L'Intense et l'Infime

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L’Intense & l’Infime

ÉTUDIANT(S) TITRE

RAMBAUD Charles-Henri L’Intense et L’infime

MARCH ARCH

S10 17-18

Promo

UNIT

UE101A - PROJET 10 PFE - MEM (My Ethique Maïeutique)

RESP.

DESEVEDAVY G.

ENCADREMENT

DE. PFE

BOUCHARD J.L.

BOUTIN NEVEU L. , FIORI S.

PROJ

DE. MEM

HAYET W.

REGNAULT C. , COUTURIER B.

ALT

© ENSAL



L’Intense & l’Infime

Analyse

Genèse

APPROCHE ANALYTIQUE

Eprouver l’intense

APPROCHE SENSIBLE

Révéler l’infime

Avant-Propos Les espaces invisibles, premiers questionnements Un territoire, une méthodologie

5 7 9

Historique de la construction et identité du lieu Topographie & Géographie. Le rapport au sol et le rapport à l’eau La place Pôle multimodal Symboles

13 21 25 29 31

La beauté de la solitude Traversées

33 41

Conception PARTI PRIS

Restitution

UN PROJET

Simultanéités

MUTABILITE

Envisager l’infime

Déconstruire. Amorce de résilience Restitution. «Observer pour garder»

45 47

Un nouveau parvis, place Louis-Armand

57

Bousculer

61

Lien vers panneaux projet http://www.charles-henri.com/ensal/pfe/ RAMBAUD-CHARLES-HENRI-PFE2018.pdf Photo de couverture source: SNCF MEDIATHEQUE ©Lucien Delille

Publication réalisée par © Charles-Henri Rambaud. 2017-2018 Éditions © Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon


Remerciements l’enseignement Jean-Louis Bouchard / Gilles Desèvedavy / Sandra Fiori / Laurent Boutin-Neveu / Cécile Régnault le contenu Juliette de Beaupuis Daumas, Gares & Connections / Sandra Fulmer, SNCF Mediathèque / Chérifa Beniken, SNCF SFR / Claude Lebreton, AREP / Sarah Vincent, RATP l’intense & l’infime Stefanie Buard / Emeraude Desmet / Lorraine Baudry / Adrien de Lassence / Paul Lauro / Jean-Paul Rambaud / Florent Boyer / David Salou / Julien Croitoru / Axel Schoenert architectes En mémoire de Franck Sabatier


GENESE Avant-Propos L’Intense & l’Infime, réflexion sur le réaménagement du parvis de la Gare de Lyon à Paris est le fruit d’une année d’études sensibles, pragmatiques et prospectives d’un territoire dont le centre est la place Louis-Armand à Paris. C’est avant tout un investissement dans le domaine d’étude ALT (Pratiques Alternatives & Emergeantes) ayant pour but d’apporter un autre regard sur une pratique du projet architectural. Architecte d’intérieur de formation initiale puis étudiant en FPC (Formation Professionnelle Continue), j’ai fait le choix d’intégrer un tel domaine d’études afin de bousculer. Requestionner la pratique architecturale d’un point de vue général, c’est l’objet de ce domaine d’étude. Mais surtout bousculer une pratique qui m’est propre. En effet, ayant connu pendant plusieurs années le salariat en agence(s) d’architecture, ce qui m’a notamment enrichi d’une certaine « manière de faire l’architecture » (apprentissage hérité d’une école de pensée développé dans mon rapport d’activité professionnel ), je souhaitais avec cette dernière année de formation au sein de l’ENSAL prendre le risque de bousculer des acquis. Prendre le risque de me perdre également, en vue de faire émerger ce qui sera le début d’une pratique future. C’est dans cette dynamique que je me suis intéressé au quartier de la gare de Lyon à Paris pour les raisons suivantes. La première est le rapport personnel entretenu avec le lieu. Résidant à Paris pendant toute la durée de la formation, j’ai arpenté ce territoire à des horaires décalés et récurrents, ce qui m’a conféré une appréhension particulière du site. Charles-Henri Rambaud, « Rapport d’Activité Professionnelle » (Ecole Nationale d’Architecture de Lyon, 19 mai 2018).


Croquis de la faรงade Hall 1 Vue depuis le parvis


La seconde est le dialogue complexe que le site entretient avec ses différents rapports d’échelles compte tenu de sa complexité, confrontant en quelques pas d’arpentage l’échelle du détail d’un objet anodin, à l’échelle urbaine (ouvrant même sur l’évocation d’une grande échelle territoriale). In fine, l’aboutissement du projet l’Intense et l’Infime (‘aboutissement’ bien que ce dernier prône paradoxalement un état en constante mutation/ évolution) est une rencontre intime avec un territoire « commun ». C’est une rencontre avec un territoire du quotidien qui remet en question la connaissance que l’on a de ce dernier autant que la manière de le vivre.

Les espaces invisibles premiers questionnements En 2017, dans une émission invitant des personnalités à présenter leur mesure phare s’ils étaient Président, l’architecte Corinne Vezzoni exposa sa volonté «d’interdiction de délivrance de permis de construire» (dans le cadre de terrains n’étant pas déjà construits afin de stopper l’expansion urbaine). Bien qu’affirmée de manière directe, cette proposition nous invite à nous questionner sur ces nombreux espaces de l’indiférence et du délaissé; ne seraient-ils pas en effet les territoires fertiles pour l’architecture de demain? Nous pouvons nous interroger sur tous ces espaces réappropriés par des populations en grand besoin d’architecture (et bien d’autres...) que nous pourrons d’après les principes de Foucault, considérer comme des Hétérotopies: «Juxtaposition de plusieurs espaces normalement incompatibles» . Parallèlement à ces questionnements, dans le cadre d’une exposition ayant eu lieu en 2017 au musée de la Nature et de la Chasse intitulé Cartographie le Vivant , Alexandra Arènes et Sonia Levy ont présenté un travail d’analyse cartographique réalisé sur le territoire de Belval. Ce travail, en collaboration avec des nombreux savants et sachants de l’étude de la faune et la flore, a permis de générer une cartographie innovante et alternative ciblée sur les «invisibles», les espèces animales du territoire de Belval. Cette étude s’est nourrit de données artistiques, Michel Foucault et Daniel Defert, Le corps utopique suivi de Les hétérotopies (s.l.: Nouvelles Editions Lignes, 2009), 29. Alexandra Arènes et Sonia Levy, « Cartographier le vivant » Billebaude-sur les traces du vivant, no 10 (Juin 2017), http:// www.chassenature.org/decouverte/revue-billebaude/.

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Photo du parvis Place Louis-Armand


sensibles et scientifiques afin d’apporter une vision ambivalente et cosmopolite. Au delà du simple résultat cartographique croisant des données de diverses natures, réside la question de l’invisible dans la ville, du territoire partagé et de la « surabondance » des territoires croisés décrite par Marc Augé ( NonLieux )

distendus sans grâce s’éffaçant devant la grande façade en pierre de Marius Toudoire.

Fort de ces questions, il serait intéressant d’étudier ces territoires des invisibles de l’urbain ainsi que les espaces, virtuels ou réels, auxquels ils renvoient. Ils sont à la fois fermément rattachés à un quotidien, une récurrence (d’expérimentation sensorielle de l’espace) et aspirent également à une spatialité très lointaine par ce qu’ils évoquent ou racontent. Entre récits, impressions et ambiances (visuelles, sonores, etc.) arrachés à la ville et ses usagers, ces regards prompts mais fantômatiques peuvent-ils nous faire réconsidérer la spatialité et générer de l’architecture? De l’invisile au tangible. L’Intense & l’Infime.

Entre 2014 et 2018, dans le cadre de la formation professionnelle continue que j’ai suivie à l’ENSAL, j’ai été améné à arpenter le quartier de la Gare de manière récurrente à des horaires décalés. Résident à Paris j’ai effectué ce trajet à un rythme hebdomadaire durant quatre années, empruntant plusieurs dizaines de fois le parvis et ses abords quelques heures avant l’aube et en début de soirée. Plusieurs choses m’ont fortement interpellé dans cette «relation» qui s’est créée entre la gare, son parvis et moi. En premier temps, un décor: la ville revêt toujours des visages surprenants durant les horaires décalés. L’urbain se livre à des spectacles, des histoires et des annecdotes tantôt inquiétants, tantôt poétiques. Le rue se transforme et affiche des attitudes insoupçonnées. En second temps, la récurrence: les séquences démultipliées que nous vivons dans ce rapport à la ville confèrent à l’espace une atmosphère rassurante, mais l’inscrivent dans une dimension statique. Vivre sans cesse une même scène ou un même trajet, bien que jamais parfaitement identiques, nous ferait presque oublier de remettre en question ce que nous voyons, admettant ainsi le bon-sens comme le non-sens.

