BIO ARCHITECTURE

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Bio-Architecture


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U623 FPC L3 / Enseignant StĂŠphan Courteix / Charles-Henri Rambaud


INTRODUCTION

En 1992, 178 états se réunissent à Rio de Janeiro au Brésil dans le cadre d’un événement international: La première Conférence des Parties (COP) à laquelle se déroule un sommet décennal de l’ONU sur l’environnement. Ce dernier est menacé depuis plus d’un siècle en raison des répercussions néfastes de l’industrialisation dans un premier temps ; de la consommation de masse et de la croissance démographique dans un second temps. Suite à cet inquiétant constat pessimiste sur l’avenir de la planète est envisagé un accord commun pour engager à moyen terme la diminution des gazs à effet de serre. La ratification du protocole de Kyoto aboutit cinq ans plus tard. L’entrée en vigueur de ces mesures imposant aux pays signataires la réduction de leur taux d’émission prend effet en 2002 avec la signature de l’Islande. Cet événement mondial ancre de façon pérenne cette nouvelle prise de conscience à l’échelle planétaire et affirme le nouveau positionnement de l’homme vis-à-vis des relations qu’il entretient avec la nature, bien au-delà d’un simple objectif de chiffres. Dépassant l’aspect purement statistique de l’action humaine sur son environnement, la problématique de cohabitation de l’Homme avec la nature demeure très présente, elle est un enjeu sociétal que l’on peut scinder en trois secteurs: 1. Politique (naissances des partis écologiques dès les années 70 suite au premier choc pétrolier, intégration d’une politique de développement durable au sein de tous les programmes, ...) 2. Industriel (essor de l’industrie verte, normes européennes, ...) 3. Sociologique/ humain (regain d’intérêt pour la nature, ...). Pourtant, bien que cette problématique soit établie sur des faits et des constats concrets (dégradation de la couche d’ozone, baisse de la croissance des pays riches), elle dispose d’une portée bien supérieure. Au delà des mesures entérinées avec le protocole de Kyoto, puis des tentatives de relaie par les COP visant à mettre tous les pays en accord sur un positionnement stratégique, c’est toute une société qui se questionne sur son avenir et ses modes de vie. D’un point de vue architectural et urbain, la mutation s’opère en amont. De nombreux labels visant à protéger la nature voient le jour, et les nouveaux programmes architecturaux tendent à encourager la biodiversité. Eu égard à ce questionnement, Anne Hidalgo récemment élue en 2015 à la mairie de Paris se positionne franchement. Dès le début de son mandat, elle lance un concours international «  Ré-inventer Paris  » sollicitant plusieurs centaines d’acteurs: architectes, promoteurs et entreprises innovantes afin de repenser la ville de demain. 3


Vincent Callebaut Paris 2050 Source: © Editions Michel Lafon

4 Exposition Revoir Paris Source: © Cité de l’Architecture et du Patrimoine


Bien que cette opération fut une réussite, certains critiques n’y virent qu’une simple opération de communication politique. Le journaliste Jean-Philippe Hugron résume la plupart des réponses apportées dans un article du Courrier de l’Architecte par des « images aux allures de fruits et légumes ». Parallèlement à ce concours, la mairie de Paris mandate l’architecte Vincent Callebaut, notoire pour ses architectures utopiques inspirées de la nature, afin d’imaginer le Paris en 2050. La ville telle qu’il l’imagine sera organique et riche à la manière d’un immense écosystème. L’année précédente, la cité de l’architecture donnait carte blanche aux auteurs de bande dessinée François Schuiten et Benoît Peeters lors de l’exposition Revoir Paris à la Cité de l’architecture. Ceux-ci proposèrent une métamorphose utopique de la ville de Paris, située entre le Métropolis de Fritz Lang et les jardins suspendus de Babylone (images ci-contre). D’une simple observation, nous pouvons parler d’une « tendance » actuelle qui donne à l’architecture un rôle prépondérant dans cet enjeu environnemental. Le vaste panorama de créations architecturales contemporaines labellisées « vertes » prend pour prétexte cet enjeu mondial afin d’expérimenter et d’imaginer la ville de demain, en harmonie avec la nature. Hypocrisie communicante ou sincère prise de conscience à l’échelle de la ville ? Il est assez difficile de déceler tous les fondements de cette vague verte, démultipliés en de nombreuses réflexions sur le sujet.

Ce que l’on appelle le green-washing et le principe de biomimétisme ont su s’imposer en quelques années. En effet, l’architecture dite biomimétique, à défaut d’être dogmatique, est annoncée par certains spécialistes comme l’architecture du XXIe siècle. Cependant il est impossible d’entrevoir uniquement cette nouvelle ambition tout en ignorant les enseignements, inspirations et relations que l’architecture a entretenus avec la nature au cours des siècles. La notion biomimétisme qui n’est pas encore considérée comme une discipline, a également permis une mise en lumière de toute une terminologie savante (nouvelle ou ancienne) accompagnant sa démarche : biomorphisme, architecture bionique, archiborescence, façades bioclimatiques.... Ce champ lexical savant issu des domaines scientifiques est dorénavant utilisé à tout-va par les spécialistes pour qualifier cette architecture verte à laquelle nous faisons allusion. Compte tenu d’un manque de connaissances réelles de la signification de ces termes, cette profusion lexicale ne fait que nourrir une grande confusion dans une idée commune d’architecture «verte». Les grands principes du biomimétisme ont été énoncés pour la première fois en 1997 dans un ouvrage précurseur de J. BENYUS Biomimicry. Celle-ci nous explique que la plupart des enseignements tirés de la nature sont beaucoup plus efficaces et pérennes que ceux tirés de l’industrialisation basés sur la consommation et l’épuisement des ressources. Qu’en est-il de l’architecture ? Quels enseignements tire t’elle de l’observation de la nature ?

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La nature est présente de nombreuses manières différentes dans l’histoire de l’architecture, autant d’un point de vue formel que fonctionnel. Nous pouvons très facilement dresser une liste exhaustive d’architectures mentionnant ou s’inspirant de la nature de manière évidente. Des ordres de l’architecture grecque représentant sur les chapiteaux les formes féminines et les feuilles d’acanthe (ionique et corinthien), jusqu’aux modénatures de l’Art Nouveau (détail du Castel Béranger ci-contre). Des dessins organiques de structures de Violet-le-Duc jusqu’aux architectures biomorphiques de l’architecte Santiago Calatrava. La nature est présente sous de nombreuses formes. A ce jour il est quasiment impossible de réunir tous ces exemples au sein d’une même famille, d’un même groupement tout comme il est très difficile d’ordonner le vocabulaire lié au biomimétisme. La nature n’a ne semble t-il pas à ce jour conduit à un dogme figé dans une temporalité.

Détail du portail d’entrée du Castel Béranger Source: Internet - www.flickr.com

Comment pouvons-faire faire le tri dans cet amalgame de connivences que l’architecture entretient avec la nature, depuis quelques années sous couvert d’un pseudo enjeu environnemental ?

Dans quelles mesures les inspirations et influences de la nature sur la conception architecturale peuvent-elle déterminer un principe de « bio-architecture » ? Afin d’éclaircir cette ambiguïté, nous effectuerons un panorama sélectif des relations entre architecture et nature. Nous tâcherons d’aborder plusieurs courants, architectes et architectures et tenterons de les relier aux divers principes. Il serait complexe d’aborder cette question de manière chronologique et linéaire, aussi afin de mener à bien ce tour d’horizon, nous aborderons notre étude en suivant les trois grands thèmes relatifs à l’architecture biomimétique énoncés par Olivier Allard, chercheur en physique à l’université de Hanovre et Paris-Sud spécialisé dans le biomimétisme : La forme, les processus et les éco-systèmes.

