Catalogue10ans

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es+Alexandra Roussopoulos+Amélie Bertrand+Aurélie Bourguet+Emmanuelle Castellan+Eléonore Cheneau+Colombe Marcasiano+Muriel Rodolosse+Virginie Dyé+Steve Givernaud+Dé

err+Caroline Lejeune+Anne Neukamp+Benjamin Bozonnet+Michel Castaignet+Frédéric Jacquin+Renaud Regnery+Soazic Guézennec+Isabel Duperray+Yves Gobart+Thomas Ivernel+

n+Nicolas Roggy+Marion Bataillard+Ben Hübsch+Martin Kasper+Yann Lacroix+Aurélien Porte+Giulia Andreani+Julien Beneyton+Marion Charlet+Nicolas Nicolini+Sinyoung Park=53Pa

ndeh+Laurent Rabier+Julie Dawid+Jérémie Delhomme+Benjamin Hochart+Françoise Petrovitch+Sarah Tritz+Mireille Blanc+Hugo Pernet+Florence Reymond+Hugo Schüwer-Boss+M

au+Colombe Marcasiano+Muriel Rodolosse+Virginie Dyé+Steve Givernaud+Déborah Julien+Maude Maris+Thilleli Rahmoun+Claire Tabouret+Benoît Géhanne+Guillaume Millet+Marc

in+Renaud Regnery+Soazic Guézennec+Isabel Duperray+Yves Gobart+Thomas Ivernel+Les Louises+Alexandra Roussopoulos+Amélie Bertrand+Aurélie Bourguet+Emmanuelle Castel

+Giulia Andreani+Julien Beneyton+Marion Charlet+Nicolas Nicolini+Sinyoung Park=53Pascal Hausherr+Caroline Lejeune+Anne Neukamp+Benjamin Bozonnet+Michel Castaignet+Fré

vitch+Sarah Tritz+Mireille Blanc+Hugo Pernet+Florence Reymond+Hugo Schüwer-Boss+Marine Wallon+Nicolas Roggy+Marion Bataillard+Ben Hübsch+Martin Kasper+Yann Lacroix+A

+Maude Maris+Thilleli Rahmoun+Claire Tabouret+Benoît Géhanne+Guillaume Millet+Marc Molk+Nazanin Pouyandeh+Laurent Rabier+Julie Dawid+Jérémie Delhomme+Benjamin Hoc

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Dix ans de résidences à Chamalot

+Maude Maris+Thilleli Rahmoun+Claire Tabouret+Benoît Géhanne+Guillaume Millet+Marc Molk+Nazanin Pouyandeh+Laurent Rabier+Julie Dawid+Jérémie Delhomme+Benjamin Hoc

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Dix ans de résidences à Chamalot


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La démarche est respectueuse des artistes, de leurs besoins et de leur évolution professionnelle

Depuis dix ans, ChamalotRésidence d’artistes invite des artistes, jeunes et plus confirmés, à développer un projet de création au sein d’un espace désormais très identifié : son atelier-lieu d’exposition, ses logements, son cadre de vie, son territoire, la Corrèze et le Limousin. Dire que l’action réalisée est exemplaire ne résume pas toute la richesse et la singularité du projet. Au moment où, dans certains lieux, la notion de résidence se résume parfois à faire venir des artistes et à leur proposer un cadre d’intervention plus ou moins bien défini, Chamalot-Résidence d’artistes s’impose comme un contre-exemple, tant la démarche est respectueuse des artistes, de leurs besoins et de leur évolution professionnelle.

A Chamalot, l’artiste trouve la place qui doit être la sienne. Dans le prolongement naturel du travail de l’atelier, la résidence permet d’amplifier la production : l’espace et le temps jouant en sa faveur. La coprésence, modalité d’accueil de la résidence, est également très importante, elle permet à deux artistes de partager leurs idées et leurs recherches. Au-delà du lieu et des conditions d’accueil, l’attention portée aux projets, les rencontres avec les publics, amateurs et professionnels, offrent aux résidents la possibilité de présenter leurs recherches, de les donner à voir dans le moment de leur élaboration, de les situer dans un contexte de monstration. L’exposition annuelle (" Vendanges de printemps " et maintenant "Vendange tardive") réalisée bien après le temps de résidence, est un moment de visibilité

Chamalot : une résidence pour la peinture contemporaine essentiel, hier au sein de l’atelier, aujourd’hui au Centre d’art contemporain de Meymac. Au cœur du réseau 5,25 (réseau des lieux d’art contemporain en Limousin), Chamalot-Résidence d’artistes a apporté sa pierre à "un édifice", un ensemble de structures reconnu notamment pour la diversité des domaines abordés. Celui de la peinture contemporaine reste aujourd’hui encore une singularité et ce, bien au-delà de la région. Si l’importance de la peinture dans l’art contemporain ne fait aujourd’hui plus débat, ce positionnement spécifique de la résidence reste très isolé dans le paysage des lieux de création en France. Trop peu, en effet, s’intéressent de façon régulière à ce médium. Chamalot-Résidence d’artistes se distingue, aujourd’hui encore, pour ce parti pris et aussi pour son ouverture à la très grande diversité des démarches artistiques actuelles. La liste des artistes qui ont pu, depuis dix ans, travailler dans cet atelier désormais "emblématique",  témoigne  également  de l’importance du lieu et de son niveau de reconnaissance  sur la scène artistique contemporaine. L’ensemble de ces noms prouve, s’il en est besoin, que Chamalot-Résidence d’artistes inscrit son projet dans une histoire, celle de la peinture et de l’art de notre temps. Antoine Réguillon Directeur de l’École nationale supérieure d’art de Bourges (conseiller pour les arts plastiques de 2010 à 2015 à la DRAC du Limousin).

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De picturæ La peinture n’est pas un dessein droit, elle n’est pas en équilibre sur des axes. Le monde non plus d’ailleurs, l’art n’est pas le fourrier d’un ordre illusoire1

Chamalot, une résidence d’artistes consacrée à la seule peinture. Et cela fait maintenant dix années que ce lieu soulève la question de savoir ce que cela peut signifier de rassembler autour de cet intitulé 53 plasticiens Olivier Kaeppelin accueillis ici depuis 2006. Avec tout du long, comme le présent catalogue le montre, un vrai et beau souci d’hétérogénéité. Il faut encore et encore souligner ce credo fondamental de la résidence : ChamalotRésidence d’artistes a su, depuis le départ, éviter l’écueil qui aurait consisté à espérer le consensus – ou à vouloir en faire apparaître un. Année après année, chaque nouvelle sélection, toujours aussi richement disparate, est au contraire venue confirmer cet essentiel qui les anime, l’impossibilité de s’en tenir à une conception fixe et unifiée de la discipline. Le projet se garde ainsi d’être systémique ; au lieu de ratifier l’une ou l’autre de ses idéalisations actuelles, Chamalot-Résidence d’artistes a choisi d’accompagner la constante et féconde réélaboration qui travaille la peinture. Car la peinture n’est assurément plus cette entité cohérente, permanente, autosuffisante, parangon de l’utopie moderniste – a-t-elle d’ailleurs été un jour réellement restreinte à une si sclérosante entièreté ? À l’ère du post-médium, la voilà moins que jamais réduite à sa spécificité technique, moins que jamais assujettie aux strates de conventions qui l’ont, en d’autres temps, entérinée comme absolu disciplinaire. La peinture aujourd’hui se révèle de fait autant encline à exploiter les conventions du métier à des fins discursives qu’elle l’était auparavant à en définir à tout prix la sacro-sainte spécificité. La pratique, dès lors, ne se laisse plus à coup sûr reconnaître, ni aisément circonscrire. Ce qui ne revient pas à dire que la peinture est portée absente de l’art post-moderne, bien au contraire : elle s’est diversifiée, et complexifiée. Preuve, ici, au fil des pages où se suivent peintures réalistes, figuratives, symbolistes, expressionnistes, peintures abstraites, gestuelles ou géométriques, minimales, concrètes, peintures trouvées, peintures

comme objets, peintures étendues à l’espace, pattern paintings, bad paintings… C’est bien cette peinture, composite, que la résidence accueille et promeut, privilégiant pour cela la pertinence de telle ou telle trajectoire individuelle, fût-elle à jouxter la marge. La seule façon d’avoir une idée de ce qu’est cette peinture qui nous est contemporaine est assurément de l’approcher ainsi, à partir de directions et d’angles différents. D’en sentir les irrégularités. Alors, plutôt que de s’en remettre à la notoriété, la reconnaissance acquise – on sait le nombre de différents prix dont ont pu être gratifiés les anciens résidents –, ChamalotRésidence d’artistes continue à chercher la turbulence, à encourager une forme salutaire d’indiscipline en intégrant régulièrement des pratiques a priori incompatibles avec l’image vertueuse que la peinture, instituée, donne par ailleurs d’elle-même. Ainsi la résidence est toujours un moment d’étonnement. Et plus : de resignification. La coexistence et le concours de perspectives si distinctes nous plongent dans l’incertitude quant au mode de lecture à adopter, et nous contraignent à redéfinir chaque fois la peinture, notamment en raison de ce qu’elle peut comporter de curieux, d’opaque ou de résistant. J’ai toujours été frappée de ce que ce projet de résidence parvenait ainsi, sans coups férir, à concrétiser cette pensée essentielle d’Olivier Kaeppelin, citée en exergue. Et je voudrais ici le réaffirmer : Chamalot a parfaitement compris que dédier une résidence à la peinture revenait, somme toute, à poser une équation à une inconnue.

Marion Delage de Luget 1. Olivier Kaeppelin, "Gasiorowski, le fol de peinture", in Gasiorowski,

Les Amalgames, Paris, Maeght Editeur, 1993, p. 13.

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53 (+) artistes au pied du mur !


Dix ans de résidences à Chamalot 2006 Caroline Lejeune + Pascal Hausherr 2007 Soazic Guézennec Anne Neukamp + Renaud Regnery Benjamin Bozonnet + Frédéric Jacquin Michel Castaignet 2008 Isabel Duperray + Alexandra Roussopoulos Les Louises (Iris Levasseur + Olivier Passieux+ Florence Reymond)

Yves Gobart + Thomas Ivernel 2009 Emmanuelle Castellan + Muriel Rodolosse Eléonore Cheneau + Colombe Marcasiano Amélie Bertrand + Aurélie Bourguet 2010 Steve Givernaud + Thilleli Rahmoun Virginie Dyé + Déborah Julien Maude Maris + Claire Tabouret 2011 Marc Molk + Nazanin Pouyandeh Laurent Rabier Benoît Géhanne + Guillaume Millet 2012 Benjamin Hochart + Sarah Tritz Françoise Pétrovitch Julie Dawid + Jérémie Delhome 2013 Florence Reymond Hugo Pernet + Hugo Schüwer-Boss Mireille Blanc + Marine Wallon 2014 Marion Bataillard + Yann Lacroix Aurélien Porte + Nicolas Roggy Ben Hübsch + Martin Kasper 2015 Nicolas Nicolini + Sinyoung Park Julien Beneyton Giulia Andreani + Marion Charlet

Outre les peintres présentés dans ce catalogue, Chamalot-Résidence d’artistes a également accueilli : Isabelle Surel, musicienne Damien Faure, cinéaste Sandra Städeli, scénariste Frédéric Carpentier, cinéaste

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La gifle, 2015, aquarelle sur papier, 95 x 125 cm


Giulia Andreani Interroger les liens entre images fixes ou en mouvement et l’histoire

Giulia Andreani Requiem pour un jeune poète

A l’occasion d’une discussion que nous avons eue lors de la préparation de l’exposition, Giulia Andreani, de retour de Meisenthal où grand nombre des travaux présentés ici ont été conçus, a convoqué une référence assez inattendue pour étayer son propos : Le Requiem pour un jeune poète, du compositeur allemand Bernd Aloïs Zimmermann. Créée en 1969, l’œuvre en question est une espèce de patchwork polyphonique superposant des sources hétérogènes où des extraits du Canto LXXIX, d’Ezra Pound sont mélangés à des citations, entre autres, de Joyce, Camus, Benn, Brecht mais aussi de Wittgenstein auxquelles s’ajoutent des bribes d’enregistrements de Mao, Dubcek, Hitler, Goebbels, Jean XXIII et Churchill, le tout enveloppé par un tissu orchestral tramé de sons électroniques et jazz. Le Requiem, rarement donné en concert – il le sera en juin à la Philharmonie de Paris -, évoque effectivement l’esthétique échafaudée depuis plusieurs années par Andreani. Et ce à deux niveaux : à titre individuel, la plupart de ses œuvres se caractérisant par un sens du montage, selon les cas plus ou moins discret, mais aussi dans une perspective intertextuelle, peintures et dessins de cette artiste se répondant et formant un tout, quand bien même dissociable, qu’elle ne cesse d’alimenter. Ce qui rapproche enfin son propos de celui du compositeur allemand est cette manière, presque désinvolte, de conjuguer des sources "légères" et "graves", des références "superficielles" et "profondes". Andreani n’est pas sans le savoir : une fois désolidarisée de son contexte et/ou de sa légende, l’image est un signe suspendu et orphelin sur lequel on ne saurait porter de jugement fiable et encore moins définitif. [...] Les œuvres d’Andreani sont innervées de telles rencontres improbables et autres téléscopages qui désamorcent les références initiales afin de les soumettre à des relectures qui nous incitent à interroger les liens entre images fixes ou en mouvement et l’histoire. Pièces à conviction, documents, fiction et réalité : ces notions sont mises à rude épreuve dans son œuvre. D’où l’intérêt qu’elle affiche pour des genres qui n’ont cessé de se situer au croisement de celles-ci, à l’image du nouveau réalisme italien dont nombre de captures d’écran figurent dans sa base iconographique. [...] Erik Verhagen Extrait de Giulia Andreani. Requiem pour un jeune poète, texte publié à l’occasion de l’exposition personnelle, Tout geste est renversement, Galerie Maïa Muller, mars 2015

http://giuliaandreani.blogspot.fr/

Née en 1985 à Venise (Italie), elle vit et travaille à Paris. Elle est diplômée en peinture à l’Académie des beaux-arts de Venise en 2008 et en Histoire de l’art contemporain à l’Université Paris IVSorbonne en 2011. Elle est lauréate du concours Paliss’Art 2011, nominée au Prix Sciences-Po pour l’Art contemporain en 2012 et a reçu en 2015 le 3e Prix de peinture Antoine Marin. Parmi ses expositions personnelles : En 2016 : Nous autres, La conserverie, Metz ; en 2015 : Tout geste est renversement, galerie Maïa Muller, Paris ; en 2014 : Vestem Muto, Lab Labanque Bethune, Richebourg ; en 2013 : Giulia Andreani, L'Escale, Levallois ; en 2012 : Journal d'une iconophage, Premier Regard, Paris, I shot him down, Musée de la Résistance nationale, L'Inlassable Galerie, Paris, Peintures et dessins, Hôtel du département de l'Eure, Évreux. Expositions collectives récentes : en 2016 : Sobre as Águas, Luciana Caravello Arte Contemporanea, Rio de Janeiro (Brésil), De leur temps V, Exposition ADIAF, IAC, Villeurbanne ; en 2015 : Ça ira mieux demain, galerie ALB, Paris, La ligne rouge, galerie Maïa Muller, Paris, ''Peindre, dit-elle'', musée de Rochechouart, Sans Tambour ni trompette, Artothèque, Caen, Documents 1929-2015, URDLA, Villeurbanne, Furiosités, galerie Frédéric Lacroix, Paris, Ma voix, Le Silo U1, Château-Thierry, Miroir ô mon miroir, Pavillon Carré de Baudoin, Paris, Odradek, Les instants chavirés, Montreuil, Le musée passager, Région Ile-de-France ; en 2014 : Bastion !, Artopie, Meisenthal, Sans tambour ni trompette, La Graineterie, Houilles, Optima mihi in chartis, galerie Römerapotheke, Zürich (Suisse), Ligne de Front, exposition pour la commémoration de la Grande Guerre, NordPas-de-Calais, Des Lucioles, galerie Maïa Muller, Paris, Kabinet d'estampes, Le Kabinet, Bruxelles (Belgique), Silent Faces, galerie 22,48 m², Paris ; en 2013 : Teken Contemporary drawing, Entrepôt fictief, Gent (Belgique), Friends&Family, galerie Eva Hober, Paris, La Belle Peinture 2, Phoenix Les Halles, Ile Maurice.

En résidence en 2015

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L’amour triomphant, 2015, huile sur toile, 146 x 225 cm

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Le sujet, 2015, huile sur toile, 81 x 130 cm


Marion Bataillard Marion Bataillard est née en 1983 à Nantes. Après 6 années passées à Berlin, elle vit et travaille à Paris. Diplômée de l’Ecole des beauxarts de Strasbourg en 2007, elle a également fait un séjour à la HGB de Leipzig en 2005. Parmi ses récentes expositions : en 2016, Salo IV, Salon du dessin érotique, Beaubourg 24, Paris ; en 2015, Un grain de toute beauté, Palais de Tokyo, Paris, Art is Hope pour Aide, PIASA, Paris, Jeune Création Européenne, Montrouge, Exposition d’automne, Institut Bernard Magrez, Bordeaux, Dépendances, Crash gallery, Lille, Cabane Georgina, Marseille, De Pictura, Domaine M, Cerilly, Eric de Tarragon / Marion Bataillard, Galerie Duboys, Paris, Tableaux, conversations sur la peinture, FRAC Limousin, Limoges ; en 2015, Rencontre, galerie Duboys, Paris, Vendanges de printemps, Chamalot-Résidence d’artistes ; en 2013, Ripailles, Château de la Louvière, Montluçon, Intrige, Plot und drei Punkte, galerie Ubik, Vienne, Autriche, Paintings, Styx project room, Berlin. Acquisition : FRAC Limousin, Limoges, 2014. Catalogues : Vendanges de printemps, ChamalotRésidence d’artistes, 2015 ; Ripailles, Montluçon, 2013. Prix : Grand prix ex-æquo du 60e salon de Montrouge, 2015.

L’école primitive flamande inspire visiblement Marion Bataillard

S’attacher aux petits riens

On retrouve chez Marion Bataillard quantité de citations de l’histoire de la peinture, de sujets relevant des classiques de l’académie : une étude de main, un lapin prêt pour la casserole titré Ecorché, quelques natures mortes – truite, carottes, salade –, citations de l’iconographie et de compositions coutumières de l’art chrétien (Hostie, Autel, Annonciation), des portraits, des paysages, un hommage aux agapes des fresques pompéiennes et, bien sûr, nombre d’autoportraits, dont un en peintre, comme il se doit. Des emprunts variés, a priori autant que les époques invoquées ; mais un goût affiché pour la peinture de genre vient articuler le tout. Cet attrait expliquant pourquoi ces tableaux relatant les événements les plus quotidiens, montrant des objets modestes, anodins, se trouvent malgré tout empreints d’une telle emphase ; ou, pour ne pas oublier l’appétence de l’artiste pour l’érotisme, pourquoi les scènes les plus éloignées des "grands" thèmes historiques et religieux donnent lieu, contre toute attente, non pas à des formats intimistes mais à des commémorations grandiloquentes. L’école primitive flamande inspire visiblement Marion Bataillard. Outre la réalisation de quelques grands polyptiques, elle en adopte l’attrait pour les petits formats, à l’huile sur panneaux de bois. Elle en reprend également le réalisme aux détails minutieux, bien que son but diffère – ses tableaux n’ambitionnent pas cette observation attentive du réel et de la société qui caractérisait la Renaissance des Flandres. Ainsi, pas de ces scènes populaires ni domestiques retracées. Les "moments de vie" livrés montrent des personnages aux mines affectées qui, paradoxalement, frisent plutôt l’esthétique minaudière et un peu roide du gothique international. L’étude est trop théâtralisée pour être sociale. Pas non plus de naturalisme dans les paysages, qui y gagnent en modernité : sont juste précisés de-ci, de-là une branche chargée de baies écarlates au premier plan, ou le feuillage sombre d’un arbuste dans le tournant du chemin, points focaux ramenant une netteté et un modelé inattendus dans ces vues par ailleurs si largement brossées qu’elles s’en trouvent presque floutées. Quel plaisir alors que le contraste trouvé dans ce petit paysage lumineux, où les hachures vigoureuses signifiant une étendue d’herbe dans le bas du tableau, annonçant, dans le sens de lecture, la barre grise érigée presque abstraite d’un poteau, viennent verticaliser toute cette surface en parfait contrepoint au doux vallonnement des collines qui s’étagent, et à ces nuages qui moutonnent dans le ciel clair, au lointain. Marion Bataillard n’est jamais si juste que lorsqu’elle s’attache ainsi à capturer avec vivacité et fraîcheur ces petits riens. Marion Delage de Luget

En résidence en 2014

http://marionbataillard.info/

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Ali, combattant de la 3ème DIA, 2013, acrylique sur bois, 50 x 50 cm


Julien Beneyton Il porte un regard attentif et sincère sur la société dans son ensemble

Julien Beneyton se présente comme un peintre "témoin de son époque". Depuis une quinzaine d’années, il documente son environnement immédiat : la rue, les quartiers populaires, le métro, le marché, les manifestations, l’architecture, les habitants et les ambiances. Il se nourrit de tout ce qui lui parvient quotidiennement. Les photographies sont ensuite transposées au pinceau sur un support en bois ou bien sur papier. La restitution est minutieuse, mais pas vraiment fidèle. L’artiste procède à des associations d’éléments, il modifie les expressions ou les attitudes. Il recompose les scènes dont il conserve cependant chaque détail d’une manière quasi chirurgicale : la texture d’un vêtement, le grain de peau d’un visage, la lisibilité d’une plaque d’immatriculation, le corps d’un insecte ou le reflet d’un paysage dans les verres d’une paire de lunettes de soleil. Des poils sur les bras au ventre tombant, tout y est à lire et à décrypter. Le temps de la peinture apporte un soin à l’image, une réflexion sur sa construction et sa portée, un corps à corps qui dissone avec une boulimie visuelle à laquelle l’artiste se refuse. Aux scènes urbaines s’ajoute un travail de portraits de ses proches, d’inconnus, d’amis, d’artistes rencontrés, de personnalités marquantes. Au fil des voyages et des échanges, la galerie des portraits s’étoffe. Avec style réaliste, un trait fin, un travail de la lumière et une palette prononcée, il représente ses contemporains issus de domaines pluriels. En ce sens, il s’inscrit dans une histoire de la peinture, en étudiant avec fascination et respect ses maîtres absolus tels que Brueghel ou Van Eyck. Une autre dimension traverse alors son œuvre : une volonté de représenter ce qu’il nomme les "beaux métiers". L’artiste s’intéresse aux métiers qui engagent une transmission de génération en génération d’un savoir-faire spécifique préservé par un groupe. Il part à la rencontre de différents corps de métiers comme les métallurgistes de Florange ou encore les éleveurs bovins dans le Limousin. Des hommes et des femmes dont les métiers sont mis en danger par un contexte économique et politique mouvant. Au printemps 2015, l’artiste a rencontré quelques éleveurs du Limousin grâce à l’entremise d’un vétérinaire. Il se confronte à une réalité sans compromis où l’existence humaine est totalement vouée à celle des bêtes. Entre fierté et désespérance, il prend la température d’un métier en voie de disparition. À l’image de Gustave Caillebotte ou d’August Sander, il porte un regard attentif et sincère sur la société dans son ensemble en présentant aussi bien les acteurs de la scène hip-hop en France et aux États-Unis, les maraîchers, les livreurs, les agriculteurs ou encore les personnes sans-abri. La dimension sociologique de sa peinture le rapproche des esprits de Delacroix et de Courbet. Julien Beneyton n’envisage pas la peinture en dehors de la société, bien au contraire, elle témoigne de son temps, de réalités complexes auxquelles il s’attaque de manière frontale et décomplexée.

Né en 1977, il vit et travaille à Paris. Il est diplômé de l’ENSBA de Paris en 2001 avec les félicitations du jury. Il est représenté par la Galerie Lily Robert, Paris. Parmi ses expositions personnelles : Galerie Lily Robert (Paris, 2016), Espace Vézère (Uzerche, 2016), chapelle de la Visitation (Thonon-lesBains, 2015), Musée Géo-Charles (Échirolles, 2015), fondation Salomon (Annecy, 2015), galerie Van de Weghe (Anvers, 2013), PGGM (Zeist, 2012), Institut Français des Pays-Bas (Amsterdam, 2011), maison des Arts de Malakoff (2011), Centre musical FGO Barbara (Paris, 2008), galerie Olivier Robert (Paris, 2014, 2013, 2011), galerie Alain Le Gaillard (Paris, 2008, 2006, 2005, 2003). Expositions collectives (sélection) : Musée GéoCharles (Échirolles, 2016), CAC (Meymac, 2015), L’Abbaye (Annecy-le-Vieux, 2015), Palais des Beaux-Arts (Paris, 2015), Maison Rouge (Paris, 2014), galerie Jeanine Hofland (Amsterdam, 2014), galerie Eva Hober (Paris, 2013), La Friche (Marseille, 2013), Espace Morin (Paris, 2013), Centre d’Art Contemporain de SaintRestitut (2012), Lieu Unique (Nantes, 2012), Onomatopee (Eindhoven, 2011), Rijksakademie (Amsterdam, 2010-2011), Château de SaintOuen (2011), CER Modern (Ankara, 2010), Antrepo n°5 (Istanbul, 2010), Galerie Yvon Lambert (Paris, 2009-2011), MASP (São Paulo) & MARGS (Porto Alegre, 2009), Espace à Vendre (Nice, 2009), Hangar-7 (Salzburg, 2008), Orangerie du Domaine de Madame Elisabeth (Versailles, 2007), Fondation Salomon (Alex, 2007), Hôtel La Louisiane (Paris, 2007), The Carpenters Workshop (London, 2005), Matrix Art Project (Bruxelles, 2005), Cultuurcentrum (Brugge, 2005), Fine Arts Academy (Warszawa, 2004), ENSB-A (Paris, 2002). Collections institutionnelles : FMAC (Paris, 2014), Rijksakademie (Amsterdam, 2010), FNAC-CNAP (Paris, 2008), ENSBA (Paris, 2008), MAMCO (Genève, 2002)

Julie Crenn

http://julienbeneyton.net/

En résidence en 2015

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Queens and Kings, 2015, huile sur toile, 100 x 90 cm


Amélie Bertrand Née à Cannes en 1985, elle vit et travaille à Paris. Elle est diplômé de l’Ecole Supérieure des beaux-arts de Marseille en 2008. Expositions personnelles : à la galerie Semiose, Paris : Queens and Kings (2015), Rock around the bunker (again) (2013), Rock around the Bunker (2010). Expositions collectives : en 2016 : Le temps de l’audace et de l’engagement - de leur temps (5), Institut d’art contemporain, Villeurbanne, Peintures d’architecture, Le Garage, Brive ; en 2015 : "Peindre, dit-elle", musée départemental d’art contemporain, Rochechouart, Tableaux, conversations sur la peinture, FRAC Limousin, Limoges, Échosystèmes, Sciences-po, Paris, L’autre relief, Cité des Arts, Paris, Outrage, Cité des Arts, Paris ; en 2014 : (OFF) ICIELLE - FIAC, Semiose galerie, Cité de la Mode et du Design, Paris, Les esthétiques d’un monde désenchanté, centre d’Art contemporain, Meymac ; en 2013 : Let’s Talk (Again) About Painting, médiathèque Jean-Rousselot, Guyancourt ; en 2012 : Travail et loisirs, théâtre de l’Union, Limoges ; en 2011 : particeps, particules, palissades, galerie Akro, Nevers ; en 2010 : Vendanges de printemps, ChamalotRésidence d’artistes ; en 2009 : 54  e Salon de Montrouge, Montrouge, Group show, galerie de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts, Marseille ; en 2008 : Pinède Legend, Marseille, Archipélique, Musée d’Art Contemporain, Marseille. Collections institutionnelles : FRAC Limousin (Limoges), FNAC (Paris), fondation Colas (Boulogne-Billancourt). Articles de presse récents: en 2015 : "Amélie Bertrand", Pascal Sanson, Le Bon Temps n°4, "Qui sont les peintres de demain ?", Philippe Piguet, L’Œil n°676 ; en 2014 : "Amélie Bertrand, Trap paintings", Julie Portier, Le Quotidien de l’Art n°698 ; en 2013 : "Let’s Talk (Again) About Painting", Eva Nielsen & Clément Dirié, Analogues, Semaine 16.13, "Let’s Talk (Again) About Painting", Anaël Pigeat, Art press n°402, "Amélie Bertrand", Mara Hoberman, Art Forum Vol 51 N°7, "rock around the bunker (again)", Anaël Pigeat, Art press n°398.

