Le parfum

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le parfum ÉCRIT PAR ANNICK LE GENIER


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préface / sommaire

DE NOS JOURS, LA FONCTION D’UN PARFUM EST ASSOCIÉE AU PLAISIR SENSUEL ET À LA SÉDUCTION. CEPENDANT DANS LE PASSÉ LES PARFUMS ONT JOUÉ UN RÔLE IMPORTANT DANS LES RITUELS ET LES SACREMENTS… ILS ÉTAIENT ÉGALEMENT UTILISÉS POUR LEURS VERTUS SUPPOSÉMENT THÉRAPEUTIQUES.

Avec plus de 1200 lancements chaque année, le parfum ne peut certes pré-

renforcées par des contingents d’auxiliaires judéens et nabatéens. Au total ce

tendre à la rareté. A priori, la pléthore signale davantage la banalisation que l’ex-

sont plus de 10 000 hommes qui, sous un soleil de plomb, se mettent en

cellence. Et pourtant, force est de constater que ce produit conserve un étrange

marche vers le sud. C’est que l’Empire romain naissant est avide des aromates

pouvoir de fascination. Que son choix résulte d’un coup de

et des résines précieuses qui font la réputation de « l’Arabie heureuse » et l’em-

cœur ou soit l’aboutissement d’une mûre réflexion, il reste

pereur Auguste a confié au préfet Aelius Gallus la mission de la conquérir.

pour beaucoup d’acheteurs la touche ultime par laquelle

PA R F U M D ES O R I GI N E S À N O S JOU RS

ils expriment leur goût et révèlent quelque chose de leur

«  le flacon doit dépasser le stade de récipient pour se placer en objet d’art »

sensibilité, de leur personnalité la plus intime.

Encore un bond de 1500 ans, et une autre flotte s’apprête à quitter l’Espagne. Le navigateur portugais Ferdinand de Magellan va appareiller pour les rivages orientaux de l’Asie en cherchant un passage par le sud de l’Amérique. Ce hardi

L’association dans la période moderne du parfum à la

projet doit ouvrir une nouvelle voie vers les Philippines et les Moluques, terres

haute couture n’est sans doute pas étrangère au prestige

riches en épices, résines et bois odorants de toutes sortes. L’empereur Charles

dont il est encore paré. Mais, à vrai dire, ce statut d’objet

Quint a donné son approbation et son soutien à cette tentative risquée et

précieux est plurimillénaire. Il suffit pour s’en convaincre

comme au temps de la reine Hatshepsout, ce sont cinq navires qui, en 1519, se

d’évoquer la tradition des trois rois mages apportant des

lancent dans l’aventureux périple. Ces entreprises pour la conquête des

présents à l’enfant Jésus. Sur le même plan que l’or,

matières parfumées ont connu des fortunes diverses. À en croire les bas-reliefs

figurent deux résines odorantes essentielles dans la parfu-

qui relatent l’expédition d’Hatshepsout sur les murs du temple de Deir-el-

merie de l’époque : l’encens et la myrrhe. En réalité, l’aura

Bahari, celle-ci fut un plein succès. On y voit la reine coiffée de deux plumes

exceptionnelle du parfum a ses racines tant dans les récits

d’autruche plonger avec volupté ses bras dans d’immenses tas de résine odo-

légendaires qui entourent l’origine des matières premières

rante. Et le commentaire indique que « sa peau brille comme les étoiles ».

utilisées que dans l’histoire de leur conquête. Celle-ci est restée longtemps plus proche de la quête mythique de la Toison d’Or que d’une entreprise commerciale. Trois évènements se déroulant à des siècles d’intervalle permettent d’en prendre la mesure. Le premier a lieu sur les bords du Nil vers 1500 avant Jésus-Christ. Hatshepsout, l’une des rares femmes à avoir exercé les pouvoirs d’un pharaon, lance une expédition qui sera un des évènements majeurs de son règne. Cinq navires lourdement chargés de produits égyptiens sont en partance pour une destination loin-

Ces grandes aventures qui émaillent constamment l’histoire de la parfumerie ont laissé des traces dans l’inconscient collectif. Épousant les conditions propres à leur époque, elles sont à la fois support de rêve et reflet de l’environnement social, scientifique, technique dans lequel elles se déroulent. Pendant des siècles, en effet, le parfum a été conçu comme un produit sacré et doté de pouvoirs extraordinaires. Ainsi, loin d’être, comme le prétendait le grand naturaliste latin Pline l’Ancien, « le luxe le plus inutile de tous », peut-il apparaître à la fois comme un objet onirique et comme un langage révélateur des valeurs, des problèmes, des évolutions de la société qui le produit.

taine, le pays de Pount ou « Terre du Dieu ». Commandés par un homme de confiance, Néhésy, ils prennent le large sous l’action conjuguée de leur grande voile et de trente rameurs avec une mission précise : revenir chargés de matières aromatiques qui font défaut à l’Égypte. La reine les regarde s’éloigner pleine d’espoir. Elle est à bord en effigie sous la forme d’une statue de granit rose qui la représente en compagnie du dieu Amon et doit être érigée sur la terre des parfums. Près de 1500 ans plus tard, en 25 avant Jésus Christ, c’est une flotte romaine de 210 navires qui, traversant la mer Rouge, aborde la côte de la péninsule arabique. Elle débarque deux légions qui sont

ANNICK LE GUÉRER


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10 15

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21 23

24 37

Histoire de fragrance

Matières premières

Techniques de fabrication

Familles olfactives

Parfums mythiques

L’ÉGYPTE DES « PARFUMÉS »

LES MATIÈRES PREMIÈRES

TECHNIQUES TRADITIONNELLES

FAMILLE DES ORIENTAUX

CHANEL N°5-CHANEL

VÉGÉTALES

DE FABRICATION

FAMILLE DES HESPÉRIDÉS

SHALIMAR-GUERLAIN

LES MATIÈRES PREMIÈRES

LES TECHNIQUES MODERNES

ANIMALES

DE FABRICATION

FAMILLE DES BOISÉS

TERRE D’HERMÈS-HERMÈS

LE MOYEN-ÂGE ET L’EAU DE LA REINE DE HONGRIE LA RENAISSANCE, APOGÉE DE LA SÉRÉNISSIME

LES MATIÈRES PREMIÈRES

LE SIÈCLE DES LUMIÈRES

SYNTHÉTIQUES

LES TEMPS MODERNES

FAMILLE DES FLORAUX FAMILLE DES CHYPRÉS FAMILLE DES FOUGÈRES FAMILLE DES CUIRÉS


PA R F U M D ES O R I GI N E S À N O S JOU RS

2 histoire de fragrance


Il faut parfois savoir prendre un peu de recul…

Et rien de mieux pour relativiser le flot de nouveautés que nous traitons chaque jour qu’un coup d’œil jeté en arrière sur l’histoire de la parfumerie. Nous vous proposons, avec ce chapitre, un panorama allant de l’Égypte Antique à l’époque contemporaine : rappeler quelles ont été les étapes marquantes dans cette histoire, afin dépister les différentes influences qui ont orienté le cours de cette évolution et évoquer les avancées technologiques qui les ont rendues possibles…


L’ ÉG YPTE E T L ES «  PA R F UM É S  » Les  Égyptiens ne connaissaient pas la distillation, mais connaissaient l’alcool naturel par fermentation (2 % à 4 %) comme la bière la boisson quotidienne et le vin de palme pour les élites, et ne fabriquaient donc pas de parfums alcoolisés. Ils utilisaient en fait les substances de la faune et la flore (céréales, blé, lin, fleurs, racines, herbes, fruits, baies, huiles, résines, gommes, baumes, épices, graisse animale), qu’ils broyaient avec un pilon dans un mortier, pressuraient et filtraient. Cependant, ils cultivaient les fleurs pour en tirer leurs arômes de leur racine, pour en faire des produits parfumés. Le Fayoum (région autour d’un lac du désert alimenté par un défluent du Nil)

#1

était la principale région de production, notamment à partir du

FONCTION D’UN PARFUM

Nouvel Empire, quand les inondations furent régulées par des

EST ASSOCIÉE AU

travaux et des barrages. Les différents éléments des fleurs

PLAISIR SENSUEL ET À LA

triés par tamisage étaient réduits en pâtes et en gommes

SÉDUCTION. CEPENDANT

parfumées. Le lotus bleu était la préférence des Égyptiens, ils tenaient régulièrement une fleur de lotus qu’ils humaient

DANS LE PASSÉ LES

avec adoration. Le lotus bleu et le lis d’eau représente l’union

PARFUMS ONT JOUÉ UN

des Deux Terres (Haute et Basse-Égypte). Les fleurs du Nil

RÔLE IMPORTANT DANS

étaient sacrées, la fleur de papyrus représentait le génie ou le

LES RITUELS ET LES

dieu de la crue Hâpy. Lors de la préparation les Égyptiens utilisaient beaucoup la magie et les incantations, c’est ce qu’on appelle l’alchimie, #2

DE NOS JOURS, LA

il y avait un rituel pour soigner et chasser le mauvais sort. Le parfum le plus célèbre d’Égypte est le kyphi, il contient environ 27 ingrédients, et est utilisé en fumigation pour chasser

SACREMENTS… ILS ÉTAIENT ÉGALEMENT UTILISÉS POUR LEURS VERTUS SUPPOSÉMENT THÉRAPEUTIQUES.

les mauvais esprits de la maison, un rituel que les orientaux

PA R F U M D ES O R I GI N E S À N O S JOU RS

font régulièrement, et quand un invité rentre dans leur maison on lui passe cette fumigation. Dans toutes les civilisations antiques, les parfums, obtenus sans alcool ni distillation, se présentent sous la forme d’huiles et d’onguents odorants ainsi que d’encens qui dégagent en brûlant d’agréables odeurs. Leurs ingrédients, difficiles parfois à identifier aujourd’hui, sont pilés, broyés, mélangés et cuits longuement ensemble. #1 VASE À ONGUENT EN ALBÂTRE VASE DE LA BASSE ÉPOQUE QUI

C’est bien, avant tout, à une fonction sacrée des parfums et des aromates, offrandes destinées aux dieux, au souverain et aux morts, que renvoient papy-

CONTENAIT LES COSMÉTIQUES ET LES

rus et bas-reliefs égyptiens. La fabrication même des parfums est étroitement

PARFUMS

liée à la religion. Si la formule du « kyphi », à l’odeur florale et sucrée, est gra-

#2 LE KYPHI DE L’ÉGYPTE ANTIQUE

vée en caractères hiéroglyphiques sur les murs du temple d’Edfou, c’est que

PARFUM SOUS FORME SOLIDE DE

les temples renfermaient dans leurs enceintes des laboratoires dont les par-

L’ÉGYPTE ANTIQUE. C’EST UNE SORTE D’ENCENS SACRÉ. LES ÉGYPTIENS LE FAISAIENT BRÛLER EN L’HONNEUR

fumeurs étaient des prêtres. Les pratiques funéraires des anciens Égyptiens témoignent encore de l’extrême importance des parfums. En empêchant la pu-

DU DIEU RÊ, QU’ILS VÉNÉRAIENT.

tréfaction du défunt et en lui communiquant une bonne odeur, les rituels d’em-

ILS CROYAIENT QUE CHAQUE INGRÉDIENT

baumement, longs et complexes, sont destinés à faire de lui un « Parfumé »,

COMPOSANT LE KYPHI (ENTRE DIX

un dieu. Quant aux utilisations profanes, elles ne se limitent pas à la toilette et

ET CINQUANTE INGRÉDIENTS) AVAIT DES

à la séduction mais intègrent des fonctions sanitaires et thérapeutiques. Ainsi,

PROPRIÉTÉS MAGIQUES. ON Y TROUVE NOTAMMENT DU MIEL, DE LA CANNELLE, DE LA MYRRHE ET DU BOIS DE SANTAL.

le « kyphi », le parfum deux fois bon, est-il réputé pour ses vertus relaxantes et utilisé comme médicament dans les maladies pulmonaires et hépatiques.

