DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE Les enjeux – les futurs souhaitables – les scénarios
SOMMAIRE
Le cadre de la démarche de réflexion prospective ................................................................................................3 Les étapes de la démarche de janvier à mars 2013 ...............................................................................................4 1
Gestion de l’espace et aménagement du territoire .....................................................................................7
2
Les mobilités, les déplacements, les transports et l’accessibilité du territoire ....................................15
3
Les mutations/ transitions économiques ..................................................................................................23
4
Dynamique démographique, attractivité et ouverture du territoire ........................................................39
5
La gouvernance territoriale..........................................................................................................................44
6
L’épanouissement individuel et les cohésions sociales .........................................................................50
7
Le scénario du statut quo : La Manche qui subit......................................................................................57
8
Le scénario de l’ambition : Pour la Manche, une ambition, un projet, une promesse .........................60
2 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
Le cadre de la démarche de réflexion prospective La Manche comme les autres départements et territoires français, est confrontée depuis plusieurs années aux évolutions économiques et sociales, aux réformes institutionnelles et fiscales, aux exigences croissantes de préservation des ressources et aux changements sociétaux. Cet environnement complexe et en mutation, qui impacte au quotidien les citoyens, vient aussi « percuter » les organisations. Les organisations publiques et particulièrement les collectivités locales, qui ont en responsabilité la mise en œuvre de leurs compétences, sont amenées à penser, à concevoir et à mettre en œuvre différemment leurs politiques publiques. Mais si tous les territoires, toutes les collectivités, sont confrontés à des enjeux communs, chacun pourra y répondre de façon différenciée. Au-delà même du partage des compétences (qui pourraient encore évoluer dans les années qui viennent), qui cible le champ de leurs interventions, les réponses des collectivités ne peuvent donc être identiques si elles se veulent pertinentes, efficaces et appropriées. Chaque territoire est ainsi confronté à ses propres enjeux liés à ses spécificités démographiques, économiques, sociales, environnementales, géographiques, historiques et culturelles. Le projet de territoire ne résulte pas seulement de la diversité des caractéristiques et enjeux des territoires, il se fonde également sur les valeurs et le projet politique, donc sur les choix, portés par les élus. Celui-ci doit être par ailleurs en équilibre avec les attentes des habitants et acteurs et en harmonie avec les ressources du territoire. L’Assemblée Départementale a souhaité engager une réflexion prospective visant à dessiner, de façon partagée, un horizon souhaitable pour les années à venir. Cette démarche vise les finalités suivantes : •
Comprendre les enjeux présents et à venir (sociétaux et territoriaux / locaux et globaux)
•
Ne pas subir les évolutions profondes qui s’annoncent mais anticiper pour être en capacité d’agir
•
Mener une réflexion sur le territoire (et non sur le seul champ d’action du Conseil Général)
•
Analyser le territoire dans un espace géographique large (national, européen) et dans un espace temps prospectif
•
Enrichir et partager cette réflexion en interne et en externe
•
Aboutir à une vision du territoire, une ambition (mais pas de « consensus mou ») dont la mise en œuvre appartiendra à chacun des acteurs locaux
•
Une démarche productrice de changements (comprendre les conséquences des enjeux et évolutions pour influer sur l’action)
1
Le présent document, qui n’engage que ses auteurs a pour objet de présenter :
Les étapes de la démarche
Les enjeux et futurs souhaitables
Deux scénarios possibles
1 Les cabinets EDATER et ETHEIS Conseil, groupement qui accompagne le Conseil général de la Manche dans cette démarche de prospective
3 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
Les étapes de la démarche de janvier 2012 à mars 2013 Pour mener à bien la démarche de nombreux travaux ont été menés pendant les 15 derniers mois :
Un Diagnostic Territorial partagé (Janvier à Juin 2012) ère
Description détaillée des caractéristiques de la Manche et 1 2020.
Diagnostic socio-économique INSEE
identification des enjeux et tendances du territoire à horizon 1 I - ressources et patrimoines
Compléments EDATER (plus de 70 références)
II - Occupation et aménagement du territoire
Entretiens experts (15 experts du territoire)
III - L'économie manchoise
Enquête « services et directions » du CG
IV - Faire société ensemble
Réunions territoriales auprès des agents (4)
V - Risques et gestion de la crise
La consolidation des tendances et enjeux clés et identification des signaux annonciateurs d’évolutions (Juillet à Décembre 2012) Enrichissement et consolidation des 1ers enjeux et tendances identifiés dans le cadre des travaux de diagnostic territorial sur la base 1) d’un élargissement du prisme de réflexion lors d’ateliers prospectifs, 2) de séminaires et réunions territoriales auprès d’habitants de la Manche, élus et cadre du Conseil Général et 3) mise en débat, approfondissement et stabilisation en Comité Exploratoire. 2 Synthèse des Ateliers de la Les Ateliers de la prospective
prospective Séminaires élus
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Synthèse stratégique « Tendances et enjeux clés pour la Manche à horizon 2030
7 Réunions territoriales auprès des habitants
Séminaire des cadres 4 4 réunions du Comité exploratoire
Consolidation des tendances, enjeux clés et signaux annonciateurs (COMEX)
Tous ces travaux ont permis aux consultants de travailler à l’élaboration de 2 scénarios
NB : le Comité Exploratoire (COMEX) est un groupe de travail d’une vingtaine de membres constitué d’élus (conseillers généraux et élus locaux), d’agents du Département, d’experts extérieurs et des consultants. 4 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
Les enjeux et futurs souhaitables Cette première partie synthétise l’ensemble des travaux effectués dans le cadre de la démarche de prospective territoriale lancée par le Département de la Manche début 2012. Elle a vocation à présenter une 1ère vision des futurs souhaitables et principes d’action associés pour l’évolution du territoire manchois, préfigurant l’écriture des scénarios puis du projet de territoire. Elle ne constitue donc pas encore un scénario prospectif au sens strict du terme puisqu’il croise des éléments visant à… - anticiper l’évolution probable du territoire dans les prochaines années sur la base de prolongations des tendances actuellement observables dans la Manche, - identifier des signaux annonciateurs de changement à une échelle plus élargie et qui pourrait impacter le territoire manchois à plus ou moins long terme : évolutions de l’économie mondiale (prix des carburants, crise de la dette, libéralisation de l’économie…), évolutions du contexte règlementaire (normes environnementales, thermiques, …), ou encore le changement climatique, … … avec des éléments visant à apporter des réponses aux enjeux clés du territoire manchois pour les années à venir. En ce sens, elle propose, sur chacun des grands thèmes retenu, après un rappel de l’ensemble des éléments de connaissance, des priorités d’intervention ou principes d’action au regard de futurs souhaitables pour la Manche, à horizon 2030.
5 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
ARBORESCENCE THEMATIQUE Le tableau ci-dessous reprend les 6 thèmes domaines/ sujets correspondants aux enjeux clés pour le territoire dans les années à venir. Chaque thème est ensuite décliné en sous-thème.
THEME
SOUS-THEME Habitat / logement, urbanisme
Gestion de l’espace et Aménagement et planification territoriale Gestion foncière et vocation des espaces aménagement du territoire Préservation des patrimoines naturels et culturels Risques et gestion de crise Les mobilités des biens et des personnes,
Les mobilités, les Les besoins de déplacements et leur gestion déplacements, les transports Les nouvelles mobilités et l’accessibilité du territoire Les mobilités immatérielles (TIC, …) Les transports et l’accessibilité du territoire Activités liées à la mer Agriculture
Les mutations/ transitions Industrie Le soutien au développement des activités / filières de demain (numérique, EMR, …) et à économiques l’innovation ESS Tourisme L’évolution de la pyramide des âges L’évolution de l’occupation du territoire par l’Homme (mobilités internes, arrivées de nouveaux
Dynamique démographique, habitants, …) attractivité et ouverture du L’attractivité, les atouts du territoire territoire Les besoins de nouvelles populations
La capacité du territoire à s’ouvrir vers l’extérieur (caractère insulaire) L’accueil de nouvelles populations La relation entre le citoyen et l’élu L’exercice de la citoyenneté, la co-construction de la décision publique / politique et la démocratie participative L’organisation intercommunale
La gouvernance territoriale
La coopération entre territoires, les relations entre élus et les projets structurants Le rôle des réseaux dans l’expertise territoriale, la maîtrise d’usage et l’aide à la décision La réforme territoriale et l’acte 3 de la décentralisation La capacité de prise de recul, de mobilisation d’expertises de haut niveau pour éclairer la décision publique Le rôle du tissu associatif et de sa mise en réseau comme facteur de cohésion sociale Le vivre ensemble, le lien social et les solidarités de proximité
L’épanouissement individuel La lutte contre l’accroissement des précarités et des vulnérabilités et robustesse du territoire face et les cohésions sociales à un contexte de crise durable Le rôle de l’ESS dans le soutien aux forces vives locales et la consolidation des solidarités L’accès aux services de santé, à l’offre culturelle, sportive et de loisir pour tous 6 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
1 Gestion de l’espace et aménagement du territoire RAPPEL DES SOUS-THEMES
Habitat / logement, urbanisme Aménagement et planification territoriale Gestion foncière et vocation des espaces Préservation des patrimoines naturels et culturels Risques et gestion de crise
a. Le contexte territorial et ses évolutions possibles er
Ce 1 chapitre vise à rappeler, dans les domaines concernés, à travers la description de la situation manchoise, des tendances d’évolution observées sur le territoire et leurs prolongations possibles à moyen / long terme, les enjeux clés pour la Manche débattus et amendés lors des deux premiers COMEX. Les éléments de prise de recul et d’élargissement des perspectives, à la fois territoriales et temporelles, notamment issus des ateliers prospectifs et des réflexions du COMEX sont ici remobilisés à travers l’identification des signaux annonciateurs d’évolution du contexte mondial, européen, national, … pouvant impacter la Manche et devant être pris en considération dans la définition des « futurs souhaitables », objet du point b. Une évolution de l’occupation du territoire départemental qui affaiblit les centres villes au profit des couronnes, des espaces ruraux et du littoral… La Manche bénéficie, depuis une décennie environ, d’une attractivité nouvelle chez les jeunes retraités ou 2 en passe de le devenir . La localisation de ces arrivées, plutôt en zone rurale, plutôt en proximité du littoral (arrondissement d’Avranches et Coutances notamment), est symptomatique d’une dynamique plus globale d’évolution de l’occupation du territoire départemental par l’Homme. Elle vient en effet renforcer un 3 phénomène de mobilité interne, plus marqué qu’au niveau national et principalement le fait de populations 4 jeunes , lui aussi dirigé vers l’espace rural et littoral. Alors que le département présente déjà la particularité 5 d’avoir un espace rural plus habité qu’en moyenne , ces nouvelles installations viennent renforcer 6 7 l’important phénomène d’étalement urbain observé , dans la Manche, depuis désormais 40 ans . Cette évolution affaiblit les centres urbains manchois, déjà moins développés qu’en moyenne nationale, qui présentent une stagnation voir une baisse de leur démographie.
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+8% chez les 55 / 64 ans.
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16,3% contre 12,4%.
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63% ont entre 20 et 39 ans.
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Près d’un habitant sur deux réside dans une commune rurale (45% contre 1/3 en Basse-Normandie et 1/5 en France).
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Il se fait notamment au bénéfice de l’arrondissement de Coutances (+1100 habitants) qui exerce une attractivité sur l’ensemble du département et au détriment de l’arrondissement de Cherbourg perd 1300 habitants entre 2002 et 2007. 7
Alors que les pôles urbains perdent des habitants, les 154 communes constituant les couronnes périurbaines des pôles urbains manchois connaissent la plus forte augmentation démographique du département (+33% entre 1962 et 2007 contre + 25% pour l’espace urbain dans son ensemble. 7 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
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Lors des ateliers prospectifs, Mathieu PERAUD indiquait, qu’en France, l’équivalent d’un département était urbanisé tous les 7 ans et que dans la Manche, la pression foncière s’exerçait en particulier sur les bonnes 9 terres. Jean Philippe LACOSTE précisait lui que la disparition des terres agricoles était trois fois plus rapide sur les communes littorales. Ce phénomène de desserrement, observé sur l’ensemble des centralités manchoise qu’elles soient centre bourgs ruraux, ville-centre d’un bassin de vie ou cœur d’agglomération, met en avant une contradiction forte entre aspirations individuelles dominantes et intérêt général. Principaux leviers d’un développement durable et solidaire du territoire à travers le maintien d’une proximité physique entre habitants, la facilité d’accès aux commerces et services et le maintien d’emploi locaux, les mutualisations en matière de transports ou encore les possibilités qu’elles offrent en termes de densification de l’habitat et d’économie foncière, la perte des centralités manchoises apparaît être un phénomène structurel sur lequel il devient urgent d’intervenir. …qui amplifie le caractère disséminé de l’habitat manchois et l’éloignement entre lieux de travail et lieux de vie Cette dynamique amplifie aussi le caractère disséminé de l’habitat manchois (mitage) ainsi que l’éloignement entre lieux de travail et lieux de vie, générant un accroissement des besoins de mobilités et posant d’importantes questions en matière de capacité à assumer cette évolution des déplacements (voir thème n°2) à la fois financièrement (risque croissant de précarité énergétique), dans une perspective de renchérissement continu du coût des énergies fossiles dans les années à venir et écologiquement, dans le contexte d’une nécessaire réduction des émissions de CO2 (voir ci-après encadré sur le changement climatique). Le COMEX s’interroge par ailleurs sur le risque que ce mitage de l’occupation humaine fait peser, à long terme, sur le lien social en milieu rural. La durabilité du modèle de développement de l’habitat manchois de ces 50 dernières années, centrée 10 sur la construction individuelle, y compris dans le logement social , interroge fortement. En effet, près de 80 11 % des résidences principales de la Manche sont des maisons individuelles . Cette proportion, plus marquée 12 en zone rurale et périurbaine , a fortement contribué à un phénomène d’artificialisation des terres agricoles et espaces naturels, moins marqué qu’en moyenne nationale mais néanmoins préoccupant. Par ailleurs, les nouvelles zones pavillonnaires ont entraîné une « perte d’identité architecturale du territoire » et font peser une « risque d’uniformisation » des paysages (COMEX). A cet égard, les élus identifient l’espace agricole et la qualité du territoire comme étant parmi les atouts et ressources les plus menacés dans la Manche. Pour le COMEX, la menace représentée par le modèle pavillonnaire et de l’habitat individuel manchois doit être soulignée. Le COMEX souligne aussi l’impact, qui devrait aller en s’amplifiant, des phénomènes de décohabitation (familles monoparentales) entraînant une réduction de la taille des ménages et une hausse du m² « mobilisé » par individu, potentiellement générateurs d’une amplification et d’une évolution des besoins de logements à nombre d’habitants constant. Une nécessaire prise de conscience de l’empreinte écologique du modèle de développement manchois Plus globalement, les évolutions observées interrogent sur le modèle actuel et futur d’aménagement et de développement du territoire manchois qui, disposant de réserves foncières importantes et longtemps préservées par une faible dynamique démographique, n’a jamais été réellement confronté à ce type de problématique. L’un des enjeux majeur des années à venir en matière de gestion de l’espace et
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Mathieu PERAUD est Directeur de la Chambre d’Agriculture de la Manche.
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Jean Philippe LACOSTE est Directeur du Conservatoire du littoral.
10
Le logement social représenterait près de 13% du parc total de logements dans la Manche, avec une hausse de 2,2% entre 2000 et 2005 due exclusivement à la croissance du Parc Locatif Social individuel tandis que le collectif perd des logements.
11 12
Soit 16 points de plus qu’en Province et 6 points de plus qu’en Basse Normandie. Près de neuf résidences principales sur dix dans le rural sont des maisons, plus de neuf sur dix dans le périurbain. 8
Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
d’aménagement du territoire sera donc, sur une perspective de long terme, la modération / inversion de la tendance structurelle à l’étalement urbain dans la Manche pour aller vers une plus forte concentration et une reconquête urbaine à la fois en termes de logements, de commerces, de services… Cela pose donc la question du modèle d’habitat et d’urbanisme qu’il serait souhaitable de mettre en place afin d’enrayer ces évolutions structurelles. Afin d’éviter d’être contraint d’y répondre dans l’urgence, voir de n’être plus en capacité de le faire, apparaît aujourd’hui un enjeu à court terme de prise de conscience collective de la réalité de l'empreinte écologique du modèle de développement actuel de la manche sur un territoire au patrimoine rare encore exceptionnellement préservé (voir encadré suivant) mais aussi de son coût pour la collectivité. Un territoire entre terre et mer, abritant une diversité de milieux et espèces naturels La forte interaction entre milieux terrestres et proximité de la mer a façonné, dans la Manche, une importante variété de milieux naturels littoraux, habitats marins, espèces floristiques endémiques ou faunistique emblématiques. Parmi les patrimoines naturels terrestres, les marais (10% du territoire départemental) et le bocage, sont des milieux emblématiques, supports d’une importante biodiversité. Parmi les espèces piscicoles, le saumon est déterminant car, très présent dans le département, c’est une espèce « marqueur » de l’état du milieu. Une connaissance et des mesures de protection encore insuffisantes au regard des enjeux de conservation en présence et pressions subies Ces espaces et espèces, pour certains d’intérêt national ou européen (présence de hot spots en matière de biodiversité) sont fragiles et facilement exposés à l’impact des activités humaines. Si le territoire bénéficie déjà de différentes mesures d’inventaire ou de protection, des marges de progrès sont encore largement 13 possibles alors même qu’à ce jour, la connaissance des patrimoines naturels (faune, flore, habitats remarquables ou plus ordinaires), de leur état de conservation (habitats marins littoraux notamment) et de leurs interactions avec les activités humaines reste perfectible. Pour les patrimoines naturels terrestres, l’enjeu de maîtrise des pressions foncières sur les espaces naturels et agricoles liées à l’occupation et 14 aux activités humaines s’applique sur l’ensemble du territoire. Le COMEX souligne notamment un risque de perte de la richesse produite par la nature, biodiversité, trames et continuités écologiques ainsi que de disparition de la « ressource » foncière agricole. Le COMEX a confirmé l’existence d’enjeux importants en matière de préservation et d'amélioration de la connaissance de la biodiversité départementale remarquable et ordinaire tout en pointant la nécessité de développer une approche dynamique des écosystèmes et de leurs interactions avec les perturbations / évolutions liées à présence homme afin de concilier l’enjeu de préservation et de maintien des activités humaines en présence. Le COMEX souligne néanmoins que les modalités de cette conciliation restent à définir concrètement et qu’il sera nécessaire de passer d’une logique d’exploitation des ressources à une logique de prise en compte / modération / compensation des impacts. Il faudra « faire autrement pour continuer à faire » et rechercher des modes de développement peu impactant sur environnement. Si les outils et leviers d’action restent à définir, le COMEX identifie des pistes parmi lesquelles les documents de planifications (ex: SCOT, PDH, …), une charte de gestion foncière, l’éducation des habitants à l’environnement et au développement durable et la recherche de nouvelles formes urbaines / d’habitat / architecturales. A cet égard, un début de prise de conscience se matérialise par la mise en place progressive d’outils de 15 planification . Ceux-ci ne sont cependant, dans leurs contenus et utilisation, pas encore à la hauteur des 13
Les protections règlementaires manchoises concernent, en 2010, 0,2% des espaces naturels contre 6,9% dans les autres départements littoraux et 5,1% pour le territoire français métropolitain.
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Infrastructures et urbanisation qui contribuent à la fragmentation des milieux naturels, pollutions, fréquentation excessive dans le cadre du tourisme ou des loisirs,…
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Charte pour une gestion partagée de l’espace rural en phase de finalisation, existence de 4 SCOT à mieux prendre en considération et d’un PDH en réflexion. 9 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
enjeux. Les élus considèrent qu’ils ne sont pas mis en œuvre : « si les SCOT limitent la consommation foncière, leur application est difficile car c’est en contradiction avec les comportements des habitants qui ne veulent plus habiter en centre-ville. ». Sur ce point, le COMEX identifie un enjeu de meilleure utilisation, coordination des acteurs (SAFER, CAUE, …) et outils de planification existants (SCOT, PLU intercommunaux, PLH, Agenda 21, contrats de territoire...) pour guider le développement vers un modèle plus durable. Par ailleurs, le COMEX pointe une contradiction de plus en plus forte entre intérêt général et intérêt particulier du fait d’une perte de la dimension collective. Le fait individuel est devenu premier par rapport au fait collectif. Les tensions entre anciens et nouveaux habitants et conflits d’usage observés entre activités économiques et de loisirs, … en augmentation, constituent l’un des symptômes les plus visibles d’une société qui peut tendre à s’opposer plus qu’à se rencontrer. L’aménagement de l’espace impacte donc le vivre ensemble. Un autre enjeu prioritaire sera ainsi la sensibilisation des habitants aux enjeux en présence (une « évolution culturelle nécessaire et urgente » selon le COMEX) et leur implication dans une démarche de progrès, collective, de long terme visant à faire évoluer les comportements individuels vers une plus grande prise en considération de l’intérêt collectif et des efforts nécessaires à la bonne cohabitation des usages et à la préservation de la qualité du territoire. Comme pour les patrimoines naturels, la question des risques, quelle que soit leur nature, devra être intégrée de manière transversale dans la politique d’aménagement du territoire manchois et faire partie des éléments de sensibilisation qui devront être fournis aux habitants. Comme le montre l’avènement du concept de « société du risque » suite à l’accident de Tchernobyl dans les années 80, l’être humain est aujourd’hui exposé à une multitude de risques qui ne se limite pas à des évènements de type catastrophe naturelle mais englobe des phénomènes plus diffus, silencieux, non spectaculaires mais parfois irréversibles. La Manche est soumise à une multitude de risques :
Un risque inondation étendu, aggravé par le risque littoral de submersion marine (lui-même lié au risque climatique de « tempête ») et l'élévation prévisible du niveau de la mer (réchauffement climatique). L’enjeu de défense contre la mer sera donc de plus en plus important dans les prochaines décennies alors que l’on constate la vétusté de certains ouvrages de défenses contre la mer (digues et portes à flots) ;
Un risque de mouvement de terrain particulièrement aigu dans les zones à falaises schisteuses des secteurs de Granville et de Cherbourg. Or la prise en compte de ce risque est d’autant plus déterminante pour les années à venir qu’il touche une des zones les plus urbanisées du département ;
Le changement climatique aura des impacts en matière de risques naturels L’envolée des GES constatée depuis la révolution industrielle a généré une inversion de tendance climatique 16 qui s’accélère depuis 1980 et constitue une perturbation majeure même à l’échelle d’un million d’année. Des scénarii incertains se profilent et certains aspects du climat qui ne jouent pas aujourd’hui pourraient être activés dans quelques années. Néanmoins, l’évolution prévue sur le prochain siècle, entre +1,7 et +4 degrés pourrait 17 18 entrainer un effet cliquet . Si, selon Alain MAZAUD , il est difficile d’anticiper précisément les impacts que ce réchauffement pourrait générer, notamment au niveau d’un département et si la partie Nord-Ouest de la France reste bien placée climatiquement, des évolutions sont possibles : multiplication des épisodes extrêmes avec des sècheresses accompagnées de pic de chaleur, risque plus fort de tempêtes, élévation du niveau de ième la mer d’environ 50 cm à la fin du 21 siècle, …
16
+ 0,7 degré de 1979 à 2005, notamment dans l’hémisphère Nord.
17
Si l’évolution dépasse 2 degrés elle peut provoquer l’inversion de phénomènes climatiques majeurs au niveau de la planète entrainant entre autres une modification des mécanismes océaniques, perturbation de la photosynthèse forestière. 18
Alain MAZAUD est Chercheur « Paléoclimats » au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE). 10
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Des risques technologiques et industriels majeurs qui concernent toutes les communes liés à la présence de nombreuses infrastructures porteuses de risques (industrie nucléaires en tête) mais aussi au transport de matières dangereuses (matières nucléaires par voie ferré, substances dangereuse au large du Cotentin. Même si, jusqu’à présent, la Manche n’a jamais subi d’accident véritablement grave, le territoire n’en demeure pas moins très exposé ;
Le risque alimentaire et le risque environnemental, au centre d’enjeux économiques majeurs, mais aussi le risque sanitaire restent globalement méconnus : près de 300 000 substances ont été introduites dans l’environnement depuis les années 50 qui produisent aujourd’hui des effets combinés et différés, parfois transgénérationnels comme l’introduction de perturbateurs 19 endocriniens dans l’environnement qui a fait effondrer la fertilité masculine de 50% depuis 50 ans. Aujourd’hui, on relève une grande difficulté à limiter l’introduction de nouveaux risques de ce type car 20 ils sont bien souvent liés à des enjeux économiques majeurs . Dans la Manche, ces types de risques sont particulièrement marqués dans le domaine agricole et agroalimentaire.
Cette multiplication des risques a, de fait, engendrée une montée en puissance du risque systémique (en opposition au risque isolé) de type Fukushima. Sur les risques santé-environnementaux, l’enjeu prioritaire est le suivi et l’évaluation en continu de l’évolution des risques existants afin d’être en capacité d’éviter les franchissements de seuils et l’introduction de nouveaux risques. Cela reste cependant une problématique devant être traitée à minima à l’échelle régionale (PRSE). Sur les risques naturels ou technologiques, potentiellement systémiques, l’enjeu clé lié à ces risques est d’être formé, outillé et entraîné à gérer les éventuelles situations de crises à venir ce qui nécessite de les intégrer, à plusieurs niveaux (dans les documents de planification (PPR), dans la culture des habitants) afin de renforcer la robustesse et la capacité d’adaptation du territoire face au risque plutôt que de chercher systématiquement à lutter par des ouvrages de protection, très couteux et pas toujours efficaces. Pour être aujourd’hui en capacité d’éviter les scénarii tracés de catastrophe il est nécessaire de considérer la catastrophe comme un destin possible pour mieux l’éviter. Il ne faut donc pas passer de la société du risque à la société de la peur et sortir d’un management anxiogène de la société. Pour ce faire il faut s’éloigner de la culture accidentelle du risque pour être en capacité de prendre en compte les franchissements de seuils dus à des phénomènes continus.
19
Substances qui impactent les fonctions de pilotage de l’organisme.