En résidence en 2009

Il s’agit d’importer des contrastes de couleur, des ombres et des perspectives 'chelous'

Aux Beaux-Arts, elle séchait les cours de dessin, préférant s’appliquer à détourer des sculptures de mini-golf sur photoshop, sa plus mauvaise note en perspective punaisée au mur de son atelier. Son "Grand Tour", Amélie Bertrand l’a fait le long des stations balnéaires ringardes, du Lunapark rouillé à l’Aqualand moisi en passant par le parcours de santé où d’anciens fumeurs de Craven A s’essayent à quelques tractions. Ces motifs soustraits aux splendeurs de l’architecture vernaculaire sont ré-agencés sur la toile, où ils s’imbriquent, s’articulent, se chevauchent dans un pur jeu formel, se coincent parfois, pris dans une rixe chirurgicale, sans drame ni fioriture, car l’art d’Amélie Bertrand honnit ce genre d’affect autant que les "effets relous de la peinture" : ses couleurs ne montent pas en jus mais se posent en monocouche tandis que sa palette lui paraît la plus juste quand elle ressemble à un système RVB. Ce que vous prenez comme une obsession pour le style médiéval dévoyé au rayon décoration des jardineries, ou pour les ambiances vitrifiées des jeux de plate-forme, n’est que la solution à un problème de peinture, où il s’agit d’importer des contrastes de couleur, des ombres et des perspectives "chelous", pour voir si ça tient toujours. Vous serez bien sûr tenté de convoquer vos maigres notions de psychanalyse pour juger la récurrence de ces motifs anxieux – pierres tombales, trappe dans le sol, pic anti-pigeons ou divan en skaï King Size – ou de l’accord parfait entre les attributs de la guerre et du divertissement baignés dans une lumière californienne. Mais là encore, quand vous lui demandez quel est son problème avec les palmiers, Amélie Bertrand vous répond que "c’est chiant de peindre un buisson". Non, ces peintures ne racontent rien, elles ne représentent rien, mais leur présence est terrifiante, justement parce qu’elles reconduisent à leur surface toute tentative de s’y projeter, après avoir appâté le regard pour mieux le coincer dans un angle ou le piéger dans une treille, ne faisant qu’appliquer les stratégies perverses du spectacle. Plus flippante encore est cette manière d’aboutir au faux en épurant le vrai, et de retomber par coïncidence sur le réel en simili et bordé de palissades, de sorte que cette claustrophobie en plein air a un arrière-goût bizarre de déjà vu. Non loin d’ici, la barque de Truman est venue se cogner contre l’horizon en carton. Julie Portier

http://semiose.fr/artistes/oeuvres/1172/amelie-bertrand

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Sweat, 2014, huile sur toile, 120 x 90 cm


Mireille Blanc Le déchiffrement de l’image cède le pas à l’exploration des empâtements de pigments, coups de pinceaux, rugosités, miroitements et variations colorées

Abstraction, figuration ? Une indécision savamment entretenue par Mireille Blanc. Toujours réalisés à partir de photographies de famille ou d’objets ordinaires, sinon kitsch, ses peintures et dessins figuratifs tendent à l’abstraction par divers procédés de brouillage de l’image. Angles de vue inhabituels, décadrages et fragmentations du sujet, restitutions des taches et imperfections des tirages d’origine, mises en exergue des bordures, parfois peintes en blanc, correspondant aux scotchs qui les ont fixés aux murs. Autant d’altérations de la figuration, déplaçant en retour notre attention sur les moyens d’exécution, les effets de matières et de textures. Aussi le titre de cette exposition peut-il surprendre, tant Mireille Blanc semble davantage mettre en crise le visible que le reconstituer. C’est que, pour reprendre les termes de Georges Didi-Huberman, le visible n’est pas le visuel. Là où le premier se confond avec le lisible, avec ce qui est identifiable et subsumable sous un concept au sein d’une image, le second correspond à l’en deçà de la représentation, à la matérialité qui la trame, son inconscient. Refoulés par toute une tradition iconologique, cherchant à assimiler les qualités picturales à des formes reconnaissables, subordonnant la dimension sensible de la peinture à l’ordre du discours et du langage, les matériaux font ici leur retour. Ainsi, s’il y a "reconstitutions", celles-ci passent chez Mireille Blanc par la perturbation du visible et le surgissement du visuel. Contrariés dans la lecture du sujet, nous sommes conviés à déplacer notre regard sur les propriétés plastiques de ses œuvres, à sillonner leurs surfaces et méandres afin d’en déceler le contenu. Maintenu en suspens, le déchiffrement de l’image cède le pas à l’exploration des empâtements de pigments, coups de pinceaux, rugosités, miroitements et variations colorées. Épreuves d’un dessaisissement, les "reconstitutions visuelles" de Mireille Blanc sont dans le même temps le lieu d’uniques et singulières manifestations sensibles. Car, là où le langage échoue à saisir ce qui se présente à la vue, la sensibilité est amenée à faire l’expérience d’un en deçà de l’image, de pures présences matérielles. Comme si le voilement des objets dépeints était la condition d’apparition de leurs intensités sensibles, celles éprouvées lors de leur première rencontre. Logique du sensible contre logique du discours, tel est l’horizon de Mireille Blanc.

Née en 1985 à Saint-Avold, elle vit et travaille à Paris. Diplômée des Beaux-Arts de Paris en 2009, elle a également étudié à la Slade School of Fine Arts à Londres en 2007. Parmi ses expositions personnelles : Reconstitutions, galerie Dominique Fiat, Paris (2014) ; Présents, exposition personnelle, galerie Eric Mircher, Paris (2012) ; The inventory, BabelKunst, Trondheim, Norvège (2012) ; The black swan, galerie Yukiko Kawase, Paris (2012). Expositions collectives récentes (sélection) : Ligne aveugle, ISBA, Besançon (2015) ; Affinités électives, Espace Tajan, Paris (2015) ; Chez Marty ! Collectionnite aiguë, galerie Sator, Paris (2015) ; Saxifraga umbrosa #2, La Générale en manufacture, Sèvres (2014) ; La loutre et la poutre, Moly-Sabata, Sablons (2014) ; 18  e Prix Antoine Marin, Arcueil (2014) ; After, Düo, Paris (2014) ; Vendanges de printemps, ChamalotRésidence d’artistes (2014) ; Inaugurons avec faste un bocal à poisson rouge, kurt-forever, Paris (2014) ; Friends & Family, galerie Eva Hober, Paris (2013) ; Plus jamais seul, Standards, Rennes (2013) ; Un détour qui nous rapproche, La Graineterie, Houilles (2013) ; À portée de regard, église des Trinitaires, Metz (2013) ; Saxifraga umbrosa, Espace Lhomond, Paris (2013) ; On ne voit pas le temps passer, église Saint-Maur-de-Courmelois, Val-deVesle (2012) ; Oui à la peinture / Yes to painting, Espace Tajan, Paris (2012) ; ManMade, galerie Dominique Fiat, Paris (2012) ; 56  e Salon de Montrouge (2011) ; Panorama de la Jeune création, 5 e Biennale d’Art contemporain, Bourges (2010) ; Crash Taste, galerie BuySellf, Marseille et fondation Vasarely, Aix-enprovence (2010) ; Novembre à Vitry, galerie municipale, Vitry-sur-Seine (2009) ; Still painting, Mendes Wood Gallery, Brésil (2009).

Sarah Ihler-Meyer A l’occasion de l’exposition Reconstitutions, galerie Dominique Fiat, Paris (2014)

http://mireilleblanc.com/

En résidence en 2013

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Rapa Nui, 2016, encre, gouache, acrylique sur papier, 43,5 x 27 cm


Aurélie Bourguet Des formes racoleuses qui font tourner la tête

On peut passer des journées entières à faire et à défaire. Une image programmée s’obstine à refuser

toute métamorphose. On peut organiser toutes les situations, se faire rencontrer les éléments qu’il faut : on sent bien qu’on rate ou qu’on perd quelque chose. Une noyade, aussi préméditée soit-elle, est nécessaire. Il nous faut traverser des paysages. Vous me suivez ? Mais les parcourir d’un bout à l’autre ne suffit pas. Il faut les piller et les baliser d’éléments qui leur demeurent étrangers. Les plomber d’indices fabriqués, remplir les blancs et constituer des fissures pour en découvrir le sens des frontières. Et alors, qu’obtient-on ? Une image folle et proliférante. Et encore ? La fascination d’un sens abîmé par une déplorable tromperie. Un réel soupçonneux engendrant d’innombrables divisions. Comment ? Par le goût de la contrefaçon qui empêche la signification de se clore à jamais. Le dessin est un réflexe et un instrument. Une loupe grossissante qui permet de resserrer une image en focalisant sur des motifs ou des éléments. Trouver la "bonne" image est proche d’une stratégie. Je ne la choisis pas pour ce qu’elle représente mais dans l’optique de ce qu’elle pourrait devenir. Les fragments qui la composent ont chacun leur valeur propre et forment un ensemble qui peut être changeant. Pas d’affirmations, ni de généralisations, ni même de significations fixes : plutôt des bonds aléatoires et un motif en fausse piste. "Pop-cornons les choses les plus simples". J’en obtiens des formes racoleuses qui font tourner la tête, des lignes confinées dans leurs retranchements maniéristes, des pièces modulables comme des kits. Des images qui empruntent l’épaisseur à la sculpture tout en conservant la malléabilité du dessin. Aurélie Bourguet

http://cargocollective.com/aureliebourguet

Née à Nice en 1984, elle vit et travaille à Londres. Elle est diplômée de l’Ecole supérieure des beaux-arts de Marseille en 2008. Expositions collectives : en 2010 : Crash Taste, fondation Vasarely, Aixen-Provence & Buy-Self Art Club à Marseille, Vendanges de printemps, Chamalot-Résidence d'artistes ; en 2008 : Archipélique , musée d’Art contemporain, Marseille, Peu importe le voyage pourvu que l’horizon soit vaste , galerie Nicolas Silin, Paris. Depuis 2010, Aurélie Bourguet mène à Londres une carrière d’illustratrice pour des disques (Universal Music), des éditeurs (Lacaluna Editions), des créateurs de mode (Alec Bizby Menswear).

En résidence en 2009

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La flamme, 2013, huile sur toile, 73 x 92 cm Crypto, 2015, huile sur toile, 65 x 92 cm


Benjamin Bozonnet Né en 1974 à Lyon, il vit et travaille à Paris. Il est diplômé de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 1998. Expositions personnelles : en 2017 : Escaping Painters, galerie Les Montparnos, Paris ; en 2016 : Goya, galerie Glénat, Paris ; en 2013 : Escaping Painters, musée V. Polenov, Russie ; en 2011 : Les rescapés..., galerie Les Montparnos, Paris ; en 2009 : Annonciation, galerie du Comptoir des abbayes, Paris ; en 2008 : Le nouveau bout du monde, Atelier du trou-de-la-vente, Montigny-surLoing ; en 2007 : Exposition personnelle, galerie M, Paris, Sans carte, ni boussole, Médiathèque, Montreuil ; en 2006 : Peintures et Publicitures, commissariat V. Boissière, Atelier Oz, Paris ; en 2005 : Le Transbordeur Térébenthine, Château de la forêt, Livry-Gargan ; en 2002 : Exposition personnelle, galerie l’Oeil vagabond, Meung-surLoire ; en 2000 : centre d’Art contemporain de Saint-Cyprien, commissariat G. de Montauzon, Saint-Cyprien. Expositions collectives : en 2012 : Paysage, Shakiraï / CP5, Paris ; en 2011 : Dépeindre, Kurtforever et ChamalotRésidence d’artistes, Le 6b, Saint-Denis ; en 2010 : Soupe à l’oseille, galerie Tristan, Issyles-Moulineaux ; en 2009 : Face à Face, association La Source, domaine de Villarceaux ; en 2008 : Les malheurs de Sophie, galerie Nivet-Carzon, Paris, Vendanges de printemps, Chamalot-Résidence d’artistes ; en 2007 : Vivre et laisser mourir, espace d’art contemporain E. Baudouin, Antony, See you there, avec Y. Robardey, galerie Périf, Pékin ; en 2006 : Le Geste, V. Boissière-art contemporain, galerie Pax, Knokke-le-Zoute, Belgique ; en 2005 : Oui, non, peut-être, Galerie Périf, Pékin, Peinture et Bande Dessinée, mas Génégals, Vingrau, Exceptions contemporaines, centre culturel F. Villon, Enghien-les-Bains ; en 2004 : Salon européen des jeunes créateurs, Montrouge ; en 2003 : Biennale de Valognes, Valognes.

En résidence en 2007

Les clairsobscurs s’organisent en équilibres incertains, immobiles et suspendus

Nous n’irons pas sur la lune, n’exhumerons jamais de trésor. En rêvions-nous pourtant de robinsonnades, de plongées abyssales, de tempêtes homériques ! Que de contes inouïs, d’univers périlleux n’avons-nous pas invoqués ! Hélas, voyageurs ordinaires, notre appareil n’est que capsule sans hublot : seules des lucarnes posées au mur, telles les œuvres de Benjamin Bozonnet, peuvent nous rappeler nos oublis, nos contrées délaissées. Ses ouvertures, discrètes ou béantes, dévoilent des reliefs enrochés, écrins bruts d’où percent des gemmes aux arêtes saillantes. De nébulosités sombres et menaçantes filtrent les rayons d’astres lointains. Les clairs-obscurs s’organisent en équilibres incertains, immobiles et suspendus. Alors, les facettes des cristaux renvoient leurs vives couleurs, tranchant le chaos d’une nature hostile : quelle étrange géologie aux soudains geysers, puits artésiens, cascades dévalant des pentes accidentées ! Quels surprenants lichens, bosquets, arbres chétifs, agrippés aux plans abrupts ! Cet instant capturé, est-ce une chute vertigineuse ? Est-ce la Création ? Déjà, par moments, passent des indigènes aux activités énigmatiques. Ces êtres insolites en lutte avec les éléments, tout à la fois combatifs et vacillants, se parent des couleurs du paysage. Voilà nos alter ego, nos reflets oubliés explorant des espaces révélés. J’ai, le soir, près du lit, dans l’amoncellement des livres et des revues, un demi-silex posé dans le dégagement d’une clairière ombragée. Benjamin, est-ce un LEM abandonné, un totem rayonnant d’une assurance tutélaire ? Lumière éteinte, l’archaïque mué en phosphène, un instant, s’extrait du tableau, flotte dans la nuit, enchante mon quotidien.

http://benjaminbozonnet.com/

Pascal Corseaux

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HomerSimpson, 2015, huile sur toile, 130 x 130 cm


Michel Castaignet Une peinture très ouverte aux interprétations et aux styles

Insatiabilité, éclectisme et capacité à manier les styles différents sont quelques-uns des signes avant-coureurs de l’artiste amoureux de l’histoire de l’art, tiraillé entre ses aspirations et ses inclinations qui ne cessent de le guider de série en série. Michel Castaignet aimerait avoir la rigueur, la contrition d’un peintre comme Giorgio Morandi, mais c’est tout l’inverse qui se produit. Même son ambition est paradoxale : il dit "avoir des amours secs mais vouloir produire humide". Personnage complexe s’il en est, Michel Castaignet applique à sa peinture les principes de l’OuLiPo (Ouvroir de littérature potentielle) en multipliant les contraintes. Son dispositif très strict, reposant sur un système comparable aux "définitions/méthodes" de Claude Rutault, n’en fait pas moins une peinture très ouverte aux interprétations et aux styles. (…) Michel Castaignet se fait par conséquent l’écho d’une société où les concepts artistiques se transforment en simples thématiques, où la multiplication des sources, l’anonymat des images reproduites créent chaque jour un peu plus une "opacité qui empêche le public de produire de la connaissance" selon l’essayiste Edouard Glissant (1928-2011). Mais pour toute cette génération d’artistes qui a vu naître de nouvelles formes comme le sampling ou le mix, l’acculturation et le déplacement offrent un dérivatif salutaire et deviennent des moteurs d’invention très puissants. Alexandra Fau (extraits)

http://michelcastaignet.free.fr/

Michel Castaignet est né en 1971. Après des études scientifiques à Paris puis une dizaine d’années à Londres, il s’établit entre Paris et la Champagne. Diplômé en 2000 de l’Université du Middlesex (UK) son travail balance entre une recherche conceptuelle du sujet et un abandon au plaisir de peindre. Exposé au musée Barjelo (Espagne) et au Rosphoto (Russie), son travail a aussi été montré à la Biennale d’Istanbul en 2012 et à la Viennale en 2006. En 2016, il montre Les Asphodèles, une exposition personnelle la galerie Maksla XO (Riga, Lettonie) et participe à SaloIV, le salon du dessin érotique à Paris ainsi qu’à la Foire de Vilnius. Collections publiques : Washington Library of Congress, Artothèque 4 de la région ChampagneArdenne. Publications : 2015 : catalogue de L’artothèque de la région Champagne-Ardenne ; 2012 : monographie aux éditions Castor&Pollux avec un texte d’Alexandra Fau ; 2008 : Projections passées aux éditions du Lapin Lièvre, 6 auteurs dont Maylis de Kerangal et Marc Molk à propos des peintures de Michel Castaignet.

En résidence en 2007

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Echos 4, 2013, huile sur toile, 150 x 130 cm


Emmanuelle Castellan Emmanuelle Castellan est née en 1976 à Aurillac (Auvergne). Elle vit et travaille à Berlin depuis 2011 où elle a participé à plusieurs expositions dont notamment The invisible rythm of change, à la galerie Manière Noire, Endless eyes (2015) ; à DMNDKT (2013), et Ecotone (2011) ; une exposition réalisée entre le Kunstverein Tiergarten et la Maison des arts Georges-Pompidou à Cajarc (Midi-Pyrénées). En France, ses dernières expositions incluent Ligne aveugle, Ecole supérieure d’art de Besançon (2015) ; Trouble in painting, le BBB, centre d’art contemporain, Toulouse (2015) ; et comme exposition personnelle, as I was going along à la Galerie, centre d’art contemporain de Noisyle-Sec (2012).

Le sujet, ou plutôt ce qu’il en reste, apparaît finalement à la manière d’un revenant

Emmanuelle Castellan puise son inspiration dans un répertoire d’images existantes (cartes postales, magazines, photographies anciennes, illustrations trouvées sur Internet...), la plupart issues de la culture populaire. À partir d’un visuel – qu’elle se gardera de nous dévoiler – elle en soustrait un sujet, partiellement ou en entier, pour n’en conserver sur la toile que la trace, dans une abstraction élémentaire. Mais au lieu de procéder par simple réduction, c’est davantage dans un équilibre entre disparition et excès que le sujet re-surgit. À force d’ajouter, d’effacer et de recommencer tel trait, aplat ou matière, le tableau se fait répétition d’une même image que nous ne connaîtrons jamais, si éloignée du réel et pourtant répétée x fois. Dans cette succession de repentirs non révélés, le sujet, ou plutôt ce qu’il en reste, apparaît finalement à la manière d’un revenant. Derrière la douceur des tons pastel et l’évanescence des sfumatos, derrière la mélodie enfantine d’une ballade censée conduire l’exposition, la peinture d’Emmanuelle Castellan est en fait remplie d’histoires de fantômes. Tout d’abord, à travers les figures du jeu de cartes, du tour de magie et du masque, les phénomènes d’apparition hantent littéralement son œuvre. Ensuite, il faudra interroger l’artiste sur ses sources, apparemment anecdotiques, pour s’apercevoir d’une récurrence d’images liées à la mort depuis l’Antiquité (plusieurs momies égyptiennes, des gisants, des tombes romaines) jusqu’au cinéma d’épouvante (personnage d’un film de Dario Argento ou encore scène du film Evil Dead). Quant aux surfaces peintes, certaines comportent des marques menaçantes d’animaux sauvages (griffes, sur arrière-plan de fouille archéologique) ou d’oiseaux qui déchirent la toile (as I was going along). D’autres, percées de trous ou gravées d’inscriptions, paraissent quant à elles renvoyer à des rituels animistes ou chamaniques, lieux de rencontre du monde des morts et des vivants. C’est le cas de figure anthracite, un portrait de femme dont la chevelure se mêle à une fourrure animale et où des signes dans la partie droite évoquent des graphies élémentaires qui auraient été gravés dans le bois. Plus troublant encore, dans communauté perdue, portrait fantôme d’Indiens d’Amérique du Nord, l’artiste a transpercé la toile de trous et y a accroché un ruban qui pend jusqu’au sol, comme pour créer un lien avec le monde souterrain. Au-delà de l’intérêt anthropologique qu’il porte à l’Antiquité, aux rites anciens et civilisations dites primitives, le travail d’Emmanuelle Castellan s’affirme ici comme autant de façons d’excaver une histoire enfouie. Texte de Marianne Lanavère pour l’exposition personnelle d’Emmanuelle Castellan, As I was going along, la Galerie, Noisy-le-Sec, 2012.

En résidence en 2009

http://emmanuellecastellan.com

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Cicerone, 2016, acrylique sur toile, 33 x 24 cm


Marion Charlet Née en 1982, elle vit et travaille à Bruxelles. Elle est diplômée de l’Ecole supérieure d’art de la Villa Arson à Nice en 2009. Elle est représentée par la galerie Virginie Louvet à Paris. Parmi ses expositions personnelles : As long at it lasts, galerie Virginie Louvet (Paris, 2015), galerie d’art de Créteil (2014), galerie Premier regard (Paris, 2010). Expositions collectives récentes : 3 Collectionneurs, autrement #3, Eté 78, Ixelles (Belgique) (2016) ; Les Maisons folles, Ronchin (2016) ; YIA Brussels, Bruxelles (2016) ; Vendange tardive, CAC de Meymac (2015) ; ‘‘Peindre, dit-elle’’, musée d’Art contemporain de Rochechouart (2015) ; Dépendances, Crash gallery, Lille (2015) ; Furiosité, galerie Frédéric Lacroix, Paris (2015) ; Exposition des nominés du Prix Marin, Arcueil (2015) ; Cosmic players, galerie Martine et Thibault de la Châtre, Paris, (2014) ; Oui, à la peinture, 6 jeunes peintres français à l’honneur, Espace Tajan, Paris, (2012) ; Novembre à Vitry, galerie municipale de Vitry-sur-Seine (2012 et 2013). Publications récentes sur son travail : Lemonlemag n°6, avril/mai 2016 ; Parcours des arts n°44 (2015) ; Design@home, 3 e trimestre 2015 ; L’Œil, février 2015, "Qui sont les peintres de demain", texte de Philippe Piguet.

Derrière les décors bucoliques s’installe une perturbation sourde et impalpable

Les peintures de Marion Charlet semblent provenir d’un rêve, d’un conte, d’un fantasme ou d’un poème. La nature est son sujet de prédilection. Par le biais de plans enchevêtrés, elle nous donne à voir des arbres aux cimes infinies, une végétation luxuriante, des lumières irradiantes et des couleurs électrisantes. Les esprits de Peter Doig, de David Hockney et de Martine Aballéa nourrissent un imaginaire binaire. Tout n’y est pas idéal, charmant et apaisant. Le point de vue adopté par l’artiste convoque un trouble, une impossibilité, un vertige. Derrière les décors bucoliques s’installe une perturbation sourde et impalpable. Ainsi, nous sommes cachés dans une cave, dominés par des troncs d’arbres, empêchés par une brume épaisse, bloqués par une immense verrière, blottis contre une haie fleurie. L’horizon y est absent, la fuite semble illusoire. Les paysages colonisent l’espace de la toile, ils sont totalement architecturés par des constructions ouvertes sur l’extérieur, ainsi que par des éléments végétaux. L’artiste procède par interventions successives qui viennent nourrir la profondeur et l’espace de projection mentale. Marion Charlet articule un vocabulaire de formes et de motifs qui jalonnent son œuvre : serres, verrières, cabanes de planches de bois flottantes, troncs d’arbres violets, orchidées aux tonalités carnées, carrelages diaphanes. Chaque élément porte notre regard vers un ailleurs, un horizon qui nous semble impossible à atteindre. Le regardeur adopte une étrange position, il est à la fois au-dehors et au-dedans d’environnements insaisissables. L’espace de la toile représente un abri symbolique pour l’artiste, qui, à travers lui, observe des paysages intérieurs et extérieurs. Ses abris ne sont jamais totalement fermés, il est alors difficile de s’y cacher. Les cabanes sont ouvertes, les verrières sont fragiles et translucides, les serres sont ajourées. Il nous faut regarder à travers les vitres pailletées et les feuillages pour tenter de pénétrer non pas une restitution fidèle du réel, mais des paysages qui seraient les fruits de visions et de réminiscences mémorielles. Chacun d’entre eux se rapporte à l’expérience personnelle de l’artiste : une personne disparue, un lieu particulier, un souvenir dissipé. Les paysages aux tonalités phosphorescentes traduisent un lieu de mémoire que l’artiste qualifie de véritable offertoire. Un terme chargé symboliquement et spirituellement, qui nous permet d’envisager sa peinture comme un don à destination du regardeur, mais aussi de celles et ceux qui ont autrefois traversé ces maisons, ces cabanes, ces parcs, ces jardins et ces bois. Des destinataires dont les silhouettes spectrales peuvent surgir au creux des paysages. En entremêlant les dimensions physiques, psychiques et perceptives, Marion Charlet travaille le caractère vénéneux, troublant et dérangeant de paysages faussement idylliques. Elle fouille et retient les décors de souvenirs latents, de projections intemporelles et de phantasmes qui habitent sa mémoire et son imaginaire. Julie Crenn

En résidence en 2015

http://marioncharlet.com/

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#93 Butter side up 2012-15, peinture glycĂŠrophtalique sur toile, 130 x 100 cm


Eléonore Cheneau Née en 1972 à Paris, elle y vit et travaille. Elle est diplômée de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 2002. Parmi ses expositions personnelles récentes : en 2013 : Vous nous ils, galerie Scrawitch, Paris ; en 2012 : Passage des Formes, invitation Nathalie Viot, Espace 9 Cube, Mairie du 9 e, Paris, Exposition / Scénographie, IDO Diffusion, Paris. Une sélection d’expositions collectives : en 2016 : Monstrare – L'Ermite au blazer raisin, centre d'art La Chapelle Jeanne-d'Arc, Thouars, Jagna Ciuchta-Silver Cover, Frac ChampagneArdenne, commissariat : Antoine Marchand ; en 2015 : Un week-end avant Noël, Paris, exposition organisée par Alain Coulange, Butter side up, La Couleuvre, Saint-Ouen, Carte blanche à Colombe Marcasiano, Parties communes, APDV centre d’art, Paris ; en 2014 : Black coffee, Paris, commissariat Camila Oliveira Fairclough, Révelation, galerie Grand Eterna / APDV, Paris ; en 2013 : A certain ratio, Les capucins, Embrun, invitation Aurélie Godard ; en 2012 : Mot de passe, Le 6b, Saint-Denis, Blanc de Meudon, APDV centre d’art, Paris, Memorie in macula, La Permanence/Artistes en résidence, ClermontFerrand ; en 2011 : Bonjour, galerie APDV / Yvon Nouzille, Paris, Particeps, particules, palissades, galerie ARKO, Nevers, commissariat Aurélie Godard, Pourquoi le léopard a-t-il des taches sur le corps ?, Sauf Lundi, chez Florence Diemer, Paris, Un vide noir grésille, Galerie APDV / Yvon Nouzille, Paris ; en 2010 : Nevermore, parcours #4 de la collection permanente du Mac Val, Vitry-sur-Seine, Sens de la visite, galerie APDV /Yvon Nouzille, Paris, Sans titre, DixNeuf hors les murs : Ecole d’art Gérard-Jacot, Belfort, Vendanges de printemps 2010, ChamalotRésidence d’artistes, Du Paysage, DixNeuf hors les murs : Ecole régionale des beaux-arts, Besançon.

Priorité est donnée à ce qui survient au cours de l’expérimentation

La peinture en désaccord avec elle-même

Depuis Cézanne, la considération dont bénéficie le tableau tient à ce qui le constitue matériellement et à la planéité de sa surface. Ainsi peut-il être mis à mal, sachant que la distinction entre signes abstraits et figuratifs a depuis longtemps volé en éclats et que ce qu’il en reste est cela même que l’on expose, y compris lorsque la peinture ne laisse plus paraître que son support, quasi sa dépouille. Pour autant, le tableau n’est pas devenu un leurre (un trompe-l’œil), même si, pour Polke, la peinture conserve une relation particulière au "mensonge". La formule générique Peintures cosmétiques rassemble les tableaux d’Eléonore Cheneau de 2007 à 2015. Tous participent, précise-t-elle, d’une "imagerie de l’informe". Un objet informe n’a, par définition, pas de forme propre, encore moins de forme pure, ou alors sa forme est réputée imparfaite. Le traitement de la matière y joue un rôle majeur, dans la mesure où il détermine la configuration finale et la situation de l’œuvre. La texture se montre pour ce qu’elle est, avec ses imperfections, son inclinaison vers l’entropie, au fil de la dégradation partielle ou généralisée des surfaces. C’est le cas des Papillons (2007-2015), dont le titre pourrait s’inscrire dans le souvenir des premiers objets de Blinky Palermo (Schmetterling, papillon, 1967-1969). La contiguïté des formes aléatoires juxtaposées créée le trouble. La narration (ou l’histoire) est court-circuitée et disséminée, ce qui permet à l’objet de s’établir entre forme et image, d’échapper au formalisme en déplaçant l’attention vers les limites ; comme si la peinture faisait état d’un dissentiment (ou d’une divergence) et se trouvait en désaccord avec elle-même. Dans le même esprit, les Pschitt (2010-2015) sont "le résultat d’une projection au spray sur de la peinture fraîche au travers de grilles (losanges, perforations)". Priorité est donnée à ce qui survient au cours de l’expérimentation ; c’est ce qui confère à chaque tableau une identité (propre, singulière). Il suffit qu’un geste ou un acte approprié soit accompli au moment opportun, dont la principale raison d’être est de donner à voir ce qui, dans le processus de désagrégation, se produit et subsiste. De quoi sont constituées les représentations (à la fois réminiscences et images) chez Eléonore Cheneau ? Elles prennent l’aspect d’objets allogènes, à la fois transfuges et fantômes. Le temps semble abolir l’espace. Le processus d’apparition de la matière ouvre sur un phénomène vertigineux d’ensevelissement, voire de disparition. La peinture est "un vertige fixe", dit Stéphane Calais. Et Luc Tuymans : "J’observe l’image jusqu’à ce qu’elle soit complètement morte, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien. Alors seulement la peinture peut commencer…" Alain Coulange Mars 2016

En résidence en 2009

http://eleonorecheneau.fr/

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Sans titre, 2013, techniques mixtes, 1,80 x 4 m


Julie Dawid Julie Dawid est née en 1983. Elle vit et travaille à Marseille. Elle est diplômée de l’Ecole supérieure d’art et de design Marseille Méditerranée en 2007. Parmi ses expositions personnelles : en 2013 : Ramdam, hall de la Cité Radieuse, Marseille ; en 2012 : Une fourmi de dix-huit mètres, atelier de reliure Céline Giordano, Marseille, Jours obliques, galerie la Tangente, Marseille ; en 2008 : Horticulture du sentiment, Marciac. Julie Dawid a présenté son travail dans de nombreuses expositions collectives : en 2014 : Artistes vos papiers, musée départemental de Gap, Julie Dawid et Gilles Oleksiuk, galerie du Passage de l’Art, lycée des Remparts, Marseille ; en 2013 : Vendanges de printemps, Chamalot-Résidence d'artistes, Paper Art, musée du vieil Aix, Aix-enProvence, American Gallery, association l’Art prend l’air, Marseille, Chez Lorette, ouverture des ateliers d’artistes pour Artorama, Marseille ; en 2012 : Luna Park, Marseille ; en 2011 : Prix Mourlot, galerie de l’ESBAM, Marseille (finaliste), Ouvertures d’ateliers d’artistes, Marseille, Troisième rendez-vous de la jeune création, galerie Polysémie, Marseille ; en 2010 : Le Monstre et le monstrueux dans l’art, association du Passage de l’Art, lycée Michelet, Marseille, Prix Mourlot, Galerie de l’ESBAM, Marseille (finaliste), Ouvertures d’ateliers d’artistes, Marseille ; en 2009 : Formes féminines, association Triangle, Friche Belle de Mai, Marseille, Gala de soutien à l’association Triangle, Friche Belle de Mai, Marseille ; en 2008 : Ouvertures d’ateliers d’artistes, galerie Mourlot, Marseille, La femme, les femmes et l’art, Association du Passage de l’Art, lycée Poinso-Chapuis, Marseille, Prix Mourlot, galerie de l’ESBAM, Marseille (finaliste). Traits Confidentiels, Arteum, Chateauneuf-le Rouge ; en 2007 : Corpus Mobile, Friche Belle de Mai, Marseille.