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///SOMMAIRE 1/ NATURE ET FORMES ARCHITECTURALES

a/ Les architectures dans la nature/ 09 b/ La nature en tant qu’image : De la représentation à la cohabitation/ 13 c/ Observation et héritage: le biomorphisme/ 21

2/ LES PROCESSUS AU SERVICE DE L’ARCHITECTURE

a/ Procédés mimétiques/ 29 b/ Bio-assistance et architecture bionique : Quelle place pour les être-vivants?/ 36

3/ LES ÉCOSYSTÈMES, INSPIRATION POUR LA VILLE DE DEMAIN ?

a/ Les enseignements tirés de la nature: Ecosystèmes et Genius Loci/ 41 b/ Le contexte actuel : L’architecture pour préserver la biodiversité et les utopies vertes/ 46

CONCLUSION/ 53

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1. Nature et formes architecturales a) Les architectures dans la nature Architectures animales: mimétisme ou imitation Dans son ouvrage Le mimétisme et l’imitation, P.M Baudonnière nous explique ces deux grands principes et nous précise que contrairement aux idées reçues, ceux-ci revêtent des caractères bien différents. Selon lui : · Le mimétisme est un « ensemble de situations où existe une ressemblance entre une chose et un être vivant » ; il s’agit d’un mécanisme adaptatif au hasard des mutations. · L’imitation quant à elle est « un apprentissage par l’observation » et est une spécificité humaine. Sans remettre en cause le choix du terme « mimétisme » dans le principe de biomimétisme qui semble - d’après les nombreuses définitions que nous en avons - s’apparenter davantage à de l’imitation, nous tacherons de constater les ressemblances formelles évidentes de la nature avec l’architecture. Afin d’introduire la question de la forme architecturale et de son lien avec la nature, tournons-nous en premier temps vers des constats d’imitations formelles les plus simples, voire simplistes, résultant d’une retranscription n’ayant pas forcément de lien avec le contexte. En effet la nature offre au regard de l’Homme des architectures surprenantes, quelles soient végétales ou animales, éveillant une certaine curiosité, et pouvant être transposées à l’échelle d’un bâtiment. Avant même d’aborder les formes de la nature perçues et réinterprétées en tant qu’image (partie 1b), ou encore analysées pour leur valeur singulière (formellement ou poétiquement, partie 1c), voici quelques architectures modernes ou contemporaines faisant appel à une connaissance commune d’ouvrages de la faune et la flore. Certains de ces exemples pourrons par la suite trouver sens dans les démarches que nous observerons, cependant pour l’instant il s’agit de faire une premier rapprochement à la seule portée de l’oeil. Dans son ouvrage Architecture Animale, Karl Von Frisch nous explique avec un langage relativement accessible le fonctionnement et l’aspect formel de certaines architectures animales remarquables par leur ingéniosité. En introduction il évoque l’émotion suscitée par les architectures, temples et pyramides érigés de la main de l’homme qu’il compare aux architectures animales pour la plupart nettement plus anciennes. Dans sa présentation Karl Von Frisch unit l’ensemble des exemples qu’il 9


illustre par une importante caractéristique commune, toutes les architectures animales sont réalisées par des matériaux naturels provenant de l’environnement direct ou même secrétés par l’animal concepteur. Par la suite il aborde méthodiquement et de manière très pédagogue les habitats de plusieurs espèces animales en prenant le soin d’expliciter leur fonctionnement, leur aspect, leur constitution et les caractéristiques de l’espèce qui l’habite. Notre première approche ne sera pas analytique comme les suivantes. Notre questionnement premier portant sur la forme des architectures, nous nous contenterons de comparer des exemples d’architectures avec leur pendant issu de la nature, sans pour autant affirmer qu’un lien de mimesis intellectualisé soit clairement établi. Nous nous garderont également de porter un jugement de valeur sur ces architectures. Il s’agit par ce « jeu des ressemblances » d’envisager le fait que la conception architecturale chez l’Homme puisse faire appel à un inconscient nourrit de l’environnement naturel. Notre démarche pour ces exemples se situe du point de vue de l’observateur béotien. Exemple premier d’une architecture animale : la toile d’araignée. Les fils de soie qui la constituent sont sécrétés et extraits de l’abdomen de cette dernière. Cet ouvrage extrêmement minutieux est assemblé de manière très méthodique pour former un tissage concentrique servant à la fois de maison à la fois de piège pour les insectes. Les fils qui la composent sont de deux sortes différentes : l’un collant pour l’adhérence du piège, l’autre lisse pour permettre le déplacement de l’araignée sur celle-ci. Ce maillage peut-être plan ou se déformer selon les points d’impacts de son environnement. Analogie. Le stade de Munich conçu par Frei Otto et Günther Behnisch en 1972 (ci-contre) fut édifié dans un contexte particulier. Succédant aux jeux Olympiques de Berlin en 1936, les olympiades qui se déroulèrent à Munich en 1972 durent apporter une image de joie aux Olympiades (la devise étant « jeux heureux »). Les architectes dressèrent une structure légère imitant un drapé ou encore « les élévations rythmiques des Alpes Suisses » comme un nuage flottant au-dessus des installations sportives des JO : stade, village olympique, centre commercial. Une telle conception fut possible notamment grâce à l’utilisation de l’informatique (nous en reparlerons ultérieurement dans ce chapitre). Cependant aussi poétique soit la métaphore et la comparaison onirique de l’architecte, l’analogie avec le monde animal est flagrante et s’oppose ainsi à l’intention initial. Selon Olivier Allard, l’imitation est évidente alors que l’objectif était autre. Exemple second d’une architecture animale : Les guêpes fouisseuses. Les guêpes fouisseuses appartiennent à une espèce de guêpes de taille moyenne, qui ont la spécificité de protéger (architecturalement) leur progéniture. Les femelles creusent un nid ou construisent une chambre dans du bois en décomposition pour chaque œuf. Chacun de ses œufs peut-être installé indépendamment des autres ou peut-être réuni pour former (dans le cas de la chambre) un ensemble rangé. Le résultat formel est une sorte de composition de « boules » blanches s’unifiant pour 10


Toile d’araignée Source: internet © http://quatsaisons.blogspot.fr

Stade de Munich - Frei Otto architecte Source: internet © http://www.augsburger-allgemeine.de

Nid de guêpe fouisseuse Source: internet © https://bruicoleur.files.wordpress.com

Maisons Bulles - Antti Lovag architecte Source: internet © https://autrecarnetdejimidi.wordpress.com

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créer un ensemble. Analogie. Antti Lovag est architecte mais se dit « habitologue ». Ses fameuses maisons bulles sont connues dans le monde entier pour leur singularité. Antti Lovag souhaite par sa démarche s’affranchir de toutes contraintes formelles issues de la géométrique Euclidienne qui ne sont pas présentes dans la nature (le carré, l’angle droit, etc.) et créer un habitacle aux formes organiques. « Des enveloppes autours des besoins car nous sommes dans un monde évolutif ». Ses maisons bulles aux formes ondulantes, réalisées en béton sur ossature en acier (façon de coque ferraillée), sont non sans rappeler le nid des guêpes fouisseuses où d’autres cocons d’insectes. Par ailleurs, la technique utilisée - le béton projeté – peut aisément être comparé à l’habitat de nombreux insectes dont les éléments tangibles sont réalisés en terre humidifiées afin d’être modelée, puis séchée. Exemple troisième, autres . Nous pourrions également citer parmi d’autres la similitude du projet de logements Habitat 67 de Moshe Safdie à Montréal, ou encore la Capsule Tower de Kisho Kurokawa à Tokyo avec certaines formes de termitières. Ces deux projets sont conçus sous forme d’un ensemble de « cellules » semblant se propager les unes en prolongement des autres, et formant ainsi une sorte de monolithe émergeant du sol. Nous considérerons ultérieurement le mouvement auquel ces deux projets s’apparentent : le métabolisme, mais sommes pour l’instant forcés de constater leur ressemblance forte à une architecture animale, et ce en dépit de l’utilisation de modules préfabriqués pour le premier. Cependant il serait très imprudent de tirer des conclusions hâtives suite à cette observation pouvant être - contrairement à l’exemple du Stade de Munich - perçue de manière subjective.

