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Procès France Télécom

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FRANCE TéléCOM «Au nom du peupl e français»

La décision de justice rendue e 20 décembre dans ’affaire France Té écom ne condamne pas seu ement e «harcè ement mora institutionne ». Ell e donne des pistes pour que, p us jamais, un te drame ne se produise. Historique.

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La loi c’est la loi. Que des sociétés veuillent faire toujours plus de profits, c’est leur droit; aucun tribunal ne peut les en empêcher. Mais que cette visée implique pressions incessantes, harcèlement et humiliation est une

autre affaire. De 2007 à 2010, la stratégie managériale mise en œuvre par France

Télécom pour faire partir 22000 salariés et imposer la mobilité à 10000 autres avait poussé 31 personnes à attenter à leurs jours tandis que des dizaines d’autres avaient sombré dans la dépression.

Le 20 décembre, la 31 e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris en a tiré les conséquences. Elle a condamné l’opérateur à la peine maximale : 75 000 euros d’amende. Quant à l’ancien Pdg Didier Lombard, à l’ex-directeur des opérations France, Louis-Pierre Wenès et à l’ex-directeur des ressources humaines, Olivier Barberot, ils ont écopé des peines parmi les plus lourdes que permet le droit: douze mois d’emprisonnement, dont huit avec sursis, assortis de 15000 euros d’amende. Que Didier Lombard ait immédiatement contesté le jugement, le qualifiant de «démagogique», n’y changera rien. Celui-ci est historique. Il l’est parce qu’il est le premier à condamner une entreprise du Cac 40 et des dirigeants d’un tel niveau pour harcèlement. Il l’est aussi parce que, de l’avis des 167 familles, associations et organisations syndicales– parties civiles dans ce dossier–, il constitue, comme l’a déclaré à la sortie du tribunal Christian Mathorel, secrétaire général de la Fapt-Cgt, «un formidable point d’appui. Un levier, non seulement pour défendre, partout, la santé au travail des salariés mais aussi pour obtenir de la France la ratification et la transcription dans la loi française de la convention contre les violences et le harcèlement dans le monde du travail adoptée en juin par l’Oit».

Interdits et chaîne de responsabilité

Il y a dix ans, quand a débuté l’instruction, nul n’aurait pu assurer que ce dossier serait jugé pour ce qu’il est: une affaire de harcèlement moral, non individuel, mais «institutionnel», ainsi que, le mois dernier, l’a clairement spécifié le tribunal. Le dossier France Télécom aurait pu rester cantonné à un procès pour homicides involontaires. Il aurait pu n’être considéré que comme une triste affaire de suicides au travail. Grâce à la ténacité des élus du personnel et de Sylvie Catala, l’inspectrice du travail qui a permis le premier signalement au procureur de la République, grâce aussi au travail des avocats des familles des victimes et à la détermination des magistrats de la 31 e chambre correctionnelle, il en a été autrement. Cette affaire a été jugée pour ce qu’elle

est: celle des «risques managériaux» et de leur «toxicité», comme s’en est réjoui le même jour Jean-Paul Teissonnière, avocat de Sud-Télécom. La dérive a été alimentée par des procédés strictement interdits par la loi, a clairement spécifié le tribunal. Est «prohibé», a-t-il listé, la mise en place d’organisations du travail délibérément fondées sur une «surcharge» ou une «sous-charge de travail», des «manœuvres d’intimidation» ou encore sur «la mise au ban de salariés des collectifs de travail». Les juges ont insisté sur la nécessité, dans un tel contexte, de considérer la chaîne des responsabilités. Si la direction centrale de l’entreprise est redevable de ses actes devant la justice, l’encadrement intermédiaire l’est tout autant, ont-ils précisé. Et c’est à ce titre que quatre cadres dirigeants, directeurs des opérations ou des ressources humaines ont été condamnés pour complicité à quatre mois de prison avec sursis et 15000 euros d’amende. Parmi eux, Brigitte Dumont, directrice

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