SES PROPRIÉTÉS SONT RÉPUTÉES

Toutefois, les Égyptiens ne limitent jamais l’usage du parfum à des fins ex-

BIENFAISANTES ET IL AURAIT DES VERTUS

clusivement religieuses. Si certains parfums sont effectivement réservés aux

APAISANTES.

rites sacrés, d’autres sont utilisés dans le cadre de la vie quotidienne pour


guérir, pour séduire, mais aussi pour améliorer le cadre de vie domestique en vivant

De plus, à la suite des Pères de l’Église, l’usage profane des senteurs, symbole

comme les dieux dans une ambiance parfumée. Nécessaires aux rites religieux et

de la frivolité du monde païen, est condamné. Tout ce qui est conservé de cet

appréciés pour leurs vertus médicales, les parfums sont également abondamment

art par les moines, du VIe au XIe siècle, ce sont essentiellement des techniques

utilisés par les Égyptiens comme outil de séduction tant masculin que féminin.

médicinales et pharmaceutiques. Dans leurs jardins, ils font pousser de la

Berceau de la parfumerie, l’Égypte exporte encore au 1er siècle après J.-C., dans tout le monde antique, ses célèbres parfums comme le « métopion », une huile d’amandes amères qui sert de support à l’omphacium (verjus), au cardamone, à la myrrhe, à la térébinthine, au galbanum, au miel, au vin, au jonc et à la graine de baumier. Avec l’annexion de l’Égypte par Octave, Rome s’empare également de ses circuits commerciaux au Moyen-Orient. Elle dispose, dès lors, d’une profusion de produits aromatiques favorisant une consommation débridée, illustrée par les fameux banquets de Néron : tandis que des plafonds pleuvent de fines gouttelettes d’essences rares, des colombes au plumage imprégné de senteurs rafraîchissent les convives à grands coups d’ailes.

sauge, de la lavande, du thym, du romarin et de la valériane : les plantes servent à guérir, la parfumerie est inexistante et l’horticulture rudimentaire. Deux traités sur les plantes paraissent pendant cette période : en France, le De Viribus Herbarum (Du pouvoir des herbes) d’Odo de Meung, et en Allemagne le Causae et Curae (Causes et traitements), par l’abbesse Hildegarde de Bingen (1098-1179), qui fait l’éloge de la lavande. Herbes et boîtes à senteurs emplies d’épices s’intégraient dans le décor médiéval tandis que la pratique des bains parfumés se développait. Jasmin Venues d’Orient, les nouvelles senteurs chaudes du musc, de l’ambre, du santal, du girofle et de la myrrhe s’ajoutaient aux parfums floraux (rose, jasmin, lavande et violette). Le Moyen Âge prône largement la pratique des ablutions et du bain. Un nouvel objet apparait, le pomander qui est un pendentif porté par les nobles et les seigneurs du Moyen Âge. Le nom français est « pomme Pomandier

SI LE MOT PARFUM VIENT DU LATIN PERFUMUM (PAR LA FUMÉE), C’EST QUE, BIEN AVANT LA MISE EN ŒUVRE

sphérique de senteur », qui devrait donner le titre de cet article. La première mention de pomander, ou pomme d’ambre, désigne une pépite

DES TECHNIQUES DE PARFUMERIE MODERNES,

d’ambre enchâssée dans une boule de senteurs.

LES PREMIERS PARFUMS SONT OBTENUS EN BRÛLANT

On lui prêtait des vertus curatives mais aussi

DU BOIS, DES RÉSINES OU DES MÉLANGES PLUS COMPLEXES.

aphrodisiaques. Le premier pomander est cité

L’HOMME A TOUJOURS ÉTÉ EXPOSÉ À DES ODEURS ET, MÊME SI L’ÉTYMOLOGIE NE CONSTITUE PAS UNE PREUVE

en 1174 dans un texte décrivant le présent offert à l’Empereur Frédéric Barberousse par le roi Bau-

Une « industrie » aussi vieille que l’humanité

douin de Jérusalem. Il le remerciait ainsi de son

EN SOI, ON PEUT SUPPOSER QUE SES PREMIÈRES

aide dans la lutte contre les infidèles. A partir du XIVe siècle, le terme de

DÉCOUVERTES SUR SA CAPACITÉ À EN GÉNÉRER DE

« pomander » désigne l’objet où prend place la boule odorante. Il est constitué

NOUVELLES SE SONT FAITES AUTOUR DU FEU EN Y JETANT

d’une petite cage sphérique s’ouvrant à l’équateur par une charnière et

DES HERBES, DES FEUILLES, DES BRANCHES DE TELLE OU TELLE ESPÈCE VÉGÉTALE.

un ressort. Dès le milieu du XIIe siècle l’influence du monde arabe à travers les échanges commerciaux et les croisades ainsi que le besoin d’hygiène (utilisation de

L’USAGE DU PARFUM EST DONC CONTEMPORAIN

savon) contribuèrent au renouveau des parfums dans le monde occidental.

DE LA CRÉATION DES PREMIÈRES VILLES ET EST ALORS

Ablutions parfumées dans une maison de bains, miniature du XVe siècle Le

ESSENTIELLEMENT À BUT RELIGIEUX,

parfum fait alors partie de l’hygiène et de la toilette. On croit même à ses ver-

POUR COMMUNIQUER AVEC LES DIEUX OU PERMETTRE AUX MORTS DE REJOINDRE LE MONDE DE L’AU-DELÀ, CECI NOTAMMENT CHEZ LES ÉGYPTIENS.

tus médicinales. Ce sont donc les herboristes et les apothicaires qui vendent épices et arômes. Mais c’est aux gantiers qu’est attribué le commerce du parfum puisqu’ils s’en servent quotidiennement pour assouplir et parfumer les peaux. Malgré l’interdiction de pouvoir s’appeler « parfumeur », ils finiront par pouvoir prendre le titre de « gantier-parfumeur ». En 1190, le roi Philippe

LE MOYE N-AGE ET L’EAU DE LA RE I N E Le Parfum a toujours joué un rôle important : l’étymologie du mot, du latin per-fumum signifiant « à travers la fumée », atteste de ses origines sacrées, comme médiateur entre les dieux et les hommes. A l’origine, les parfums ont donc une fonction religieuse. Ainsi les parfums ont traversé les siècles, tantôt mystiques ou médicaux puis esthétiques. À l’époque médiévale, la parfumerie connaît en Occident un recul certain. Depuis que Rome s’est écroulée, au Ve siècle après J.-C., sous les coups des barbares, l’art du parfum s’est réfugié dans l’empire byzantin.

Auguste autorise l’existence d’une corporation de parfumeurs gantiers. Au XIIIe siècle, les parfums, sous forme de fumigation ou sous forme de vinaigre aromatisé, servent de désinfectants. En Europe, la première école de médecine ouvre ses portes à Montpellier en 1220. Le sol crayeux et le climat chaud de la Provence sont parfaits pour la culture de nombreuses plantes aromatiques et, pendant des siècles, Montpellier rivalise avec Grasse pour s’arroger le titre de ville de la parfumerie.


Imaginons autour des deux villes des champs de lavande, d’œillets, de vio-

s’est enrichie plus tard d’essence de lavande, réputée pour son pouvoir apai-

lettes, de jasmin et de roses… Coussins à la rose, pommes à senteurs

sant, de bergamote, de jasmin, du cirse et de l’ambre (cette formule est tou-

(pommes piquées de nombreux clous de girofle, pommes qui donnèrent le

jours commercialisée par la Parfumerie Fragonard à Grasse). En 1379, un autre

nom de pommade), chapelets odorants et fourrures imprégnées participaient à

parfum se voit attribuer un nom, “L’Eau des Carmes”. Composé d’angélique, de

l’atmosphère parfumée des demeures princières.

mélisse et d’autres huiles herbeuses, elle est l’œuvre des carmélites de l’ab-

Découverte de l’alcool

baye de Saint-Juste, en France. Très longtemps, les parfums à base d’alcool

Depuis l’invention du procédé de distillation des plantes à Alexandrie, au IIe siècle, les chimistes s’efforcent d’en affiner la technique. C’est chose faite en 1320, lorsque des artisans italiens font une découverte majeure concernant le procédé de la distillation. La première distillerie européenne est installée dans la ville de Modène, en Italie. Cette eau nouvelle qui brûle la bouche étonne suffisamment pour qu’elle reçoive les noms d’aqua mirabilis, eau merveilleuse, et d’aqua vitae, eau-de-vie. Il en va de même des premiers véritables parfums-teintures d’huile essentielle dans de l’alcool-, qui sont appelés “eaux”. Mais, au fur et à mesure que les croisés reviennent de leurs lointaines expéditions en Orient, ils en rapportent cosmétiques et senteurs (en particulier, l’eau de rose). On attribue aux Arabes, héri-

serviront à rafraîchir l’haleine, même si aujourd’hui la loi exige des parfumeurs qu’ils ajoutent une substance amère, comme le cassia, pour rendre l’alcool impropre à la consommation. La découverte des Amériques au XVe siècle va faire perdre à Venise sa position prépondérante. Les Portugais puis les Espagnols développent à leur tour le commerce des épices (vanille, cacao, tabac, cannelle…). Au XVIe siècle, les Hollandais, s’illustrent aussi dans ce domaine. À la différence de leurs prédécesseurs, cantonnés dans le seul commerce, ils surveillent la production sur place et améliore les méthodes agricoles. Les eaux de senteur se multiplient, dites simplement lorsqu’elles font intervenir un seul composant (eau de rose, de lavande, de fleur d’oranger) ou composées lorsqu’elles associent fleur et épices additionnées de musc et d’ambre.

tiers des connaissances antiques en la matière, un rôle

PA R F U M H I STO IR E D E F R AG R AN C E

déterminant dans l’évolution de la parfumerie grâce à

Le premier produit parfumé à substrat alcoolique apparaît en Europe au XIVe s.

la mise au point de l’alambic et du serpentin. Ces instruments permettent la distillation de l’alcool, technique qui ouvre la voie aux parfums modernes. C’est grâce à Sauge Superbe que le parfum s’exhale. L’Eau de la Reine de Hongrie qui fut créée en 1370 sera le premier grand parfum à base d’alcool. Il fut inventé pour la Reine Elisabeth de Pologne, reine de Hongrie, femme du roi Charles Robert de Hongrie. On dit, qu’elle lui fut offerte par un moine. Elle en fit un usage intensif tout au long de sa vie. La légende raconte que cette eau merveilleuse l’aida à conserver sa beauté et que c’est grâce à elle qu’elle fut demandée en mariage par le

#1

Prince de Pologne, alors qu’elle était âgée de 72 ans. On dit également que Louis 1er le Grand (le même donc) voulait rattacher la Pologne à son royaume de Hongrie. Il fut tellement charmé par la fragrance que portait la reine de Hongrie qu’il décida de céder sa couronne à cette dynastie si raffinée. Évidemment, tout cela est bien beau mais complètement faux. Oui, c’est assez

#1 POMME D’AMBRE

décevant. La confusion est due au fait que lorsque son

PETITE BOULE AJOURÉE EN OR OU EN

fils, Louis de Hongrie devint roi de Pologne, il nomma sa mère régente de

ARGENT SOUVENT INCRUSTÉE

Pologne. Quant à lettre dans laquelle la Reine de Hongrie raconte soi-disant

DE PIERRES PRÉCIEUSES DANS LAQUELLE

cette histoire, il s’agit sans aucun doute d’un faux crée par un charlatan désireux de faire introduire son produit à la Cour et chez les grands.

SE LOGE DEUX CŒURS DE PARFUM SOLIDE POMME D’AMBRE SUBSTANCE PARFUMÉE PROVENANT DES CONCRÉTIONS

Et ça a été efficace puisqu’elle était utilisée à la Cour du roi Charles V dès le XIV

e

siècle. Elle l’est encore au XVII siècle à la Cour du roi Romarin Louis XIV et fut e

le parfum de Mme de Sévigné, de sa fille Mme de Grignan et de Mme de Main-

INTESTINALES DU CACHALOT #2 FIOLES DE PARFUMS DIFFÉRENTS PARFUMS PRÉSENTS À L’ÉPOQUE TELS QUE L’AGAR-AGAR, LE SANTAL, L’ANIS,

tenon qui la conseillait à ses pensionnaires de Saint-Cyr. À l’origine à base d’es-

LE GENÉVRIER, LA CARDAMONE,

sence de romarin macéré dans de l’esprit de vin, l’Eau de la Reine de Hongrie

LE FENOUIL ET LA NOIX DE MUSCADE.


#2

Car si le Moyen Âge accordait une grande place à l’hygiène, il en va tout autrement de la Renaissance, où l’eau est soupçonnée d’être vecteur de la

Recette originale de l’eau de la reine de Hongrie datant de 1370

peste et des miasmes. Les recherches sur la distillation se poursuivent et, en 1500, on parvient avec succès à extraire des huiles essentielles du pin, de l’encens, du cèdre et de l’iris des marais. Au cours des 40 ans qui vont suivre, viennent s’ajouter à cette liste l’agar-agar, le santal, l’anis, le genévrier, la cardamone, le fenouil et la noix de muscade. On les trouve sous des formes très diverses. Poudres, lotions, sirops, boîtes de senteurs, « oiselets de chypre » (pâte parfumée moulée en forme d’oiseau), sont censés faire barrage à la pénétration de l’air putride. L’ac-

95 ML DE VODKA 5 ML DE GLYCÉRINE VÉGÉTALE 25 GOUTTES D’HUILE

cessoire le plus sophistiqué de cette aromathérapie est sans doute la

ESSENTIELLE

pomme d’ambre. D’origine orientale, c’est une boule en or ou en argent,

DE ROMARIN

souvent incrustée de perles et de pierres précieuses. Elle contient, comme son nom l’indique, de l’ambre, substance parfumée provenant des concré-

20 GOUTTES D’HUILE

tions intestinales du cachalot. Mais la pomme d’ambre, en raison de son

ESSENTIELLE

prix, est réservée aux rois, aux princes et aux plus fortunés. Les personnes

DE LAVANDE

de condition plus modeste se contentent de pommes de senteurs garnies d’ingrédients moins rares (aloès, camphre, basilic, menthe sèche), ou même d’une simple éponge imbibée de vinaigre.