Un territoire, une méthodologie Territoire. Le parvis, une expérience de la récurrence La Gare de Lyon; un bâtiment repère de la ville de Paris avec son beffroi de 67 mètres de hauteur. Ses environs; le quartier des Quinze-Vingt, où fourmille quotidiennement une foule hétéroclyte composée de parisiens, de voyageurs et de touristes. Son parvis enfin; une place au contours Marc Augé, Non-Lieux. Introduction à une Anthropologie de la surmodernité, Editions du Seuil, s. d.

C’est sur ce territoire complexe que le projet l’Intense et l’Infime prend place. Un territoire en perpétuel mouvement aisément identifiable par certaines de s ves composantes fortes.

Entre regard objectif et subjectif, notre acuité aux éléments de la récurrence est-elle différente?

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C’est cette relation liée à la récurrence qu’il m’a paru bon d’interroger afin d’aborder ce territoire. Comment perçoiton la ville dans cette répétition. Entre regard objectif et subjectif, notre acuité aux éléments de la récurrence est-elle différente et si oui, que peut-elle nous apporter ? Approche méthodologique. Simultanéités. Au coeur de cette expérience de la récurrence, il m’a semblé intérressant de mettre à profit des éclats et fragments sensibles collectés durant et après ces trajets à travers le parvis. Récits, dessins, relevés photographiques et sonores, recompositions visuelles; la collecte et la création de données sensibles peut-elle apporter une autre interprétation du lieu? Dans ce site en perpétuel mouvement, cette gigantesque machine de transports que l’on nomme pôle multimodal, y’a t’il la place pour des données sensibles, l’infime?

Peut-on envisager de faire dialoguer deux approches différentes: sensible d’une part, analytique et pragmatique d’autre part?

Une simple approche analytique suffirait-elle à repenser le parvis? Peut-on envisager de faire dialoguer deux approches différentes: sensible d’une part, analytique et pragmatique d’autre part? Plus encore, pourraiton envisager avec une telle démarche de ré-inventer le parvis en éllaborant une nouvelle façon de «faire» le projet architectural et urbain? Cela n’est nullement garanti, néanmoins il sera intéressant d’observer ce qui pourra émerger (une architecture, une démarche, un processus, ...) d’une telle recontre, rencontre entre l’intense et l’infime.

Les pages qui suivent présenteront successivement chacune de ces démarches ( «éprouver l’intense» et «rencontrer l’infime»), puis envisageront en guise de résultats une proposition pour le ré-aménagement de la place Louis Armand.

La place Louis Armand située au coeur de ce territoire, parait être une clé de voûte fébrile et inconsistante de tout cet ensemble. La complexité du lieu semble étouffer la place, et lui confère une sorte d’anonymat la faisant presque disparaitre. Combien savent quel est le nom de cette place? Cette complexité réside dans ces rapports qu’entretiennent ses nombreuses fonctions, son histoire, sa topographie et sa position symbolique d’entrée de ville.

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Vue sur le beffroi depuis la Gare d’Austerlitz Vue sur le beffroi depuis le boulevard de la Bastille


EPROUVER

L’INTENSE

Historique de la construction et identité du lieu Afin de comprendre l’état actuel du parvis de la Gare de Lyon, il convient de faire lumière sur les nombreuses transformations qui se sont succédées dessinant ainsi la Gare et ses environs tels que nous la connaissons aujourd’hui. Sans trop rentrer dans une analyse historiciste poussée qui nous éloignerait de notre objectif premier, voici une lecture concise et chronologique des événements importants de la fabrication du site permettant de comprendre comment celui-ci s’est constitué. Actuellement la gare se compose de 3 Halls dont 2 aériens et 1 souterrain, dont les accès se font par la place Louis-Armand et le boulevard Diderot au Nord pour le Hall 1, la place Henri Frenay au Nord-Est pour le Hall 2 et la rue de Bercy au Sud-Ouest pour le Hall 3. Le plus ancien de ces trois Halls est le Hall 1 remarquable pour son beffroi de 67m de hauteur et pour abriter au premier étage le restaurant « Le Train Bleu », classé aux monuments historiques notamment pour la qualité de ses décors peints. Mais avant même la réalisation du Hall 1, l’embarcadère de Lyon, réalisé en 1847 par

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Le parvis de la gare de Lyon en 1950 source: SNCF Médiathèque

La gare de Lyon en 1986 ©Michel Henri / source: SNCF Médiathèque La gare de Lyon vers 1900 ©Frères Séeberger / source: diffusionRMN

L’ embarcadère de Lyon source: www.lepoint.fr

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1847

1900

XXe s.

l’architecte François-Alexis Cendrier se dressait à l’emplacement de l’actuelle gare, néanmoins à une altimétrie inférieure (à niveau avec le boulevard Diderot). Ce n’était qu’un bâtiment provisoire réalisé en bois en attente de destination définitive. La Compagnie du Chemin de Paris à Lyon à la Méditerranée (PLM) avait le désir initial d’implanter la gare à la Bastille en raison de la présence (à l’époque) de la prison Mazas située entre l’actuel Boulevard Diderot, avenue Daumesnil et rue Traversière. La rue de Lyon fut alors tracée afin de relier directement la Bastille à la gare. En 1855, la gare fut reconstruite par François Alexis Cendrier pour des raisons d’adaptabilité au trafic croissant. C’est à cette date que fut érigé le promontoire sur lequel elle se trouve actuellement, d’une hauteur de 6.5m, afin de pallier aux problématiques d’inondabilité. La gare comprenait 5 voies dans un volume de 220m de long par 42 de large. Le bâtiment du Hall 1 tel que nous le connaissons aujourd’hui, avec ses 13 voies, a été bâti en 1900 dans le cadre de l’exposition universelle par l’architecte Marius Toudoire. Il est composé du bâtiment principal faisant face à la place Louis-Armand, du beffroi (Tour de l’horloge) et d’une aile latérale notoire pour l’une de ses fresques murales peinte par Jean-Baptiste Olive, la salle des fresques (aussi nommée salle des guichets). Ce nouveau bâtiment conserve cependant l’ancien Hall des arrivées jouxtant le beffroi (situé à l’actuel emplacement de l’hôtel Novotel). Nous pouvons également noter la présence du bâtiment Mistral, ancien bâtiment administratif, construit le long du parvis (accueillant aujourd’hui l’AFD) qui permit de faire « rempart » à la zone Sud-Ouest du quartier ; ce dernier possédant plusieurs modénatures à l’effigie des destinations de la gare, lui conférant par ce lien un important rôle urbain. Au cours du vingtième siècle, la gare, le parvis et le quartier connurent d’importantes transformations. Les transformations les plus importantes étant (chronologiquement) les suivantes : • Construction de la verrière du Hall 2 - 1927, • Démolition du Hall des arrivées - 1973, • Construction des gares souterraines du RER, du Hall 3 et du tunnel automobile Van-Gogh - 1976, • Construction de la ligne de métro 14 - 1998, • Rénovation et extension des Halls 2 & 3 - 2013 • Extension de la salle des fresques (en cours).