Quelles conclusions peut-on tirer de cette première constatation brève de la ressemblance des architectures animales avec certaines architectures modernes ou contemporaines ? Ont-elles un lien et peuvent-elles être considérées avec une temporalité remontant davantage en amont de l’architecture moderne illustrée par les exemples ci-dessus ? De notre point de vue d’observateur, l’analogie entre architectures animales et architecture « humaine » est aisée, cependant elle peut s’avérer hasardeuse. Il serait trop facile d’établir un lien de parenté entre ces analogies. Ainsi nous tâcherons par la suite d’observer la présence de la nature dans l’architecture, en partant d’exemples où la nature se présente en temps que forme architecturale, mais de manière plus subtile et modérée.

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b) La nature en tant qu’image : De la représentation à la cohabitation Images de la nature dans l’architecture. L’architecture occidentale, telle qu’elle est enseignée aujourd’hui dans les UP et exercée par les architectes, prend racine depuis plusieurs siècles dans les constructions de la Grèce et la Rome Antique qui nous sont parvenues, ainsi que dans les premières théories architecturales du traité de Vitruve, De Architectura, redécouvert à la renaissance. Dès les premiers siècles, la mimesis d’une architecture vernaculaire s’est prononcée. L’étude des proportions anatomiques de l’homme pour une adaptation de l’architecture, l’esthétique, l’harmonie et la technicité furent dès cette époque au centre des préoccupations des architectes. Les trois ordres de l’architecture Grecque suivis de deux principaux ordres Romains sont pour l’architecture les constantes qui ont marqué plusieurs siècles d’une continuité dans la conception. Il est presque inutile de rappeler le lien étroit entretenu entre ces ordres (et leurs modénatures) avec l’image de la nature. L’illustration ci-après nous le rappelle brièvement.

Les 3 ordres de l’architecture grecque Dorique, Ionnique, Corinthien Source: internet

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Fort de ce très bref constat, afin d’entamer notre étude concernant les inspirations de la nature sur la conception architecturale, nous nous intéresserons en premier temps sur la nature en temps qu’image. Mais avant toute chose nous pouvons rappeler qu’au delà de l’image telle que nous allons l’aborder, la nature est perçue par un grand nombre de civilisations comme un symbole de fertilité, symbole qui nourrit le respect et l’admiration. D’une civilisation à l’autre sa perception varie et sa présence est entretenue différemment. Il serait intéressant d’évoquer les dialogues que chaque peuple entretient intimement avec la nature, mais ce vaste exercice d’anthropologie nous éloignerait de notre objectif architectural. Nous tacherons toutefois dans les paragraphes suivants, au travers de quelques exemples singuliers sans lien de parenté, d’observer de quelle manière la nature - en tant qu’image - peut-être reliée à l’architecture. Dans un premier temps nous aborderons le mouvement l’Art Nouveau au travers du travail d’Hector Guimard. Celui-ci est intéressant car il témoigne de l’évolution radicale (grâce notamment au progrès de la technique) des modénatures florales vers une représentation en profusion de la nature, autant structurelle que décorative. Par la suite nous aborderons l’architecte finlandais Alvar Aalto, dont l’architecture avait pour objectif d’être en totale adéquation avec les valeurs nordiques de l’époque mettant la nature au même niveau que l’architecture (il sera ainsi question d’image au sens figuré). Enfin aborderons les Ryokan (auberges traditionnelles japonaises) à travers lesquelles la nature est considérée comme un tableau que l’on observe. Influences des représentations picturales  : L’art Nouveau & Hector Guimard. Hector Guimard est un architecte né le 10 mars 1867 à Lyon. Représentant du mouvement « Art Nouveau » il eu une grande production de maisons et de mobilier qui le rendirent célèbre, tout particulièrement le Castel Béranger (l’un de ses premiers projets de maison à Auteuil qui contribua à instaurer ce que l’on appela « le style Guimard »), et les bouches de métro de la ville de Paris connues sous le nom de « Libellules » pour leur morphologie ressemblant aux libellules. Avant d’aborder le style art nouveau dont Hector Guimard fut le plus grand représentant avec l’architecte belge Victor Horta, précisons tout d’abord le contexte de l’enfance et la formation d’Hector Guimard. Hector Guimard grandit et fit ses études dans un contexte familial relativement aisé (il résidait chez une tante riche qui possédait le quartier d’Auteuil à Paris). Bien qu’il eu une importante production architecturale, Guimard n’eut d’autre formation architecturale que celle dispensée par le jeune architecte Charles Genuys au sein de l’école des Arts Décoratifs dont Guimard était étudiant ; puis enseignant. L’enseignement était alors très porté sur le dessin ce qui fut pour lui une première approche très intime avec la nature, qui était le sujet d’étude primordial. En dépit de sa volonté, Guimard ne réussit pas à intégrer l’école d’architecture pour obtenir un diplôme d’architecte Diplômé Par Le Gouvernement. Il fut cependant très vite sensibilisé par Genuys aux écrits de Violet-le-Duc, ce qui fut pour lui – en plus de son talent créatif exprimé aux Arts Décoratifs - un élément déterminant dans sa façon d’aborder l’architecture. Comme le considérait Violet-le-Duc dans ses « Entretiens sur l’Architecture », la démarche de l’architecte qu’il présente au travers du style 14


Entrée de métro Parisien Libélule, Hector Guimard architecte Source: internet © www.flickr.com

Japanese Lady with a Fan - Peintre Henry Source: internet © www.zazzle.com

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Néo-Gothique doit progressivement se tourner vers une fusion entre l’architecture et le décor. Guimard fut en total accord avec ce principe qu’il conservera tout au long de sa carrière ; Les styles Art Nouveau et Néo Gothique ayant cette connivence. A partir de ce postulat de base nous pouvons énoncer les grands principes de l’art nouveau. Ce mouvement était également tourné vers la nature en raison de ses inspirations d’un mouvement pictural à la mode: le Japonisme (qui influença aussi des mouvements picturaux comme les Nabis). La découverte des peintres tels que Hokusai ou Hiroshige fut déterminante. La peinture japonaise dans laquelle les mouvements européens trouvèrent une grande inspiration était très tournée sur la nature (cf Japanese Lady with a Fan - Henry. p15) . Fort de ses inspirations et de celles du mouvement Arts & Crafts dont le fondateur était l’architecte William Morris, le mouvement Art Nouveau fut une production d’oeuvres complètes allant du décor floral jusqu’à la structure reprenant des morphologies issues de la nature. Tout comme le mouvement Arts & Crafts, le projet se veut total et permet de rompre la séparation entre arts majeure et arts mineurs, ce qui conviendra parfaitement à Guimard compte tenu de sa formation. D’un point de vue purement pragmatique, il rassemble les principes suivants : · Inspiration florale, représentations de motifs organiques dans la structure, dans le décor ou dans le mobilier · Le décor est dorénavant intégré à la structure (permis à la fin du XIXe siècle grâce à l’essor de l’acier), afin de ne former qu’un ensemble unique · La structure est apparente, à l’intérieur comme à l’extérieur du bâti. Bien que le style Art Nouveau fut étendu à toute l’Europe, sa diffusion ne fut pas orchestrée tel un courant dogmatique mais simplement diffusée parallèlement par le biais des expositions universelles et expositions des arts décoratifs. Ainsi de ce point de vue formel, nous pouvons difficilement classifier le mouvement Art Nouveau et le travail d’Hector Guimard dans l’une des sous-catégories du biomimétisme compte tenu de son contexte éloigné de toute notion de dogme (hormis le principe de fusion de Violet-Le-Duc), même si ce style s’inspire des formes élancées de la nature. Guimard dira également de son travail: « Ce n’est pas la fleur, moi que j’aime comme élément de décor mais la tige » ce qui illustre la mimèsis structurelle de son architecture avec la nature. Salvador Dali opposera: « L’ornementation poétique de Guimard au manque total d’érotisme de le Corbusier et autres débiles mentaux de notre architecture moderne » . En fin de compte nous pouvons très facilement intégrer l’architecture de Guimard dans un principe de bio-architecture compte tenu de ses inspirations qui en sont l’une des principales spécificités. La nature étendue à l’intégralité du projet en fait partie intégrante, à défaut de conférer une dimension mimétique.