« DANS UN COFFRE DE CÈDRE PROTÉGÉ DE TAPIS DE L’ORIENT, UN GRAND NOMBRE DE FLACONS DE VERRERIE FINE, ORNÉS D’OR ET D’ARGENT, AUX BOUCHONS DE VERMEIL OU DE PIERRES PRÉCIEUSES, TENAIENT ENFERMÉS DANS LEURS FLANCS CHAMOISÉS

15 GOUTTES D’HUILE ESSENTIELLE DE BERGAMOTE 15 GOUTTES D’HUILE ESSENTIELLE D’ORANGE (OU CITRON) 8 GOUTTES D’HUILE

TOUS LES PARFUMS ET TOUTES LES SENTEURS DE

ESSENTIELLE

L’ARABIE HEUREUSE »

DE GÉRANIUM


PA R F U M H I STO IR E D E F R AG R AN C E

À la renaissance l’Italie devient la terre d’élection de la parfumerie et dévoile ses recettes de parfumeurs


EAU D’ANGE :

DANS UN COQUEMART DE TERRE OÙ VOUS AUREZ MIS TROIS PINTES D’EAU, VOUS Y METTREZ UNE LIVRE DE BENJOIN CONCASSÉ, UNE DEMI LIVRE DE STORAX CONCASSÉ, UNE ONCE DE CANNELLE PILÉE, DEMI-ONCE DE CLOU DE GIROFLE PILÉ, DEUX CITRONS COUPÉS EN QUATRE, DEUX OU TROIS MORCEAUX DE CALAMUS. ENSUITE VOUS METTREZ LE COQUEMART AUPRÈS DU FEU, ET LE COUVRIREZ ET LE FEREZ BOUILLIR JUSQU’À LA DIMINUTION D’UN QUART : PUIS VOUS VERSEREZ L’EAU DANS UN BASSIN ET LA LAISSEREZ REFROIDIR AVANT DE LA SERRER DANS DES BOUTEILLES.

EAU DE GRENADIER :

« PRENEZ FLEUR DE GRENADIER ET QU’IL SÈCHE TANT QU’ON EN FASSE UNE ONCE DE POUDRE ET LA METTEZ EN UN SACHET DE TOILE. PUIS PRENEZ TROIS ONCES D’EAU-DE-VIE ET METTEZ DEDANS LA DITE POUDRE ET L’Y LAISSEZ VINGT-QUATRE HEURES OU PLUS. PUIS PRENEZ DE CETTE EAU UNE ONCE ET LA METTEZ DANS UNE CHOPINE D’EAU DE PLUIE OU DE FONTAINE QUI SOIT TIÈDE ET IL SEMBLERA QUE S’EN SOIT TOUT.»

EAU DE DAMAS COMPOSÉE ET HUILE DE DAMAS :

« PRENEZ VIN DE MALVOISIE TROIS LIVRES, EAU DE ROSE, ET DE LAVANDE DEMIE LIVRE, CANNELLE, CLOUS DE GIROFLE DE CHACUN DEMIE ONCE, FLEURS DE ROMARIN, DE MARJOLAINE DE CHACUN QUATRE POIGNÉES, RACINE DE CARYOPHYLLATE, ÉCORCE D’ORANGES, CYPRÈS, COQ, BAUME DE CHACUN DEMIE POINGNÉE, FEUILLES DE LAURIER UNE POIGNÉE, NOIX MUSCADE, LADANUM, NIELLE ROMAINE, STYRAX CALAMITHE DE CHACUN UNE ONCE, POULDRE D’IREOS DEUX ONCES, CALAME AROMATIQ, POIVRE LONG DE CHACUN ONCE ET DEMIE, CAMPHRE DEUX DRACMES, AMBRE, MUSC, DE CHACUN DEMY SCRUPULE : LES DROGUES QU’IL FAUT PILER SOIENT PILÉES, CELLES QU’IL FAUT HACHER SOIENT HACHÉES, PUIS MACÉRÉES L’ESPACE DE TROIS JOURS, PAR APRÈS DISTILLÉES PAR ALAMBIC DE VOIRE. L’EAU SORTIRA LA PREMIÈRE, PUIS L’HUILE, APRÈS QUE LA DISTILLATION SERA FAITE SOIT RECTIFIÉES OU CUITE EN DOUBLE VAISSEAU.»

POULDRE ODORANTE, APPELLÉE ROSES GASTÉES :

PRENEZ DES ROSES DE PROVINS SEULEMENT LES FEUILLES DE LA FLEUR ET SOIENT TRÈS BIEN ÉVANOUIES ET MÛRES, LESQUELLES ÉTENDEZ DESSUS UN LINCEUL ET LES COUVREZ D’UN AUTRE ASSEZ DÉLIÉ AU SOLEIL, ET AINSI LES SÉCHEREZ, ET QUAND ELLES SERONT SEICHES PRENEZ UN PLAT DE BOIS BIEN NET ET CHAUFFEZ AU SOLEIL, ET PETIT À PETIT Y METTEZ LES DITES ROSES, EN LES MOUILLANT PAR BONNE FAÇON AVEC UN PETIT ASPERGES DE FINE EAU DE ROSE, APRÈS PRENDREZ DEUX SCRUPULES DE MUSC, ET DEUX SCRUPULES DE GOBELET OU CIVETTE MIS EN POUDRE AVEC UNE AMANDE, OU DISSOLUE AVEC EAU-ROSE TIÈDE, PUIS LAVEZ TRÈS BIEN VOS MAINS, PUIS BROIEREZ TRÈS BIEN LES DICTES ROSES, PUIS LES OUVREREZ AUDIT PLAT, ET LES METTREZ AU SOLEIL SÉCHER D’ELLES MÊMES. »


LA RENAISSANCE APOGÉE D E L A S É R É N I S S I M E La Renaissance naît en Italie et sort l’Europe du Moyen-Age. Après l’étouffe-

Un Traité pour Conforter le Rôle de la France

ment des sciences, des arts et des lettres par l’Église au Moyen-Age, la sco-

Un an après l’arrivée de Catherine de Médicis en France, Soliman le Magnifique,

lastique et l’obscurantisme, les artistes, les savants explosent de créativité. Ils

dernier des grands sultans ottomans, prend Bagdad et établit sa domination sur

s’inspirent de la Grèce antique et utilisent le nombre d’or 1.618 afin que toute

le monde arabe. Pour conforter l’importation des matières premières d’orient,

création corresponde au grand ordre géométrique de l’Univers. Par le biais de la

dont les matières utilisées pour la parfumerie, François I signe avec Soliman en

Renaissance italienne, la passion des senteurs gagne toute l’Europe.

1536 le « Traité des Capitulations ». Cette alliance militaire assurera aux français

À la Renaissance, Gênes et Venise contrôlent le trafic en Méditerranée. Leurs navires marchands, s’appuyant sur de nombreux comptoirs et de puissantes

un rôle privilégié en orient. Désormais, les français vont pouvoir jouer un rôle commercial privilégié dans ce qu’on appelle « Les Echelles du Levant ». Fermeture des Bains Publics

marines de guerre, ont un quasi monopole du transport des

Ambroise Paré, chirurgien royal, fait fermer les bains

produits venus du Proche ou de l’Extrême Orient. La Sérénis-

publics de peur que la dilatation des pores de la peau per-

sime République de Venise tient un rôle de tout premier plan

mette l’invasion du corps par les microbes. Ce manque

dans le commerce des denrées précieuses. Dans les entre-

d’hygiène entraîne un abus de parfums lourds et capi-

pôts du Grand Canal s’accumulent soieries et étoffes mais

teux. Pendant cette période de l’Inquisition, Catherine de

surtout épices et aromates d’une valeur considérable qui font de Venise, la ville la plus riche d’Europe. Sa domination dans le commerce des substances odorantes s’accompagne d’un essor remarquable des industries de luxe qui déborde les limites de la République. Banquiers florentins et armateurs vénitiens ou génois édifient des fortunes considérables sur le trafic de l’ambre, de l’aloès ou de la cannelle, du camphre, de la muscade, de la girofle, du santal, de l’encens et de la gomme arabique. Il n’est pas étonnant que l’Italie devienne

Médicis protège savants et chercheurs et accueille à la

nombre d’or 1.618

la terre d’élection de la parfumerie. Poudres à la violette, à l’iris, à la rose musquée, à la jacinthe, nettoient la chevelure. Eaux cosmétiques à la cannelle, camphre, camomille, embellissent la peau. Eaux de senteurs au musc, lys, ambre, fleur d’oranger, laissent un séduisant sillage. Bains de bouche au gingembre, mastic, clou de girofle, romarin sont garants d’une

PA R F U M H I STO IR E D E F R AG R AN C E

bonne haleine. Huiles et pommades à la rose, orange, citron, complètent la panoplie aromatique de l’époque. Le benjoin de Sumatra et du Siam, une résine dont les belles larmes translucides, exhalent une odeur vanillée, entre dans de nombreuses préparations, comme l’Eau d’Ange » qui, à en croire Rabelais, était très appréciée des dames de l’abbaye de Thélème. À la fin du XVIe siècle, la Sérénissime est toujours fastueuse mais les premiers signes d’un essoufflement sont perceptibles. Concurrencée par les navires hollandais, anglais et français, elle perd peu à peu son rôle dominant dans le transport des produits de luxe. Et, en matière de parfumerie, c’est la France qui va prendre la première place. C’est la mode des peaux d’Espagne où tout est parfumé, Baldaquins, éventails, livres, et Même les Animaux Domestiques. C’est d’Italie et d’Espagne que sont importées les peaux parfumées qui servent à faire les gants. Elles coûtent fort cher mais sont très à la mode. Il existe une foule de recettes pour parfumer les gants. Ce n’est pas tant par goût qu’ils sont parfumées que par nécessité, les peaux sont souvent mal tannées et dégagent une odeur pestilentielle insupportable. Pour s’en débarrasser, il faut des essences fortes et tenaces, des parfums puissants comme le musc, la civette et l’ambre. Les matières animales sont d’ailleurs très prisées et entrent dans la composition de la plupart des parfums ; on les considère comme envoûtants et aphrodisiaques. Cour Michel de Nostre-Dame, plus connu sous le nom de Nostradamus, médecin et astrologue.

Cour Michel de Nostre-Dame, plus connu sous le nom de Nostradamus, médecin et astrologue. Tandis qu’il respire les fumées d’encens pour prédire l’avenir, il crée des parfums aux notes de rose et de musc et se basant sur des écrits arabes, il tente d’établir plusieurs remèdes à base de pétales de roses. L’influence italienne ne manque pas de s’étendre jusqu’à l’art de la verrerie. La production verrière française est influencée par les travailleurs émigrés

italiens, qui forment leurs propres verreries pour gagner l’avantage du marché français. Lodovoco Nevers, par exemple, crée une usine verrière à Nevers. Henri II, sous l’influence de Catherine de Médicis, crée la première usine à flacons à parfum, à St Germain en Laye, et loue les services de deux excellents maîtres verriers italiens qui créent des pièces exceptionnelles pour les gens de la cour. Sa domination dans le commerce des substances odorantes s’accompagne d’un essor remarquable des industries de luxe qui déborde les limites de la République. Banquiers florentins et armateurs vénitiens ou génois édifient des fortunes considérables sur le trafic de l’ambre, de l’aloès, du camphre, de la muscade, de l’encens et de la gomme arabique.