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Travaux du Hall 3 en 1980 ©Christian Delemarre source: SNCF Médiathèque Travaux du RER vers 1976 source: SNCF Médiathèque

Le parvis de la gare de Lyon en 2005 ©Sylvain Cambon / source: SNCF Médiathèque Le parvis de la gare de Lyon vers 2010 source: www.neverends.net

Le parvis de la gare de Lyon en 2005 ©Sylvain Cambon / source: SNCF Médiathèque


L’ensemble de ces transformations eurent et ont encore à ce jour d’importantes répercussions sur le parvis dont la forme a évolué au fil de chacune des transformations. Ce dernier mêlant initialement voie carrossable et piétonne, fut pendant la majeure partie du XXe siècle principalement destiné aux flux automobiles, avant de restituer progressivement dès les années 1970 davantage d’espace aux piétons. Le grand nombre de transformations qu’il a subi lui a, comme nous l’avons vu précédemment, conféré une forme (périmètre) distendue et peu lisible. D’autres répercussions furent observées également du fait de l’expansion de la gare : sur la densité construite en infrastructure d’une part, mais d’autre-part sur tout le quartier des QuinzeVingts qui lui aussi a muté en parallèle durant le dernier siècle. En effet, la partie sud-ouest du quartier des Quinze-vingts jouxtant les bords de Seine, anciennement quartier ouvrier de faible densité, a été reconverti dans les années 1970 en quartier d’affaires comprenant plusieurs tours de bureaux dont certaines allant jusqu’à plus de vingt étages. Cette partie du quartier, connait encore à ce jour d’importantes transformations. La partie Nord-ouest du quartier, anciennement le quartier de la prison Mazas, s’est transformé en quartier principalement résidentiel d’architecture à dominante Haussmannienne. Il habite quelques rues remarquables ou particulières telle la rue Crémieux composée de maisons de villes colorées et édifiées selon un gabarit identique, ou encore la rue d’Austerlitz presque exclusivement composée d’hôtels de quartier. Enfin à proximité Nord-Est, on peut remarquer la présence du Viaduc des Arts sur l’avenue Daumesnil, reconversion en 1990 par l’architecte Patrick Berger de l’ancien viaduc de la gare de Bastille (ligne de Vincennes) en promenade plantée et « conservatoire parisien de l’artisanat d’art » qui eut pour effet une importante valorisation de l’ensemble du quartier.

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Garre de Lyon HALL 2

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Garre de Lyon HALL 1 Novotel

Parvis 60

Vers Bastille

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Bâtiment Mistral

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Complexe hôtellier, bureaux (sur dalle) Transports et services de transports (sous dalle)

Hall des arrivées / démolie 1973

Quartier d’affaires / Ancien quartier ouvrier

Quartier résidentiel / Commerces / Hôtels de quartier

Place Louis-Armand


Le parvis de la gare de Lyon Vues depuis l’entrÊe Ouest du tunnel Van-Gogh et depuis le boulevard Diderot


Topographie & Géographie Le rapport au sol et le rapport à l’eau Dans une approche analytique du site environnant du parvis de la Gare de Lyon, il est nécessaire d’aborder sa topographie et sa situation géographique. Parmi les rapports immédiats que l’on a avec le site, cela fait presque unanimité auprès des personnes l’ayant traversé au moins une fois, c’est bien la situation topographique et géographique qui interpelle. L’accès aux quais de la Gare de Lyon est une ascension, depuis son environnement lointain jusqu’à son environnement proche : le parvis. Depuis la quasi-totalité des accès terrestres (voiture, bus, piéton), à l’exception du train, le site se découvre par la perception de signaux tantôt discrets tantôt forts. Le rapport au lieu se fait dans une vision en contre-plongée, dans un mouvement ascendant dont la traversée du parvis sera le point culminant.

Le rapport au lieu se fait dans un mouvement ascendant dont la traversée du parvis sera le point culminant. La Bastille, la Gare d’Austerlitz et le pont Charles-de-Gaulle. Toutes les provenances terrestres au parvis offrent une vue discrète, puis emphatique sur le beffroi qui symbolise « l’arrivée » sur ce promontoire à partir duquel se fera l’accès aux trains. La dernière ascension, celle du parvis,

est ressentie comme un dernier effort, empressé et laborieux (les trajectoires du parvis n’étant pas aussi franches que les trajectoires lointaines permettant d’y accéder). Ce cheminement vers la gare, dont l’issue est au pied du beffroi, possède une importance capitale dans la manière d’aborder le « voyage » dont il est question pour une grande partie d’usagers sur ce territoire. Les 6,50 mètres de dénivelé à franchir dans les 100 mètres (environ) du parvis sont probablement l’une de ses composantes principales. Ce n’est en effet ni la nature du sol, ni ses interactions avec les bâtiments et espaces mitoyens dont nous nous souvenons de prime abord, mais bien son dénivelé qui influe fortement sur le rythme et la cadence de nos pas, dans le sens de la sortie de ville comme celui de l’entrée en ville. Avec une certaine intuition, on s’effraie même à songer au gigantesque entremêlement de souterrains et infrastructures ayant comme incidence de « pousser » le sol (la recherche effectuée dans le cadre de cette étude démontrera que ce n’est là qu’une idée reçue). En dépit de nombreuses différences de rapports entre les immeubles du quartier, force est de constater que c’est bien le belvédère généré par ce promontoire qui est ressenti comme le point dominant. Entre dessus et dessous, aérien et terrestre, la ligne topographique interpelle sur une notion de dualité. Cependant ne l’oublions pas, comme évoqué précédemment, la butte sur laquelle se trouve la gare est artificielle, datant de 1855. Elle a été érigée par l’architecte François Alexis Cendrier lors de la seconde construction de l’embarcadère afin de pallier au risque d’inondations. Cette topographie artificielle démontrera son efficacité lors de la crue

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La rue de Lyon pendant la crue de 1910 source: www.thefunambulistdotnet-wordpress.com La place Louis-Armand pendant la crue de 1910 source: www.lescrises.fr

Emplacement du Parvis Inondations de Paris 1740 et 1910 source: www.lescrises.fr


Vue de l’escalier du parvis de la Gare de Marseille St-Charles source: www.voyagesbaudin.com

centennale de 1910 où la Seine, proche de quelques centaines de mètres à l’ouest, déborda de son lit jusqu’à un niveau record. Le parvis fut à cette date le seul espace public épargné des eaux de tout le quartier des Quinze-Vingt. En tout état de cause, toutes les constructions récentes dans le quartier doivent répondre au PPRI (Plan de prévention du risque inondation) de cette zone. Bien que le risque soit relativement mince, le promontoire du parvis de la gare de Lyon conserve un rapport à l’eau fort et symbolique. Nous pourrons souligner un positionnement similaire dans la gare de Marseille construite par Gustave Desplaces et agrandie par l’agence AREP, offrant depuis son parvis une vue sur la ville avant de relier la voirie par l’intermédiaire d’un escalier monumental compensant le dénivelé.

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Parvis et faรงade de la gare de Rotterdam Centraal Station source: www.arketipomagazine.it


La place Le parvis en tant que place. Le parvis dans sa spatialité. Avant la gare de Lyon, petit détours par les Pays-Bas. Ce qui surprend lorsqu’on arrive à Rotterdam par le Thalis, c’est le gigantisme. Gigantisme de cette gare contemporaine, ce mouvement architectural affirmé. Gigantisme qui, très rapidement, laisse place à une planéité apaisante. Transition. La tranquillité de la place est proportionnelle à la force du mouvement de l’ouvrage des architectes Benthem Crouwel + MVSA + West 8. Une place qui valorise le monolithe par son vide, sa respiration. Dans l’ouvrage L’entrée en Ville , Yannick Van Haelen et Judith le maire présentent, en utilisant l’exemple de la gare du Nord de Bruxelles, le parvis comme le lieux symbolique de l’entrée de ville, étant «rattaché à six référentiels: la ville productive, la ville capitale, la ville bourgeoise, la ville patrimoniale, la ville capitale et la ville internationnale». Il est assez aisé de conforter le parvis de la Gare de Lyon dans cette situation, cette énumération peut même suffire à illustrer la notion même d’ ‘intense’ à laquelle nous souhaitons confronter l’infime. Le parvis, situé en son coeur, pourrait-il être l’épicentre de cette rencontre? A juste titre, ils soulignaient avec l’exemple de la ville de Rome, qu’avant l’apparition des modes de transports mécanniques au XXe siècle, l’entrée de ville se faisait à pied, offrant au voyageur le temps de découvrir le payasage urbain avec la lenteur d’une vue qui se découvre au fil des pas. C’est bien ce type de temporalité que nous Thierry Debroux, Yannick Vanhaelen, Judith Le Maire, L’entrée en ville, consulté le 14 février 2018, http://evene.lefigaro.fr/livres/livre/thierry-debrouxyannick-vanhaelen-judith-le-maire-collectif-l-en-5035822.php.

