Transition écologique/industrie sous vents contraires

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Société

Science et conscience à l’épreuve de la pandémie La pandémie a-t-elle modifié la perception qu’ont les citoyens de la science et des chercheurs et, si oui, dans quels sens ? Un entretien avec Philippe Dubois, directeur de recherche au Gemass, Cnrs, Sorbonne Université.

Options : D’un côté, la pandémie a réinstallé « la science » – sous-entendu : les sciences dures – en facteur de solution ultime à la pandémie, et facilité la promotion des chercheurs en experts politiques, voire en prescripteurs de politiques publiques. D’un autre côté, elle a favorisé une floraison de discours ascientifiques, allant de la négation pure et simple de l’épidémie à des prescriptions parfois surréalistes. Quels enseignements tirer de cette mise en visibilité paradoxale ? – Philippe Dubois : Toutes les épidémies charrient leur lot d’angoisses, de rumeurs et bien sûr d’individus décidés à profiter de la crédulité d’autrui. Celle-ci ne fait pas exception, et un travail d’information critique est indispensable. Fort heureusement, la situation actuelle ne se réduit pas à ce problème de fake news et autres infox. Elle donne à voir des attentes collectives fortes et positives à l’égard des sciences. La pression qui s’exerce sur la communauté scientifique et ses effets sont manifestes : production accélérée de publications et de prépublications, mutualisation des données brutes, réorientation massive

des financements, etc. Mais cette pression est également parfois politique : à l’évidence, certains dirigeants font le pari que leur réélection se jouera en partie sur leur capacité à fournir au plus vite un vaccin. Face à de telles dérives, il revient aux représentants des communautés scientifiques et médicales, aux responsables des sociétés savantes, de rappeler ce qui fait la spécificité du temps de la recherche, de se constituer comme des instances autonomes de régulation. Tout comme il revient aux scientifiques mandatés par les autorités publiques pour produire des recommandations d’anticiper sur toute forme de récupération ou d’instrumentalisation. La situation en France n’est pas parfaite, mais les premiers retours que l’on a des membres des conseils scientifiques montrent une forme d’apprentissage, notamment par rapport aux crises sanitaires des années 1990. Il serait intéressant de comparer le fonctionnement du comité présidé par Jean-François Delfraissy avec celui qui a été présidé pendant par la crise dite de la « vache folle » par le Pr Dominique Dormont.

1. Open Knowledge Foundation, « Brits demand openness from government in tackling coronavirus », 5 mai 2020.

– Concernant le rapport confiancedéfiance à l’égard des scientifiques, on a parlé, au plus fort de l’épidémie, d’une forme d’exception française, notre pays

2. « Attitudes des citoyens face au Covid-19 », à retrouver sur Sciencespo.fr/cevipof 46

manifestant un niveau de confiance nettement plus fluctuant que celui des pays voisins. À quoi attribuer ce mouvement en forme de montagnes russes ? – C’est encore un peu tôt pour réaliser une comparaison internationale solide, mais il est vrai que le résultat des enquêtes conduites avant l’été en Allemagne, aux États-Unis ou en Grande-Bretagne suggère que la France connaît une évolution singulière, en particulier au plus fort de la crise, durant la période de confinement. À l’étranger, la crise semble avoir eu un effet « booster » sur la confiance exprimée non seulement à l’égard de l’institution scientifique, mais également à l’égard des experts, qui sont traditionnellement des figures plus controversées dans l’opinion. L’enquête conduite, par exemple, par l’Open Knowledge Foundation 1 en mai dernier montre qu’en Grande-Bretagne, plus de 60 % des personnes affirment que la crise les incite à accorder davantage d’attention aux recommandations formulées par les experts. Nous ne retrouvons pas ce type de dynamique en France. L’enquête Cevipof conduite sur l’attitude des citoyens face au Covid‑19 mettait en évidence, à partir d’un niveau initial de confiance à l’égard des scientifiques normalement élevé (autour de 85 %), une diminution de 10 points pendant le mois OPTIONS N° 659 / SEPTEMBRE 2020


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