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Téléphonie mobile, pesticides pour l’agriculture, industrie pharmaceutique (médiator), nucléaire, OGM, … 11
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b. Les réponses souhaitables Afin d’apporter une réponse globale, à la hauteur de ces enjeux, le Département et ses acteurs doivent se doter d’une stratégie d’aménagement du territoire et de gestion de l’espace durable et innovant, constituant une rupture culturelle et révolutionnant les visions actuellement partagées et permettant de « concilier les inconciliables » (COMEX). Pour ce faire, devra être engagée, en prolongation de la démarche actuelle, une concertation / réflexion plus approfondie sur ce thème visant à construire les réponses opérationnelles possibles aux constats et tendances structurelles présentées ci-avant. Si un abaissement de la surface d’espace consommé par logement et un renforcement des centralités devra être recherché, cela ne devra pas porter atteinte à l’attractivité résidentielle du département. Cette recherche de densification nécessitera notamment de réduire l’espace à urbaniser et apparaitra donc potentiellement contradictoire avec une perspective de croissance démographique (voir Thème n°4) : « aujourd’hui si on veut vivre à la campagne c’est pour avoir de l’espace ». Il sera donc nécessaire de trouver le juste milieu et d’adapter le niveau d’exigence en fonction des typologies de territoires concernées mais aussi de développer de nouveaux modes de développement moins consommateurs de foncier (travail sur la vacance, adéquation taille logement et habitants, verticalité et densification, partages d’espaces, parcellaire différent…). En effet, c’est un point important des échanges ayant eu lieu lors des COMEX, si le département doit se doter d’une vision commune et ambitieuse en matière d’aménagement durable de son territoire, celle-ci devra être déclinée territorialement afin de prendre en considération les disparités, diversités de ses territoires (Mortainais, Coutançais, …) qui constituent l’une de ses richesses et fonde l’identité de ses habitants; Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de définir un nouveau modèle de développement urbanistique et de l’habitat manchois. Ce modèle sera stratégique car il répondra conjointement aux enjeux :
d’attractivité résidentielle du territoire afin de réussir à capter les flux migratoire de populations cherchant à s’éloigner des grandes métropoles et donc satisfaire aux principaux critères recherchés par les nouveaux arrivants: modernité, espaces extérieur (partagés ?), sobriété énergétique, qualité de vie, de l’environnement et des paysages, coût, accessibilité aux infrastructures de transports commerces et services, …Il devra aussi s’adapter aux nouveaux besoins en matière de logement, notamment en lien avec les nouveaux modèles familiaux (monoparentalité notamment);
d’identité et d’image du territoire, en s’inspirant des modèles architecturaux préexistants dans une recherche de cohérence et de modernité « la signature architecturale fonde la qualité d’un territoire il faut la préserver » (COMEX) ;
de réduction de la consommation foncière : il s’agira de répondre aux aspirations des nouveaux arrivants tout en recherchant une organisation et une utilisation de l’espace permettant d’atteindre cet objectif de « sobriété foncière » du développement de l’habitat dans la Manche. Pour ce faire, il pourrait être nécessaire de faire appel à des compétences architecturales et urbanistiques (CAUE, architectes, urbanistes …) dans une approche créative afin de concevoir un nouveau modèle d’habitat regroupé, du « pavillonnaire partagé » (COMEX) conciliant caractère individuel du logement et accès à des espaces partagés;
de préservation de la biodiversité et des paysages : en lien avec les deux points précédents, ce nouveau modèle devra s’intégrer aux paysages manchois et autant que possible, contribuer positivement aux enjeux de préservation de la biodiversité ordinaire et remarquable (maintien des haies bocagères, recréation de mares, protection des zones humides, …) à travers des actions de type mesures compensatoires, … ;
d’intégration des facteurs limitant ou nécessaires préventions / sensibilisations en matière de risques notamment naturels et technologiques en particulier sur le littoral par une politique 12
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anticipatrice des changements et évolutions liés au changement climatique (déclinaison de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte) ;
de renforcement des centralités. C’est l’une des réponses majeure que devra porter ce nouveau modèle de développement de l’habitat : l’actuelle tendance à l’étalement urbain est contraire à l’évolution souhaitable du territoire au regard d’enjeux économiques (préservation du foncier agricole), budgétaires (coût du maintien des services pour la collectivité et coût des déplacements pour les habitants), environnementaux et paysagers (mitage, pression sur les espaces naturels, émissions de Co2…) et sociétale (perte de la proximité, des solidarités, du lien de voisinage, …)… Il sera donc nécessaire de « densifier l’habitat là où il est déjà existant » notamment dans les centre bourgs ruraux et villes centre du département afin de créer des pôles de services et de mutualisation (commerces, services, transports, …) tout en créant des espaces partagés, collectifs en vue de favoriser la rencontre et la recréation de liens de proximité entre habitants ;
de réhabilitation / rénovation des logements, notamment en centre-bourg. La réhabilitation de l’habitat ancien devra à la fois permettre de limiter les constructions nouvelles et de mettre le bâti ancien aux standards de modernité et de performance énergétique actuellement exigées. Elle devra aussi contribuer à l’amélioration de l’image et de l’attractivité des centres bourgs manchois à travers une réflexion architecturale permettent de mêler intelligemment et de façon innovante rénovation thermique et réhabilitation architecturale. Ces opérations permettront de garantir la valeur patrimoniale de ces habitations et constitueront un véritable marché pour les entreprises locales (cf. Thème 3). Ce point étant lié à l’enjeu de mutation écologique de la filière BTP (cf. Thème 3) ;
de contribution au développement des installations productrices d’énergies renouvelables, et particulièrement les dispositifs collectifs. A cet égard, les initiatives de types réseaux de chaleur collectifs pourraient être intégrées aux cahiers des charges des projets de rénovation / construction immobilière dont les caractéristiques le permettent ;
d’accès aux transports en commun ou partagés : ce nouveau modèle de développement de l’habitat devra être fortement articulé avec un plan d’optimisation des déplacements et de l’offre de transports en commun et partagés (covoiturage, autopartage…) en identifiant les zones de développement de l’habitat prioritairement en proximité d’une desserte en transports en commun (train ou bus) ou en prévoyant, dans l’aménagement des zones de densification de l’habitat, des points de collecte pour les transports scolaires, aires de covoiturage, …Il permettra donc de lutter contre l’autosolisme et favoriser toutes les intermodalités (physiques, billettiques, tarifaires) et contribuera à une nouvelle stratégie des mobilités (cf. Thème 2);
de réduction des distances domicile / travail (ou rapprochement des lieux d’habitat / emploi): il devra aussi prendre en considération l’enjeu de réduction des distances à parcourir entre lieux de résidence et de travail en identifiant au niveau départemental (PDH), en fonction de la localisation des emplois, les bourgs devant faire l’objet d’un développement prioritaire,
de réduction des besoins de déplacements : à travers l’équipement de ces zones d’habitats en Très Haut Débit, afin de favoriser le recours aux démarches à distance.
Une fois ce modèle définit et décliné territorialement dans un « schéma départemental » (ou un cadre de référence) il devra être : 1. retranscrit dans les outils de planification existants, en priorité les SCOT, puis à travers l’harmonisation des documents d’urbanisme communaux mais peut être aussi dans une charte de gestion foncière ; 2. repris dans le cadre des projets des intercommunalités (projet de territoire ou Plan Local de l’Habitat); 3. expérimenté à travers la réalisation d’une ou deux opérations exemplaires visant à démontrer par l’exemple;
13 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
4. généralisé à l’ensemble des opérations de promotion immobilière à travers leur inscription dans les contrats de territoires. Cela pourra peut-être nécessiter la mise en place d’une politique de réservation/acquisition foncière visant à préempter les zones favorables au développement de l’habitat dans le cadre du projet départemental. De manière plus transversale, le changement de paradigme que nécessitera cette « révolution » en matière d’habitat et d’urbanisme devra être accompagné:
d’une importante stratégie de communication / sensibilisation des habitants aux enjeux en présence et objectifs poursuivis ;
d’un renforcement des coopérations et liens de solidarité entre intercommunalités du département afin que les arbitrages réalisés le soient toujours dans l’intérêt départemental.
La nécessité d’adosser cette stratégie innovante d’aménagement durable du territoire à une gouvernance territoriale performante La mise en œuvre de politiques ambitieuses en matière de gestion de l’espace et d’aménagement du territoire ne pourra être menée que dans le cadre d’une gouvernance / coopération territoriale efficace, permettant de mutualiser les initiatives et de renforcer et valoriser les complémentarités entre territoires (urbain / rural, entre villes moyennes, … - (cf. Thème 5). En-dehors de Cherbourg, le territoire manchois se structure en effet autour d’un semi de bourgs et villes moyennes offrant une forte proximité des services et de commerces aux habitants, et facilitant, au moins en théorie, les échanges économiques entre zones rurales et zones urbaines. Cette organisation favorable, qui constitue une spécificité et un véritable atout, n’est cependant aujourd’hui pas suffisamment optimisée :
des déséquilibres en matière d’accès aux services marchands, concentrés sur les territoires économiquement les plus rentables peuvent être observés (centre Manche par exemple) ;
les villes moyennes fonctionnent encore comme des îlots avec peu d’échanges économiques et connexions entre elles en matière de services de transports ;
malgré des initiatives intéressantes, les potentiels existants en termes de relations économiques villes / campagnes à travers de la vente directe ou en circuits courts des productions locales sont encore peu valorisés.
Des synergies sont donc à rechercher entre des territoires qui fonctionnent aujourd’hui de manière relativement cloisonnés (projets de territoires, nouvelles relations ville-campagne) pour tendre vers le développement d’un véritable fonctionnement en réseau. En réponse aux enjeux plus spécifiques liés aux patrimoines naturels, les démarches nécessaires à une meilleure connaissance des patrimoines naturels, de leur état de conservation (habitats marins littoraux notamment) et de leurs interactions avec les activités humaines devront être entreprises. Si le nouveau modèle de développement d’aménagement devra intégrer l’enjeu de maîtrise des pressions foncières sur les espaces naturels, il devra être adossé à une approche dynamique des écosystèmes et de leurs interactions avec les perturbations / évolutions liées à présence homme afin de concilier l’enjeu de préservation et de maintien des activités humaines en présence. Les modalités de cette conciliation devront donc être définies à court terme. Enfin, en réponse aux enjeux spécifiques liés aux risques, il sera nécessaire que le territoire améliore ses capacités à gérer des crises éventuelles à travers l’inscription des responsables départementaux au sein de réseaux d’échanges d’expérience et connaissance sur les modalités de la gestion de crise, des exercices de mise en situation à grande échelle, la formation des acteurs clés en cas de crise (préfecture, pompiers, gendarmes, …) et la diffusion de la culture du risque auprès des habitants.
14 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
2 Les mobilités, les déplacements, les transports et l’accessibilité du territoire RAPPEL DES SOUS-THEMES
Les mobilités des biens et des personnes, Les besoins de déplacements et leur gestion Les nouvelles mobilités, Les mobilités immatérielles (TIC, …) Les transports et l’accessibilité du territoire a. Le contexte territorial et ses évolutions possibles Une démultiplication des déplacements domicile-travail, pour lesquels le véhicule individuel reste aujourd’hui le plus adapté, mais qui interroge sur la durabilité du modèle manchois Du fait d’un habitat peu dense, peu propice au développement de transports en communs, et d’un réseau routier bien développé, l’automobile est le moyen de transport privilégié par les manchois. La dissociation 21 croissante entre lieu de résidence et lieu d’emploi observée dans la Manche entraîne une augmentation continue des déplacements domicile-travail. Malgré des initiatives alternatives intéressantes, le caractère disséminé de l’habitat (cf. Thème 1) permet difficilement d’imaginer, à moyen terme, réduire de manière très significative le recours à l’automobile qui reste le moyen de transport le plus adapté. Ce constat pose différentes questions clés pour l’avenir du département : - quid de l’impact de ces déplacements sur le budget des manchois alors même que le prix des énergies fossiles n’a jamais été aussi élevé et devrait connaître une hausse continue dans les années à venir ? - quelle responsabilité environnementale collective en termes d’émission de gaz à effet de serre et risques en terme santé-environnemental ? - quel coût pour la collectivité, notamment départementale, au regard du ratio nombre de kilomètres de routes à entretenir / fréquentation ? - quels risques en matière de saturation des axes routiers concernés par les migrations pendulaires ? - quels risques en termes de sécurité routière
22
?
Lors du COMEX, les risques liés au coût grandissant des transports ont été soulignés en écho aux séminaires élus, qui identifiaient qu’en cas de hausse continue du coût du pétrole il sera nécessaire de s’orienter vers des solutions alternatives de type transports en commun, voiture électrique, covoiturage ou déplacements doux. Des solutions alternatives qui ne représentent encore qu’une minorité des déplacements 21
En lien avec le phénomène d’attraction résidentielle des couronnes des pôles urbains et d’emploi ruraux alors que les emplois restent concentrés dans les pôles urbains et pôles d’emplois ruraux. Alors qu’en 1968, 19% des actifs occupés changeaient de commune pour rejoindre leur lieu de travail, ils sont 66% en 2007. Ces déplacements se font pour la plupart à l’intérieur du département (seuls 6 % à l’extérieur contre 10,5% en province). 22
Selon le bilan 2012 présenté en janvier 2013 par le préfet : "le bilan n'est pas satisfaisant. Les résultats sont fragiles". Avec 36 tués sur les routes en 2012 - contre 37 en 2011 -, sur les 3 700 morts au niveau national, la Manche est trop présente par rapport à son poids démographique". Le nombre d'accidents corporels est néanmoins en baisse : 487 contre 526 en 2011. 15 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
Si les solutions alternatives au véhicule individuel (Manéo, pistes cyclables optimisées à Cherbourg, covoiturage…) proposées par les collectivités territoriales vont dans le bon sens, leur mobilisation ne 23 représente qu’une minorité des déplacements de personnes et l’offre et les usages alternatifs doivent encore largement être amplifiés. A noter également que, parallèlement aux transports en commun et au covoiturage, des solutions dans le domaine de l’autopartage sont à explorer. Le recours au véhicule électrique qui devrait se populariser dans les années à venir, présente certaines limites dans la Manche : l’électro mobilité est aujourd’hui davantage adaptée et justifiée en milieu urbain car elle répond aux enjeux de limitation des pollutions atmosphériques propres aux villes mais également parce qu’elle n’est possible que sur de courts trajets (problème d’autonomie des véhicules). De plus, la vertu environnementale du véhicule électrique n’est avérée que si l’électricité qui l’alimente est d’origine renouvelable. L’ambition d’une réduction significative du recours individuel à l’automobile ne pourra être atteinte qu’à travers l’activation de l’ensemble des leviers possibles Au-delà de l’enjeu d’un recours accru aux modes de transport alternatifs, le COMEX identifie un enjeu de réduction des déplacements notamment à travers une recherche de concentration minimale des lieux d’habitats (cf. Thème 1) ainsi que des réponses possibles du numérique en matière de démarches à distance (accès aux services, renseignement, …). Plus globalement, le COMEX pointe la nécessité de rechercher une cohérence entre constructions nouvelles et besoins de déplacements à venir. Dans cette optique, le renforcement des centralités (cf. Thème n°1) permettrait de créer ou renforcer des pôles d’accueil et de mutualisation et ainsi d’améliorer l’accessibilité de tous les habitants aux commerces et services, …et ainsi réduire les temps de trajets ou augmenter le recours aux transports en communs ou partagés.
Le désenclavement interne et externe du / des territoires fait partie des enjeux prioritaires pour le développement de la Manche. Dans une approche territoriale plus large, la vétusté des lignes TER et la faiblesse de cadencements ainsi que la faiblesse de la desserte aérienne, ne favorisent pas l’accessibilité du territoire vis-à-vis de l’extérieur alors que : 1)
cela fait aujourd’hui partie des critères de choix dans les lieux de résidence principale (la France fait partie des Pays européens au sein desquels la mobilité en-dehors de la région d’origine est la plus importante) ;
2)
économiquement, le caractère enclavé du territoire à la fois en termes d’offre de transport intradépartemental et extra-départemental nuit au développement de plusieurs secteurs départementaux à potentiels : le transport de marchandise (maintien d’un hinterland restreint sur le port de Cherbourg par exemple) mais aussi de passagers (manque de continuité dans le transport terrestre), le tourisme (limitation de l’accessibilité touristique du territoire) ou encore le service aux entreprises (sous développé dans la Manche alors qu’il fait partie des leviers majeurs de développement de leur compétitivité).
L’amélioration de l’offre de transport ferroviaire, un enjeu clé pour le désenclavement du département D’un point de vue intra-départemental, la desserte ferroviaire est insuffisante pour irriguer l’ensemble du 24 territoire , sans compter que le bon équipement autoroutier joue en la défaveur de ces axes, avec un ratio distance-temps plus intéressant. Malgré une hausse de la fréquentation des TER de 37 % depuis 2004,
23 A noter cependant que « depuis 2004, avec 9 000 usagers par jour, la fréquentation des TER a augmenté de 37 % et que « Manéo Service Express » qui parcours l’ensemble du territoire, a enregistré plus de 737 000 voyages entre 2007 et 2008. 24
Du fait de sa situation excentrée et de l’emprise de l’espace rural, le département ne dispose pas d’un réseau ferré qui permette une desserte très fine du territoire. Liens indispensables avec Paris et les capitales régionales proches, les trois lignes majeures ne permettent pas une desserte optimale du département, notamment pour l'ouest Cotentin (côte ouest), le Val de Saire au nord-est, la pointe de la Hague (au nord-ouest) et plus encore le Mortainais (au sud), en marge du réseau. 16 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
l’attractivité et la compétitivité de ce mode de transport restent très perfectibles. Notamment l’amélioration de la qualité et de la fiabilité du service (confort, ponctualité, …), ainsi que de la desserte (arrêts, lignes, arrivée dans Paris, …) et l’intermodalité (connexion aux autres modes de transports, billetique…) pourrait permettre une amélioration sensible de l’accessibilité du territoire, à un coût modéré pour la collectivité. Il serait cependant nécessaire de réinterroger globalement l’offre de transports ferroviaire actuelle afin de l’optimiser. A noter que la Région s’investit pour l’amélioration du réseau et de la desserte, notamment à travers un « plan rail 2020 pour la Basse-Normandie », qui prévoit d’améliorer le confort des TER (trains, gares...), d’adapter les tarifs ferroviaires aux moyens des usagers,... On notera enfin, en lien avec le faible niveau d’équipement (quantité et qualité) que le trafic fret ferroviaire est quasi-inexistant à l’heure actuelle ce qui limite fortement l’hinterland et donc le développement du port de Cherbourg. La LGV, un effet levier potentiel majeur pour la région Basse-Normandie…mais qui représente un coût très important au regard de son usage potentiel et des moyens actuels des collectivités Le plan rail 2020 prévoit aussi « de réduire les temps de parcours entre l'Ile-de-France et la Basse-Normandie 25 et la connecter au réseau TGV via la création d’une LGV Paris-Caen, qui mettrait Paris à 2h15 de Cherbourg et permettrait de palier une desserte ferroviaire insuffisante du territoire Normand tout en dotant Paris et l’Ile de France d’un accès portuaire et d’une façade maritime.» Néanmoins, une LGV représente un coût très important, équivalent au coût du fibrage optique de l’ensemble de la Manche et à 95% non provisionnés (selon le COMEX), en grande partie assumé par les 26 collectivités territoriales , ce qui, dans la période actuelle pourrait représenter un frein majeur à sa réalisation. La Ligne nouvelle Paris Normandie constituerait donc un investissement considérable pour les collectivités territoriales bas-normandes mais clé pour l’aménagement et pour l’avenir du territoire basnormand dont les impacts réels mériteraient d’être étudiés de manière approfondie. Une relance nécessaire du trafic en transports maritimes Du fait de sa situation géographique, la Manche occupe une position stratégique pour les transports 1 maritimes, que ce soit en direction des Iles Anglo-Normandes ou de la Grande Bretagne . Pour autant, les 27 trafics à partir des quatre ports du département connaissent une dynamique moins favorable ces dernières années. Là aussi, le manque de continuité avec les transports terrestres est à souligner. Les difficultés actuellement rencontrées par la compagnie Britanny Ferries viennent confirmer cette évolution. Le constat est identique voir plus inquiétant pour le transport de marchandises. Le port de Cherbourg présente des caractéristiques nautiques exceptionnelles en France mais son hinterland (recours local aux transports maritimes) est quasi inexistant et le trafic est en baisse marquée.
Une faible desserte aérienne La Manche dispose d’un aéroport et d’un aérodrome à vocation commerciale. Situé à 11 kilomètres à l'est de Cherbourg, le trafic de l'aéroport de Cherbourg-Maupertus reste très faible. Malgré des infrastructures de 28 qualité , il connaît un déficit d'exploitation chronique. L’aérodrome de Granville – Bréville dépend de la C.C.I. de Centre et Sud-Manche. Il ne propose aucune ligne commerciale régulière. La C.C.I. de Centre et Sud-Manche concessionnaire souhaite faire de Granville une
25
Paris-Caen et Paris-Le Havre en 1h15 et Paris-Cherbourg en 2h15.
26
La participation des Conseil Régionaux atteint généralement un niveau de 60% dans les projets de LGV. La participation des départements sur les projets similaires est d’environ 20% à 25% et celle des intercommunalités est de 10% à 20%.
27
Pour exemple, Cherbourg ne vient qu’au quatrième rang pour le trafic avec les Iles Britanniques en France, après Calais, Dunkerque et Caen-Ouistreham. 28
1er aéroport normand pour sa longueur de piste admissible et pour son indice de portance. 17
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destination privilégiée pour l'aviation de loisir et augmenter la capacité de navigation touristique et commerciale privée. Quels rôles possibles du numérique dans le nouveau modèle de développement manchois ? Un département à la pointe en matière d’infrastructure numérique… 29
30
Lors des ateliers prospectifs, Philippe LE GRAND , rappelait que la société de l’information contribue à hauteur de 45% à la progression de la valeur ajoutée des entreprises et, à cet égard, que le développement de la technologie numérique avait, en l’espace de 15 ans, bouleversé l’économie mondiale. L’économie numérique constituerait ainsi le dernier enjeu de différenciation des territoires car de nos jours, les services numériques à Haut Débit sont devenus, en France, un bien de consommation courante. Pour un territoire majoritairement rural, bénéficier de bons réseaux de télécommunications et de l’internet Haut Débit est un enjeu d’aménagement essentiel pour son développement. Cet enjeu a été parfaitement assimilé par le département de la Manche qui, depuis le début des années 2000, 31 est devenu, à travers différentes initiatives , un département avant-gardiste en matière d’investissement dans le numérique. Les enjeux clés pour les années à venir seront: -l’amélioration de la qualité de la desserte ADSL et 3 G dans les zones les moins denses ; -l’atteinte de l’objectif ambitieux de desservir en 15 ans l’ensemble des foyers et entreprises en fibre optique ; -le positionnement sur le 4 G. …c’est maintenant la révolution liée aux usages qui doit être réalisée Si, en termes d’accès et de développement des usages, la Manche est en avance sur la plupart des 32 départements français , il n’en reste pas moins que la « révolution liée aux usages du numérique » reste à réaliser. Notamment, le rôle et l’impact du numérique en matière de réduction des besoins de déplacements (services à distance, télétravail, …) reste encore flou. Le numérique représente des opportunités majeures pour un territoire rural comme la Manche car il ouvre de nouvelles perspectives aux acteurs économiques en place (télétravail, développement d’activités économiques liées au numérique, …) et devient un facteur d’attractivité clé pour des entreprises recherchant à s’installer. Identifié de longue date par les collectivités territoriales, notamment en milieu rural, comme un facteur 33 d’attractivité de leur territoire, le télétravail est encore peu répandu en France (qui figure parmi les derniers pays d’Europe), parfois faute de qualité de la desserte ou de débit suffisant mais surtout du fait d’une culture 34 d’entreprise encore peu ouverte à ce type de pratiques . L’intérêt du télétravail peut s’apprécier sous plusieurs angles: soulager le télétravailleur de la contrainte et du coût du trajet domicile-travail qui
29
Philippe Legrand est ingénieur Télécom, Ancien Directeur Général du Syndicat Mixte Manche Numérique, et Vice Président du Groupe NOMOTECH (groupe télécom manchois spécialisé sur les technologies sans fil).
30
L’information est l’un des principaux vecteurs de valeur ajoutée dans les entreprises.
31
Manche numérique, visio enseignement, SDAN, plus de 60% des 200 000 foyers sont abonnés à un service haut débit, la plupart du temps sur la technologie ADSL … 32
Dans la Manche « La moyenne des foyers manchois connectés à internet est supérieure à celle enregistrée au niveau national » et la Manche dénombre 58 Espaces Publics Numériques et l’initiative « collège numérique » du Conseil Général qui entend généraliser l’usage des matériels numériques dans le domaine de l’éducation.. Différentes initiatives des collectivités territoriales mobilisent les TIC (carte à puce Manéo, …). 33
Selon une étude réalisée en Mai 2012 pour le ministre charge de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, 12,4 % des salariés français télé travaillent au moins huit heures par mois en 2012. 34
Selon la même étude, le premier frein au développement du télétravail identifié est la réticence des manageurs intermédiaires. 18 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
nécessite une voiture là où les transports collectifs ne sont pas pertinents et de ce fait désengorger les zones 35 denses mais aussi l’obtention d’un gain de productivité significatif (estimé à 22% ) obtenu grâce à une réduction de l’absentéisme, à une meilleure efficacité et à des gains de temps. L’évolution des mentalités au regard de ces pratiques ouvre néanmoins des perspectives plutôt positives quant à son potentiel de développement dans les prochaines années. Le développement du numérique peut également apporter des solutions nouvelles dans des domaines tels 36 que l’enseignement (e-learning, mutualisation de certains enseignements dans des collèges ruraux ), l’accès aux services publics et privés à distance (administration, e-commerce …), la modernisation du système de soins à destination des personnes isolées (assistance médicale à domicile…) ou encore l’organisation des déplacements. En d’autres termes, l’amélioration de la couverture numérique du département est un facteur majeur de désenclavement de ses territoires ruraux mais aussi une capacité supplémentaire à travailler en réseau et à relier l’urbain et le rural. Dans les années à venir, l’évolution de la question énergétique sera déterminante dans l’orientation des problématiques liées aux transports et déplacements Au-delà du bien-fondé de la recherche de nouvelles modalités de transports, plus économes, plus écologiques, l’évolution des solutions apportées ou, à l’inverse, l’amplification de la problématique énergétique dans les transports pourrait, si elle est significative (amélioration de l’autonomie des véhicules électriques ou, à l’inverse, renchérissement très important du coût du pétrole sans solutions alternative pertinente en milieu rural), faire basculer les pratiques en la matière soit vers une prédominance du transport automobile partagé, transports en communs ou modes alternatifs, soit vers un remplacement progressif du parc automobile par les véhicules utilisant l’énergie électrique. b. Les réponses souhaitables En lien avec les constats précédents, le scénario souhaitable pour la Manche sera d’inscrire le territoire dans une dynamique ambitieuse de conversion du modèle des déplacements actuels. Selon les réflexions ayant eu lieu lors des COMEX, cette évolution pourrait se décliner à travers trois niveaux géographiques et deux approches transversales: e
1 niveau – les déplacements et mobilités de proximité
Ce premier niveau viserait à favoriser les déplacements piétons, cyclistes ou autres modes non motorisés à travers le maintien ou la création de voies de déplacements / cheminements de proximité. Les cheminements historiques ou simplement anciens (chemins ruraux, anciens itinéraires de commerce, douaniers, de halage, …) font partie intégrante du patrimoine d’un territoire, leur préservation ainsi que, dans certains cas, leur valorisation (sentiers de découverte de la nature ou du patrimoine), devra contribuer à la sauvegarde de l’identité des territoires qu’ils traversent. La création de nouveaux cheminements, permettra d’adapter l’offre à l’apparition de nouveaux besoins de déplacements. ère
Cette 1 approche devra être fortement articulée avec l’évolution du modèle d’habitat et d’urbanisme manchois (cf. Thème 1) notamment à travers l’inscription de ces réseaux de proximité dans les documents d’urbanisme communaux et intercommunaux (PLU voir SCOT). Elle devra par ailleurs s’intégrer dans une logique plus large de desserte des commerces et services de proximité (transports en communs ou partagés notamment), des lieux de vie, d’activités et de loisir et in fine favoriser une démultiplication des rencontres entre habitants, recréation de liens de proximités (cf. Thème 6). D’un point de vue touristique, la mise en réseau de ces cheminements au niveau départemental (PDIPR, voies vertes, …) contribuera à l’accessibilité du territoire pour les pratiques de tourisme vert ou de nature 35
Ibidem.
36
La Manche est un territoire précurseur dans le domaine des TIC appliquées à l’enseignement. 19
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privilégiant une rencontre directe avec le territoire et un rythme de visite peu soutenu, favorable à de plus long séjours (cf. Thème 3). Ce réseau devra ainsi desservir l’ensemble des sites patrimoniaux du territoire, quel que soit leur niveau de reconnaissance.
ième
2
niveau – les déplacements et mobilités intercommunaux ou inter-territoires
Ce second niveau visera à faire évoluer les modes de déplacements internes au département afin d’apporter des réponses aux enjeux identifiés au chapitre précédent à savoir :
l’impact du renchérissement du coût des énergies fossiles sur le budget des ménages manchois et, in fine, leur capacité à se déplacer ;
l’impact des émissions de Co2 générées par le recours au véhicule individuel « à énergie fossile » en matière de santé-environnement (même si cet enjeu est moindre en milieu rural) et surtout de contribution à l’effet de serre ;
le coût de la création et de l’entretien du réseau routier du territoire pour la collectivité ;
de manière ponctuelle, les risques en matière de saturation de certains axes routiers et les enjeux de sécurité routière.