pouvons questionner avec l’aménagement d’un parvis de Gare, que ce soit pour l’entrée ou la sortie. Est-il un rythme que le parvis doive imposer au voyageur? Concernant un autre aspect de la place et son environnement, Roberto Peregalli évoque dans son ouvrage Les Lieux et la Poussière les architectures «gigantesques» par leur présence, souvent construites sur des promontoirs: «Leurs dimensions étaient déterminées par nécessité et non par caprice. Ils invitaient au silence et à la patience [...] Ils formaient sur terre une constellation de points qui guidaient le voyageur.» Sur le parvis de la gare de Lyon, le gigantesque est très certainnement incarnée par la Tour de l’Horloge, beffroi haut de 67m. Dans une vidéo promotionelle réalisée durant les grands travaux des années 1970, la SNCF ira même jusqu’à lui donner la parole (personnification par le biais d’une actrice interprétant en voix-off les états d’âme de la tour) et la faire dialoguer avec un voyageur pressé. Aussi annecdotique soit cette séquence, elle témoigne de plusieurs points importants. En premier temps, témoignage du fait qu’avec la vitesse les gens s’arrêtent de moins en moins pour la regarder. Et en second temps, témoignage d’une perte d’intérêt pour la place en raison des nouveaux (en 1970) accès souterrains.

Roberto Peregalli, Les Lieux et la poussière.Sur la beauté de l’imperfection (Paris: Arléa, 2012), 72‑73.

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Vues sur le parvis et le bâtiment Mistral

Vues sur les accès au parvis


Soumission de l’espace urbain aux usages de la gare. Cette réflexion même succincte nous conforte dans notre analyse du parvis. Si celui-ci au début du siècle était un espace ouvert en continuité de la rue, ouvrant sur la façade de la Gare et du bâtiment Mistral, il n’est plus aujourd’hui qu’une large passerelle coupée de la rue par un envahissement de 2 roues et par la pose symbolique et mesquine d’une rangée d’arbres sur pot. De surcroît il empiète désormais sur la façade du bâtiment Mistral (la topographie des années 1970 ayant contraint certains accès du bâtiment Mistral), confortant cette idée de «soumission» de l’espace urbain aux usages de la gare. Entre 2 roues garés en grappes, taxis serpentant autours pour trouver une issue de secours et barrière végétale annecdotique, la Place Louis-Armand s’est perdue dans les flux de la gare et a oublié son rôle de centralité et de miroir des repères qui l’entourent. Néanmoins, les flux ayant tendance à augmenter, quelle mutations sommes-nous en mesure d’attendre du parvis de la Gare de Lyon? Opérer un ralentissement serait-il opportun? Une telle configuration se prête t’elle à l’aménagement d’une place classique qui pourrait redonner de l’ampleur au beffroi (du moins depuis l’environnement proche car depuis l’environnement lointain la perception du repère demeure intacte)? Une place pour les usagers de la gare? Une place pour les riverains? Quelle configuration envisager pour que le vide réponde simultannément à ces deux attentes?

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Encombrement de motos devant le parvis Croisement voies taxis et voies piĂŠtonnes


postal

012

Pôle multimodal Par quel biais aborder le parvis, et donc la gare en tant que pôle multimodal ? Nous ne rentrerons pas dans une étude exhaustive du fonctionnement de la gare et donc par répercussion du parvis tant ce serait une entreprise longue et fastidieuse, néanmoins il est important d’en saisir les points principaux pour mieux comprendre les enjeux d’une reconfiguration du parvis. En voici les grandes lignes. Une gare de trains gérée par Gares & Connexions reliant le sud-est de la France ainsi que 5 pays ( Allemagne, Espagne, Italie, Monaco, Suisse) pour ce qui concerne les grandes lignes, et une zone du réseau de banlieue de Paris Sud-Est. L’ensemble des départs se faisant par le biais de 22 quais en surface repartis dans deux Halls. La gare comprend également une liaison de trains de banlieue du réseau RER via un gare souterraine accueillant le RER A et le RER D. Feuille1

Les correspondances avec les autres moyens de transport pour rejoindre le centre de Paris se font tout d’abord par le métropolitain : deux lignes également en gare souterraine, la ligne 1 traversant Paris d’Est en Ouest et la récente ligne 14 permettant de relier notamment la Gare Saint-Lazare en quelques minutes. Les voies routières sont également très sollicitées: neuf lignes de bus de jour et douze lignes de bus de nuit reparties entre la rue de Bercy et le boulevard Diderot permettent de desservir une très grande quantité de quartiers intra-muros. En complément, les taxis, véhicules avec chauffeurs et autres services routiers sont également très présents tout

Nom de la gare

Code postal

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voyageurs 2016

Paris Gare de Lyon

75012

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% non voyageurs

voyageurs 2016

12,00%

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autours de la gare, autant sur le parvis que le long des rues adjacentes ou via des accès rapides sous le Hall 3. Enfin il manque à cette liste les nombreux accès piétons en provenance de la place de la Bastille, de l’avenue Daumesnil ou encore depuis la Gare d’Austerlitz située de l’autre côté de la Seine accessible depuis le pont Charles de Gaulle (à 10 minutes de marche). A ceux-là s’ajoutent les accès Vélib’ récemment ajoutés au pied du parvis, et les vélos dont l’accumulation sur les grilles de clôture du parvis confère un sentiment d’inadaptation de l’urbain par rapport à ses usagers. Si nous avons présenté rapidement la diversité de Feuille1 moyens de transports présents dans la gare, il faut souligner que tous ces modes de déplacement répondent principalement aux usages liés à l’activité de la gare, ainsi qu’à sa position géographique centrale. Suivant les études d’affluence menées par la SNCF ou encore les études urbaines telles que celles présentées dans le cadre de l’exposition sur le Baron Haussmann au pavillon de l’Arsenal , deux éléments importants sont à considérer pour le réaménagement du parvis, tout d’abord que les flux de passagers/ usagers de la gare ont tendance à croître (environ 5% tous les 2 ans. Source : SNCF), et que la marche à pied reste le mode de déplacement préféré des Parisiens. Il est donc nécessaire au regard de ces informations de considérer le parvis autant comme un lieu de transit que comme une place de vie urbaine. Benoît Jallon, Umberto Napolitano, et Franck Boutté, Paris Haussmann: Modèle de ville (Zürich: Editions du Pavillon de l’Arsenal, 2017).

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Détail de la grande fresque de la salle des fresques (salle des guichets) Jean-Baptiste Olive source: www.wikipedia.org

Exposition de photos sur le parvis (2017) Hängeskulptur (1959) © Hans Hollein

La Gare Saint-Lazare Huile sur toile, 1877 Claude Monnet www.wikiart.org

Vue sur le beffroi de Westminster La Tamise au pont de Westminster Huile sur toile, 1877 Claude Monnet source: www.ibiblio.org


Symboles Le parvis et la gare sont, comme nous l’avons précédemment observé, autant un lieu de transit que de centralité. Nous pouvons à nouveau souligner le rôle de repère (avec un rôle proche de celui du phare) qu’endosse la tour de l’horloge par sa présence physique visible depuis plusieurs lieux stratégiques (lieux repères également telle que la place de la Bastille). Néanmoins, afin de clore cette approche analytique, nous pouvons aborder au-delà du lieu généré par le parvis et la gare, la symbolique même de ce qu’ils représentent. Le lieu en tant qu’image. La gare datant du début du siècle, tout comme nombre des monuments construits durant cette période, possède une visibilité autre, celle du témoignage d’une époque. Au même titre que la gare Saint Lazare, les gares de l’époque Eiffel incarnent la modernité et l’expansion des capitales Européennes. Indissociables de l’industrialisation, elles ont été des sujets récurrents pour les artistes (et notamment les impressionnistes) en raison de leur technicité certes, mais aussi leur portée poétique. La gare porteuse de nouvelles dynamiques. Aujourd’hui encore, c’est sur l’art et l’innovation que la SNCF choisit d’investir dans le cadre des expositions temporaires qu’elle installe dans ses halls de gare ou ses parvis. Dans une toute autre symbolique, le quartier des QuinzeVingt, lorsqu’il a entamé sa transformation post-moderne dans les années 1970, a adopté une planification que l’on

nomme de manière péjorative « architecture de dalles ». L’exploitation d’infrastructures à plusieurs niveaux de ramifications et de connexions étaient censée faciliter les flux. Si le résultat fonctionnel est atteint, ces architectures sont désormais fortement décriées. Certains architectes de la contre-utopie en faisaient déjà la critique dans les années 1960 tel que Hans Hollein avec sa Hängeskulptur en 1959. Aujourd’hui le quartier de la gare de Lyon incarne un quartier polymorphe, faisant dialoguer une certaine désuétude résultant d’un état vieillissant de sa «dalle» avec l’état toujours majestueux de son bâtiment pincipal et des alentours.