CATHERINE DE MÉDICIS PETITE PRINCESSE FLORENTINE QUELQUE PEU MÉPRISÉE EN RAISON DE SON ORIGINE MARCHANDE, CATHERINE DE MÉDICIS, ARRIVE EN FRANCE DÈS 1533. ELLE APPORTE DANS SES BAGAGES DES PÂTES, DES POMMADES, SES « SECRETS DE BEAUTÉ », LA MODE DES FLACONS QUE L’ON PORTE DANS LA POCHE OU QUE L’ON POSE SUR UNE TABLE DE TOILETTE AINSI QUE LA MODE DES GANTS, VÉRITABLE SYMBOLE DE LA CLASSE DOMINANTE ITALIENNE.ELLE Y EMMÈNE COSMO RUGIERRO SON ASTRO-ALCHIMISTE ET SON PARFUMEUR PARTICULIER, RENÉ LE FLORENTIN. ON A RACONTÉ QUE CATHERINE DE MÉDICIS FAISAIT USAGE DE PARFUMS POUR SE DÉBARRASSER DES PERSONNAGES EN DISGRÂCE : ELLE LEUR FAISAIT CADEAU D’UNE PAIRE DE GANTS EMPOISONNÉS ET PARFUMÉS. LUCRÈCE BORGIA UTILISE, QUANT À ELLE, « L’ACQUA-TOFFANA » MÊLÉE À UN PÉNÉTRANT PARFUM À BASE DE MUSC, DE VIOLETTE ET DE CIVETTE POUR FAIRE DISPARAÎTRE RAPIDEMENT LES ÊTRES ENCOMBRANTS. #1

#1 FLACON FLACON EN CRISTAL DE ROCHE XVIII E DE PETITE TAILLE IDÉAL À TRANSPORTER COLLECTION CREEZY COURTOY #2 CHÂTELAINE ET FLACON CHÂTELAINE ET FLACON CRISTAL ET ARGENT COLLECTION CREEZY COURTOY

#2


LE SIÈCLE DES LUMIÈRES Avec le perfectionnement des appareils servant à distiller et l’évolution des

facilité”. Dejean publie son Traité des odeurs en 1764 et, en 1774, Petit propose

goûts, la parfumerie connaît au 18e siècle un nouvel essor. Elle abandonne les

dans sa Nouvelle Chimie du goût et de la senteur d’enseigner comment fabri-

lourdes senteurs animales, encore en vogue au siècle précédent, au profit de

quer des parfums à “peu de frais”. Si les eaux de senteurs continuent d’avoir la

créations plus subtiles, comme les « quintessences » et les « esprits ». Celles-ci

part belle, elles sont en concurrence avec les vinaigres de toilettes. On prête à

sont en accord avec la mentalité d’une aristocratie où triomphent les philoso-

ces dernières un pouvoirs désinfectant incomparable. Le plus célèbre d’entre

phies sensualistes, les fêtes galantes et les tables raffinées.Au siècle des

eux, le « vinaigre des quatre voleurs », fit merveille à Marseille pendant la ter-

Lumières, apparaissent de grandes dynasties de parfumeurs, comme les Far-

rible peste de 1720. Les récipients utilisés au XVIIIe siècle, leurs formes sont

geon, Houbigant, Lubin. Jean Fargeon est le parfumeur de Louis XV et de toute

aussi nombreuses que le sont les fragrances et leurs utilisations. Les vinaigres

sa cour, qu’on surnomme alors en Europe « la cour parfumée ». En raison des

de toilette aromatisés imbibent des éponges enfermées dans des vinaigrettes

sommes énormes que lui doivent ses nobles clients (Louis XV lui-même lui

en métal doré. Les parfums liquides sont contenus des de très beaux flacons

acheta des parfums sans jamais le payer), Jean Fargeon fait faillite en 1778.

piriformes de style Louis XIV.

Mais son fils, Jean-Louis Fargeon, devient par la suite le parfumeur de la reine Marie-Antoinette et s’installe rue du Roule. Un autre parfumeur célèbre, Jean-François Houbigant possède une boutique, À la corbeille de fleurs, rue du Faubourg-Saint-Honoré. Ses huiles à la rose, à l’amande, au géranium, sa crème de rose aux limaçons, sont très réputées.

Le verre connaît un très grand succès, en particulier en France, avec l’ouverture de la manufacture de Baccarat en 1765 et la spécialisation des verreries de Saint-Louis dans le flacon à parfum. Leur production de cristal acquiert rapidement une renommée qu’elle possède encore aujourd’hui. Les orfèvres confectionnent des flacons en or et en argent ciselés, auxquels ils mêlent du jasper ou

La véritable révolution de ce XVIII siècle, l’avancée décisive dans l’histoire de

du cristal de roche. Les motifs rompent avec les lignes baroques et s’inspirent

la parfumerie, se nomme l’eau de Cologne. Cette eau fraîche, composée de

des thèmes à la mode: le retour à la nature cher à Rousseau ou les chinoiseries.

romarin, de néroli (fleur d’oranger), de bergamote et de citron, se consomme

Ces dernières ornent les flacons en porcelaine fabriqués à Chantilly, tandis que

sous d’innombrable formes : diluée dans l’eau du bain (que l’on prend de plus

les manufactures de Saint-Cloud se distinguent dans les décorations dorées

en plus souvent au XVIIIe siècle), dans le vin, sur un sucre, en bain de bouche,

et celles de Sèvres dans les flacons en forme de poire. Mais la porcelaine est

en lavement, en piqûre, en emplâtre… Un négociant italien établi en Allemagne,

surtout l’apanage des Allemands, des Autrichiens et des Anglais. La manufac-

du nom de Jean-Paul Féminis, rapporta à Cologne, vers la fin du 17e siècle, une

ture de Chelsea, en Angleterre, se spécialise dans les statuettes dont les têtes

recette dont il confia le secret à son petit neveu, Jean-Marie Farina qui sut en

forment le bouchon. Le style Wedgwood impose des flacons bleu et blanc. En

assurer le succès. Revigorante et discrètement parfumée, cette composition

Allemagne, la manufacture de Meissen est la première en Europe à utiliser les

suscite, vers 1760, un prodigieux engouement et de multiples émules. Yardley

pâtes dures pour ses porcelaines.

e

crée à Londres l’« English Fine Cologne ». Mülhens réalise la célèbre « 4711 »

PA R F U M H I STO IR E D E F R AG R AN C E

et Louis-Toussaint Piver triomphe avec son eau de Cologne « À la Reine des Fleurs ». La vogue de cette « eau admirable » ne se démentira pas au siècle suivant. Un authentique descendant de Farina, établi au 331 rue Saint-Honoré, aura pour client Napoléon 1er et sa sœur Pauline et, cinquante ans plus tard, c’est encore grâce à son eau de Cologne Impériale que Pierre-François-Pascal Guerlain sera nommé fournisseur officiel de l’impératrice Eugénie. Malgré le succès de l’eau de Cologne, la plupart des parfums du XVIIIe-mis à part ceux que Fargeon créa pour Marie-Antoinette-consistent en une seule note, comme le jasmin, le néroli ou l’ambre gris, mêlée à de l’alcool. L’eau de rose et l’eau de violette sont les plus répandues. Le mille-fleurs, pour sa part, est l’un des rares parfums fabriqués à partir des huiles essentielles de plusieurs fleurs dans un bouquet ou un enfleurage de pot-pourri. Les parfumeurs, par ailleurs,

MEISSEN À PARTIR DE 1720 : CETTE MANUFACTURE PROPOSE

commencent à expérimenter des extraits de graines, d’amande et d’abricot

AUX DAMES DES FLACONS EN FORME

notamment, portés par des huiles diverses. Le développement du commerce

DE GOURDE OU DE BALUSTRE,

de la France avec le Proche-Orient et l’Inde (Compagnie des Indes) gratifie les

ILLUSTRÉS DE SCÈNES DE GENRE OU

pots-pourris d’un mélange d’épices plus riche. La rose est l’élément principal

DE CHINOISERIES, ET SOUS L’INFLUENCE

de ces mélanges que viennent renforcer lavande, clous de girofle, noix de muscade, barbes argentés de mousse de chêne et racine d’iris en poudre. Les techniques d’enfleurage connaissent aussi une modernisation au XVIIIe siècle, tandis qu’apparaît toute une littérature sur l’industrie française de la par-

DU SCULPTEUR JOA KAENDLER DES FLACONS ANTHROPOMORPHES QUI ONT UN TEL SUCCÈS QUE LES AUTRES

fumerie. En publiant La Chimie du goût et de la senteur en 1755, Polycarpe

MANUFACTURES S’EMPRESSENT DE

Poncelet promet de révéler comment “composer des eaux fragrances avec

LES COPIER.


Le siècle des philosophes est aussi celui des parfums…

#1

#3

#1 FLACONS D’ÉPOQUE EXPOSITION DE QUELQUES FLACONS D’ÉPOQUE. #2 GROS PLAN FLACON / LIVRE FLACON D’ÉPOQUE, LE SIÈCLE DES PHILOSOPHES. #3 LOGOS D’ÉPOQUE LOGOS DES MARQUES JEAN LOUIS FARGEON, LUBIN ET HOUBIGANT

#2


C’est véritablement le révolution naire

#1 FLACON DESIGN FLACON DE 1986 DU PARFUM N°5 DE CHANEL

PA R F U M H I STO IR E D E F R AG R AN C E

#1

n°5 de Gabrielle Chanel qui scelle l’union de la haute-couture et de la parfumerie


LES TEMPS MODERNES Avec l’essor de la chimie organique, dans la seconde partie du XIXe siècle,

Edmond Roudnitska, à une « cacophonie olfactive » et à un déclin de la création.

le parfum se libère de ses origines naturelles en associant des odeurs artifi-

À partir de la fin des années quatre-vingt, dans un contexte de crise écono-

cielles aux matières odorantes traditionnelles et en développant des fragrances

mique, la concentration des sociétés de parfums au sein de quelques grands

inédites. En 1868, le chimiste Perkin obtient, par voie synthétique, le principe

groupes internationaux comme Estée Lauder, L’Oréal, LVMH, Sanofi, Procter &

odorant de la fève tonka, la coumarine. Ce produit chimique évoquant l’odeur

Gamble, Shiseido, achève de transformer profondément la parfumerie. Jadis

du foin coupé est présent, pour la première fois, dans la fameuse « Fougère

artisanat de luxe, elle est devenue une grande industrie internationale.

Royale » d’Houbigant, créée par Paul Parquet. C’est ensuite Reimer qui produit

Tendances actuelles

industriellement la vanilline, puis Baur qui réalise un musc artificiel. En 1898,

Si, à l’heure actuelle, cette structure générale n’est pas remise en cause, plu-

Tiemann met au point le parfum artificiel de la violette, l’ionone. Le grand parfu-

sieurs tendances atténuent l’uniformisation qu’elle pourrait engendrer. D’abord,

meur François Coty y fera appel pour lancer, en 1905, « L’Origan ».

certains créateurs ont occupé les « niches » laissées vacantes par les grandes

Les produits de synthèse, d’abord mal acceptés dans la parfumerie de luxe, car

maisons. Les créations « abstraites » coexistent avec le renouveau d’une par-

accusés d’être vulgaires et de défigurer les fragrances naturelles, s’imposent

fumerie plus figurative qui puise dans des notes savoureuses ou évocatrices

avec « Jicky », créé en 1889, par Aimé Guerlain. Pour la première fois, la « déna-

de la modernité : figue, céréales, cacao, noisette, thé, porto, fumée, métal,

turation » causée par des produits de synthèse est accueillie en tant qu’ex-

bakélite, bitume etc… Par ailleurs, la parfumerie contemporaine redécouvre les

pression artistique. Ces nouvelles molécules, aux odeurs parfois surprenantes,

vertus anciennement attribuées aux odeurs et cherche de nouveaux ancrages

favorisent des créations qui se démarquent du réel. Contemporains de la pein-

dans des thèmes comme le bien-être et la santé. Dans un environnement où

ture impressionniste qui ouvrira la voie à l’art abstrait, « Fougère royale » et

l’on rencontre de plus en plus de stress, de nombreux produits « vitalisants »,

« Jicky « sont les précurseurs d’une parfumerie qui prétendra au siècle suivant

« tonifiants », « relaxants », « purifiants », « apaisants », qui visent une action bénéfique sur le corps et l’esprit sont apparus sur le

« être l’art abstrait par excellence ».

marché… Après les années 50, le parfum se démocra-

L’alliance couture / parfumerie

tisait : la femme le maîtrisait et l’homme le découvrait.

Le parfum et la mode s’associent pour créer une image gla-

Les produits de synthèse

mour inspirée par Hollywood et les stars de cinéma américaines. Les parfums féminins s’inspirent de cet univers, avec des floraux opulents, très féminins : Fracas de Piguet, une tubéreuse mythique, Joy de Patou, un accord rose jasmin réputé être le parfum « le plus cher du monde », L’Air du Temps de Nina Ricci, un accord œillet épicé, Vent Vert de Balmain, un des premiers parfums à exploiter les notes vertes en grande quantité. C’est également la naissance de deux chypre légendaires : Miss Dior (Originale) et Femme de Rochas. C’est aussi l’époque des premiers

parfums exclusivement masculins, basés sur les épices : Old Spice, ou sur la lavande : Pour un Homme de Caron. Au début du XX siècle, les succès e

des parfums Coty, Guerlain, Houbigant, Roger & Gallet, Bourjois, Caron, Millot, confèrent à la parfumerie française une réputation internationale et encou-

Cette décennie voit émerger les parfums pour homme, avec des notes Cologne (Monsieur de Givenchy, L’Eau d’Hermès), orientales (Pour Monsieur de Chanel, Tabac Original) ou autour du vétiver (Vétiver de Guerlain, Vétiver de Carven). Les premiers parfums américains font leur apparition, avec Youth Dew d’Estée Lauder, en 1952, qui est lancé d’abord sous forme d’huile de bain, puis d’une eau de toilette très concentrée. Cette parfumerie, différente car plus directe, plus accessible olfactivement, influencera du coup fortement le marché européen par

la suite. Bizarrement, peu de parfums féminins français de cette époque ont survécu jusqu’à aujourd’hui, mais les rares qui sont restés sont cultes (Cabochard de Grès, Diorissimo), ou ont été ré-édités récemment (Baghari de Piguet, L’Interdit et Le De de Givenchy).

ragent les grands couturiers à se lancer dans ce domaine lucratif. En 1911, Paul

Au XXe siècle les progrès de l’hygiène corporelle apportaient aux cheveux une

Poiret est le premier à s’y risquer mais il ne parvient pas à imposer ses « Par-

gamme de shampoings. Les crèmes, les laques, les savons parfumés, les

fums de Rosine » dont la composition laisse à désirer. C’est véritablement le

déodorants, les sels de bains, les gels de douche garantissaient une fraîcheur

révolutionnaire n°5 de Gabrielle Chanel qui scelle l’union de la haute-couture et

permanente. L’aromathérapie s’intéressait aux effets des huiles essentielles et

de la parfumerie. Cette réussite a ouvert la voie à de très nombreux couturiers.

les fragrances les plus diverses envahissaient la rue et les produits d’entretien.