Pour ce faire, l’activation de l’ensemble des leviers alternatifs à l’usage individuel de l’automobile existants sera nécessaire et l’action devra donc se décliner sur plusieurs champs d’intervention : - une densification du réseau d’aires de covoiturage qui pourrait être utilement associé à des actions visant à favoriser ce mode alternatif : connexion aux modes de transports doux (parkings à vélos, …), interactivité via le développement d’un outil numérique (voir par ailleurs), liens entre aires de covoiturage et présence de services, sensibilisation et / ou incitation à ce type de pratiques, ... Un champ d’innovation majeur est ici présent et devra être utilisé. Dans un second temps, avec l’évolution des pratiques, dans une logique de solidarité entre générations (cf. Thème 6), des innovations de type plate-forme de transport bénévole de personnes âgée pourrait être développé, avec l’appui d’Internet (cela pourrait notamment apporter une réponse à la question de l’évolution des services publics abordée en COMEX); - une amélioration de l’attractivité de l’offre de transport ferroviaire interne au département comme alternative possible au véhicule individuel, notamment en réponse à l’évolution constatée des trajets domicile / travail. Les aspects de desserte, de confort, de fiabilité, de cadencement, de temps de parcours, de prix, de services (internet) mais aussi d’intermodalité avec la voiture ou les modes de déplacements non motorisés devront donc être sensiblement améliorés. Ici aussi, des actions de sensibilisation et d’incitation seront nécessaires ; - une recherche de concentration minimale des lieux d’habitats ainsi que d’une cohérence entre localisation des constructions nouvelles et besoins de déplacements à venir (cf. Thème 1). Ce champ d’action ne permettra d’obtenir des résultats que dans une optique de long terme et à la condition d’une adhésion de l’ensemble des intercommunalités du territoire aux principes édictés ici. Il devra permettre à la fois d’augmenter la capacité des habitants à accéder à la gamme de services de proximité (quotidiens ou er hebdomadaires) par des modes de transports non motorisés (1 niveau), modérer la tendance à l’éloignement des trajets domicile-travail voir réduire ces distances et favoriser le recours aux modes alternatifs ; - la création des nouvelles zones d’activités « d’intérêt département ou régional » en proximité de bassins de population conséquents (ville moyennes notamment) ; - l’amélioration / développement et interconnexion des autres modes transports en communs : lignes de bus en agglomération ou modes plus innovants et adaptés à la desserte de bourgs ruraux plus denses de type taxi collectifs ou minibus…
3ième niveau – les déplacements et l’accessibilité extra départementale du territoire
Le troisième et dernier niveau géographique concerne l’accessibilité / desserte du territoire vis-à-vis de l’extérieur.
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Comme il a été pointé dans le rappel du contexte, le désenclavement de la Manche constitue l’un des enjeux de développement majeur du territoire à la fois car il fait partie des facteurs déterminants dans les choix de lieux de résidence principale et donc de l’attractivité résidentielle (qui constitue aujourd’hui pour de nombreuses régions, un moteur de développement économique), mais aussi dans le développement de plusieurs secteurs économiques départementaux à potentiels (transports maritimes, tourisme, …). Aujourd’hui notablement enclavé, des améliorations à trois niveaux devront être entreprises afin d’ouvrir le territoire départemental vers l’extérieur : 3.1 – Au niveau de l’infrastructure et de la desserte ferroviaire, la priorité devra être donnée à la réduction des temps de parcours. Comme pour les lignes interrégionales ou interdépartementales, il s’agira de jouer de manière prioritaire (même s’il fait aussi partie des déterminants possibles d’une attractivité des lignes proposant des trajets internes au département) sur le temps de parcours entre l'Ile-de-France et la BasseNormandie. Son abaissement, accompagné d’améliorations sur trois leviers principaux : 1) l’amélioration de la qualité du service (confort, fiabilité, …) et de 2) de la desserte et 3) de l’intermodalité sera l’un des enjeux majeurs en termes de désenclavement du territoire dans les années à venir. Concernant la LGV, un rapport du CESER précise que : « ses effets directs et indirects induiront très probablement des conséquences bénéfiques sur une grande partie de la Région ». Pour la Manche, elle se traduirait notamment par un désenclavement majeur du territoire accompagné d’une augmentation de son attractivité présentielle (fréquentation touristique mais aussi résidentielle, étudiants, …) mais aussi d’une amélioration de son positionnement en tant que territoire de transit (amélioration des connexions pour le trafic maritime de passagers, …). Si l’analyse de son coût modère néanmoins fortement son bilan coût / avantage au regard de ses usages potentiels (bassins de population desservis, trajets, impact sur le prix des billets, …) et des moyens actuels dont disposent les collectivités concernées, cette possibilité ne peut être exclue à priori et devrait faire l’objet d’une étude approfondie. Autre option possible, moins ambitieuse donc moins couteuse mais aussi moins porteuse d’effet levier pour le territoire manchois, la réalisation d’un programme de modernisation de la ligne Paris-Cherbourg, pourrait permettre d’apporter quelques améliorations significatives de la desserte ferroviaire extra départementale : fiabilité, cadencement, … et de réduire les temps de parcours (de manière modérée cependant). De fait, cette option « à minima » apparaîtrait plus réaliste au regard de la conjoncture budgétaire et du volume de projets de développement qui devront être financés par les collectivités territoriales dans les années à venir. 3.2 – La relance des lignes de transports maritimes fret et passagers revêt aussi un enjeu économique important pour la Manche. Leur attractivité (et donc leur niveau d’activité) dépend cependant aujourd’hui très fortement de la qualité / continuité de la desserte terrestre des principaux ports départementaux et notamment des liaisons vers l’Île-de-France déterminants à la fois leur hinterland et leur fréquentation passagers. De ce fait, cet enjeu ne pourra trouver de réponse que dans une stratégie plus globale d’amélioration de l’accessibilité et de la desserte des principales zones d’activités économiques et touristiques au niveau interrégional. 3.3 - L’amélioration de la desserte aérienne du territoire, dépendra elle aussi de l’accessibilité de l’aéroport vis-à-vis des territoires environnants et donc de son « hinterland ». En effet, le bassin de population actuellement desservi à proximité est très insuffisant pour justifier la mise en place de lignes régulières, notamment touristiques, qui pourrait pourt ant permettre de rentabiliser l’exploitation des infrastructures. Enfin, concernant les infrastructures routières, le niveau et la qualité de la desserte départementale apparaît satisfaisant et continuer à investir sur ce type de projet n’apparaitrait pas cohérent avec les enjeux relevés précédemment (coût des énergies fossiles, émissions de Co2, …). ère
1 approche transversale : l’amélioration de la multi modalité à travers l’interconnexion de l’offre de transport Manchoise
21 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
Dans une logique d’optimisation des déplacements et mobilités ainsi que de maximisation du recours aux transports alternatifs, il apparait prioritaire d’investir fortement sur le développement de l’inter modalité de l’offre de transport départementale. Cela pourrait se décliner à plusieurs niveaux : - connexion des itinéraires de proximité ou non motorisés aux dessertes locales en transports en commun (train, bus, taxi collectif, covoiturage, …) ; - la capacité de gestion des flux de véhicules motorisés ou non (passages, arrêts, parkings) sur les aires de covoiturage et gares routières ou ferroviaires (la multimodalité sera recherchée) ; - connexions entre lignes de transports en commun et optimisation des correspondances ; - développement de la multi modalité des gares, en priorité dans les villes moyennes ; … ème
2 approche transversale : le développement des usages de l’outil numérique comme 1) support ou outil d’aide à l’optimisation des mobilités et 2) comme facteur de réduction des besoins de déplacement En tant que 1) support ou outil d’aide à l’optimisation des mobilités, l’outil numérique présente de très nombreuses potentialités, notamment en termes de gestion / organisation des pratiques de covoiturage. Le développement d’une application pour Smartphones et l’installation de panneaux d’affichage des passages à venir sur chacune des aires de covoiturage du département ou encore service d’un gratuit de sécurisation des paiements, … pourraient permettre de faciliter et d’augmenter ces pratiques, aujourd’hui encore trop marginales. Ce type d’application permettrait par ailleurs d’obtenir une meilleure connaissance des besoins et comportements en matière de déplacement et mobilités (via constitution d’une base de données anonymisée sur les pratiques de covoiturage, …) et pourrait in fine aboutir à la mise en place de transports en communs ad hoc (type minibus) et à la création de nombreux emplois. Comme il est indiqué précédemment, le rôle du numérique en matière de réduction des besoins de déplacements (services à distance, télétravail, …) reste encore flou et l’impact de son avènement sur la mobilité en zones peu denses reste encore marginal. A cet égard, si la « révolution des usages » devra être réalisée dans les années à venir, beaucoup reste à faire dans son utilisation en termes de solutions substitutives aux mobilités notamment par le développement des services à distance (télétravail, e-learning, accès aux services publics et privés à distance, assistance médicale à domicile…). Quoiqu’il en soit, les enjeux soulignés dans le chapitre précédent concernant l’amélioration de la desserte et du débit (3G en zones peu denses, fibre optique, 4 G) devront trouver une réponse rapide dans les années à venir sous peine de devenir des facteurs limitants pour l’évolution des mobilités départementales. En d’autres termes, l’amélioration de la couverture numérique du département est une condition du désenclavement futur des territoires ruraux manchois MAIS devra être accompagnée d’un ensemble d’actions visant à développer les usages permettant in fine une réduction des besoins de mobilités. Cela nécessitera notamment, comme pour l’ensemble des pratiques innovantes promues dans ce scénario : - d’importants efforts d’information et de sensibilisation des décisionnaires (les manageurs, chefs d’entreprises, les habitants et salariés, …) afin d’impulser un changement de culture et, in fine des pratiques ; - qu’une réflexion globale soit menée sur le champ et les applications possibles de l’outil numérique en tant que substitutif aux mobilités ; - une mobilisation de l’ensemble des prestataires concernés (ce qui est déjà globalement le cas) sur le développement des applications en matière de services à distance (visite immobilière, …).
22 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
3 Les mutations/ transitions économiques RAPPEL DES SOUS-THEMES
Activités liées à la mer Agriculture Industrie Le soutien au développement des activités / filières de demain (numérique, EMR, …) et à l’innovation ESS Tourisme a. Le contexte territorial et ses évolutions possibles Une nécessaire réflexion sur les modalités d’une transition vers un modèle agricole plus durable 37
Dans la Manche, l’activité agricole reste un secteur économique de poids , représentant des enjeux très importants pour le territoire. Il est cependant fortement impacté par les évolutions socio-économiques de la 38 39 profession et du contexte règlementaire (passés ou à venir ) opérant un renforcement de la concurrence mondiale et qui pourraient à terme entraîner une évolution de l’orientation technicoéconomique des activités agricoles y compris sur des productions non vivrières. A cet égard, l’orientation laitière, actuellement dominante, est une production très exigeante sans pour autant procurer 40 (dans beaucoup de modèles un niveau de revenu très élevé aux agriculteurs du territoire conventionnelles elle est plus contraignante et moins rentable que la production céréalière par exemple). Par ailleurs, l’agrandissement continu des tailles d’exploitations nécessaire à la rentabilité des activités laitières entraîne une concentration capitalistique croissante qui demandera des investissements de plus en plus importants de la part des repreneurs potentiels et pourrait devenir une limite majeure à la pérennité de ces activités sur le territoire. De fait, alors que les habitants avaient exprimé des inquiétudes quand à la survivance du métier d’agriculteur ou sa mutation vers des modalités de production hyperindustrialisées, le COMEX s’interroge fortement sur la viabilité du modèle économique de l’agriculture manchoise en cas de prolongation de son évolution actuelle. Enfin, l’agriculture est un secteur étroitement lié à l’environnement et devra, dans un contexte de multiplication des directives et mesures visant sa préservation et d’évolution des équilibres climatiques planétaires, continuer les efforts d’adaptation de 41 ses pratiques tant en matière de réduction de leur impacts environnementaux (agriculture biologique , 37
1 Mds d’euros de produit agricole, 10% de l’emploi soit environ trois fois plus qu’en moyenne nationale, 1er cheptel de vaches laitières en France, 2ième département pour le nombre d’exploitations (1er pour les petites exploitations agricoles), 2ième département porcin (hors départements bretons). Le département n’a pas ou peu connu de régression du nombre d’actifs agricoles.
38
Baisse du nombre d’exploitations, agrandissement de la SAU moyenne, évolutions des formes d’exploitations - GAEC, modification de la « sociologie » des repreneurs, aspiration des jeunes agriculteurs aux mêmes conditions de vie et de travail que les autres (installation en société).
39
La rupture que devraient subir les activités (fin des quotas laitiers en 2015 et réforme de la PAC) devrait être supérieure à celle de 2008 (modification du système de fixation du prix du lait). 40
A noter que le revenu moyen des agriculteurs équivaut à 2/3 de la moyenne nationale.
41
Avec une surface agricole utile consacrée à l’agriculture biologique équivalente à 2,2 % de la surface agricole utilisée totale en 2009 (contre 2,9 au niveau régional et 3,1 % au niveau national), le département en est encore dans une phase de développement de ce type de production. 23 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
42
PMPOA, …) que de prise en compte des évolutions du climat liées au réchauffement planétaire . A cet égard, Mathieu PERAUD, indiquait notamment que l’amplification de l’amplitude et de la récurrence des épisodes de sécheresse et de fortes pluies aurait très probablement un impact sur l’agriculture manchoise. Dans ce contexte, le COMEX identifie la nécessité d’avoir une réflexion approfondie sur les modalités d’une transition du modèle économique productiviste conventionnel d’après-guerre concentrant une multitude de risques (environnementaux, financiers, …) vers un modèle plus durable, en lien avec des enjeux de : - maintien des activités agricoles et de leur souveraineté (versus risque de déplacement des sièges d’exploitation hors département voir de non reprises d’activités) ; - diversification du modèle économique selon les territoires et développement des productions transformées et écoulées localement, vectrice d’emplois et d’une économie non délocalisable ; - amélioration de la rentabilité de ces activités à travers l’augmentation de la valeur ajoutée directement produite sur le territoire (qualité et labellisation des productions - AOC, … - nécessité de rechercher / ième développer le 2 niveau de transformation, …) mais aussi en favorisant une autonomie plus grande des exploitations ; - protection de la ressource foncière agricole du territoire, garante du maintien de la capacité à produire et de la qualité paysagère - d’évolution vers des pratiques plus respectueuses voir contribuant à la préservation de l’environnement (agriculture biologique, chartes environnementales, mesures agro-environnementales) Le nucléaire, une singularité du territoire qui doit être mieux valorisée La Basse-Normandie est la seule région française où l’ensemble de la chaîne de compétence du nucléaire 43 est représentée . Si, au vu des évènements récents (Fukushima) un certain nombre d’interrogations sur la sécurisation des activités et la gestion de crise en cas d’incident grave, notamment exprimées lors des réunions territoriales, devront être prises en compte dans le futur projet de territoire manchois. Il est aujourd’hui difficile d’envisager l’économie manchoise amputée d’une activité représentant à elle seule 44 plus de 9500 emplois directs (et 3,8% de l’énergie nucléaire française). Au contraire, d’un point de vue strictement économique, cette filière, devant être développée au niveau régional (Nucléopolis à Caen), présente des opportunités intéressantes. La nécessité de constituer des pôles de recherche / développement attractifs, éventuellement adossés à de l’enseignement supérieur, et la possibilité de structurer 45 46 une offre de formation spécifique pourraient venir accompagner le développement de la filière et la diffusion des compétences dans d’autres domaines d’activité (biomédical, recherche, …). Quelques soient les orientations nationales sur le nucléaire, l’enjeu de la Manche est d’être en capacité d’accompagner les évolutions, mais aussi de valoriser les savoir-faire et les compétences présentes en favorisant leur mobilisation vers d’autres secteurs de développement afin de contribuer à leur pérennité.
42
Multiplication et accentuation des épisodes extrêmes, évolutions de la pluviométrie, …).
43
Formation, recherche et développement, exploitation énergétique, retraitement, nucléaire appliqué à la santé et au médical.
44 45
La centrale de Flamanville apporte annuellement 50 M€ aux finances publiques. Création récente d’un Master international en portage ENSI Caen / école des mines Nantes.
46
Construction prévue d’un nouvel EPR mais surtout opportunités dans le développement des filières aval démantèlement / retraitement. 24
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Une diversification nécessaire de l’outil industriel issu de la construction navale 47
Fortement dépendant de la commande publique (Marine, Arsenal, …), le secteur de la construction navale , 48 fortement pourvoyeur d’emplois qualifiés (3400 emplois), a vu fondre les effectifs de son secteur militaire. Afin de pallier à cette baisse de commande, les principales entreprises de ce secteur opèrent des diversifications. Dans les prochaines années, la continuation et la réussite de la diversification de ses débouchés seront l’enjeu majeur pour ce secteur fortement pourvoyeur d’emplois qualifiés. Le secteur du bâtiment, fragilisé par la crise, pourrait trouver une respiration à travers la rénovation de l’habitat manchois 49
Le bâtiment est un secteur d’activité important dans la Manche , faisant travailler de nombreux artisans. Il 50 présentait, jusqu‘aux crises financières puis économiques récentes, un relatif dynamisme . Néanmoins, la réduction des projets d’investissements (grands équipements, …) liée à la baisse des capacités financières des collectivités territoriales ainsi que la morosité ambiante dans le secteur de l’immobilier privé, représentent des menaces importantes à moyen termes sur la bonne santé de cette filière et le maintien de ses emplois. La mobilisation de l’ensemble des leviers de soutien disponibles à ce secteur sera donc l’enjeu des années à venir. Des services aux entreprises sous dimensionnés Alors qu’ils prennent habituellement le relais des secteurs traditionnels dans la création d’emplois nouveaux, la Manche est en retard pour ce qui concerne le développement des services marchands, notamment à 51 destination des entreprises (exception faite des activités de conseil et d’assistance dans le domaine 52 technique et l’ingénierie – 2500 emplois) qui sont en stagnation depuis 2002 . Un enjeu de développement de ces services doit donc être identifié. Un enjeu majeur de renouvellement générationnel dans les années à venir 53
Dans la Manche, 23,2 % des personnes occupant un emploi ont 50 ans ou plus et quitteront leur poste dans les dix ou quinze ans à venir. C’est (comme en moyenne métropolitaine) chez les travailleurs 54 indépendants , dans les professions libérales et les cadres de la fonction publique que les proportions sont les 55 plus fortes . Un enjeu majeur d’anticipation et d’accompagnement aux besoins de renouvellement de main d’œuvre et transmissions-reprises d’entreprises, doit donc être signalé. Cet enjeu croise des enjeux d’attractivité et d’accessibilité (financement notamment) du territoire et des activités concernées.
47
Il constitue le 3ième pilier industriel manchois, avec l’agroalimentaire et le secteur énergétique.
48
Ce secteur, s’appui sur un tissu important d’entreprises sous-traitantes.
49
Avec 8,9% des emplois en 2007 (contre 6,8% en France).
50
Croissance de 12% des effectifs salariés entre début 2002 et fin 2009 contre 13% en France.
51
Information / communication, activités immobilières, transport et entreposage, services de soutien aux entreprises. 14% de l’emploi contre 23% en France, 18% dans l’Orne et le Calvados. 52
A l’inverse des services aux entreprises, les services destinés aux personnes (hébergement / restauration, tourisme, culture, loisirs, activités médico-sociales, …) se sont développés dans la Manche à un rythme légèrement moins élevé qu’en France (Près de 1600 emplois entre 2002 et 2009). 53
Contre 23,9 % en France.
54
55
Exploitants agriculteurs, commerçants, artisans, chefs d’entreprise. Les taux montent à 42 % pour les professions libérales, 37 % pour les commerçants. 25
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Des potentialités majeures mais largement sous exploitées en matière d’activités liées à la mer Territoire le plus occidental de Basse Normandie, la Manche bénéficie d’une situation géographique 56 stratégique dans l’Arc Manche : avancée dans l’une des mers « les plus fréquentée du monde » , entre Bretagne, Haute Normandie, Iles Anglo-Normandes et Grande Bretagne, elle possède un potentiel de développement économique et commercial largement tourné vers la mer. 57
De fait, liées à la présence de plus de 500 km de côtes , les potentialités énergétiques (voir partie dédiée à la 58 croissance verte) ne sont qu’une infime partie des « trésors », encore méconnus, que recèlent le littoral 59 manchois et ses milieux marins. Les possibilités de développement d’une offre de « cabotage touristique » voir de transport de personnes, du fret maritime, mais aussi de la production aquacole (conchyliculture, culture d’algues, …) sont autant de potentialités dont il conviendrait de mieux mesurer la réalité. 60
Pourtant, ce territoire a longtemps, comme le reste de la France, tourné le dos à la mer . Si, le COMEX identifie une évolution des mentalités, à travers une prise de conscience progressive, par les acteurs du territoire, potentialités de développement qu’offre cette situation géographique, sa confirmation, à travers la modernisation des activités existantes et le développement de nouvelles activités sera l‘un des enjeux économique majeur pour la Manche, dans les années à venir. Pour ce faire, il sera nécessaire « d’envisager un nouveau rapport terre / mer » (COMEX) et de «changer de représentation: alors que la Manche est un territoire excentré, la mer lui donne une position centrale par rapports aux flux maritimes ». La pêche, une activité importante qu’il conviendra de moderniser 61
La Manche est l’un des premiers départements français pour la pêche , activité qui rencontre des difficultés à attirer des jeunes pour renouveler les effectifs et connait une diminution de sa flottille. Plus globalement, les activités de pêche (notamment industrielles) sont aujourd’hui confrontées à une baisse des ressources piscicoles qui les condamnent quasiment sous leurs formes actuelles. A cet égard, seule la réintroduction d’une approche plus durable (pêche raisonnée, techniques plus économiques en énergie, sélection des prises, …) semble pourvoir permettre leur maintien. D’importants enjeux s’imposent donc à cette activité:
La modernisation du métier à partir des possibilités offertes par le progrès technique (modernisation de la flotte - navires moins énergivores, modernisation des infrastructures 62 portuaires ) en intégrant la problématique de l’augmentation du prix du carburant dans les pratiques ;
Le renouvellement générationnel à travers la revalorisation de l’image et la promotion des 63 métiers de la pêche, auprès des jeunes, ainsi que la formation de personnels qualifiés
Le développement d’une filière aval (transformation des produits) permettant de contribuer à l’augmentation de la valeur ajoutée de l’économie départementale.
Par ailleurs, selon le COMEX, l’éventualité d’un développement de la pisciculture dans le cadre de la mutation des activités de pêche devra considérer l’ensemble des risques associés et notamment de pollution liés à 56
La Manche Carte d’identité, DDTM, 2011.
57
Ce chiffrage est issu d’une mesure du Conservatoire du littoral présentée lors des ateliers prospectifs.
58 59
Réunion territoriale du 4 Octobre 2012 à Granville. Réunion territoriale du 4 Octobre 2012 à Granville.
60
C’est un mal français, très largement décrit par Christian BUCHET lors de son intervention à l’atelier prospectif dédié à la mer. Aujourd’hui, au niveau national, les activités liées à la mer représentent 315 000 emplois directs et 2,2 PIB. Un potentiel de 180 000 emplois supplémentaires serait facilement atteignable. Ces constats sont aussi valables pour la Manche qui présente, globalement, une sous exploitation des potentialités économiques que lui offre son importante façade maritime.
61 62
ième
2000 emplois, 3
ième
département pour la quantité de prises et 4
pour la valeur.
Le projet de requalification du port de Granville permettra aux pécheurs de prolonger leur temps en mer.
63
Il existe une école de matelots à Cherbourg, mais dont le nombre de diplômés ne suffit pas aux besoins du territoire. 26
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la densité de populations ainsi que de pression sur les ressources halieutiques (prélèvements nécessaires pour la nourriture des poissons - pêche minotière). Une activité conchylicole significative, menacée par la mortalité des très jeunes huîtres 64
A côté de la pêche, la Manche est l’un des premiers territoires conchylicole français . Les cultures marines 65 sont néanmoins confrontées à diverses difficultés (forte mortalité , moindre renommée, faible structuration de la filière, saisonnalité, etc.). Des contre-offensives sont amorcées : 66
en matière de recherche avec la création d’un Centre de référence de l'huître (CRH) visant à encouragent la recherche pour traiter le virus (qui se développe lors des transferts des naissains). Le CRH, financé par des fonds publics pour quatre ans, devra cependant trouver ses propres fonds d'ici 2013 ;
et de promotion de la filière (projet de label rouge pour les moules, …).
Par ailleurs, un acteur, le Syndicat mixte d'équipement du littoral (S.M.E.L.) et la définition d’un schéma en 1990 : "Tourisme et conchyliculture sur le littoral du département de la Manche", offrent à la profession quelques moyens d’action et de réflexion pour anticiper sur son devenir. L’enjeu des années à venir sera donc celui de la sécurisation sanitaire des pratiques d’élevage qui devra être accompagnée d’un maintien de la dynamique de structuration et de valorisation des activités conchylicoles en cohérence avec l’ensemble des usages du littoral. Le port de Cherbourg dispose d’atouts lui offrant des perspectives de développement majeures La Manche dispose de deux ports de commerce principaux : Cherbourg et Granville. En termes de 67 potentialités de développement, malgré une baisse notable du trafic de fret, le port de Cherbourg est particulièrement intéressant car il dispose d’atouts majeurs: une position stratégique (20% du trafic mondial passe au large) et une accessibilité et des caractéristiques nautiques exceptionnelles. Cependant, la faiblesse du recours au transport maritime par l’économie locale (hinterland restreint) freine son développement, qui ne semble pouvoir venir, dans l’état actuel des voies de communication terrestres, que par la mer. Les principaux enjeux de développement de son activité sont :
le développement du positionnement du port comme hub de transbordement : Cherbourg pourrait devenir, selon le COMEX, le point de redistribution des transports de marchandises transocéaniques (overpanama, …) ;
le développement de l’approvisionnement des navires de passages des lignes de fret de longue distance,
le développement des énergies marines renouvelables (voir paragraphe dédié) pour capter une part significative de ce marché gigantesque et conforter les activités portuaires en adaptant le port;
l’intégration de la démarche Paris Seine Normandie projet national ;
68
afin de tirer partie de la dynamique de ce
64
Il produit 25 000 tonnes d’huitres et 18 000 tonnes de moules par an pour un CA de 100 M€, 241 exploitations et 2 370 emplois directs. Les principales zones de production se situent sur la façade ouest du Cotentin et la côte nord-est.
65
Depuis la mortalité des très jeunes huîtres, jusqu'à 80 %, apparue en 2008 (elle existait depuis plus longtemps mais était ignorée) la production en Basse-Normandie, première région en France, a chuté de 30 000 à 18 000 tonnes. 66
Avec les collectivités (Région et Départements côtiers), l'université de Caen et des laboratoires et avec la participation de l’Ifremer et du SMEL. 67
16ième port français, 2000 emplois et 70 M€ de valeur ajoutée.
68
Projet d’ouverture maritime de la Seine de Cherbourg à Dieppe qui offrirait d’importantes potentialités de développement de l’activité de Cherbourg 27
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en matière de Ferries/Transmanche, le repositionnement du port au regard de l’évolution du marché et des pratiques logistiques.
La filière nautique et la plaisance, menacée de saturation En lien avec l’importance du linéaire côtier, la plaisance occupe une place importante dans l’économie du 69 département . Près de 6 000 anneaux seraient répartis sur les plus de 500 km de côtes, ce qui confère au territoire une bonne capacité d’accueil, aujourd’hui menacée de saturation. Par ailleurs, le savoir-faire reconnu en matière nautique (construction et d’entretien des navires) constitue un des atouts majeurs du département. Les élus du Conseil Général considèrent que la mer est une chance pour la Manche mais que deux enjeux transversaux devront être considérés dans les années à venir :
les conflits d’usages potentiels devront être canalisés à travers l’organisation de lieux de concertation telle qu’une « conférence des acteurs de la mer » ;
certaines activités dépendent de la qualité de l’eau qui est, de ce fait, un enjeu majeur (nécessité de se doter d’un outil d’observation, création d’un institut manchois du cycle de l’eau, …).