L’artiste compose une loi combinatoire de construction/ déconstruction de l’ordre de la figure de fractalisation et du processus d’assemblage

Toutes choses naissent de la lutte et d’un arrangement contradictoire. Toutes choses humaines se construisent sur des paradoxes structurants, chaos fondateur et complexité originelle, métaphore de création naturelle. Apparition et disparition sont concomitantes, fusionnelles et conditions l’une de l’autre. Le monde se développe petit à petit en se déconstruisant morceau par morceau. Les organismes vivants grossissent par la division de leurs cellules. Chaque élément de tout lutte dans un fouillis baroque qui tente de l’intégrer ou de l’engloutir. La manière de Julie Dawid dans ses travaux récents manifeste cette idée-force. L’artiste compose une loi combinatoire de construction/déconstruction de l'ordre de la figure de fractalisation et du processus d’assemblage. Julie Dawid met en œuvre une esthétique transversale où tout y est mis littéralement sans dessus dessous dans le travail de la visibilité, au niveau des écritures plastiques (impureté graphique et picturale née des effusions entre médiums), au niveau des sensations, au niveau de la temporalisation (les couches intriquées n'appartiennent pas toutes à la même durée, au même espace-temps), au niveau des motifs et divagations graphiques (rencontres, cache-cache et accouplements), au niveau de l'abstraction et de l’ornemental (conciliations et ruptures), au niveau de la trame entre géométrie et tempête (essaimer et structurer), au niveau des objets et des surfaces (feuilles, tableaux, "dentelles" et bas-reliefs), au niveau de la palettes de couleurs (trames en jeu d’harmonies et d’interférences), au niveau de la distribution des centres et des périphéries (dispersion et concentration), au niveau des rythmes (ensembles et détails, chœurs et solos), au niveau du fini et de l’inachevé (déterminé et indéterminé). Les découpes et superpositions sont comme des palimpsestes sans mot qui laissent sans cesse masquer et émerger quelque chose, jeu d’amas tangentiels et de béances lithophages, de textures papier épidermées et de vides à voir, de canevas inextricables et de trouées où le mur et le réel refont surface. Les morceaux hétérogènes amoncelés de ce fondu hybride introduisent dans cette constellation lamellaire un mouvement et une image, l’œuvre, et, à travers elle, la figuration (penser la figure et de penser avec la figure), va à sa perte avant de renaître, développement organique et contreimage, figurations tissées, espaces croisés, rêveries éveillées, où il est question à travers un même mouvement de défaire et faire le regard. Luc Jeand’heur

Une partie de ses œuvres a été acquise par l’hôtel Renaissance Mariott à Aix-en-Provence en 2013.

En résidence en 2012

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Pour les deux Ĺ“uvres : Sans titre, 2015, encre de papier carbone sur papier, 30 x 40 cm


Jérémie Delhome Décliner un vocabulaire de formes rudimentaires, figurées mais non identifiables

Jérémie Delhome, des possibilités de la forme

Renonçant à toute description et à tout dialogue, se contentant d’imaginer le verbiage d’êtres situés aux limites du néant, Samuel Beckett publie en 1953 un long monologue bien nommé L’Innommable qui acte le fait d’une écriture dont l’économie de moyens le dispute à toutes les gloses et à tous les bavardages. A l’instar de James Joyce, il use des mécanismes de dissolution de la conscience et de ses langages, dans un temps pour ainsi dire atomisé, entraînant toute son œuvre, personnages et histoires confondus, au processus impitoyable de la réduction. Quelque chose de semblable est à l’œuvre dans le travail de Jérémie Delhome, en peinture comme en dessin. A sa source, l’artiste dit simplement faire des gammes – comme n’importe quel compositeur en quête de structures et de signes – de sorte que s’imposent certaines formes qu’il prend en compte pour constituer son répertoire. Celles qu’il retient et qui vont devenir l’objet même de la peinture ou du dessin, le motif auquel donner corps, sont alors le prétexte à l’exécution d’un protocole précis que distingue seulement le médium employé. Jérémie Delhome constitue comme une sorte de pochoir à la forme retenue, à travers lequel, suivant une succession d’applications, il incarne celle-ci dans la matière. La série de dessins qu’il présente chez Marie Cini relève d’un travail réalisé à partir de papier carbone dont il se sert comme d’un pigment en empruntant une feuille de papier par plans successifs à l’intérieur d’un calque découpé au motif de la forme. Il en résulte toutes sortes d’empreintes et de superpositions d’empreintes qui lui permettent de jouer en densité et en valeur, conférant à la forme ainsi dessinée une épaisseur, un volume qui l’apparentent à un objet en navigation dans l’espace. Il y va d’une mesure singulière où le dessin tutoie la sculpture et joue d’autant plus de l’illusion d’un relief que Delhome compose avec les effets de lumière du pigment, accusant ainsi ceux du rapport de la forme et du fond. Le principe de réduction qui guide la démarche de l’artiste tient au soin qu’il a de décliner un vocabulaire de formes rudimentaires, figurées mais non identifiables, qui en appellent aux fondamentaux des possibilités de la forme, qu’elle soit peinte ou dessinée. Comme il en est chez Beckett ou chez Joyce, l’idée de réduction n’est chargée chez Delhome d’aucune connotation péjorative parce qu’il s'agit de ramener la forme à l’état le plus simple. Réduire, en fait, c'est rapprocher. Il y va d'une opération de synthèse qui privilégie l’élément par rapport au tout et dont la finalité permet d'aller de l'un à l'autre avec encore plus de liberté. Le fait de réduction assure à la forme son unicité et à l’œuvre sa part mystérieuse. Dans cette qualité supérieure où, comme l’affirme Michel Onfray, "toute peinture digne de ce nom recèle une énigme." Peinture, dessin ou œuvre d’art, cela s’entend. Philippe Piguet 28 décembre 2012, pour la galerie Marie Cini

http://documentsdartistes.org/artistes/delhome

Né en 1981 à Paris, il vit et travaille à Marseille. Il est diplômé de l’Ecole supérieure d’art et de design Marseille Méditerranée en 2005. Expositions personnelles récentes : en 2015 : Paramorphoses, galerie Xenon, Bordeaux ; en 2014 : Agnes b, Marseille, Art Collector, Patio Opéra, Paris ; en 2013 et en 2012 : galerie Marie Cini, Paris ; en 2010 : galerie municipale de Vitry-sur-Seine ; en 2009 : Objets transitionnels, Art Site of Railway Warehouse, Chiayi, (Taiwan), Art Site of Railway Warehouse, Hsinchu, (Taiwan). Expositions collectives (sélection) : en 2015 : Groupshow, galerie Xenon, Bordeaux, lauréats, Maison des arts de Créteil, Formats raisin, Mac Arteum, Château Neuf le rouge ; en 2014 : Natura Artis Magistra, cloître des Billettes, Paris, Look&listen, Saint-Chamas, Formats raisin, espace Vallès, Saint-Martind'Hères, Artothèque Antonin Artaud, Marseille ; en 2013 : Jeune création, Paris, Prix Antoine Marin, Arcueil, Vendanges de printemps, ChamalotRésidence d'artistes, Drawing Now, galerie Marie Cini, Paris, La mémoire de l'absence, musée d'Art et d’Archéologie, Aurillac, Entre chien et loup, château de Servières, Marseille ; en 2012 : Grapheine IV, Marseille dessine Toulouse, Toulouse, Voyons voir, château Grand Boise, Trets, Drawing Now, galerie Marie Cini, Paris ; en 2011 : Biennale des Jeunes Créateurs d'Europe et de la Méditerranée, Thessalonique (Grèce), Prix Mourlot, galerie de l’ESBAM, Marseille ; en 2010 : En Campagne, Le Lieu Dit, Bonnay ; en 2009 : Novembre à Vitry, Vitry-sur-Seine ; en 2008 : musée de l’université du Sichuan, Chengdu (Chine), centre d’art Basai, Shanghai (Chine), galerie newB, Shanghai (Chine). Collections : Artothèque du Limousin, artothèque AntoninArtaud, Marseille, Fonds communal de la ville de Marseille, Ville de Vitry-sur-Seine, collection Pebeo, fondation Vacances Bleues. Prix : en 2013 : coup de cœur Art Collector, Jeune création, Paris ; en 2011 : Prix Mourlot ; en 2009 : Prix Novembre à Vitry.

En résidence en 2012

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Lumière Sale, 2015, huile sur toile, 89 x 116 cm


Isabel Duperray Sa peinture privilégie la vision à l’observation, ce qui advient à ce qui se présente

Sur la peinture d’Isabel Duperray

Dans un entretien avec Benjamin Buchloch, Gerhard Richter précise que le flou n’existe pas en peinture. Le mot appartient à la photographie (ou au cinéma) et présuppose une mise au point optique, défaillante en l’occurrence. On sait que le vocabulaire du dessin parle de blocages et de passages pour nommer les délimitations plus ou moins nettes entre deux couleurs ou valeurs. Richter affirme encore qu’il choisit les photographies de paysages qu’il transpose pour leur absence d’intérêt anecdotique, leur absence de particularité, de pittoresque. Par l’étymologie, l’adjectif pittoresque renvoie directement à la peinture.

La présence du paysage dans la peinture d’Isabel Duperray procède d’une relation autre au sujet. Pourtant, le pittoresque en est également absent. Vus, existants sous la forme d’un référent lointain, les paysages apparaissant dans ses tableaux sont passés par la peinture, comme la mémoire peut passer par une rencontre fortuite et délivrer une logique soudaine, un sens inattendu. Isabel Duperray préfère les passages. Les formes échappent à la conscience aiguë et volontaire du dessin qui sert l’imitation réaliste, en isolent les choses dans une relation grammaticale avec la réalité. Sa peinture privilégie la vision à l’observation, ce qui advient à ce qui se présente. "Je déclare l’espace", écrivait Barnett Newman. Déclarer, c’est déjà faire advenir, par un engagement. C’est authentifier un rapport au monde particulier, quand décrire ne serait qu’identifier. Isabel Duperray choisit la rencontre, avec un sujet qui se défait des scories d’une improbable objectivité, pour en relater la profondeur, l’essence picturale plutôt que l’attrait pittoresque. Tout comme il est possible de photographier des villes et de succomber à cet attrait, il est possible de l’évacuer dans le paysage pour atteindre une raison poétique à même de transcender le sujet, ou plutôt d’en abstraire l’identité au profit de la présence du tableau. Là s’arrêterait un projet moderniste avec ses attendus. La peinture d’Isabel Duperray semble abstraire le tableau même. De sa réalité physique, incontestable, elle (l’artiste ? la peinture ?) extrait encore une présence d’un autre ordre moins contingent. La réalité fait place à une perception du réel. Soutenu, convoqué à l’audace, le regard s’aventure enfin dans un registre sensoriel qui ne distingue plus l’interne de l’externe, la sensation du corps où elle naît, l’image faite de celle, toujours en devenir, qui s’élabore et jamais ne se fixe en soi. Isabel Duperray parle de "paysages vus d’un intérieur". Je lui répondrai "passages de soi à soi", mais passages par une altérité radicale : la peinture qui en s’étalant dans l’espace creuse dans le réel, tait l’imaginaire, a lieu. Bernard Goy

http://isabelduperray.com

Née en 1966, elle vit et travaille à Paris et Madrid. Elle est diplômée de l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs en 1992. Parmi ses expositions personnelles : en 2015 : Tableaux d’une exposition, centre d’Art de Montrelais et Maison Julien-Gracq, SaintFlorent-le-Vieil, Du côté de Pantin, le Pavillon, Pantin ; en 2014 : DesRives, centre culturel Max-Juclier, Villeneuve-la-Garenne ; en 2013 : Les Yeux Clos, galerie Les Bains-Douches, Pontivy, Les Dormeurs du Val 4/4, galerie Jean Collet, Vitry-sur-Seine ; en 2012 : Les Dormeurs du Val 3/4, L’Œil Ecoute, Limoges et 2/4, église Saint-Pierre, Tulle ; en 2011 : Les Dormeurs du Val 1/4, Chamalot-Résidence d’Artistes, Corrèze ; en 2010 : Miroir Miroir, Atelier Blanc, Villefranche-de-Rouergue ; en 2008 : Contrenature, Moments artistiques, Christan Aubert ; en 2007 : La forge, SaintGrégoire, Ille-et-Vilaine, Par monts et par vaux, galerie Jérôme Ladiray, Rouen ; en 2005 : En lisière, fondation Zervos, Vezelay, Isabel Duperray, galerie municipale, Vitry-sur-Seine, galerie Guigon, Paris ; en 2004 : Maison des Arts, Créteil, galerie municipale Julio Gonzalez, Arcueil. Expositions collectives (sélection) : en 2015 : Lauréats, Maison des Arts, Créteil ; en 2014 : Figure(s) & Paysage(s), Domaine de Kerguéhennec, Bretagne, Paysage peint-Nature rêvée, La Cohue, musée de Vannes ; en 2013 : Récits et Paysages_édition 3, Le Pavillon, Pantin ; en 2009 : Mauvais Genre, galerie PetitMaroc, Saint-Nazaire, Résonance esthétique et poétique, L’école des Filles, Huelgoat, Una mirada retrospectiva, Artistas de la casa Velazquez 1998-2008, Institut français Madrid, galerie Jeu de Paume, Marseille, Vendanges de Printemps, Chamalot-Résidence d’artistes ; en 2008 : Bagarre générale, galerie Bernard Ceysson, Saint-Etienne. Collections : Collection d’art contemporain de la Ville de Vitry-sur-Seine, Ville de Tulle, fondation Colas, Ville de Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine), Ville de Noja ( Espagne), Ambassade de France à Madrid, ministère des Affaires étrangères.

En résidence en 2008

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Sans titre, (2) eフ…outes, 2015, techniques mixtes sur papier, 56,5 x 76,5 cm Sans titre, (1) eフ…outes, 2015, techniques mixtes sur papier, 56,5 x 76,5 cm


Virginie Dyé Née en 1986, elle vit et travaille à Bruxelles. Elle est diplômée de l’Ecole nationale supérieure d’art de Bourges en 2009 et de l’Ecole nationale supérieure des arts visuels de La Cambre à Bruxelles en 2011. Exposition personnelle : en 2014 : Paradoxal, La rue K, Bruxelles Expositions collectives : en 2014 : centre culturel de Waterloo ; en 2012 : abbaye de Lehon, Dinan ; les ateliers de La Licorne, Bruxelles ; en 2011 : Vendanges de printemps, Chamalot-Résidence d'artistes, Art Truc Troc, palais des Beaux-Arts, Bruxelles ; en 2010 : Biennale Hors Courant, Toulouse ; en 2009 : Nuit des musées , musée Saint-Roch, Issoudun . Résidences : en 2012 : ateliers du Plessix-Madeuc, Corseul ; en 2010 : Chamalot-Résidence d'artistes

Une véritable chorégraphie où chaque acteur renvoie à un tout plus universel

La Peinture ne serait elle pas la solution pour arrêter le temps ? Dans une société qui favorise les nouveaux moyens de communication et stimule la profusion d’images, la Peinture est un moyen d’expression qui peut ralentir et poser réflexion sur ce rythme effréné qui nous entoure. L’artiste Virginie Dyé en est le récepteur, elle retranscrit, traduit dans un langage personnel des sujets glanés dans l’actualité et le quotidien qui l’entoure. Son travail pictural en est le fruit, tels de petits îlots où le temps se serait arrêté, l’image d’actualité fait soudainement place à un univers pictural singulier et méditatif. Dans sa série Ecoutes, peintures empreintes de l’air du temps dont les thèmes sont issus de notre actualité proche, Virginie nous transmet un monde onirique et quelque peu inquiétant. De mystérieux passants se livrent à des activités incongrues dans de vastes espaces. Que ce soit les équilibristes au bain public, les migrants ou les danseurs, tous reflètent en mouvement l’absurdité qui se cache derrière l’actualité. Tel un metteur en scène, elle crée des collages composés librement à partir de faits de société, des petites scènes dont les acteurs anonymes nous emmènent vers des questionnements universels et intemporels. Virginie Dyé met littéralement notre regard sur pause le temps d’une peinture. Un moment suspendu qui permet au spectateur de méditer sur les questions de la vie. Contrairement à la vitesse du regard que l’on pose sur une image de journal, les peintures de la série Ecoutes imposent un temps de regard plus long, un silence aussi, notre regard est capté par ces scènes étranges. Par l’utilisation de diverses techniques, Virginie marque, sculpte le papier avec énergie, rendant ainsi la surface vivante et sensible. Cette sensibilité se dégage par une attention à chaque parcelle de la surface, rien n’est laissé au hasard. C’est l’ensemble de la composition qui contribue à cette œuvre poétique. Sa technique pourrait faire penser au travail de l’artiste William Kentridge, avec cette même sensibilité qui traverse la feuille avec force. Chaque trait est assumé et renvoie à l’espace de composition. Une véritable chorégraphie où chaque acteur renvoie à un tout plus universel. Ces peintures pourraient aussi être un clin d’œil à Caspar Friedrich, par un romantisme revisité à travers des sujets d’actualité. C’est dans cette part de mystère que s’engouffre le regard du spectateur, après l’avoir regardé, il va falloir voir et c’est là que Virginie arrive à nous retenir, à suspendre le temps durant ces écoutes picturales. Amélie de Brouwer

En résidence en 2010

http://virginiedye.com/

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recul 1, 2015, huile sur aluminium, 100 x 80 cm


Benoît Géhanne Né en 1973, il vit à Saint-Denis et travaille à Pantin. Formé à l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs de Paris, sa pratique plastique circule librement entre peinture, photographie, dessin et installation. En 2013, Benoît Géhanne a reçu le prix international de peinture Novembre à Vitry. Il est représenté par la galerie Djeziri-Bonn (Paris). Ses dernières expositions personnelles ont eu lieu à la galerie Djeziri-Bonn (Paris, 2016), à Progress gallery et à la galerie du Haut-Pavé (Paris, 2014), à La Générale en Manufacture de Sèvres (2009). Entre autres expositions collectives : galerie Djeziri-Bonn (Paris, 2016), Progress Gallery (Paris, 2015), galerie municipale JeanCollet (Vitry-sur-Seine, 2014), La Permanence (Clermont-Ferrand, 2013), le centre d’art APDV (Paris, 2013), Les Salaisons (Romainville, 2013), Jeune Création au 104 (Paris, 2012), ESBANM (Nantes, 2011), 6b (Saint-Denis, 2011 et 2012), FIAC/jardin des Tuileries avec JeanFrançois Leroy (2010), Opal gallery (Atlanta, 2009). Benoît Géhanne a été invité dans le cadre de plusieurs résidences dont Art Contemporain et logement sociaux (75011 Paris, 2015), La Permanence à Clermont-Ferrand (2013), Chamalot – Résidence d’artistes (Corrèze, 2011).

Travaillant ce point de rupture au-delà duquel l’image et son cadre/ support ne constitueraient plus un objet autonome

Le travail de Benoît Géhanne consiste à mettre en place des conditions venant contrarier toute immédiateté de lecture. Il produit des images – peintures, dessins, photographies –, puis enraye les mécanismes qui favoriseraient leur réception. Ceci non en manipulant l’image elle-même, mais en travaillant son contexte de présentation : les conventions de format, de modalités d’exposition… Le parergon aussi, cet espace matériel et symbolique qui borne l’œuvre et dont il joue, travaillant ce point de rupture au-delà duquel l’image et son cadre/support ne constitueraient plus un objet autonome. Dans cette même idée, Benoît Géhanne exagère souvent les contraintes de réception. Il déplace le point de vue : force à regarder non plus en face mais vers le haut ou le bas, en biais au fond d’un angle aigu le geste indexant la façon dont les artifices d’exposition orientent le regard, permettant alors d’éprouver son caractère construit. Ses travaux récents sur aluminium participent eux aussi de cette recherche de défamiliarisation. Dans ces œuvres, le plan métallique reflète l’environnement direct de la pièce, et l’incorpore ainsi au tableau. La peinture, isolée en masses à l’intérieur de ces surfaces réfléchissantes, ne joue plus ainsi tant avec le mur sur lequel elle se déploie qu’à la rencontre de cet espace qui lui fait face – lequel, par l’effet miroir du métal, vient directement la jouxter. Alors, entre l’image mimétique que le support reproduit et ces fragments que la surface peinte donne elle aussi à voir s’installe un va-et-vient déconcertant, au cours duquel notre perception de ce qui fait figure ou fond, de ce qui constitue la représentation, s’égare. Marion Delage de Luget

Les œuvres de Benoît Géhanne sont présentes dans les collections des fonds municipaux de Pantin et de la ville de Vitry-sur-Seine.

En résidence en 2011

http://benoitgehanne.net/

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A86A4, 2013, huile sur toile, 200 x 200 cm


Steve Givernaud Peindre et non décrire, tel semble être le désir de cet artiste

La rigueur formelle du dessin affirme un acte poétique de l’artiste dans une peinture qui se réfère au réel.

Peindre et non décrire, tel semble être le désir de cet artiste. Un site, un angle de vue attire son attention et il les transcrit sur la toile. Dans la pureté d’un dessin géométrique sans froideur, s’élèvent immeubles, usines, pylônes. Mais le peintre n’oublie jamais la nature, au ciel, il donne une place importante ; gris ou bleu, animé de nuages, vaporeux, il apporte une certaine douceur à l’architecture, l’humanise en quelque sorte. Steve Givernaud se montre très à l’aise dans les grands formats, ses œuvres respirent dans une alternance de masses statiques et de touches linéaires. Il aime les oppositions de couleurs, un ciel embrasé par le couchant à l’automne contraste avec le sombre agglomérat d’arbres, ou ce sont des harmonies bleues, nuancées que cisaille ici et là une ligne géométrique noire. Nicole Lamothe

Né en 1980 à Bondy, il vit et travaille à Fontenay-sous-Bois. Il est diplômé de L’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 2006. Parmi ses expositions personnelles, à noter : en 2011 : Concrete Mountain, Galerie Art 89, Paris ; en 2010 : I come with the rain, fondation Taylor, Paris. Expositions collectives : en 2015 : In Situ, Artfloor et galerie Saint Martin, Paris ; en 2011 : Vendanges de printemps 2011, Chamalot-Résidence d’artistes, Dépeindre, Le 6b, Saint-Denis, Novembre à Vitry, galerie municipale, Vitry-sur-Seine ; en 2010 : Biennale d’Arts, Marhina Grande, Portugal, Novembre à Vitry, galerie municipale, Vitry-sur-Seine, Espace Victoria, Paris, à l’occasion du prix Artfloor.com Platinium Mastercard ; en 2009 : Novembre à Vitry, galerie municipale, Vitry-surSeine ; en 2008 : Midi 6, Fontenay-sous-Bois ; en 2006 : Parvis poétiques, théâtre de la Reine Blanche, Paris ; en 2005 : Novembre à Vitry, galerie municipale, Vitry-sur-Seine. Autre : En 2010 : Lauréat du Prix de peinture Eddy Rugale Michaîlov, fondation Taylor, Paris ; en 2007 : Création du lieu Midi 6, Fontenay-sousBois ; en 2006 : Bourse d’étude aux projets artistiques, Mairie de Paris.

http://artfloor.com/artists/givernaud.artist

En résidence en 2010

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Home sweet home, 2014, huile sur toile, 130 x 195 cm, collection du musée des Beaux-Arts de Liège


Yves Gobart S’appliquer au travail qui creusera une profondeur sans jamais la rendre démonstrative

Un paysage est un état d’âme : Les hommes se parlent de loin en loin et du profond inconnu d’eux-mêmes.

Il paraîtrait, cela pourrait être un conte, qu’un certain René Crevel, du profond de la solitude cherchée dans Mon corps et moi, aurait dit en quelques paragraphes partis d’Amiel, et en égarant l’âme par Verlaine (qu’injustement, il méprise, mais tout s’agit d’une époque), qu’un certain romantisme, qu’il ne nommera jamais parce que trop dégradé, s’incarne par la clarté qu’il nous propose : "Un paysage est un état d’âme" Amiel. Le fait même de l’art est de dialoguer avec les morts, tout en ayant prise avec le vivant. La mort se mêle à la vie, la vie se mêle à la mort, l’être entre parfois dans ce décor. Truisme. Tropisme. Vérité simple mais péremptoire. Il en s’agit difficilement quand tout cela se peint. Ne pas céder à la technique toute apprise, éviter la superficialité, le décor, la mise en scène, s’appliquer au travail qui creusera une profondeur sans jamais la rendre démonstrative, sans jamais la séparer de son impérative et inévitable superficialité, celle qui pourra seule sortir du fond et engager le sujet véritable, en-dessous et au-delà du décor et de la mise en scène qui lui donneront apparence, au sens même de ce qui apparaît. Yves Gobart s’y tente, s’engage le plus possible dans cette entreprise.

Rouge Venise par Laurent Bouckenooghe.

http://yvesgobart.com/

Né en 1973 à Montauban, il vit et travaille à Ankara (Turquie). Il est diplômé de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 1999. Expositions personnelles : en 2015 : Tout va disparaître, galerie ALB Anouk Le Bourdiec, Paris ; en 2014 : Tout va disparaître, château de la Louvière, Montluçon ; en 2012 : Honni soit qui mal y pense, galerie Marianne Jolibois, Bruxelles, Il était une fois dans l’ouest, galerie ALB Anouk Le Bourdiec, Paris ; en 2010 : Rassurez-vous, tout va mal, galerie Catherine & André Hug, Paris ; en 2009 : Entre chien et loup, Anamorphée, Paris, Œuvres récentes, espace Cyrille Varet, Paris ; en 2006 : Un certain, galerie Catherine & André Hug, Paris. Sélection d’expositions collectives récentes : en 2015 : Dépendances, Organisme Onirique, Crash Gallery, Lille, Plein air Sozopol, Institut culturel bulgare, Paris, L’arbre, le bois, la forêt, centre d’Art contemporain, Meymac, Le kabinet du dessin, Le Kabinet, Bruxelles ; en 2014 : Jardin d’Eden, jardin d’épines, galerie Dubois Friedland, Bruxelles, Organisme onirique : salon du dessin et du multiple, La Madeleine, (59) ; en 2013 : Petits mais costauds, galerie ALB Anouk Le Bourdiec, Paris, Friends & family, galerie Eva Hober, Paris, Exil, Les Salaisons, Romainville, Hybride II, Douais, Ils étaient, ils sont, ils seront, galerie ALB Anouk Le Bourdiec, Paris, Le petit salon, Paris ; en 2012 : Drawing Now, Paris, Tout rêveur que nous sommes, avec Ayako DavidKawauchy, centre d’Art Albert-Chanot, Clamart, Les maisons folles, Ronchin, Les grandes figures, Les Salaisons, Romainville, Slick, Paris ; en 2011 : Novembre à Vitry, galerie municipale, Vitry-sur-Seine, Ouverture de la galerie ALB Anouk Le Bourdiec, Paris, Les maisons folles, Ronchin, Salon de Mai, Paris ; en 2010 : La Métive, résidence d’artistes, Creuse, Ouverture de la nouvelle galerie Catherine & André Hug ; en 2009 : Vendanges de printemps, ChamalotRésidence d’artistes, Art Vilnius, galerie NivetCarzon, Vilnius, (Lituanie), Eaux d’ici, eaux de là, Chamalot-Résidence d’artistes, Novembre à Vitry, galerie municipale, Vitry-sur-Seine.

En résidence en 2008

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Magic Mushrooms. Live a cheerful life in the lap on Mother Nature - Architect : Happy Owners - VidĂŠo : 1 mn 50 s Banyan City. Luxury amidst sacred Nature - Due date : post monsoon 2014 - location : Mumbai - Architect : Happy Owners - VidĂŠo : 1 mn 50 s


Soazic Guézennec Née en 1971 à Genève, elle vit et travaille entre Mumbai (Inde) et Paris. Principales expositions personnelles : en 2015 : Happy Owners, Between Sky and Sea, Istanbul, Studio X ; en 2014 : Subjective Architecture Realty, Trivandrum, Dehli, Hyderabad, Chandigarh, Pune, Bangalore ; en 2013 : Happy Owners, Lose yourself in Nature, Studio X, Mumbai (Inde) ; en 2012 : While the moon is shrinking, video projection sur la façade du Palais Royal à Kathmandu (Nepal) ; en 2008 : Tamers and Tamed, ateliers portes ouvertes Montreuil ; en 2007 : Embellishment Projects, ateliers portes ouvertes, Paris, itinErrance, ChamalotRésidence d’artistes ; en 2006 : DIVA ART FAIR – Elga Wimmer PCC Gallery, New York (USA), pelliculage intégral d’un bus servant de navette entre l’Armory Show et Diva ArtFair ; en 2004 : Le bus, centre culturel Maurice-Eliot, Epinay-sous-Sénart. Expositions collectives récentes : en 2015 : HOME, gallerie Chatterjee and Lal, Mumbai (Inde), Encounters- Space in Transition, Public art festival, Art O2, Mumbai (Inde) : en 2014 : Eden Festival, commissaire Eve Lemesle , Mumbai (Inde) ; en 2012 : Kathmandu International Art Festival, Kathmandu (Nepal), Loop Barcelona, video art fair, Barcelone (Espagne), Drawing now, galerie Charlotte Norberg, Paris, Did anyone notice?, commissariat Kanchi Mehta, Mumbai (Inde) ; en 2011 : Census of sense, commissaire Veeranganakumari Solanki, FGalerie Exhibit 320, Dehli (Inde), Plataformas de Sinestesia, Ex Teresa Arte Actual, Curaduria Erick Diego, Mexico (Mexique), Chic art fair, galerie Charlotte Norberg, Cité de la mode et du design, Paris ; en 2010 : Nostalgia, Pride and fear, BMB gallery, Mumbai (Inde), Ce qui les rapprochait alors, galerie Charlotte Norberg, Paris, CRANE, Kunsthalle, Hanovre (Allemagne), CRANE, Performer Stammtisch, Berlin (Allemagne), RAVI, Rencontre d’arts visuels de Yaounde (Cameroun) ; en 2009 : Women power, Art Gallery of Ewha Womans University, Séoul (Corée), Eaux d’ici, eaux de là, Chamalot-Résidence d’artistes, Princess Frog, Josza gallery, Bruxelles (Belgique).

