Chapitre 1 Les outils de relocalisation et de reterritorialisation MARIE MAY, ANGE VILLEVIELLE, SOLENNE JAUPITRE
L’
accélération de l’urbanisation, l’apparition d’un capitalisme industriel et l’augmentation des échanges mondiaux ont induit deux phénomènes synchronisés : la production alimentaire n’a cessé de s’éloigner des consommateurs à mesure que la concentration des besoins alimentaires augmentait. De nombreux enjeux de sécurité alimentaire pèsent à présent sur les villes, sièges de toutes les croissances (démographique, économique, en termes de pollutions, etc.). L’étalement urbain entraîne une forte baisse de la surface agricole là où la croissance démographique entraîne une hausse de la demande de produits agricoles. De même, le changement des pratiques alimentaires nous amène à consommer des produits parcourant des distances de plus en plus importantes. Cet éloignement progressif entre producteurs et consommateurs se traduit de nombreuses manières : problèmes de résilience alimentaire ; méconnaissances des conditions de production ; interrogations sur la qualité du produit, son impact environnemental, son origine ; etc. En réponse à ces problématiques, des pouvoirs publics et des consommateurs montrent une volonté croissante de relocaliser les systèmes alimentaires. À cet engouement pour le local s’ajoute sur de nombreux territoires une volonté de « reterritorialiser ». Au-delà de rapprocher le lieu de production du lieu de consommation, les citoyens et les pouvoirs publics locaux souhaitent rétablir la concorde entre
les acteurs des territoires, valoriser leurs spécificités et accroître leur coopération et la concertation. Malgré l’engouement que suscitent la relocalisation et la reterritorialisation de l’alimentation, leur capacité à répondre aux enjeux précédents doit être interrogée et étudiée. En effet, les circuits courts de proximité ne répondent pas systématiquement à l’ensemble des dimensions de la durabilité : ils ont une consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre parfois plus importants que les filières longues, une rentabilité économique variable, une organisation logistique pouvant se révéler complexe pour les agriculteurs, etc. Dans ce chapitre, nous vous proposons de découvrir trois innovations qui ne considèrent pas le local comme une finalité mais bien comme un moyen de rendre durables nos systèmes alimentaires : → Le drive « zéro déchet » La Palanche est un nouveau circuit de distribution développé par quatre citoyens engagés qui a su allier réduction des déchets plastiques et valorisation d’une production locale et durable. Cette innovation illustre comment des citoyens, au-delà d’être des mangeurs passifs, deviennent des consommateurs actifs en s’impliquant dans le renouvellement du système alimentaire. Motivés par de nouvelles valeurs de durabilité et de justice alimentaire, ils développent des innovations à l’échelle de leur territoire pour modeler l’alimentation qu’ils souhaitent voir dans leur assiette.
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