Chapitre 2 Des schémas de gouvernance alternatifs pour la durabilité des systèmes alimentaires MATHILDE GOURION-RETORÉ, AXEL WURTZ, FLORINE LEGAREZ, ALIZÉE THOUEILLE
L
e système alimentaire actuel est caractérisé par une industrialisation et une spécialisation de la production agricole, des filières longues et une forte concentration des pouvoirs. La distanciation – à la fois géographique, économique, cognitive, politique, culturelle et sociale – entre les acteurs de ce système génère des critiques de la part de ceux qui veulent se réapproprier leur alimentation. Citoyens, associations, communautés professionnelles ou agents de collectivités territoriales se mobilisent et sont consultés pour élaborer des schémas alternatifs de gouvernance. La notion de gouvernance renvoie aux processus d’association, de coordination et de régulation fondés sur un partenariat ouvert et éclairé entre différents acteurs, en vue d’atteindre des objectifs définis collectivement (Le Galès, 2019). Réinventer la gouvernance alimentaire suppose de faire évoluer les rapports de force du système alimentaire conventionnel, de sortir des paradigmes productivistes pour rapprocher le mangeur de ceux qui le nourrissent, mais aussi d’assurer une production agricole durable et suffisante pour le monde de demain. Sur les territoires, à l’échelle locale mais aussi nationale, des modes de gouvernance alternatifs
émergent dans un objectif de réappropriation du pouvoir décisionnel et de construction de référentiels touchant à des enjeux clés tels que les pratiques agricoles, la gestion des biens communs et la commercialisation des produits. Quatre initiatives innovantes sont présentées dans ce chapitre : → En Belgique, l’association le Mouvement d’action paysanne (MAP) a créé un système participatif de garantie (SPG) agroécologique. Cette certification alternative au label agriculture biologique (AB) européen réunit producteurs, mangeurs et le MAP afin de décider ensemble des choix de production. La démarche participative et la co-construction d’un cahier des charges permet de faire dialoguer ces acteurs et d’impliquer les mangeurs non seulement lors de l’achat d’un produit (certifié SPG), mais aussi lors de la production. Le partage de connaissances et la prise de décision concertée recréent du lien entre mangeurs et producteurs. → Sur les territoires côtiers, les prud’homies, à la fois communautés de petits pêcheurs et cadres réglementaires des activités de pêche professionnelle, sont des institutions séculaires concentrant les pouvoirs. Leur légitimité et leur inclusion dans une gouvernance alimentaire
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