En résidence en 2007

Concevoir des projets d’architecture et d’urbanisme fantaisistes, futuristes

Que ce soit à travers la peinture, la vidéo ou les installations, je m’efforce toujours de questionner le rapport que l’Homme entretient avec la Nature.

Je pars pour cela en quête d’environnements extrêmes, de la forêt amazonienne aux déserts africains, des eaux profondes aux montagnes himalayennes. Chacune de ces expériences est documentée puis traduite dans une œuvre immersive que je m’efforce de rendre poétique tout en exprimant une conscience politique. En tentant de recréer la "sensation de Nature" vécue lors de mes voyages, j’espère attirer le spectateur sur un registre à la fois émotionnel et intellectuel. En 2010, j’ai déménagé à Mumbai, plongeant dans un champ de bataille où la nature et la ville se livrent à une lutte de territoire sans merci. J’arpente depuis la ligne de front, mesurant l’avancée de la ville et la résistance de la nature, en quête de traces, d’empreintes, de motifs, que je mets en scène dans mes compositions. Cette déambulation urbaine a donné naissance au projet Happy Owners, une parodie d’agence immobilière qui inverse le rapport de force entre la Ville et la Nature. Je traduis à la lettre les slogans des publicités immobilières fleurissant aux abords de la ville, vantant le concept de Ville Nature, Be one with Nature, Lose yourself with Nature, pour concevoir des projets d’architecture et d’urbanisme fantaisistes, futuristes, qui redonnent à la Nature la Ville qu’elle mérite. Les projets sont déclinés sur les supports de communication classiques, posters, prospectus, catalogues, maquettes, vidéos, et exposés dans un environnement professionnel parodiant le marché immobilier. En jouant sur l’absurde, je crée un espace de discussion où le spectateur est encouragé à intervenir et à exprimer son désir d’habitat, dans l’espoir de susciter le rêve et de voir émerger de nouvelles formes. Ce projet bénéficie du soutien de l’école d’architecture de la Columbia University qui a édité le catalogue et permis l’ouverture de 10 agences en Inde, et une à Istanbul.

http://soazicguezennec.com

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Sans titre, 2012, de la série Parce que vous êtes là, impression pigmentaire, 45 x 60 cm chaque


Pascal Hausherr Ce qui compte pour cet artiste est d’attester du réel, d’en livrer un inventaire sans fioriture

Photographe, né en 1957 à Louviers (Eure), Pascal Hausherr ne se souvient pas n’avoir jamais fait de photographies. La pensée la plus apte à le définir est la nostalgie de quelque chose qu’il n’aurait pas vécu. C’est cette impression qui nourrit la matière de son travail, lequel repose principalement sur l’absence de hiérarchie, tant au niveau du contenu que de la forme, et que ce soit à l’intérieur même d’une image ou d’une image à l’autre. Il tente ainsi de mettre au jour et sur le même plan, comme le soulignait en 2010 Sebastian Hau à propos de son livre De quoi demain, dans Foam Magazine, "une documentation subjective des limites (politiques, sociales, économiques) internes et externes de la France". Ce qui fait la valeur à la fois novatrice et traditionnelle de son travail est que celui-ci dépend de formes connues, tout en se jouant d’elles. On y reconnaît là une tentative de restitution d’une histoire parcourue de lacis de sensations secondaires. Pour Michel Poivert, dans sa postface au livre De quoi demain, "L’œuvre de Pascal Hausherr cultive une fausse ingénuité. Celle-ci lui permet d’aborder le monde de façon oblique. Le photographe mêle les genres et les usages en détruisant toute hiérarchie. Comment De quoi demain parvient à construire, dans cette apparence de légèreté même, un forme si singulière d’inquiétude ? Le regard circule et enchaîne des traces d’expériences. L’avenir est incertain." C’est en cela une “œuvre photographique” — pensée comme une continuité fragmentaire, un assemblage de fragments —, plutôt qu’un recueil ou une collection d’objets pittoresques. On pourra cependant lui préférer, comme l’évoque Damien Sausset dans son article à propos du livre Encore paru en 2012, le terme d’essai photographique. Le critique évoque le livre en ces termes : "Certains ouvrages énervent de prime abord pour ne révéler leur puissance qu’après un certain temps de maturation. Ce qui compte pour cet artiste est d’attester du réel, d’en livrer un inventaire sans fioriture. Étranger aux lois du marché et à son besoin d’images rassurantes, Pascal Hausherr libère la photographie de ses impasses et nous révèle sur un mode faussement naïf l’épaisseur du monde qui nous entoure."

Pascal Hausherr vit et travaille à Paris. Il est membre depuis 2015 du Studio hans lucas, un studio de création et de production dédié aux nouvelles écritures visuelles. Ses œuvres sont conservées principalement à la Bibliothèque nationale de France à Paris (Cabinet des estampes et de la photographie), au musée Carnavalet (Paris), à la Maison européenne de la photographie (Paris). Il a notamment publié, aux éditions Trans Photographic Press : De quoi demain (2009) et Encore (2012) ; chez Bernard Chauveau Éditeur : La Tourette / 1959→2009 / Le cinquantenaire (2009). Il figure en 2010 dans La photographie contemporaine , de Michel Poivert, éditions Flammarion. Parmi les articles de presse, on retiendra artpress2, "La photographie, un art en transition" (n° 34, été 2014) ; La Croix (3 mai 2013), "Un couvent sous l’œil des photographes", par Bénévent Tossari ; Le Quotidien de l’Art (n° 183, 4 juillet 2012), "Pascal Hausherr libère la photographie", par Damien Sausset ; Foam Magazine (n° 25, déc. 2010), Fotografie Museum Amsterdam, "De quoi demain", par Sebastian Hau ; Connaissance des Arts Photo (n° 24, 2010), "De quoi demain", par Damien Sausset. Expositions récentes : "in)(between record vol. 20", in)(between Gallery, Paris, 2016 ; "What’s up Photo Doc", Paris, 2015 ; "Regards d’artistes contemporains sur la Tourette", couvent de la Tourette, Éveux, 2013 et "Floripa na foto", 3 e festival de Fotografia de Santa Catarina, Florianopolis (Brésil), 2013 ; "Résidentes : œuvres en résidence", Centre d’art Transpalette, Bourges, 2012.

En résumé, foisonnement et multiplicité sont les deux maîtres mots du travail photographique de Pascal Hausherr, auquel participe une exploration des formes, des lumières et des couleurs. L’artiste aime citer Edgar Morin, dans La Méthode : "Plus les connaissances s’accumulent, moins le monde devient compréhensible. Ce qui nous manque le plus, ce n’est pas la connaissance de ce que nous ignorons, mais l’aptitude à penser ce que nous savons."

http://hanslucas.com/phausherr/photo

En résidence en 2006

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Gros Nez #1, 2015, Peinture en spray sur papier et bande dessinée découpée, 47 x 34 cm


Benjamin Hochart Des formes aux lectures multiples qui tentent de perturber l’ordre établi des choses

Si mon travail s’inscrit résolument dans l’histoire de l’art contemporain, je revendique les influences des arts populaires et folkloriques, de l’art brut, la bande-dessinée et la science-fiction, des pratiques textiles diverses et des arts premiers, comme les témoins d’une pratique artistique fondée sur la non-hiérarchie des genres et des arts. En expérimentant de multiples supports et processus (dessin, sculpure, installation, vidéo, performance, édition…), ma recherche donne entre autres à voir des questionnements relatifs au geste, au décoratif et au monstrueux. Je m’attache ainsi à produire une œuvre protéïforme, à la fois poétique et politique, qui chercherait à déjouer les lectures trop rapides. Sur le modèle d’un grand collage, expérimentant les possibilités d’interprétations multiples d’une forme ou d’une image, mon travail s’attache à épuiser un système. Le travail par séries vise à multiplier les tentatives et les possibilités de lectures, à déjouer l’autorité d’une forme unique et à proposer en variation l’exploration répétée et approfondie d’un sujet, d’une image ou d’un geste. Usant fréquemment du ratage, des accidents techniques et des erreurs, ainsi que des rebuts de ma production artistique, je propose des formes aux lectures multiples qui tentent de perturber l’ordre établi des choses, en explorant le potentiel politique des positions marginales issues des contre-cultures et rendant hommage à ses personnages excentriques et autres anti-héros. Mes expositions sont des suites d’œuvres autonomes installées pour entrer en résonance et constituer des récits sans début ni fin, des compositions dans l’espace proposant un commentaire sur le monde. Elles évoquent entre autres un possible avenir catastrophique, que seul un pessimisme combatif pourrait déjouer.

Né en 1982, il vit et travaille à Aubervilliers. Il est diplômé de l’École nationale des beauxarts de Lyon en 2006, résident entre 2007 et 2009 au programme de recherche La Seine, École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Expositions personnelles (sélection) : en 2016 : fondation Spatiu Intakt, Cluj-Napoca, Roumanie ; Pilote, Paris ; en 2015 : La Borne, Orléans ; le Granit, Belfort ; The Drawer - cabinet de dessin, Paris ; en 2013 : galerie M&T de la Châtre, Paris ; en 2012 : White Hotel, Bruxelles ; Toshiba House, Besançon ; en 2011 : galerie M&T de la Châtre, Paris ; en 2010 : Ecole d’arts du Beauvaisis, Beauvais ; en 2009 : Institut français de Stuttgart ; en 2008 : le Fort du Bruissin-Centre d’art contemporain, Francheville, avec l’IAC, Villeurbanne. Expositions collectives (sélection) en 2016 : Pilote, Paris ; l’URDLA Centre international estampe & livre, Villeurbanne ; en 2015 : fondation Louis Vuitton, Paris ; Treize, Paris ; musée de l’Abbaye SainteCroix, Les Sables d’Olonne ; La Maison Rouge, Paris ; en 2014 : galerie White Project, Paris ; Moly-Sabata, Sablons ; VOG, Centre d’art contemporain, Fontaine ; en 2013 : galerie du jour - agnès b., Paris ; Grand Palais, Paris ; Radiator Gallery, New York ; Ecole nationale supérieure des beaux-arts, Lyon ; La Galerie, centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec ; en 2012 : Biennale d’art contemporain, Le Havre ; galerie in Bewegung, Munich ; FRAC Limousin, Limoges ; en 2011 : MRAC Languedoc-Roussillon, Sérignan ; en 2010 : le Crédac, centre d’art contemporain d’Ivry-sur-Seine ; en 2009 : 7 Barclay Terrace, Edimbourg ; PRAXIS Space, Singapour ; en 2008 : Kunststiftung BadenWürttemberg, Stuttgart ; International Triennale of Contemporary Art, Narodni Galerie, Prague ; en 2007 : le Creux de l’enfer, centre d’art contemporain, Thiers ; en 2006 : Terminal 1, Tel Aviv ; musée d’Art moderne, Saint-Étienne. Collections publiques (sélection) : FRAC Limousin ; FRAC Provence-AlpesCôte d’Azur ; FMAC, Nantes ; Artothèque du Limousin ; artothèque B.M, Lyon ; musée de la Tapisserie, Aubusson.

http://benjaminhochart.com/

En résidence en 2012

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B596, 2014, acrylique sur toile, 140 x 120 cm sur dessin mural


Ben Hübsch L’ornement pour essentiel Le XXe siècle a vu se développer cette conviction nouvelle que quelque chose ne pourrait être Beau si ce n’était Utile. Fi donc alors de la décoration car, comme l’assure Le Corbusier, l’ornement est "[…] une modalité accidentelle, superficielle, surajoutée pour faciliter la composition de l’œuvre, accolée pour masquer les défaillances, multipliée pour créer le faste1." Voici pour base de l’école d’architecture fonctionnaliste : l’imbrication étroite entre qualité de la forme esthétique et efficacité de la fonction, au détriment des détails, piètres enjolivures. Cet utilitarisme se retrouve bien sûr en art, dans les mouvements modernes – ceux, du moins, allant dans le sens de l’abstraction géométrique –, qui prônaient cette même simplification des moyens plastiques. Et, dès lors, toute une peinture va faire œuvre de cette question du dépouillement à l’essentiel. Bien que sa pratique s’inscrive dans cette lignée – le courant de l’abstraction non gestuelle, au langage précisément plutôt minimal, visant cette "nudité" –, Ben Hübsch reconnaît paradoxalement s’inspirer d’éléments de décoration piochés dans les arts appliqués pour composer toiles et peintures murales abstraites. Une démarche bien plus critique qu’il n’y parait. Car l’ornement, sans utilité pratique, désigne en général cette chose rajoutée à l’ensemble ; or, en faisant de celui-ci le "sujet" du tableau, Ben Hübsch vient renverser cette hiérarchie entre le primat de la construction et la place secondaire de l’ornement. Celui-ci ne vient plus accompagner ni embellir la composition de la toile, il est lui-même la forme, essentielle, maintenant autonome, qui organise la surface en plans colorés. Certains pourraient nuancer : parce qu’à cette division hard-edge, Ben Hübsch ajoute effectivement un travail de dégradés, jouant de passages chromatiques à l’intérieur des formes géométriques nettement délimitées. Ce soft-edge serait de l’ornement ? Nullement, car ces bandes, ces cercles dans lesquels différents tons s’échelonnent, semblent découpés, comme prélevés de plages plus étendues, le dégradé paraissant alors moins facultatif qu’intrinsèquement consubstantiel à la composition. En abolissant la distance temporelle qui séparait traditionnellement la préexistence de la structure et la postérité de l’ornement, Ben Hübsch montre comment, dans un seul élan, le détail d’une qualité de surface et la structure de la composition peuvent s’affirmer indissociables. 1. Le Corbusier, L’Art décoratif aujourd’hui, Paris, G. Crès, 1925, p. IV.

Marion Delage de Luget

Né en 1963, il vit et travaille à Freiburg (Allemagne). Depuis 2012, il est professeur à la Hochschule für Kunst, Design und populäre Musik (hKDM) de Freiburg. Parmi ses expositions personnelles récentes : en 2016 : HappyTogether (travaux communs de Ben Hübsch et Martin Kasper), Städtische Galerie im Stapflehus (Weil am Rhein) ; en 2015 : Auf einer Linie, Galerie Annette Oechsner (Nürnberg) ; en 2014 : Zurück in die Zukunft, Galerie Feurstein (Feldkirch, Autriche), Fit in Farb, Fruchthalle (Rastatt), Vendange tardive, CAC de Meymac (avec Martin Kasper) ; en 2013 : Ici, Haute école des arts du Rhin, galerie La Chaufferie (Strasbourg), Ochs und Esel, Kunstverein Mittelbaden (Offenburg) avec Florian Haas, Günther Holder und Ben Hübsch, Galerie Katharina Krohn (Bâle), Zwischen Schein und Wirklichkeit, Galerie Anja Rumig (Stuttgart) ; en 2012 : Günther Holder und Ben Hübsch, Galerie Feurstein (A-Feldkirch) ; en 2011 : Galerie Annette Oechsner (Nürnberg) ; en 2010 : dazwischen ist mittendrinn, Galerie Feurstein (Feldkirch), Neues von Ben Hübsch, Galerie Katharina Krohn, (Bâle) Ben Hübsch a participé aussi à de très nombreuses expositions collectives dont : en 2015 : Alle, 60 Jahre Künstlerbund BadenWürttemberg Städtische Galerie (Karlsruhe), Farbenwahnsinn, Galerie Feurstein, (AFeldkirch) ; en 2013 : Abstrakt, Kunstverein Wilhelmshöhe (Ettlingen) ; en 2012 : Abstract/ Konkret Besuche im realen Utopia (Teil1), Freiburg Institute for Advanced Studies, Accrochage, 5 Jahre Galerie Feurstein (A-Feldkirch), Gestern heute morgen, Künstlerbund Baden-Württemberg, Kunstgebäude (Stuttgart) ; en 2011 : Klasse, Klasse Ben Hübsch zu Gast im Georg Scholz Haus, (Waldkirch), Komm auf den Boden Liebling, Kunsthaus, (Nürnberg), Vorsicht Farbe, Alle Jahre wieder, Galerie Katharina Krohn, Bâle. Les œuvres de Ben Hübsch font partie d’une vingtaine de collections de musées, fondations, entreprises. Il a réalisé de très nombreuses œuvres pour des projets architecturaux.

http://benhuebsch.de/

En résidence en 2014

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Face Ă la nuit, 2015-2016, huile sur toile, 89 x 116 cm


Thomas Ivernel Combinaison entre peinture animée, clip, performance et même édition

Le travail de Thomas Ivernel, essentiellement figuratif, est influencé par la culture anglosaxonne dans toute son acception mais également par la peinture classique européenne. Sa démarche s’oriente vers une fusion de ces éléments hétérogènes. Après des études aux Beaux-Arts de Paris, il séjourne au Mali en 1998 et 2001, où il a l’occasion entre autres de faire le portrait de Malick Sidibé. De 1999 à 2003, il travaille dans plusieurs cités de la ville de Saint-Denis. Il en expose le résultat à l’espace Julio Gonzalez en 2008. Lauréat de la Bourse Renoir en 2006 pour son travail sur les nocturnes urbains, il publie alors un premier livre : Diary. Il développe à partir de 2010 le projet multimédia "Illusionite" avec Thomas Fage, dont la première œuvre intitulée Hypnotized est exposée chez Agnès b en 2013. Cette combinaison entre peinture animée, clip, performance et même édition, est une ouverture importante dans le travail de l’artiste. Cette pratique hybride entre image fixe et image animée, peut croiser l’actualité de façon inattendue comme dans Face à la nuit qui associe un tableau et une animation peinte, projetée en boucle. Dans cette vue panoramique de Paris coiffée par la Tour Eiffel, et commencée peu de temps avant le 13 novembre 2015, les lumières qui s’allument et s’éteignent dans l’obscurité expriment une dimension presque poignante. Le décor formé par la toile, en plan fixe, s’anime en vidéo du miroitement de centaines de petits points en peinture, qui deviennent ainsi le symbole des âmes dont ils sont le signe comme autant de vies éparpillées dans la ville.

Né en 1970, il vit et travaille à Paris. Il est diplômé de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 1994. Expositions personnelles récentes : en 2016 : Face à la nuit, Le Pavé d’Orsay, Paris ; en 2015 : Thomas Ivernel, galerie Matières d’art, Paris, Portraits d’écrivains, Rencontres de Chaminadour, Guéret ; en 2014 : Cutlog, galerie LWS 2011, New York (USA), Thomas Ivernel, L’embarcadère, Lyon ; en 2010 : La Galerie, galerie Crous-Beaux-Arts, Paris, Thomas Ivernel, Oddo et cie, Paris. Expositions collectives récentes : en 2016 : Salon Ddessin, galerie LWS, Espace Richelieu, Paris, Art for autism, château SaintJean-de-Beauregard, vente publique Artcurial, Paris, Le plaisir, galerie Barbier & Mathon, Paris ; en 2015 : Dessins partagés, piscine Molitor, Paris, Anciens lauréats de la bourse Renoir, galerie Crous-Beaux-Arts, Paris, Group Show, galerie Utens, Paris ; en 2014 : Ddessin, galerie LWS, Espace Richelieu, Paris ; en 2013 : Hypnotized/ Illusionite avec Thomas Fage, Agnès b, Paris, Signature du livre Hypnotized, librairie du Palais de Tokyo, Drawing Now, galerie LWS, Carrousel du Louvre, Paris ; en 2012 : Exposition de deux anciens lauréats de la bourse Renoir, galerie Crous, Beaux-Arts, Paris ; en 2010 : Explosition II, association Clovis Trouille, L’Isle-Adam, Zone d’ombre, galerie d’Art contemporain, Auvers-sur-Oise, Couleurs noires, galerie 96, Fontenay- sous-bois, Anastasie, La Briqueterie, Amiens. Publications : en 2013 : Hypnotized, éditions Illusionite ; en 2008 : Mille errances et autant de lignées, les banlieues de Thomas Ivernel, texte de Gwenaëlle Aubry, catalogue de l’exposition L’ombre et la lumière, Salon Triptyque, catalogue, Angers ; en 2006 : Journal, Diary, catalogue de la Bourse Renoir. Prix : en 2005 : lauréat de la Bourse Renoir, Essoyes ; en 2004 : Deuxième prix de peinture, Grand prix de peinture de la ville de Saint-Grégoire.

http://thomasivernel.com/

En résidence en 2008

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Le lac, 2015, huile sur toile, 73 x 100 cm Buisson au bord du gouffre, 2015, huile sur toile, 81 x 116 cm


Frédéric Jacquin Il faut écouter cette pulsation intime qui nous rend vivant pour savoir dire le fond des choses

Perspectives

Tous ces paysages sont imaginaires et pourtant ils existent. La peinture pactise avec le monde intérieur de l’artiste pour reconstituer une réalité que personne d’autre n’a vu. Mais comme c’est un langage à part entière, elle impose son rythme. Elle ne se donne jamais pour vaincue. Et c’est grâce à cette résistance que le peintre finira par s’avouer à lui-même ce qu’il cachait. De la nature, il s’agit de savoir pourquoi elle est une source qui ne doit jamais s’éteindre dans ses yeux, sous peine de sécheresse. Il y a recommencement éternel devant ce spectacle étrange qui parut un temps banni par l’édification du temple de l’hyper-modernité. La mortification soumise qui s’ensuivit, a eu la stricte utilité de nous rappeler aux évidences. Elle a débarrassé l’être de son trop-plein de constructions intellectuelles et idéologiques. Il faut écouter cette pulsation intime qui nous rend vivant pour savoir dire le fond des choses, toujours malgré soi colorées du moment temporel vécu. Le paysage signe l’espace. Le réalisme se reformule pour acquérir une densité qui lui est propre et refuser la simple copie de la chose vue. Je ne cherche pas à rendre compte et à composer avec un discours préétabli pour concrétiser ma démarche. Je souhaite au contraire proposer une équation qui garde l’aspect de familiarité que la nature peut offrir dans tout l’éventail de sa diversité – on reconnaît un paysage. Le travail consiste à falsifier cette familiarité apparente par le simple fait pictural. Il faut réagencer les éléments pour continuer à creuser et à étonner le regard par surgissements inattendus. Le signe se matérialise par esquisses répétées sur les lieux qui enregistrent et imposent le souvenir. Le temps décante. La conception est liée à la fulgurance primordiale. Une idée précise ne doit jamais s’imposer.

Né en 1966 à Amiens, il vit et travaille à Paris. Il est diplômé de l’académie Rietveld d’Amsterdam, section verre et dessin, en 1996. Ses expositions personnelles : Peintures et dessins, le cabinet des Gobelins, Paris, (2016) ; Paysages, chapelle d’Avigny, Yonne, (2015) ; La réponse est dans les hauteurs, galerie les Montparnos, Paris, (2014) ; Dessins récents, les Douches, Paris, (2012) ; atelier du Troudelavente, Montigny-sur-Loing, (2010) ; Paris à l’encre, le cabinet des Gobelins, Paris ,(2009) ; Portraits musicaux, printemps de Haute-Corrèze, gares d’Egletons, Meymac et Ussel, Les arbres et leur mystère, gares de Tulle et Uzerche, (2008) ; Centre culturel du Panthéon, Paris, (2006, 2003) ; Espace privé A. Blanchard, Paris, (2005, 2003) ; atelier Parmentier, Paris (2002) ; espace culturel la Pléiade, Commentry, Allier (2000). Parmi les expositions collectives récentes : Autour du paysage, Shakirail, Paris, (2012) ; Journée du patrimoine, Bourron-Marlotte, (2010) ; 3 peintres, les Douches, Paris, (2009) ; Vendanges de printemps, Chamalot-Résidence d’artistes, (2008) ; Red Hook art Show, NewYork, USA, (2007). Résidences : Avigny, Yonne, juillet 2015. La maison d’Emma, Saint-Mathieu-de-Tréviers, Hérault, août 2013. Chamalot-Résidence d’artistes, Corrèze, juillet 2007.

Je souhaite rester au plus près d’une écoute qui donne au tableau l’impossibilité d’une définition. Frédéric Jacquin

http://fredericjacquin.fr/

En résidence en 2007

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Le fauteuil, 2014, huile sur toile, 50 x 70 cm


Déborah Julien Une narration d’événements vécus ou à vivre

Mes peintures organisent des narrations suspendues, issues de mon autobiographie. Elles développent des espaces imaginaires où les paysages et les objets qui les composent se répondent et créent un dialogue implicite. Elles installent un espace symbolique, et se jouent d’un répertoire d’objets, détournés de leur fonction, mais porteurs du poids de mes angoisses et mes désirs. Des formes, des objets dégagent une charge organique, sexuelle et se mollifient dans la rigidité des espaces, telles les montres molles de Salvador Dali, ou se tendent dans des espaces sidéraux. Tous ces éléments récurrents courent d’une toile à l’autre, durant un temps donné. Ils construisent une narration d’événements vécus ou à vivre et définissent des séries qui se terminent quand le dialogue, qu’ils entretiennent entre eux, s’épuise. Parfois des mots s’immiscent dans la peinture, s’y mélangent, au point de devenir illisibles. Pourtant, ces mots, comme ceux du titre, déterminent la lecture de la peinture. Ils égrènent la narration et en délivrent le sens. En fait, ma peinture s’apparente aux rébus de mon vécu réel et imaginaire. D’ailleurs, j’entretiens, en parallèle de mes peintures, un travail d’écriture qui relie très souvent les deux. Les mots s’imposent et imprègnent la peinture comme ils adviennent sur la feuille de papier sous forme de poèmes, liant poésie et picturalité.

Née en 1985, elle vit et travaille à Biscarrosse. En 2009, elle est diplômée de l’Ecole nationale supérieure d’art de Bourges. Parmi ses expositions personnelles : en 2014 : Il était temps, Grand hôtel de la plage*****, Biscarrosse ; en 2013 : Peintures, galerie d’Hallencourt, Autun ; en 2012 : Dessins, galerie Pictura, Bourges ; en 2010 : Paris en cage, galerie Art Tension, Bourges. Ses expositions collectives : en 2011 : Vendanges de printemps 2011, Chamalot-Résidence d'artistes ; en 2010 : Panorama de la jeune Création / 5  e Biennale de Bourges ; en 2004 : Les trois petits points, Pac des Ouches, Nevers ; en 2003 : château de Mably, Roanne, 4 brins d’herbe, Espace Cardin, Mâcon ; en 2002 : Réalitez Bordel, Espace des Arts, Chalon-sur-Saône. Presse / Radio : Mars 2015 : France-Bleu Gascogne, "Parlez-moi de vous" ; février 2012 : Radio Résonance, "Et si on parlait d’art" ; Juin 2011 : Parcours des arts, n°26.

Co-écrit avec Stéphane Doré

http://desbeauxrats.fr/

En résidence en 2010

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Pong, 2016, tempera et huile sur toile, 200 x 260 cm


Martin Kasper Il rend compte de ce qui n’est pas, de ce qui n’est plus, de ce qui inexiste dans un lieu

La peinture de Martin Kasper, c’est avant tout une histoire de lieux. De vastes intérieurs, déserts, inertes, rendant cette immobilité, cette permanence de natures mortes. Il faut dire que le regard porté sur ces architectures est particulièrement sobre : la vue est frontale, le point de fuite centré, à hauteur d’œil, et, si elle n’est pas totalement neutre, la lumière reste douce et plutôt diffuse. Ce protocole qui se répète de toile en toile, malgré la variété des lieux dépeints, ajoute bien sûr au sentiment tenace d’immuabilité. Il évoque aussi les constantes de prise de vue mises en place par les artistes de la photographie objective. Il est vrai, l’itération confère à ce travail une familiarité avec la dimension documentaire de l’image propre à ce mouvement : la redite du processus révèle la recherche d’une certaine neutralité de l’angle d’approche, précisément de celle, prétendant à une réelle intelligibilité de l’information, que l’on assigne habituellement à un rendu "objectif". D’où, certainement, le choix plutôt classique du mode de représentation : la perspective albertienne, système mathématique de traduction du visible restituant du monde une image maîtrisée, ordonnée, parfaitement lisible. Ainsi, Martin Kasper s’attache à faire ressortir l’équilibre imposant, monumental de ces bâtis sans effets appuyés de cadrage ni d’éclairage. Et ce relatif dépouillement lui permet d’insister sur la construction de l’espace. C’est-à-dire non seulement des lieux dépeints, mais autant – et peut-être plus – des volumes immatériels qu’ils circonscrivent. En effet, la part belle est ici faite à tout ce que ces architectures sont de creux : au centre des tableaux, presque tout le temps, l’espace libre. Pour punctum, la vacance que génère et enserre l’écrin de la construction. Le bâtiment lui-même se voit souvent repoussé aux pourtours de la toile, les murs, sols, plafonds redessinant le périmètre du châssis et endossant ce rôle du cadre qui contient, borde et maintient le vide impalpable qui emplit la surface. Dans l’œuvre de Martin Kasper, l’architecture n’est finalement rien de plus qu’une coquille, périphérique, soulignant les contours du champ invisible qu’elle manifeste et enclôt. Du coup, la fenêtre de la perspective n’ouvre plus le mur vers un ailleurs mais à la cavité d’une boîte. Piège spatial mais aussi temporel, qui trouve son point d’orgue avec ces grands formats de salles de musées, tableaux de tableaux rejouant le dispositif muséal, venant une nouvelle fois suspendre les traces d’une culture passée : voilà toute la particularité de cette écriture qui, sous prétexte d’en représenter les masses monumentales, rend compte de ce qui n’est pas, de ce qui n’est plus, de ce qui inexiste dans un lieu.