Image liée au voyage en tant qu’évocation C’est néanmoins l’image liée au voyage, en tant qu’évocation qui reste indissociable de la Gare et son parvis. S’ajoutant à cette image les nombreux indicateurs présents sur le site telles que les modénatures érigées sur le bâtiment Mistral ou encore les peintures thématiques de la salle des fresques. Le cheminement vers la gare étant considéré comme part du voyage, ouvrant la question primordiale de la limite. Où commence la gare et ou s’arrête la ville ? Où commence le voyage ?

Le cheminement vers la gare étant considéré comme part du voyage, ouvrant la question primordiale de la limite.

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RENCONTRER

L’ I N F I M E

La beauté de la solitude


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Traversée 4 Une dernière ligne droite. Majestueuse. Dans l’attente d’empreinter la voie royale vers le parvis. La place transitoire offre à son extrémité, un tout autre spectacle. Quelques containers dorment. Se réveilleront-ils ? Des individus veillent attendant les ouvertures. Ils errent, comme des fantômes. Energumène. Dégaine caricaturale de starlette bon marché. Un son métallique droit sorti de son téléphone empeste et agresse le silence. D’autres cherchent leur chemin, éméchés. Ils naviguent de part et d’autre de la place, parfois oubliant même jusqu’à leur destination. Dans cette confusion à quelques heures de l’affluence massive des parisiens, la dame est toujours là, surveillant les ardeurs des uns, les passages tranquilles des autres. Elle surveille tel un majestueux phare sur la ville, de

Traversée 5 Cacophonie. Cirque de va-et-vient. La perspective pourtant essentielle se perd dans un flux éparse d’individus. Foisonnements de mouvements. Certaines attitudes errent dans un entre-deux, d’autres, lancés dans une trajectoire précise, tracent des lignes éphémères. Le parvis subit sa propre désorganisation. Et pourtant il demeure cet épicentre connu de tous.


Aborder la matière sensible et la confronter à la matière scientifique ? Dans une approche sensible basée sur la récurrence, il convient pour faire émerger d’autres outils de compréhension du territoire, d’observer attentivement les scènes de l’urbain qui se déroulent devant nos yeux afin d’en extraire une certaine richesse poétique, exploitable ou non pour le projet architectural.

Questionner la légitimité et l’appartenance à la ville de cette matière sensible La beauté de la solitude, formule « esthétisante » inspirée d’une contemplation urbaine matinale au cours d’un trajet vers la gare. A travers l’association de ces deux mots pouvant sembler contradictoires dans notre société contemporaine, nous pouvons questionner la légitimité et l’appartenance (à la ville) de cette matière sensible, « fragments » isolés que nous tentons d’observer, événements ou non événements ordinaires participant à la fabrique du quotidien. Capter et emmagasiner des brides de vies, telles d’infimes et diaphanes effluves, pourrait-il nous permettre de reconsidérer notre vision de la ville ou encore notre manière de la fabriquer ? Le ressenti subjectif, sensoriel pourrait-il bousculer, contredire ou encore contourner l’analyse pragmatique (d’un point de vue mathématique et scientifique) que nous faisons de la ville ? Méthodologie.

Oublier la raison même du territoire pour en révéler la déraison, la pellicule sensible ? Constitué comme un carnet de voyage enregistrant et réinterprétant les scènes du quotidien, l’extraction d’événements infimes sous formes de textes, récits ou créations visuels a pour objectif dans le cadre de la présente étude, d’ouvrir des portes. Sans vouloir s’inscrire dans une démarche prétentieuse, bien au contraire, il s’agit par cette promenade à travers le quotidien de mêler et d’introduire des portraits oniriques et sensibles dans un questionnement fonctionnel de la ville. Oublier la raison même du territoire pour en révéler la déraison ? Ou simplement la pellicule sensible ? En tout état de cause, il s’agit d’une démarche empirique qui porte un regard sur l’ordinaire, sa portée onirique, aussi infime soit-elle.

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La femme sans nom. L’hôpital de la Pitié Salpêtrière ? Un commerce du quartier des Gobelins, au bout du boulevard de l’hôpital ? La Prison de la santé ? …. . Quel peut-être cet endroit où elle va tous les matins avant l’aube ? S’arrête-t-elle même ? Peut-être pas. Immobile. Imperturbable. Telle une modénature que l’on finit par voir sans regarder, mais dont la présence – dans ce bus – est intrinsèque. Nulle intempérie. Nulle perturbations par ces âmes errantes, sauvageons de l’entre-deux jours, ne saurait la faire ciller. Elle est si rassurante. Son cache-col et ses lunettes sans monture lui confèrent un air si familier. Troisième siège en rentrant à gauche. Elle est comme un fantôme bienveillant. Repère malgré le chaos. Est-elle bien réelle ? La femme sans nom


photo ©SNCF-MEDIATHEQUE - PHILIPPE FRAYSSEIX

Traversée 1

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Enfin comme une ligne d’arrivée. Les visiteurs matinaux s’éparpillent. Ils trottinent presque. Ils courent. Cette ascension sportive ne fait que renforcer le gigantisme de l’architecture environnante. Un Haussmannien trapu, comme figé, semblant percer la dalle. Des tours menaçantes, semblant émerger de nulle part et dont l’équilibre semble vaciller. Mais surtout cette immense façade. Majestueuse. Et inaperçue. A peine la pente gravie, des fumeurs matinaux, travailleurs et voyageurs, appellent les regards aux abords de la gare. D’autres silhouettes. Davantage inquiétantes ; traînards et errants. Se mêlent à ce microcosme tels des gardiens du temple. La ville s’arrêtent à leur pieds.

Ils s’éparpillent. L’heure qu’indique la gigantesque horloge, contraint l’empressement. Dans une traversée, anarchique. Effort anxieux sans jeter de dernier regard. Un tout autre jour, s’ouvre à eux. La ville s’est tue

Traversée 7 Microcosmes, instants furtifs. De cette cacophonie je ne saisis que des bribes. Bribes de vies tantôt pressées tantôt statiques, le





Traversées D’un point de vue global, l’étude et la captation circonspecte de fragments du quotidien ne peut s’abstenir de questionner une certaine spatialité. Le principe même de récurrence s’applique autant d’un point de vue spatial que temporel. Inexorablement, le trajet de récurrence à partir duquel a oscillé la présente démarche de relevé, se retrouve forcément dans les fragments captés. La récurrence d’un trajet vers la gare durant lesquels étaient captée la matière infime, a abouti inconsciemment à une émergence de témoignages et récits de « traversées du parvis ». Cette thématique de la traversée s’est au cours de l’étude en effet révélée omniprésente : traversée du parvis, traversée du bus, traversée d’une épreuve, etc. Un carnet de voyage(s) comme reflet de son propre voyage ? Sans aucun doûte. Dans son ouvrage Un Livre Blanc , Philippe Vasset fait un compte rendu de son exploration des zones de cartographie laissées vides (par une absence de marquage, tâches blanches sur la carte). Il souhaitait par sa démarche vérifier ce qui se trouvait dans ces zones de nonlieux, pour reprendre le terme de Marc Augé. In fine, après de nombreuses explorations où il partait pensant trouver quelque-chose de sensationnel, il n’y a trouvé que vides et délaissés. Déception grandissante au gré des trajets. Cependant après de premiers échecs, sa quête s’est rapidement transformée en « vérification » ; s’assurer que le vide sur la carte corresponde bien à une décharge ou un délaissé comme il le présageait. C’était comme si le résultat était connu avant l’expérience même, tel une intuition.