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Villa Mairea, détail - Alvar Aalto architecte Source: internet © www.alvaraalto.fi

Villa Mairea - Alvar Aalto architecte Source: internet © www.flickr.com

Symbiose culturelle : Alvar Alto. Alvar Aalto est un architecte Finlandais qui naquit en 1898 à Kuortane à l’Ouest de la Finlande. Il fut dès son plus jeune âge sensibilisé au dessin et comme une grande majorité de la population Finlandaise, il prit conscience de l’importance de la place que tient la nature dans la société. Cette considération, ces valeurs pouvant se résumer à la phrase : « La foret peut se passer de l’homme, mais l’homme ne peut se passer de la forêt ». Aalto connu rapidement une grande postérité après avoir monté son agence d’architecture à Jiväskylä en 1923, qu’il pu exporter en Suède et au Danemark. Ses premiers projets d’architecture s’inscrivant dans un classicisme nordique furent 17


remarqués, tout comme son approche avec le design. Les voyages qu’il entreprit par la suite en Europe ainsi que les réunions du CIAM lui permirent de rencontrer nombreux architectes et autres personnalités avec qui il pu nouer des liens étroits (Asplund, Le Corbusier, Giedion,...). Il pu ainsi s’ouvrir au modernisme du Bauhaus qui influença son début de carrière. Ce n’est qu’à la suite d’une période rationaliste qui marqua ses premiers projets que son œuvre prit une direction radicale, caractérisant le lien avec la nature. Dans un discours prononcé en 1935, Aalto déclara : « Les objets [...] Ils sont plutôt des cellules et des tissus, aussi vivants que ceux-ci, des éléments dont la vie humaine se compose. On ne peut les traiter autrement que d’autres unités de la biologie car sinon ils courent le risque de ne plus s’intégrer dans ce système, de devenir inhumains». A travers ce discours nous pouvons déjà entendre la place qu’Aalto accorde à la nature. La notion de « système » résume bien l’harmonie qu’il tachera de nourrir dans certains projets, entre nature et architecture. Nous pouvons d’ailleurs utiliser le terme biologique de « symbiose » pour qualifier une telle démarche. C’est d’ailleurs au cours de cette année qu’il se sépara radicalement du mouvement fonctionnaliste et en contesta les principes qui relient la forme au seul contenu. Il fit également en 1938 à la réunion de la construction nordique à Oslo un discours qui le dissocia complètement du mouvement rationaliste: « J’ai prétendu que le meilleur comité de standardisation était la nature elle-même, mais en réalité la standardisation dans la nature ne se produit presque que dans les plus petites unités, les cellules. Il en résulte des millions de combinaisons souples, sans formalisme aucun, d’où une richesse et une capacité de transformations illimités des formes qui croissent organiquement. La standardisation en architecture doit emprunter le même chemin ». Il eut l’opportunité d’expérimenter sa pensée et son architecture dite « organique » sur plusieurs types de programmes et notamment de maisons, parmi lesquelles la maison à Riihiti, Helsinki ou la villa Mairea à Noormarkku. Cette dernière est probablement la plus remarquable de cette approche architecturale totalement affranchie des principes du modernisme. Voici les quelques éléments phares témoignant de cette spécificité. Tout d’abord, comme en témoigne le plan (qui reprend certaines récurrences propres à ses projets de logements individuels), l’approche formelle est libérée des fonctions du bâtiment afin d’être davantage relié à la nature, l’enveloppe en résulte ainsi moins « rigide » que les constructions modernistes. Elle est par endroit adoucie ; la courbe est introduite dans l’espace. Le traitement du détail et des matières revêt quant à lui une élégance sensorielle caractéristique de l’œuvre d’Aalto : du détail de poignée au garde-corps, en passant par les mouvements du plafond ; tout est traité avec une sensibilité évoquant la nature et les valeurs Finnoises. Le traditionalisme se mêle habilement à une esthétique contemporaine. Certains matériaux « naturels » (jeunes troncs d’arbres) sont même intégrés tels quels au projet amplifiant cette notion de symbiose avec la nature. Dans ce travail subtil de dialogue entre architecture et nature (au gré de ses nombreux projets), le positionnement de Aalto se situe à deux points de vue : 18


d’un côté ce sensible mélange entre tradition et modernité, et son fin détail de la matière introduisent de manière presque analogique l’image de la nature, ce qui nous conforte dans notre approche de bio-architecture ; d’un autre côté sa subtile écriture des formes tend à évoquer une approche poétique et abstraite de la nature, un peu similaire à celle que nous développerons dans le point suivant avec l’architecture biomorphique de Santiago Calatrava. Pour Aalto, l’architecture doit « réunir pour l’habitant les effets positifs de la nature ». L’image (au sens propre et figuré) est d’importance dans son architecture et peut s’interpréter avec plusieurs niveaux de lecture. Traditions et harmonie : L’architecture traditionnelle japonaise  - Les Ryokan et les Minka. «  L’art japonais est tourné vers la nature ». Contrairement à notre société, les japonais ont une approche très sensible à la nature. Ils apprennent à ressentir les changements même infimes de celle-ci, à les apprécier et à les éprouver. Le chant des insectes ou le vol des oiseaux pourra apporter des variations dans leur perception du temps, des saisons, de l’environnement. Chaque variation a son importance dans l’équilibre du lieu. Le Haïku, style poétique japonais se caractérisant pour son rythme et sa

Hiiragiya Ryokan à Kyoto Source: internet © www.forbes.com

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spontanéité a pour objectif d’illustrer ces changements de la nature et des saisons. Pour exemple le haïku suivant: « Sur la Terre comme au Ciel, les cerisiers fleurissent, et moi je tousse » (Nomiyama Asuka). Tous ces liens sensibles entretenus par les japonais avec la nature se situent au cœur de l’habitat traditionnel : Les ryokan (auberges) et les minka (habitat populaire). Tout d’abord, nous pouvons souligner la complexité de typologie du mot minka qui se rapporte à de nombreuses époques et contextes. Le mot « katei » auquel il peut être associé désigne le « chez-soi ». Les deux syllabes qui le composent sont « ka » pour maison et le « tei » pour jardin... L’habitat est indissociable de la relation avec la nature qui est reconstitué dans le jardin. Cette relation telle que nous l’abordons ne semble à première vue pas avoir d’impact direct sur l’architecture. Pourtant dans l’architecture japonaise, le jardin métaphore de la nature, est une constituante tangible de la maison. En effet le jardin est idéalisé, modelé et entretenu tout les jours afin « d’évoquer la nature autant qu’il est la nature ». La présence de l’eau, sa signification par une musicalité ou sa représentation (formelle ou abstraite) est très importante également. La présence de rochers a aussi une place significative. Tous cet ensemble tendant vers l’harmonie se loge dans l’enceinte de la maison. La limite tangible délimitée par le mur l’inscrit dans un espace qui, bien qu’il soit extérieur, appartient à la demeure.