Né en 1962, il vit et travaille à Freiburg, (Allemagne). Parmi ses récentes expositions personnelles, on trouve : en 2016 : Pong, Haus der Kunst St. Josef, Solothurn, (Suisse), Bruchstücke. Spiegelfragmente, Städtisches Museum Engen+ Galerie, Engen, Happy together (avec Ben Hübsch), Städtische Galerie im Stapflehus, Weil am Rhein ; en 2015 : Voisinages, CAC André Malraux, Colmar ; en 2014 : Vendange tardive, CAC, Meymac (avec Ben Hübsch), Echokammer, Museum Künstlerkolonie, Darmstadt, Martin Kasper, Museum Biedermann, Donaueschingen ; en 2013 : Adventus, CAC, Meymac ; en 2012 : Nouvelles perspectives, galerie Mircher, Paris. Expositions collectives récentes : en 2013 : Wahlverwandschaften, Museum Franz Gertsch, Burgdorf, (Suisse) ; en 2012 : Innenräume (avec Manfred Hamm), Kunstverein Offenburg, Territoires, musée d’Art moderne et contemporain, Strasbourg ; en 2011 : Et si l’espace n’était qu’une dimension intérieure, CAC, Meymac, Tragique du paysage, galerie Mircher, Paris ; en 2010 : Alltag und ambiente, Kunstverein, Pforzheim, The alchemy of delusion, galerie Aeroplastics, Bruxelles. Ses œuvres font partie de nombreuses collections privées et publiques dont Städtische Kunstsammlung, Darmstadt, Sammlung Museum Art.Plus, Donaueschingen, musée d’Art moderne et contemporain, Strasbourg, Sammlung Novartis, Bâle, Städtische Galerie, VillingenSchwenningen, fondation Colas, Paris.

Marion Delage de Luget

http://martinkasper.net

En résidence en 2014

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Composition n째2, 2015, huile sur toile, 24 x 18 cm


Yann Lacroix Né en 1986 à Clermont-Ferrand, il vit et travaille à Paris. Il est diplômé de l’Ecole supérieure d’art de Clermont-Ferrand en 2010. Il a également étudié à la Escola Superior de Belas Artes de Porto. "Je peins d’après des photos que je reprends dans l’atelier. L’intérêt est de voir ce que j’absorbe, conserve et oublie depuis l’expérience, le direct, par la peinture. Les lumières crues et les ombres contrastées traduisent un regard mélancolique sur les motifs du paysage réinventé. L’artifice d’un jardin botanique, le décorum exotique des parcs et des maisons de vacances ou des compositions florales des halls d’entrées." Parmi les expositions collectives de Yann Lacroix, on remarque : En 2016 : Assemblage, Ofr Galerie, Paris, Dépendance, Crash Gallery, Lille ; en 2015 : Need, 711rent, Paris, Il était une fois... les contes dans l’art, médiathèque de Domérat ; en 2014 : Novembre à Vitry, galerie municipale de Vitrysur-Seine, #3, chez Bruno Silva, ClermontFerrand ; en 2013 : Novembre à Vitry, galerie municipale de Vitry-sur-Seine, Shakers, 10 ans d’art contemporain, orangerie du château de la Louvière, Montluçon ; en 2012 : L’impossible réalité, Rencontres d’art contemporain de Cahors, Indice de la présence d’une île, festival Bezrucova Opava, (République Tchèque), Décembre, galerie In Extenso, Clermont-Ferrand ; en 2011 : Where you’ll be, I’ll fall, gallery Qasba project, Brescia, (Italie), Les enfants du Sabat XII, CAC Le Creux de l’enfer, Thiers ; en 2010 : Première, 16 e édition, Abbaye Saint-André, CAC Meymac ; en 2009 : Mobilidad, galerie de l’école des BeauxArts de Porto, (Portugal). En 2012, Yann Lacroix est lauréat du 3 e prix Paliss’art, performance d’art contemporain.

Il perturbe juste assez la lecture spatiale pour qu’on éprouve cette légère angoisse

Loin de l’a priori naturaliste que l’on prête d’ordinaire à ce genre, les toiles de Yann Lacroix rendent des paysages au caractère curieusement générique. Certes, ses tableaux représentent bien une flore, un biotope spécifique, renvoyant à un climat, un milieu géographique tout à fait identifiable ; de même qu’il est possible de repérer différentes essences composant les bosquets. Mais là s’arrête l’observation. Cette relative précision ne sert pas une étude "de plein air", qui consisterait à fixer l’état donné d’un coin de nature à un moment précis. Yann Lacroix ne travaille pas à saisir les effets d’atmosphère. Et même s’il s’applique à des jeux d’ombres et de lumière striant ses Palmeraies ou animant les frondaisons, les touches des différentes tonalités se trouvent généralement réparties sur la toile de façon juste suffisamment régulière pour composer une sorte de motif, et conférer à l’ensemble une cohérence très particulière. Il y a de ce fait, dans ces paysages, un sentiment d’équivalence générale qui se dégage de la structure de la végétation malgré les variations. Et c’est d’autant plus flagrant quand la forêt est cadrée quasi plein champ : alors les troncs, les ramures, les feuillages s’organisent en un ensemble plus abstrait, tendant vers un all-over qui n’est pas sans rappeler certains camouflages. Camoufler, c’est précisément dissimuler quelque chose à l’observation. C’est escamoter les reliefs, et la présence humaine. D’où, certainement, l’impression si prégnante de désolation et d’impénétrabilité qui ressort de cet œuvre, que ce soit à cause de ces futaies serrées d’où émerge à grand-peine, ici où là, une construction engloutie par la végétation, et peut être plus encore de l’opacité insondable de ces "nocturnes" envahissant la toile jusqu’à prendre au piège un unique – un ultime ? – îlot de lumière. Il filtre de ces écrans de nuit ou de verdure comme une sourde menace. L’un des titres la précise : Surrounded, pour qualifier cet espace qui enveloppe, encercle, avec bien sûr cette nuance inquiétante que peut avoir le terme, synonyme d’un lieu qu’on assiège. Ni point pour fuir, ni horizon, Yann Lacroix nous immerge dans ces lieux dont il perturbe juste assez la lecture spatiale pour qu’on éprouve cette légère angoisse, saisis de découvrir que l’open-space peut soudain se refermer en huis clos. Marion Delage de Luget

Les derniers catalogues sur son travail sont Vendanges de printemps 2014, ChamalotRésidence d’artistes, La belle revue 2011, revue d’art contemporain en centre France, Les enfants du Sabbat XII, Mes pas à faire au Creux de l’enfer (2011), Première, 16 e édition, CAC Meymac (2011).

En résidence en 2014

De l’open-space comme huis-clos

http://yannlacroix.com/

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Manifestants, 2012, huile sur toile, 81 x 65 cm


Caroline Lejeune Née en 1971 à Vire, elle vit et travaille à Montreuil. Elle est diplômée de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 1998. Sélection des expositions personnelles : en 2013 : Caroline Lejeune, Lili-Ubel gallery, Paris ; en 2012 : Inde, Office du tourisme, Montreuil ; en 2010 : Green Power, galerie Odile Ouiseman, Paris ; en 2008 : D’ici l’ailleurs, galerie Jérôme Ladiray, Rouen, Brûler ou durer, a vanishing world, galerie Odile Ouizeman, Paris, galerie Rubin, Milan ; en 2007 : L’épaisseur d’un instant, Centre d’art de Grand Quevilly, Grris, Médiathèque, Cannet-des-Maures, ; en 2006 : face off, Traders Pop Gallery, Maastricht ; en 2005 : Métamorphoses du réel, Médiathèque, Montreuil-sous-Bois ; en 2004 : Loup y estu ?, La Tête d’Obsidienne, La Seyne-surMer, Galerie French Made, Munich, galerie de la médiathèque, Saint Grégoire, l’Archipel sur le lac, Saint Martin-du-Lac ; en 2003 : Entre deux, galerie Jacob 1, Paris, Le Réel de l’imaginaire, Traders pop Gallery, Maastricht ; en 2002 : Miroir-Miroir, galerie Jacob 1, Paris, On the road again, galerie du Haut Pavé, Paris, Interstices, galerie Jacob 1, Paris. Parmi les expositions collectives, on note : en 2015 : L'arbre, le bois, la forêt, CAC Meymac ; en 2012 : Collectif, Lili-Ubel gallery, Paris ; en 2011 : de l’arbre à la fôret, Alice Mogabgab, Beyrouth ; en 2010 : la soupe à l’oseille, galerie Tristan, Issy-les-Moulineaux, prix de peinture Guash Coranty, Barcelone ; en 2009 : Eau d’ici, eau de là, Chamalot-Résidence d’artistes ; en 2007 : Agathe,…, galerie Nivet Carzon, Paris, Vivre et laisser mourir, Espace d’art contemporain Eugène Baudouin, Antony, Jeune création, La Bellevilloise, Paris, Nomad’sland, galerie Odile Ouizeman, Paris, Peinture I, nouvelle génération, galerie RX, Paris, Les Pas perdus, Printemps de Haute-Corrèze, en partenariat avec le CAC de Meymac et Chamalot-Résidence d’artistes, Persistance Picturale, centre d’art du BlancMesnil, Peintures vives, galerie Première Station et mairie du 1er, Paris ; en 2006 : La nature est un temple, galerie Jérôme Ladiray, Rouen, Trois peintres françaises, carte blanche Pierre Sterckx, galerie Taché Lévy, Bruxelles.

En résidence en 2006

Le désir d’avancer malgré l’impossibilité de connaître le sens de l’existence

Depuis 2012, j’ai remis en jeu mon travail. J’ai redistribué les cartes pour ne pas me laisser enfermer dans une marque de fabrique et parce que l’art doit rester le lieu de la liberté. Le jeu de cartes, dans sa distribution, a fait apparaître une nouvelle donne : je devais témoigner de plusieurs événements récents qui m’ont particulièrement marquée. Je me suis confrontée à quelque chose que je n’avais jamais fait auparavant : montrer le chaos du monde sans recourir à la métaphore. Avant, je peignais l’envers du réel, des paysages refuges, atemporels, s’offrant à la contemplation pour trouver le désir, loin du flux entêtant de la vie contemporaine. Là, je me confronte au réel, à sa violence et à son obscénité. Inscrire dans ce temps long qu’est la peinture ce qui se passe, ce qui va fatalement s’oublier, noyé dans le flux des images. Rendre l’actualité inactuelle, au sens d’intemporelle. J’ai pris pour modèle des photographies qui me touchent, témoins de mon intimité ou de l’actualité, en essayant de les reproduire le plus fidèlement possible. Impression du degré zéro de la peinture : représenter le monde à l’aide de son miroir contemporain qu’est la photographie. Sur cette règle établie, je ne me donne aucun moyen pour me faciliter la tâche : pas de projection, de mise au carré, juste la photo, la toile blanche et mon désir. Ce qui advient : une maladresse de ma main, de mes yeux, une idiosyncrasie ? De repentirs en repentirs, se dépasser, progresser. Touche après touche, faire entrer la peinture dans l’image, le corps laissant une trace de la pensée dans la matière. Puis la bascule dans l’au-delà de la reproduction : le tableau. A l’instant fragile de l’ "ici et maintenant", le projet originel dévie et le tableau apparaît, échappant à ma volonté. La partie se déroule et laisse apparaître les motivations inchangées de mon geste : le désir d’avancer malgré l’impossibilité de connaître le sens de l’existence. La sensation qu’il faudrait que tous les instants soient prégnants car on ne vit qu’une fois. Le besoin de se surpasser, quitte à changer les règles. Lorsque nous avançons, nous sommes aveugles à ce qui nous entoure. Après quelques jours de marche, nous tombons en arrêt, émerveillés. Et là, nous voyons quelque chose, nos yeux se sont enfin ouverts. Peindre, c’est incarner le désir de mouvement pour paradoxalement être arrêté. Peindre… découvrir, sous la complexité, l’harmonie du monde. Caroline Lejeune, 2013

http://carolinelejeune.com/

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Sans titre, 2008, huile sur toile, 40,5 x 33 cm


Les Louises L’œuvre des Louises tire sa puissance en ce qu’elle relève le désir de celui qui la contemple

Petite histoire d’une désœuvre entre artistes inconvenables

Il était une fois les Louises. C’est l’histoire d’une rencontre entre trois artistes qui fruitent ensemble une belle toile. C’est une histoire qui nous emballe, de deux femmes et d’un homme qui peignent à trois, avec trois fois plus de doigts. Et si nous retenions que l’œuvre des Louises tire sa puissance en ce qu’elle relève le désir de celui qui la contemple. Leur œuvre se pose alors en témoin de ce sur quoi notre imaginaire va pouvoir élaborer. En cela plaît-elle ? Les toiles des Louises, c’est la petite histoire d’une désoeuvre entre artistes inconvenables….

Création des Louises en 2005. Les Louises sont trois peintres vivant et travaillant à Paris : Iris Levasseur, née en 1972 Olivier Passieux, né en 1973 Florence Reymond, née en 1971 Les expositions des Louises : en 2009 : Les grandes vacances, Maison d’art Bernard-Anthonioz, Nogent-sur-Marne, commissariat Françoise Pétrovitch ; en 2008 : Propos d’Europe 7.0–Paris/Budapest, fondation Hippocrène, Paris (sur une proposition de Marc Desgrandchamps) et fondation Karolyi, Hongrie.

C’est une invite, à nous les contemplatifs, à jacasser sur l’histoire picturale d’une audace au rendu palpable. En cela, elle touche au sublime puisqu’elle permet à celui qui la regarde d’élaborer sur son fantasme. Celui-ci étant : nous pouvons jouir inconvenablement. L’art des Louises nous dévoile et nous donne du plaisir. Il autorise. Nous le prenons en otage pour jouir davantage, sur son dos. Les Louises, c’est la petite histoire d’une ébauche érotique qui se débauche en plastique. Muriel Azoulay

En résidence en 2008

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Greetings, 2015, Installation in situ, peinture aĂŠrosol sur scotch de masquage, dimension variable

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In-and-out the studio, 2014, peinture aĂŠrosol sur tasseau de bois, 80 x 4 x 4 cm


Colombe Marcasiano Née en 1974, elle vit et travaille à Paris. Elle est diplômée de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 1999 et passe ensuite deux ans à De Ateliers à Amsterdam (Hollande). Parmi ses expositions personnelles, on note : en 2015 : Greetings, hôtel Elysées Mermoz, Paris ; en 2014 : In-and-out the studio, De Fabriek, Eindhoven, Hollande ; en 2011 : Installation in situ, galerie d’Art de Créteil, Créteil ; en 2009 : Chantier d’été, galerie du Haut Pavé, Paris ; en 2003 : Alentour d'une exposition, Restitutionraum, Berlin, Allemagne ; en 2002 : Lignes de Constructions, Helderse Kunstliga, Den Helder, Hollande. Elle participe à de nombreuses expositions collectives dont, parmi les plus récentes : en 2015 : Parties Communes 2, APDV Centre d’art, Paris, Panneau d’affichage, asssociation a et b, Cherbourg/Clermont-Ferrand, FEU(X), une proposition de Céline Vaché-Olivieri, galerie M. Veilleux, Paris ; en 2014 : Black Coffee, une proposition de Camila Oliveira Fairclough, Paris, La Loutre et la Poutre, Moly-Sabata, Sablons, Levanta, sacode a poeira, dá a volta por cima, projet pour une vitrine, Sao Paulo, Bresil, Cum et Catena, avec Nicolas Lafon, dans le cadre du projet Spin-Off de Jagna Ciuchta, Glassbox, Paris, La forêt usagère, une proposition d’Aurélien Mole, galerie Dohyang Lee, Paris, L’effacement des cartes (ou les index cachés), Les Instants Chavirés, Montreuil, BACKDOORS, École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy, Cergy ; en 2013 : Eat the blue, un projet de Jagna Ciuchta, le 116, centre d’Art contemporain, Montreuil, Trois fois rien, Le 19, CRAC, Montbéliard, Columna 2, Make_shift(s), SaintRomain-en-Gal, Vienne, Échappées, l’Agart, Amilly, Dépareillage, la Couleuvre, Saint-Ouen.

En résidence en 2009

Ses œuvres puisent dans le monde des objets et des choses qui nous entourent

Colombe Marcasiano est sculpteur. Ses œuvres ne présentent pas d’unité stylistique évidente mais sont pourtant animées par le même esprit, qu’il s’agisse d’assemblages, de modelages, d’installations ou de photographies autonomes. Toutes puisent dans le monde des objets et des choses qui nous entourent – fragments de nature, meubles, objets de décoration, assemblages provisoires et aléatoires que la déambulation dans les rues présente à qui sait les voir. Mais ces choses sont retrouvées par des processus internes de fabrication, par leur origine dans les yeux, dans l’esprit et dans les mains de l’artiste, plutôt qu’elles ne sont trouvées et imitées. C’est pourquoi sans doute, même lorsque la photographie peut laisser penser qu’il s’agit simplement d’une opération de cadrage et de recomposition, la présence des œuvres de Colombe Marcasiano est aussi fragile. C’est pourquoi aussi elle entraîne une certaine relation avec la peinture (ne serait-ce que par le rapport au mur qui souvent s’y impose). Dans une situation où les frontières entre abstraction et figuration ont été rendues caduques, elle peut ainsi, bien que l’on puisse souvent en nommer les objets par des noms d’usage dans le monde courant (ainsi de 3XMobelpflantz, qui entretient un rapport évident avec la décoration des espaces d’accueil ou des appartements), se situer dans une tradition qui a été celle de l’abstraction délicatement subjective, en continuité avec le monde que nous habitons plutôt qu’en rupture avec celui-ci, que la galerie Jean Fournier a souvent montrée (celle de Shirley Jaffe ou de Peter Soriano par exemple). Éric de Chassey, 24 août 2007. (Extrait du texte écrit pour la galerie Jean Fournier)

http://c.marcasiano.free.fr/

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Volcanique, 2015, huile sur toile, 130 x 95 cm


Maude Maris Née en 1980, elle vit et travaille à Paris. Diplômée de l’Ecole des Beaux-Arts de Caen en 2003. Bourse DAAD à la Kunstakademie de Düsseldorf en 2009. Elle est représentée par la galerie Isabelle Gounod, Paris et PI Artworks, Londres-Istanbul. Parmi ses expositions personnelles : en 2016 : VOG, Fontaine, galerie de L’Etrave, Thonon-les-Bains, PI Artworks, Istanbul ; en 2015 : galerie I. Gounod, Paris, musée des Beaux-Arts de Rennes – 40mcube ; en 2013 : galerie I. Gounod, Paris, galerie Duchamp, Yvetot, L’art dans les chapelles, Pontivy, galerie municipale de Vitry-sur-Seine ; en 2012 : Artothèque, Conseil régional et Hypertopie, Caen, Maison des Arts, Malakoff ; en 2011 : ateliers Höherweg, Düsseldorf, en 2010 : chapelle des Calvairiennes, Mayenne ; en 2008 : château de la Louvière, Montluçon. Expositions collectives (sélection) : en 2016 : musée d’Art moderne et contemporain, SaintEtienne, FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand, IAC, Villeurbanne, Palais de Tokyo, Paris, YIA Bruxelles, Artspace Boan, Seoul, Les Tanneries, Amilly ; en 2015 : CI Art Fair, Istanbul, Salon Zürcher, New-York, artQ13, Rome, La Box, Bourges, FRAC Franche-Comté, Besançon, Moly Sabata, PI Artworks, Londres, ISBA, Besançon, Prix prat, Paris, musée d’Art contemporain de Rochechouart, chapelle des Calvairiennes, Mayenne, fondation Louis Vuitton, Paris ; en 2014 : (OFF)ICIELLE, Paris, CAC de Meymac, Fondation Colas, Boulogne-Billancourt ; en 2013 : Drawing now, Paris, Maison des Arts de Grand-Quevilly ; en 2012 : Salon de Montrouge, POCTB, Orléans ; en 2011 : CREC, Dinan, 6b, Saint-Denis ; en 2010 : die Wg in Malkasten, Düsseldorf ; en 2005 : Orangerie du Sénat, Paris ; en 2004 : Mulhouse 004, Jeune Création, Paris.

Les peintures de Maude Maris, marquées par un illusionnisme presque inquiétant

Les négatifs du quotidien

Ce serait un cliché facile que de décrire les volumes peints de Maude Maris - et dont la technique objective renforce paradoxalement l’incertitude fonctionnelle – comme des songes alliant architecture et sculpture et qui ne rechigneraient pas à un brin de métaphysique. Bien qu’issus de variations sur l’informe, ils ne se réfèrent pas à des objets existants. Tout évoque néanmoins des reconnaissances vite déçues. Ces masses luisantes, convexes ou concaves, entre viscosité et gélification, suggérant le plastique ou le plomb, sont reproduites en peinture depuis leur modèle réduit. Elles esquissent un usage simultanément trahi par l’observation prolongée. C’est dans cette oscillation permanente de l’identification des formes délicatement colorées et savamment ombrées que réside cette précarité identitaire. Les peintures de Maude Maris, marquées par un illusionnisme presque inquiétant, à la mesure de leur apparente froideur d’exécution, sont les termes de processus de préparation qui empruntent aux méthodes de la maquette architecturale, du design et de l’esquisse industrielle. Pourtant, bien que le résultat n’ambitionne aucune vocation fonctionnelle – d’autant que tout concourt à troubler la dimension des espaces et des volumes représentés – l’entreprise de cette virtuose dessinatrice pourrait être de nature scénographique. Mais c’est l’humour qui émanerait alors de ces petites scènes théâtrales tant il serait impossible d’imaginer qu’un acteur puisse y circuler ! Plus encombrées que les espaces architecturaux sculptés d’un Absalon, les pièces de Maude Maris pourraient également confiner à une fantaisie critique d’un certain design de l’habitat contemporain.

Car de quoi s’agit-il ? Sont-ils des moules en attente d’engendrer des objets à destination domestique : piscines, cuvettes, bols, fleurs artificielles, râteliers dentaires… Ou peut-être sont-ils plus noblement de contemporains "coins de chasteté" ou empreintes de "bouchons d’éviers" ? Quelle finalité à ces creux et bosses : pâtières et bac à diviseuses en plastique de la marque Gilac gigantisés ou hommages aux objets abstraits tout autant qu’inconvenants de Marcel Duchamp ? Négatifs des objets du quotidien ou déclinaison célibataire du domaine ménager ?

Collections institutionnelles : Musée des BeauxArts de Rennes, FRAC Auvergne, FRAC BasseNormandie, FRAC Haute-Normandie, Fondation Colas, artothèque de Caen.

L’étrangeté radicale de ces volumes concentrés dans des espaces exigus subtilement éclairés, fabriqués d’abord, puis photographiés et peints enfin, s’inscrit dans un courant conceptuel et pictural à la fois, dont l’artiste de Düsseldorf Konrad Klapheck, objectif et délirant, fut le représentant le plus marquant. L’agrandissement est précisément pour Maude Maris, à l’instar de l’artiste allemand, une méthode pour entraîner la valeur d’usage de ces moules d’objets devinés et à venir vers leur valeur d’exposition. Dominique Païni Salon de Montrouge 2012

En résidence en 2010

http://maudemaris.com/

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sans titre, 2015, acrylique sur toile, 150 x 150 cm


Guillaume Millet Je juxtapose des formes géométriques sur toile ou sur papier selon un enchaînement de reprises et de recouvrements

Diagonales

Jusqu’en 2012, j’ai représenté des détails du monde à travers une double pratique de dessinateur et de peintre. Précédant le dessin et la peinture, la photographie a systématiquement joué un rôle d’intermédiaire entre ce que je repérais dans le monde et ce que j’en donnais à voir. Elle se présentait alors comme un filtre impersonnel et cohérent qui me permettait de contourner une certaine expressivité. L’environnement urbain dans lequel j’ai vécu et travaillé pendant une décennie a été ma principale source d’inspiration en peinture. Ses représentations prenaient la forme d’aplats noirs et blancs clairement délimités soumis aux règles de la perspective classique. Le dessin fut une pratique parallèle orientée vers la représentation de détails de corps et d’intérieurs domestiques. Des vues d’expositions de mes propres tableaux, en ont également été un sujet. Le plus souvent, ces dessins faisaient l’objet d’une facture minutieuse parasitée par un éclairage, un point de vue et un cadrage qui en réduisaient l’identification. La série réalisée à Chamalot en août 2011, intitulée justement détails, procède de cette mécanique.

Je me suis ensuite détourné des références figuratives pour peindre des compositions géométriques abstraites structurées par des diagonales. Les moyens techniques sont les mêmes mais la disparition du cadre photographique me permet d’envisager la peinture de manière plus souple. Et si je travaille parfois sur des tirages photographiques, les formes peintes n’en sont jamais totalement dépendantes. En pratique, je juxtapose des formes géométriques sur toile ou sur papier selon un enchaînement de reprises et de recouvrements visant à faire progressivement émerger une composition satisfaisante. Cette recherche s’accompagne souvent d’esquisses qui me permettent d’en préciser la structure. Dans ce processus, les rapports de formes et de valeurs, la nature des surfaces et le choix des formats sont à l’œuvre pour produire des sensations visuelles spécifiques et donner aux peintures une présence singulière. Guillaume Millet

http://galeriebernardjordan.com/artiste/3398/MILLET__Guillaume/

Né en 1970 à Rennes, il vit et travaille à Gennevilliers. Il possède une Licence d’Histoire de l’art obtenue à Paris IV Panthéon-Sorbonne en 1998. Expositions personnelles : en 2014 : galerie Nathalie Clouard, Rennes ; en 2013 : Intérieurs, Christian Aubert, Paris, Les peintures grises, Loft artplace, Paris, Progressive, galerie Bernard Jordan, Paris, Les peintures grises, École des beaux-arts de Valence ; en 2012 : galerie Nathalie Clouard, Rennes, Les nouvelles reproductions, galerie Bernard Jordan, Zurich ; en 2011 : Les nouvelles reproductions, Espace de l’art concret, Mouans-Sartoux et locaux du guide DEL’ART, Les visiteurs du soir, Nice, Panavision, galerie Éric Linard, La Garde-Adhémar ; en 2009 : Seconde métropole, galerie Bernard Jordan, Paris, Scènes de genre et autres détails, le Sphinx, Paris ; en 2008 : CCNOA, project space, Bruxelles, l’H de Siège, Valenciennes, Les Détails, le Pavillon, Pantin ; en 2007 : Flash, château de Clères, Clères ; en 2005 : Surnaturelle, L’endroit, Le Havre, galerie municipale Jean-Collet, Vitry-sur-Seine, M.A.C.C, Fresnes, Extra Dry, Interface, Dijon. Expositions collectives récentes : en 2016 : Affinités électives, biennale de Gonesse ; en 2014 : Orthogonal 14, Red House, Sofia, Le corps invisible, galerie Edouard Manet, Gennevilliers, B. Aman / G. Millet, The Drawer et les éditions P, Paris, Dans la maison de Monsieur C., Cramont, 30/30 Images Archives Project, CCNOA / Armin Berger Gallery, Zurich ; en 2013 : L’art dans les chapelles, Pontivy, BuntStrichBleiStift, galerie Bernard Jordan, Zurich, 777 n°7, château de Kerpaul, Loctudy, Drawing now, galerie Bernard Jordan, Paris, Paint it black, galerie Jean Greset, Besançon ; en 2012 : 30/30 Images Archives Project, CCNOA / Moins un, Paris, Supervues, hôtel Burrhus, Vaison-la-Romaine, 777 n°6, château de Kerpaul, Loctudy, galerie Djeziri-Bonn / éditions Eric Linard, Paris, Drawing now, galerie Bernard Jordan, Paris, Slick Bruxelles, galerie Bernard Jordan, Paris ; en 2011 : Dépeindre, Kurt-forever / le 6b, Saint-Denis.

En résidence en 2011

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Tentative immobile de rĂŠgner sur la France, 2015, huile et acrylique sur toile, 162 x 130 cm


Marc Molk Tu peux peindre pépère de beaux tableaux avec du métier, mais pour sortir le meilleur, il faut mettre quelque chose sur la table

Jean-Yves Jouannais : Existe-t-il dans ton parcours, dans ta carrière encore jeune, le souvenir d’une œuvre — un tableau, mais ce peut être un livre ou tout autre objet — qui n’aurait rien eu d’anecdotique, qui aurait dû même être importante, capitale, éclairante au vu du reste de l’œuvre, mais à quoi tu n’aurais pas su ou pu donner forme pour mille raisons possibles ? Que ce soit pour des raisons sentimentales, des problèmes d’inspiration, par peur ou par manque d’expérience, du fait d’impossibilités techniques, idéologiques ou autres.

Né en 1972 à Marseille, il vit et travaille à Paris.

Marc Molk : […] L’obstacle principal quand on avance en âge, passé vingtcinq ans, quand on est définitivement un adulte, c’est la sclérose, de nos genoux et de nos sentiments. On se recroqueville sur ses souvenirs d’amours anciennes, qui ne font plus vraiment mal, qui ne cognent plus directement en tout cas, que le temps a ouaté. On se moque du romantisme des jeunes, on en ricane, et l’on envie secrètement cet élan sans plus du tout comprendre à quoi il tient et comment ces idiots font pour être aussi aveugles et naïfs, aussi neufs. Quand tu peins pourtant, il faut mobiliser du risque affectif si tu veux atteindre ton meilleur niveau. Tu peux peindre pépère de beaux tableaux avec du métier, mais pour sortir le meilleur, il faut mettre quelque chose sur la table. Ça c’est une difficulté, bien plus que de maîtriser la confection des liants ou le maniement de brosses en poils de dahu. Je disais hier à un ami, au téléphone, quelque chose auquel je crois foncièrement : le spectacle de l’insincérité se débattant contre elle-même est sans doute plus authentique, plus universel, que celui de la sincérité tranquille qui dit tout sans effort, facilement. Sur une toile, il est possible de voir si le peintre a été sincère et, s’il a été insincère, s’il a "essayé" d’être sincère malgré tout. Se déclenchent alors les mécanismes de l’authentique pathos, qui émeuvent fort. Un tableau peut se réussir sur des intentions paradoxales, sur des intentions seulement en fait. […]

En 2010 toujours, il fait partie de l’exposition Archichaos, en compagnie de Théo Mercier, Lucien Murat et d’autres artistes français, à la galerie Rove Project, à Londres. Puis la galerie Dos Prazeres lui consacre une exposition personnelle à Madère.

Tout se mélange dans mon esprit (Extrait), Entretien avec Jean-Yves Jouannais, 2011

En 1997, après des études littéraires, Marc Molk obtient un DEA en Esthétique et philosophie de l’art à la Sorbonne. Il participe dans les années qui suivent à plusieurs expositions collectives. En 2010, il fait partie des finalistes du Prix international de Peinture de la fondation Guasch Coranty. Il expose au centre d’art Tecla Sala de Barcelone.