Marketing et concentrations

Dans une ambiance « cocooning» le parfum devenait un produit de confort et

De 1905 à 1960, époque de l’apogée de la parfumerie française, les parfums

de plaisir… Ainsi, la parfumerie d’aujourd’hui offre le spectacle d’un véritable

sont le fait d’un petit nombre de compositeurs qui ont le temps et les moyens

foisonnement dont l’une des composantes marquantes est certainement la

de créer des produits mondialement reconnus. Mais au début des années

résurgence d’un riche patrimoine culturel longtemps négligé.

soixante-dix, sous l’emprise croissante du « marketing », de nouvelles techniques de vente apparaissent, accordant beaucoup plus d’importance à la publicité et à la communication qu’au parfum proprement dit. La tendance étant de produire vite et beaucoup, de nombreux parfums sont des copies, voire même des copies de copies. Cette situation aurait abouti, selon le grand parfumeur


Raconter l’histoire du parfum, c’est dérouler l’histoire de l’humanité. Des poteries du néolithique jusqu’aux vaporisateurs de voyage, des recettes consignées sur les papyrus de l’Égypte ancienne aux brevets industriels internationaux, en passant par tous les parfumeurs attitrés de Catherine de Médicis, PA R F U M H I STO IR E D E F R AG R AN C E

Marie-Antoinette ou encore Napoléon Ier : l’histoire du parfum est une histoire des civilisations. Le parfum naît dans les temples de la plus haute Antiquité ; il accompagne les rituels, les mythes et les croyances.


Au Moyen Âge, on l’utilise surtout pour se protéger des épidémies. Il pallie le manque d’hygiène corporelle et devient un facteur de distinction sociale important. Au XVIIe siècle, la cour des rois de France permet à la corporation des gantiers parfumeurs de s’établir officiellement ; Avec l’industrialisation, le parfum se démocratise, il bénéficie des découvertes en chimie et permet aux grandes maisons des créations incomparables (N°5, Eau sauvage) qui marqueront les temps modernes.


3 PA R F U M M AT IÈR ES P RE M IÈ R ES V ÉG ÉTA LE S

matières premières…

Les matières premières sont tous les ingrédients utilisés pour la création du parfum. Naturelles ou synthétiques, elles forment la palette du parfumeur et sont combinées pour composer une création originale. Le parfumeur dispose en moyenne de 4 500 matières premières et les possibilités de combinaisons sont infinies…


…végétales LES MATIÈRES PREMIÈRES D’ORIGINE

des plantes préalablement récoltées. Leur grand avantage est la proximité de

VÉGÉTALE ENTRANT DANS

ce panel d’olfactif. Les plantes sont cueillies et utilisées en très peu de temps ;

LA COMPOSITION DES PARFUMS PROVIENNENT DE TOUTES LES RÉGIONS

elles gardent donc toute leur fraîcheur. Les fleurs sont aujourd’hui les composants les plus connus du grand public. Issues de cultures du monde entier, certaines fleurs sont encore cueillies dans des champs de la région grassoise et

DU MONDE OÙ ELLES SONT

utilisées par l’industrie locale de la parfumerie. Le caractère naturel des notes

SÉLECTIONNÉES POUR LEUR QUALITÉ

florales rend leur utilisation presque incontournable en parfumerie féminine.

ET LEUR ORIGINALITÉ.

Les différentes fleurs odorantes constituant cette famille contribuent à donner un effet spécifique aux parfums sur une large gamme.

LA ROSE ET SURTOUT LA CÉLÈBRE ROSA CENTIFOLIA OU ROSE DE MAI, EST EXCLUSIVEMENT CUEILLIE À L’AUBE, AU MOMENT OÙ ELLE DÉVELOPPE LE PLUS FORTEMENT Sur le point de vente, les ingrédients parfumés de synthèse sont souvent

SON PARFUM. CULTIVÉE À GRASSE, LA PLUS BELLE ROSE

montrés du doigt. Par simplification, on assimile souvent synthèse à mauvaise

UTILISÉE EN PARFUMERIE S’ÉPANOUIT ÉGALEMENT

qualité, voire… à allergie. Contre toute attente, certaines conseillères de vente

EN TURQUIE, EN BULGARIE ET AU MAROC

affirment, pour rassurer le client ou s’assurer une vente, que leurs parfums sont entièrement naturels. Il est tout de même bon de rappeler qu’un grand

LA TUBÉREUSE, ORIGINAIRE DU MEXIQUE EST INTRODUITE À GRASSE

parfum est fait de produits naturels et synthétiques. Pour certains, la qualité

DANS LE COURANT DU 17E SIÈCLE. ELLE EST

d’un parfum semble se limiter à cette question. Le personnel de vente est

TRÈS PRÉSENTE EN INDE

souvent confronté à cette question de la part des clients. Sur Internet, où les consommateurs sont à la recherche d’infos, le même faux débat a lieu. Sans modérateur, la discussion peut alors partir dans tous les sens. En fait, tous les grands parfums actuels utilisent des matières premières natu-

LA FLEUR FLEUR DE LA VIRGINITÉ, EST CULTIVÉE EN PROVENCE, D’ORANGER, EN ITALIE ET EN EGYPTE. SA DISTILLATION DONNE NAISSANCE À UNE ESSENCE RECHERCHÉE, LE NÉROLI,

relles et synthétiques. Aromates, épices, agrumes… dans les parfums, nom-

ET L’EAU OBTENUE LORS DE CE TRAITEMENT N’EST AUTRE

breux sont les composants issus directement de la nature. En revanche, pour

QUE LA FAMEUSE EAU DE FLEUR D’ORANGER

des raisons financières, écologiques (espèces protégées ou en quantité insuffisante, problèmes de déforestation pour les bois), mais aussi parce que de

LA LAVANDE, DONT LES CHAMPS COUVRENT LES PLATEAUX DE HAUTE

nombreux végétaux ne se prêtent pas à la distillation (et n’existent donc pas

PROVENCE, EST DE NOS JOURS DAVANTAGE UTILISÉE

sous une forme naturelle) de nombreuses matières premières sont créées en

POUR LES PARFUMS MASCULINS

laboratoire. Cela n’empêche pas les grandes maisons d’utiliser dans un parfum à la fois des matières premières de synthèse et des essences de rose, de jasmin ou de vétiver Bourbon.

LE MIMOSA, SI CARACTÉRISTIQUE DES ENVIRONS DE GRASSE À LA FIN DE L’HIVER, EST UNE FLEUR SANS PÉTALES, LES PETITES BOULES JAUNES ÉTANT COMPOSÉES D’ÉTAMINES

LES FLEURS Comme son nom l’indique, la famille olfactive florale est obtenue avec des

L’YLANG-YLANG C’EST LA FLEUR DE LA VOLUPTÉ. ELLE PROVIENT D’ARBRES

fleurs. C’est d’ailleurs la matière première la plus utilisée dans le domaine de

NOUEUX TYPIQUE DES PAYSAGES DU POURTOUR

la parfumerie. Tout peut faire l’affaire dans les fleurs : les pétales, les racines

DE L’OCÉAN INDIEN : ARCHIPEL DES COMORES, ÎLES

comme le vétiver et l’iris, les boutons, les feuilles comme le patchouli, et les

MAURICE, DE LA RÉUNION ET DE MADAGASCAR…

tiges. Elles peuvent être plantées exprès pour la fabrication de parfums ou cueillies dans les champs. La campagne environnante est riche en senteurs et

LE JASMIN, LA FLEUR BLANCHE LA PLUS UTILISÉE EN PARFUMERIE,

en plantes de toute sorte. Les paysans s’équipent et se déplacent, de villages

A FAIT LA RENOMMÉE DE GRASSE ET PROVIENT

en villages, avec un petit alambic qui leur permet de distiller sur place chacune

ÉGALEMENT D’ESPAGNE, D’AFRIQUE DU NORD ET D’INDE


Sur les 250 000 plantes à fleur que compte le règne végétal, seulement 200

Les plantes et les herbes peuvent être utilisées dans leur intégralité (romarin),

environ sont des plantes à parfum. Mais elles ne se résument pas qu’aux fleurs

en prélevant leurs feuilles (patchouli, verveine), leurs racines (vétiver, gingem-

car dans ces plantes, toutes les parties peuvent être utilisées. Les techniques

bre) ou leurs graines (cardamome, coriandre, fève tonka). Le basilic, la menthe

de récoltes sont variées. Les matières premières sont récoltées selon des pro-

et la marjolaine sont plus spécifiquement utilisées en parfumerie masculine

cédés agricoles. Du fait de leur fragilité, certains produits sont récoltés fleur

pour leur caractère frais, propre et tonique.

à fleur et d’autres de façon quasi industrielle. Du fait de la fragilité de leurs pétales sous les rayons du soleil, la rose et le jasmin sont récoltés au petit jour. Ils sont ensuite transportés vers les distilleries pour traitement immédiat. D’autres matières, comme les épices, les bois, les résines ou les rhizomes

Entre les mains des chimistes, la nature révèle ses étonnants talents. Fraction, purification ou cracking… décortiquées, créatives, les naturels répondent au besoin incessant de renouveler les accords et les propositions.

sont expédiées aux acheteurs qui s’occuperont aux-même de leur extraction. Les achats sont saisonniers et les coûts varient en fonction de l’abondance ou de la pénurie des récoltes, des aléas climatiques, de la qualité des matières premières et des facteurs économiques mondiaux. Comme pour les crus viticoles, il existe des millésimes pour les plantes à parfum. Des plantes des quatre coins du monde. L’Italie est le pays des agrumes, la France celle du cassis, de la lavande et de la rose centifiolia, ou rose de Mai. Autour du bassin méditerranéen poussent la rose damascena (Turquie, Maroc), la fleur d’oranger (Tunisie) et la violette (Egypte). Les îles de Madagascar et des Comores sont réputées pour leur vanille et leur ylang-ylang. De l’autre côté de l’Atlantique, les États-Unis fournissent le cèdre, l’Amazonie la fève Tonka. Ils sont essentiellement utilisés en parfumerie masculine. Plus loin encore, évoquant les longs voyages de la route des épices, l’Inde cultive jasmin, tubéreuse, santal, mimosa et épices (gingembre, poivre, cardamone…). Le magnolia s’épanouit en Chine et l’Indonésie offre les odeurs boisées du vétiver et du patchouli.

LES FRU I TS PA R F U M M AT IÈR ES P RE M IÈ R ES V ÉG ÉTA LE S

Les fruits et leurs zestes apportent une note de fraîcheur (agrumes) ou d’exotisme : Le citron, la bergamote, l’orange, la mandarine, le pamplemousse, la vanille. Très appréciées, les notes fruitées donnent une touche de modernité et une originalité aux parfums. L’essentiel des fruits utilisés en parfumerie sont des agrumes et constituent une famille olfactive appelée hespéridés, très présente dans les eaux de Cologne. On y trouve les diverses variétés de citrons et d’oranges, notamment la limette et la bergamote. Les autres fruits sont le plus souvent des produits de synthèse, les plus fréquemment utilisés étant la vanille, le melon, la pêche et la pomme notamment pour des raisons économiques puisque la matière première peut parfois coûter très cher.

LES BOIS, LES PLANTES E T L ES H ERBES Les épices et les graines appartiennent aussi à ce registre de matières premières partagées avec la gastronomie : la fève tonka, la coriandre, la badiane, le cumin, l’ambrette, la cardamome, le clou de girofle, le fenugrec, la noix muscade, le poivre. Les matières végétales intègrent également les arbres. Les racines constituent des matières premières recherchées : le vétiver, l’iris, le gingembre. Les feuilles sont parfois plus utiles en parfumerie que les fleurs : le patchouli, le petit grain, le géranium, la violette, le myrte. Les bois, les écorces et les mousses complètent cette panoplie de matières végétales : le santal, le cèdre, l’écorce de cannelle, l’écorce de bouleau, le bois de gaïac, la mousse de chêne. Il en est de même avec les résines et les gommes, toutes deux émanant d’exsudations de plantes : le galbanum, le benjoin, l’opoponax, la myrrhe, le labdanum, le baume de Tolu, l’encens…

« La personnalité est à l’homme ce que le parfum est à la fleur. » C.M. SCHWAB


#1

#9

#1 FLORAL

#9 FRUITÉ

LE CARACTÈRE NATUREL DES CES NOTES

#2

FLORALES REND LEUR UTILISATION

TRÈS APPRÉCIÉES, LES NOTES FRUITÉS

# 10

PARFUMS. ELLES SONT LA PLUPART

PARFUMERIE FÉMININE. LES DIFFÉRENTES

REPRODUITES DE MANIÈRE SYNTHÉTIQUE.