Selon le COMEX, les acteurs départementaux se sont investis de longue date sur l’organisation des activités liés à la mer (à travers la création du SMEL) néanmoins, le sentiment d’appartenance à la communauté maritime n’est pas encore suffisamment développé pour que s’autonomise une dynamique de concertation, d’orientation et de codécision sur des projets concrets. Un enjeu majeur se maintien donc sur les aspects de gouvernance pour laquelle un renouvellement et une redynamisation serait nécessaire. La politique de la mer doit être repensée dans une approche transversale afin de mobiliser toutes les activités liées à la mer. Il conviendra de s’appuyer sur la démarche de nouvelle gouvernance mise en œuvre dans le cadre du parc marin normando-breton qui peut servir d’exemple. Trouver les modalités d’un développement plus durable par la production d’énergies renouvelables, et la structuration d’une véritable nouvelle filière autour des énergies marines renouvelables, pour conduire la Manche vers un vrai mix énergétique Dans le domaine de la production d’énergies renouvelables, le département de la Manche dispose d’atouts et potentialités sans égal au niveau national avec notamment 50% du potentiel français et 5% du potentiel 70 ième européen en hydrolien , le 2 gisement d’éolien de France (en Basse-Normandie) et d’importantes possibilités en éolien offshore, … 71
Néanmoins, bien qu’en pleine croissance , l’éolien terrestre peine à s’implanter dans un 72 département présentant d’importantes contraintes et qui se positionne dans la moyenne pour ce 73 type d’énergies . L’existence d’un schéma départemental éolien et les prises de compétences en matière d’organisation du développement des ENR par les EPCI du territoire devraient néanmoins permettre d’avancer ;
La valorisation du potentiel en éolien off-shore a aussi pris du retard , confronté à des oppositions locales, liées à des conflits d’usages entre producteurs d’énergie, pêcheurs et plaisanciers. Pour autant, cette nouvelle source de production énergétique aura des retombées majeures sur le territoire
74
69
Elle représentait un chiffre d‘affaire de 67 millions d'euros en 2005 (entreprises industrielles et commerciales confondues), tandis que la filière nautique « emploie 660 personnes réparties entre les chantiers de construction, de réparation et d'entretien de bateaux, la location, l'accastillage et les équipements annexes (remorques...) ». Source : Carte d’identité de la Manche- DDTM de la Manche, 2010.
70 71
Une prévision de production du parc hydrolien Manche ouest équivaut à 3 EPR. 50 parcs éoliens seraient en projets (6 existants).
72
Enjeux environnementaux (Natura 2000, …) et paysagers (Mont-Saint-Michel, ...), acceptation sociale et difficultés d’implantation due à l’habitat dispersé. 73
30ième pour l’éolien terrestre.
74
Deux projets en cours. 28
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dès 2014 puisque Alstom a retenu Cherbourg comme site d’implantation de deux usines de fabrication de mâts et pales d’éoliennes off shore (5000 emplois directs et de sous-traitance) qui équiperont la façade maritime entre le Nord-Pas-de-Calais et Saint-Nazaire ;
Comme pour l’éolien, le potentiel hydrolien est important avec 5GW soit l’équivalent de 3 réacteurs de nouvelle génération de type EPR au large du Cotentin (partie française et anglo-normande). La 75 zone du Raz-Blanchard, au large de la Hague, y serait particulièrement favorable . Des contraintes devront cependant être prises en compte : impact éco-systémique en zone peu profonde. La fabrication de ces hydroliennes sur Cherbourg pourrait générer un millier d’emplois environ ;
Pour le photovoltaïque, la situation apparaît plus compliquée car ce type de production soulève la problématique foncière, dans un département à forte vocation agricole et aux nombreux espaces protégés ou l’artificialisation des sols va croissante. Le COMEX identifie notamment les couvertures des bâtiments agricoles existants comme possibilité d’implantation mais l’exposition des bâtiments y serait défavorable ;
Enfin, concernant la biomasse, l’utilisation du bois issu des haies bocagères (la Manche est le 1 département français pour le bocage) permettrait d’économiser 500 000 t de CO2 et de créer environ 76 400 emplois par ailleurs, des pistes existent notamment en matière de méthanisation.
er
Une urgence, la promotion d’un nouveau modèle de développement de l’habitat, moins générateur de consommation de ressources naturelles A la croisée d’enjeux environnementaux de plus en plus prégnants (artificialisation des sols et consommation énergétique notamment), un renouvellement de l’approche en matière de construction (habitat, équipements, …), tant en matière de pratiques, de matériaux utilisés que d’implantation devient de plus en plus nécessaire (voir par ailleurs le thème n°1). Elle devra notamment apporter des réponses aux enjeux d’efficacité énergétique, de densification urbaine et de réduction des déplacements et pourrait être soutenu par l’intermédiaire de programmes intégrant une dimension prioritaire de rénovation thermique des logements privés et publics et bâtiments publics en vu de maîtriser la consommation et la facture énergétique des ménages et collectivités. Cela pourrait aussi être l’occasion de favoriser la « mutation écologique » de la filière BTP vers des approches plus durables à travers une montée en maîtrise des techniques et compétences clés dans ce domaine. La formation des acteurs ainsi que l’exemplarité des investissements publics seront des leviers d’action prioritaires. En matière d’efficacité énergétique, les élus identifient un enjeu plus globale d’évolution des comportements vers une diminution de la consommation d’énergie (logement, transport, mode d’éclairage notamment public, etc.). Selon le COMEX cet enjeu de transition et de sobriété énergétique revêt un intérêt triple : augmenter le pouvoir d’achat des ménages à travers l’amélioration de la performance thermique des logements, créer ou maintenir des emplois à travers la mobilisation de la filière BTP et contribuer à la lutte contre le changement climatique à travers la baisse des consommation énergétiques.
Un potentiel touristique avéré mais trop peu valorisé Malgré une situation géographique exceptionnelle, le potentiel d’emplois portés par la filière touristique 77 78 manchoise, important , pourrait être mieux valorisé . Comparé au Calvados, le « manque à gagner » en
75
Entre 150 et 200 hydroliennes pourraient y être implantées. Une étude de faisabilité sur l’implantation d’une centrale pilote est en cours.
76
Des projets en partenariat Etat, Région, ADEME et Conseil Général ont permis un 1er développement de la valorisation de cette ressource à travers l’installation de chaudières bois.
77 79% des habitants estiment que le tourisme est une source de développement économique de première importance pour le territoire. Source : Enquête de service sur le thème « Développement économique, développement de l’agriculture et risques sanitaires, ressources marines et développement touristique ».
29 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
termes d’impacts sur l’emploi lié au tourisme est d’environ 1 600 emplois directs, dans le cœur de la filière touristique manchoise, l’hébergement et la restauration. Ces emplois, portés en majorité par des TPE (hébergeurs, restaurateurs, agence de voyage, Offices de tourisme…), pourraient par ailleurs avoir une plus 79 forte valeur ajoutée . De fait, les capacités d’accueil, plutôt supérieures à la moyenne en gîtes et campings, se révèlent insuffisantes en matière hôtelière. La fréquentation, parmi les plus faibles des départements côtiers, est marquée par les courts séjours et fortement concentrée sur la zone littorale. 80
Par ailleurs, les ateliers prospectifs nous ont appris que le tourisme était en train de devenir la 1ère activité économique dans le monde alors que l’Europe n’accueille plus que 51% des visites. La mondialisation de l’offre touristique, la mobilité de la clientèle et la facilité à la comparaison des offres à travers la démocratisation de l’accès numérique, font que ce secteur est plus concurrentiel que jamais. Les avis convergent sur la nécessité de redynamiser ce secteur dans la Manche alors qu’une érosion de ces 81 activités s’y observe comme en Basse-Normandie. Selon Jean Luc MICHAUD , l’offre manchoise a notamment besoin d’être rénovée: il est nécessaire d’innover dans l’offre (hébergement chez l’habitant, agritourisme, …selon le COMEX), de développer les effets de synergie entre autres activités économiques et tourisme (productions locales, élevage équin, transports…). L’amélioration de la notoriété du territoire, à travers des actions de marketing territorial ciblées, est aussi un enjeu qui devra être plus fortement pris en compte à l’avenir. Si le modèle d’un tourisme vert et de qualité semble faire consensus, le COMEX identifie différentes déclinaisons possibles : le tourisme haut de gamme localisé (Granville, Mont-Saint-Michel, Cherbourg…), social (enfants, jeunes couples, retraités, …), de mémoire … Les capacités d’hébergement nécessiteraient cependant d’être largement étoffées (hôtels classés, haut de gamme, accueil de groupe, …). La couverture intégrale du territoire par un pays d’accueil touristique depuis 2012 pourrait permettre de favoriser la nécessaire mise en place d’une stratégie de développement et de communication touristique partagée à l’échelle du département. Malgré un patrimoine hors norme, la Manche peine à se faire reconnaître 82
Avec trois sites classés au « patrimoine mondial » de l’UNESCO , des paysages exceptionnels et deux parcs 83 naturels régionaux , la Manche dispose d’atouts touristiques majeurs. Son schéma de développement identifie néanmoins une série de problématiques centrales pour l’avenir du tourisme du département : 84
- un manque d’identification qui « limite la lisibilité et le rayonnement de la Manche » ; - une faiblesse de vocation, de partenariats, de culture et in fine d’offre touristique (quantité/qualité) ; 85
- un problème majeur d’accessibilité qui pénalise fortement le développement des courts séjours. L’ensemble de ces freins aboutissent à une faible structuration et solidité économique et financière de l’économie touristique manchoise.
78
Actuellement 6600 sur l’année contre 14900 dans le Calvados soit 3,3 % de l’emploi total, contre 3,7 % en France et 4,1 % dans le Calvados. 79 80
Confer intervention de Jean Luc MICHAUD, lors des ateliers prospectifs. Intervention de Jean Luc MICHAUD.
81
Jean Luc MICHAUD est Inspecteur Général du Tourisme, Directeur Honoraire du Tourisme et Président Délégué de l’Institut Français du Tourisme.
82
Le Mont-Saint-Michel et sa baie, monument le plus visité de province avec près de 3 millions de visiteurs par an, les tours de la Hougue et de Tatihou ainsi que Sainte-Mère-Eglise et Utah Beach.
83
84
Le parc Normandie-Maine et le parc des marais du Cotentin et du Bessin. Pas de centre urbain d’importance, les monuments historiques ne sont pas nécessairement associés au territoire,….
85
Pas d’aéroport d’importance, baisse de l’activité ferries à Cherbourg, desserte ferroviaire de moindre qualité, pas encore de ligne TGV. 30 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
Le département a pris conscience de cette situation et s’est emparé de ces problématiques pour trouver des solutions adaptées à un développement touristique cohérent dans l’espace manchois. L’idée force est donc de développer une stratégie marketing tournée vers une identité territoriale forte qui associe l’ensemble des acteurs dans un projet d’aménagement touristique cohérent. Enfin, le COMEX, en écho aux élus du département, identifie un enjeu d’amélioration de la connaissance du patrimoine départemental auprès de ses habitants afin qu’ils en deviennent les ambassadeurs mais aussi à l’extérieur du territoire, afin d’attirer de nouveaux habitants. Cet enjeu est d’autant plus important que la majorité des nuits touristiques est réalisée chez l’habitant (familles, amis) qui devient ainsi « prescripteur » des consommations touristiques… L’économie sociale et solidaire, un secteur clé de l’économie manchoise Avec 12,7% du total des salariés dans la Manche dont 76% employés dans des associations, l’ESS est un secteur clé pour la manche. Cependant, les différents acteurs économiques et institutionnels ne perçoivent qu’une partie infime du périmètre d’intervention de l’ESS au sein de l’économie départementale. Selon le COMEX, « un changement d’approche sera nécessaire » et il importera, dans les années à venir de « donner une visibilité » à l’ESS afin que ce secteur soit mieux compris et appréhendé dans sa globalité alors qu’il n’est encore très souvent limité à son rôle social (services à la personne ou activités de réinsertion). L’ESS, les services à la personne mais pas que… La forme des structures de l’ESS dépasse largement celui des associations, souvent identifiées, et intègre également de nombreuses autres formes d’entreprises (coopératives agricoles, SCOOP, …). L’intérêt de ce secteur, ne réside donc pas exclusivement dans le potentiel d’emploi et l’apport de réponses dans les services à la personne mais aussi dans l’innovation dans les modèles économiques. Les Maîtres Laitiers du Cotentin et ACOME sont, à ce titre, exemplaires. Plus globalement, selon la CRESS, s’il faut noter dans le département une dynamique de créations d’emplois au sein de l’ESS, celle-ci se réalise essentiellement au sein des structures existantes. Le COMEX identifie par ailleurs un manque de structures porteuses. Un des enjeux est donc le soutien à la création de nouvelles entreprises de l’ESS par le développement d’une offre de financement (amorçage et développement) et 86 l’accompagnement des porteurs de projets . Le COMEX identifie aussi la nécessité « de travailler avec les territoires pour définir les besoins locaux ». En matière sociale, les associations du secteur disposent de 173 points d’accueil et de plus de 7 000 bénévoles en région et couvrent l’ensemble du territoire (à l’exception du sud Manche): centres urbains, petites et moyennes villes, campagnes (de manière plus diffuse) avec un budget globalisé proche des 7,8 millions d’euros. Elles entretiennent souvent des liens directs avec les services sociaux de leur territoire et sont donc des acteurs clés de la politique sociale départementale. Le rapport du CESER dédié à ce sujet souligne trois grands enjeux régionaux pouvant être transposés au territoire manchois : 87
l’adaptation à l’« évolution du public secouru » : plus de jeunes et de retraités;
le maintien et le développement du bénévolat (problème de renouvellement et de fidélisation du bénévolat) ;
le maintien des ressources nécessaires à l’activité (les associations locales sont dépendantes des 88 subventions publiques ) ;
86
A noter cependant que compte tenu de la raréfaction des ressources et du « seuil » critique en termes de fonctionnement, la tendance aujourd’hui est plutôt à la fusion /mutualisation.
87
En 2008, les 18-25 ans représentaient près de 12% des personnes aidées par les Restaurants du Cœur de la Manche.
88
La chaudrée (77% de subventions publiques), Conscience Humanitaire (95%). 31
Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
Une économie peu portée sur l’innovation et peu productrice de valeur ajoutée… L’économie manchoise, se situe dans les derniers départements français en termes de production de 89 valeur ajoutée . Ceci est lié à deux caractéristiques marquées :
l’importance des secteurs économiques traditionnels et la faiblesse des services marchands,
la faiblesse de la culture de l’innovation et de la diffusion de l’innovation dans les entreprises manchoises.
Une dynamique positive en matière d’innovation en Région Basse-Normandie Des évolutions positives doivent cependant être notées en matière d’innovation : adoption d’une Stratégie 90 Régionale d’Innovation en 2011 et progression deux fois plus rapide qu’au niveau national de la Dépense Intérieure de Recherche et Développement (DIRD) des entreprises qui se traduit par une nette augmentation du nombre de chercheurs du public et du privé. Par ailleurs, si « la région souffre de l’absence relative des grands groupes, les PME bas-normandes sont très dynamiques, avec un taux de ème brevets déposées par entreprise qui classe la région au 6 rang en France ». Le dynamisme observé ème est notamment encouragé par différents dispositifs (dont trois pôles d’excellence rurale de 2 91 92 génération , MIRIADE …) dont l’objectif commun est de faire de la Manche un espace tourné vers l’innovation. Il doit cependant être noté que : -la diffusion de l’innovation demande des capacités de portage des projets innovants dans les entreprises et donc la présence d’emplois cadres ; -le tissu économique manchois, constitué de petites et moyennes entreprises, dispose de capacités financières restreintes pour l’investissement et l’innovation et s’appuie fortement sur ses chefs d’entreprise pour porter leurs projets de développement. Or, ceux-ci ont peu de temps à consacrer à l’innovation. 93
Cette situation est synonyme de faiblesse des revenus salariés et de l’emploi hautement qualifié 95 et donc de l’attractivité du territoire pour les jeunes diplômés .
94
ou cadre
…de plus en plus exposée à des problématiques de compétitivité liées à la concurrence mondiale Dans une économie de plus en plus mondialisée, l’amplification des phénomènes de concurrence internationale et leur élargissement sur un prisme de plus en plus large des filières économiques, milite pour une prise de conscience collective d’un enjeu majeur de différenciation des productions locales. Pour cette raison, l’enjeu transversal en matière de développement économique est l’amélioration de la valeur ajoutée de l’économie manchoise. Cela passera notamment par des investissements ciblés sur
89
ième
80 département de métropole pour la richesse créée par emploi avec un écart de -7% à la moyenne (hors Île-deFrance). 90
Cette synthèse est réalisée à partir du document : Stratégie régionale pour la recherche et l’innovation en BasseNormandie, Région Basse-Normandie, 2011.
91
Pôle d’excellence rurale 2ème génération, 2ème vague, DATAR, 2011.
92
Lancé en 2007, il a pour principal objectif, « de faire émerger sur le territoire des projets d’innovation, d’investissement ou de réorganisation, en soutenant, via les impulsions-conseils, des pré-expertises financières, techniques et de conseil ». Cette ambition régionale d’approfondir les partenariats (public/privé) pour promouvoir et développer la recherche et l’innovation en Basse-Normandie a débouché sur des actions concrètes à l’échelle départementale. 93 94
5,2% de l’emploi total dans la Manche contre 8,1% en France. 3,5% de l’emploi total dans la Manche contre 8,4% en France.
95
Aujourd’hui, moins d’1/4 des personnes occupant un emploi dans la Manche possèdent un diplôme universitaire et sont surtout diplômées du 1er cycle. Les diplômés de deuxième ou troisième cycle sont, en proportion, presque deux fois moins nombreux qu’en France (9% contre 17%). 32 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
des projets de recherche et développement dans les secteurs clés existants ou potentiels mais aussi la diffusion de l’innovation dans les entreprises manchoises (à titre d’exemple le nouveau pôle ADRIA). Cet enjeu se décline sur l’ensemble des filières économiques manchoises qui, sans cela, seront menacées à moyen terme. La création d’une valeur ajoutée accrue sur le territoire manchois, qu’elle se matérialise par la recherche d’une qualité accrue dans les productions agricoles (transformation locale, labellisation, …), par une plus value de plus haut niveau en matière technologique, par une meilleure valorisation durable des ressources naturelles (aquaculture, production d’énergies renouvelables, tourisme vert, …) ou encore par le recrutement de hautes qualifications afin d’apporter un meilleur service aux entreprises régionales constitue le levier majeur d’une préservation de l’économie manchoise pour les 20 prochaines années. Pour ce faire, l’ensemble des composantes de la sphère économique doivent partager et s’investir dans un projet commun et y apporter leur contribution : La nécessité de mobiliser les leviers du financement du développement de l’économie manchoise Pour innover et se développer, les entreprises manchoises ont un important besoin de capitaux. La mobilisation des leviers de financement du développement de l’économie manchoise sera un enjeu majeur des prochaines années (ingénierie financière, fonds souverains). Enfin, selon le COMEX, la réponse à cet enjeu de création de valeur dans l’économie manchoise devra servir à payer la dette collective mais aussi à dégager des marges de financement pour investir (EMR, …).
b. Les réponses souhaitables Soutenir la mutation de l’économie manchoise vers la création de valeurs ajoutées, diversifiées, fondées sur les ressources locales et l’innovation Du fait d’un développement historiquement très fortement lié à l’importance des activités vivrières (agriculture, pêche, conchyliculture, agro-alimentaire, activités de sous-traitance ou de production liées aux activités agricoles du territoire, …), l’économie manchoise présente une dépendance moindre vis-à-vis de centres de décision extérieurs au territoire. Surtout, à l’inverse de territoires disposant de caractéristiques économiques similaires (Picardie, Champagne-Ardenne, …) son secteur industriel est, à l’exception de la 96 construction navale, peu dépendante de commanditaires extérieurs au territoire . En témoigne un repli plus modéré de l’industrie manchoise au regard de la dynamique nationale sur la période 1999-2007. Par ailleurs, le COMEX identifiait une force de l’économie manchoise à travers un attachement des chefs d’entreprises à leur territoire et la volonté d’investir et de développer leur activité dans la Manche. Néanmoins, la mondialisation de l’économie, procédant d’une ouverture des économies nationales, les soumet, de fait, à la concurrence mondiale sur les prix mais aussi aux stratégies d’investisseurs de plus en plus « détachés » du territoire. Les phénomènes de concentration capitalistique, notamment déjà prégnants dans le secteur de l’agro-alimentaire, pourraient rapidement se diffuser aux autres secteurs économiques du territoire. La libéralisation de la concurrence sur les prix devrait engendrer une rupture majeure pour l’agriculture manchoise Dans le secteur agricole, les agrandissements d’exploitations limitent grandement les capacités de reprises d’activités par des porteurs de projets individuels. La libéralisation de la concurrence sur les prix, par la réforme prochaine de la PAC, devrait entrainer une nouvelle fragilisation de ces activités. Cela se traduira, à minima, par une évolution de l’orientation technico-économique des exploitations manchoises vers des
96
Ne reposant notamment pas sur une activité de sous-traitance en équipement automobile car la Manche est éloignée des grandes usines d’assemblage des constructeurs. 33 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
productions plus rentables et, selon toute vraisemblance, devrait engendrer, en fonction de la capacité de résistance des exploitations existantes, de nouvelles vagues de disparitions / agrandissements. Ce risque de perte de souveraineté de l’économie (rachats des activités économiques existantes par des capitaux étrangers), peut être élargit à l’ensemble des secteurs économiques manchois, notamment en lien avec la vague de départs en retraite à prévoir dans les prochaines années et pourrait générer, à terme, une ultra dépendance de l’économie manchoise à des décisionnaires extérieurs au territoire et amplifier voir accélérer des phénomènes de délocalisation d’activités. En lien avec la synthèse des forces, faiblesses, menaces et potentialités de l’économie manchoise, présentée ci-avant, le scénario qui devra être recherché dans la Manche en matière économique nous amène à identifier différents principes d’action visant une augmentation de sa capacité de résistance vis-à-vis d’évolutions exogènes qui pourraient la mettre en difficulté. Si ces risques ne peuvent être considérés, à court terme, comme menaçants l’ensemble de l’économie manchoise, il apparaitrait pertinent de valider, dès maintenant, les principes d’action prioritaires visant à prémunir l’économie manchoise et de mettre en place les outils nécessaires :
er
1 principe d’action – développer les activités économiques non délocalisables, s’appuyant sur un marché et répondant à des besoins de proximité
Ce premier niveau se décline principalement autour du développement de l’économie présentielle et visera à améliorer 1) la valorisation des potentiels d’activité et d’emplois à ancrage local et 2) à favoriser le développement d’activités permettant de répondre aux besoins des manchois à travers :
le maintien / développement d’activités de commerce et de service accessibles sur l’ensemble du territoire, en lien avec la recherche de densification urbaine et de redynamisation des centrebourgs ruraux (cf. Thème n°1) ;
le maintien d’une accessibilité des services médicaux et de santé et, plus globalement, le développement des services à la personne sur l’ensemble du territoire (cf. Thème 4): une attention particulière devra être portée à la démographie médicale dans les zones les plus isolées ainsi que le portage des emplois de services à la personne (possibilité de recourir à des structures de l’ESS notamment);
le soutien aux initiatives permettant d’adresser, structurer et développer un marché local pour les productions du territoire (agricoles mais aussi artisanales, artistiques, …,) notamment par la 97 vente directe ou en circuit court (achats de produits locaux dans les cantines, marchés locaux, vente à la ferme, …). Dans ce domaine, les circuits de proximité se développent dans le 98 département et les initiatives innovantes se multiplient dans ce domaine, permettant de mettre en relation les producteurs avec les consommateurs, dont le marché se situe en grande partie au sein des agglomérations ;
Une meilleure valorisation des potentialités touristiques départementales : image, visibilité du territoire et marketing territorial, innovation dans l’offre, mise en réseau des acteurs, développement de l’offre d’hébergement touristique de qualité (hôtellerie classée) et adaptée aux différents types de publics (groupe, social, haut de gamme, …) ; De manière transversale, les modèles économiques innovants et intégrateurs des différents enjeux territoriaux (environnement, social, …) et / ou permettant la viabilité d’activités peu rentables seront soutenus en priorité. Les possibilités offertes par l’économie sociale et solidaire seront privilégiées.
97
C’est l’un des enjeux relevé par les deux PER (Pôles d’Excellence Rurale) lancés officiellement le 7 mars 2012.
98
. La mise en place de plates-formes virtuelles pour alimenter les services de restauration des collèges, lycées, … a été ainsi initiée. Cette initiative n’en est encore qu’à ses débuts mais elle permettra à plus ou moins long terme aux producteurs de fournir la plate-forme et de répondre également à des marchés de plus grande importance. Autre initiative émergeante au niveau national, « la ruche qui dit oui » permet à un habitant disposant d’un peu de temps (retraités), avec l’appui d’internet, de jouer le rôle de plateforme commerciale entre consommateur et producteur du territoire. 34
Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
ième
2
principe d’action – Augmenter la valeur ajoutée des activités économiques manchoises
Un autre moyen de renforcer la capacité de résistance d’une économie consiste à rechercher une meilleure valorisation / différenciation de ses productions afin d’en augmenter la rentabilité et la robustesse / capacité à rebondir face à d’éventuelles situations de crise conjoncturelles ou autres stratégies de rachats d’investisseurs extérieurs. Il peut se décliner de différentes manières :
soutien aux projets visant à augmenter la différenciation et la valeur ajoutée des productions ère
nde
agricoles (1 et 2 transformation) : le maintien et le développement des activités de 99 transformation / valorisation locale et labellisation de la production sur le territoire , pourrait être un levier majeur du maintien de la viabilité des productions agricoles actuelles et donc du paysage manchois (lien avec le thème 1). Cela peut concerner autant les modèles productivistes nde (seconde transformation laitière par exemple) que les modèles plus extensifs (2 transformation des viandes pour commercialisation en circuit court) ;
soutien à la modernisation des activités à travers la diffusion des possibilités offertes en matière d’innovation par les progrès techniques et technologiques ainsi que les procédés ou savoirs développés dans le cadre d’activités de recherche (modernisation des équipements de pêche, recherche dans le domaine conchylicole, innovations de procédés…);
le soutien au développement des services aux entreprises qui sont parmi les leviers majeurs d’une amélioration de leur compétitivité.
3
ième
principe d’action – Rechercher une diversification des activités et débouchés
La diversification des débouchés, notamment dans le secteur industriel (mais pas uniquement) est un moyen efficace pour réduire la dépendance d’une économie à des décisions (commandes) ou évolutions extérieures au territoire (crise de l’automobile, délocalisation de la production textile, …). Dans la Manche, malgré un niveau de dépendance moindre vis-à-vis de décideurs externes au territoire, plusieurs secteurs clé dépendent fortement de la conjoncture, à plus ou moins court terme, en matière de commande. Afin d’en préserver / consolider l’activité dans les prochaines années, il pourrait être nécessaire de contribuer :
au remplissage du « carnet de commande » du secteur du bâtiment par le lancement d’un « chantier » ambitieux de rénovation thermique et de modernisation du patrimoine bâti manchois (cf. Thème n°1). Un soutien à la filière pourrait notamment être mis en place à travers la mobilisation de financements publics / privés sur des projets d’ampleur visant à démontrer l’exemplarité du nouveau modèle de développement de l’habitat manchois. L’attribution des contrats serait conditionnée au respect de conditions environnementales (éco-construction, chantier vert, …) ce qui pourrait être l’occasion de soutenir le développement de l’éco-construction et de la « rénovation verte »;
le soutien à la diversification des débouchés du secteur de la construction navale, par la création de débouchés locaux notamment à travers la valorisation des synergies potentielles avec une filière énergies renouvelables qui devra être développée (voir ci-après). Un engagement pourrait être exigé de la part des producteurs d’énergie pour localiser la majeure partie de la production au niveau régional ;
le port de Cherbourg est aussi concerné par cette nécessaire diversification. Il sera notamment nécessaire d’investir, dans les années qui viennent, les pistes du développement du positionnement du port comme hub de transbordement, de l’approvisionnement des navires de passages des lignes de fret de longue distance et développement des énergies marines renouvelables.