En 2012, il participe au 57ème Salon de Montrouge. Une exposition personnelle lui est consacrée à la galerie Da-End à Paris. 2012 voit la publication d’une monographie consacrée à sa peinture, intitulée Marc Molk : Ekphrasis, publiée aux éditions D-Fiction & Label hypothèse. Les 30 & 31 octobre 2014, il participe au colloque La Fabrique de la peinture, qu’il co-dirige et qui se tient au Collège de France. Il intervient aux côtés de Jeff Koons, Anne Neukamp, Damien Cadio, Jules de Balincourt, Eva Nielsen, Hernan Bas, Chéri Samba, Thomas Lévy-Lasne, Ida Tursic & Wilfried Mille, Gregory Forstner, Glenn Brown et Amélie Bertrand. Sa communication a pour titre "La raison sentimentale". En 2015, Arte consacre un film à son travail de peintre et le magazine L’Œil l’inclut dans la sélection de son numéro de février intitulé "Qui sont les peintres de demain ?".

http://marcmolk.fr/

En résidence en 2011

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Nugget, 2014, huile, tempera, acrylique sur coton, 200 x 150 cm


Anne Neukamp On retrouve des effets de surface contrastés ainsi que des espaces intermédiaires qui fascinent et intriguent d’une façon presque onirique

Ici ils flottent : caractères surdimensionnés, emblèmes publicitaires, silhouettes ressemblant à des pictogrammes et entrelacements ornementaux dans les couleurs tricolores. Les peintures récentes d’Anne Neukamp se montrent d’abord d’une façon étrangement familière, comme des mémoires vagues qui clignotent brièvement pour ensuite briser toute attraction et identification narcissique.

Dans ces tableaux, nous découvrons, entre autres, des cordons qui serpentent parmi des surfaces imaginaires, et des éléments figuratifs qui flottent librement. Le regard se perd dans ces zones d’illusions et puis bascule sur des surfaces tachées ressemblant à des palimpsestes. Là où il y avait des motifs saillants qui s’apprêtaient à inaugurer des scénarios trompel’œil capables d’ouvrir des espaces visuels imaginaires, on trouve soudainement des surfaces colorées abstraites et vibrantes qui rejettent toute ouverture spatiale. Devant les images d’Anne Neukamp, nous nous retrouvons, déjà dans ses premiers travaux, mêlés à des jeux d’illusion infinis, où la perception oscille constamment entre deux pôles, celui de l’abstraction et celui de la présence figurative, ou bien entre facture matérielle et imagination spatiale. Dans ses œuvres récentes, cette dynamique se montre de façon encore plus rigoureuse : ici, on retrouve des effets de surface contrastés ainsi que des espaces intermédiaires qui fascinent et intriguent d’une façon presque onirique. On y voit des compositions autonomes de couleurs et de formes qui tombent sur des signes distinctifs et calculés, où les uns basculent vers les autres et continuent à se contester respectivement. C’est comme si les deux voulaient se coloniser réciproquement et se dépouiller progressivement de leurs significations primaires.

Née en 1976 à Düsseldorf, elle vit et travaille à Berlin. Elle est diplômée en 2005 et obtient en 2007 un MFA (Master of Fine Arts) de l’Ecole des beauxarts de Dresde (Hochschule für Bildende Künste). Parmi ses expositions personnelles, on note : en 2015 : Faux Amis, galerie Gregor Podnar, Berlin ; en 2014 : galerie Greta Meert, Bruxelles, Anne Neukamp, galeria Agustina Ferreyra, San Juan, Porto Rico, tl;dr, galerie Valentin, Paris ; en 2013 : Circuit, Kunstverein Oldenburg, Oldenburg, Rezine, galerie Gregor Podnar, Ljubljna, Clockwork gallery, Berlin ; en 2012 : Wilhelm-Hack museum-galerie Rudolf-Sharpf, Ludwigshafen, Mit oder ohne, galerie Gregor Podnar, Berlin ; en 2011 : Open Space, Art Cologne, Cologne, Rebound, galerie Valentin, Paris ; en 2010 : Art Nova (avec George Henry Longly), Art Basel Miami , Miami Beach, Liste 10, Bâle ; en 2009 : I no longer love the colour of your sweaters, galerie Valentin, Paris.

Pendant la conception de ses peintures, Anne Neukamp se reporte au vocabulaire de l’univers visuel qui nous entoure : logotypes, icônes, articles de publicité et signes distinctifs qui circulent, sous forme d’autocollant, dans les journaux ou sur Internet. Cependant, lors de la composition initiale, ces motifs subissent une transformation tellement élaborée, que leur intention initiale risque d’éclater, permettant aux particules de réalité évoquées d’activer, dans le contexte de l’image, leur propre logique visuelle. Dans ce contexte, les images se limitent à offrir des références fragmentées et semi-figuratives, malgré l’impact de leurs messages initiaux qui sont maintenant réduits à des doses homéopathiques. Extrait d’un texte de Birgit Effinger

Expositions collectives récentes : en 2015 : 13  e Biennale de Lyon / Résonance Interior and the Collectors, Focus : Collection n°5 , Lyon, Anne Neukamp and Zachary Leener, galerie Lisa Cooley, New York, Be abstract, l’Oiseau présente, Kunstverein Galerie am Markt Schwäbisch Hall e.V, Berlin ; en 2014 : Jo Baer, Anne Neukamp and Diane Simpson, Mitchell-Innes & Nash, New York, Late at night I fall asleep, Polansky gallery, Prague ; en 2013 : Painting forever, KunstWerke Institute for Contemporary Art, Berlin, Let’s talk about (again) About painting, Centre d’art, Guyancourt ; en 2012 : Beyond the surface, fondation Arthena, Düsseldorf, The Happy Fainting of Painting, galerie Zwinger , Berlin ; en 2011 : Dépeindre, 6b, Saint-Denis, galerie Petra Rinck, Düssseldorf, A Supposedly Fun Thing I’ll Never Do Again, galerie Horton, Berlin, Espaces de Destins / Espaces de dessins, Le 19 – CRAC, Montbéliard, Antidote 7, Galerie des Galeries, Galeries Lafayette, Paris ; Dorothea, galerie Ancient & Modern, Londres, Based in Berlin, KW-institut d’Art contemporain, Berlin, The Secret Life of Abstract Form, galerie Hopstreet, Bruxelles, Invisible Spirit, Schau Fenster, Berlin, Biennale de Prague 5, Prague.

http://aneukamp.com/

En résidence en 2007

Ainsi, les combinaisons de couleurs chargées du drapeau national français s’enlisent, car elles se retrouvent imbriquées, avec une désinvolture souveraine, dans une structure ornementale complexe, répartissant ainsi leurs accents dans des directions imprévues.

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La naissance, 2012, huile et acrylique sur toile, 80 x 150 cm


Nicolas Nicolini La peinture est un médium d’exploration, elle est le sujet de ma pratique

En 2011, lorsqu’il s’installe à Berlin, Nicolas Nicolini commence à peindre sur papier. Le format est unique : 70 x 100 cm. Le sujet va également le devenir. Il développe en effet une série intitulée Tas qui s’articule autour d’une silhouette informe, celle du tas de matières. Cette forme informe "n’a pas de nom ni d’origine, elle n’est pas personnalisable ou identifiable" et se prête aux projections et aux interprétations1. Les Tas sont aussi bien des montagnes (souvenirs des calanques), des grottes, des vides et des pleins. La série se poursuit encore aujourd’hui, elle participe à un travail d’épuisement et/ou de renouvellement d’un même sujet. L’artiste explique : "La peinture est un médium d’exploration, elle est le sujet de ma pratique". Peu à peu, un processus s’établit, d’autres séries éclosent. Inspiré par l’œuvre de David Hockney, Nicolas Nicolini engage un travail de collage pictural. Les paysages sont composés à partir d’éléments hétéroclites extraits de photographies. Il crée alors des décors et une scène pour une variété d’objets dont il réalise les portraits. Les objets, littéralement plaqués dans les décors, apparaissent comme des corps étrangers, qui, même s’ils nous sont connus et familiers, introduisent un sentiment de malaise. Une incongruité que l’artiste explore à travers une nouvelle réflexion : la réserve et le repentir. Il s’approprie deux traditions picturales pour les mettre en jeu dans ses compositions. Ainsi, les silhouettes ou les fantômes des sujets-objets sont révélés par leur absence ou bien par la juxtaposition des couches de peinture.

Né en 1985 à Marseille, il vit et travaille à Marseille et à Bruxelles. Diplômé de l’Ecole supérieure d’art et de design Marseille-Méditerranée en 2011, dans l’atelier de Sylvie Fajfrowska et Piotr Klemensiewicz, il devient membre du collectif Yassemeqk à Berlin. Il est représenté par la Straat Galerie à Marseille. Ses expositions personnelles ont eu lieu en 2013 et 2016 à la Straat Galerie (Marseille), en 2015 au Brussels Art Department (Bruxelles). Il participa ensuite à plusieurs expositions collectives à Clovis XV (Bruxelles, 2016 et 2014), à Non Berlin Asia contemporary art Platform (Berlin, 2014), à la Straat Galerie (Marseille, 2016), à Le Kabinet (Bruxelles, 2015) et à la galerie Le Point Fort (Mittelhausbergen, 2015).

L’œuvre de Nicolas Nicolini comporte un second niveau de lecture : aux considérations strictement picturales s’ajoute une vision critique. Des éléments liés aux loisirs et au divertissement sont souvent inscrits au cœur de ses compositions : une toile de tente, une piscine, un palmier, un bateau téléguidé, un tourniquet ou encore une balançoire. L’artiste parle de "romantisme contemporain", de scènes isolées évoquant une forme de nostalgie de vacances en famille où le rapport avec la nature est plus ou moins authentique. Si les objets semblent anodins, ils contiennent pourtant un propos sociologique. En creux, l’artiste esquisse un regard critique sur une société où les apparences priment sur la pensée et l’expérience. Le décor est le sujet. Les objets vecteurs d’artifice subsistent à la figure humaine. Les peintures soulignent une relation galvaudée non seulement à la nature, mais aussi aux notions de voyage, de vacances et de loisir. Les objets détournent l’expérience physique et sensorielle : le palmier est planté dans le jardin, il est arrosé par un système automatique ; la mer ou le lac sont réduits à l’échelle de la piscine ; le bateau est commandé par une manette. La relation à la nature est maîtrisée et contrainte à l’échelle du corps humain. Les objets participent à une duperie généralisée, celle de la théâtralisation de nos décors quotidiens. 1. Citations extraites d’un entretien avec l’artiste, septembre 2015.

Julie Crenn

http://nicolasnicolini.com/

En résidence en 2015

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Sans titre, 2016, acrylique sur toile, 130 x 160 cm


Sinyoung Park Née en 1983 à Busan, en Corée du Sud, elle étudie la peinture traditionnelle coréenne à l’université d’Hongik, à Séoul et obtient une licence dans cette spécialité. Elle vient alors en France, où elle vit encore, afin d’étudier l’art et le français. Elle est diplômée de l’Ecole supérieure d’art et de design Marseille-Méditerranée (Esadmm) en 2011, après cinq années d’études dans l’atelier de Piotr Klemensiewicz et Sylvie Fajfrowska. Cette fin d’étude fut marquée par une intégration au collectif franco-coréen Yassemeqk et par un départ pour Berlin où elle séjourna deux années. Désormais elle est représentée par la galerie le Point Fort à Mittelhausbergen. Ses expositions récentes sont : en 2016 : Nolito [놀이터] à la galerie Popup (Amiens) et Sinyoung Park à la galerie Le Point Fort (Mittelhausbergen) ; en 2015 : Vendange tardive 2015 au CAC (Meymac) ; en 2014 : Hello Lichtenberg au HB55 (Berlin) ; en 2013 : Tribu à la galerie Affenfaust (Hamburg) ; en 2012 : Yassemeqk au centre culturel coréen (Berlin).

Le paysage, qu’il soit concret ou fantasmé, demeure le sujet central de sa réflexion

En Corée du Sud, Sinyoung Park étudie et pratique la peinture traditionnelle. Elle peint principalement des paysages sur papier. Ce dernier absorbe les couleurs et crée de subtiles nuances. À son arrivée en France, elle délaisse la peinture sur papier au profit de la toile. L’alchimie n’est pas la même, la toile retient la couleur. Le changement de support et de culture entraîne non seulement une adaptation technique, mais aussi perceptuelle. Son rapport à la représentation du paysage est complexifié. La peinture de Sinyoung Park mêle le réel et l’imaginaire. Le paysage, qu’il soit concret ou fantasmé, demeure le sujet central de sa réflexion. Comment le représenter, le structurer, le traverser, l’appréhender ? Comment allier les conceptions extrême-orientale et occidentale ? Pour cela, l’artiste met en place différents dispositifs picturaux pour redéfinir le paysage. Elle travaille les compositions par plans, le premier et l’arrière-plan sont traités par gestes rapides, les traits ne sont pas déterminés. Entre les deux plans, des structures surgissent : un mur, une barrière, une balançoire, un arbre ou encore une fontaine. Construites à partir de lignes droites et obliques, les motifs architecturés participent au dynamisme et au mouvement de l’image. Le paysage n’est pas directement offert au regard, il lui faut contourner les lignes, voir entre, se déplacer et fouiller les différents plans. Les images de paysages ou des éléments de paysages réels sont associés à des images mentales, des projections et des souvenirs. Sinyoung Park inscrit au cœur des paysages les indices d’une persistance mémorielle. La figure humaine, de moins en moins présente dans son œuvre, y apparaît de passage. Nimbée d’une aura lumineuse, elle est fuyante et fantomatique. Elle n’est pas identifiable, les silhouettes corporelles s’agglutinent aux arbres et à l’eau d’une piscine. Elles semblent s’évanouir dans la matière. Au fil des œuvres, l’artiste installe une réflexion sur la mémoire, ce qui subsiste des souvenirs et la manière dont nous pouvons les recontextualiser et les remodeler. "Mes peintures apparaissent comme des mondes engloutis." Le monde de l’enfance est par exemple fouillé à travers différents motifs : la balançoire, la corde à sauter, la grande roue et le manège. Des motifs que l’artiste associe à une nostalgie de « moments tristes et tendres". La mémoire est alors envisagée comme un mouvement perpétuel et cyclique qu’elle tente de saisir sans jamais le fixer ou le retenir. Rien n’est déterminé. Les structures architecturales qui peuplent ses toiles et ses dessins engendrent un déplacement du corps dans l’espace : une circulation, un basculement, une traversée. Une ascension en grimpant les marches de l’escalier qui mène au sommet du plongeoir, duquel il faut sauter pour retomber dans l’eau, et, peut-être, recommencer. Les structures, jeux et véhicules traduisent une volonté d’éprouver et de remanier le paysage. Il apparaît comme une vanité à travers laquelle Sinyoung Park mène une réflexion de type existentielle sur le temps et la mémoire. Julie Crenn

En résidence en 2015

http://sinyoungpark.com/

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Tao, 2016, acrylique sur toile, 160 x 160 cm


Hugo Pernet Hugo Pernet est né en 1983 à Paris. Il vit et travaille à Dijon. Artiste et poète, il a présenté son travail dans de nombreuses expositions personnelles, notamment en galerie (Triple V à Paris, Super Dakota à Bruxelles, Joy de Rouvre à Genève), mais aussi dans de grandes institutions comme le Mamco à Genève (en 2015) ou encore le Palais de Tokyo à Paris (en 2009).

La grande habileté ressemble à la maladresse

"Détruisez les six tubes musicaux, mettez en pièces la flûte et la guitare, bouchez et assourdissez les oreilles de Che-k'ouang et chacun conservera la finesse de son ouïe. Effacez les décorations, dispersez les cinq couleurs et aveuglez Li-tchou, et chacun conservera la finesse de sa vue. Supprimez le crochet et le cordeau, jetez le compas et l'équerre, sciez les doigts de Kong-chouei et chacun conservera son habileté. C'est pourquoi il est dit : 'La grande habileté ressemble à la maladresse'." Tchouang-tseu (Œuvre complète, chapitre X)

Il a également participé à diverses expositions collectives : à la Villa Médicis à Rome, la Villa Arson à Nice, au Magasin à Grenoble, au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, au musée d’Art contemporain de Lyon... dans des centres d’art comme La Galerie à Noisy-le-Sec ou La Salle de Bains à Lyon, ainsi que dans des lieux indépendants ou des galeries. Ses œuvres sont présentes dans plusieurs collections publiques (Frac Limousin, Frac Aquitaine, Cnap, musée d’Art contemporain de Lyon...) et privées. Il est représenté par les galeries Triple V à Paris et Super Dakota à Bruxelles. En tant qu’auteur, il a publié Poésie simplifiée et Flèches aux éditions ENd, ABCD aux éditions Fissile. Poèmes, textes théoriques et critiques sont parus dans les revues Moriturus, Boxon, Action restreinte, Livraison, Muscle, sur les sites Internet Sitaudis, Myopies, Les cahiers de Benjy, Poezibao, Remue.net, Watts, ainsi que dans les revues d’art contemporain 04, 02 et Annual magazine.

En résidence en 2013

http://hugopernet.com/

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Verdure, 2015, huile sur toile, 160 x 130 cm


Françoise Pétrovitch Née en 1964, elle vit et travaille à Cachan. Elle enseigne à l’école supérieure Estienne, Paris. Expositions personnelles récentes (sélection) : en 2016 : S’absenter, Fonds régional d’art contemporain, Marseille, Verdures, château de Tarascon, Iles, Espace pour l’Art, Arles ; en 2015 : Rendez-vous, galerie rue Visconti, Paris, Se fier aux apparences, LAAC, Dunkerque, Bons baisers de vacances, Les Roches - centre d’art contemporain, Le Chambon-sur-Lignon ; en 2014 : musée des Beaux-Arts, Chambéry, Eine Schwalbe macht noch keinen Sommer, galerie Jordan Seydoux, Berlin, Echos, Semiose galerie, Paris, Étant donné un mur, Maison Salvan, Labège, Après les jeux, musée du Dessin et de l’Estampe originale, Gravelines. Expositions collectives récentes (sélection) : en 2016 : 20 artistes contemporain de chez Idem (Paris), Tokyo Station Gallery, Tokyo, DOGS FROM HELL, Tokyo Station Gallery, Tokyo ; en 2015 : Organic Matters, National Museum of Women in the Arts, Washington DC, (USA), Amours, vices et vertus, Galerie nationale de la tapisserie, Beauvais, Genre Humain, Palais Jacques-Cœur, Bourges, Anima/ Animal, abbaye royale de Saint-Riquier ; en 2014 : Esprit d’une collection : un choix de dessins contemporain de la fondation Florence et Daniel Guerlain, Chapelle du Carmel / musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Libourne. Collections : National Museum of Women in the Arts, Washington D.C. (USA), musée national d’Art moderne (centre Pompidou), FNAC, MAC/ VAL, Vitry-sur-Seine, musée d’Art moderne de Saint-Etienne, FRAC Haute-Normandie, FRAC Alsace, Bibliothèque nationale, Fonds municipal de la Ville de Paris, musée-château d'Annecy, musée de Sens, musée de la Poste (Paris), musée de Chambéry, La Collection Choisy, Choisy-le-Roi, artothèques : Annecy, Chambéry, Nantes, Angers, Caen, La Roche-sur-Yon, Vitré, Auxerre, Grenoble, La Rochelle, musée Georges de La Tour, Vic-sur-Seille, Conseil général de la Moselle, musée de la Chasse et de la Nature (Paris), collection Daniel et Florence Guerlain, fondation Salomon, fondation Colas, fondation Aegon Art (Pays-Bas), Leepa-Rattner Museum of Art, Tarpon Springs (USA).

En résidence en 2012

De ceux qui n’hésitent ni à continuer dans la voie choisie ni à affronter les obstacles et à se jouer des résistances

Pourtant, si l’art de Françoise Pétrovitch est tributaire de son époque, c’est-à-dire qu’il tient compte des conditions de sa reproductibilité mécanisée, son horizon demeure celui de la peinture – et d’une peinture qui, si elle se joue des frontières conventionnelles, outrepasse aussi les catégories temporelles. S’il y a un problème de la peinture en France au début du XXIe siècle, celui-ci est en passe de se résoudre et Françoise Pétrovitch en sera l’un des vecteurs, peut-être l’un des plus incisifs – de ceux qui n’hésitent ni à continuer dans la voie choisie ni à affronter les obstacles et à se jouer des résistances. On n’interrompt pas le combat au premier sang. Dans Tristana (1970), Buñuel prête ces paroles au personnage qu’incarne Fernando Rey : si l’honneur est mis à si bas prix, il refuse de combattre. Ce fut en voyant ce film, adolescent, que j’entendis l’expression pour la première fois. Elle me semble particulièrement bien convenir à un grand pan de l’œuvre de Françoise et, si le titre est venu de sa Jeune fille mangeant un oiseau, il se trouve aussi que nous avons parlé ensemble du film de Buñuel au moment où je découvrais l’unijambiste de La Pirate . Jusqu’à quel point l’allusion à Tristana et à la jambe coupée de Catherine Deneuve était-elle perceptible à l’artiste ? Je ne sais, mais nous devons naturellement admettre qu’une part de l’œuvre ne nous sera pas communiquée et que, pour cette raison, je devrai certainement décevoir le lecteur en n’avançant pas d’interprétation – ou du moins, en ne m’avançant pas trop loin, en laissant à Françoise Pétrovitch comme à Magritte, qui détestait les tentatives de psychanalyse de sa peinture, la liberté de ses formes dérangeantes. Toujours est-il qu’il n’est pas anodin de reprendre une œuvre aussi singulière et d’en faire sa chose, comme si l’on pouvait, par le biais de l’assimilation (de la copie, au sens académique du terme), absorber à son tour la force symbolique de l’objet représenté. Le pénis dira-t-on – ou peut-être est-ce justement une opération différente qui est figurée là : l’inverse d’un accouchement… Cela rentre, cela ne sort pas. C’est un être vivant mais ce n’est pas un enfant. Ou bien encore : cet être cache un petit homme et la jeune fille est simplement une figure plus aimable que celle de Kronos dévorant ses enfants dieux, dont Goya donna une vision que Magritte a toujours eue en mémoire, parce qu’elle ne pouvait lui avoir échappé. Kronos-Saturne, figure repoussante du père tout-puissant, usant et abusant du pouvoir qu’il a sur ses créatures, se transformerait soudain en un être gracieux et enfantin ; or, cet être impubère, féminin, se tient à distance encore, pour un temps très bref, du monde des adultes et de l’âge de raison. Elle peut encore se le permettre… Extrait de "Premier Sang", François Michaud, in Françoise Pétrovitch, Monographie, 2014, Semiose Editions.

http://francoisepetrovitch.com/

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Tapis chat, 2014, acrylique et vernis sur toile, 114 x 140 cm


Aurélien Porte Une infraction salutaire à l’idéologie du bon goût

Pour qui ne comprendrait pas l’épatante hétérogénéité de l’œuvre d’Aurélien Porte, il faut rappeler cette définition contemporaine du concept de genre que propose Judith Butler : un "[…] assemblage ouvert permettant de multiples convergences et divergences sans qu’il soit nécessaire d’obéir à une finalité normative qui clôt les définitions2". La pratique de ce plasticien, interdisciplinaire, travaille précisément dans ce sens, contre le principe d’unité que présuppose d’ordinaire la notion de genre, c’est-à-dire de discipline en art. Le processus est limpide : Aurélien Porte n’a de cesse de mettre en présence des propositions discursives, ceci tant en organisant le voisinage d’œuvres totalement disparates qu’à l’intérieur parfois d’une seule et même pièce. Ainsi dans son œuvre se côtoient un panneau d’abstraction gestuelle, de grands formats art et langage et ces petites toiles illustratives, dont les portraits cartoonesques d’animaux sont aussi repris au trait, rapidement griffonnés sur ces fonds marbrés de coups de pinceaux désordonnés – qui ne sont pas, eux, sans évoquer un acte conceptuel de récupération. Une mauvaise redite d’Archimède, le hibou du Merlin de Disney, s’inscrit, dans un camaïeu saumon, orange et jaune des plus douteux, sur un arrière-plan biffé de touches qui auraient pu composer une peinture en soi. Abstraction, figuration. Bien fait, mal fait. Culture noble ou populaire. Arts appliqués et ces autres, dits beaux. Tout est là, dans ces rapprochements impromptus qui constituent une infraction salutaire à l’idéologie du bon goût, dont on sait ce qu’elle requière de discrimination et d’immobilisme. Tout est là, rabattu ensemble, pour dire cette pensée d’une multiplicité inhérente au genre qui vient défaire les vieilles hiérarchies stériles. Et c’est étonnant, car le signe graphique du hibou, symbole du soft power par lequel toute une industrie de la culture fort contestée impose son hégémonie, fini par paraître en osmose avec le travail de "grande peinture" réalisé en fond, comme si l’agencement des fragments de lignes qui le composent n’était qu’un possible parmi d’autres émergeant des traits de couleurs sous-jacents. Et un possible ni meilleur, ni pire, puisque l’enjeu est précisément de défaire ce cliché d’une échelle de valeur des sujets et des pratiques – le tableau est d’ailleurs titré Oh Owl, All Low, tout n’est que bas, pour mieux acter ce déclassement. Aurélien Porte s’amuse d’une certaine conception de la forme ou du médium comme autant de monades. Pour preuve, dans sa pratique ce n’est jamais l’épure qui mène à l’identité. Marion Delage de Luget Janvier 2015 2. Judith Butler, Trouble dans le genre, pour un féminisme de la subversion, Paris, La Découverte, 2005, p. 83

Né en 1981 à Rochefort-sur-Mer, il vit et travaille à Paris. Depuis 2004, il est membre et fondateur avec Nicolas Beaumelle de We Are The Painters. Il est diplômé de Ecole régionale des beaux-arts de Nantes en 2006. Il est lauréat en 2009 du Prix spécial du Jury du 54  e Salon de Montrouge. Expositions personnelles : En 2015 : Merde, Palette Terre, Paris ; en 2012 : Thus Spoke The Silence..., New Galerie, Paris, From The Raw Memory I Pray For A Branch, NADA Art fair, New York ; en 2011 : Mémoire, Mise en ordre, Méditation, galerie Lucile Corty, Paris ; en 2009 : La main ne saurait perdre la raison de son ennui. Enfin presque, Palais de Tokyo, Paris, Reflection of a Burning Situation, galerie Lucile Corty, Paris, Zoopathy Of Heaven And Hell, Random Gallery, Paris ; en 2008 : Merde Instead Of Nothing, Espace Diderot, Tripode, Rezé, Nothing To Do, Here’s To You Studio, Nantes. Expositions collectives : en 2015 : Radical Software, galerie Alain Gutharc, Paris ; en 2014 : Activité, Curator Studio, Paris, Zone sensible, la peinture renversée, musée de l’Abbaye Sainte-Croix, Les Sables-d’Olonne, Natura Lapsa, Le Confort Moderne, Poitiers, Le mur, La maison rouge, Paris, Dans la maison de monsieur C., Cramont ; en 2013 : Drawing quote, Pigna Project Space, Rome, Dans la maison de monsieur C., Cramont ; en 2012 : Intense Proximité, La Triennale, Palais de Tokyo, Paris, Crossing Mirror, Rosenblum Collection & Friends, Paris, Biennale Chemin d’art, Saint-Flour ; en 2011 : Wallpaperism, Motel Campo, Genève, Parkside of The Sun, Curtat tunnel, Lausanne ; en 2010 : De l’ombre et du rêve, galerie expérimentale, CCC Tours ; en 2009 : Biennale de la jeune création européenne, Montrouge, Là-bas, galerie Crêvecœur, Paris, 54  e salon d’art contemporain de Montrouge ; en 2008 : L’effondrement de l’onde de probabilité, Zoo Galerie, Nantes ; en 2007 : Into Position, Kunstverein Intopos, Vienne, (Autriche), Vacuum, CCC, Centre de création contemporaine, Tours, La Boom, galerie Layr Wuestenhagen, Vienne.

En résidence en 2014

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L'inutile beautĂŠ, 2015, huile sur toile, 220 x 160 cm


Nazanin Pouyandeh Née en 1981 à Téhéran (Iran), elle vit et travaille à Paris. Elle est diplômée de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris (atelier de Pat Andrea) en 2005 et obtient un Master 2 recherche Arts plastiques à l’Université Paris I en 2007. Expositions personnelles : en 2016 : L’envers de l’histoire, galerie Vincent Sator, Paris, Nazanin Pouyandeh, centre d’art contemporain Raymon Farbos, Mont-de-Marsan, Anésidora, La lune en parachute, Epinal, Die andere Seite der Erzählung, Städtisches Museum Engen + galerie, Engen ; en 2014 : Jour de silence, The mine, Dubaï ; en 2013 : Gouffres et Turbulences, galerie Elizabeth Couturier, Lyon ; en 2012 : In the dusk, galerie Michael Schultz, Berlin ; en 2011 : Entre chien et loup, galerie Aaran, Téhéran ; en 2010 et 2009 : galerie Eric Mircher, Paris ; en 2007 : Fonds d’art moderne et contemporain, Montluçon ; en 2004 : galerie des Beaux-Arts (CROUS), Paris. Expositions collectives récentes : en 2016 : Drawing Now, Paris ; en 2015 : La nouvelle histoire / Het nieuwe verhaal, A cent mètres du centre du monde, Perpignan, Under Realism, galerie Da-End, Paris, Who’s afraid of picture(s)?II, A cent mètres du centre du monde, Perpignan, Salo (le salon du dessin érotique3ème édition), les Salaisons, Romainville, Drawing Now, Paris, Ma patience a des limites - Still Life, galerie Duboisfriedland, Bruxelles, Who’s afraid of picture(s)? Le peintre et l’image, une liaison scandaleuse, Ecole supérieure d’art et design, Grenoble ; en 2014 : Painting III (2000-2015), Frissiras Museum, Athènes, Under Realism, galerie C, Neuchâtel, Cadavre exquis à la plage, Projektraum Ventilator 24, Berlin, Salo (le salon du dessin érotique-2ème édition), les Salaisons, Romainville, Open your eyes, galerie Maïa Muller, Paris, Epines d’Eden, galerie Duboisfriedland, Bruxelles ; en 2013 : Under Realism, La lune en parachute, Epinal, The decett of the flesh, Frissiras Museum, Athènes, On paper, CAM Gallery, Istanbul ; en 2012 : Contes Cruels, galerie Albert Benamou, Paris, Tiré d’une histoire vraie- From a true story, galerie Aeroplastics, Bruxelles.

En résidence en 2011

Une traversée d’apparences, de collages, patchworks de références, là où l’Iran se découvre sous Venise, le hard rock, le gothique...