FLEURS ODORANTES CONSTITUANT

LE MELON, LA PÊCHE ET LA POMME

CETTE FAMILLE CONTRIBUENT À DONNER

SONT PARMI LES PLUS UTILISÉES.

UN EFFET AUX PARFUMS QUI VA DE

#10 HERBACÉ

L’INNOCENCE (MUGUET) À LA SENSUALITÉ

LE BASILIC, LA MENTHE, LA MARJOLAINE

LA PLUS CHARNELLE (TUBÉREUSE,

SONT CONSIDÉRÉES COMME DES NOTES

YLANG-YLANG).

HERBACÉES, PLUS SPÉCIFIQUEMENT UTILISÉES EN PARFUMERIE MASCULINE

#2 ÉPICÉS

#3

CETTE FAMILLE REGROUPE DES ÉPICES

# 11

ET TONIQUE.

AINSI QUE DES NOTES FLORALES

#11 ANIMAL

COMME L’ŒILLET. ELLES DONNENT DE LA

LE CARACTÈRE SENSUEL DES NOTES

PERSONNALITÉ ET AMÈNENT CHALEUR

ANIMALES LES REND ESSENTIELLES DANS

ET RELIEF.

L’ÉLABORATION DES PARFUMS ACTUELS.

#3 AQUATIQUE

ELLES SONT ÉGALEMENT APPRÉCIÉES

NOUVELLE VENUE DANS L’UNIVERS

POUR LEURS PROPRIÉTÉS DE FIXATIFS.

OLFACTIF DE LA PARFUMERIE FINE, LA

LES PRODUITS DE SYNTHÈSE REMPLACENT

L’EAU DES CASCADES, LA MER OU L’AIR.

PEU À PEU LES PRODUITS NATURELS

#12

#6

#12 HESPÉRIDÉ

NATURELLE ET TRÈS TENACE.

ON ENTEND PAR « HESPÉRIDÉES »

ON Y TROUVE ESSENTIELLEMENT DES

LES HUILES ESSENTIELLES OBTENUES PAR

MATIÈRES PREMIÈRES SYNTHÉTIQUES.

EXPRESSION DU ZESTE DES FRUITS

#4 TABAC

TELS QUE LA BERGAMOTE, LE CITRON,

LA FAMILLE TABAC EST CARACTÉRISÉE

L’ORANGE, LA MANDARINE, ETC., ASSOCIÉS

PAR DES NOTES SUAVES, BOISÉES

AUX PRODUITS DE L’ORANGER.

POUDRÉES ET MIELLÉES. CES NOTES

CES NOTES FRAÎCHES ET TONIQUES SONT

AUX PARFUMS. D’ORIGINE NATURELLE

COURAMMENT UTILISÉES DANS LES EAUX

#13

#8

DE COLOGNE ET LES EAUX FRAÎCHES.

OU SYNTHÉTIQUE,

#13 MOUSSE

#5 CUIRÉS

TONALITÉ RAPPELANT L’ODEUR DES

LA NOTE CUIR EST L’UNE DES PLUS

FORÊTS ET DES SOUS-BOIS. LA MOUSSE

ANCIENNES EN PARFUMERIE.

DE CHÊNE EST L’ÉLÉMENT IMPORTANT

ODEUR DOUCE (STYRAX), FUMÉE,

DE L’ACCORD CHYPRÉ.

GOUDRONNÉE, ELLE EST SOUVENT

#14 BALSAMIQUE

ASSOCIÉE AUX NOTES CHYPRÉES.

VANILLE, BENJOIN ET TOLU SONT LES

#6 AROMATIQUES

MATIÈRES PREMIÈRES LES PLUS

AROMLA LAVANDE, LE ROMARIN, L’ARMOISE ILLUSTRENT CETTE FAMILLE

CARACTÉRISTIQUES DE CETTE FAMILLE.

# 14

LEUR ODEUR, À LA FOIS DOUCE ET

OLFACTIVE. CES NOTES CONFÈRENT

BOISÉE, EST SOUVENT ASSOCIÉE AUX

UN CARACTÈRE VIRIL ET ÉNERGÉTIQUE AUX

TONALITÉS ORIENTALES. LE TOLU

PARFUMS QUI LES CONTIENNENT.

ET LE BENJOIN SONT DES BAUMES,

ILS SONT ESSENTIELLEMENT UTILISÉS EN

SUBSTANCES NATURELLES ET VISQUEUSES

PARFUMERIE MASCULINE.

TIRÉES DE LA SÈVE DES ARBRES.

#7 AMBRE

#15 MUSC

LES NOTES AMBRÉES SONT CHAUDES,

UTILISÉ SOUS FORME DE TEINTURE

SUAVES ET SENSUELLES.

(INFUSION DANS L’ALCOOL), LE PRODUIT

#8 BOIS

#7

D’ORIGINE ANIMALE.

ELLE EST TRANSPARENTE, FRAÎCHE,

CONFÈRENT VELOUTÉ ET RICHESSE

#5

POUR LEUR CARACTÈRE FRAIS, PROPRE

UTILISÉES COURAMMENT EN CUISINE,

TONALITÉ AQUATIQUE RAPPELLE

#4

DONNENT MODERNITÉ ET ORIGINALITÉ AUX

AGRÉABLE ET INDISPENSABLE EN

LE CÈDRE DE VIRGINIE, LE BOIS DE GAÏAC,

NATUREL PROVENANT DU CHEVROTIN

#15

« PORTE-MUSC » EST REMPLACÉ

L’ESSENCE DE PIN, LE PATCHOULI,

AUJOURD’HUI PAR LES PRODUITS DE

LE SANTAL ET LE VÉTIVER ILLUSTRENT

SYNTHÈSE. LES MUSCS SONT

CETTE GRANDE FAMILLE OLFACTIVE.

INDISPENSABLES À LA PARFUMERIE

CES NOTES FRAÎCHES ET TONIQUES SONT

CAR ILS APPORTENT DES ÉLÉMENTS DE

COURAMMENT UTILISÉES DANS.

DIFFUSION ET TÉNACITÉ IMPORTANTS.

#16


… animales

LE MUSC EST TIRÉ D’UNE GLANDE ABDOMINALE DU CHEVROTIN MÂLE, SITUÉ ENTRE L’OMBILIC ET LES ORGANES SEXUELS LE CHEVROTIN PORTE-MUSC EST UN PETIT CHEVREUIL QUI VIT DANS LES MONTAGNES DE CHINE, DE L’HIMALAYA ET DU TIBET. SA CHASSE EST SOUMISE À UNE SÉVÈRE RÉGLEMENTATION INTERDISANT DE TUER LES FEMELLES, POUR NE PAS NUIRE À LA REPRODUCTION. SON ÉLEVAGE

SIX ESSENCES ANIMALES SONT UTILISÉES

S’EST RÉVÉLÉ NON PROLIFIQUE : LA SECRÉTIONS; DE

DANS LA CONFECTION DE PARFUMS,

CETTE GLANDE CESSAIT EN EFFET DÈS LORS QUE L’ANIMAL

LE PLUS SOUVENT AUJOURD’HUI

ÉTAIT EN CAPTIVITÉ. ON A DONC AUJOURD’HUI RECOURS,

SOUS LEUR FORME SYNTHÉTIQUE, POUR

LA PLUPART DU TEMPS À DES MUSCS D’ORIGINES

DES RAISONS D’ÉTHIQUE ET DE

SYNTHÉTIQUES, BEAUCOUP MOINS ONÉREUX (IL FALLAIT

RÉGLEMENTATION. LE CARACTÈRE

LE CONTENU DE QUATRE GLANDES POUR OBTENIR 1 KG

SENSUEL DES NOTES ANIMALES LES REND

DE SUBSTANCES !) ET BIEN PLUS ÉCOLOGIQUES.

ESSENTIELLES DANS L’ÉLABORATION

LA CIVETTE, SEMBLABLE À UN CHAT SAUVAGE, DE LA TAILLE D’UN

DES PARFUMS ACTUELS ET ELLES

RENARD, VIT ESSENTIELLEMENT AU SUD-OUEST DE

SONT ÉGALEMENT APPRÉCIÉES POUR DES

L’ÉTHIOPIE, OÙ ELLE FAIT L’OBJET DE NOMBREUX

PROPRIÉTÉS FIXATIVES.

ÉLEVAGES, L’ANIMAL POSSÈDE AU NIVEAU DES GLANDES GÉNITALES UNE POCHES EN FORME DE CROISSANT REFERMANT UNE PÂTES JAUNÂTRE À L’ODEUR PESTILENTIELLE, QUE L’ION EXTRAIT PAR CURETAGE. CE

PA R F U M M AT IÈR ES P RE M IÈ R ES A N IM A L ES

PRODUIT QUI RESTE TRÈS RARE PERD SON CARACTÈRE DÉSAGRÉABLE ET AGRESSIF AU CONTACT DES DIVERS COMPOSANT DU PARFUM ,AUXQUELS IL CONFÈRE UNE CHALEUR ANIMALE ET MIELLÉE. L’AMBRE GRIS L’AMBRE GRIS PROVIENT DE CONCRÉTIONS REJETÉES PAR LES CACHALOTS SUR LES COTES PÉRUVIENNES ET PORTUGAISES AINSI QUE DANS L’OCÉAN INDIEN, LE GOLFES PERSIQUE OU EN ASIE MINEURS. LES BECS DES CÉPHALOPODES INGURGITÉS MAIS INSUFFISAMMENT MASTIQUÉS PAR L’ANIMAL BLESSENT PARFOIS SES PAROIS INTESTINALES. LES « ULCÈRES » QUI EN RÉSULTENT SECRÈTENT ALORS UNE SUBSTANCES PÂTEUSES, QUI EST SOIT EXPULSÉE NATURELLEMENT PAR LE CACHALOT SOUS FORMES DE « BOUCHON » SOIT REJETÉE LORS DE LA DÉCOMPOSITION DE L’ANIMAL UNE FOIS MORT. CE SONT LE SOLEIL ET L’EAU (PUIS MACÉRATION DANS L’ALCOOL) QUI LUI DONNE SON ASPECT DÉFINITIF, TANT OLFACTIF QUE VISUEL. GRÂCES À CES ÉLÉMENT CONJUGUÉS, SON ODEUR NAUSÉABONDES LAISSE PLACE


#1

#2

#4

#5

#3

À UNE SENTEUR PLUS DÉLICATE, LÉGÈREMENT IODÉ, SITUÉ ENTRE LE TABAC À PRISER ET LE THÉ. SA SUBTILITÉ N’A D’ÉGALE QUE SA RARETÉ, CE QUI EN FAIT UN COMPOSANT UTILISÉ AVEC PARCIMONIE. MAIS IL À L’AVANTAGE DE SE RÉVÉLER UN EXCELLANT FIXATEUR. CET AMBRE N’A RIEN N’A VOIR AVEC LA RÉSINE UTILISÉ POUR LA CONFECTION DE BIJOUX ; ILS N’ONT DE COMMUN QUE LE NOM. LE CASTORÉUM SECRÉTÉE PAR DES CASTORS VIVANT ESSENTIELLEMENT EN AMÉRIQUES DU NORD, EN RUSSIE ET AU CANADA, CETTE HUILE A L’ODEUR DE L’ENCRE OU DU CUIR. ELLE SERT À CES RONGEURS, QUI LA STOCKENT DANS DES GLANDES INTERNES À LUSTRER LEURS PELAGES. TRÈS PRISÉES PAR SON APPORT CHALEUREUX DANS LES PARFUMS MASCULINS, LE CASTORÉUM EST, EN OUTRES, UN EXCELLENT FIXATEURS POUR LES PARFUMS LA CIRE D’ABEILLE PRODUITE PAR LE DAMAN DU CAP, UN PETIT MAMMIFÈRE ET L’HYRACEUM D’AFRIQUE DU SUD. Cette catégorie de matières premières, comprenant des substances naturelles

tout simplement. L’homme s’est aussi intéressé au cachalot. Du cachalot dans

d’origine animale, n’est pas la moins surprenante de toutes. Comme pour les

mon parfum ? Oui, mais son exploitation n’est en rien nuisible à l’espèce, par

matières premières d’origine végétale, il y a des millénaires que l’homme s’y

ailleurs elle aussi protégée. Car c’est la seule matière première d’origine ani-

est intéressé. Il a vraisemblablement commencé de manière très empirique, et

male qu’il suffit de ramasser et pour laquelle l’homme n’a aucun contact direct

à force d’essais, de ratages et de courage, il est parvenu à les utiliser.

