 % du corps électoral. Actuellement, l'évolution du vote des jeunes suit sensiblement la même pente que celui des ouvriers qui après avoir été un "électorat captif" de la gauche est aujourd'hui de plus en plus partagé entre les différents candidats. Une part de plus en plus importante des jeunes, notamment les plus en difficultés, sont même séduits par le Front national. La prime qu'accordait traditionnellement les 18‐25 ans à la gauche a disparu ; désormais, comme en 1995, elle est même négative. Vote en faveur du candidat de gauche présent au second tour de l'élection présidentielle
1974
1981
1988
1995
2002
2007
20121
18‐25 ans
59 %
63 %
63 %
45 %
58 %
51 %
Ensemble des Français Prime en faveur de la gauche
49 %
52 %
54 %
47 %
47 %
54 %
+ 10
+ 11
+ 9
‐2
Le candidat de la gauche n'est pas qualifié pour le second tour.
+ 11
‐3
François Hollande en difficulté dans l'électorat jeune. Intention de vote au premier tour de la présidentielle
L'axe de campagne choisi par François Hollande consistant à afficher la jeunesse comme l'une de ses priorités ne s'avère pas payant. En effet, (2) l'enquête réalisée par l'IFOP auprès des primo‐votants (18 ‐22 ans) qui sont traditionnellement moins abstentionnistes que les 23‐25 ans et plus ancrés à gauche fait apparaître une désaffection importante de cet électorat vis‐à‐vis de François Hollande. Entre novembre 2011 et mars 2012, François Hollande perd 7 points au profit de Nicolas Sarkozy dans les intentions de vote du second tour, passant de 63 % à 56 %. Les 18‐22 ans voteraient ainsi moins à gauche que l'ensemble des Français (56,5 %). Ces résultats du second tour s'expliquent, en partie par l'érosion de la gauche dans l'électorat jeune au premier tour (Cf. tableau ci‐contre). Celle‐ci passant de 50,5 % en novembre à seulement 43,5 % en mars et ce au sein d'un électorat qui lui est traditionellement acquis.
novembre 2011
mars 2012
Evolution depuis novembre 2011
Différentiel vote jeune/ensemble des Français
31
Ensemble des Français mars 2012 28,5
François Hollande Jean Luc Melenchon Eva Joly François Bayrou Nicolas Sarkozy Marine Le Pen
38
‐ 7
+ 2,5
6
8
8,5
+ 2
‐ 0,5
6,5 5
4,5 9,5
3 12,5
‐ 2 + 4,5
+ 1,5 ‐ 3
20,5
21
27
+ 0,5
‐ 6
19
23
17
+ 4
+ 6
Enfin, dernière source d'inquiétude pour la gauche, les jeunes qui affichent une préférence pour François Hollande semblent moins déterminés à aller voter (70 % sont sûrs d'aller voter) que ceux qui souhaitent voter pour Nicolas Sarkozy (83 %), ou même Marine Le Pen (83 %).
1
IFOP, Les intentions de vote pour l'élection présidentielle de 2012, mars 2012
2
IFOP, Les primo‐votants et la perspective de l'élection présidentielle, mars 2012
Centre d’études et de recherches de l’UNI 34 rue Emile Landrin 92100 Boulogne – 01 78 16 40 30
Les valeurs des jeunes ont changé, elles se sont rapprochées de celles de la droite
Dans une note publiée en juin 2011, intitulée "La jeunesse n'est plus ce qu'elle était ...tant mieux !", nous démontrions que les valeurs que portent la jeunesse sont aujourd'hui plus proches de celles du reste de la société (famille, autorité, demande de sécurité, ...) que celles des jeunes des années 70 (rejet de la famille traditionnelle, refus de l'autorité, internationalisme, ...). Il a existé durant des décennies de forts clivages entre les jeunes et leurs aînés sur certaines valeurs comme par exemple la famille, l'autorité, le sentiment national. Ces clivages tendent à s'estomper.
Un système de valeurs qui se rapproche de celui de leurs aînés
La famille plébiscitée 47 % des jeunes français jugent que fonder une famille est un moyen de "réussir sa vie" (39 % moyenne européenne). Quand on leur demande de se projeter dans l'avenir pour savoir ce qu'ils aimeraient réaliser dans les quinze prochaines années, les aspirations des jeunes français s'articulent autour du foyer. Ils sont 68 % à souhaiter devenir propriétaire et 58 % à vouloir des enfants.
L'autorité reconnue L'anti‐autoritarisme né dans le sillage de mai 1968 et qui fut source d'un clivage politique important tend à disparaître. En 1981, 60% des Français pensaient que respecter l'autorité était une bonne chose ; en 2008 la proportion atteint 79 %. La confiance dans l'armée, symbole d'autorité, progresse également de 58 % à 72 %. La notion d'autorité devient consensuelle. Elle est moins clivante sur le plan politique et les différences de perception selon l'âge s'estompent. Les jeunes sont beaucoup plus favorables à l'autorité que ne l'étaient leurs aînés à leur âge, comme le prouve l'enquête réalisée en 2008 auprès de 1500 lycéens pour le magazine Phosphore : " 80 % des jeunes estiment que les enseignants devraient exercer leur autorité pour faire respecter l'écoute en classe, mais aussi le respect des autres (82,6 %) ou encore les travaux scolaires (73,4 %) et le règlement."
La fierté d'être français progresse Entre 1981 et aujourd'hui, le sentiment d'appartenance nationale et la fierté d'être français a fortement progressé chez les jeunes (+23 points). Durant plusieurs décennies, ce sentiment d'appartenance nationale était un des clivages les plus importants entre les jeunes et leurs aînés. En 1981, par exemple, seuls 65 % des jeunes affirmaient être fiers d'être Français contre 82 % de l'ensemble des français et 93 % des 60 ans et plus. En 2008, ils sont 88 % des jeunes à déclarer être fiers d'être français, contre 90 % de l'ensemble des Français et 94 % des 60 ans et plus.
Les valeurs et les préoccupations des jeunes convergent de plus en plus avec celles du reste de la société française, il est donc vain et inutile de continuer à s'adresser à la jeunesse, comme le fait François Hollande, dans un volapük "jeuniste". Les jeunes attendent désormais autre chose du discours politique.
Contact Presse Bibliographie Inès Charles‐Lavauzelle IFOP, Les primo‐votants et la perspective de l'élection présidentielle, mars 2012 IFOP, Les intentions de vote pour l'élection présidentielle de 2012, mars 2012 IFOP, Les primo‐votants et la perspective de l'élection présidentielle, novembre 2011 Vial Olivier [2011], La jeunesse n'est plus ce qu'elle était ... tant mieux !, édition CERU
Centre d’études et de recherches de l’UNI 34 rue Emile Landrin 92100 Boulogne – 01 78 16 40 30
01 78 16 40 30 06 70 53 34 18 Ines.charleslavauzelle@ceru.fr