L’envahissement de figures, de symboles et de sens, de références dans les tableaux de Nazanin Pouyandeh, saisit à la première rencontre. Nous nous immergeons dans un univers à la fois familier et étrange. Chaque peinture est un monde en soi, mais il se prononce en chaos monde. Les figures sont placées en suspens sur des paysages imaginaires, réminiscences des peintures classiques de Flandre ou d’Italie qu’elle étudie et explore avec précision.( …) L’artiste, le peintre est toujours un metteur en scène. Il place un à un les éléments du visible à la recherche de sa juste coïncidence entre ses images mentales faites de mémoire et d’amnésie et celles du monde extérieur. Leur fusion crée de nouveaux accords, raccords et assemblages du réel et délivre un monde paradoxal dont on ne peut pourtant douter. Voir une peinture de Nazanin Pouyandeh est une traversée d’apparences, de collages, patchworks de références, là où l’Iran se découvre sous Venise, le hard rock, le gothique sous les lumières de Joachim Patinir, le classicisme à la cool génération, le jeu de rôle ludique à la guerre. L’Histoire est aujourd’hui histoire de mixage. L’accélération du monde contemporain avec le flux incessant des images a épuisé toute stabilité de leur appréhension.(…) Exil de Pouyandeh. Les tensions de l’image de l’Iran à l’Europe éclairent son œuvre. Le nomade ou l’exilé ont des Histoires et des Géographies. Ses peintures transmettent ses traversées de pays et d’images, Babel de sens, de formes et de couleurs. Ne recherchant pas ses origines, elle délivre un imaginaire non identitaire, non nostalgique, le réel se dévoile en surréalité. Reprenant les termes de l’immense écrivain Edouard Glissant, elle créolise, elle fait monde de tous les mondes aperçus, celui de ses origines, de son pays d’exil, mais aussi de ceux découverts dans les livres — monde passé, présent, monde futur dont toute logique est absente. La narration, l’histoire ou la fable se décrivent sans autre lien narratif clair que la propre expérience de l’acte de peindre pour Pouyandeh. L’histoire du tableau se construit dans l’ici et maintenant de la peinture in progress en recherche de connexion entre tous les éléments du tableau. Texte d’Eric Corne (extraits)

http://nazaninpouyandeh.free.fr/

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Vivarium V, 2013, huile sur toile, 130 x 162 cm


Laurent Rabier Laurent Rabier transcrit le réel par le biais d’espaces en déséquilibre, de bidonvilles brinquebalants en carton

En réalisant des versions peintes de maquettes préalablement assemblées, souvent à partir d’emballages de médicaments, l’artiste déconstruit sur la toile la tridimensionnalité avec la reproduction des fragments d’emballages. Particulièrement sensible aux codes visuels et aux couleurs saturées apparaissant sur le packaging des boîtes de produits pharmaceutiques qui nous font parfois oublier leur contenu de panacée, Laurent Rabier transcrit alors le réel par le biais d’espaces en déséquilibre, de bidonvilles brinquebalants en carton. Si la figure humaine est absente de ce travail, son évocation est omniprésente. Toute cette chimie traduit en effet les affres de l’existence humaine, la maladie aussi bien psychique que physique. Sorte de peinture contemporaine de vanité, elle nous traduit la fragilité des choses et des êtres. Plastiquement comme iconographiquement, Laurent Rabier nous épate. Ses jeux de reflets, excellemment rendus comme sur une surface métallique semblable à celle d’une paillasse de laboratoire, apportent une once de théâtralité aux compositions, une illusion du réel, une sorte de pseudo hyperréalisme car il ne faut, en aucun cas, oublier que cette minutieuse peinture à l’huile est exécutée à partir de photographies de maquettes. La reproduction est donc, en apparence seulement, apparence réaliste. De là à penser que la posologie de Laurent Rabier nous soulage de la triste réalité du monde, il n’y a qu’un pas. Nathalie Becker Luxemburger Wort, mardi 8 juin 2010, Kultur, page 14

https://flickr.com/photos/laurent-rabier/

Né en 1975, il vit et travaille à Montluçon. En 1996, il obtient une Licence d’Arts plastiques, à l’Université de Bordeaux. Expositions personnelles (sélection) : en 2013 : Artificialis, Centre culturel de la Visitation, Périgueux ; en 2010 : Espaces fantômes, château de la Louvière, Montluçon ; en 2009 : Espaces fantômes, espace 29, Bordeaux ; en 2008 : FAL expo, Clermont-Ferrand, galerie Exprmntl, Toulouse, Crash pharmacy, galerie l’App’art, Périgueux. Expositions collectives (sélection) : en 2015 : Le peintre, l’architecte et l’urbaniste, galerie Le Domaine Perdu, Meyrals ; en 2012 : Vendanges de printemps 2012, ChamalotRésidence d’artistes ; en 2011 : Dépeindre, Chamalot-Résidence d’artistes / kurt-forever, Le 6b, Saint-Denis, Novembre à Vitry, galerie municipale, Vitry-sur-Seine, Group show, Leslie’s art gallery, Luxembourg ; en 2010 : Novembre à Vitry, galerie municipale, Vitrysur-Seine, Symptômes d’espaces, Leslie’s art gallery, Luxembourg, Densité (avec Severine Hubard), Maison Salvan, centre d’art de Labège, Anarchitecture, Exprmtl galerie, Toulouse, Access and paradox, Exprmtl galerie, foire d’art contemporain, Paris ; en 2009 : Auzart, (avec Damien Aspe et Alain Josseau), AuzevilleTolosane ; en 2008 : Le bel été, Exprmntl galerie, Toulouse ; en 2004 : Exposition d’atelier Shakers (avec Raphael Grassi-Hidalgo et Astrit Greca), Montluçon.

En résidence en 2011

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Syndrome de Stockholm, 2015, technique mixte sur papier, 80 x 120 cm

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Pachydermes majestueux à la piqûre persistante, 2013, technique mixte sur toile, 170 x 275 cm


Thilleli Rahmoun Le monde que campe Thilleli Rahmoun est destiné à nous alerter

"Ceux qui volent n’ont pas peur de tomber" : à cette devise de l’artiste correspondent nombre des situations qu’elle imagine. Ludiques et provocants, les rares accessoires mis en scène semblent rêver d’envol mais promis à la chute. La chaise est à roulettes, le pot de fleurs, posé sur une balustrade, la voiture, garée à cheval sur le trottoir. Il y a "toujours quelque chose qui cloche". Et tous ces "trucs qui font que c’est difficile de se poser" évoquent la splendeur du risque, la fragilité de l’existence. Le refus de la liberté surveillée. "Intime, sensuel, vivant… Mais invivable", le monde que campe Thilleli Rahmoun est destiné à nous alerter. Tout cela est "très déconnecté mais bien implanté. C’est un peu mon histoire…" Emblématique du destin de l’artiste, née à Alger et vivant à Paris, l’un de ses grands dessins représente un piano à queue relégué dans un hangar désaffecté. Prêt à l’emploi mais ignoré. Momentanément. Les ombres figurées, métamorphosées en flaques sensuelles, affichent une densité dérangeante, inédite, intrigante. Plus traces que silhouettes, elles laissent imaginer des drames fraîchement déroulés. Couleur et matière, dans cet œuvre, sont distillées parcimonieusement, lorsqu’il s’agit d’indiquer l’occultation, le secret, la menace. Ainsi voilés, l’écran de télévision au repos, la voiture aux vitres teintées, bouteille pleine mais sans étiquette, ou le miroir dans l’axe duquel on n’est pas, inquiètent.

Née à Alger en 1978, elle vit et travaille à Paris. Elle est diplômée de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (2007) et de l’École supérieure des beaux-arts d’Alger (2001). Elle a présenté son travail à titre individuel notamment à la galerie du Crous de Paris (2012), au Pôle culturel de Coulanges à Gonesse (2009), au centre d’art contemporain La Résidence dans l’Allier (2009). Elle a pris part à diverses expositions collectives : Yango Biennal Kinshasa (2014) ; centre d’art Tecla Sala à Barcelone avec la fondation Guasch Coranty (2012) ; Zoom Art Fair Miami, Dubaï, Art Fair et Marrakech Art Fair avec la galerie El Marsa (2010 et 2011) ; Salon du dessin contemporain de Paris avec la galerie Placido (2010) ; 12ème Biennale d’art contemporain de Nîmes (2008) ; galerie Julio Gonzalez à Arcueil (2008) ; Jeune Création 2007 à La Bellevilloise de Paris. Elle a collaboré également en 2015 au projet artistique "Cuentame tu barrio" avec les enfants de la localité de Usme (Bogota, Colombie), en partenariat avec l’association Primavera ESI.

La ligne, héroïne de cette aventure, tend les compositions, les articule autour de motifs signifiant la force et le contrôle. Que de tours, de sémaphores ! Poteau télégraphique, fusée prête au décollage, phare, beffroi, clocher, minaret… Alentour, la ligne, toujours elle, résille le "blanc souci" (Mallarmé) de la feuille de papier, tend des passerelles en travers du mystère du Vide, construit des moucharabiehs entre lui et nous. Nuancé, le trait est ferme ici, plus déliquescent là, allant jusqu’à disparaître parfois, signifiant ainsi la condition éphémère de toute vision. Ainsi cerné ou scarifié, l’espace de l’image acquiert une présence intense, fascinante.

Elle a participé à plusieurs programmes de résidences : La Place à Barcelone (2016), résidence à Chamalot avec le soutien de l’association Chamalot-Résidence d’artistes et la Drac Limousin (2010), résidence à la Casa de Velázquez de Madrid (2009), résidence à Sainte-Alvère dans le Périgord avec le soutien de la Fondation suisse Conny Maeva (2009), La Résidence à Dompierre-sur-Besbre dans l’Allier avec le soutien de la Drac Auvergne (2009).

Renouvelant fondamentalement les genres historiques du paysage et de la nature morte, Thilleli Rahmoun participe à l’invention de l’art d’aujourd’hui. Représentant notre monde, simultanément elle le dénonce et le sublime. Ce qui est dit ici du poids de nos mémoires, de nos codes, de nos soumissions, et de l’intensité persistante de nos rêves, définit admirablement l’état de nos âmes à l’orée du XXIe siècle.

Par ailleurs, elle a reçu le prix de peinture Alfonse Cellier de l’Académie des beaux-arts de Paris (2006), le prix Félix Fénéon de la Chancellerie des Universités de Paris (2008), l’aide individuelle à la création des Affaires culturelles de la Mairie de Paris, la bourse pour la Création du Conseil général du Val-de-Marne et l’aide au projet de la Drac Ile-de-France (2012).

Françoise Monnin

http://thilleli.com/

En résidence en 2010

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Snake Painting #1, 2014, graphite et peinture en spray sur papier peint sur toile, 190 x 135 cm


Renaud Regnery Né en 1976 à Epinal, il vit et travaille à Berlin et New-York. Il est diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 2005 puis obtient en 2007 un MFA (Master of Fine Arts ) de l’Ecole des beaux-arts de Dresde (Hochschule für Bildende Künste). Parmi ses expositions personnelles : en 2013 : Viet Cong, galerie Klemm‘s, Berlin ; en 2012 : Renaud Regnery, Ricou Gallery, Bruxelles, Renaud Regnery, Elizabeth Dee gallery, New York ; en 2011 : Ritournelle, galerie Klemm´s, Berlin, Rechute, Zero Fold, Cologne ; en 2010 : Wallpaper paintings, Ricou Gallery, Bruxelles, The sky´s gone out, galerie Kwadrat, Berlin ; en 2009 : Ambassade de France, Berlin. Renaud Regnery participe à de nombreuses expositions collectives dont : en 2015 : SaturnDrive, L40, Berlin, Dust: The plates of the present, BAXTER ST, New York, About Sculpture #6: Floating In A Constant Heaven, Lady Fitness-contemporary art space, Berlin ; en 2014 : The future belongs to ghosts, White Projects, Paris ; en 2013 : Gestohlene Gesten, Kunsthaus Nürnberg, Harold Ancart, Kristin Baker, Mark Barrow, Nina Beier, Anna Betbeze, Thilo Heinzmann, John Henderson, Mark Flood, Scott Lyall, Jayson Musson, Renaud Regnery, Pae White, galerie Emmanuel Perrotin, Paris, France, Collection n°2, interiors and collectors, Lyon ; en 2012 : Dot.Systems. From Pointilism to Pixelation, Wilhelm Hack Museum, Ludwigshafen ; en 2011 : News from Nowhere, REH Kunst, Berlin, Prague Biennial, Prague, Attachment, w. A. Meschtschanow, galerie Chez Valentin, Paris, Pages Jaunes, Clockwork Gallery, Berlin ; en 2010 : Art by Telephone, Paris, Fred Rapid Glassworks II, Autocenter, Berlin, Ins Blickfeld gerückt, Institut Français, Berlin ; en 2009 : Want, gallery Arratia Beer, Berlin, Bis ans Ende der Nacht, Forgotten Bar Project, Berlin, Schickeria, Kunsthaus Braunschweig, Bank of Eden, Whitechapel, Berlin, The Sequel (Part II), Cinque Garzoni, Venise, Minton’s Playhouse, Artnews Projects, Berlin ; en 2008 : La fortune et l´humeur gouvernent le monde, Le Printemps de Septembre, Toulouse, Art Athina, Athènes.

En résidence en 2007

C’est une histoire compressée de la dégénérescence de la matière et des traces mécaniques d’interférence numérique

L’usage que fait Regnery de la peinture interfère avec sa signification directe en télescopant nostalgie et prolifération de sens, constitutifs d’un monde imprégné de culture digitale. Inversant les hiérarchies à travers l’élaboration de répétitions et de dislocations, les motifs de sa peinture qui sont partiellement photocopiés, scannés et imprimés évoluent tel un système qui se fracturerait en se reproduisant.

La stratégie radicale de Regnery défie les réflexes de cognition visuelle en introduisant de la matière analogique comme une réalité esthétique contemporaine parmi la prolifération d’information numérique. L’information se perd en se construisant. Regnery restaure autant qu’il produit son œuvre. Le matériel de ses recherches est puisé dans un monde tangible et en déclin comme des motifs désenchantés de papier peint européen des années 70, ou de surfaces ‘Mylars’ typique de la période. Les simulations numériques de formes appliquées par sérigraphie sur les surfaces altérées mettent à distance l’image actualisée ici de son mode de production. En travaillant avec et contre les stratégies de mise en œuvre, l’histoire linéaire et les questions d’authentification et d’auteur, ce travail questionne et embrasse une forme alternative d’intelligence collective. La production orientée de Regnery sur ces surfaces trouvées efface et repousse la tension entre ce qui est localisé dans le temps et ce qui reste encore à être catalogué et évalué. Ce qui reste, c’est une histoire compressée de la dégénérescence de la matière et des traces mécaniques d’interférence numérique. L’œuvre de Regnery commente sur le recours aux simulations numériques face aux phénomènes de décrépitude du monde matériel. L’emploi de matières universelles – brûlures, déchirure surfaces dégradées par le feu, la fumée, la rouille et l’huile – sont comme des réponses primaires aux formes dystopiques de la correction numérique. Les peintures de Regnery nous montrent que notre environnement est en opposition avec lui-même, qu’il court le risque de s’éteindre et que le remplacement progressif des choses par leurs équivalents numériques cache les processus naturel de dégradation. Il en résulte les effets collatéraux qui sont autant de nouvelles voix potentielles de redéfinition de l’abstraction.

http://renaudregnery.com/

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Nature morte rouge 2015, huile sur toile, 114 x 146 cm L’homme qui marche, 2015, huile sur toile, 116 x 156 cm


Florence Reymond L’écart d’avec la règle, sans cesse renouvelé

Chercher une progression autrement que par le perfectionnement, voilà comment Florence Reymond choisit, elle, de se défaire de l’emprise ankylosante des modèles. On pourrait résumer le projet qui a guidé, ces dernières années, l’évolution considérable de sa peinture : tenter d’évacuer la question de la virtuosité. Au contraire, s’attacher à ces vétilles qu’une certaine idée de la bonne forme se donne pour charge de gommer, ces à-peu-près pointés par Arp et dont la correction semble pour d’aucuns garante d’une exécution réussie : ce trait que l’on reprend sans effacer le précédent, cette dégoulinure involontaire que l’on ne supprime pas… Bref, l’erratum assumé. Florence Reymond multiplie ces "maladresses" comme autant de choix affirmant la valeur qu’elle accorde à la contre-performance. Au raté. Non qu’elle retranscrive le principe d’équivalence "bien fait = mal fait" de Robert Filliou ; si sa peinture n’est pas une entreprise de maîtrise, c’est plutôt parce qu’elle privilégie le jeu – l’écart d’avec la règle, sans cesse renouvelé. Un peu comme chez l’enfant, dont elle cite les tâtonnements inventifs, aussi ces premières conventions que tout un apprentissage normé amendera au profit d’autres : la bande irrégulière, parfois laissée blanche, marquant le ciel de la toile, et à l’opposé la ligne de terre de couleur soutenue sur laquelle s’ancrent et s’étagent les éléments figuratifs. La peinture de Florence Reymond est une tentative assumée de régression transgressive, elle s’y astreint à travailler des déplacements incessants. Jouant de la confusion fond/forme : faut-il lire les aplats vigoureux marquant les pourtours de caches retirés de la toile, ou les vides auxquels ils donnent forme ? Fini l’essentiel de l’ergon contre l’accessoire du parergon, le cadre et la scène qu’il délimite deviennent des morceaux parfaitement indifférenciés. Tout comme les sources invoquées : sujets indistinctement empruntés au dessin d’enfant (les festons), au vocabulaire de l’artisanat (les riches mosaïques des tapis boucharouettes), et encore ces motifs votifs, ces grandes marionnettes venues d’Inde, ces silhouettes de greniers à grain africains… Dans l’accumulation hétérogène s’abolit toute hiérarchie. Rien n’est plus "haut", ni "bas", seulement un tissu composite d’associations inédites qui viennent reconfigurer la topologie du tableau qui n’est pas, alors, sans rappeler cet espace matrice chez Lyotard où, par condensation, plusieurs lieux coexistent en un seul. Marion Delage de Luget

http://florence-reymond.net/

Née en 1971, elle vit et travaille à Paris. En 1994, Florence Reymond obtient le DNSEP aux Beaux-Arts de Saint-Étienne. Elle est représentée par la galerie Odile Ouizeman. Parmi ses expositions personnelles, on remarque Le ventre de la montagne, galerie Odile Ouizeman, Paris (2014) ; La montagne cent fois recommencée au centre d’art du Creux de l’Enfer à Thiers, (2013) ; Un peu de tenue Madame !, galerie municipale du Rutebeuf, Clichy-la-Garenne (2013) ; L’architecte et le loup, Confluence(s), galerie de l’IUFM de Lyon (2011) ; That is the house that Florence built, galerie Odile Ouizeman, Paris (2010) ; Backyards Funerals, galerie Iragui, Moscou (2009). Elle participe à de très nombreuses expositions collectives dont Drawing now, galerie Odile Ouizeman, Paris (2016) ; L’homme éponge ou l’expérience du sensible, musée Passager, Ilede-France (2016) ; Collection Philippe Piguet, une passion pour l’art, L’Abbaye, espace d’art contemporain, Annecy (2015) ; Infans, galerie Duchamps, centre d’art, Yvetot (2015) ; L’autre, espace d’art contemporain Camille Lambert, Juvisy-sur-Orge (2013) ; D’après la ruine, Le Titanic, Vilnius (2011), Collection 3. Peinture et dessin dans la collection Claudine et JeanMarc Salomon, Alex (2010) ; Art Moscou, galerie Iragui, Moscou (2009) ; Délicatesse des couleurs, HangArt-7, Salsbourg (2008) ; Budapest/Paris, fondation Joseph Karolyi, Budapest (2008) ; Peinture(s)-génération 70, fondation Salomon, château d’Arenthon, Alex (2007). Florence Reymond a été 3ème lauréate du prix Marin (2010), lauréate du prix Novembre à Vitry (2010). Ses œuvres font partie de nombreuses collections : FNAC, fondation pour l’art contemporain Claudine et Jean-Marc Salomon, fondation d’entreprise Colas, musée Paul-Dini, Maison des Arts de Grand-Quevilly.

En résidence en 2013

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L’Arpenteur, 2011, peinture sous Plexiglas, 140 x 180 cm


Muriel Rodolosse Née en 1964 à Castelnau-Montratier, elle vit et travaille à Bordeaux et à Paris. Elle a obtenu le Grand Prix du jury du Salon de Montrouge en 2002, le Grand Prix de la biennale d’Issy-les-Moulineaux en 2005, l’Aide à la mobilité internationale pour aller à Berlin en 2010. Quelques expositions personnelles : en 2015 : De l’oxygène !, Gowen Contemporary Galerie, Genève, galerie des jours de lune, Metz ; en 2014 : Sans socle ni double-fond, centre d’art contemporain Maison des arts Georges Pompidou, Cajarc, On the ruins of the pizzeria, centre d’art contemporain Château des Adhémar, Montélimar ; en 2013 : at the corner of my mind in the ParK, La Mauvaise réputation, Bordeaux ; en 2011 : x degrés de déplacement, Frac Aquitaine, Bordeaux ; en 2010 : Versteckt just around the corner, Rudy-Dutschke-Strasse 18, Berlin, Private mécanique, La Pommerie, Saint-Sétiers, France ; en 2007 : ANCORA !, centre d’art contemporain Chapelle Saint-Jacques, France. Quelques expositions collectives : en 2016 : Exposition d’automne, Institut culturel Bernard Magrez, Bordeaux, ONLY LOVERS, commissariat Timothée Chaillou, Le Cœur, Paris ; en 2015 : Picturae, galerie Polaris, commissariat Julie Crenn, Paris, Dépendances, Crash Gallery, Lille ; en 2014 : D’ici là, jailliront des cascades, galerie Xenon, Bordeaux, musée d’Aoste, L’inventaire avec la fondation Albert Gleizes ; en 2013 : Artistes en campagne ! collections du FRAC Aquitaine, musée de la Chalosse ; en 2012 : Chronique curiosités, villa Noailles, Hyères, commissariat Joël Rif, Louyétu? centre d’art contemporain Maison des arts Georges Pompidou à Cajarc ; en 2011 : Quand je serai petite, musée des Beaux-Arts de Calais ; en 2008 : Caprice des jeux, FRAC Aquitaine, France.

La peintre se place physiquement derrière la peinture, et donc face au spectateur que l’on imagine regardant l’œuvre

Aller, venir, se retourner, explorer, s’immiscer : la peinture de Muriel Rodolosse incite le spectateur au déplacement. Mouvement que le médium impose également à l’artiste, qui se positionne au revers du support de Plexiglas transparent, pour peindre de l’avant vers l’arrière, premier plan (détails, figures, objets, formes plus ou moins concrètes) d’abord, second plan (paysages, architectures) ensuite, puis fond. La peintre se place physiquement derrière la peinture, et donc face au spectateur que l’on imagine regardant l’œuvre. Mouvement imposé, aussi, au spectateur. Le corps de celui-ci est directement impliqué dans le voir de l’œuvre. Si toute peinture incite à un voyage de l’œil, organe du corps avec lequel on la "touche" par espaces intermédiaires interposés, celle de Muriel Rodolosse nécessite également x degrés de déplacement (titre de son exposition au FRAC Aquitaine à Bordeaux, en 2011). Bouleversant volontiers le lieu d’exposition, l’artiste impose au spectateur des contraintes, une gymnastique de l’œil et du corps. Muriel Rodolosse propose un positionnement inhabituel vis-à-vis des œuvres, qu’elle peut choisir de placer en hauteur, dans des recoins plus ou moins cachés, en appui instable, ou auxquelles elle peut décider d’attribuer un format monumental – dans son exposition Versteckt just around the corner (Caché juste au coin de la rue), au 18 Rudi-Dutschke Strasse, à Berlin, en 2010, elle alla même jusqu’à cacher des œuvres. Souvent en mouvement, dans une attitude de marche qui pourrait hypothétiquement les mener hors de l’œuvre, les figures peintes par Muriel Rodolosse sont des corps évoluant dans des paysages ou des architectures étherés. Ils effectuent, comme la peinture disposée par couches, une translation de l’arrière vers l’avant qui s’apparente à une révélation. Très présents également dans la peinture de l’artiste, les masques sont les supports métaphoriques de la peinture : toujours dans ce mouvement d’avancement, ils dissimulent en même temps qu’ils montrent, ils imposent leur évidence, se projettent au devant d’une réalité première. Masques animaux ou masques plantes créent des personnages hybrides, ambigus, qui se situent entre divers niveaux de réalité – l’homme et la nature, le féminin et le masculin, le révélé et le caché.

Diverses résidences d’artistes : John David Mooney Foundation Chicago ; Maisons Daura, Saint-Cirq-Lapopie ; ChamalotRésidence d’artistes ; La Pommerie, SaintSétiers ; Moly-Sabata, fondation Albert Gleizes, Sablons.

S’étant éloignée de l’abstraction, c’est par le biais de paysages architecturaux que Muriel Rodolosse va vers un certain effacement du motif, sur des fonds blanchis d’une luminosité violente, laiteuse. "Espaces de projection", ces architectures peuvent être associées aux figures, qui portent des structures construites, comme ailleurs elles portent d’innocents agneaux (ou sont portées par elles). Là aussi, il y a hybridation, l’artiste éliminant volontiers les membres inutiles au déplacement. Une économie de moyens qui correspond à sa recherche, toujours en mouvement. Magali Lesauvage, Documents d’artistes Aquitaine

En résidence en 2009

http://murielrodolosse.com/

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Sans titre, 2016, Gesso, modeling paste, pigments sur bois, 236 x 200 cm


Nicolas Roggy Né en 1980 à Le Blanc, il vit et travaille à Paris. Il est diplômé de l'École régionale des beauxarts de Nantes (ERBAN) en 2005. Expositions personnelles : en 2016 : Palette terre, Paris ; en 2015 : Vous aimez bien sûr être nettoyé ? Comme tout le monde, galerie Triple V, Paris ; en 2014 : Thick Pink, Stuffed Light, Martos gallery, New York ; en 2013 : Difficult to Smell What Happened Today, galerie Triple V, Paris ; en 2011 : Substituts, galerie Crèvecœur, Paris ; en 2010 : The Dark Defender, halls d’accueil de l’Hôtel de ville, cinéma Marcel Pagnol, Théâtre 71, Malakoff ; en 2008 : Chien - Gros, Espace Delrue, Nantes. Expositions collectives (sélection) : en 2016 : exposition organisée par Bob Nickas, galerie Patrick Seguin, Paris, UNdocumenta, Asia Culture Center, Gwanju, Corée, Inauguration au 5 rue du Mail, galerie Triple V, Paris ; en 2015 : Space is the Place, galerie Triple V, Paris, Ligne Aveugle, ISBA, Besançon, 5UN7 Permanent Vacation, 57 rue de la Rousselle et 22 rue du chai-des-Farines, Bordeaux, The Painter of Modern Life, Anton Kern gallery, New York ; en 2014 : Les Américains/La solitude, Astrup Fearnley Museet, Oslo, Das optische Unbewusste/The Optical Unconscious, Fondation Gebert, Rapperswil, Suisse, Projet in situ, CAR projects, Bologne, Post-Op : Perceptual Gone Painterly. 1958-2014, galerie Perrotin, Paris, The Flesh n°5, galerie Triple V, Paris, EN-TREE, Middlemarch, Bruxelles ; en 2013 : Plus Jamais Seul #3, Standards, Rennes, And to EndPathfinder #3, Moins Un, Paris, Rien faire et laisser rire, galerie Rodolphe Janssen, Bruxelles, Exposition de mariage, Treize, Paris ; en 2012 : Science Fiction #3, galerie Triple V, Paris ; en 2010 : La gamme Pérouse, Salon de Montrouge ; en 2009 : Là-bas, galerie Crèvecœur, Paris, Dark Pearl, La Générale, Sèvres ; en 2007 : L.G.T.D, Temple du Goût, Nantes ; en 2006 : Mais où est passé le Youcouncoun?, Usine Alstom, Nantes ; en 2005 : Rions Noir, Exposition/Résidence collective, Atelier Alain Lebras, Nantes ; en 2004 : Beau trait Fatal, ERBAN, Nantes. Collections publiques : FRAC Limousin, FRAC Pays de la Loire.

En résidence en 2014

Peinture volontiers retorse, autant par malice que pour ne rien cacher du labeur dont elle procède

(À présent que je le note, ceci devient faux à son tour), écrit Kafka entre parenthèses dans son Journal, rejetant abruptement le jugement qu’il vient d’émettre. Sur le même mode Wittgenstein ajoute ailleurs, parlant d'une forme que son interlocuteur trouve inachevée : (si tu la complètes, tu la falsifies). S’il est vrai que l’accomplissement fige et que le figement falsifie, alors la vérité ne s’approche jamais que dans la vibration des états ambigus, des formes incomplètes, des matières instables et des perceptions contrariées : comme un rose épais, une lumière lourde ou une infirmation soudaine de ce qui vient d’être dit, afin de ne jamais briser la chaîne des métonymies par quoi la peinture nourrit le corps et la pensée. Ici, la superposition d’épaisseurs et de trames, livrée à un processus d’excavation sélective, produit une surface qui découvre au moins autant qu’elle recèle ce dont elle est faite. Celui qui chercherait à retracer les étapes de construction successives se condamne de luimême à une spéculation hasardeuse. Les épaisseurs s’imbriquent, les trames se chevauchent, les perspectives s’inversent ; on ne sait plus si cette peinture ramène à sa matérialité ou crée de l’illusion, et si cette illusion absorbe le regard ou le repousse. Peinture volontiers retorse, autant par malice que pour ne rien cacher du labeur dont elle procède, par fidélité au faire qui est – verum ipsum factum – la vérité même. L’apparition sur la surface d’un trou, d’un orifice, peut laisser supposer qu’une porte s’ouvre sur l’intérieur, par quoi lumière sera faite sur une zone tenue secrète. C’est avec leurs orbites creuses et leur fixité indifférente que les masques captivent le regard. Ils laissent entrevoir un accès à l’intérieur mais n’offrent jamais qu’une extériorité pure, et font une métaphore idéale de la connaissance : si vous les retournez, vous ne verrez qu’une autre extériorité. De cette identité impossible de l’intérieur et de l’extérieur, Kafka aura mieux que tout autre fait le tour : "De l’extérieur, on ne voit en fait qu’un grand trou, mais en réalité ce trou ne mène nulle part ; déjà au bout de quelques pas on se cogne contre de la solide roche naturelle. Je ne veux pas me vanter d’avoir construit ce stratagème délibérément ; il est plutôt ce qui reste de l’une de mes nombreuses et vaines tentatives pour construire, mais il m’a finalement semblé intéressant de ne pas combler ce trou. Il est vrai que certaines ruses sont tellement subtiles qu’elles se tuent elles-mêmes, je le sais mieux que quiconque, par ailleurs il est assurément téméraire d’attirer l’attention, par le biais de ce trou, sur le fait qu’il peut exister ici quelque chose qui vaut la peine d’être creusé." Le monologue intérieur qui commence ainsi n’aura pas de fin. Tout au long de son développement, il multipliera les contre-pieds en un cercle maniaque, une surenchère mentale dans laquelle la création s’explore elle-même. On ne sort bien entendu jamais vraiment de ce terrier, mais il est toujours possible d’y construire de nouveaux passages. Le narrateur du Terrier se tient fréquemment hors de sa forteresse souterraine pour tenter d’en parfaire la sécurité, mais ne se trouve jamais aussi bien protégé et revigoré qu’à l’extérieur de son antre, devant le trou. Antoine Thirion, 2014

http://triple-v.fr/?page=fiche_exposition&exposition=49#fiche37

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DĂŠpaysages 20, 2015, acrylique sur toile et papier de riz, 73 x 100 cm


Alexandra Roussopoulos Les architectures improbables qu’elle place au premier plan paraissent flotter, suspendues dans l’espace

Dépaysages… des paysages ?