avec l’animal. En principe. Autrefois, l’animal a été chassé et dépecé pour lui

Il est presque inutile de préciser que de nos jours, on ne court guère plus derrière des chevrotins, des civettes ou des castors pour extirper le précieux produit qui se trouve à l’intérieur de leurs glandes. Car ce sont les trois animaux qui ont apporté le plus grand écot à l’élaboration de parfums. Certains, comme la civette, sont élevés en captivité pour contribuer anonymement à l’art du parfum. Mais on ne va plus à la chasse au castor du Canada, qui est une espèce protégée. Et on n’emprisonne plus momentanément, avant de le relâcher, le chevrotin dit porte-musc, pour la même raison. Souvent d’ailleurs, on le tuait

extirper son précieux produit. Mais aujourd’hui, il semblerait que là aussi il existe des chasseurs de cachalots peu scrupuleux. Confrontés à la dure réalité économique de notre monde, fabricants et parfumeurs mettent en œuvre des substances de synthèse créées en laboratoire reproduisant l’odeur des substances naturelles ou s’en approchant. Pour des raisons de coûts, seuls les parfums de prestige comportent encore une touche de matière première animale d’origine naturelle dont le commerce est réglementé par la Convention de Washington. Car il est difficile de s’en passer en raison de leurs qualités fixatrices et de leurs propriétés sensuelles. Cet article a donc un caractère historique et fait référence à des produits natu-

CIVETTE ON UTILISE LES SÉCRÉTIONS DES GLANDES DE CIVETTES D’ÉTHIOPIE ÉLEVÉES EN CAPTIVITÉ.

rels ayant presque disparu de l’univers de la parfumerie. Voici donc les quatre matières premières d’origine animale qui entrent (ou entraient) dans la composition de certains parfums. Il en existe quelques autres, beaucoup plus anecdo-

AMBRE GRIS

tiques, citées dans les livres anciens, et encore parfois utilisées aujourd’hui

L’AMBRE GRIS EST UNE EXCRÉTION QUI

sous leur forme synthétique comme l’hyraceum (urine desséchée et pétrifiée

PROVIENT DE L’ESTOMAC DES CACHALOTS.

d’un gros rongeur d’Afrique du sud appelé daman des rochers, daman du Cap,

LE MUSC

genre marmotte, se présentant sous forme mi-solide noire, et son pendant du

ON RÉCUPÈRE LES SÉCRÉTION DU CACHALOT STOCKÉE DANS UNE GLANDE. CASTORÉUM

Yémen le golden stone, provenant d’un herbivore appelé daman hyrax ou bien encore le rat musqué du Canada, (ondatra zibethicus) dont les glandes sécrètent

SUBSTANCE HUILEUSE À L’ODEUR

un produit proche du musc, etc… Et sans oublier de citer la cire d’abeilles, dont

PÉNÉTRANTE RÉCUPÉRÉE SUR L’ANIMAL.

on produit une absolue, mais qui fait un peu figure d’intrus ici.


Depuis bientôt un siècle, toutes les innovations dans le domaine de la création sont basées sur les découvertes de corps nouveaux odorants de la recherche en chimie organique.

PA R F U M M AT IÈR ES P RE M IÈ R ES SY N TH ÉT IQU E S

Cela, sans mésestimer le rôle important des produits naturels traditionnels indispensables à une parfumerie de qualité, car les produits naturels sont indispensables. Nombre de produits naturels nouveaux ont permis aux parfumeurs créateurs d’aller de l’avant avec des accords… ANNICK LE GUÉRER



…de synthèse

LA MODE FÉMI­N INE A INDUIT AU DÉBUT DU XX E SIÈCLE, ESSEN­T IEL DANS L’ÉVOLUTION DE L’ART DU PARFUM, UNE DOUBLE RÉVOLU­T ION, CELLE DES COU­T URIERS (CHANEL, POIRET, ETC.)

#1

ET CELLE DES PARFU­M EURS (GUERLAIN, DIOR, ETC.), SANS OUBLIER LES CRÉATEURS DE FLACONS, COMME LALIQUE. LA RÉVOLUTION DE LA CHIMIE ORGA­N IQUE DU XIX E SIÈCLE A PERMIS CETTE EXPLOSION, ET PORTÉ L’ENGOUEMENT DU PUBLIC POUR LES SEN­T EURS NOU­V EL­L ES, AVEC LA CRÉA­T ION DE PAR­F UMS POUR LES RICHES ET D’AUTRES POUR LES BOURGEOIS, ET MÊME CER­TAINS POUR LES PAU­V RES !

À la fin des années 1930, tous les prin­ci­paux pro­duits de syn­thèse uti­li­sés PA R F U M M AT IÈR ES P RE M IÈ R ES SY N TH ÉT IQU E S

de nos jours avaient été décou­verts. Certains sont des copies ou ins­pi­rés du « natu­rel », notam­ment quand ces der­niers pro­vien­nent d’espè­ces en danger de dis­pa­ri­tion ou dif­fi­ci­les d’accès, comme l’ambre gris du cacha­lot, le nard de l’Himalaya (rem­placé par des valé­ria­nes), le musc, l’ylang-ylang de Malaisie (Cananga odo­rata), ou le bois de santal. Ce qui n’empê­che pas la relance de l’uti­li­sa­tion de l’oud, extrait d’Aqularia espèce asia­ti­que en voie de dis­pa­ri­tion, elle aussi. D’autres, envi­ron 30%, sont des molé­cu­les inconnues, mais jouant pru­dem­ment sur des varia­tions d’odeurs connues, pour ne pas heur­ter de front la sen­si­bi­lité des ache­teurs. L’art du parfum, dans sa concep­tion contem­po­raine, est étroitement lié à la chimie. L’alcool phé­ny­lé­thy­li­que, syn­thé­tisé en 1876, com­po­sant majeur de la rose, évoque la jacin­the, le muguet, la pivoine, odeurs n’exis­tant pas sous forme d’extrait natu­rel. En 1855, l’acé­tate de ben­zyle sera la pre­mière molé­ cule syn­thé­ti­que, à odeur de jasmin, tou­jours uti­li­sée d’ailleurs. En 1868, ce sera la cou­ma­rine, syn­thé­ti­sée par William H. Perkin, décou­vreur de la mau­ véine (cf. Quinquina & qui­nine).En 1874, la vanil­line (cf. Vanille, vanil­line), et en 1888, le pre­mier musc de syn­thèse (A. Bauer, musc dit nitré, dont de nom­ breux sont inter­dits car toxi­ques). Il existe actuel­le­ment une cin­quan­taine de muscs de syn­thèse, poly­cli­ques comme la Tonalide® (1954) et la Galaxolide® (1967), et macro­cy­cli­ques comme la mus­cone et la mus­cé­none de Firminich, et d’autres lac­to­nes comme la Nirvanolide® dont seul le com­posé opti­que­ment actif 12R,9Z est odo­rant. C’est sou­vent le cas d’ailleurs dans les com­po­sés com­plexes, dont seul un énantiomère, par­fois mino­ri­taire dans la syn­thèse, est actif. De très nom­breu­ses céto­nes, aldé­hy­des, alcools, vien­dront com­plé­ter la pano­plie des par­fu­meurs : ionone et méthy­lio­no­nes en 1893, jas­mone en


1933 et irones en 1947 ; syn­thèse d’aldé­hy­des vers 1903 (hydroxy­ci­tro­nel­lal en

Il s’agit de déga­ger les motifs struc­tu­raux néces­sai­res à une réponse olfac­tive

1908) ; citro­nel­lol en 1889, lina­lol en 1919 pour les plus cou­rants. Le Lilial (pro­

donnée. Quelques succès ont résulté de ces études comme un sub­sti­tut pour

pio­nate de butyl­phé­nyl­mé­thyle, qui semble pré­sen­ter une cer­taine toxi­cité) a

l’odeur de bois de santal, les odeurs mari­nes ou le pat­chouli. Mais on est loin

été intro­duit en 1956, l’Hédione® (ou dihy­dro­jas­mo­nate de méthyle, également

(ques­tion de moyens  ? d’inté­rêt de la com­mu­nauté scien­ti­fi­que  ? poli­ti­que du

uti­lisé comme arôme ali­men­taire) en 1965, et divers autres com­po­sés au début

secret ?) des réa­li­sa­tions dans le domaine des inte­rac­tions pro­téi­nes-sub­strat

des années 1970. |Lavoslav (Leopold), chi­miste suisse d’ori­gine austro-hon­

du domaine de la santé. Et pour­tant, le marché mon­dial des par­fums et des

groise, prix Nobel de chimie 1939, a été pion­nier dans la syn­thèse de pro­duits

arômes est estimé à près de 16 mil­liards d’euros (dont 15% en France) par­tagé

natu­rels, en col­la­bo­ra­tion avec l’indus­trie de la par­fu­me­rie, mais aussi avec la

pour 60% entre 5 grands grou­pes indus­triels (2 socié­tés suis­ses, 1 alle­mande,

société Ciba. Il col­la­bore avec Hermann Staudinger (prix Nobel de chimie 1953)

1 amé­ri­caine et 1 japo­naise). Aujourd’hui la majo­rité des par­fums sont com­po­

et forme dans son labo­ra­toire Vladimir Prelog, futur lau­réat du prix Nobel de

sés d’ambro­san, d’alcool phé­ny­lé­thy­li­que, de citro­nel­lol, de cou­ma­rine, d’hé-

chimie en 1975. En 1950, il invente la règle qui porte son nom, règle de l’iso­

dione, d’hélio­tropine, d’hydroxy-citro­nel­lal, d’isoE, d’ionone, de lilial de méthyl

prène bio­gé­né­ti­que, à la base de la for­ma­tion de tous les ter­pè­nes natu­rels (cf.

ionone, de musc de syn­thèse (une cin­quan­taine de nuan­ces dis­po­ni­bles), de

Isoprène, Monoterpènes, Triterpènes poly­cy­cli­ques, Caoutchouc).

pat­chouli, de santal de syn­thèse, de sali­cy­late, de vanil­line. Mais on a uti­lisé,

GRANDES DÉCOUVERTES Les pro­grès réa­li­sés dans l’ins­tru­men­ta­tion ana­ly­ti­que ont permis des avan­ cées consi­dé­ra­bles. Les labo­ra­toi­res, publics et privés, se sont équipés de tech­ ni­ques chro­ma­to­gra­phi­ques de plus en plus élaborées, notam­ment cou­plées avec la spec­tro­mé­trie de masse. L’iden­ti­fi­ca­tion, ou la recher­che, d’un com­posé non réper­to­rié met en œuvre les pro­cé­dés d’iso­le­ment connus dans la chimie et la bio­chi­mie des sub­stan­ces natu­rel­les, et leur carac­té­ri­sa­tion struc­tu­rale les outils spec­tro­sco­pi­ques clas­si­ques. L’abais­se­ment des seuils de détec­tion a ainsi permis d’iden­ti­fier, après de nom­breu­ses années de recher­che, les cons­

comme dans les temps anciens, et jusque dans les années 1970, de la poudre de sang séché, des bri­su­res de tabac, de fumier de mouton macéré pour créer des sen­teurs de musc et de la naph­ta­line pour les odeurs de four­rure… Mais déci­dé­ment, dans un domaine aussi affec­tif que le parfum, seuls les maî­ tres par­fu­meurs, appe­lés « nez », sont capa­bles de véri­ta­ble créa­tion. C’est l’artiste (Ernest Beaux, Edmond Roudniska, Jean-Pierre Ellena, et quel­ques autres, dont une dizaine de par­fu­meu­ses de renom), s’appuyant sur le chi­miste et la chimie, qui a osé et osera les rap­pro­che­ments auda­cieux à l’ori­gine des succès de demain.

ti­tuants de l’huile essen­tielle de rose (Rosa damas­cena, rap­por­tée des croi­ sa­des en 1254 par Robert de Brie), res­pon­sa­bles de l’odeur, ne serait-ce qu’à cause du prix de l’essence (envi­ron 5 000 €/kg). En 1957, tous les cons­ti­tuants en concen­tra­tion supé­rieure à 1 % étaient iden­ti­fiés, mais c’est en 2000 que les indis­pen­sa­bles damas­cone et damas­cé­none (pro­duits de dégra­da­tion de caro­té­noï­des) ont pu être iso­lées (il y aurait, selon l’équipe du chi­miste fran­ çais Xavier Fernandez, au moins 350 com­po­sés dans les huiles essen­tiel­les de rose). La sen­sa­tion olfac­tive est un phé­no­mène com­plexe, dont la com­ pré­hen­sion avance avec la connais­sance des méca­nis­mes phy­sio­lo­gi­ques, non seu­le­ment des récep­teurs du sys­tème olfac­tif péri­phé­ri­que, mais jusqu’au niveau des gènes impli­qués, ce qui valut à Richard Axel et Linda B. Buck le prix Nobel de méde­cine et phy­sio­lo­gie en 2004. On sait main­te­nant qu’une sen­sa­ tion olfac­tive résulte de l’acti­va­tion d’un réseau de récep­teurs, et que c’est la dimen­sion com­bi­na­toire du phé­no­mène qui expli­que la diver­sité de ces sen­sa­ tions, supé­rieure au nombre de récep­teurs mis en jeu. Heureusement d’une cer­taine manière que cette com­plexité n’est com­prise que depuis peu ! En effet, c’est dès 1884, que l’écrivain fran­çais Joris-Karl Huysmans ima­gine un orgue à parfum, repris par Boris Vian dans l’Ecume des jours

#2

pour son piano à cock­tail. D’autres appro­ches, plus scien­ti­fi­ques, uti­li­sant des des­crip­teurs phy­sico-chi­mi­ques, ont été inven­tées pour cons­truire des jeux de rela­tions struc­ture/réac­ti­vité, pour la créa­tion de nou­vel­les molé­cu­les ou pré­voir de nou­veaux mélan­ges. Volume molaire, den­sité électronique, moments dipo­ lai­res, coef­fi­cients de par­tage alcool/eau, à ces pre­miers tra­vaux, de nou­veaux

#1 FLACONS DE SYNTHÈSE DIFFÉRENTES ESSENCES DE SYNTHÈSE #2 DISTILLATION TECHNIQUE DE DISTILLATION POUR

éléments ont été intro­duits. Par exem­ple, des ana­ly­ses de reconnais­sance de

EXTRAIRE L’ESSENCE.

forme, l’ana­lyse confor­ma­tion­nelle ont été convo­quées, puis d’autres éléments

#3 NEZ

emprun­tés au « drug design » de la recher­che phar­ma­ceu­ti­que, comme le repé­

TRAVAIL DU PARFUM AVEC DES

rage dans une série olfac­tive des sites don­neurs, ont été mis en œuvre.