Le jardin devient une image fixe idéalisant la nature et l’inscrivant telle une toile de maître. Les répercutions sur l’architecture suivent en conséquence. Les maisons japonaises sont - contrairement aux maisons occidentales - des espaces ouverts dont seules des parois coulissantes légères peuvent créer un délimitation diaphane et éphémère. La notion d’intimité diffère complètement de nos sociétés et l’intérieur fait corps avec l’extérieur. Certains architectes tenteront de retranscrire ces principes via l’architecture moderne. Franck Lloyd Wright s’inspira de cet agencement pour élaborer son plan décloisonné et ses « écrans architecturaux » ; Le Corbusier s’en inspirera dans sa manière de « cadrer la nature » par le biais de points de vue. Ainsi dans ce contexte ou les inspirations de la nature sont ressenties via l’architecture; la maison japonaise est un exemple particulier car ses connivences avec la nature ne résultent pas d’une simple démarche mais d’une culture ancienne de plusieurs siècles. Elle intègre la nature en tant qu’image au sens propre du terme, comme si elle devait participer à l’élaboration d’un tableau. Par ailleurs, tout comme nous avons pu constater dans la démarche et l’architecture d’Alvar Aalto (dont les similitudes peuvent surprendre sachant que ce dernier n’est jamais allé au Japon), l’emploi de matériaux naturels non transformés (ou très peu) 20


est récurrent. Ils participent à une recréation de la nature à l’intérieur de manière harmonieuse. Les principes de base du ryokan et du minka sont toujours les mêmes : nature et rite. Ils tendent vers l’harmonie entre bâti et nature. Mais peut-on pour autant parler de bio-architecture ? Tout comme l’architecture moderne et traditionaliste d’Aalto, l’image de la nature et sa cohabitation est primordiale tandis que dans le cas de l’art nouveau il s’agit d’un procédé davantage stylistique. Même si pour ces deux précédents cas de figure la nature revêt un intérêt certain, les liens de parenté avec un principe de bio-architecture sont moins évidents. Il s’agit là d’évocation tantôt anecdotiques tantôt symboliques et poétiques c’est pourquoi il me semble risqué d’associer une forme de classification communes à ces trois exemples. La formulation « bio-architecture » est dans ce cas à utiliser avec une grande prudence et une grande mesure.

c) Observation et héritage: le biomorphisme Réinterprétations de la nature Tout au long de l’histoire de l’architecture, la nature a été une source d’inspiration pour nombreux courants de pensée et architectes. Au-delà de la simple représentation de la nature à travers les décors ou les modénatures, sa compréhension et son observation au sens biologique du terme ont permis à de nombreuses réinterprétations allant du fonctionnement structurel à la métaphore poétique. Au fil des époques, les mouvements architecturaux se sont succédés et ont connus des bouleversements étroitement liés aux évolutions des sciences et techniques, par exemple: · Entre le XIIe et le XIVe siècle, l’architecture Gothique, considérée par Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc comme l’apparition de la modernité en architecture, a coïncidé avec une renaissance intellectuelle et culturelle en Europe et une importante hausse de la démographie. · Au XIXe siècle, les mouvements modernes aux Etats-Unis, en Europe et en Russie ont permis une totale remise en cause des fondements de l’architecture classique (réinterprétée dans le contexte de l’époque par le néo-classicisme) grâce notamment aux progrès techniques et l’apparition de nouveaux matériaux de construction lors de la révolution industrielle (acier). · Enfin plus récemment la technologie informatique ne cesse d’ouvrir de nouvelles possibilités en offrant des outils de conception permettant de générer des formes jusqu’à présent impossibles avec les techniques traditionnelles, bouleversant ainsi totalement le savoir même de l’architecte. 21


C’est parallèlement à tous ces progrès et bouleversements que les inspirations prises à la nature purent adopter une forme différente. La modification de perception, d’analyse et d’ingestion faite de cette dernière permirent de nourrir de nouveaux langages architecturaux. Les projets que nous allons étudier - bien que résultants d’une démarche différente - ont en commun une inspiration morphologique de la nature et peuvent être classés dans ce que l’on appelle le bio-morphisme. D’après la définition Larousse, le bio-morphisme est « le caractère d’une œuvre d’art de tendance non figurative dont les formes rappellent celles du monde organique. ». Cette définition pourra selon les sources être associée à celle du terme « bionique » (cf architecture bionique) qui est cependant très souvent erronée dans son utilisation. D’après le site CNRTL, la bionique est « la science qui a pour objet l’amélioration de la technologie (en partie. de l’électronique) en tirant profit de l’étude de certains processus biologiques observés chez les êtres vivants. » . Dans ce présent exposé, contrairement à de nombreuses sources, nous distinguerons l’architecture biomorphique de l’architecture bionique que nous aborderons dans la partie suivante. Afin d’illustrer les principes de l’architecture biomorphique, nous évoquerons en détail les deux exemples suivants: La démarche de l’architecte espagnol Santiago Calatrava - célèbre pour son architecture biomorphique située entre architecture et ingénierie, et les architectures contemporaines dites « non standards » illustrées par le travail de l’architecte américain Greg Lynn qui furent présentées dans une exposition éponyme au centre Pompidou. Évocations poétiques : Santiago Calatrava Santiago Calatrava Valls est un architecte et ingénieur espagnol né en 1951 à Bénimàmet. Il a mené à bien ses études d’architecture à Valence puis approfondit un apprentissage technique à l’institut fédéral polytechnique de Zurich, qui marqua les grandes orientations prises dans sa carrière. Il a construit entre 1976 et 2016 plusieurs dizaines de bâtiments remarquables parmi lesquels l’auditorium de Tenerife, la gare TGV Saint-Exupéry à Lyon ou encore la Turning Torso à Malmö. Dans son ouvrage « Santiago Calatrava, la poétique du mouvement », Alexander Tzonis résume assez bien l’œuvre de Santiago Calatrava en affirmant que : « Ses nombreux édifices, projets industriels, sculptures et dessins de meubles cultivent une poétique de la morphologie qui refuse de trancher entre forme et mouvement ».

En effet l’architecture de S. Calatrava n’a pas pour volonté de recréer une mimesis précise et formelle, 22


De la pliabilité des structures spatiales Santiago Calatrava architecte Source: internet © http://culture.ulg.ac.be

les aspects organiques de ses projets ne sont pas définis suivant une pensée dogmatique et ne correspondent pas à un « style » à proprement parler. D’après A. Tzonis, même s’il est parfois facile de comparer certains projets à une forêt, un squelette ou une aile d’oiseau, il est davantage question d’évoquer une valeur singulière empreinte à la nature que de chercher à la reproduire. Dans un premier temps il est nécessaire de faire preuve d’une grande prudence quant à la classification - fortement relayée par les médias - de l’architecture de S. Calatrava en tant qu’ « architecture biomorphique ». Bien qu’il soit facile de faire des analogies entre ses bâtiments et des formes de la nature, la démarche de S. Calatrava n’est pas la nature mais le mouvement. Durant sa formation à l’institut fédéral polytechnique de Zurich, il réalisa une étude interdisciplinaire intitulée « de la pliabilité des structures spatiales » (ci-dessus). Cette étude marqua le démarrage de ses réflexions sur le mouvement qui seront omniprésentes dans son œuvre. Plus précisément cette étude avait pour but d’analyser les possibilités de transformations d’une structure géométrique tridimensionnelle en une structure bidimentionnelle. Toutes ses transformations n’utilisant qu’uniquement des procédés mécaniques. S. Calatrava va ainsi mettre en place dès ses premiers projets des procédés de structures et d’articulations permettant au bâtiment de se mouvoir, lui donnant ainsi vie tel un organisme vivant (ce qui le rapprochera en conséquence d’une architecture organique dont les formes sont empruntes à la nature). Ses compétences techniques d’ingénieur et sa vision d’architecte lui permettront de créer des mouvements improbables, parfois à la limite de l’effondrement afin de susciter l’étonnement et la curiosité. L’influence qu’il pourra avoir des formes de la nature lui viendra de son enfance durant laquelle il fut sensibilisé, notamment par le biais du dessin, au monde qui l’entoure. D’une manière générale, l’un des principes récurrents de son architecture est la manière avec laquelle il va composer ses structures et ses enveloppes architecturales. C’est d’ailleurs probablement l’aspect de son travail qui lui vaut la classification parmi les architectures biomorphiques. S. Calatrava compose à la matière des organes du corps humain les « ensembles » constituants de son architecture. Chaque 23


Dessin Source: © Santiago Calatrava archives Studies for “Bird” sculptures Secret Sketchbook 1, 1995

Aéroport de Lyon Satolas Santiago Calatrava architecte Source: internet © http://intern.strabrecht.nl

