L' "après" Quelles transitions ?

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La chance, t’en as ou t’en n’as pas. Question de peau…

Toutes ces histoires à couper le souffle agacent Emmanuel Macron. Si, si. Ça se voit, ça s’entend. Contraint d’en parler, il a joué le funambule sur le fil d’acier de son « en même temps ». Mais le balancier indique clairement d’où souffle le vent. Il sera, c’est juré, « intraitable face au racisme ». On respire. Pas trop fort, car on apprend dans la foulée que « de nouvelles mesures fortes pour l’égalité des chances seront prises ». Qui parmi vous, je vous le demande, souhaite voir sa capacité respiratoire dépendre de sa chance, qu’on la qualifie de première ou de seconde ? La chance, par nature, est souvent aléatoire, tous les perdants du Loto vous le confirmeront. La République lui préfère l’égalité des droits, lesquels, justement, ne dépendent ni de l’alignement des planètes ni du pot de monsieur Machin, et moins encore de la peau de madame Truc. Pour faire bonne mesure, le président a eu un mot vertigineux en direction de celles et de ceux qui se lèvent contre les violences racistes de la police : « séparatistes ». Voilà qui laisse songeur : ce choix retranche de la communauté nationale, c’est-à-dire exactement ce qu’il reproche à d’autres. À ceux qui penseraient que les seuls séparatistes sont les racistes, surtout en uniforme, à ceux qui se sentent victimes du racisme et d’un certain ordre républicain, le président a tenu à préciser que les forces de l’ordre « méritent le soutien de la puissance publique et la reconnaissance de la nation ». Qu’on ne s’étonne pas si, après cela, on continue de mourir étranglé et de s’étrangler de rage.

Pour l’après, ça sera plus tard De discours en allocution, Emmanuel Macron continue à se présenter en maître à bord et garant d’un cap intangible.

« Retrouver notre indépendance pour vivre heureux et vivre mieux. » Tel est l’objectif que le président de la République a exposé devant les Françaises et les Français dans son allocution du 14 juin. On voit mal qui pourrait être contre si ce n’est que, dans ce même discours, le même président de la République s’est montré très satisfait de son « travail sans relâche » et de son bilan. Par voie de conséquence, il entend poursuivre, imperturbablement, dans la même voie. Au point qu’il commence à ressembler à ces soldats d’un autre temps rabâchant, encore et toujours, plus ou moins bien, la sempiternelle même histoire. La « nouvelle étape » promise a donc tous les traits d’un chemin usé d’avoir été mille et mille fois parcouru. La politique économique du quinquennat ? On ne peut pas mieux faire ! Réformer la fiscalité dans le sens d’une plus grande justice ? Pas question, ça effrayerait les riches et ça tuerait l’attractivité ! Les salaires ? Pas touche ! Ça avantagerait les salariés, alors qu’il y a tant de chômeurs ! Il est plus économique d’encourager la participation, surtout dans les entreprises qui ne pourront pas la verser. Pour le reste, on retrouve ce même contentement de soi, ce même aveuglement qui sont la marque de fabrique du personnage : pas question par exemple, d’abandonner la retraite par points, dont on sait à quel point elle a divisé le pays. Il en va de même pour l’assurance chômage, encore que, là, il semble se rendre compte du poids de l’opposition des organisations syndicales… Mais sur le fond, il reste persuadé que ce n’est que partie remise. Le président garde l’œil rivé sur une série de réformes allemandes, dites Hartz, dont les effets n’ont rien eu d’enviable pour les travailleurs d’outre-Rhin. Le reste, qui concerne le style, l’exercice du pouvoir, est à l’avenant, avec des allures musicales de marchand forain : décentralisation, référendum, guerre à l’énarchie (sic) et démocratie pour tout le monde, promis. Pour les détails, il faudra attendre le prochain discours présidentiel. En attendant ? Eh bien, en attendant et compte tenu des circonstances, le président a dévoilé aux yeux de tous sa martingale, gage des succès futurs : il faudra « travailler et produire davantage ». Geoffroy Roux de Bézieux n’aurait pas dit mieux. L. S.

Pierre Tartakowsky OPTIONS N° 658 / juin 2020

Emmanuel Macron

Olivier Corsan/maxppp

ou, plus exactement, sont heurtés par eux. Dans ce contexte d’émotions chaotiques, une demidouzaine de policiers cernent une infirmière et procèdent à une interpellation avec un zèle qu’on peut juger excessif. De mauvais souvenirs des premières piqûres vaccinales ? On ne sait, mais la dangereuse blouse blanche est cernée, plaquée au sol, tirée par les cheveux, blessée au visage et enfourgonnée sans ménagement alors même qu’elle réclame, de plus en plus faiblement, sa Ventoline. Elle n’est pas étranglée, notez ! S’il faut en plus lui fournir de quoi respirer… Scandale ! La police – qui d’autre ? – met alors en circulation des images montrant la délinquante en train de jeter un projectile sur un casque policier avec commentaires à l’appui : Ah Ah ! Elle l’a bien cherché ! La justice tranchera. Le plus clair, c’est que toute à sa joie d’avoir prolongé son autorisation de serrer les carotides qui passent à portée de main, la police entend jouer au juge, en mode Code d’Hammourabi : pour une pierre, traîné par terre ; pour un doigt, étrangle-toi ! Le tout au cri de guerre bien connu des gangs de rues et des maternelles : « C’est pas nous, c’est elle qu’a commencé. »

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