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À propos Au fil de l’actualité

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Vous pouvez le faire? Il peut le faire!

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On s’était promis – promis juré – qu’en cette rubrique, on se tiendrait à l’écart du pouvoir contaminant, virulent et hégémonique de la Covid, qu’on éviterait son actualité aux allures de montagnes russes: masques, vaccins, couvrefeux et confinements rythmés par la succession vertigineuse des palinodies gouvernementales. À quoi bon commenter ce qui occupe, sature et obscurcit vingt-quatre heures sur vingt-quatre l’espace médiatique? On pensait par ailleurs, un peu naïvement, pouvoir continuer à s’attacher à des sujets légers et mineurs: la culture mise à poil et la nudité de la femme, stigmatisée; le travail mis à mal et l’emploi renvoyé à la maison; l’islamogauchisme et la frénésie dénonciatrice mise en œuvre par des élus en mal de boucs émissaires; des pigeons voyageurs chinois qui gardent le cap et des journalistes britanniques qui perdent le nord, affolés par les confidences savamment jaugées (elles aussi, Covid oblige), du couple exroyal de Meghan et Harry; des forêts ariégeoises violées à la tronçonneuse par des cambrioleurs un petit peu trop entreprenants. Bref, traiter de ces choses qui, en l’absence de cinémas, de théâtres, de concerts, font office de dérivatifs bienvenus. Surtout lorsque le contexte est rythmé de macroneries législatives qui préparent un avenir où parler, montrer, photographier, partager sur un réseau seront des activités à risque. Oh, qu’on ne s’inquiète pas, il sera toujours possible de commenter les aventures et mésaventures de Meghan et Harry, parce que les gens ont quand même le droit de savoir. Pure arrogance, on a cru, un moment, avoir relevé le challenge. Jusqu’à ce que, fatalitas, Jean Castex prenne la parole. Il n’a fallu que quelques phrases pour réduire les hautes murailles de notre résolution en poussière. Impossible, en effet, de faire comme s’il ne s’était rien passé. Non qu’il se soit passé quelque chose, notez bien. Mais il faut rendre hommage à un gouvernement qui tente de se hausser à la hauteur de David Copperfield, dont on sait qu’il faisait, d’un claquement de doigts, disparaître un train. Hélas, malgré de laborieux efforts, le président – qui est joueur – et son Premier ministre – qui n’en a pas l’air – évoquent davantage le Sâr Rabindranath Duval et son génial: «Vous pouvez le faire? Il peut le faire!» Interprété par Pierre Dac et Francis Blanche, c’était désopilant. Réécrit par Macron-Castex, ça ne fait rire personne.

Vous avez compris? C’est qu’on vous l’a mal expliqué

S’il y a une chose contre laquelle les Français sont massivement vaccinés, c’est la langue de bois. Or, le couple dirigeant de l’exécutif la pratique à grande échelle, piégé par ses rodomontades. Résumons, pour celles et ceux qui y auraient perdu leur vaccin: fin janvier, le président de la République fait le pari (le garçon s’avoue joueur) de ne pas reconfiner le pays et de juguler la pandémie. «Vous pouvez le faire?» Deux mois plus tard, il n’a pas pu. Jean Castex se retrouve alors chargé de la mission délicate d’annoncer que le fameux pari présidentiel est perdu, sans pouvoir – loyauté ministérielle oblige – désavouer publiquement le Sâr. D’autant que la grogne et le désordre menacent ; comment, pour ne pas ajouter de l’huile sur le feu, dire la vérité en la rendant présentable? Le Premier ministre avait le choix entre plusieurs répertoires, en s’inspirant de phrases célèbres dues à ses prédécesseurs. Il pouvait, par exemple, essayer une raffarinade (« Ce n’est pas la Covid qui gouverne ») ; miser sur la sympathie de l’aveu désespéré jospinien («Contre la Covid, l’État ne peut pas tout»); voire utiliser le quasi-surréalisme balladurien («Je ne fais pas de promesses, mais je les tiens»). Mais – c’est tout à son honneur – l’homme n’a pas voulu rejoindre la cohorte des plagiaires et a tenu à se montrer créatif, dans les limites imparties par l’Élysée.

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