élément qu’il soit articulation, appui ou encore membrane est clairement identifié et relié à l’ensemble à la manière d’un tissu vivant. Il peut ainsi dépasser la beauté intrinsèque du matériau, le métamorphosant ainsi dans un ensemble qui pourra être perçu différemment, métaphoriquement. Dans l’un de ses premiers projets, l’entrepôt Ernsting, il va expérimenter le mouvement de l’architecture en traitant certains éléments mobiles tels que les portes de garage à l’aide d’un simple procédé de pliage d’une lame étroite en aluminium, qu’il va démultiplier et faire varier progressivement en suivant une séquence. Le mouvement obtenu recréé un déplacement évoquant un voilage, un textile qui se replie comme le vêtement d’une femme. Nous pouvons parler pour cet exemple d’anthropomorphisme. Dans ce cas de figure, S Calatrava tend vers une évocation poétique de la nature semblant faciliter les interactions avec les usagers. Néanmoins 24


nous pouvons nous questionner sur la place de la nature dans le processus créatif. Est elle en amont du processus créatif ou intervient-elle simplement comme une résultante ? Dans ce cas de figure il semblerait qu’elle soit davantage un résultat formel qu’une valeur ajoutée à la conception. Cependant d’autres projets peuvent aisément positionner la nature en amont dans le processus de création. Le projet du théâtre Tabourettli à Bâle est un projet de réhabilitation d’un immeuble ancien posant de gros problèmes structurels en raison de nombreuses transformations qu’a connu l’existant. L’intervention contemporaine va reconsidérer l’ancien et redéfinir les structures du bâtiment de manière subtile et respectueuse. S. Calatrava va pour cela créer des éléments auxquels il assignera plusieurs fonctions. Ces éléments s’entremêlent subtilement afin de ne pas surcharger l’existant. Comme le résume A. Tzonis, il « prend modèle sur la croissance organique, ou les tissus se spécialisent peu à peu pour accomplir une fonction cachée ». Aussi dans ce cas de figure la dimension biomorphique intervient comme outil de conception. D’une manière générale, suivant ses projets les inspirations de la nature oscillent entre « moyen » et « finalité ». Cependant la démarche de S. Calatrava restera la même tout au long de sa carrière : l’expression du mouvement de l’architecture par des moyens de transformations mécaniques, pour un résultat se rapprochant du mouvement tel qu’il est perçu dans la nature. La plupart de ses projets nourrissent ainsi une certaine ambiguïté par rapport à cette place de la nature : l’appréhension est-elle formelle ou structurelle ? Parmi des projets pouvant illustrer ce propos: la BCE Place à Toronto au Canada qui est perçue comme « une structure arborescente telle une forêt », sorte de canopée où tous les éléments sont solidaires les uns des autres ; le Pavillon flottant en béton à Lucerne qui évoque « une fleur de 24 pétales pouvant changer d’aspect » ; ou encore la plateforme multimodale de Lyon Satolas qu’il comparera à «l’envol d’un oiseau», symbolique du lieu qu’il abrite. Il semble que la nature soit présente du début à la fin du processus de création chez S Calatrava. La dimension poétique introduite de manière très pragmatique et ingénieuse dans ses ouvrages par l’architecte illustre bien la notion d’héritage et d’enseignements tirés de la nature. La technologie pour générer la nature : Architectures non standards & Greg Lynn A la fin de l’année 2003, se déroule au Centre Pompidou une exposition prospective d’un mouvement qui marque un important renouveau architectural dans la manière de concevoir. La révolution technologique qui a lieu depuis la fin des années 1980’s et l’apparition d’internet modifient tous les codes de fabrication de l’architecture. En premier temps la représentation, puis en second temps la conception assistée par ordinateur offre aux architectes de nouvelles possibilités remettant en question toutes les méthodes d’élaboration morphologique jusqu’à présent axées sur l’observation, la reproduction ou la réinterprétation par la main de l’architecte. Architectures Non Standard sous la présidence de Bruno Racine, présente le travail de 12 agences sélectionnées pour leur travail prospectif et leur usage de l’informatique à des fins conceptuelles. 25


Au-delà des logiciels de représentation et de production qui ont déjà pris une place importante, le projet architectural fait désormais appel à des outils mathématiques et des algorithmes génétiques afin de générer des formes inédites, pour certaines issues de la nature (qui ne pouvaient jusqu’à présent être reproduite que par « imitation » et non par « mimésis »). La notion de non standard fut initiée par le mathématicien Abraham Robinson qui reprend les théories de Henri Poincaré et G.W. Leibniz sur la théorie des infinitésimales révolutionnant l’idée de continus mathématiques. Les applications de ces principes sont notamment logiques et morphogénétiques (théories des catastrophes, fractales). Tous ces principes permettent notamment l’interprétation et la production des formes de la nature. Bien que les projets présentés s’appuient sur des outils concrets, ils se situent cependant pour la plupart dans une dimension prospective voir utopique. Ce laboratoire de recherche explore de nouvelles approches morphologiques généralisant des procédés de mise en œuvre et de production de masse de type « non standard » par le biais de l’informatique et de la mathématique, sans pour autant apprendre des formes de la nature. Ce nouveau vocabulaire formel redonne cependant un goût et une esthétique organique. D’après Zeynep Mennan, architecte et professeur à la Middle-East Technical University à Ankara: « La stabilité formelle cède devant un écologisme et un vitalisme architectural qui transfigurent en permanence la forme,... ». Afin d’étayer notre champ d’observation, prenons pour exemple le projet de musée Ark of the World de Greg Lynn, architecte, philosophe et écrivain de science-fiction américain né en 1964. Selon lui, il est impossible de reproduire ou d’imiter la nature par simple observation. Seul le calcul infinitésimal permet de générer des formes organiques complexes. D’après Mediadico le calcul infinitésimal est une partie des mathématiques qui comprend le calcul différentiel (recherche du rapport de deux infiniment petits) et le calcul intégral (évaluation des quantités de l’infiniment grand et l’infiniment petit). Dans son musée Ark of the World qui célèbre la biodiversité du Costa-Rica, Greg Lynn recréé un environnement évoquant la richesse et la diversité des espèces naturelles. Le bâtiment rappelle par sa forme la faune tropicale ou encore la flore centre-américaine. Générées par les outils informatiques, les espaces et tangibles conçus par Greg Lynn ne cherchent pas à représenter ou évoquer la nature de manière analogique,

il «instrumentalise le paysage afin d’inventer des fictions» 26


Ark of the world, Greg Lynn architecte Source: internet © http://glform.com

d’après Zeynep Mennan. De nombreuses constituantes de son bâtiment évoquent par leur aspect des formes animales comme nous l’avons abordé précédemment ou encore des architectures végétales telles que la canopée. En analysant son bâtiment, tout comme Zeynep Mennan, nous pouvons observer des similitudes allant d’environnements biologiques variés jusqu’aux univers de science-fiction. Bien que l’intention de Greg Lynn ne repose pas sur un mimésis mais sur la génération de formes organiques par le biais des technologies informatiques, la résultante présente en tout état de cause d’importantes analogies avec la nature. Aussi, nous pouvons rapprocher cette architecture de celle de Santiago Calatrava par son aspect biomorphique. Ces deux démarches pourtant complètement différentes génèrent des formes inspirées de la nature, suivant des processus de conception expérimentaux. Ainsi, à travers ces précédents exemples nous avons pu constater une grande diversité d’inspirations de la nature à travers une production architecturale riche et variée au cours des siècles. Il serait cependant difficile de toutes les répertorier, certaines étant plus anecdotiques tel le projet de Choux à Créteil de l’architecte Gérard Grandval (page 8). Certains principes évoqués en introduction tels le biomorphisme sont même, au vu de certains exemples, plutôt intelligibles. Qu’il s’agisse de démarche décorative, intellectuelle, poétique ou culturelle, la relation avec la nature prend une part importante dans la conception architecturale. Néanmoins, tous ces exemples ne répondent pas forcément à un principe de bio-architecture. Les relations entretenues avec la nature diffèrent radicalement d’un exemple à l’autre et cela reste très imprudent de leur prêter quelconque lien de parenté à ce niveau. Nous verrons dans les parties suivantes quels autres types d’architectures peuvent soutenir ce principe de bio-architecture. 27