Philippe Vasset, Un livre blanc : Récit avec cartes (Paris: Fayard, 2007).

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Yaoundé, Casablanca, Libreville Yasmina et Mouna sont là, elles plaisantent sur leur tenue. Bonjour ! Ça va bien ? Fatouh se fraye un chemin dans la foule du bus non sans bruit et sans encombre, rayonnante. Comment ça va la famille ? Accroche-t-elle avant de rejoindre Malaïka. Le problème avec son allure, c’est qu’elle se prend pour une jeune qu’elle n’est plus assène Yasmina en plaisantant, tandis que Fatouh, entre deux respectueux saluts à Djibril et Ibrahim relativise en rigolant sur la gravité de leurs préoccupations. A cette heure matinale, on ne parle que de sujets légers. Bonjour ça va bien ? Ouafa, plus discrète, semble acquiescer de la tête sans mot dire…. Et Mouna de souligner la beauté de son étoffe. Car c’est vrai qu’elle est belle sa parure de couleur ocre et vert émeraude.

L’heure est à la camaraderie et aux joyeuses bien qu’éphémères retrouvailles, transportant les sens un court et précieux instant dans un ailleurs. Entre rires et bavardages, à cette heure inattendue et en ce lieu, les mères, habituellement silencieuses et oubliées, redonnent vie à cet endroit et ce contexte habituellement morne. Les mères rient, avec une naturelle beauté et une déconcertante trivialité. Les hommes, eux, se taisent.


Cette certitude grandissante fut en certains aspects similaire avec la démarche de capter le sensible, l’infime. La récurrence, les innombrables bribes et événements. C’est comme si tous ces voyages effectués à travers le parvis avaient fini par m’apporter, très rapidement, une réponse, une marque de lucidité. La place de l’infime dans le gigantesque. Dans son ouvrage Les Lieux et la Poussière , Roberto Peregalli souligne le lien entre le gigantesque et l’ordinaire, rappelant que dans ce dialogue peuvent se dérouler les événements du quotidien. L’approche de la récurrence, la captation du sensible ont pu légitimer la présence de l’infime dans l’intense. Roberto Peregalli, Les Lieux et la poussière.Sur la beauté de l’imperfection (Paris: Arléa, 2012), 72.

complémentarité et interdépendance entre l’intense et l’infime En fin de compte, la recherche de nouvelles manières de fabriquer de l’architecture s’est révélée infructueuse. La méthode mise en place n’aura pas porté ses fruits. Cependant, elle aura réussi à ancrer une prise de position forte, celle de la complémentarité et de l’interdépendance entre l’intense et l’infime ; comme une certitude. Cette prise de position – une évidence rapidement émergée – soutient le besoin même de simultanéités. Simultanéités entre le lent et le rapide. Simultanéités entre le rectiligne et le serpentin. Simultanéités entre le terrien et l’aérien, l’excessif et le résilient, …. l’intense et l’infime

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Jachère Croquis


RESTITUTION Déconstruire. Amorce de résilience La fabrication d’un projet architectural. A la rencontre de l’Intense et l’Infime. Ce n’est qu’après plusieurs mois d’arpentage du territoire que les choses se sont enfin éclaircies. La quête d’une nouvelle manière de «fabriquer l’architecture» s’est révélée infructueuse, néanmoins à défaut de répondre à cette recherche de processus, elle a permis grâce à ce long temps de maturation quelque chose d’essentiel: une prise de position forte. Le dialogue entre analyse pragmatique et approche sensible autour d’un site aux enjeux complexes a révélé au cours des précédents mois une certitude : la nécessité du dialogue entre la ville de l’intense (à laquelle j’associe la vitesse, la stratification, le rendement) et la ville de l’infime (ville qui accueille le hasard, l’improbable, le minuscule, la rêverie, ...). Cette prise de position considère la grande importance de simultanéités entre démarche résiliente, et démarche éffrénée.

grande importance de simultanéités entre démarche résiliente, et démarche éffrénée.

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Plan du Rez-de-dalle Etat existant ech. 1:2000 Repérage des constructions en infrastructure ech. 1:2000 Plan des masses non construites en infrastructure ech. 1:2000

JA CHE RE


La logique de la ville et du parvis est apparue relativement claire : augmentation des flux et du trafic, adaptabilité aux nouveaux usages et usages en devenir. Cette croissance permanente semble inévitable. Néanmoins la manière de construire la ville est radicalement en train de changer. Comme j’ai pu le souligner au cours d’une précédente étude sur les Utopies Vertes menées à l’ENSAL , nous voyons apparaître deux modèles radicalement différents: un modèle progressiste basé sur le progrès technologique et un modèle résilient basé sur un progrès économique et social vertueux. Cependant au regard de la confrontation entre l’intense indissociable d’une capitale en constante progression et de l’infime, matière sociale et sensible de la ville, peut-on penser que ces deux démarches puissent fonctionner l’une sans l’autre? L’acte de résilience ne serait-il pas de faire cohabiter ces deux postures radicalement opposées?

Restitution. «Observer pour garder» Le lieu est fort, chargé de nombreuses responsabilités visà-vis des riverains, usagers et visiteurs. Il est chargé d’une histoire très présente et pourtant il fonctionne comme une machine ayant colonisé l’espace dans un mouvement horizontal (extensions successives) et vertical (extensions en infrastructure, comme en superstructure) La première étape, RESTITUTION, consiste à se réapproprier la seule surface de terrain encore vaste et non construite en infrastructure, à l’encontre des nombreuses Rambaud, Charles-Henri, « Utopies Vertes et Architectures Bio-Inspirées, Vers de Nouveaux Paradigmes », consulté le 8 juin 2018, https://issuu.com/ charles-henrirambaud/docs/mem_20180122_definitif_2.2_.

intuitions: le Parvis. Extraire la matière dans une démarche géologique. Retrouver le niveau du sol naturel dans son état le plus primaire et primitif: la terre. Un espace urbain en jachère.

Extraire la matière dans une démarche géologique. Retrouver le niveau du sol naturel dans son état le plus primaire et primitif: la Jachère. Au-delà du principe botanique, il s’agit d’une reconquête de l’espace urbain dans une temporalité lente mais fertile qui permettrait d’installer une réflexion et des expérimentations (symboliques ou pragmatiques) sur la rencontre d’une ville qui coure avec une ville qui se régénère. Observer les us, les pérégrinations et les proliférations radicantes. Concevoir sans objetifs fonctionnels un espace public répondant à des sensations, des humeurs, des couleurs de saisons tel un haïku. La restitution permettrait une prise de conscience du rôle d’un espace public articulant tant de quartiers et de morceaux de villes différents. Et au-delà d’une démarche qui nous rappelle aussi le niveau artificiel d’un lieu créé pour se protéger d’un état du sol (l’inondation), envisager la mutabilité dans un futur relativement proche en venant côtoyer et connecter les lieux à réinvestir (le tunnel Van-Gogh et le parking Effia sous la rue de Bercy, dont l’obsolescence nous semble à moyen terme programmée). L’étape de restitution pourrait durer une saison, une année, voir plus. Le temps pour la ville d’accepter cet état de résilience, et de le mettre à profit. Envisager les futurs usages, mais aussi questionner la manière de les mettre

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Tri, stockage de terres excavées photo ©Schnepp Renou source: www.pavillon-arsenal.com Bosquet de la Colonnade Versailles ©Olafur Eliasson source: fr.phaidon.com Marbres d’ici ©Stephan Shankland source: ceaac.org Détail - Ningbo Wang Shu architecte photo ©Clément Guillaume source: www.archdaily.com


en oeuvre. Comment extraire ces presque 15000m³ de gravats et terres mélangés? Suivant quel processus? Comment la réutiliser? Aucune réponse n’est prévue sur ce point dans cette présente étude tant cette démarche est à même de générer une multitude de projets, néanmoins d’infinies possibilités sont présentes. Par exemple, dans l’exposition Terres de Paris qui s’est déroulée au Pavillon de l’Arsenal , les architectes de l’agence Joly & Loiret ont investigué sur l’avenir des terres extraites, déplorant que moins de 30% d’entre elles étaient retraitées et réutilisées. Ces considérations ne font que conforter une démarche visant autant à générer de l’espace qu’à le repenser. Nous pouvons indéniablement rapprocher cette réflexion à des oeuvres d’art telle l’intervention d’Olafur Eliasson sur le Bosquet de la Colonnade à Versailles, ou encore la réalisation de marbre reconstitué issu d’une démolition d’un immeuble de Paul Chémétov par l’artiste Stefan Shankland. De la même manière, une démarche similaire pourra être adoptée pour questionner «l’épaisseur», la stratification extraite et mise à jour, en attente de connecter la ville avec les infrastructures qu’elle dissimule. Cette épaisseur symbolise également l’accumulation de strates d’une ville qui n’a cessé de se construire sur elle-même. Deviendrait-elle un mur témoignage comme les murs mémoire de l’architecte Wang Shu, ou simplement un mur de soutènnement discret permettant de relier en douceur le «haut» et le «bas», l’intense et l’infime?