PROFESSIONNELS (LES NEZ).

#2


Quelques exem­ples ? Le fameux N° 5 de Chanel résulte de l’asso­cia­tion de

de notes originales : aldhédydes etc.. Attention, certains produits de synthèse

com­po­sés syn­thé­ti­ques (envi­ron 80 ingré­dients), prin­ci­pa­le­ment un aldé­hyde,

sont bien plus chers que des produits naturels. La synthèse a permis égale-

le 2-méthy­lun­dé­ca­nal, d’odeur moyen­ne­ment agréa­ble. Cette créa­tion de 1921,

ment de donner de la ténacité au parfum, ainsi que du sillage. Les produits

un parfum arti­fi­ciel comme le vou­lait Coco Chanel, est tou­jours aussi appré­cié.

naturels sont vivants et donnent un supplément d’âme, les produits de syn-

Sa com­po­si­tion est repré­sen­ta­tive de la cons­truc­tion de tous les par­fums. Des

thèse sont plus linéaires, stables et n’évoluent pas comme les naturels. L’idéal

notes de tête, celles que l’on sent d’abord (15 à 25 % des molé­cu­les odo­ran­

est une bonne combinaison des deux, tout en privilégiant une grande quantité

tes), avec une majeure, le 2-méthy­lun­dé­ca­nal, et une mineure, néroli, citron,

de naturels.

ber­ga­mote ; une note de cœur (30 à 40 %), avec sa majeure d’ylang-ylang et sa mineure de jasmin, rose de mai, iris, muguet ; et enfin sa note de fond (45 à 50 %) de majeure véti­ver et de mineure un mélange de santal, musc, vanille, civette, cèdre. La recher­che d’odeurs à la fois fami­liè­res et ori­

PA R F U M M AT IÈR ES P RE M IÈ R ES SY N TH ÉT IQ U ES

«  Les matières premières de synthèse sont de nos jours la base de la parfumerie. » C.M. SCHWAB

gi­na­les, décri­tes dans l’abrégé d’odeurs de Jean-Pierre Ellena, sont repré­ sen­ ta­ ti­ ves de ce qui est conce­ va­ ble pour créer un parfum ayant sa per­son­na­lité. Notre enfance peut se décli­ner ainsi selon diver­ses mémoi­ res : « barbe à papa » doit être une odeur de fête, donc sucrée, mélange de vanil­line et d’éthylmaltol ; le cachou de nos grand-mères, un mélange d’ané­thole, d’ionone,

Des grandes découvertes comme l’hédione 1962 (Firmenich) (isolée du jasmin) a permis la création du sublime parfum : Eau Sauvage de Dior. Les damascones 1970 (isolées de la rose) (Firmenich) ont été utilisées pour la première fois avec brio pour la création de Nahéma et Jardins de Bagatelle. Le sandalore ajouté au santal naturel ont permis la création de Samsara. L’ethyl maltol a été créé en 1969 : fameuse note caramel utilisée la première fois dans Angel. La liste est loin d être exhaustive. Chaque année, nous pouvons découvrir de nouvelles molécules de synthèse (il y en a environ actuellement 3000/ 4000 et chaque année aussi, nous découvrons de nouvelles matières premières naturelles (environ 1000). Toutes ces découvertes concourent au développement, au renouvellement, à l’enrichissement de la création en Parfumerie.

de méthyl­cy­clo­pen­tè­no­lone et de men­thol  ; la dragée, vanil­line, ben­join (rési­noïde, cf. Benzène) et aldé­hyde ben­ zoï­ que. L’odeur de cho­ co­ lat (cf. Chocolat) illus­ tre bien le fait que « le par­fu­meur est avant tout un illu­sion­ niste », car elle s’appuie sur le phé­ny­la­cé­tate d’iso­bu­tyle et la vanil­line, avec une touche de pat­chouli pour le cho­ co­lat noir, un pep de civette pour la gana­che, et de la concrète d’iris pour l’odeur de poudre de cacao… Bien dif­fé­rent de la com­plexité de la fève de cacao (arôme cons­ti­tué d’une cen­taine de molé­cu­les, nombre que la

LA SEN­SA­T ION OLFAC­T IVE EST UN

tor­ré­fac­tion mul­ti­plie par trois !).

PHÉ­N O­M ÈNE COM­P LEXE, DONT

Mais les odeurs, si elles ne sont pas tou­jours ce qu’elles parais­sent, ne sont

LA COM­P RÉ­H EN­S ION AVANCE AVEC LA

pas non plus tou­jours aussi sim­ples que quel­ques ter­pè­nes, des déri­vés plus

CONNAISSANCE DES MÉCA­N IS­M ES

ou moins com­plexes du ben­zène… Des rési­nes sont néces­sai­res pour les

PHY­S IO­L O­G I­Q UES, NON SEU­L E­M ENT DES

notes de fond, des macro­cy­cles, des lac­to­nes, et sur­tout la néces­sité, très sou­ vent, d’inven­ter une syn­thèse énantiosélective effi­cace, ren­dent le jeu, pour le

RÉCEP­T EURS DU SYS­T ÈME OLFAC­T IF

chi­miste, encore très exci­tant. L’osmo­thè­que de Versailles, quoi­que très riche,

PÉRI­P HÉRI­Q UE, MAIS JUSQU’AU NIVEAU

peut encore accueillir des nou­veau­tés ! L’appli­ca­tion des nou­vel­les normes de

DES GÈNES IMPLI­Q UÉS, CE QUI VALUT

sécu­rité, au point que des matiè­res très ancien­nes qui n’ont jamais posé de

À RICHARD AXEL ET LINDA B. BUCK LE PRIX

pro­blème de toxi­cité ne peu­vent plus être uti­li­sées au nom du prin­cipe de pré­ cau­tion et sont par­fois rem­pla­cées par des pro­duits pour les­quels nous n’avons pas de recul, seu­le­ment des tests d’inno­cuité ! L’inter­dic­tion de cer­tains com­

NOBEL DE MÉDE­C INE ET PHY­S IO­L O­G IE EN 2004. ON SAIT MAIN­T E­N ANT QU’UNE

po­sés en rela­tion avec la cir­cu­laire REACH com­pli­quera la tâche du créa­teur,

SEN­SA­T ION OLFACTIVE RÉSULTE

mais sti­mu­lera peut-être la créa­ti­vité des chi­mis­tes… ou celle des géné­ti­ciens

DE L’ACTI­VA­T ION D’UN RÉSEAU DE

pour la pro­duc­tion de matiè­res par des OGM ? Et la ques­tion déli­cate des for­

RÉCEP­T EURS, ET QUE C’EST LA DIMEN­S ION

mu­la­tions, de la sta­bi­li­sa­tion en solu­tion géné­ra­le­ment alcoo­li­que de pro­duits par défi­ni­tion vola­tils et sou­vent fra­gi­les, n’a pas été évoquée. Les produits

COM­B I­N A­TOIRE DU PHÉNOMÈNE QUI

de synthèse ont apporté a la parfumerie des notes qui ont enrichi l’orgue du

EXPLI­Q UE LA DIVER­S ITÉ DE CES

parfumeur : la note violette, la note lilas, lys, muguet, fruits etc ..que l’on ne

SEN­SA­T IONS, SUPÉ­R IEURE AU NOMBRE

peut obtenir de façon naturelle, La synthèse nous a également enrichi l’orgue

DE RÉCEP­T EURS MIS EN JEU.


Un peu d’Histoire 1833/34

UNE ALCHIMIE UNIQUE AVEC

DUMAS ET PELIGOT ISOLENT L’ALDÉHYDE

LA PEAU), LES PREMIERS PRODUITS

DE L’ESSENCE DE CANNELLE. 1844

1868

CAHOURS TROUVE DANS L’ESSENCE D’ANIS,

ET LINALOL POUR BOOSTER

SON CONSTITUANT PRINCIPAL : L’ANÉTHOL.

LA VRAIE VANILLE, AINSI QUE LA FÈVE TONKA.

LE CHIMISTE ANGLAIS : WILLIAM HENRY PERKIN SYNTHÉTISE EN 1868 LE PRINCIPE

1882

DE SYNTHÈSE : COUMARINE, VANILLINE

1900

ODORANT DE LA FÈVE TONKA :

L‘OCTINE ET L’HEPTINE CARBONATE DE

LA COUMARINE.

MÉTHYLE, À LA NOTE VIOLETTE

LA COUMARINE EST UTILISÉE LA PREMIÈRE

1903

FOIS DANS LA FOUGÈRE ROYALE CRÉÉE POUR HOUBIGANT. 1869

1874

MOUREU ET DELANGE DÉCOUVRENT

BLAIZE ET DARZENS PARTICIPENT À LA CRÉATION DES ALDÉHYDES

1908

CRÉATION DE L’HYDROXYCITRONNELLAL EN

DANS APRÈS L’ONDÉE, APRÈS L’ONDÉE

PARTANT DE L’ESSENCE DE CITRONNELLE

QUI CONTIENT ÉGALEMENT LA MOLÉCULE

ETC. À CETTE DATE, CRÉATION DE LA NOTE

DE L’ALDÉHYDE ANISIQUE DÉCOUVERTE

PÊCHE QUI SERA UTILISÉE LA PREMIÈRE

EN 1887.

FOIS DANS MITSOUKO.

LES CHIMISTES TIEMANN ET REIMER FABRIQUENT INDUSTRIELLEMENT LA VANILLINE.

1880

DÉCOUVERTE DES NOTES CUIR QUI SONT PRÉSENTES DANS LES CUIRS DE RUSSIE : LES QUILONÉINES, N’OUBLIEZ PAS QU’IL Y A EU PLUSIEURS CUIRS DE RUSSIE, CELUI DE CHANEL, DE GUERLAIN ET BIEN D’AUTRES…

1888

LE CHIMISTE BAUR RÉALISE UN MUSC ARTIFICIEL BEAUCOUP MOINS COÛTEUX QUE LE MUSC TONKIN, (CE DERNIER EST INTERDIT DORÉNAVANT!)

1889

LA SYNTHÈSE EST PRÉSENTE DE RÉELS AVANTAGES : LES PRODUITS DE SYNTHÈSE PEUVENT ÊTRE OBTENU À TOUT MOMENT DANS LES QUANTITÉS QUE L’ON SOUHAITE. POUR LES PRODUITS NATURELS, C’EST BEAUCOUP PLUS ALÉATOIRE : LES RÉCOLTES PEUVENT SUBIR DES PÉNURIES : PAR EXEMPLE : DURANT LE GRAND TREMBLEMENT DE TERRE EN IRAN,

JICKY GUERLAIN UTILISE DANS BEAUCOUP

TOUTE LA RÉCOLTE DE GALBANUM A

DE PRODUITS NATURELS (QUI DONNENT

ÉTÉ ANÉANTIE.


Les produits de synthèse apportent à la parfumerie des notes originales qui ont enrichi l’orgue du parfumeur. Les produits naturels sont vivants et donnent un supplément d’âme, les produits de synthèse sont plus linéaires, stables et n’évoluent

PA R F U M M AT IÈR ES P RE M IÈ R ES D E SYN T H ÈS E

pas comme les naturels. L’idéal est une bonne combinaison des deux, tout en privilégiant une grande quantité de naturels.






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