99
A noter que la restructuration des activités agricoles entraîne notamment un déplacement des emplois primaires vers les activités de transformation, à plus forte valeur ajoutée (+9% de salariés dans l’agroalimentaire entre 2002 et 2009). 35 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
ième
4 principe d’action – positionner la sécurisation des reprises d’activités comme priorité départementale
Le phénomène de vieillissement de la population, accru dans la Manche, conjugué à ceux du départ des jeunes étudiants et de la carence d’attractivité territoriale ont généré une problématique de renouvellement des actifs et de reprise / transmission des entreprises qui se pose de manière accrue dans les secteurs présentant une forte structuration autour du modèle de l’entrepreneuriat individuel, constituant la base du tissu économique manchois. La vague de départ en retraite, que devrait connaître la Manche dans les 10 à 15 prochaines années, constitue donc une menace importante et interroge de manière assez transversale sur la pérennité d’une partie de ses activités économiques. Elle concerne plus particulièrement
les activités agricoles existantes : alors que le métier connaît un regain d’attractivité depuis quelques années, notamment hors cadre familial (rupture par rapport à la culture de l’héritage familial), et / ou chez des personnes disposant d’un niveau de qualification plus élevé que la moyenne actuelle, le capital aujourd’hui nécessaire à leur reprise (abordé précédemment) et plus globalement l’inadéquation entre modèle économique et contraintes professionnelles liées et aspirations des repreneurs (congés, vie sociale, vie familiale, …) freinent cette dynamique potentielle;
la pêche : entre baisse d’activité et perte d’attractivité, ces activités nécessiteront une remise en question importante, tant dans les techniques et équipements que dans la pratique du métier (pénibilité, impact environnemental, …) afin de réussir à se renouveler économiquement et démographiquement;
les autres catégories de travailleurs indépendants (commerçants, artisans et chefs d’entreprise) : la reprise de leurs activités représente un enjeu majeur pour la Manche dans la mesure où elles sont constitutives de la base économique d’un tissu fortement concentré autour de l’entrepreneuriat individuel ;
les professions libérales, cet enjeu de renouvellement générationnel doit être analysé en lien avec la décroissance de la démographie médicale observée dans les zones les plus rurales du territoire (Cf. Thème n°4). Il s’agit donc de transformer cette menace en opportunité de renouvellement, de pérennisation et de développement économique par une politique volontariste de soutien à la reprise / transmission d’entreprises dans ces secteurs, mobilisant les réseaux existants et s’appuyant sur la politique d’attraction de jeunes sur le territoire. Elle pourrait se décliner comme suit : Objectif 1: Soutenir activement les initiatives permettant une mise en relation des entreprises régionales : mise en contact d’entreprises en vue de facilitation de démarches de fusion, rapprochement, partenariat… entre les TPE / PME départementales. C’est l’un des enjeux clé des années à venir pour impulser une montée en compétitivité du tissu économique manchois. Objectif 2 : Identifier les exploitations / entreprises en cession (fonction d’observatoire / veille) Objectif 3: Rechercher, stimuler des repreneurs-ses (dont ESS) et cédants Objectif 4 : Insérer les repreneurs identifiés au sein de dispositifs de soutien techniques (formation / information), et financier (acquisition du foncier) - dont ESS
analyse de la viabilité, soutien à l’amélioration des stratégies d’entreprises, solutions en matière d’ESS – formations
reprise coopérative des entreprises (absence de dispositif dédié mais solutions juridiques existantes à adapter) ? Capital risque Objectif 5 : Mobiliser les acteurs et mettre en place la coordination locale du dispositif de reprise / transmission (dont ESS) : la sensibilisation des exploitants qui devront céder leurs terres dans les 15 années à venir ainsi que la mise en place de dispositifs d’accompagnement aux reprises d’activités de soutien financier apparaît indispensable pour maintenir ces activités 36 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
ième
5 principe d’action – Investir dans les filières d’avenir, porteuses de croissance durable pour l’économie manchoise
Comme l’introduit le rappel du contexte territorial et de ses évolutions possibles, la Manche dispose de nombreuses potentialités sous exploitées en matière de développement économique. Outre les éléments 100 abordés ci-avant , le domaine de la production d’énergies renouvelables devra être fortement investi dans les années à venir. Ce secteur pourrait être l’un des secteurs clé du développement de l’économie manchoise dans les années à venir. Il devra être abordé avec une approche de constitution / structuration de filière associant recherche, offre de formation supérieure, formation continue, production locale des installations productrices d’énergies, exploitation des gisements, … Notamment, la valorisation du potentiel en éolien off-shore et surtout du potentiel hydrolien apparaît être l’une des priorités majeures des années à venir. Les efforts d’investissement et de mobilisation déjà consentis en faveur des énergies marines renouvelables devront être poursuivis et accentués. Par ailleurs, un accompagnement de l’économie vers le développement des nouvelles technologies (recherche, innovation, apport de capitaux) pourrait être engagé. Le rôle qui pourra être joué par les collectivités territoriales à cet égard sera peu évident car ils ne disposent pas d’une forte capacité d’intervention. De manière plus transversale, il pourrait donc être intéressant de constituer un réseau manchois d’entrepreneurs / investisseurs attachés au développement économique de leur territoire et souhaitant s’impliquer dans une démarche plus globale de stratégie de capitalisation locale (ingénierie financière, business angels, fonds souverain territorial – régional ou départemental …) visant à soutenir et accompagner les projets d’entrepreneuriats sur le territoire manchois.
Principe d’action transversal : faire évoluer le modèle économique traditionnel vers une plus forte intégration des principes du développement durable notamment par la mobilisation des solutions offertes par l’économie sociale et solidaire
La vocation initiale de l’ESS est d’être le support d’un autre modèle de développement économique est de fournir des emplois pour une très grande part fortement ancrés localement et donc non délocalisables (cf. Principe d’action 1). Elle est aussi porteuse d’activités et de création de richesses au sein de secteurs majoritairement occupés par l’économie traditionnelle, en proposant une économie alternative, « circulaire » qui, contrairement à l’économie traditionnelle n’externalise pas certains de ses coûts. Il conviendra donc de « décomplexer l’ESS », notamment en réintégrant dans l’équation ses plus-values autres qu’économiques, notamment :
la prise en compte des enjeux liés à la préservation de l’environnement et à la lutte / adaptation au changement climatique;
des contributions pouvant être apportées par l’économie à des problématiques sociales et sociétales.
Au-delà de l’ESS qui ne pourra représenter qu’une part minoritaire de l’économie départementale, il conviendra de sensibiliser l’ensemble des entreprises manchoise à l’enjeu de leur contribution aux enjeux environnementaux et sociaux, ainsi qu’à la durabilité de l’économie manchoise (cf. Principe d’action 1). Devront notamment être recherchés :
100
Développement des potentialités offertes par le Port-de-Cherbourg, seconde transformation dans le secteur laitier, filière aval dans le secteur de la pêche, création de nouvelles activités liées à travers la valorisation de la chaîne de compétences du nucléaire: activités de recherche, formation / enseignement, secteur biomédical, …), rénovation et la modernisation du patrimoine bâti manchois. 37 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
une évolution des pratiques agricoles et piscicoles, le développement de l’agriculture biologique, l’inscription des filières dans des labellisations intégrant une charte environnementale, les mesures agro-environnementales, les démarches de management environnemental dans les entreprises, …
le développement du télétravail, les plans de déplacement d’entreprises, les diagnostics énergétiques des entreprises et exploitations agricoles, les installations productrices d’énergie renouvelables (méthanisation, bois bocager, photovoltaïque, …), …
une intégration des enjeux de réinsertion professionnelle, prise en compte du handicap, … dans les logiques de gestion RH des entreprises.
38 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
4 Dynamique démographique, attractivité et ouverture du territoire RAPPEL DES SOUS-THEMES
L’évolution de la pyramide des âges L’évolution de l’occupation du territoire par l’Homme (mobilités internes, arrivées de nouveaux habitants, …) L’attractivité, les atouts du territoire Les besoins de nouvelles populations La capacité du territoire à s’ouvrir vers l’extérieur (caractère insulaire) L’accueil de nouvelles populations
a. Le contexte territorial et ses évolutions possibles Le vieillissement de la population manchoise, une opportunité pour le département ? 101
La récente inversion de tendance démographique observée (+2,7% entre 1999 et 2007 ), notamment impulsée par un solde migratoire très positif chez les 55 – 64 ans (+8%) vient renforcer un phénomène 102 de vieillissement de la population, nettement plus marqué qu’au niveau national car déjà amplifié par une conjonction entre affaiblissement des tranches d’âges les plus fécondes (voir par ailleurs) et solde naturel quasi nul (+0,15%). 103
Néanmoins, comme Daniel REGUER en a réalisé la démonstration lors de l’atelier prospectif dédié au Faire 104 société ensemble , s’observe aujourd’hui un phénomène sociétal majeur et structurant dans la société française : l’allongement de la durée de vie en bonne santé et l’augmentation de la population âgée en bonne santé. Or, les enjeux usuellement associés au vieillissement de la population sont, encore aujourd’hui, presque exclusivement appréhendés sur leur volet santé / dépendance et trop souvent en termes de charge. Si ceux-ci sont incontournables et doivent faire l’objet d’une préoccupation forte de la part des pouvoirs publics et du monde associatif (voir encadré), le phénomène observé ouvre aussi des perspectives plus positives. L’arrivée de jeunes retraités : une opportunité pour le dynamisme économique et social de la Manche 105
L’arrivée de ces jeunes retraités, appartenant souvent à des CSP intermédiaires à supérieures et disposant donc de revenus intéressants pour le territoire, constitue une opportunité majeure pour la Manche et représente d’importants gisements d’activités autour de l’économie présentielle (tourisme, culture, loisirs, …) et donc d’emplois. Ils disposent du temps et de l’énergie nécessaire pour s’investir dans le milieu associatif et sont donc un vecteur potentiel d’une redynamisation de la vie locale (cf. thème 6). Les élus précisent que le rôle de ces retraités dans la société pourrait-être une participation accrue dans la vie publique (associations, conseils municipaux, etc…).
101
Contre +5,6% en moyenne nationale.
102
Hausse du nombre de décès de 55% depuis 2000 contre 1,5% au niveau national.
103
Daniel Reguer est sociologue.
104
Apportant quelques éléments de réponse à la question « Qu’est-ce que la vieillesse aujourd’hui? ».
105
Catégories Socioprofessionnelles. 39
Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
La localisation de ces arrivées, plutôt en zone rurale, plutôt en proximité du littoral (arrondissement d’Avranches et Coutances notamment), interroge cependant sur la réalité des potentiels d’emplois et activités nouvelles pouvant être générés. Afin de mesurer la réalité de ce phénomène, une attention particulière 106 devra notamment être portée à son évolution (ampleur, saisonnalité .) afin de mettre en place des actions 107 visant à répondre aux besoins émergeants de la domiciliation de ces nouveaux habitants à l’année . Plus globalement, l’évolution de la demande en matière de services et commerces de proximités, liés au vieillissement de la population, doit être considérée comme un levier important du développement de l’emploi dans les territoires manchois. L’enjeu clé sera donc la valorisation des opportunités en matière de nouveaux gisements d'activités, création d'emplois et de ressources pour la vie et les solidarités locales des territoires bénéficiant de cette attractivité pour les jeunes retraités (cf. Thème 3). Selon les élus du Conseil Général, si ce vieillissement est une chance notamment d’un point de vue économique (maintien des commerces et services - notamment d’aide à la personne) mais aussi pour le vivre ensemble (partage d’expériences, bénéfices de l’intergénérationnel, disponibilité dans l’implication sociale…), il est nécessaire de maintenir une vigilance car cela pourrait devenir un handicap à long terme (baisse des revenus des retraites, hausse des dépenses liées à la dépendance…). La mobilité des jeunes, un phénomène souhaitable dont il convient de bien mesurer les causes et d’apporter des réponses réalistes 108
Inversement, le constat partagé d’un solde migratoire négatif chez les jeunes étudiants et actifs semble, en l’état actuel, une menace en termes de dynamique territoriale. Selon les élus, si « le départ des jeunes est une chance pour eux de s’ouvrir au monde » ce n’est pas « une chance » pour le département ou seulement à condition que cela soit pour une courte durée ou que cela soit compensé par la venue de jeunes extérieurs au territoire. Les réunions organisées avec les habitants du département sont venues confirmer la prégnance du phénomène et l’inquiétude qu’il provoque au sein des populations locales. Cependant, c’est un phénomène dont il faut bien mesurer les causes et dont il convient d’apporter des réponses réalistes. L’importance de ce phénomène dans la Manche est notamment dû à la multipolarisation du territoire manchois, bénéficiant d’un réseau dense de ville moyennes, jouant le rôle de pôle de l’espace rural alentour, mais aucune métropole ne pouvant rivaliser, en termes d’attractivité, avec les métropoles régionales avoisinantes, Paris en tête (mais aussi Rennes, Caen, …). Si, ce maillage équilibré de bourgs centres peu constituer, à d’autres égards (voir par ailleurs), un atout pour la Manche, le caractère peu dense du territoire en termes de concentration des fonctions urbaines et métropolitaines, ne lui permet pas d’offrir à tous les jeunes manchois, des formations (Universités) ou emplois (cadres notamment) correspondant à leurs aspirations. Renforcer et promouvoir l’offre de formation supérieure connectée à l’emploi local 109
Malgré de bons taux de réussite des élèves aux diplômes nationaux , la Manche observe un faible niveau d’orientation des lycéens vers les filières de formation générales et professionnelles porteuses d’emploi localement. Cette situation a des répercutions inévitables sur l’insertion des jeunes au sortir de leurs études. De même, il existe une véritable problématique autour de la fuite des jeunes diplômés vers d’autres régions.
106
Conversions de résidences secondaire en résidences principales, évolution du solde population estivale / hivernale.
107
Services à la personne, offre d’activités de sports et loisirs adaptés, réduction de la disparité de l’offre de commerce / services saisonnière… 108
Entre 2002 et 2007, la Manche à subit un important phénomène de départ des 15-24 ans (-7770). La majeure partie des départs se font au bénéfice du Calvados, de la Bretagne et de l’Ile-de-France alors que les arrivants proviennent de l’Ile-deFrance (+4680), de la Haute-Normandie et de l’Orne.
109
En 2009, 88,2% de réussite au brevet et 78,9% au baccalauréat. 40
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110
Pourtant, avec plus de 5000 étudiants (en 2011), répartis sur deux sites principaux , la Manche propose une offre de formation supérieure significative et relativement bien connectée avec l’économie locale. 111 112 Globalement, si le site de Cherbourg est plus orienté génie industriel , celui de Saint-Lô (près de 2000 étudiants) présente une orientation agricole et agro-alimentaire spécifique, qui l’identifie comme « pôle 113 régional » de cette filière, avec notamment « le hall technologique de Saint-Lô – Thère » . Malgré ces nombreuses infrastructures, le constat au niveau de l’académie de Caen est sans appel. Celle-ci se ème classe au 28 rang sur 30 pour ce qui est de l’accès à l’enseignement supérieur, juste devant la Guyane et la Martinique. Deux enjeux peuvent donc ici être identifiés : - la création ou le renforcement des pôles d’enseignement supérieur de haut niveau liés à des structures de recherche tout en restant connectés aux atouts du territoire et besoins de l’économie locale (sur EMR, nucléaire, agroalimentaire, mer…); -la promotion de ces diplômes vers les étudiants et les chefs d’entreprises et leur diffusion dans l’emploi local. Les élus considèrent qu’il est nécessaire de s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour maintenir les jeunes dans le département. Néanmoins, avant d’envisager des solutions, visant à apporter des réponses adaptées à ce phénomène il est important de préciser que le départ de la région d’origine, est une étape normale du cycle de vie des jeunes, notamment ceux poursuivants des études supérieures. Il s’agit donc moins de lutter contre un départ des jeunes pour grande partie inéluctable (la Manche ne pourra jamais concurrencer l’offre d’études / emploi de l’Île-de-France ou d’autres régions) que de rechercher à réunir les conditions, pour que la Manche devienne, à sa mesure et en cohérence avec ses spécificités, ses atouts économiques, un territoire attractif, accessible et donc favorable à l’arrivée de jeunes originaires d’autres territoires et au retour de certains jeunes du département. Enfin, il doit être ici noté que le solde migratoire s’équilibre pour les 25-29 ans et redevient positif pour 114 les 30-54 ans (+2930 habitants ). Le fait de parvenir à attirer une part même très minoritaire de jeunes étudiants post-bac sur le territoire pourrait donc permettre d’obtenir un solde migratoire positif sur ces tranches d’âges les plus fécondes et d’opérer, par conjonction d’une amélioration du solde naturel, un rééquilibrage de la pyramide des âges manchoise.
110
Cherbourg-Octeville au Nord et celui de Saint Lô, à l’Est.
111
Sur Cherbourg présence: d’un IUT proposant 13 formations dont les 2/3111 trouvent directement écho au sein du tissu économique local ; d’une école d’ingénieur (génie industriel) ; des laboratoires de recherche (ex : L.U.S.A.C : Laboratoire Universitaire des Sciences Appliquées de Cherbourg) ; d’un centre d’innovation technologique (la Technopole Cherbourg Normandie, qui intègre un pôle « nucléaire » et un pôle « mer »). Cette offre est conforté par la présence d’autres centres de formation et de recherche à proximité, dont : l'I.N.S.T.N. (Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires), qui propose des formations dans le domaine de la maîtrise d'ambiance, l'institut de management industriel, Intechmer (l'Institut National des Techniques de la Mer qui fut le premier établissement supérieur implanté sur le territoire de la Communauté Urbaine compte 120 étudiants sur Cherbourg et propose des formations de Techniciens Supérieur de la Mer et un Bachelor Océanographe-Prospecteur), le centre d'instruction navale de Querqueville et l'école des applications militaires de l'énergie atomique, l'institut de formation en soins infirmiers, au centre hospitalier Louis Pasteur et l'école régionale des Beaux-Arts de Cherbourg (maintenant fusionnée avec Caen dans le cadre d’un EPCC).
112
Accueille une antenne de l’IUT de Cherbourg, prolongé par des licences professionnelles, auxquels s’ajoutent : une école de gestion et de commerce, un I.U.F.M. (institut universitaire de formation des maîtres), une antenne du C.N.A.M. (conservatoire national des arts et métiers), et l'I.F.S.I. (institut de formation en soins infirmiers). 113
La Manche Carte d’identité, DDTM, 2011.
114
Phénomène de retour dans la région d’origine notamment, souvent pour s’installer et fonder une famille. 41
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Même s’il est difficile d’en impacter l’évolution, cette question d’équilibre de la pyramide des âges 115 départementale, largement abordé durant les réunions habitants , en lien avec l’enjeu de répartition équilibrée de la population entre actifs et retraités identifié par les élus du Conseil Général ou encore avec les risques liés à une surreprésentation de certaines classes d’âge (culturels, politiques,…) identifiés par lors des COMEX, ne peut être éludée. b. Les réponses souhaitables Si la démographie ne peut se limiter à une vision quantitative de l’évolution de la population manchoise, et même s’il est difficile de fixer un objectif précis sachant que la démographie est plus le résultat de phénomènes que moteur en termes d’évolution du territoire, il apparaît nécessaire de se poser ici la question des futurs souhaitables pour la Manche, en la matière. Selon les conseillers généraux, un scénario de croissance modérée et limitée de la population est à privilégier avec une augmentation maximale de 10% d’ici à 2030 (soit 550 000 habitants).Néanmoins, le 116 vieillissement de la population constaté entraînant une diminution du nombre des actifs , un second scénario de croissance démographique plus ambitieux, permettant de compenser la perte de ces actifs serait alors souhaitable. Néanmoins, les élus estiment qu’il existe un seuil au-delà duquel, le nombre d’habitants viendrait en conflit avec un développement durable du département, ses atouts, son identité. Au-delà de la détermination du scénario démographique, l’enjeu est de bien comprendre et mesurer les conséquences de ce choix sur l’évolution du territoire, le vivre ensemble et la qualité de vie dans la Manche. Et de comprendre également que les choix faits en matière d’urbanisation, d’offres d’habitat, de services de formation, entre autres, vont influer sur les flux démographiques. Plus qu’un objectif quantitatif, qui n’aura vocation qu’à donner un ordre de grandeur par rapport à des besoins identifiés, cette question démographique devra donc être inscrite dans un projet de développement du territoire départemental visant à apporter une réponse aux enjeux identifiés sur l’ensemble des thèmes abordés précédemment et décliné au sein des documents de planification existants (notamment les SCOT et le PDH) puis par l’intermédiaire de projets pouvant contribuer à l’ouverture, l’attractivité et la qualité de l’accueil… de la Manche: Cette recherche de croissance démographique devra donc contribuer…
au renouvellement des actifs : chefs d’exploitations agricoles, artisans, commerçants, chefs d’entreprise, professions libérales et cadres de l’administration (thème 3). Plus spécifiquement, des réponses devront être trouvées à l’enjeu de maintien et de renforcement de la présence médicale sur le territoire ;
à la création d’activité et d’emplois liés au développement de l’économie présentielle (cf. Thème 3): les gisements d’emplois de différentes natures (services de santé, à domicile, loisirs, sports, …) représentés par l’afflux de jeunes retraités devront être valorisés. L’économe sociale et solidaire pourrait être un point d’ancrage pour une partie de ceux-ci;
à la dynamisation de la démographie endogène (solde naturel) : l’effet recherché sera in fine, par l’intermédiaire d’un « retour » ou d’une augmentation de l’arrivée de jeunes couples « en âge de procréer », une hausse de la natalité ;
au maintien de populations, services publics et commerces de proximité dans les territoires en déprise : en lien avec l’objectif de renforcer les centralités (cf. Thème 1) la canalisation des nouveaux
115
« 16 % des habitants ont + de 90 ans », « Les jeunes refont la Manche: 2030 25% de la population entre 25 et 35 ans », « Rajeunir la Manche », « Recherche jeunes pour vivre dans le sud manche », « La Manche terre d'accueil: de nouveaux habitants venus du monde entier ».
116
D’après les statistiques INSEE, une diminution du nombre des actifs est à prévoir. 42
Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
flux d’arrivants souhaités sur le territoire en proximité des centres -bourgs ruraux devra engendrer une hausse des revenus domiciliés et ainsi une redynamisation de l’économie locale (cf. Thème 3);
à la dynamisation de la vie locale (associative, …) et au renforcement des liens de solidarité / proximité entre habitants (cf. thème 6) : l’arrivée de nouveaux habitants devra être accompagnée afin de favoriser leur intégration au sein des réseaux associatifs et citoyens locaux. Elle pourrait être favorisée par …
le développement d’une stratégie de communication et de marketing territorial visant à donner une plus grande visibilité à la Manche en tant que territoire de résidence possible (pour des personnes souhaitant s’éloigner des métropoles françaises et notamment de l’Île-de-France);
l’amélioration de l’accessibilité des commerces et services de proximité à travers une recherche de densification et de reconquête démographique des centralités manchoises (cf. Thème 1);
la modernisation et la rénovation thermique de l’habitat manchois ancien et la création d’un nouveau modèle pavillonnaire attractif alliant économie d’espace, espaces extérieurs partagés et insertion dans le fonctionnement urbain des bourgs-centre manchois (cf. Thème 1),
l’amélioration de la desserte du territoire en transports en commun et leur intermodalité (cf. Thème 2) ;
le développement des solutions alternatives au recours individuel à la voiture (cf. Thème 2)
le développement de la qualité de l’infrastructure TIC et des usages possibles notamment ceux permettant une réduction des besoins de déplacements (cf. Thème 2) ;
le soutien aux projets de reprises d’activités existantes (agricoles, entrepreneuriaux, …) ou plus simplement les besoins de remplacements liés aux départs en retraite (médecins, fonctionnaires, …) (cf. Thème 3);
les créations d’emplois liés au développement économique du territoire et notamment les investissements dans les filières à potentiel (cf. Thème 3).
le renforcement et la promotion d’une offre de formation attractive connectée aux filières 117 économiques existantes ou en devenir (notamment en lien avec le développement durable );
…
117
Les titres concernés proposaient notamment : « Un pole universitaire pour des experts en DD », « Une université et un centre de recherche sur les EMR », « Une ferme école photo voltaïque ouvre deux nouvelles formations: cultures vivrières et bio énergies », « 15e promotion du centre de formation aux énergies marines. On refuse du monde »… 43 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
5 La gouvernance territoriale RAPPEL DES SOUS-THEMES
La relation entre le citoyen et l’élu L’exercice de la citoyenneté, la co-construction de la décision publique / politique et la démocratie participative L’organisation intercommunale La coopération entre territoires, les relations entre élus et les projets structurants Le rôle des réseaux dans l’expertise territoriale, la maîtrise d’usage et l’aide à la décision La réforme territoriale et l’acte 3 de la décentralisation La capacité de prise de recul, de mobilisation d’expertises de haut niveau pour éclairer la décision publique a. Le contexte territorial et ses évolutions possibles Un enjeu de meilleure cohabitation des aspirations des habitants et acteurs du territoire La démultiplication des conflits d’usage et concurrences sur l’utilisation de l’espace sur le territoire manchois, 118 pose la question de la cohabitation des aspirations des notamment en zones périurbaines et littorales habitants et acteurs du territoire. La définition actuelle d’un projet de territoire, partagé par l’ensemble de ses forces vives et proposant, pour chaque enjeux clés un plan d’action à mener apparaît donc être une initiative pertinente. Un enjeu d’optimisation et de renouvellement de la gouvernance territoriale, un élargissement des échelles d’intervention doit être envisagé En matière de gouvernance territoriale, le territoire vécu et le territoire politique ne coïncident pas toujours. 119 Malgré une couverture quasi-totale par des EPCI à fiscalité propre , s’observe par ailleurs une démultiplication de structures de coopération intercommunales émiettées et contrastées qui entraîne un phénomène d’éclatement de l’espace manchois ce qui est « source de coût et de confusion pour le 120 citoyen » . Au-delà de la question de la cohabitation des usages des espaces, il sera donc nécessaire de trouver des réponses en matière d’échelle d’intervention de la gouvernance locale, sujet abordé à plusieurs reprises par les habitants lors des réunions territoriale. Parmi les visions prospectives exprimées par les habitants, une idée forte est revenue, remplaçant les actuelles communes par les EPCI et regroupant les EPCI autour d’un petit nombre de territoires élargis (le Cotentin, …). Au vu des évolutions récentes en matière de revenus des collectivités territoriales et de la nécessité d’optimiser la pertinence et l’efficacité de l’utilisation des deniers publics, l’enjeu d’élargissement 121 des échelles d’intervention et d’amélioration des partenariats et projets inter-territoriaux est partagé par une majorité d’habitants et acteurs. Cet enjeu d’optimisation de la gouvernance territoriale devrait en partie trouver réponse avec la nouvelle carte des EPCI.