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2. Les processus au service de l’architecture. a) Procédés mimétiques. Architecture bioclimatique Comme nous l’avons vu précédemment, l’architecture s’inspire depuis des siècles de la nature d’un point de vu formel et morphologique suivant des principes relativement différents, allant du décor floral en passant par l’évocation poétique ou la mimèsis structurelle. Nous pouvons assurément parler de « bio-architecture » dans certains de ces cas, tout en considérant la relation étroite entretenue avec la nature pour les autres. Mais ces relations et inspirations peuvent-elles se manifester d’une autre manière ? Depuis la notion de « machine à habiter » évoquée par le Corbusier, jusqu’à l’architecture High-Tech qui concède une grande place à la technologie, l’architecture a engagé une nouvelle mutation, basée sur les procédés ayant pour objectif l’amélioration du confort et le développement durable. Aujourd’hui on constate que les dépenses liées à l’habitat sont parmi les plus importantes et on considère urgent le besoin de concevoir une architecture en mesure d’intégrer des solutions viables. La problématique du « mieux construire » a pris une place prépondérante et les exigences se situent à tous niveaux : confort thermique, confort acoustique, production d’énergie, récupération des déchets, bien-être, etc.. Les innovations dans les technologies du bâtiment deviennent un gage de qualité architecturale à tel point que les équipes de maîtrise d’œuvre doivent dorénavant se diversifier. Nous pouvons parler d’architectures bio-climatiques. Pour Gérard Aimé, créateur de la collection « Anarchitecture » , le point de départ de cette prise de conscience prend ses origines après les deux chocs pétroliers en 1973 et 1979. Plusieurs mouvements en réactions ont envisagé des alternatives relativement éloignées mais tentant de répondre à la même problématique de l’expansion urbaine et ses conséquences sur l’environnement : d’une part ceux qui prônent un retour aux valeurs d’antan et à l’architecture vernaculaire ; d’autre part ceux qui encourage le progrès technologique au profit d’une architecture autonome et indépendante énergétiquement. De nombreux ouvrages paraîtront dans les années 29


70-80 pour promouvoir ces deux alternatives. Nous pouvons aborder certains aspects de « procédés » désormais intégrés à l’architecture contemporaine, faisant appel à la nature. Bien que ceux-ci ne soient qu’une faible participation à la conception architecturale, ils en sont tout de même des caractéristiques propres. Production d’énergie. Parmi les procédés les plus répandus, les panneaux solaires et panneaux photovoltaïques. Aujourd’hui il est impensable de concevoir un bâtiment public sans recourir à cette technologie qui - nous semblons l’oublier tant c’est évident est une mimèsis de la photosynthèse. Ces panneaux composés sont de plaques semiconductrices (souvent grâce à leur composition à base de silicium) : l’une chargé positivement, l’autre négativement. Lorsqu’ils captent la lumière, le mouvement des électrons d’une plaque à l’autre permet de créer de l’électricité (mécanisme similaire à celui de la pile électrique.). L’impact architectural se résume souvent à l’installation de dispositifs en toiture, il peut toutefois être utilisé comme parement architectural comme sur la façade de l’immeuble de la fondation Emmaüs à Paris par les architectes Emmanuel Saadi et Jean-Louis Rey. Bien que cette technologie apporte de nouvelles évolutions du point de vue des procédés, elle peuvent aussi participer à de lourdes maladresses dans la mimèsis en associant une mimèsis morphologiques comme les eTree réalisés en Israël (arbres photovoltaïques - page ci-après) ou encore le Parc Gardens by the Bay à Singapour (ci-contre). Ambiances lumineuses. Le facteur d’exigence d’éclairement dans le domaine de l’éclairage naturel correspond à ce que l’on appelle « Facteur Lumière du Jour » (FLJ). Ce facteur qui s’exprime en pourcentage mesure le niveau d’éclairement naturel et permet de quantifier les besoins en lumière naturelle. Il fait désormais parti des cahier des charges relatifs au respect des normes HQE en vigueur dans le bâtiment. En prolongement de ce besoin de lumière naturelle est apparue la « luminothérapie » qui d’après le site PasseportSanté est une pratique « consistant à s’exposer quotidiennement à une lumière artificielle blanche, dite ‘à large spectre’, imitant celle du soleil. » . Elle permet de « traiter les troubles liés au dérèglement de l’horloge biologique interne ». Cette technologie améliore les sources lumineuses pour recréer un environnement de lumière similaire à la lumière naturelle. Compte tenu de ses bienfaits, elle a tout d’abord été utilisée dans les domaines médicaux et psycho-médicaux (dermatologie/ psychiatrie), puis s’est par la suite étendu à d’autres domaines accessibles au grand public (lampe de bureaux, etc.). Aujourd’hui cette démarche biomimétique à l’échelle du design et de l’architecture d’intérieur est de plus en plus présente compte tenu de l’apparition de nouveaux labels liés au bien-être (norme WELL aux Etat-Unis et bientôt en Europe). Elle pourra même atteindre une dimension architecturale. Par exemple, Jean Nouvel, dans son projet de complexe de centre commercial et logements à Sydney « One Central Park » imaginera même une plate-forme suspendue de 500m² reproduisant à l’aide de miroirs un soleil artificiel faisant bénéficier la rue d’apports solaires d’ordinaire coupés par les masques proches (page ci-après). 30


Gardens by the Bay - Singapour Source: internet Š http://www.cebuairtravel.com

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Immeuble Emmaüs, Emmanuel Saadi et Jean-Louis Rey architectes Source: internet © http://www.la-croix.com

eTree - Israël Source: internet © http://cdn.1millionwomen.com.au

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One Central Park - AJN architectes Source: internet Š http://www.archdaily.com

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Bio-matériaux Enfin, il est impossible de parler de procédés bio-mimétiques appliqués à l’architecture sans aborder la question des matériaux de construction. Les matériaux issus de la nature ont toujours été la composante même des éléments tangibles de l’architecture, néanmoins aujourd’hui les progrès des technologies informatiques et macro-cellulaires ont permis l’élaboration de matériaux hautement performant dont les principes peuvent être inspirés de phénomènes issus de la nature. Comme nous l’avons vu avec les « Architectures non Standards », les algorithmes mathématiques permettant de générer de nouvelles formes architecturales. Ils permettent également à plus petite échelle d’élaborer des matériaux issus de tressage/ sécrétions similaires à des fibres animales. Associés aux nouvelles technologies d’imprimantes 3D, ces nouvelles données ouvrent des possibles en terme de conception architecturale. Dans sa conférence au Conseil Économique, Social et Environnemental, Idriss Aberkane nous démontre en prenant de simples exemples issus de la nature tels que la résistance de la céramique de l’ormeau ou les propriétés biologiques de l’hémoglobine de l’arénicole (ver de vase), qu’il est impensable de d’envisager le monde de demain sans aborder le biomimétisme à plusieurs échelles, que ce soit dans l’industrie, dans l’agriculture, ou dans la santé. Il nous démontre que les matériaux les plus performants sont tous présents dans la nature et influenceront tous les matériaux de construction de demain. Pour illustrer architecturalement ses évolutions annoncées par Aberkane, prenons pour exemple le projet expérimental Hy-Fi conçu en 2014. L’institut Moma-PS1 consacré à l’art expérimental à décerné son prix lors de l’édition Young Architects Program de 2014 à ce projet de David Benjamin (agence the living ). Il s’agit d’un bâtiment qui va « littéralement pousser tout seul ». Nonobstant sa morphologie organique, le bâtiment se compose de 3 tours dont le matériau s’auto-génère. Le matériau principal est un bio-matériaux composé de feuilles de maïs transformées associées à une espèce de champignon pouvant croître et ainsi former des briques organiques. Bien qu’au stade purement expérimental, ce projet reprend des principes mimétiques de prolifération et les perfectionne par le biais des biotechnologies. Ainsi bien que tous ces processus ne représentent qu’un aspect technique et constructif de l’architecture, ils amorcent une démarche de conception étroitement liée avec l’étude de la nature. A l’aube du perfectionnement de ces technologies, il est important de faire un tri entre les allusions anecdotiques (ex : eTree) et les expérimentations prospectives voire utopiques comme le projet Hy-Fi ouvrant de larges perspectives sur l’architecture de demain. Le terme de bio-architecture pour ce dernier exemple prend en tout cas tout son sens tant il assimile toutes les propriétés de la nature (morphologies, procédés, matérialité, etc.)

