MOULINS/EXPOSITION
On ne sait toujours pas sur quel pied danser. Du haut en bas de l’échelle, des dizaines de milliers d’artistes, de techniciens, d’employés, dans le domaine de la culture littéralement atterré, sinistré à plus ou moins longue échéance, rongent leur frein sans plus d’espoir. Chaque jour qui passe, dans une période où la notion du temps a perdu son sens au cours de la répétition lancinante d’une vie quotidienne d’astreinte, ressemble furieu sement à celui de la veille ou d’il y a six mois. Il y a bien, ici et là, des tentatives sinon de révoltes, du moins d’alternatives. À Avignon, par exemple, une poignée de comédiens, prudemment masqués, ont manifesté dans la rue, vite cernés par la police. À Rennes, on a joué dans un théâtre en respectant scrupuleusement la distance entre les spectateurs. Ailleurs, c’est en plein air qu’on a donné une pièce. Les musées semblent déserts depuis une éternité. Au Louvre, on en profite ● CENTRE NATIONAL DU COSTUME DE SCèNE, QUARTIER VILLARS, ROUTE DE MONTILLY, à MOULINS (03). www.cncs.fr
pour restaurer les salles des collections égyptiennes. Le Centre Pompidou fait visiter sur écran son exposition Matisse. D’autres institutions font de même. Le virtuel supplante durablement le vivant. Quant aux films, ils ne se consomment plus qu’à domicile et Netflix étend son empire dans les ménages.
Assister à des avant-premières en « présentiel » Il existe encore, dans les moments de tolérance d’une relative circulation, la possibilité, pour des professionnels de la profession journalistique, d’assister à des avant-premières « en présentiel », suivant ce vilain mot entré au lexique viral. Cela vaut pour des théâtres et quelques musées. On est alors le témoin d’une manifestation dont le compte rendu peut être, soit différé, dans le vœu qu’un jour la liberté revienne, soit immédiat ou presque, en donnant à rêver un tant soit peu sur un événement dont le lecteur putatif est momentanément écarté. J’avoue n’être pas friand de cette pra-
s kko
SCéNOGRAPHE, METTEUR EN SCèNE DE THéÂTRE ET D’OPéRA, IL HABILLE AUSSI DEPUIS PLUS D’UN DEMI-SIèCLE, PARTOUT DANS LE MONDE, CHACUN DE SES INTERPRèTES AVEC UNE SPLENDEUR DANS L’INVENTION JAMAIS DéMENTIE.
ó Y. K
LES US ET COSTUMES de Yánnis Kókkos Maquette de costume pour une dame représentant la nuit dans Hernani de Victor Hugo. Mise en scène d’Antoine Vitez.
tique, car le lecteur, ne pouvant vérifier ce qu’écrit le journaliste, devient symboliquement le partenaire manquant de l’affaire, quand bien même il n’aurait pas le goût ni le loisir d’aller y voir lui-même. J’ai fait une exception le 12 janvier, pour un voyage de presse à Moulins (Allier), au Centre national du costume de scène et de la scénographie (Cncs), qui affiche une exposition d’envergure intitulée « Scènes de Yánnis Kókkos ». Yánnis Kókkos est scénographe, créateur de costumes, metteur en scène de théâtre et d’opéra. Je le connais et je l’admire depuis cinquante ans au bas mot, d’abord pour ses travaux dans le théâtre. Ce voyage impromptu m’a permis de découvrir un établissement axé sur la mémoire concrète du « spectacle vivant » à partir des vêtements d’invention qui ont habillé, au fil du temps, des corps d’acteurs, de chanteurs, de danseurs, dans des représentations le plus souvent prestigieuses, à tout le moins lestées de sens. Les costumes de scène déposés au Cncs ont été réalisés dans des ateliers spécialisés, qu’ils aient été au sein de théâtres
Jean-Marc Teissonnier
Centre national du costume de scène et de la scénographie a mis Yánnis Kókkos à l’honneur.
40
OPTIONS N° 664 / février 2021