Transition écologique/industrie sous vents contraires

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Université

Étudiants : Tous entrepreneurs ? Installer l’esprit « entrepreneur » comme un modèle positif qui s’imposerait aux étudiants : au motif de l’insertion professionnelle des jeunes, la crise du coronavirus pourrait accélérer une stratégie développée depuis au moins deux décennies dans l’enseignement supérieur.

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ntrepreneur is the new France. » E n 2 0 1 7 , l o r s q u’ E m m a n u e l Macron, à peine élu, assène cette « vérité », cela fait déjà quelques années que le système universitaire a développé l’éducation à l’entrepreneuriat à tous les niveaux. Si la première filière dédiée à la formation des entrepreneurs apparaît à Hec dès 1976, les années 2000 voient se développer des modules en tous genres (rencontres, business games, ateliers…) en dehors des seules écoles de commerce pour intéresser les filières générales, scientifiques et littéraires des universités. Alors que la crise du coronavirus pourrait accélérer le processus au motif de la lutte contre le chômage des jeunes, Olivia Chambard, docteure en sciences sociales de l’École des hautes études en sciences sociales (Ehess) s’intéresse, dans un livre I tiré de sa thèse, aux ressorts comme aux motivations de cette « injonction croissante d’éduquer la jeunesse à l’esprit d’entreprendre ». À partir d’un travail sociologique fouillé, mêlant entretiens, archives, enquêtes dans les établissements et étude de dispositifs de formation, elle met en évidence le passage d’une université lieu de critique sociale à celui, du moins dans certains de ses espaces, de « laboratoire des idéologies capitalistes ». La « célébration » de la figure de l’entrepreneur vise-t-elle avant tout cette stratégie, en accompagnant les mutations à l’œuvre comme la flexibilisation du travail et la déstabilisation de la condition salariale ? Et quels sont ses effets ? La dernière évaluation portant sur l’entre-

preneuriat étudiant 2 apporte une première réponse : « l’esprit entrepreneur » serait devenu « une condition existentielle dans le contexte de la troisième révolution industrielle », au croisement de plusieurs tendances, dont le développement des plateformes numériques et la recherche supposée de flexibilité par les jeunes. Le choix des mots ne surprend pas Olivia Chambard. D’abord « existentiel » : « Il va bien au-delà des enjeux économiques et sociaux portés par l’entrepreneuriat pour renvoyer au façonnage d’un Homme idéal adapté à l’idée que s’en fait la société, comme l’a décrit au xixe siècle le sociologue Émile Durkheim. »

Crise du coronavirus : une nouvelle « opportunité » Puis l’expression « esprit d’entreprendre » qui supplante désormais les termes « entrepreneurs » ou « entrepreneuriat » et suppose un type de qualités indispensables à tous sur le marché du travail : « L’évolution du choix des termes illustre un glissement des objectifs au fil du temps, depuis la création d’entreprise à proprement parler jusqu’à une finalité plus large d’insertion professionnelle, souligne la chercheuse affiliée au Centre d’études de l’emploi et du travail (Ceet). Il s’agit moins de former une minorité d’étudiants à la création d’entreprises innovantes que de diffuser une compétence transversale supposée “utile” à tous. Avec la crise du coronavirus, le risque est d’assister à un nouveau “resserrement” des enseignements vers ce type de compétences “utilitaristes”

Des effectifs limités Selon les dernières données fournies par le réseau des Pépites et publiées par la mission d’évaluation, quelque 10 300 étudiants étaient, en 2016-2017, inscrits dans des diplômes des domaines de l’entrepreneuriat, de l’innovation ou des Tpe-Pme, dont environ 4 000 en master et 1 200 en licence professionnelle. À ces chiffres, il faut ajouter environ 100 000 étudiants qui suivent différents modules de formation à l’entrepreneuriat dans des cursus dits non spécialisés. Le statut national d’étudiant entrepreneur, créé en 2014, a intéressé 637 étudiants la première année, puis 3 700 en 2018, et enfin 4 500 en 2019. Des chiffres loin des objectifs affichés lors de la création du statut, tablant sur 20 000 étudiants dès 2017. Au total, le réseau des Pépites a recensé la création de 713 entreprises. 30

OPTIONS N° 659 / septembre 2020


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