Étape d’observation et réinvestissement d’un terrain In fine, la RESTITUTION est une étape d’observation et réinvestissement d’un terrain remis en jachère au coeur d’un lieu rattaché à la vitesse et les flux. C’est une approche radicale résiliente ayant pour objectif d’accepter un temps long de prise de consience, de desseins et d’expérimentations de nature et d’échelles variées. Un premier croisement de l’infime et l’intense, sorte de première confrontation permettant de dilater les processus de conception de l’espace, de les ancrer dans une démarche ouverte dont les aboutissants ne sont pas prédéfinis. Déconstruire, « regarder pour garder » . La prochaine étape consistera à se projetter dans un état «après restitution», proposition de réaménagement pérenne initiant un dialogue concret avec les usages liés à la gare et à la place. Joly et al., Terres de Paris | Conférences - débats (Pavillon de l’Arsenal), consulté le 30 mai 2018, http://www.pavillon-arsenal.com/fr/conferences-debats/cycles-en-cours/hors-cycle/10470-terres-de-paris.html. D’après l’expression d’Henri Gaudin / Alain Veinstein, « Henri Gaudin », Du Jour au Lendemain - France Culture, consulté le 19 mai 2018, https://www.franceculture.fr/emissions/du-jour-au-lendemain/henri-gaudin.

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1900. Construction de la gare Hall 1 Marius Toudoire architecte. Parvis au niveau de la rue de Mazas (Diderot)

De gauche à droite: source: SCNF Médiathèque | ©Lucien Delille , source: www.yelp.com , source: SARDO

1972. Le Train Bleu. Buffet classé au titre des Monuments Historiques par André Malraux


1968 - 2018. Succession de travaux d’amélioration. Transformation de la gare de Lyon et environs en pôle multimodal

Projet. L’Intense et l’Infime Restitution d’espaces à régénérer



SIMULTANEITES Un nouveau parvis, place Louis-Armand La RESTITUTION comme prise de position par rapport à l’espace publique. Cette démarche mise en oeuvre dans le but de mettre en place un questionnement, une expérimentation de la résilience, n’est pas un projet en soi. C’est un moteur de projets auquel nous pourrions adapter autant de réponses différentes qu’il y a d’infimes événements sur ce territoire. C’est une reconfiguration. Afin de valider cette démarche, il est donc nécessaire de «tester» un projet. Tenter de répondre à la problématique de l’intense et l’infime en convoquant les SIMULTANÉITÉS. Par simultanéités il est question de rencontres entre éléments hétéroclites qui composent ce lieu. Éléments complémentaires qui maintiennent le lieu dans sa complexité et son bon fonctionnement. C’est par le biais de l’analyse traditionnelle confrontée au ressenti sensible que certaines simultanéités sont apparues comme composantes du projet. Le rapport au sol est ressorti comme une thématique primordiale. Toutes ces «données» extraites du territoire ont mis en avant de nombreuses simultanéités : Le terrestre/ l’aérien, la lenteur/ la vitesse, la dureté/ la mollesse, la rêverie/ le factuel, etc. Toutes ces simultanéités sont des parts intrinsèques du projet. Néanmoins il est également nécessaire d’aborder le projet comme solution concrète aux nombreux besoins ou états que

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Boul evard

Garre de Lyon HALL 1 Extension

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nous avons identifiés: augmentation de l’affluence, besoin de repères, transition entre le passage de la gare à la ville et inversement; et dans une temporalité plus longue envisager les nouveaux modes de transports. Afin de répondre aux nombreux enjeux du projet, nous pourrons établir et énumérer plusieurs grands principes architecturaux et urbains applicables. Il est nécessaire de ne pas perdre de vue les nombreuses «responsabilités» attribuées à ce lieu, témoins de sa complexité. Le projet envisagé optera cependant pour une réponse sobre voir minimale afin de ne pas engendrer davantage de complexité. Le programme se compose de: • Un parvis scindé en deux: le parvis haut en rez-de-dalle et un parvis bas ‘jardin’ au niveau de la rue. • Un escalier «gradin» monumental venant relier selon une certaine fréquence le parvis haut et le parvis bas. • Une galerie et un café permettant de considérer la connection entre les deux parvis ( Puis à long terme permettre le lien/ l’accès vers les espaces d’infrastructures réhabilités) • Une extension du «triangle d’or» sur l’actuelle zone taxi afin d’y recueillir les services «de première nécessité» exclus de la gare

Les cinq partis pris architecturaux étant dans la proposition de ce projet les suivants: ouvrir, réaligner, reconsidérer, hiérarchiser, inviter (à la rêverie, à la pause, etc.)

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A. OUVRIR

Ouverture totale de la gare (Hall 1) sur l’espace publique. Délocalisation des services de gare sur le parvis afin de recréer un parcours d’entrée/ sortie de ville et de redonner sa splendeur autant à la façade qu’au Hall 1. La salle des fresques (ou salle des guichets) étant la salle des pas perdus, il n’y a que très peu de filtres entre les quais du Hall 1 et la voie publique. Afin de permettre une transition entre le coeur de gare et le coeur de ville, l’ouverture et la continuité doivent être franches et limpides. Le cheminement viendra opérer un croisement entre la sortie de gare et la rue. L’usager pourra s’orienter aisément et aussi se questionner, prendre le temps d’une respiration ou d’une pause en arrivant sur le promontoire, invitation à observer et sentir la ville avant de la pénétrer ou la quitter

B. RÉALIGNER

Reconsidération de l’axe Lyon/ Bastille avec l’implantation de l’escalier gradin venant souligner la fuyante, et inviter autant au mouvement qu’à la pause. L’idée qu’un escalier puisse ne pas avoir de lieu d’arrivée, ou encore aboutir à un terrain non accessible peu sembler inquiétante. Elle peut véhiculer de nombreux usages de réappropriation. Comment se fait-il que les marches des escaliers d’espaces publiques soient souvent plus utilisés pour s’assoir que les bancs? Offrent-ils une meilleure vue? Un meilleur confort? Cette question est d’autant plus intéressante dans un lieu où l’on est amené à courir autant qu’à patienter en lisant un livre ou en flânant. Dans la mesure où le projet considère plusieurs accès, leur conférer un usage et une «efficacité» différente permet de tenir compte de la diversité présente sur le site.

C. RECONSIDERER

Suppression/ déplacement de tous les accès automobiles sur le parvis, restitution complète du parvis aux piétons, à l’exception de l’accès rapide (pompiers) face au Novotel. Parvis piétons scindé en deux zones (vitesse/ lenteur). En opposant deux parvis radicalement différents, il s’agit de proposer un ralentissement. Redonner une identité au lieu en l’ouvrant sur un quotidien pas nécessairement lié à la gare et à la vitesse. Redonner des espaces non définis à la ville pour amener les riverains et usagers à s’installer (dans un sens d’appropriation, de rencontre). Dans cette idée intervient la création de la galerie telle un immense portique venant assurer le lien entre les deux parvis: un dessus en prolongement du parvis haut (permettant d’accroître l’ouverture) et un dessous reconsidérant/ exploitant l’épaisseur qui dans un temps long sera réapropriée (les espaces dont l’obsolescence est programmée). En ce lieu s’installe logiquement cet espace d’expérimentation auquel nous faisions allusion précédemment.