118
Habitat, agriculture, loisirs / tourisme / plaisance, projets éoliens / hydroliens, activités portuaires, conchyliculture, sites protégés, … 119 120 121
99% des communes. Selon les rédacteurs du schéma départemental de coopération intercommunal de la Manche. Pôles de recherche / enseignement / innovation, économie, politique de transports, projets de mutualisation de services,
… 44 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
Lors de l’atelier prospectif dédié à la gouvernance, Jean-Marie Naël donnait quelques éclairages intéressants sur la question de l’échelle de la gouvernance territoriale dans la Manche : -une « précocité de l’intercommunalité » qui rend aujourd’hui difficile de faire bouger les lignes ; -certaines EPCI créées en opposition aux pôles urbains situés à proximité ; -la priorité qui doit être donnée au projet et non aux limites administratives ; -la nécessité d’articuler les échelles de la gouvernance territoriale avec la logique des bassins de vie. Sa prise en compte pourrait notamment permettre de structurer l’espace des villes moyennes et de renforcer les liens économiques entre territoires. Ainsi, Sophie BARBOT, parlait, lors de l’atelier « Nouvelles activités, nouveaux besoins », d’un « empilement des structures et conflits d’intérêt qui empêchent le renforcement des liens économiques entre territoires ». De fait, la qualité des relations entre élus des territoires ne facilite pas le renforcement de la coopération entre territoires et la mise en place de partenariats entre intercommunalités enjeu majeur de la période actuelle. Jean-Marie Naël : « attention aux agrandissements non consentis: mieux vaut un petit périmètre où les élus ont le souhait de travailler ensemble. » Un enjeu de reconstruction de la relation entre le citoyen et l’élu En lien avec le paragraphe précédent, la gouvernance des territoires à connu d’importantes évolutions 122 ces 30 dernières années avec les lois successives de décentralisation territoriale pour aboutir à une organisation parfois trop peu efficiente et difficile à appréhender pour le citoyen qui ne sait plus « qui fait quoi ? ». A cet égard, la réforme de 2010 avait notamment pour objectif de « réaliser des économies substantielles de gestion et de réduire le "mille-feuilles" territorial qui caractériserait la France » (trop de niveaux d’administrations locales, trop de collectivités territoriales). Le COMEX, considère que cette complexité et notamment la perte de souveraineté communale au bénéfice de l’intercommunalité a eu pour effet « de créer un sentiment d’opacité » et d’éloigner les citoyens de leurs instances de gouvernance territoriale et identifie « des signes de rupture avec la gouvernance de la part de ses habitants » et le besoin d’une « reconstruction de la relation entre le citoyen et l’élu ». De fait, la relation de proximité qui doit prévaloir s’est progressivement réduite et les élus du COMEX regrettent que «les moments de communication entre habitants et élus des communes se raréfient » alors qu’ils ressentent, un « besoin de communiquer » de la part d’électeurs « qui deviennent de plus en plus consommateurs ». L’un des enjeux clé des années à venir sera alors de clarifier, auprès des citoyens, sur la base d’un schéma simplifié et pédagogique, le fonctionnement des instances de gouvernance territoriale. L’Acte 3 de la décentralisation prévu en 2013, devrait encore renforcer l’intercommunalité (plus de compétences obligatoires, transfert des PLU, compétence mobilité durable…) et plus largement, selon le COMEX «modifier largement la gouvernance manchoise». Pour le COMEX, ces évolutions devraient permettre une amélioration de l’efficacité de l’action publique dans les territoires à travers de nécessaires mutualisations des moyens. Elles interviennent néanmoins « dans une période où des mutations profondes vont se produire et de grandes décisions vont devoir être prises» qui seront déterminantes pour le futur et nécessiterons d’importants changement de posture. Si les décisions reviendront aux élus, elles devront, sous peine de creuser encore le fossé avec les citoyens, être renforcées à travers la mobilisation plus systématique de l’expertise du territoire, de la « maîtrise d’usage » et des innovations émanant de l’initiative des citoyens. 123
Lors de l’atelier prospectif dédié à la gouvernance, Christophe BOUTIN , pointait notamment le rôle de l’information et son accès pour donner au public la possibilité d’intervenir s’il le souhaite ainsi que la-possibilité de lancement de référendum par les collectivités.
122
Acte I de la décentralisation, avec notamment la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions et Acte II avec la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, relative à l’organisation décentralisée de la République 123
Politologue, Docteur en sciences politique et agrégé de droit public, professeur à l’Université de Caen. 45
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Un enjeu de partition et d’organisation des compétences entre la Région et les Départements L’acte 3 de la décentralisation semble confirmer l’existence de 3 compétences partagées : le tourisme, la culture, le sport. Cette confirmation nécessitera d’établir une clarification et une partition de ces compétences partagées dans un souci de cohérence et d’efficacité. Ce processus peut être porteur de nouvelles modalités d’intervention qu’il conviendrait d’anticiper. Enfin, le projet de loi, au-delà de la question du partage des compétences pose le principe de la cohérence des interventions par rapport aux schémas stratégiques existants ce qui peut influer sur les modalités d’attribution des aides.
b. Les réponses souhaitables Les constats et enjeux rappelés ci-avant permettent d’identifier deux principaux axes de progrès dans la gouvernance des territoires manchois :
Axe 1 - Un projet qui devra être porté par une gouvernance territoriale renouvelée 1.1 Un nécessaire renforcement de la cohérence des politiques publiques menées sur les territoires Le contexte actuel de raréfaction des deniers publics renforce la nécessité d’une recherche d’optimisation des effets leviers de l’action publique et donc d’une réflexion concertée pour une meilleure convergence de l’action menée. Les évolutions récentes ou à venir, dans le cadre des projets de réformes des collectivités territoriales notamment, créent différents outils, dont il faudra se saisir et qui permettant d’améliorer cette cohérence des interventions entre les différents échelons territoriaux :
la loi de réforme des collectivités territoriales de Décembre 2010 pointe des problèmes de sureffectifs ou de doublons entres les différents échelons territoriaux de l’action publique et encourage notamment la mise en place de schémas de mutualisation des ressources, compétences et services entre Conseil Régional et Conseils Généraux;
la loi de décentralisation en préparation va renouveler le pacte territorial entre l’Etat et les 124 collectivités territoriales et notamment créer les conférences territoriales des compétences , pour une meilleure gouvernance de l’action des collectivités d’un territoire.
Dans cet esprit, le Conseil Général de la Manche a sollicité la Région afin de définir les modalités d’une convergence des moyens d’action d’aménagement sociétal sur un niveau de « découpage » territorial commun, restant à définir. Le COMEX confirme ce besoin d’une cohérence renforcée : par exemple, le niveau d’association du Département aux démarches de définition des SCOT ou chartes de Pays, en tant que documents d’orientation stratégique de l’action publique est insuffisant. De fait, s’ils interviennent à une échelle infra départementale, ils se doivent néanmoins de s’intégrer à une vision locale des enjeux, une perspective territoriale plus élargie et interagir avec les orientations déterminées aux niveaux territoriaux au sein desquels ils 125 interviennent . Le COMEX précise néanmoins que deux approches, horizontale et verticale, doivent être identifiées, eu égard à la logique de fonctionnement des politiques: le SCOT est un bon périmètre pour les politiques de 124
Ces instances devraient amener les collectivités à travailler ensemble et à collaborer pour arriver à la signature de conventions organisant les interventions de chacun et désignant les chefs de file. L’idée est d’éviter l’écueil de la nonprescription et donc bien souvent de l’inapplication des schémas régionaux du fait des principes constitutionnels de libre administration des collectivités et de non-tutelle d’une collectivité sur une autre. La création de conférences territoriales permettrait ainsi de donner un cadre institutionnel aux actuelles conférences régionales des exécutifs et de mettre en place une gouvernance nouvelle « où chaque exécutif aura l’occasion d’exprimer son point de vue ». Chaque territoire pourrait donc choisir son organisation. 125
En prendre connaissance, les appliquer lorsqu’elles sont pertinentes et assurer une remontée d’information si le diagnostic est jugé incomplet. 46
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logement, de gestion de l’espace, … dans une approche verticale alors que le lien social nécessite l’existence d’un réseau et d’une veille de proximité, mobilisant une logique plus horizontale. . 1.2 Pour une adaptabilité des périmètres intercommunaux à la nature des projets de développement territorial Concernant la gouvernance des projets de territoire à l’échelle intercommunale, le diagnostic pointe différentes faiblesses dans l’organisation actuelle : périmètres peu pertinents car trop réduits, carte intercommunale atomisée ou incohérente avec les logiques de fonctionnement des territoires, manque d’ingénierie, renouvellement nécessaire des élus… Si des réponses devront être trouvées, au cas par cas, à ces différents écueil, les réflexions du COMEX ont permis de dépasser, en lien avec les opportunités offertes par la loi de décentralisation à venir, le cadre strictement administratif de la gouvernance des territoires. Si la question du niveau territorial est centrale, le COMEX considère néanmoins que les actions d’aménagement sociétal peuvent s’appliquer à des périmètres variables et que « c’est la nature du projet qui doit définir l’échelle d’intervention ». Il convient donc de préférer aux structures administratives (EPCI), un portage informel et des dispositifs de travail en commun présentant une certaine souplesse et capacité d’adaptation du périmètre d’intervention par rapport à la nature des projets menés. Leur dynamisme nécessitera néanmoins que les intercommunalités regroupées au sein de ces instances de gouvernance aient envie de travailler ensemble. Cela nécessitera peut-être une co-construction de leurs périmètres en fonction des « territoires vécus » et qu’ils puissent être adaptés en fonction des thématiques. Selon le COMEX « Les dynamiques territoriales sont un héritage de l’histoire et en constante évolution. Le fait politique ne fait qu’acter une pratique constatée à postériori. Un périmètre ne peut donc objectivement être déterminé dans l’absolu, il doit être dynamique et il ne faut surtout pas se figer sur une limite territoriale qui pourrait devenir paralysante». Par ailleurs, selon l’INSEE, la structure du territoire manchois favorise un fonctionnement à l’échelle de petits bourgs ruraux, qui rend plus difficile de déterminer les logiques de bassins de vie. Il s’en retrouve relativement atomisé et la possibilité d’une géométrie variable des périmètres d’intervention apparaîtrait être une solution pertinente afin de laisser la possibilité aux communes de s’inscrire où non dans un projet. Ces partenariats entre intercommunalités ne seront possibles qu’à travers une amélioration des relations entre élus et l’arrivée de nouveaux élus dans certains territoires pourrait être un facteur favorisant. Les conseillers généraux considèrent que l’amélioration de la gouvernance du territoire passera aussi par une évolution vers un mode de scrutin direct en remplacement du système de délégation actuel. Le renforcement des capacités d’ingénierie dédiées au portage des projets de territoire sera aussi un facteur clé de l’efficacité et de la qualité des politiques mises en œuvre. 1.3 Le Conseil général comme interface et garant de la cohérence globale de l’action publique sur son territoire Le Conseil Général devra proposer des périmètres pour les conférences territoriales (Pays, SCOT, bassins de vie ou zones d’emploi au sens INSEE, …) mais aussi agir à son niveau car il ne mène pas toujours ses interventions aux mêmes échelles. Son positionnement pourrait être celui d’interface territoriale recherchant une convergence des différents financements existants (Europe, Etat, Région) et ainsi augmenter sa capacité à guider l’action vers l’intérêt départemental (lui-même définit en cohérence avec les orientations supra). Les « doctrines » définissant la vision et l’intérêt départemental restent à décliner dans la plupart des domaines d’intervention concernés (social, sport, culture, aménagement du territoire,…). Dans l’optique du renouvellement de ses contrats avec les territoires, afin d’être force de proposition et de ne pas intervenir à postériori, une fois les stratégies de développement locale définies, le Département gagnerait à définir sa vision départementale et ses éventuelles déclinaisons territoriales en y associant les acteurs concernés. Il sera nécessaire de construire une coopération réelle : l’interface doit avoir une valeur ajoutée le Département pourrait ainsi accompagner la définition des projets de territoires et leur mise en œuvre, en jouant un rôle de veille sur des sujets de société clés, d’animateur et de conseil. Cela demandera néanmoins une présence territoriale plus importante et pose la question de l’ingénierie territoriale. 47 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
Axe 2 - Un nouveau modèle de co-construction de la décision politique Dans un territoire très diversifié, à la fois humainement et géographiquement, parvenir à faire mieux cohabiter les aspirations des habitants et acteurs du territoire et regagner l’adhésion des citoyens nécessitera la mise en place de processus de décisions partenariales à l’image des territoires. L’avènement de l’Acte 3 de la décentralisation pourrait donc être l’occasion de mettre en place des démarches de participation (information, consultation, concertation) à destination des citoyens à l’échelle des territoires manchois et d’inventer de nouveaux modèles de gouvernance de proximité (les conseils de quartier à Cherbourg, les travaux en ruche, des forums citoyens…pour exemples) afin « d’amener les territoires à se mettre en réflexion » et recréer du lien entre citoyens, élus et citoyen mais aussi entre élus. Cela nécessitera néanmoins de faire sortir le citoyen de sa position de consommateur (demandes très localisées et individuelles) notamment à travers une prise de recul sur les enjeux clés des années à venir à une échelle territoriale élargie et d’éviter les écueils habituels de ce type de démarches : ne se mobilisent que les associations et riverains impactés par le projets, les élus ou citoyens frustrés, … et s’en écarte la majorité des gens que l’on souhaite associer. Alors que le discours des dernières décennies encourageait le citoyen à se reposer sur ses représentants élus (« ne vous inquiétez pas on s’occupe de tout »), on constate aujourd’hui un déficit important en matière de jugement porté sur les politiques menées (personne ne joue le rôle de « baromètre »). Si la question de la formation des citoyens aux démarches participatives doit aussi être un sujet à prendre en compte on constate néanmoins une inversion de la « présomption d’incompétence », et certains administrés en savent plus que les élus ou techniciens. Ces savoirs citoyens doivent être écoutés et mobilisés à travers un meilleur partage de la chose publique : « Les gens ne sont pas un problème, ils sont la solution.». Se pose donc la question des modes d’implication des acteurs du territoire et de la reconnaissance du rôle de l’expertise d’usage. Cette nécessaire remobilisation des citoyens dans la sphère de l’action publique sera un travail de longue haleine. A cet égard, il est difficile d’avoir une position unique. Une incitation aux démarches de démocratie participative dans les contrats de territoires pourrait être un levier. Le Département devra être force de proposition en termes de méthode de participation (technique de la ruche, …). La mobilisation des réseaux (d’habitants, associatif et des acteurs socioprofessionnels) dans l’expertise territoriale (analyse des besoins) et l’aide à la décision pourrait être l’une des clés du bon fonctionnement de ces instances. Le mode de er l’expérimentation pourrait être favorisé dans un 1 temps dans le cadre de la renégociation des contrats de territoires. Une articulation devra aussi être trouvée entre gouvernance et participation des publics exclus. Comment faire participer ceux qui ne participent pas ? Il faut les mettre au centre des dispositifs de participation et des sujets traités. Le Conseil Général se devra d’être porteur de ces alertes dans les négociations des projets de territoire. L’élu conservera néanmoins la responsabilité de la décision et, afin d’éviter les frustrations il sera nécessaire de préciser la « promesse de participation » : ce que l’on attend du citoyen ? Ce qui est négociable ? Ce qui reste du périmètre de l’élu ? Selon les élus, il serait nécessaire de renforcer le rôle des citoyens dans la gouvernance à travers une posture d’élu fédérateur des habitants de son territoire.
Concernant la gouvernance des risques, elle est peu évidente du fait de leur variabilité (diffus, choisis, accidentels, … environnementaux, sanitaires, sociaux, …). Par ailleurs, certaines questions liées aux risques sont un problème de niveau national (nucléaire). Inversement, l’application, très stricte dans la Manche, d’une règlementation du risque très exigeante peut-être un facteur limitant du développement du territoire. La capacité du territoire à maîtriser ces procédures administratives, nombreuses dans le cadre de grands projets est aussi une force. L’entrée pertinente au niveau territorial concernant les risques serait plutôt éducative : culture du risque, formation des médecins aux risques santé-environnementaux, …. Un éclairage pourrait être apporté à la décision publique à travers la création d’un Conseil Scientifique Le COMEX considère que la production en continu d’une connaissance pertinente pour l’appréhension des enjeux du territoire et de leurs évolutions est une condition préalable à la bonne orientation des politiques publiques. La mise en place d’un conseil scientifique permettrait d’introduire des éclairages 48 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
nécessaires à la décision politique. Celui-ci pourrait mobiliser des réseaux d’experts mais aussi de citoyens et se réunirait à échéance régulière afin de « mettre à jour » la vision de leur territoire des élus du Conseil Général.
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6 L’épanouissement individuel et les cohésions sociales RAPPEL DES SOUS-THEMES
Le rôle du tissu associatif et de sa mise en réseau comme facteur de cohésion sociale Le vivre ensemble, le lien social et les solidarités de proximité La lutte contre l’accroissement des précarités et des vulnérabilités et robustesse du territoire face à un contexte de crise durable Le rôle de l’ESS dans le soutien aux forces vives locales et la consolidation des solidarités L’accès aux services de santé, à l’offre culturelle, sportive et de loisir pour tous a. Le contexte territorial et ses évolutions possibles La solidarité manchoise est-elle en danger ? Si les élus du Conseil Général, font le constat d’une disparition des anciennes formes du vivre ensemble (célébrations religieuses, de fêtes de villages, de marchés…), les échanges du COMEX ont permis d’identifier le maintien de relations humaines de proximité comme une force de ce territoire (« La Manche porte dans ses gènes une cohésion sociale réussie »), d’appréhender le sentiment de perte du lien social exprimé lors des réunions habitants plus comme un risque pour les années à venir que comme une réalité. Néanmoins, les élus s’accordent à dire que « dans certaines communes le lien social se fait bien et dans d’autres mal» et certains signaux semblent annoncer une évolution des comportements « On observe des tempéraments individualistes incroyables. ». Plus globalement, malgré le maintien d’une solidarité et de liens entre habitants, le COMEX identifie une perte de contact avec certains « groupes » (les ados, les personnes très âgés, les jeunes couples, les précaires, …) et une difficulté à prendre contact avec les nouveaux habitants qui peut s’expliquer de manières différentes : difficultés à se déplacer, difficulté à communiquer, réflexe d’auto-exclusion, incapacité à mobiliser du temps pour l’échange de proximité, ... C’est une évolution majeure dans ce qu’Edith HEURGON décrit comme une société en mutation, entre mondialisation et évolution des modes de vie et manières d’habiter les territoires, et dans laquelle les personnes s’individualisent, recherchent des bonheurs privés plus que des engagements collectifs. Dans une société mosaïque où, à l’intérieur d’une même génération, on observe une démultiplication des sources d’intérêt, où les rythmes quotidiens s’accélèrent et se désynchronisent, il devient de plus en plus nécessaire d’organiser des lieux et temps de rencontres entre habitants. En matière de solidarités et de vivre ensemble, l’un des enjeux clé pour la Manche, sera donc de parvenir tout à la fois à consolider la solidarité existante et à développer / recréer des liens de solidarité entre habitants et générations notamment anciens et nouveaux arrivants, en favorisant les initiatives permettant un partage des cultures, modes de vie, savoir-faire, … Lors des réunions territoriales, les habitants ont notamment identifié la nécessité de recréer des liens intergénérationnels et se sont inquiétés du risque d’isolement des populations les plus âgées. Si le facteur démographique est important, le facteur comportemental l’est tout autant et le renforcement des solidarités passera par une démultiplication des échanges entre habitants. Vers un creusement des inégalités et un renforcement des situations de vulnérabilités Au-delà de l’enjeu de bonne cohabitation et de cohésion entre habitants du territoire, la période actuelle, marquée par les crises successives (économique, financière, budgétaire, …) connaît une situation économique difficile qui pourrait se maintenir au moins pour les 20 prochaines années et rejaillit de plein fouet sur les publics professionnellement et socialement les plus fragiles. Pour illustrer ceci, notons que le territoire (notamment le Sud Manche) connaît un taux de suicide pus élevé qu’en moyenne, notamment lié à certains déterminismes sociaux (personnes plutôt âgées, moins qualifiées, …). Des indicateurs d’alerte 50 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
existent et le nombre d’allocataires du RSA est passé de 1, 5 millions en Juin 2009 à 2 millions en Décembre 2011 soit une augmentation de 37% en deux ans et demi. De fait, cette diffusion et ce creusement des inégalités sociales posent la question des outils existants et de la capacité à les appréhender au sein des territoires. Selon le COMEX, les problématiques sont de plus en plus nombreuses et grandissantes et si des capacités de diagnostic et d’accompagnement existent, elles restent relativement dispersées. Notamment, il apparaît aujourd’hui que les services proposés aux demandeurs d’emploi (pôle emploi, …) ne permettent de répondre de manière satisfaisante aux problématiques auxquelles ils sont confrontés. Plus globalement, le COMEX identifie une difficulté de la société à appréhender les situations de vulnérabilités, notamment liées à des fragilités culturelles, sociales ou humaines pouvant amener un individu à être marginalisé. L’enjeu de veille, suivi et accompagnement des publics les plus en difficulté devrait encore se renforcer dans les années à venir et nécessitera une mobilisation importante de la société civile. Le développement de solidarités nouvelles face au chômage de type réseau de parrainage autour de pôle emploi (associations d’aide aux personnes en recherche d’emploi, …) pourrait permettre de renforcer et compléter l’accompagnement des personnes en difficulté. L’objectif de plein emploi est souvent un mirage qui fait occulter les notions d’activités et d’utilités. Concepts qui peuvent être de véritables objectifs pour certains publics s’ils sont valorisés. In fine, la crise actuelle doit être le révélateur de l’importance de l’enjeu de maintien des liens et réflexes de solidarité entre habitants et de l’existence d’un réseau actif et dense, au-delà de l’associatif, permettant le repérage et l’accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité sociale. Une conjonction entre vieillissement et baisse de la démographie médicale dans les zones les plus rurales du territoire 126
Du fait de « l’attractivité déclinante » de certaines zones rurales pour les professionnels de santé , près de la 127 moitié du département présente un état de « sous médication » inquiétant car conjugué à des « perspectives de cessations d’activités des médecins » ainsi qu’à celle d’un vieillissement important de la 128 population à l’horizon 2030 , permettant d’anticiper une augmentation sensible des besoins de santé. Dans la mesure où l’offre de soins est « un paramètre concourant indéniablement à la qualité de vie au sein des différents territoires et à l’attractivité de ceux-ci », c’est un facteur de développement social et 129 économique qui requerra une attention d’autant plus marquée dans la Manche afin de ne pas freiner la dynamique d’attractivité observée. Le maintien d’une présence médicale et de services de soins accessibles, notamment pour les personnes âgées, sera un enjeu clé du territoire pour les années à venir. L’offre d’hébergement pour personnes âgées est relativement «bien répartie sur le territoire »
126
A l’exception de quelques constats encourageants pour les services de soins infirmiers à domicile pour lesquels la Manche possède un taux supérieur à la moyenne nationale (23,55‰ habitants de 75 ans et plus, alors que la moyenne nationale est de 16,13‰). 127
En particulier l’isthme et la côte est du Cotentin et un couloir situé au sud-ouest, allant de Tessy-sur-Vire au Teilleul
128
Les plus de 60 ans constitueront 40% de la population manchoise.
129
Les professions de santé en Basse-Normandie, CESER, 2011. (p.4) 51
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130
Autre enjeu clé associé, les dispositifs de maintien à domicile et de prise en charge en établissement devront être à la hauteur des besoins. A cet égard, la Manche dispose d’une offre d’accueil relativement 131 homogène et supérieure à la moyenne nationale . Par ailleurs, le Département positionne l’aide aux personnes âgées comme une priorité132 et s’est engagé dans des démarches volontaristes pour améliorer la qualité de vie de ses séniors ou futurs séniors133.
b. Les réponses souhaitables Différentes solutions peuvent être envisagées afin de répondre aux enjeux identifiés ci-avant. Le COMEX considère nécessaire de « trouver un vecteur de lien entre habitants » qu’il soit humain (médiateur, élu, …), physique (lieux de rencontre), démocratique (comités de quartier), ou encore consiste en l’organisation de moments de rencontres de type évènementiels (fêtes de quartiers, téléthon …), … Un nouveau vecteur de lien « économique », identifié durant les réflexion du COMEX se retrouve dans l’ensemble des pratiques dont la finalité est la partage des coûts liés à la vie quotidienne. Par ailleurs, les enjeux liés au vieillissement de la population (offre de santé / soin et son accessibilité, maintien à domicile ou accueil établissement adapté devront trouver des leviers d’action au sein des politiques mises en œuvre dans les territoires ruraux.
Vecteur de lien n°1 – le réseau de veille et la méd iation
Le réseau de proximité : échelle communale et intercommunale L’élu local est un acteur majeur de la « médiation » entre habitants. Selon le COMEX, « l’échelle actuelle de la gouvernance permet la proximité des élus et l’existence d’une veille locale ». Elle serait cependant menacée en cas de distanciation entre l’élu et son territoire possible voir probable dans le contexte d’un renforcement du niveau intercommunal (Acte 3 de la décentralisation - voir thème 5). L’élu ne peut cependant être le seul à assumer cette charge car la médiation nécessite, dans le contexte d’une société mosaïque, la mobilisation d’une « chaine de solidarité » notamment constituée par le réseau associatif permettant à l’élu ère d’être informé des problématiques que rencontrent ses administrés. Cette 1 approche, nécessite donc qu’un réseau de veille et de solidarité fonctionne en lien régulier avec les élus du territoire et donc l’existence et la mobilisation d’un réseau associatif dynamique. Selon le COMEX, il est possible de créer ce réseau, notamment à une échelle intercommunale avec le réseau de médiateurs sociaux (coordonnateur du contrat éducatif local, …). La difficulté étant d’identifier ce maillage de médiateurs pouvant être mobilisés et éventuellement d’harmoniser les compétences. Le réseau départemental Selon le COMEX, la Manche est un département où on observe une volonté de réussite de la cohésion sociale mais où les initiatives sont trop désorganisées. Certains Centres Communaux d’Action Sociale disposent de peu de moyens et ont des difficultés à s’articuler avec des politiques départementales qu’ils méconnaissent. Le rôle du CCAS est aujourd’hui de faire de l’animation sociale et pas uniquement d’être le
130
Visant la préservation, le plus longtemps possible, de l’autonomie des personnes.
131
D’après le Schéma départemental en faveur des personnes âgées, l’offre d’hébergement est relativement «bien répartie sur l’ensemble du territoire (…), la Manche bénéficiant aujourd’hui d’un excellent maillage territorial en terme d’équipement ». De même, la politique de maintien à domicile « à fait l’objet d’efforts importants de la part du département et des acteurs de terrain ». Le département bénéficie d’un taux d’équipement en lits autorisés dans les structures d’accueil pour personnes âgées supérieur au niveau national (150‰ pour le département contre 127,18‰ au niveau national)131. Il en va de même pour le taux en lits médicalisés qui est de 123‰ alors que la moyenne nationale est de 88,79‰131. Le département s’est également doté d’un ensemble de structures de coordinations qui visent à structurer les acteurs autour des thématiques liées à l’accompagnement des séniors. 132
http://www.manche.fr/senior/bien-vieillir.asp.
133
Cette synthèse est réalisée à partir du Schéma départemental d’organisation sociale et médico-sociale en faveur des personnes âgées 2008-20013, Conseil Général de la Manche, 2008. Et à l’aide du site internet senior.manche.fr 52
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guichet d’aide sociale. Il serait donc nécessaire de construire un plan global et cohérent à l’échelle départementale mais cela nécessiterait la mise en place d’un projet social de territoire définit en concertation entre les acteurs des politiques sociales. Le bon fonctionnement de ce projet nécessitera qu’il soit décliné territorialement au niveau des bassins de vie de proximité jusqu’à la plus petite maille géographie ième génération de contrats de (quartier, hameaux, bourg, …). Ces projets pourraient être intégrés à la 3 134 territoire (prévue prochainement) à travers l’introduction d’un volet d’animation sociétale locale . Néanmoins, aller sur le champ de l’innovation sociale va nécessiter de faire évoluer la manière d’appréhender la contractualisation avec le département et demander une réflexion approfondie. Cela pose la question de l’ingénierie et des capacités de fonctionnement.
Vecteur de lien n°2 – la création de lieux de renco ntre physiques
En terme de création de « vecteur de lien » physique, l’urbanisme et l’habitat (thème n°1) fait partie des leviers majeurs à travers la création de lieux de vie communs (parcs, squares, espaces de rencontre, ème bibliothèque/médiathèque « 3 lieu » …) pouvant favoriser les rencontres et les échanges entre habitants. Plus globalement, la recherche d’une mixité sociale ou générationnelle dans les projets d’urbanisme fait partie des réponses possibles à la question du vivre ensemble.
Vecteur de lien n°3 – le projet de développement lo cal partagé
Dans sa dimension démocratique, ce sujet du vivre ensemble et étroitement lié au thème précédent, car l’implication des habitants et acteurs d’un territoire au sein d’un projet politique commun est le levier majeur d’une compréhension mutuelle et d’une bonne cohabitation des habitants. Le COMEX identifie l’étape de diagnostic partagé et de production d’une connaissance objective comme stratégique en termes de 135 régulation des conflits . Néanmoins, pour parvenir à mobiliser les habitants, il sera nécessaire qu’ils deviennent partie prenante des projets pour lesquels ont souhaite leur « expertise » car la simple consultation sans suite n’est pas satisfaisante et ne permet pas d’obtenir une mobilisation durable. A cet égard, la création de représentations citoyennes, par territoire (comités de quartiers, centre social rural,…) visant à animer une réflexion continue sur ses enjeux et besoins voire à concevoir des projets émanant directement des habitants apparaît être une option d’autant plus intéressante dans un contexte de renforcement de l’intercommunalité qui fait peser un risque de perte du lien de proximité. Cela nécessitera néanmoins qu’une organisation spécifique (en réseau) soit mise en place et qu’un espace soit prévu, dans la réflexion politique, pour l’intégration de cette expertise citoyenne. L’élu local devra, dès lors, s’en faire le relais auprès de la gouvernance intercommunale.