Dépaysages, le nom de la série à laquelle travaille Alexandra Roussopoulos depuis 2013 pourrait laisser penser que l’artiste aurait auparavant peint des paysages et qu’elle aurait ensuite voulu se déprendre de ce genre. Depuis la forme arrondie qu’elle a d’abord invitée dans des sites ou des architectures jusqu’aux Paysages occupés (2009) et Espaces inventés (2011), la question du paysage occupe à l’évidence une place importante dans les recherches d’Alexandra Roussopoulos. Pourtant, l’artiste s’en approche précautionneusement, par détours, et si, ici ou là, un peu de bleu peut suggérer le ciel ou la mer, un éclat orangé la lumière du soleil, des paysages au sens classique du terme, elle n’en a pas peints. Si paysage il y a, il est au second plan, masqué, ou il apparaît subrepticement sous la forme d’un signe, comme un appel. Dépaysages ? Que cherche donc l’artiste à déconstruire dans un genre qu’elle ne pratique pas de façon directe ? Ce qui frappe d’abord dans ces compositions, c’est la prédominance d’éléments architecturaux : la superposition de plans horizontaux et verticaux, les lignes droites, les angles, les fractures, les perspectives décalées construisent des architectures étranges, sans fonction apparente. Ce qui frappe aussi, c’est la quasi absence de couleur, rendue plus sensible encore par l’emploi de feuilles de papier de riz collées sur la toile, qui fonctionnent comme un filtre d’où sourd une lumière irisée qui s’accroche aux reliefs de la matière. En séparant ainsi des éléments normalement unis dans un paysage, les formes et la lumière, les compositions d’Alexandra Roussopoulos s’affirment certes comme des envers de paysages : les architectures improbables qu’elle place au premier plan paraissent flotter, suspendues dans l’espace, et si lumière il y a, elle est au second plan, baignant un autre espace aux formes évanescentes, peut-être un paysage, mais lointain, voilé. Pour autant, si le "dé" privatif par lequel l’artiste désigne cette série signale une déconstruction, la récurrence de signes "paysagers" dans son œuvre laisse entendre que cette déconstruction n’est pas négation et que la relation de l’artiste au paysage est plus complexe. Le paysage est-il un horizon qui brille trop pour être abordé de face, un horizon dont la lumière ferait courir le risque d’une dissolution des formes que seule compenserait la construction de ces armatures aiguës ? Dépaysage, dépaysement – le mot paysage est construit sur le substantif pays –, faut-il voir dans cet horizon lointain et toujours à conquérir un arrièrepays qui ne serait autre que ce pays-ci, déjà connu, et qu’il faudrait retrouver ? Les formes géométriques seraient alors autant de repères permettant d’avancer vers le paysage, lieu pictural de l’intégration des formes dans la lumière. Hélène Prigent, 2016

http://alexandra-roussopoulos.com

Née en 1969 à Paris, de nationalités suisse et grecque. Au moyen de la peinture, elle repose la question des rapports entre formes, couleurs et espace. Son travail a toujours témoigné de l’importance du lien aux autres. Elle collabore régulièrement à des projets artistiques et a pris part à de nombreuses résidences d’artistes en Chine, Grèce, Irlande ou Slovénie. Elle a participé aux activités du centre d’art APDV qui place l’action artistique au cœur des zones d’habitation à loyer modéré. Elle a organisé et conçu plusieurs expositions, l’Eau et les Rêves à la galerie Kamchatka en 2007, Mauvais Genre en 2009 en collaboration avec Isabel Duperray à la galerie petit Maroc à Saint-Nazaire et Young Memories, un cycle d’expositions à la galerie épisodique à Paris d’octobre 2015 à juin 2016. Alexandra Roussopoulos expose en Suisse (fondation Louis Moret, musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel, le Manoir à Martigny, davel 14 à Cully, Villa Bernasconi au Grand-Lancy et la Ferme Asile à Sion), en France (L’Art dans les Chapelles, la Cité Radieuse de Le Corbusier à Marseille, la galerie Marie-Victoire Poliakoff à Paris et la galerie Scrawitch/Julien Bézille à Paris) et en Chine (la galerie Pifo et la galerie Art Lelege à Pékin, Yard art Gallery à Shanghai, Musée national Xixi à Hangzhou) Elle a reçu le prix d’arts visuels de la fondation René Liechti en Suisse en 2010 et le prix de peinture Novembre à Vitry en 2002. Elle enseigne dans une école préparatoire aux écoles d’art et participe régulièrement à des workshops en France et à l’étranger (à la Hear, Mulhouse et ESBA le Mans et en Chine à l’Académie des beaux-arts de Chine et à l’Université des beaux-arts de Hangzhou).

En résidence en 2008

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Sybille, 2015, acrylique sur toile, 146 x 114 cm


Hugo Schüwer-Boss Né en 1981 à Poitiers, il vit et travaille à Besançon. Il enseigne à l’Institut supérieur des beauxarts de Besançon. Il est membre fondateur de Toshiba House, atelier et lieu d’exposition à Besançon depuis 2009. Parmi ses expositions personnelles ou en duo : en 2015 : galerie Alain Coulange, (Paris), Radial Gallery, (Strasbourg) ; en 2014 : Les Bains Douches, (Alençon), (avec Hugo Pernet) ; en 2013 : Espace Bikini, (Lyon), Radial Gallery, (Strasbourg) ; en 2012 : galerie zéro l’infini, (Etuz), le Pavé dans la mare, (Besançon), (avec Cécile Meynier) ; en 2011 : galerie Néon, (Lyon), (avec Hugo Pernet) ; en 2010 : galerie Jean Greset, (Besançon) ; en 2008 : galerie Frank Elbaz, (Paris), (avec Hugo Pernet) ; en 2006 : Espace 304, (Genève). Parmi ses expositions collectives : en 2015 : le Garage, (Brive), Villa des arts, (Paris) ; en 2014 : Anywhere galerie, (Paris), la capelleta, Mosset, Atelier d’Estienne, (Pont Scorff), FRAC Franche Comté, ESAD (Grenoble), Chamalot-Résidence d’artistes, le style, (Caen) ; en 2013 : Anywhere galerie, (Paris), Ecole d’art, (Belfort), galerie Arnaud Deschin, (Marseille), musée des Beaux-Arts, (Dole), 30 ans du FRAC Limousin, (Limoges) ; en 2012 : l’Agart, (Amilly), CDN de Limoges, FRAC Limousin, (Limoges), Anywhere-Schleicher-Lange, (Paris), Confort moderne, (Poitiers) ; en 2011 : espace Bouchez, (Tonnerre), chapelle du Carmel, (Chalon-surSaône), maison de la culture, (Amiens) ; en 2010 : Biennale de Belleville, (Paris), musée des Beaux-Arts, (Dijon), Salon de Montrouge, (Montrouge), FRAC Limousin, (Limoges), musée des Beaux-Arts, (Dole) ; en 2009 : FRAC Limousin, (Limoges), Toshiba House, (Besançon) ; en 2008 : le 13 bis, (Clermont Ferrand), musée, (Clermont-Ferrand), erba, (Besançon), (le 19, Crac) ; en 2007 : galerie Frank Elbaz, (Paris), Villa Arson, (Nice), Mulhouse 007, (Mulhouse), Forde, (Genève) ; en 2006 : Forde, (Genève), musée d’Art moderne, (Saint-Etienne), galerie Tator, (Lyon), (avec Hugo Pernet et Noémie Razurel).

En résidence en 2013

L’abstraction n’est pas ici envisagée comme un monde sans images, plutôt comme un moment avant ou après leur apparition

Cette exposition a été pensée comme un tout, dans une sorte de jeu de miroir. "Dorian" est davantage un intitulé donné à un temps de travail que le titre d’une série à part entière. Les tableaux ont été réalisés à partir de l’automne 2014 jusqu’au printemps 2015. "Dorian" renvoie bien sûr au roman d’Oscar Wilde mais aussi aux Doriens et par extension à l’ordre dorique dont la particularité est le dépouillement et la robustesse.

Les formats sont assez grands. Leurs compositions, leurs factures peuvent faire penser à des photographies polaroïd à la surface desquelles l’image n’est pas encore apparue ou à des portraits dont les personnages auraient disparu. L’abstraction n’est pas ici envisagée comme un monde sans images, plutôt comme un moment avant ou après leur apparition. Dans cet ensemble, et dans le travail de l’artiste en général, le bord du tableau a une certaine importance. Dans la peinture Sybille par exemple, la ligne jaune peinte à main levée désigne une sorte de limite de l’image comme une mise en abîme du cadre. Une hiérarchie existe entre le tableau comme objet et la surface peinte, sur laquelle une image latente pourrait apparaître. Le tableau est appréhendé "comme lieu d’apparition potentiel de l’image". La série Polaroïd réalisée à partir de 2006 contenait déjà cette notion mais d’une manière plus littérale. Chez Hugo Schüwer-Boss, la peinture se produit toujours de cette manière : quelque chose semble se dessiner dans une suite plus ou moins ordonnée de manipulations, de réactions chimiques. Ces deux ou trois dernières années, le travail d’Hugo Schüwer-Boss s’est émancipé des questions d’emprunt au réel, du moins en ce qui concerne la composition. Comme si l’artiste avait effectué une boucle, un retour sur lui-même : retour à ses toutes premières peintures, à des événements plus lents, plus processuels. Les questions qui caractérisaient ce travail — manipulation de signes, des référents artistiques — se sont comme estompées. "L’idée que tous les moyens sont bons pour faire une peinture me plaît, indique Hugo-Schüwer Boss dans un entretien avec Timothée Chaillou : cela ramène les choses à ce qu’elles sont. Les tableaux restent des tableaux quelles que soient leurs sources, leurs ambitions. Ce qui me paraît important est que les protocoles, les méthodes, tout comme les formes et les médiums de l’art, sont des véhicules qui nous servent à parler d’autres choses." (Archistorm n° 50, septembre/octobre 2011). Alain Coulange A propos de l’exposition "Dorian" septembre 2015

http://hugoschuwerboss.com

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Le Masque magique, 2015, acrylique et paillettes sur toile, 30,5 x 22,5 cm


Claire Tabouret Née en 1981 à Pertuis, elle vit et travaille entre Paris et Los Angeles. Elle est diplômée de l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 2006. Expositions personnelles (sélection) : en 2016 : Sparkling Ghosts, Museo Pietro Canonica a Villa Borghese, Rome, Because of You, Sade Gallery ; en 2015 : Les Débutantes, galerie Bugada et Cargnel, Paris, Duel au soleil, Le Parvis centre d'art contemporain, Tarbes ; en 2014 : Le regard, dedans, dehors, chapelle de La Visitation, Thonon-Les-Bains ; en 2013 : Prosôpon, galerie Isabelle Gounod, Paris, Les Insoumis, Agnès b, Paris, De l'autre côté, espace d’art contemporain Les Roches, Le Chambonsur-Lignon, Sous les eaux, Voyons voir, Art contemporain et territoire, Aix-en-Provence ; en 2012 : C'était le printemps, Yishu 8, Pékin (Chine), L'île, galerie Isabelle Gounod, Paris. Expositions collectives très récentes : en 2016 : À quoi tient la beauté des étreintes, FRAC Auvergne, Clermont-Ferrand, W/W - Art, Femmes et Guerre, maison des arts plastiques Rosa Bonheur, Face to Face, musée d'art contemporain de Salerne, Portrait de l'artiste en alter, FRAC Haute-Normandie ; en 2015 : Des visages, des figures, FRAC Auvergne, Who's afraid of picture(s)? 2, à cent mètres du monde, Perpignan, Un regard sur la collection d'Agnès b., LaM - Lille métropole musée d'Art moderne, d'Art contemporain et d'Art brut, Villeneuve d'Ascq, Collection Philippe Piguet, une passion pour l'Art, L'Abbaye espace d'art Contemporain, Annecy-le-Vieux, Traits d'esprit, galerie du Jour - Agnès b., The C Art Collection, Carnelutti, Milan, Close to me, centre pédagogique Rennes Beaulieu, Portraits from the École des BeauxArts Paris, Drawing Center, New York, Who's afraid of picture(s)?, Ecole supérieure d'art et design, Grenoble. Collections : Agnés b., artothèque de Caen, collection Pinault, fondation Colas, fondation Claudine et Jean-Marc Salomon, fonds municipal d'art contemporain de Pontault-Combault, FRAC Auvergne, FRAC Haute-Normandie.

En résidence en 2010

L’intime est l'arc existentiel qui, du dedans au dehors, entre identité et altérité, relie toutes ses figures

Tombée en peinture à l'âge de quatre ans devant Les Nymphéas de Claude Monet, Claire Tabouret se revendique de cette pratique, qu'elle peigne, dessine ou réalise des sculptures en céramique. Figuratif, son travail par couches et transparences, où se mêlent aplats, épaisseurs et fluidités, donne à voir une réalité mouvante. L'artiste travaille à partir de photographies, aussi bien des archives personnelles que des clichés anonymes récoltés au fil de ses recherches, et s'empare de figures figées dans un espace-temps indéfinissable, pour avancer une nouvelle lecture de leurs présences et de leurs apparences. Dans la série des Maisons inondées qui l'a fait connaître, aucune présence humaine, juste l'inquiétante masse des habitations abandonnées se dédoublant dans l'eau. Puis, dans la série des Migrants, c'est également dans cette posture stagnante que l'on peut observer les embarcations de migrants que Claire Tabouret peint à l'arrêt, le moteur coupé et relevé au-dessus d'une eau dormante et noire. Certains visages sont tournés face au spectateur, dans une attitude franche mais hermétique, et semblent nous renvoyer à notre propre regard et interroger la pertinence de celui-ci. À la suite de ces séries plus ou moins directement et consciemment inspirées par des faits divers, le travail de Claire Tabouret s'est tourné encore plus radicalement du côté de la figuration des personnages, s'éloignant des lieux hantés par leur présence invisible, pour représenter des portraits de groupes d'enfants ou d'adolescents, de grand format. Habitée par certains personnages, le besoin de ne pas les lâcher, de les cerner plus précisément a poussé l'artiste à les retravailler individuellement en les isolant, sur des toiles de petit format ou à l'acrylique sur papier, ou en leur donnant corps dans des bustes de céramique. Chez Claire Tabouret, le portrait, qu'il soit de groupe ou individuel, est un genre vivace, à tel point qu'il devient vénéneux, vindicatif, revendicatif. Les personnages sont extraits de leurs environnements, de leurs contextes et de leurs repères, et propulsés au cœur d’un espace pictural énigmatique, sombre et embarrassant. L'intime est la dynamique fondamentale de la démarche de Claire Tabouret. Le spectateur le perçoit, le ressent même parfois avec inconfort, dans les visages aux airs butés de ses personnages, qui suggèrent une forte vie intérieure. L'artiste nous fait ainsi entrer dans la matière même de scènes capturées et reformulées. Au fil des toiles, elle déploie un univers chargé d'histoires, de souvenirs et de possibles projections. L'intime est l'arc existentiel qui, du dedans au dehors, entre identité et altérité, relie toutes ses figures, qu'elles soient peintes, dessinées ou sculptées, aux regards qui s'y portent. Galerie Bugada & Cargnel, Paris

http://clairetabouret.com

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Portrait de l’artiste à travers Picabia, 2015, gouache et crayons de couleur sur papier, encadré, 66 x 52 x 2 cm


Sarah Tritz Sarah Tritz est née en 1980. Elle vit et travaille à Paris. Diplômée de l’École des beaux-arts de Lyon en 2004, son travail se caractérise par les croisements stylistiques et temporels, par l’appropriation d’objets et de références hétéroclites, voire opposés. Dans ses œuvres, l’abstraction côtoie la figuration, le dessin mène à la sculpture, la Renaissance italienne flirte avec les objets chinés ou encore le minimalisme américain jouxte des sculptures de style primitif. Ces ruptures stylistiques amènent à une gymnastique mentale qui révèle au regardeur sa propre perception. Elle vient de présenter une exposition personnelle Diabolo mâche un chewing-gum sous la pluie et pense au cul à la fondation d’entreprise Ricard sur une proposition de Claire Moulène et une monographie vient de lui être consacrée par les éditions Tombolo Presses. Son travail a été montré à l’occasion d’expositions personnelles telles que L’œuf et les sandales au centre d’art contemporain le Parc Saint-Léger (2014), Une femme de trente ans à la galerie Florent Tosin à Berlin (2013) ; Capriccio cherche comtesse à Bétonsalon à Paris (2008)... Ses œuvres ont également été présentées dans le cadre d’expositions collectives dans divers lieux tels que le musée d’art contemporain de Lyon, le FRAC Limousin, la Friche la Belle de Mai à Marseille, le Lieu Commun à Toulouse… Elle a également été la commissaire de deux expositions en 2015 : Bricologie, la souris et le perroquet à la Villa Arson, Nice et Magnifiquement aluminium à la galerie Anne Barrault, Paris. Plusieurs critiques et commissaires d’exposition ont écrit sur son travail, parmi lesquels Paul Bernard, Béatrice Méline, Claire Moulène, Sandra Patron, Julie Portier, Elisabeth Wetterwald,…

En résidence en 2012

Sarah Tritz offre la place nécessaire au visiteur pour évoluer physiquement dans l’espace, mais aussi pour y ajouter ses propres images mentales

Les expositions de Sarah Tritz s’appréhendent comme des ensembles de fragments. Ces fragments sont des sculptures, des bas-reliefs, des peintures, des dessins, eux-même composés par assemblage. Les productions graphiques fonctionnent comme points de fuite des expositions. Elles captent le regard du visiteur, et encouragent sa déambulation dans l’espace. Certaines officient à la façon de fenêtres sur un ailleurs, et invitent à la projection mentale vers d'autres étendues. Ainsi, œuvres sur papier et sculptures se complètent dans les expositions, mais aussi dans la pratique de Sarah Tritz. En effet, chaque typologie d'œuvre demande une temporalité de travail différente. Là où les grandes sculptures nécessitent un long travail de préparation, les productions graphiques s'insinuent au contraire dans le quotidien de l'artiste. L’ensemble de ses œuvres sur papier s'organise en plusieurs fratries, avec pour point commun un lien à la représentation du corps fragmenté : - Les "représentations" reprennent fidèlement des formes d’objets ou de corps épurées. - Les "corps stylisés", représentent des corps archétypaux qui deviennent surface. Ces corps désincarnés offrent un contre-point à ceux organiques et défectueux, plus généralement reproduits par Sarah Tritz. - Les "citations" sont des représentations de mémoire - ou à partir d'images - d'œuvres d'autres artistes (Portrait de l'artiste à travers Picabia, d'après La mariée de Picabia). Sarah Tritz se saisit pleinement des œuvres choisies, sans soucis de véracité. Ses réappropriations sont à apprécier comme des hommages sauvages et passionnés. - Les "collages" sont constitués de rebut de papiers, de contre-formes, de dessins ratés qui sont recadrés, puis assemblés. Dans la pratique de l’artiste tout ce qui constitue le défaillant ou le handicap mérite sa place. - Enfin, les "fonds" se proposent comme des espaces de projection où nous pouvons placer mentalement les corps des personnages croisés dans les autres ensembles. Sarah Tritz pratique le montage. Elle prélève des morceaux du monde qui l’entoure à la façon d'un Frankenstein enfanté par Paul Thek et Helen Frankenthaler : la forme des poignées de porte du musée d'Art moderne de Paris par ici, une carnation atypique croisée dans le métro par là, la photocopie d'une page de catalogue de Cathy Wilkes enfin. Cette construction par ajout se lit individuellement dans les œuvres, mais permet aussi de nouer plus précisément différents scenarii entre les pièces, et les expositions. Cependant, ces montages ne sont jamais achevés. Sarah Tritz offre la place nécessaire au visiteur pour évoluer physiquement dans l’espace, mais aussi pour y ajouter ses propres images mentales, ou pour achever en pensées les corps fragmentés représentés. Ainsi les œuvres de Sarah Tritz s’adressent franchement à l’autre. Elle l’invite à dialoguer, à compléter l’œuvre, pour que celle-ci, enfin, soit entière. Émilie Perotto

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Granite, 2015, huile sur toile, 55 x 70 cm Washakie, 2015, huile sur toile, 55 x 70 cm


Marine Wallon Ses peintures striées et vibrantes cherchent à créer un égarement visuel, accentué par le bégaiement de l’image

Images déformées d’objets réels ou de paysages, images récupérées, phénomènes optiques, les œuvres de Marine Wallon explorent le médium pictural à travers différents supports : toile, brique, aluminium, papier, etc. L’usage de ces techniques et matériaux divers questionne le lien de la peinture à l’image et au fragment. Marine Wallon convoque amplement des références inhérentes au cinéma, à la littérature et à la photographie. C’est en interrogeant la mémoire des images qu’elle explore la peinture au plus profond de son architecture, au sens structurel : montage, temps, espace. De ses œuvres en deux dimensions aux œuvres picturales en volume, l’aphorisme godardien "Ce n’est pas une image juste, c’est juste une image" résonne en boucle. Au sein de ces différents modes de traitement, ce sont les bouleversements des techniques et des médiums qui sont directement mis à l’épreuve. Au-delà de l’image et de son apparente déstructuration narrative, les œuvres de Marine Wallon plongent et remontent à la surface de l’image afin de combler un vide. Quelle image choisir ? Comment trouver "sa propre image" ? Convoquant un travail du regard, les œuvres de Marine Wallon nous mettent face à ces choix et à cette responsabilité. Le brouillage des frontières temporelles de ses œuvres évoque un "éternel présent" aboutissant à une image-pensée qu’il faut percevoir, sentir, appréhender sous ces multiples facettes. Marine Wallon constitue des objets-peintures dans lesquels le flou et le déplacement opèrent et jouent avec le fantasme inhérent au mouvement des images. Images liées à une mémoire collective, cette quête perpétuelle de l’image oubliée et perdue semble trouver son parallèle dans l’inévitable besoin de rapprocher l’image en mouvement avec la peinture. Jean-Luc Godard, penseur permanent de son médium et de son temps, a opéré une pensée en mouvement au travers de ses Histoire(s) du cinéma. Godard n’oublie pas qu’une image + une image = une troisième image : c’est là le principe central, le bloc moteur d’Histoire(s), gigantesque travail de collage et de juxtaposition. "De par sa matière, qui est à la fois du temps, de la projection et du souvenir, le cinéma peut faire une échographie de l’Histoire en faisant sa propre échographie. Et donner une vague idée du temps et de l’histoire du temps. Puisque le cinéma, c’est du temps qui passe. Si on se servait des moyens du cinéma – qui est fait pour ça –, on obtiendrait un certain mode de pensée qui permettrait de voir les choses. Mais on n’en veut pas, on préfère parler et avoir de mauvaises surprises. L’homme est un animal spécial qui aime bien vivre dans le malheur, qui se bourre de chocolat pour être malade quand il est en bonne santé. Comme l’analyse, née au même moment, est une façon de dire, le cinéma est une façon de voir."1 Extraits du texte Le mirage des images par Marianne Derrien, 2015 1- Entretien de Jean-Luc Godard, Les Inrocks, 1998

http://marinewallon.com

Née en 1985, elle vit et travaille à Paris. Elle est diplômée de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 2009, atelier Philippe Cognée. Parmi ses expositions personnelles, on peut noter en 2015, Hey, cut ! à la Under Construction Gallery, Paris, en 2009, Entre chien et loup, à l’ENSBA de Paris. Marine Wallon participe aussi à de nombreuses expositions collectives dont : en 2015 : Christmas Party#01-bibliothèca, curator Aurélie Faure aka Katarina Stella, Under Contruction Gallery, Paris ; Early Work Meets Appartement, curator Timothée Chaillou, Appartement, Paris ; Slick Art Fair, Paris ; A distance convenable, curator Point Contemporain, Under Construction Gallery, Paris ; en 2014 : The Illusion of Life, manoir de Soisay, parc régional du Perche ; Saxifraga Umbrosa II, curator Marianne Derrien, Futur II, La Générale en Manufacture, Sèvres ; Pense-bêtes, Collection#1, curator Sandra Aubry & Sébastien Bourg, galerie de Roussan, Paris ; Inaugurons avec faste un bocal à poisson rouge, curator M. Delage de Luget, Kurt-forever, Paris ; en 2013 : Saxifraga Umbrosa, curator Marianne Derrien, Espace Lhomond, Paris ; en 2011 : Novembre à Vitry, galerie municipale Jean-Collet, Vitrysur-Seine ; Poissy Talents, centre de diffusion artistique, Poissy ; La carte, Le 6b, SaintDenis ; Le Pilonnage de l’Interrogatoire, hôtel de Sauroy, Paris ; en 2009 : Salon de Mai, Espace Commines, Paris ; Mémory, Anis Gras, Arcueil. A noter qu’elle est lauréate en 2008 du prix Print and Paper, SMFA Boston, (États-Unis) et qu’elle obtient la même année une Bourse Collin Lefrancq pour la School of the Museum of Fine Arts of Boston, (Etats-Unis). Son travail a donné lieu à plusieurs publications dont La Belle Revue 2014, le Catalogue de l’exposition Saxifraga Umbrosa avec un texte de Marianne Derrien en 2013, La poésie pour quoi faire ?, Presses universitaires de Paris Ouest (en collaboration avec les PUF) en 2011.

En résidence en 2013

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post-scriptum Ce catalogue a été édité à l’occasion de l’exposition "Dix ans de résidences à Chamalot", à la résidence du 10 au 31 juillet 2016, commissariat Marion Delage de Luget. REMERCIEMENTS : galerie Attic (Bruxelles), galerie Anne Barrault (Paris), galerie Bugada & Cargnel (Paris), galerie Alain Coulange (Paris), galerie Djeziri-Bonn (Paris), galerie Isabelle Gounod (Paris), galerie Bernard Jordan (Paris), galerie Klemm’s (Berlin), galerie Les Montparnos (Paris), galerie Virginie Louvet (Paris), galerie Maksla XO (Riga, Lettonie), galerie Greta Meert (Bruxelles), galerie Maïa Muller (Paris), galerie Odile Ouizeman (Paris), galerie Gregor Podnar (Berlin), galerie Lily Robert (Paris), galerie Sator (Paris), galerie Semiose (Paris), galerie Super Dakota (Bruxelles), galerie Triple V (Paris), galerie Valentin (Paris). Les membres des comités de sélection : Didier Arnaudet, Caroline Bissière, Jean-Paul Blanchet, Christian Garcelon, François Mendras, Yannick Miloux, Philippe Pée, Antoine Réguillon. Les membres du Conseil d’Administration : Michel Castaignet, François Mendras, Stéphane Muracciole, Philippe Pée et Christine Surel-Pée (fondateurs de la résidence), Elisabeth Raffy, Caroline Sers, Olivier Sers, Joëlle Zessler. Les adhérents et mécènes de l’association. Nos partenaires au fil des années : bibliothèque d’Egletons, Centre d'art contemporain de Meymac, CAUE 19 (Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement de la Corrèze), CCS (cinéma d’Egletons), festival de La Luzège, FRAC-Artothèque du Limousin, Kurt forever (Saint-Denis), Le Chant des Possibles Productions, Léz’Art et Salamandre, librairie Préférences (Tulle), librairie Vivre d’Art (Meymac), lycée Caraminot (Egletons), Peuple et Culture (Tulle), Prix de peinture de la ville de Vitry-sur-Seine, Ville d'Uzerche, SNCF (gares de Meymac, Tulle, Ussel, Uzerche, Egletons). AIDES : L’association fonctionne grâce au soutien moral et financier du ministère de la Culture (DRAC AquitaineLimousin-Poitou-Charentes), de la Région Aquitaine Limousin Poitou-Charentes, du Département de la Corrèze, de la Communauté de communes de Ventadour, de la commune de Moustier-Ventadour, de l’Europe (programme Leader). L'association Chamalot-Résidence d'artistes fait partie de Cinq/25 - Réseau art contemporain en Limousin. IDENTITE VISUELLE ET CHARTE GRAPHIQUE : Agence Voyez Large (Rennes) CREDITS PHOTOGRAPHIQUES : © Les artistes à l'exception de : Nicolas Brasseur (p. 68), Sylvie Chan-Liat (p. 74), Sarah Duby (p. 28), Rebecca Fanuele (p. 8), Damien Faure (p. 94), galerie Maksla XO (Riga, Lettonie) (p. 22), galerie Pifo (Pékin) (p. 100), Florian Kleinefenn (p. 106), Annette Kradisch (p. 50), Jean-Christophe Lett (p. 30), Aurélien Mole (p. 14, 48, 82, 102), André Morin (p. 80, 98), Lison Nissim (p. 72), pcp (p. 52), Nicolas Pfeiffer (p. 70), Illés Sarkantyu (p. 34), Bernhard Strauss (p. 58), Joshua White (p. 104). PRODUCTION DES ŒUVRES : FRAC Aquitaine (p. 96) Avec la patronage de la Commission nationale française pour l'UNESCO. Moustier-Ventadour

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© Chamalot - Résidence d’artistes Les artistes / Les auteurs Tous droits de reproduction réservés pour tous les pays ISBN : 978-2-917684-12-2

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Dépôt légal : juin 2016



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