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D. HIÉRARCHISER

Extension de la gare dans l’axe et continuité de la salle des fresques et du triangle d’or afin de démarquer la salle des pas perdus. Séparation de la zone service avec la zone purement «transports» du Hall 1. Il s’agit dans cette intervention annexe d’accepter cette croissance qui semble inévitable en la faisant cohabiter avec une autre vision de la ville. Envisager l’évolution sans perdre de vue sa complémentarité avec la reconsidération de la lenteur.

E. INVITER

Traitement du parvis bas dans une dialectique entre mouvement et lenteur. Alternance de zones minérales et végétales avec un retour de l’eau dans son état liquide, solide ou gazeux, rythmant ainsi les «possibles» de la place, tel un évennement. L’idée d’une place (parvis bas) qui puisse permettre d’importants flux de marées humaines et également d’infimes instants partagés entre riverains peut sembler contradictoire. Cependant elle semble porter toute la valeur symbolique du lieu et du voyage: un promontoire tel une jetée du haut de laquelle on contemple le cycle des marées, une baie tantôt accessible, tantôt inaccessible. Un lieu aux multiples visages tel un haïku, oscillant entre plusieurs températures, plusieurs couleurs.

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ENVISAGER

L’INFIME Bousculer

In fine, la dernière direction du projet que nous avons étudiée («lieu à multiples visages, multiples couleurs tel un haiku») est celle qui illustre directement la transformation d’un espace urbain en jachère. Elle est la valeur ajoutée d’une telle démarche tout en répondant aux problématiques inhérentes du pôle multimodal. Elle permettra de définir suite à l’observation et à une prise de recul un espace profitant de la temporalité et de la dimension poétique de la jachère. Un tel terrain de réflexions ne se limite néanmoins pas à un projet, une interprétation, mais à une infinité de possibilités. Reconsidérant notre problématique de départ qui était la possibilité de dialogue entre intense et infime, nous pouvons imaginer les nombreuses potentialités qui s’offrent à un tel parti pris. Ceci n’est pas un aboutissement, mais de toute évidence une ouverture sur les connivences qui se créent entre le «macro» et le «micro». Une telle piste de réflexion questionne l’espace public dans son essence même. Pour mon interprétation de l’intense et l’infime, le choix s’est porté sur une évocation sensorielle, une appréhension du voyage, une transition (exploitant les états de l’eau et du sol) rappelant la valeur du temps en tant que matière. Cela aurait pu être une intervention artistique (nous faisions allusion au bosquet de la Colonnade d’Olafur Eliasson), un jardin potager, un espace publique troglodyte fabriqué avec la terre excavée.... cela aurait pu être simplement un banc, un revêtement de sol, un muret, une piste de danse, une fontaine majestueuse, un terrain de basket, un terrain cédé à l’anarchie, un terrain cédé à la concertation des enfants...

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A travers les infinies possibilités qui se sont présentées au cours de cette étude, je me suis perdu, plusieurs fois avant de trouver un chemin. Nous avons suivi plusieurs pistes, interrogé plusieurs récits, envisagé plusieurs finalités. N’est-il pas ironique d’interroger la récurrence pour enfin envisager des possibilités d’une infinie diversité. Bousculer était un souhait de départ. Souhait alternatif. Désir personnel.

Bousculer appelle l’infime dans un état autant humble que disruptif. Bousculer n’appelle pas nécessairement le gigantesque, bien au contraire, il appelle l’infime dans un état autant humble que disruptif. Cela peut nécessiter la présence de l’art, celle de des récits, du quotidien. Cela peut-être des petites attentions radicantes, proliférant dans le paysage urbain. L’intense et l’infime tels deux toiles qui s’entremêlent sans jamais se compromettre, s’effleurent et se convoquent.

Repenser la ville par de micro-interventions et la libérer d’une contrainte lourde et fonctionnelle Il pourra suffir d’une action forte sur le parvis pour le réinventer. Un container qui vend des cafés? Certainnement pas. Un petit muret de soutènement qui ne soutient rien et détourne les usagers, illustration d’un non-sens? Probablement. Une action ou une évocation, même infime, comme levier de reconfiguration de l’intense. De l’infime à l’intense, repenser la ville par de micro-interventions et la libérer d’une contrainte lourde et fonctionnelle, la ramener à un état aléatoire de régénération (jachère) en dialogue avec son intensification. Du très intense au très infime.

Allusion indirecte au principe de Libération de l’architecture de Junya Ishigami. Junya Ishigami et al., Freeing Architecture (Paris: FONDAT CARTIER, 2018).

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BIBLIOGRAPHIE LIVRES • Augé, Marc. Non-Lieux. Introduction à une Anthropologie de la surmodernité. Editions du Seuil., s. d. • Calvino, Italo, et Jean Thibaudeau. Les villes invisibles. 3e Revue et augmentée. Paris: Seuil, 1996. • Foucault, Michel, et Daniel Defert. Le corps utopique suivi de Les hétérotopies. s.l.: Nouvelles Editions Lignes, 2009. • Ishigami, Junya, Coédition Fondation Cartier pour l art contemporain, Paris / Lixil Publishing, et Tokyo. Freeing Architecture. Paris: FONDAT CARTIER, 2018. • Jallon, Benoît, Umberto Napolitano, et Franck Boutté. Paris Haussmann : Modèle de ville. Zürich: Editions du Pavillon de l’Arsenal, 2017. • Koolhaas, Rem. Junkspace. Repenser radicalement l’espace urbain. Paris: Payot, 2011. • Lefebvre, Henri, Remi Hess, Sandrine Deulceux, et Gabriele Weigand. Le droit à la ville. 3e édition. Paris: Economica, 2009. • Lussault, Michel. Hyper-lieux - Les nouvelles géographies de la mondialisation. Paris: Le Seuil, 2017. • Paini, Dominique, Katell Jaffrès, Jean-Michel Alberola, et Frédéric Grossi. Jean-Michel Alberola : « L’aventure des détails » Palais de Tokyo, 19 février - 16 mai 2016. Paris : Dijon: Presses du Reel / Palais de Tokyo, 2016. • Peregalli, Roberto. Les Lieux et la poussière.Sur la beauté de l’imperfection. Paris: Arléa, 2012. • Thierry Debroux, Yannick Vanhaelen, Judith Le Maire. L’entrée en ville. • Vasset, Philippe. Un livre blanc : Récit avec cartes. Paris: Fayard, 2007.

ARTICLES DE REVUE • Arènes, Alexandra, et Sonia Levy. « Cartographier le vivant » Billebaude-sur les traces du vivant, no 10 (juin 2017). http://www. chassenature.org/decouverte/revue-billebaude/. CONFERENCES • Joly, Loiret, Anger, et Rauch. Terres de Paris | Conférences - débats. Pavillon de l’Arsenal. Consulté le 30 mai 2018. http://www.pavillonarsenal.com/fr/conferences-debats/cycles-en-cours/hors-cycle/10470terres-de-paris.html. • Revedin, Jana. Conférence Jana REVEDIN - Radicante : rchitecture collective. Consulté le 10 juin 2018. https://www.canal-u.tv/ video/ensa_lyon/conference_jana_revedin_radicante_vers_une_ architecture_collective.24480. • Shu, Wang. Wang Shu | 1 architecte, 1 bâtiment | Conférences. Pavillon de l’Arsenal. Consulté le 10 juin 2018. http://www.pavillonarsenal.com/fr/arsenal-tv/conferences/1-architecte-1-batiment/10920wang-shu.html. INTERNET • Breuil, Armelle. « Contre La Ville Hostile — Exercice ». Consulté le 14 février 2018. http://exercice.co/Contre-la-ville-hostile. TRAVAUX PERSONNELS • Rambaud, Charles-Henri. « Rapport d’Activité Professionnelle ». École Nationale d’Architecture de Lyon, 19 mai 2018. • Rambaud, Charles-Henri. « Utopies Vertes et Architectures BioInspirées, Vers de Nouveaux Paradigmes ». École Nationale d’Architecture de Lyon, février 2018.

Lien vers panneaux projet http://www.charles-henri.com/ensal/pfe/ RAMBAUD-CHARLES-HENRI-PFE2018.pdf

Publication réalisée par © Charles-Henri Rambaud. 2017-2018 Éditions © Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon



Publication réalisée par © Charles-Henri Rambaud. 2017-2018 Éditions © Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon


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