Vecteur de lien n°4 – Les institutions de l’être en semble
Enfin, l’approche évènementielle présente l’intérêt d’être plus rassembleuse, grand public et de pouvoir se décliner de multiples manières. L’organisation d’une « Journée citoyenne » durant laquelle la population d’une commune se retrouve pour réaliser différents types de travaux ou projets d’intérêt général fait partie des initiatives qu’il pourrait être intéressant d’expérimenter à plus grande échelle. Autre exemple, les Semaines 136 bleues (semaine Nationale des Retraités et Personnes Âgées) permettent des rencontres entre personnes ième du 3 âge et jeunes générations.
Vecteur de lien n°5 – La culture, le sport et les l oisirs
Le développement dune l’offre culturelle, sportive et de loisirs accessible est un facteur d’épanouissement personnel mais aussi collectif et un important vecteur de rencontres entre habitants
134
Sur la présente génération, le Département avait mis en place le développement social local (DSL). Après 5 ans d’expérience sur les contrats, certains territoires s’en sont emparés et en ont fait une stratégie. D’autres ont vu une démarche administrative. Les futurs contrats devront être plus incitatifs à cet égard (à travers mobilisation d’un fond). 135
Arriver à maîtriser conflits usages horizontaux et verticaux dans le cadre d’un processus de gouvernance participative.
136
Cet évènement vise à informer et sensibiliser l’opinion publique sur la contribution des retraités à la vie économique, sociale et culturelle, sur les préoccupations et difficultés rencontrées par les personnes âgées, sur les réalisations et projets des associations. 53 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
- les patrimoines et la création culturelle sont parmi les vecteurs privilégiés de l’expression de l’identité d’un territoire et d’échange entre anciens habitants et nouveaux arrivants ; - les sports et loisirs favorisent les rencontres et le partage entre habitants et la constitution de liens d’amitiés. Ils sont par ailleurs un important vecteur de dynamisme associatif et d’organisations festives L’offre culturelle, sportive et de loisir contribue par ailleurs à l’attractivité d’un territoire (cf. Thème 4) et les activités associées représentent un nombre d’emplois (pour la plupart associatifs) non négligeables (cf. Thème 3). Il sera donc important, dans les années à venir, d’offrir au plus grand nombre de citoyens la possibilité de s’épanouir et de se rencontrer à travers un accès aisé aux activités sportives, culturelles et de loisir.
Vecteur de lien n°6 – Le partage des coûts de la vi e
Nous entrons aujourd’hui dans une nouvelle ère en matière de comportements individuels vis-à-vis de l’usage des ressources mais aussi des technologies : celle du réseau et du partage. Le développement du covoiturage (cf. Thème 2), très rapide ces dernières années est par exemple un réflexe de partage du coût des transports généré par la convergence de deux phénomènes structurels : le renchérissement des énergies fossiles et l’affaiblissement des économies occidentales face à la mondialisation, générant une perte de revenus des ménages. Il est très intéressant à deux égards en matière de prospective : 1)
il témoigne d’une évolution de l’image du véhicule individuel, notamment chez les plus jeunes générations, en milieu urbain, qui ne le voient plus comme un pré requis indispensable à l’indépendance mais plutôt comme porteur de certaines contraintes, notamment budgétaires mais pas uniquement. La dématérialisation progressive d’objets de la vie quotidienne (musique, livres, documents administratifs, loisirs, culture, information…) semble devoir contribuer à cette relative obsolescence de la propriété individuelle de biens tels que la voiture et des contraintes qu’ils véhiculent… ;
2)
c’est l’un des nouveaux lieux de construction du lien social (notamment intergénérationnel) en donnant l’opportunité à ses pratiquants de se rencontrer alors que leurs parcours de vie n’auraient rendus cette rencontre que très improbable ;
3)
Enfin, son optimisation mobilise fortement l’outil internet, afin de mettre en réseau conducteurs et passagers.
Plus globalement, ces pratiques de partage se déclinent sur une multiplicité d’autres domaines : l’habitat (colocation, jardin et barbecue commun, buanderie commune, …). Prenant leur origine dans une nécessité de partager des coûts, elles créent des nouveaux liens et lieux d’entraide entre générations. A cet égard, le COMEX considère que le rôle de la collectivité serait aujourd’hui d’accompagner à leur émergence en inventant des prétextes au partage : jardins partagés, résidence d’artistes, ... De multiples déclinaisons de ces lieux et espaces de recréation de lien social sont possibles à travers l’urbanisme, l’art, la culture mais plus simplement la réponse aux besoins de la vie quotidienne. Cela demande néanmoins de l’ingénierie et doit être conçu et animé dans chaque territoire (espace de coordination). De manière transversale à ce thème : - le tissu associatif, dynamique mais fragile, est l’un des moyen privilégié pour favoriser la dynamisation de la vie locale et le renforcement du lien social et devra être soutenu ; -les leviers de l’intégration par l’activité (contrats aidés, …) devront aussi être mobilisés autant que nécessaire. L’accompagnement est important pour les personnes fragiles et doit être réalisé en binôme. Les réflexes d’auto-exclusion des personnes en difficultés multiples - pour parvenir à mobiliser de la manière la plus large possible et à s’ancrer de manière durable dans les pratiques, les modalités de rencontres et d’échanges entre habitants, devront être innovantes et constamment renouvelées. La tendance à la dématérialisation du lien social devra être prise en compte tout comme la nécessité de recréer des moments de rencontre physique.
54 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
En matière de santé et de soins, différentes initiatives ont déjà été prises par le département de la Manche : mise en place de pôles de Santé Ambulatoire (PSLA), de maisons médicales, bourses d’études pour les étudiants en médecine, recrutement de médecins étrangers, ouverture d’un portail internet : Manche Santé…A 137 ces mesures s’ajoute une Charte partenariale signée en juin 2008 sur l’offre de soins ambulatoires et sur le déploiement des pôles de santé libéraux et ambulatoires en Basse-Normandie, « structures destinées à apporter, à coordonner et à assurer à la population un égal accès aux soins de premier recours ». Néanmoins, le COMEX identifie certaines limites à la situation actuelle: - un manque d’efficacité dans le développement de l’e-santé « car les acteurs sont attentistes alors que ces leviers sont très importants » ; - les pôles de santé libérale sont une réponse immobilière qui ne résoudra pas à elle seule les enjeux : il faut former, ce qui est long, veiller à l’attractivité des installations pour les professionnels que l’ont souhaite attirer et pérenniser (importance du confort de travail, organisation et temps de travail, …) ; -il faut aussi aujourd’hui poser la question de l’évolution du rapport aux soins «En France, les dépenses de santé représentent 30% du PIB » et dans un contexte de réduction budgétaire, il devient nécessaire d’agir sur les politiques de prévention car il sera plus difficile d’agir sur l’organisation de l’offre de soin 138 en milieu rural et sur les soins de suite (Programme de retour anticipé à domicile - PRADO). - Par ailleurs, nous souffrons et mourront à 95% de maladies crées par l’homme (santé-environnement). Là aussi il est nécessaire de repenser la santé en matière préventive (création de DU et Master en SantéEnvironnement à Caen et Rennes). En matière d’accès aux soins et d’accueil des personnes âgées, les enjeux suivant peuvent être retenus:
l’harmonisation de l’accès aux soins et services de santé sur l’ensemble du territoire à travers une politique d’aménagement territorial concertée ;
l’accroissement des effectifs de certaines professions médicales et d’auxiliaires médicaux
l’adaptation de la formation et l’offre de formation en fonction de l’évolution démographique;
l’amélioration du maillage des services hospitaliers et des établissements spécialisés sur le territoire ;
l’amélioration des offres de services d’hospitalisation à domicile.
139
;-
Les réponses qui devront être trouvées à ces enjeux devront l’être dans une recherche d’amélioration et d’innovation dans les manières de faire (mobilisation de l’outil numérique, télémédecine, mobilisation des relations de proximité, voisinage, covoiturage bénévole,…). Enfin, en termes d’éducation, il est aujourd’hui nécessaire de répartir la charge éducative, partager l’éducation car les difficultés sociales grandissantes ne peuvent être assumées seul par le corps enseignant. Il est nécessaire de s’interroger en tant qu’institution sur l’évolution des dispositifs : classes écocitoyenneté, … On a sacralisé les lieux d’école : pourquoi ne pas en faire des lieux d’accueil… Les lieux de savoir sont en train de changer. Il y a beaucoup de choses à réinventer…Il faut savoir valoriser le savoir. Des formations sur l’utilisation des outils numériques par les élus (tablettes, blogs, démocratie participative à distance, …), pourraient être nécessaires.
137
Les principaux partenaires sont notamment la Région, les Conseil Généraux, l’URML et l’ARS.
138 139
Les nouveaux dispensaires du 21ième siècle sont des plateaux techniques qui ne sont rentables à partir 20000 actes.
Pour exemple la densité d’infirmières libérales dans la Manche est de 79 alors que la moyenne nationale est de 105. 55
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Les scénarios
A partir de tous les travaux réalisés les consultants ont élaboré deux scénarios.
Le premier scénario, tout à fait envisageable, pourrait se produire si l’on ne fait pas bouger les lignes, si des évolutions radicales ne se produisent pas. Dans cette hypothèse, les évolutions et signaux constatés lors du diagnostic continuent sur leurs lancées, les tendances se prolongent, et les facteurs externes sont de plus en plus prégnants sur le territoire. La Manche subit plus qu’elle n’agit.
Le second scénario se présente comme le scénario de l’ambition. Celui qui vise à « concilier ce qui apparait parfois comme inconciliable », qui porte un horizon où la Manche résiste à la crise, où son développement se fonde sur ses ressources (naturelles, culturelles, humaines, économiques, ses savoir-faire, ses valeurs, ses identités…) pour mieux prendre en main son destin et être moins dépendante.
Ces scénarios sont des « outils » d’aide à la réflexion et à la décision pour les élus et pour les acteurs locaux afin de pouvoir choisir son horizon, choisir son mode de développement et partager ensemble une stratégie pour les années à venir.
Comme toute stratégie, elle donnera un cap, mais elle devra être vivante, évolutive, réactive et adaptable dans un environnement mouvant. Mais le cap permettra de ne pas perdre le sens et les valeurs qui sont portées par la stratégie choisie.
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7 Le scénario du statut quo : La Manche qui subit Une faible croissance et déséquilibre démographique, mais aussi un territoire qui sera resté trop autocentré et qui aura vu les liens de solidarité s’éroder et les vulnérabilités s’accroitre Dans 20 ans avec 523 000 habitants (pour environ 500 000 aujourd’hui), la Manche aura connu une très légère croissance démographique (inférieure à la moyenne régionale et 2,5 fois moins rapide qu’au niveau national) essentiellement due à un solde migratoire positif constitué essentiellement de personnes de plus de 55 ans. Si beaucoup de jeunes de moins de 25 ans seront partis du département, ils n’auront pas été compensés par l’arrivée d’autres jeunes (étudiants ou jeunes actifs). Le vieillissement naturel de la population aura été ainsi amplifié, ce qui aura constitué un potentiel de ressources (humaines et économiques) et de développement de l’économie présentielle sur le territoire. Ce vieillissement aura généré de très forts besoins de réponses aux problèmes de dépendance alors même que les ressources des personnes âgées auront diminué. La poursuite de la faible valorisation et développement des formations supérieures n’auront pas suffi à attirer et/ou à garder des jeunes de 18 à 25 ans, ou encore à favoriser leur retour après leurs études. Le vivre ensemble nécessitait de pouvoir disposer d’un certain équilibre démographique entre les classes d’âges pour éviter des surreprésentations. Or cet équilibre n’aura pas été atteint. Enfin la Manche, souvent caractérisée par son côté insulaire, ne se sera pas suffisamment adaptée aux tendances d’internationalisation, de synergies interrégionales et de coopérations (Grand Ouest / Anglo-normandes / partenariats internationaux, coopération décentralisée…). Le département sera devenu essentiellement autocentré. Sur son propre territoire, la Manche n’aura pas pris le tournant des nouvelles mobilités. La dissociation croissante entre lieu de résidence et lieu d’emploi aura entraîné une augmentation constante des déplacements domicile-travail. Du fait d’un habitat peu dense, peu propice au développement de transports en communs, et d’un réseau routier bien développé, le véhicule individuel sera resté le moyen de transport privilégié par les manchois alors même que la hausse du coût de l’énergie sera devenue un frein majeur à la mobilité pour les publics fragilisés économiquement. Les solutions alternatives au véhicule individuel classique (Manéo, pistes cyclables, covoiturage,…) proposées par les collectivités territoriales n’auront représenté qu’une minorité des déplacements de personnes et l’offre de transports en communs (desserte ferroviaire, réseaux de transport urbain) sera restée insuffisante et son amélioration n’aura pas répondu aux enjeux. L’avance du Département en matière de numérique, du point de vue des infrastructures, n’aura pas été un élément différenciant entre territoires en 2030, même si l’ensemble du territoire aura été correctement desservi. La révolution liée aux usages numériques n’aura pas eu lieu ce qui aura affaibli son attractivité et aura ralenti le développement de l’économie numérique. Malgré le maintien de relations humaines de proximité, force de ce territoire, les signaux observés en 2013 auront été confirmés par une évolution des comportements dans les années suivantes. Il y aura eu un renforcement des comportements répondants exclusivement à des logiques individuelles (recherche des bonheurs privés) au détriment des engagements collectifs (associatif, militant, …). Dans une société mosaïque, à l’intérieur d’une même génération, se seront démultipliées les sources d’intérêt. Les rythmes 57 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
quotidiens se seront accélérés et désynchronisés, et il sera devenu de plus en plus difficile d’organiser des lieux et temps de rencontres entre habitants. Les offres sportives et culturelles déjà nombreuses auront été maintenues sans toutefois prendre en considération de nouvelles pratiques ou de nouveaux rythmes –articulation temps scolaire- garantissant le maintien d’une capacité de réponses aux besoins « à minima ». En tout état de cause cela n’aura pas concouru à accroitre l’attractivité. La faiblesse de l’attractivité démographique et le développement économique atone auront eu un impact important sur les commerces et services en milieux rural et en particulier sur l’offre de santé. Cette raréfaction de l’offre de services aura amplifié la perte d’attractivité et affaibli la qualité de vie dans les campagnes. Malgré les actions sociales mises en œuvre, la conjonction des effets de la crise, qui aura accentué fortement les vulnérabilités et les situations de précarité, et de l’absence d’une forte coordination entre les acteurs, fondée sur un véritable projet social de territoire, la cohésion sociale aura été fortement impactée.
La Manche n’aura pas réussi la révolution qui lui aurait permis de concilier un territoire à vivre et un territoire à produire. Les richesses naturelles auront été insuffisamment préservées et valorisées et l’économie manchoise n’aura pas réussi sa mutation sauf sur le mix énergétique Les tendances observées dans les années 2010 se seront poursuivies avec l’affaiblissement continu des centres villes au profit des couronnes et du littoral et une amplification du caractère disséminé et fortement consommateur d’espace du modèle de développement de l’habitat manchois malgré une faible croissance démographique. Il y aura eu ainsi un renforcement du mitage des espaces et de l’étalement urbain et de la conversion d’espaces à vocation agricole et naturelle en espaces artificialisés. La concurrence se sera accrue entre les vocations du foncier (agricole vers activités humaines), et le renchérissement du coût du foncier aura renforcé les difficultés de reprises d’exploitations agricoles. Les paysages, le climat, la biodiversité, l’eau et le littoral n’auront pas été ni mobilisés ni valorisés comme des nouvelles ressources différenciantes et contributives d’une nouvelle économie territorialisée. La prise en compte des enjeux écologiques aura été insuffisante, tant dans les comportements individuels et collectifs que dans les outils d’urbanisme et de planification. Les nouvelles formes d’habitat et d’urbanisme n’auront pas réussi à émerger. Le maillage du territoire, par son semi de bourgs et de villes moyennes, et la complémentarité rural/urbain n’auront pas été valorisés par une stratégie d’aménagement innovante et durable. Les relations seront restées trop cloisonnées, sans mise en réseau, et l’espace s’est « désorganisé ». L’économie manchoise aura subi les évolutions et mutations et se sera de plus en plus « déterritorialisée ». Les activités agricoles auront subi de plein fouet la libéralisation liée à la réforme de la PAC ce qui aura accéléré des évolutions déjà en en cours (agrandissement des exploitations et volumes de production). Une grande partie des orientations technico-économiques des exploitations se sera concentrée vers des productions non vivrières, porteuses de plus-value mais impactant les paysages et diminuant fortement l’autonomie des exploitations. Les conflits de vocation foncière se seront accrus générant des tensions et l’évolution du modèle économique dominant aura amené un déplacement des sièges d’exploitation hors département avec une perte progressive de souveraineté agricole du territoire.
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Au niveau du BTP, le secteur est resté soutenu par une dynamique de construction de logements liée à la croissance démographique, l’étalement urbain et la rénovation de l’habitat autour des questions énergétiques. La faiblesse des dynamiques de reprise / transmission d’activités (agricoles mais aussi artisanales et PME) se sera confirmée et aura entraîné un affaiblissement du tissu économique manchois, fortement axé sur le modèle entrepreneurial individuel. Celui-ci n’aura pas pu s’appuyer sur un « capitalisme » solidaire et participatif. Les services aux entreprises seront restés sous-dimensionnés depuis 2002. Au niveau des activités liées à la mer, pas de réel changement de cap. Maintien des activités actuelles (pêche, port de Cherbourg qui auront subi néanmoins une désaffection liée à l’absence d’attractivité de ces métiers) mais une baisse continue des activités de transport maritime. Les activités touristiques n’auront pas décollé par rapport aux potentiels privant le Département d’un levier de développement durable sur un marché qui aura été mondialement en croissance. L’activité industrielle se sera à peu près maintenue et le développement des EMR aura permis de constituer et structurer une nouvelle filière ce qui aura évité un affaiblissement majeur de l’économie manchoise. Toutefois les investissements sur les autres énergies renouvelables et l’accompagnement de l’économie vers le développement des nouvelles technologies et de l’innovation auront été insuffisants, notamment par défaut de capitaux et d’investissement. Enfin les activités relevant de l’économie sociale et solidaire se seront peu développées par manque de mobilisation. Ce scénario aura laissé une large place à l’économie résidentielle qui ne saurait être considérée comme un modèle en soi. Il sera constaté au final que la valeur ajoutée de l’économie, faute de s’être fondée sur les ressources locales et de s’ancrer territorialement, n’aura pas pris le virage de la mutation économique et sera devenue très dépendante de facteurs externes.
Une gouvernance territoriale qui n’aura pas évolué, constituant ainsi un frein à la mobilisation des acteurs autour d’un horizon commun et affaiblissant la capacité d’agir Sans horizon commun mobilisateur et partagé, les dernières années auront vu se développer les conflits d’usage et les concurrences liées aux différentes ressources (foncier, ressources patrimoniales, eau…) notamment en zones périurbaines et littorales. Les écarts entre territoires vécus et territoires politiques se seront maintenus, les regroupements d’intercommunalité se seront faits en fonction d’intérêts politiques, et non d’une recherche de meilleure cohérence territoriale, les uns se pensant en concurrence avec les autres. Un agrandissement des périmètres de EPCI se sera effectué, mais résultante des réformes institutionnelles, mais sans amélioration des dynamiques de coopérations entre territoires et avec une perte d’adhésion interne. Le Conseil général et la Région seront restés sur une posture de distributeurs de fonds publics, de plus en plus rares, sans chercher à animer le territoire dans une cohérence d’ensemble. Concentré sur ses propres compétences et ses propres recettes, il n’aura pas joué le rôle d’interface entre les acteurs publics et privés ni au sein du département ni en externe avec le niveau régional, voir inter-régional. Les politiques publiques auront continué à être conçues selon le modèle classique et la gouvernance n’aura pas évolué vers plus de proximité ni vers plus de 59 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
participations des usagers / acteurs locaux. La défiance et la distance entre le citoyen et le politique, constatées au niveau national n’auront pas été inversées localement. Les schémas et outils contractuels seront restés des démarches descendantes qui auront été plus imposés que co-construits et partagés. Ce déficit d’évolution de la gouvernance, par l’absence de contrat territorial et social, n’aura pas produit d’effets positifs ni sur le lien entre un territoire à vivre et un territoire à produire (lien qui passe par des projets de territoire qui se coordonnent, qui donnent du sens et un horizon commun) ni sur le vivre ensemble (par des modes d’actions, par l’émergence des initiatives, par la responsabilisation).
8 Le scénario de l’ambition : Pour la Manche, une ambition, un projet, une promesse Dans le contexte actuel de crise et de raréfaction des ressources financières, la mise en œuvre de ce scénario et l’atteinte des objectifs, qu’il se fixe, doivent reposer sur les principes suivants : Un partage de cet horizon par l’ensemble des acteurs du département Une mobilisation coordonnées et partenariales des ressources financières Une mobilisation et un recours constant à l’intelligence collective, aux démarches de projets, aux échanges d’expériences L’émergence des initiatives et des innovations
Une Manche attractive, accueillante, ouverte sur le monde, une terre de solidarité pour bien vivre
Des territoires d'accueil pour toutes les générations : un territoire multi générationnel Comme de nombreux territoires à dominante rurale, la Manche se caractérise par un vieillissement « naturel » de sa population renforcé à la fois par une attractivité orientée sur les tranches d’âges proches de la retraite et une mobilité importante des jeunes vers l’extérieur du territoire. Si cette évolution démographique, et notamment le départ des jeunes générations peut représenter un frein à la dynamique territoriale (baisse de la fécondité, renouvellements générationnels, …), elle recèle différente opportunités pour le territoire qui devront être mieux valorisées : l'arrivée de nouveaux revenus, plutôt plus élevés qu’en moyenne représente de nouveaux gisements d’activités autour de l’économie présentielle , les retraités dispose de temps et de compétences à mettre au service du bien commun et doivent être considérés comme un vecteur important de revitalisation de la vie associative et du lien social dans les territoires. La Manche dispose de tous les atouts pour promouvoir et permettre le bien vieillir sur ses territoires.
Inversement, si un départ des jeunes générations est, à tort, regretté, c'est un fait inéluctable et nécessaire à leur ouverture au monde qu’il faut même favoriser. L'enjeu sera donc d'actionner les leviers permettant de compenser, voire de dépasser, ces départs par une attractivité vers des jeunes d'autres horizons géographiques ou plus âgées (jeunes couples) afin de viser un certain équilibre démographique et favoriser un vivre ensemble dynamique et intergénérationnel.
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Au cours des dix prochaines années la Manche s’affirme comme une terre d’accueil en mobilisant ses acteurs, en s’appuyant sur des dispositifs innovants (mis en place d’un marketing territorial innovant, processus et résidences d’accueil…) et en développant des vecteurs prioritaires d’attractivité : l'emploi, en premier lieu, mais aussi une offre de logements adaptés, de formation tout au long de la vie, une véritable offre autour du télétravail (réseau, espaces de coworking type « cantine numérique »…) et du téléenseignement et enfin, l'accessibilité des territoires et une qualité du cadre et du mode de vie différente des grandes métropoles et d’autres territoires (valorisation des ressources naturelles, des valeurs identitaires…). Cette politique volontaire et maîtrisée d’accueil permettra ainsi de contribuer fortement à l’économie résidentielle qui est essentielle pour de nombreux territoires de la Manche.
Des territoires tournés vers le monde, acteur de coopérations interrégionales et internationales : un territoire interface Si la Manche revêt un caractère quasi insulaire et a longtemps évolué à l'écart des dynamiques observées à une échelle élargie. L'évolution des sociétés modernes vers une internationalisation des échanges, les phénomènes de concurrence ou de synergies interrégionales et plus globalement, les plus-values qui peuvent être trouvées en termes de développement territorial, à travers des démarches de coopérations (Arc Atlantique / Grand Ouest / Îles anglo-normandes, partenariats internationaux, coopérations décentralisées, ....) doivent conduire nos territoires à se tourner et à s’ouvrir aux autres et à se positionner, être pris en compte, dans des dynamiques territoriales plus larges. Ces démarches apporteront des enrichissements humains et économiques réciproques. Il devient urgent, au vue des impacts pouvant aujourd'hui être engendrés par des évolutions vécues à une l'échelle mondiale, sur des territoires très localisés (industrie, agriculture, ...) que les décisions prises en termes d'orientation de l'action publique et économique puissent s'inscrire dans une vision élargie de l'évolution du contexte mondial. L’Arc Atlantique pour la vocation maritime du Département (pêche, EMR, plaisance), le Grand Paris, pour sa vocation résidentielle, les réseaux de chercheurs, à l’image de l’industrie aéronautique et d’Airbus. Le « Penser global agir local » devient un impératif pour les années à venir. Différentes réponses pourraient être apportées : création d'un Conseil Scientifique visant à éclairer la décision publique par une mise en perspective de la situation départementale (sur des thèmes prioritaires : nucléaire, l'agriculture, la mer et le littoral, les énergies marines renouvelables,...) avec les évolutions vécues à des échelles élargies, inscription du département au sein de démarches de coopérations et d’échanges.
Des territoires pour de nouvelles mobilités : un territoire éco-mobile
Dans le contexte d'une société en mouvement, où l'on constate une désynchronisation des rythmes de vie et une démultiplication des migrations et déplacements interterritoriaux et où une part de plus en plus importante de la population voit un élargissement des périmètres géographiques et distances à parcourir pour maintenir ses relations et ses activités (famille, amis, emploi, ...), la performance globale de l'offre de communication physique et électronique devient un vecteur prioritaire pour l'attractivité d'un territoire. 61 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
De plus, il importe de répondre aux enjeux économiques (coût de l’énergie), sociaux (accessibilité aux services, aux emplois et développement des liens sociaux) et environnementaux (émission de polluants) liés aux déplacements. Si la Manche présente certains atouts indéniables (offre et couverture numérique, infrastructures routières, réseaux de transports, initiatives sur des modes doux...) ils nécessitent d’être consolidés et complétés. Au vu des enjeux en présence, il devra s’inscrire dans une stratégie globale et réaliste visant à optimiser l'offre actuelle tout en prenant en considération la réalité des capacités financières mobilisables. Cette stratégie autour de la mobilité pourrait se décliner à trois niveaux : 1) Les déplacements et mobilités de proximité (à l'échelle communale) sont favorisés à travers le maintien ou la création de voies de déplacements / cheminements de proximité mais aussi l’inscription de ces réseaux de proximité dans les documents d’urbanisme en lien avec l'enjeu de desserte des commerces et services de proximité. Par des échanges d’expériences et l’émergence d’initiatives locales, de nouvelles modalités de mobilité pourront se développer (pédibus, hippobus, vélobus, autopartage…).
2) Les déplacements et mobilités intercommunaux ou inter-territoires, qui pourraient être facilités, en lien avec l'enjeu économique, par le développement des pratiques de covoiturages et d’autopartage (réseau organisé et promotion de cette modalité, initiatives solidaires, réseau avec les entreprises pour les salariés, densification du réseau d’aires de covoiturage…), en lien avec le covoiturage peuvent aussi se « coupler » des initiatives qui favorisent le déplacement des marchandises vers les usagers (points de livraisons de produits locaux en circuits courts sur des aires de covoiturage et/ou à des points stratégiques de flux de personnes), par le développement de dispositifs de transports à la demande, par l'amélioration de l’attractivité de l’offre de transport ferroviaire interne au département (dessertes, fréquences, tarifs…) et par l’amélioration constante des réseaux de transports collectifs. La Manche, producteur d’électricité a surtout à s’engager dans un plan de développement des véhicules électriques. 3) Les déplacements et l’accessibilité extra départementale du territoire avec l'enjeu de l’amélioration de la connexion ferroviaire avec l'Île-de-France (qualité du service et la desserte ferroviaire notamment sur la ligne Paris-Cherbourg tout en intégrant une analyse coût / avantage quant à la décision sur la LGV), mais aussi de l’amélioration de la desserte maritime.
Enfin cette stratégie doit inclure quatre approches transversales :
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La limitation des besoins de déplacements à travers la valorisation de filières courtes
L’amélioration de la multi modalité à travers l’interconnexion de l’offre de transport Manchoise (billettique, tarifaire, information, technologie NFC…) ; Le développement des usages de l’outil numérique comme support et outil d’aide à l’optimisation des mobilités et comme facteur de réduction des besoins de déplacement en continuant l'effort fourni en matière numérique et de téléphonie, tant en termes de couverture 62
Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
que de performance (3G, 4G, HD et THD). Il s’agira également d'en démultiplier les usages (particuliers, professionnels, services à distance, espaces collaboratifs, télétravail, télémédecine, téléenseignement, domotique ...) ;
Etre en veille sur les évolutions technologiques et nouvelles modalités de mobilité pour mesurer la capacité d’intégration et de développement dans les dispositifs Manchois (téléphériques urbains, voitures électriques, robotisation…)
Des territoires de solidarité et qui favorisent l'autonomie tout au long de la vie : Un territoire sociabili-responsable
En lien direct avec les enjeux démographiques (bien vieillir, accueil des jeunes générations, ...) et les enjeux de mobilités et d' accessibilité aux services, l'avenir de la Manche, tant en termes d'attractivité résidentielle que de maintien d'une qualité de vie et de liens de solidarités entre habitants et génération, se joue sur la capacité du territoire à maintenir une organisation sociale solidaire, intégratrice pour toutes les populations et répondant aux besoins de santé et / ou de services à la personne pour toutes les générations. Cela devra se traduire, pour les tranches d'âges les plus âgées, par la continuation des démarches déjà entreprises par le Département et ses partenaires visant à lutter contre la baisse de la démographie médicale, marquée dans les zones les plus rurales du territoire et à maintenir une offre de soins accessible notamment dans l'optique de favoriser le maintien à domicile. Il sera aussi important de veiller à ce que l’offre d’hébergement pour les personnes âgées, relativement bien répartie sur le territoire, soit maintenue. Dans ce domaine, des expérimentations (logements évolutifs, colocation, béguinage, habitat intergénérationnel…) pourraient être menées afin de garantir l'épanouissement et une autonomie maximale des personnes, à la fois dans les modalités de l'hébergement et dans leur quotidien. Un champ d'innovation très important existe en la matière. La question de l'autonomie se pose aussi au niveau de l'accueil des jeunes générations et nécessite d’intervenir spécifiquement pour une offre de logements adaptés et accessibles, en cohérence avec les parcours résidentiels qui doivent garantir une réelle fluidité (lien avec le Plan Départemental de l’Habitat), mais aussi en termes de services (garderie, numérique, mobilité…). Plus globalement, comme le montrent les crises actuelles, la situation économique difficile que nous vivons aujourd'hui pourrait se maintenir au moins pour les 20 prochaines années et rejaillit de plein fouet sur les publics socialement, physiquement et/ou professionnellement les plus fragiles. Dans ce contexte, la robustesse d'un territoire dépend en grande partie de sa capacité à maintenir des relations humaines de proximité et des réflexes de solidarités entre habitants. A cet égard, si la Manche se caractérise par une persistance de liens de proximité, certains signaux, mesurés ou ressentis (taux de suicide, montée des comportements individualistes, perte de contact avec certains « groupes », ...) semblent indiquer que cette perte du lien social pourrait être une menace pour les années à venir. L’une des orientations majeures pour la Manche, est donc de parvenir, tout à la fois, à consolider les solidarités existantes et à développer et recréer des liens de solidarité entre habitants et entre générations notamment anciens et nouveaux arrivants, en favorisant les initiatives permettant un partage des cultures, modes de vie, savoir-faire, en veillant à corriger des discriminations … A cet égard les interventions du Département devront être conditionnées à la mise en œuvre de 63 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
« clauses de lien social » et intégrer systématiquement une dimension de développement de ce lien. Différents vecteurs sont développés ou soutenus dans les années à venir : les réseaux de veille et de médiation, qui doivent permettre d'assurer un suivi des populations en difficultés et la mobilisation d’une « chaine de solidarité » dont l'élu local est le centre / la création d'espaces, d'activités et de temps de rencontres physiques entre habitants (urbanisme, habitat, évènements et activités culturelles, sportives et de loisirs ...) / le projet de développement local social partagé qui doit être l'occasion d'un dialogue entre élus et habitants et permettre une compréhension mutuelle pour une meilleure cohabitation et la mise en valorisation des place des réponses adaptées / la compétences et de la disponibilité croissante des seniors / l’appui aux initiatives des associations et aux initiatives de bénévolat spontané / les nouvelles pratiques de partage des coûts qui, prenant leur origine dans une nécessité économique, créent des nouveaux liens et lieux d’entraide entre générations et se décline dans des domaines de plus en plus nombreux (colocation, covoiturage, espaces communs, achats groupés, partage de ressources, jardins partagés ...).
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La Manche, un bien commun où doivent se concilier qualité de vie et compétitivité
Un territoire bio diversifié qui concilie maîtrise de l'empreinte écologique de son développement et valorisation des richesses naturelles
Du fait d'un positionnement géographique littoral mais relativement excentré et de la mise en œuvre de nombreuses mesures réglementaires (loi littoral, ENS, réserves naturelles, sites classés…), la Manche dispose aujourd'hui d'un territoire exceptionnellement préservé, tant en matière de biodiversité que de diversité et d'intégrité de ses paysages. Cette richesse patrimoniale, confère aujourd'hui au territoire manchois une valeur environnementale très supérieure à la moyenne qui doit trouver une place de choix dans sa stratégie de développement pour les années à venir. Si cette qualité ne doit, de l'avis de tous, pas être un frein à son développement, celui-ci doit, en retour, intégrer cet enjeu de préservation qualitative du territoire tout en valorisant les atouts. Ces biens collectifs, qui ont été considérés pendant des années comme un cadre de vie sans valeur marchande apparente, sont aujourd’hui considérés (et le seront demain encore plus) comme des ressources dont la qualification, la mobilisation et la valorisation par les acteurs locaux peuvent répondre aux attentes sociétales actuelles (des habitants, des touristes mais aussi des entreprises) qui attachent de plus en plus d’importance à la qualité, à l’authenticité, à la sécurité, à la préservation. Les valeurs marchandes, les prix et les coûts ne sont donc plus les seuls facteurs de différenciation et de spécification d’une offre, d’un territoire. Ces ressources « physiques » particulières, comme des ressources et patrimoines immatériels (identité, histoire, culture, valeur de solidarité…) deviennent de véritables atouts pour le développement futur. La Manche est, dans ce changement de cap en cours dans notre société, dans une position très avantageuse et très différenciante qui lui permet de mettre ces atouts au cœur de son projet de développement. Certains potentiels ont déjà été identifiés qui peuvent allier développement et ressources dans une approche de durabilité : les activités liées à la mer (pêche, conchyliculture, culture d'algues, énergies marines renouvelables, ...) et plus globalement, le développement des savoir-faire sur "le vivant", intégrant les activités agricoles, qui pourraient notamment justifier la réalisation de travaux de recherche, car certains potentiels sont encore méconnus. Les activités liées à l'économie présentielle, encore sous représentées par rapport aux potentialités (hôtellerie, restauration, ...), mériteraient d'être développées, en lien avec le potentiel d'attractivité de ce territoire, même si un consensus se fait autour d'un développement résidentiel et touristique raisonné. De manière transversale, le thème de l'énergie, intimement lié à l'environnement, représente des enjeux majeurs tant dans la nécessaire orientation vers le mix énergétique (nucléaire + ENR) recherchant notamment une valorisation d'importants potentiels en termes d'énergie marines, que d'orientation du territoire vers une plus grande sobriété énergétique (rénovation thermique du patrimoine bâti, réduction de la consommation d'énergie liée aux déplacements, ...). Plus globalement, la stratégie de développement du territoire est adossée à une connaissance approfondie et une approche dynamique des patrimoines et écosystèmes mais surtout de la biodiversité ordinaire pour être en capacité de concilier préservation et développement (cela nécessite que chaque 65 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
territoire soit en veille sur l’évolution des risques silencieux), d'anticiper les risques naturels et climatiques et résoudre ainsi des potentiels conflits d'usage. Cette nouvelle approche doit être prise en compte à tous les niveaux de réflexion et d’actions (département, intercommunalités, communes) par les acteurs public mais aussi par les acteurs privés par le développement des démarches de responsabilité sociale et environnementale.
Porter une nouvelle stratégie d'aménagement, durable et innovante, fondée sur son identité et son caractère multipolaire et une signature architecturale et urbanistique
C'est l'une de ses spécificités fondamentales, le territoire manchois se structure autour d’un semi de bourgs et villes moyennes offrant une forte proximité des services et de commerces aux habitants, et facilitant, au moins en théorie, les échanges économiques et sociaux entre zones rurales et zones urbaines. Cette organisation territoriale, qui constitue un véritable atout n’est pas, aujourd’hui, suffisamment optimisée et pourrait être fortement menacée, à terme si rien ne change, par les pertes de populations observées sur l’ensemble des centralités manchoises qu’elles soient centre bourgs ruraux, ville-centre d’un bassin de vie ou cœur d’agglomération au profit des « périphéries ». Cette problématique d'étalement urbain met en avant une contradiction forte entre les aspirations individuelles dominantes et l’intérêt général et amplifie le caractère disséminé de l’habitat manchois et l’éloignement entre lieux de travail et lieux de vie. Pourtant le maintien d’une proximité physique entre habitants, la facilité d’accès aux commerces et services et le maintien d’emploi locaux, les mutualisations en matière de transports ou encore les possibilités de densification de l’habitat et d’économie foncière constituent les principaux leviers d’un développement durable et solidaire du territoire. La perte des centralités manchoises apparaît être un phénomène structurel sur lequel il devient impératif d’intervenir en cherchant à concilier les aspirations individuelles et l’intérêt général. Afin d’apporter une réponse globale, à la hauteur de ces enjeux, le Département et ses acteurs doivent se doter d’une stratégie d’aménagement du territoire et de gestion de l’espace durable et innovant, constituant une rupture culturelle et révolutionnant les visions actuellement partagées et permettant de « concilier les inconciliables ». Si un abaissement de la surface d’espace consommé par logement et un renforcement des centralités devront être recherchés, cela ne devra pas porter atteinte à l’attractivité résidentielle du département et se faire dans le respect des typologies et identités architecturales et paysagères des territoires. Cette stratégie devra impérativement s’appuyer sur une politique volontariste de portage foncier, condition indispensable pour répondre aux enjeux majeurs d’aménagement et de gestion de l’espace. Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de définir un nouveau modèle de développement urbanistique et de l’habitat manchois qui devra répondre conjointement aux enjeux suivants: attractivité résidentielle et identité architecturale des territoires, réduction de la consommation foncière et renforcement des centralités, élaboration d’une charte de gestion foncière qui soutiendra les politiques de réservation / acquisition foncière, mobilisation des friches et des vacances, réhabilitation / rénovation (notamment thermique y compris par l’externe afin de disposer d’une opportunité de requalification architecturale du modèle pavillonnaire) des logements et contribution au développement des installations productrices d’énergies renouvelables, accès aux transports en commun ou partagés, préservation de la biodiversité remarquable et ordinaire et des paysages , prise en compte et anticipation des risques, . 66 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
Ce nouveau modèle, cette nouvelle stratégie qui pourrait se formaliser dans un « schéma » départemental (ou cadre de référence) devra être co-construit avec les acteurs locaux et permettre la cohérence et la coordination des différents documents de planification et d’urbanisme. Des expérimentations pourront être encouragées, la cohérence devra se retrouver dans les contrats de territoire et les innovations seront soutenues (mobilisation et concours d’architectes urbanistes…).
Soutenir la mutation de l'économie manchoise vers la création de valeurs ajoutées, diversifiées, fondées sur les ressources locales et l'innovation. Un entreprenariat autour d'un capitalisme solidaire et participatif
Dans un contexte de très faible croissance et de diminution des subventions et interventions publiques, d’une économie mondialisée et de plus en plus financiarisée, dans laquelle les centres de décisions sont déconnectés des territoires de production, face à la raréfaction de nombreuses ressources mais aussi face aux besoins sociaux de plus en plus croissants (alimentation, eau, emploi, logements, santé, mobilité, formation, sécurité…), il devient impératif pour nos territoires de concevoir et de mettre en œuvre une orientation radicalement différente. Ce changement de cap doit viser la création de valeurs durables et profitables pour le territoire avec une économie qui se fonde de plus en plus sur les ressources (naturelles, humaines) du territoire. L’enjeu est de territorialiser notre économie pour pouvoir disposer de levier d’action et limiter, le plus possible, les risques externes. L’actuel modèle économique de la manche, par le poids majeur de l’économie extra-productive (base résidentielle, base publique, base sociale) qui lui a permis de mieux résister à la crise que d’autres territoires, devrait faciliter cette réorientation. Cette nouvelle stratégie pourrait s’articuler autour de 6 objectifs. Ces objectifs devront être conduits conjointement car la réussite passera par la capacité d’agir simultanément et diversement. Il n’y a donc pas de priorités entre ces objectifs, les 6 constituent les priorités.
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er
1 objectif : Développer les activités économiques non délocalisables, s’appuyant sur un marché et répondant à des besoins de proximité
Le Développement de l’économie présentielle visera à optimiser et amplifier la valorisation des potentiels d’activité et d’emplois à ancrage local et à favoriser le développement d’activités permettant de répondre aux besoins des manchois à travers : le maintien - développement d’activités de commerce et de service accessibles sur l’ensemble du territoire / le maintien d’une accessibilité des services médicaux et de santé et, plus globalement, le développement des services à la personne sur l’ensemble du territoire / le soutien aux initiatives permettant d’adresser, structurer et développer un marché local pour les productions du territoire (agricoles mais aussi artisanales, artistiques, …,) notamment par la vente directe ou en circuit court (achats de produits locaux dans les cantines, marchés locaux, vente à la ferme, AMAP, ruches …) / Une meilleure valorisation des potentialités touristiques haut de gamme départementales : image, visibilité du territoire et marketing territorial, innovation dans l’offre, mise en réseau des acteurs, développement de l’offre d’hébergement touristique de qualité (hôtellerie classée) et adaptée aux différents types de publics (groupe, social, haut de gamme, …).
De manière transversale, les modèles économiques innovants et intégrateurs des différents enjeux territoriaux (environnement, social, …) et / ou permettant la viabilité d’activités peu rentables mais viables seront soutenus en priorité. Les possibilités et potentialités offertes par l’économie sociale et solidaire (ESS) seront privilégiées (appui à la structuration de l’offre et de la demande, approche filière, soutien à la professionnalisation…).
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ième
2 objectif : Augmenter la valeur ajoutée des activités économiques manchoises
La manche recèle des potentiels importants d’augmentation de valeur ajoutée de productions existantes Cet objectif pourra être atteint par les pistes d’actions suivantes : -
soutien à une agriculture durable et aux projets visant à augmenter la différenciation et la valeur ajoutée des productions agricoles par le maintien et le développement des activités de transformation/valorisation locale et la labellisation de la production sur le territoire, qui constituent des leviers majeurs pour le maintien de la viabilité des productions agricoles actuelles et donc du paysage manchois. La Manche doit affirmer sa volonté de conserver sa production laitière et ne pas évoluer vers des conversions au profit des céréales qui auraient des impacts identitaires, sociaux et environnementaux négatifs. Les interventions doivent concourir à préserver la multiplicité des formes de production et permettre la reprise et l’installation de personnes non issues du monde agricole en développant des soutiens financiers innovants et solidaires ; la filière équine devra également faire l’objet d’une attention particulière.
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soutien à la modernisation des activités traditionnelles comme la pêche à travers la diffusion des possibilités offertes en matière d’innovation par les progrès techniques et technologiques ainsi que les procédés ou savoirs développés dans le cadre d’activités de recherche (modernisation des équipements de pêche, recherche dans le domaine conchylicole, innovations de procédés…) ; -
soutien au développement des services aux entreprises qui sont parmi les leviers majeurs d’une amélioration de leur compétitivité en repérant les composantes déficitaires, en étant pro actif dans l’émergence de projets permettant d’y répondre.
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3
ième
objectif : Rechercher une diversification des activités et débouchés
A partir des besoins et des ressources locales, il peut être mis en œuvre une diversification d’activités existantes capable de conquérir des marchés émergents et porteurs. -
Contribuer au remplissage du « carnet de commande » du secteur du bâtiment par le lancement d’un « chantier » ambitieux de rénovation thermique et de modernisation du patrimoine bâti manchois. Un soutien à la filière pourrait notamment être mis en place à travers la mobilisation de financements publics / privés sur des projets d’ampleur visant à démontrer l’exemplarité du nouveau modèle de développement de l’habitat manchois. L’attribution des contrats serait conditionnée au respect de conditions environnementales (éco-construction, chantier vert, …) ce qui pourrait être l’occasion de 69
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soutenir le développement de l’éco-construction et de la « rénovation verte » ; -
De nombreux savoir-faire en matière de maintenance en milieux dangereux mais aussi les débouchés liés à la filière nucléaire, quelle que soit son avenir, peuvent être mobilisés et conquérir des marchés nouveaux ;
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Soutenir la diversification des débouchés du secteur de la construction navale, par la création de débouchés locaux notamment à travers la valorisation des potentiels de synergies avec la filière énergies renouvelables qui devra être développée. Un engagement pourrait être exigé de la part des producteurs d’énergie pour localiser la majeure partie de la production au niveau régional. Ce soutien passera aussi par le développement de la plaisance en lien avec la stratégie de développement touristique ;
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Investir dans le port de Cherbourg comme hub de transbordement, de l’approvisionnement des navires de passages des lignes de fret de longue distance (l’évolution des flux maritimes de fret, en particulier grâce à l’ouverture du canal de Panama à des transporteurs beaucoup plus important devra être pris en compte) et par le développement de la filière des énergies marines renouvelables.
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Etre en veille sur les potentiels de transformation et d‘utilisation des nouvelles ressources issues de la mer (algues…)
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Promouvoir la maîtrise d’ambiance : protéger les produits de l’environnement (agroalimentaires, microélectroniques) et inversement l’environnement du produit (nucléaires/ chimiques) à des fins de gestion des risques
4 objectif : positionner la sécurisation des reprises d’activités comme priorité départementale
ième
Un des enjeux majeurs de l’économie locale est celui de ne pas voir disparaitre des entreprises locales (tous secteurs et que ce soient des entreprises individuelles ou des TPE/PME) par défaut de reprise. Il conviendrait de transformer cette menace en opportunité de renouvellement, de pérennisation et de développement économique par une politique volontariste de soutien à la reprise / transmission d’entreprises. Les acteurs locaux doivent se mobiliser pour poursuivre et amplifier les actions en faveur de cet objectif et promouvoir ainsi l’entrepreneuriat dans la Manche. Différentes pistes sont identifiables : -
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Favoriser l’évolution de PME locales vers des Entreprises de Tailles Intermédiaires (ETI) dont la résilience à la crise, les capacités d’innovation et l’ouverture à l’internationalisation (export) sont plus fortes. Soutenir activement les initiatives permettant une mise en relation des entreprises régionales : mise en contact d’entreprises en vue de facilitation de démarches de fusion, rapprochement, partenariat… entre les TPE / PME départementales. C’est l’un des enjeux clé des années à venir pour impulser une montée en compétitivité du tissu économique manchois. Identifier les exploitations / entreprises en cession (fonction d’observatoire / veille) Rechercher, stimuler des repreneurs-ses et cédants 70
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Insérer les repreneurs identifiés au sein de dispositifs de soutien techniques (formation / information), et financier
5 objectif : Investir dans le mix énergétique et en premier lieu les énergies renouvelables et plus particulièrement dans les énergies marines renouvelables, porteuses de croissance forte et durable pour l’économie manchoise
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La production d’énergies renouvelables devra être fortement investie dans les années à venir. Ce secteur devra être l’un des secteurs clé du développement de l’économie manchoise dans les années à venir. Il devra être abordé avec une approche de constitution / structuration de filière associant recherche, offre de formation supérieure, formation continue, production locale des installations productrices d’énergies, exploitation des gisements, stockage de l’énergie… La valorisation du potentiel en éolien offshore et surtout du potentiel hydrolien apparaît être l’une des priorités majeures des années à venir. Les efforts d’investissement et de mobilisation déjà consentis en faveur des énergies marines renouvelables devront être poursuivis et accentués. •
ème
ème
objectif : prendre le train de la 3 révolution industrielle : convergence des 6 technologies de la communication (Internet/satellites notamment) et des énergies renouvelables.
Selon J. Rifkins cette révolution repose sur la création conjointe : -d'un système distribué de production et distribution d’énergies renouvelables, produite non plus dans de grandes centrales source de dépendance, de risque et associées à d’importantes pertes en ligne, mais un peu partout et de manière décentralisée, directement sur les constructions ou via les fondations -d’une capacité à stocker une partie de cette énergie (sous la forme d’hydrogène notamment), et à la redistribuer une partie de l'énergie ainsi produite de manière « décentralisée », par l'intermédiaire d’un réseau intelligent de type « smart grid »
De façon transversale à ces objectifs il serait nécessaire de constituer un réseau manchois d’entrepreneurs / investisseurs attachés au développement économique de leur territoire et souhaitant s’impliquer dans une démarche plus globale de stratégie de capitalisation locale (ingénierie financière, business angels, fonds souverain territorial – régional ou départemental …) visant à soutenir et accompagner les projets d’entrepreneuriats et de développement sur le territoire manchois.
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Cette stratégie financière solidaire et participative pourrait s’articuler aussi sur la création de dispositifs de résidences d’entrepreneurs
Enfin c’est grâce aux infrastructures numériques mais aussi au développement des usages que la mise en œuvre de ces objectifs sera facilitée. L’approche permettra de développer tout à la fois une économie numérique mais aussi de mieux intégrer le numérique comme support à l’économie.
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La Manche invente une nouvelle gouvernance
Passer un contrat territorial départemental et un contrat social pour fédérer les acteurs locaux et garantir la cohérence de l'action publique
La réussite de la nouvelle stratégie territoriale pour la Manche nécessite de mobiliser et de fédérer l’ensemble des acteurs autour de cet horizon commun. Un contrat territorial départemental pour rendre l’action publique plus performante Dans le cadre des nouvelles dispositions à venir, issues de l’acte 3 de la décentralisation, et en cohérence avec les choix qui seront réalisés au sein des conférences territoriales et du pacte de gouvernance (schémas d’organisation sectoriels), il pourra être co-construit entre les collectivités locales de la Manche un contrat territorial départemental qui aurait pour vocation de rendre l’action publique plus performante tout à la fois au services des priorités du Département mais aussi de ses territoires. Ce contrat précisera les priorités et modalités d’interventions du Département et l’articulation des compétences (y compris une synthèse du niveau supra). Il offrira ainsi un cadre de référence qui aidera les territoires à concevoir, à adapter, leurs propres stratégies locales fondées sur leurs spécificités mais en cohérence avec les priorités départementales et un guide d’aide à l’action publique. Ce contrat pourra également intégrer les apports d’ingénierie et d’animation (cf.infra) du Département et il indiquera dans les modalités les champs et formes de contractualisation possibles entre le Département et les autres acteurs publics (contrats de territoire / contrat avec le PNR..). Il constituera une opportunité pour rechercher d’éventuelles mutualisations. Ce contrat territorial pourrait être, également, une opportunité pour chercher à mettre en place un guichet (non pas géographique mais en termes de processus, de modalités) unique pour les citoyens, usagers, acteurs socio-économiques afin de faciliter et de simplifier les modes de faire. Les contraintes budgétaires, la complexification croissante des enjeux, les attentes sociétales sont de plus en plus fortes et doivent conduire à imaginer et à concevoir des réponses et des organisations qui ne peuvent plus être celles d’hier et d’aujourd’hui. Ce contrat entre acteurs publics doit se donner cette ambition.
Un contrat social pour faire société ensemble Ce nouveau contrat social permettra de renforcer le lien entre les institutionnels et les citoyens et de faire diminuer la défiance au profit de la confiance. La démocratie locale est une condition majeure d’un vivre ensemble harmonieux. Les attentes sociétales sont très fortes et de nombreux signaux (développement des conflits d’usage et des conflits entre intérêt général et intérêt individuel, revendications participatives, accès à la 73 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
connaissance et à la diffusion du savoir qui modifient en profondeur les rapports avec les citoyens…) indiquent qu’il faut impérativement y répondre. Il établira les grands engagements que le Département prendra vis-à-vis des habitants et des acteurs locaux mais il indiquera également les attentes du Département vis-à-vis des habitants et des acteurs.
Les engagements : - Reconnaitre aux habitants et acteurs une véritable maitrise d’usage qui doit trouver sa place aux cotés de la maitrise d’ouvrage et de la maitrise d’œuvre - Mettre en place des démarches participatives dans la définition et la mise en œuvre de l’action publique pour permettre l’exercice de cette maitrise d’usage - Favoriser et développer la formation à la citoyenneté et son exercice - Favoriser le développement et la mise en œuvre avec les acteurs collectifs (associations…) de partenariats fondés sur des objectifs clairs et réellement partagés - Promouvoir et faciliter l’émergence d’initiatives locales - Etre transparent dans la gestion publique et rendre compte des actions menées - Communiquer sur les évaluations réalisées -
Les attentes : Contribuer au mieux vivre ensemble Exercer sa maitrise d’usage et sa citoyenneté Comprendre l’intérêt général Préserver et valoriser les biens communs Etre acteurs des solidarités
Un Conseil général interface et animateur du territoire
Dès aujourd’hui, mais encore plus demain, le Conseil général dans ses responsabilités, ses compétences et son échelle territoriale d’intervention ne pourra pas être, au-delà de l’exercice de ses compétences propres comme maitre d’ouvrage, seulement un distributeur de financements. Ses apports et ses plus-values doivent se situer également sur d’autres champs. Les subventions ne peuvent plus être le seul outil d’intervention du Département. Il devra, comme il le fait déjà mais de façon encore plus active, permettre les cohérences et les interfaces entre les échelles infra (communes, EPCI, PNR, Pays…) et les niveaux supra (Région, Etat, Europe). Il doit être un facilitateur et un canalisateur des différentes interventions sur les territoires. De même, à, partir des cadre de référence évoqués précédemment, il aura toute légitimité à occuper, de par sa proximité, un rôle d’animateur du territoire. Cette animation consistera à soutenir les dynamiques territoriales, à permettre et faciliter les échanges et transferts d’expériences (infra et extra), à favoriser les émergences d’initiatives locales, à rendre possible des mutualisations. Les enjeux de performance des actions publiques nécessiteront d’être dotés de fortes capacités d’ingénierie pour répondre aux besoins de veille, d’accompagnement, de réflexion, d’innovation, de sécurisation des processus, de recherche de la plus grande efficience. Il conviendra d’être innovant pour imaginer et mettre en place de vraies ressources d’ingénierie mutualisées, partageables, pour que chacun puisse y recourir alors que seul, personne ne peut disposer de toutes les compétences. La « matière grise » ne devra pas être considérée comme une charge mais comme un investissement. Le travail en réseau, l’accès aux connaissances et le partage seront pour les acteurs publics comme pour les acteurs privés des conditions de réussite indispensables. 74 Conseil Général de la Manche - ASSISTANCE A MAITRISE D'OUVRAGE POUR UNE DEMARCHE DE PROSPECTIVE TERRITORIALE – Enjeux et scénarios – Avril 2013
Enfin, la Manche étant un territoire particulièrement exposé à de nombreux risques (submersion, nucléaire, sanitaire et alimentaire, transports maritimes… qui, de plus, peuvent se cumuler) il conviendra avec les acteurs compétents et en responsabilité de travailler tout à la fois sur les questions d’anticipation et de gestion de crises mais aussi des risques (risques continus type perturbateurs endocriniens…). Enfin par rapport à certains évènements, type climatique, il nous faudra retrouver une certaine rusticité que nous avons perdue.
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