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Hy-Fi - David Benjamin/ The Living architectes Source: internet Š http://thelivingnewyork.com Source: internet Š http://archspeech.com

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b) Bio-assistance et architecture bionique : Quelle place pour les être-vivants? Nous avons vu durant les précédentes parties qu’il existe de nombreux types de mimèsis, interprétations ou inspirations de la nature dans plusieurs domaines différents de l’architecture. Qu’il s’agisse d’une démarche intellectuelle en amont ou d’une démarche culturelle, il existe toujours une certaine distanciation entre l’architecture et la nature. Dans notre étude des processus nous allons nous pencher sur un tout autre rapport, engageant un pas supplémentaire dans la « participation » de la nature dans la démarche créative  : l’utilisation de la nature en tant que organisme vivant  que nous qualifierons d’architecture bionique. Le précédent exemple du projet expérimental Hy-Fi (illustrant les biomatériaux) pouvait introduire ce principe dont il se rapproche, cependant nous nous pencherons sur des projets davantage concrets afin de les ancrer dans une démarche pérenne. Nous l’avons vu dans la première partie, il existe un amalgame dans la terminologie relative aux pratiques et activités ayant un lien avec la nature. Certaines définitions considèrent que le principe d’architecture bionique repose sur la conception de formes empruntes de la nature au même titre que le biomimétisme. Nous tâcherons d’apporter dans cette partie un peu plus de précision quant à ce principe en prenant pour cas d’étude l’architecture de l’agence X-TU qui imagine des projets innovants de façades photosynthétiques. Tout d’abord qu’est ce que la bionique ? D’après la définition du CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales), « la bionique est la science qui a pour objet l’amélioration de la technologie (en partie, de l’électronique) en tirant profit de l’étude de certains processus biologiques observés chez les êtres vivants ». Dans cette définition les termes « technologie » et « processus » ont semble t-il une grande importance corrigeant le lien erroné pouvant être fait avec le biomimétisme. En considérant une architecture bionique, nous devons considérer une certaine distance par rapport à une simple inspiration/ mimèsis formelle et morphologique de la nature. Le principe de bio-assistance qui confère une dimension supplémentaire en considérant la présence, l’utilisation d’organismes naturels dans de nouveaux procédés, s’en rapproche davantage. L’agence d’architecture X-TU fondée par Anouk Legendre et Nicolas Desmazières développe des projets expérimentaux dans le monde entier. La particularité de certains de ces projets est la conception de bio-façades photosynthétiques qui utilisent les capacités de végétaux et de micro-algues. D’un point de vue formel, les projets de l’agence X-TU sont des édifices, (bureaux, logements, culture, etc.) dont la morphologie ne diffère pas des standards contemporains mais dont les parois prennent une surprenante teinte verte (presque fluorescente) liée à la présence apparente d’organismes vivants pouvant varier vers le rouge offrant à la ville une image colorée et animée. Dans un entretien au FAN 2015, Anouk Legendre, co-fondatrice de l’agence, 36


Ré-Génération-S , Ré-inventer Paris N2 , XTU architectes Source: internet © XTU

évoque une démarche consistant à « changer la vision de la ville ». En dépit de la surprenante apparence de cette architecture, l’utilisation de ces procédés vivants ne répond pas à un enjeu formel et esthétique mais à un enjeu environnemental (que nous développerons dans la partie suivante). Cette technologie végétale permet en effet de casser le CO2 en O2 et de créer une biomasse utile pour l’alimentaire, la chimie, la cosmétique, etc. X-TU a déposé plusieurs brevets relatifs à la mise en œuvre de ce procédé dont l’entreprise ENNESYS est l’un des spécialistes. L’entreprise ENNESYS est l’un des laboratoires dont la technologie exploite des organismes vivants comme des « photo-bioréacteurs ». Évoluant dans une sorte d’aquarium ils permettent à l’aide de la lumière du soleil de traiter les eaux usées afin de réutiliser une eau saine et hygiénique (notamment pour les arrosages, robinets de puisage) et de créer de l’énergie vert (biomasse algale) valorisable par voie agronomique. Les déchets organiques sont recyclés en engrais à forte valeur ajoutée. Les aquariums accueillant les photo-bioréacteurs sont présentés sous forme de tubes en verre (à section circulaire relativement faible) de plusieurs mètres de hauteur et installés en circuit fermé. Cette technologie initialement expérimentée sur des sites dédiés, a par la suite été rattachée à l’architecture

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Adaptés au bâtiments, les tubes réceptacles de l’écosystème développé par Ennesys installés sur les façades ensoleillées (préférences pour des ensoleillements directs Sud et Ouest afin de bénéficier au maximum de rayons directs) vont faire office de parement. Il conviendra par la suite à l’architecte de composer ses façades en accord avec le bureau d’étude de telle sorte à utiliser cette installation comme un bardage ou encore pouvant faire office de brise-soleil devant une paroie vitrée. En suivant cette dynamique de recherche ayant un impact fort sur la morphologie du bâtiment, l’agence X-TU a également permis l’évolution de ce principe (de mise en œuvre) et a déposé un brevet pour un complexe de photo-bioréacteurs pouvant s’intégrer à un mur rideau, faisant ainsi progresser cette technologie vers des procédés de mise en œuvre propres à l’architecture. Nous pouvons dès lors imaginer de nombreuses évolutions envisageables dans les années à venir

Procédé Ennesys - Complexe photobioréacteurs Source: internet © Ennesys

Complexe photobioréacteurs murs rideaux Source: internet © http://www.agexea.com

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D’autres technologies liées à la bio-assistance sont également développées par X‑TU tels que des matériaux (béton) ensauvagés laissant pousser des plantes. A la différence des murs végétaux et autres sedums de toitures, ces installations ne nécessitent que pas ou peu d’entretien, ce qui leur confère une réelle autonomie. Contrairement aux bio-façades développées par X-TU, les murs végétaux tels qu’ils ont été développés sur de nombreux projets contemporains comme le musée des Arts Premiers à Paris (Atelier Jean Nouvel Architecte) sont des systèmes d’irrigation fermés mais nécessitant un renouvellement davantage gourmand en eau. Ils n’ont d’ailleurs pas d’autres fonction que celle décorative ainsi qu’une légère absorption du CO2.

Cette architecture que nous pouvons qualifier de « bionique » peut très aisément être classé dans un principe de bio-architecture. En comparaison à tous les cas de figures abordés en première partie reflétant des aspects liés à l’image et la morphologie de la nature, l’architecture bionique s’inspire de cette dernière pour ses propriétés intrinsèques. L’enjeu et le questionnement diffèrent complètement, cependant le sujet d’étude reste le même. Ces apprentissages sont clairement basés sur une notion de « progrès », autant du point de vue technologique qu’architectural. Nous pouvons même nous questionner quant à la pertinence d’inclure les exemples vus en première partie dans ce principe de bio-architecture, compte-tenu de la grande distance observée entre la bio-assistance et le biomorphisme. Peut-on définir des limites claires au principe de bio-architecture ? Nous tâcherons d’étudier par la suite la notion plus abstraite d’écosystème, afin d’aborder cette question sous un autre angle.

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3. Les écosystèmes, inspiration pour la ville de demain ? a) Les enseignements tirés de la nature: Ecosystèmes et Genius Loci Intégration des Ecosystèmes: Le pavillon des Pays-Bas à Hanovre Lors de l’exposition universelle de Hanovre en 2000, le pavillon des Pays-Bas réalisé par l’agence d’architecture MVRDV fondée par Winy Maas, Jacob van Rijs et Nathalie de Vries se dresse sous la forme d’un bâtiment aux contenus multiples. Ce bâtiment de 8000m² de Surface utile et de 6 niveaux a pour objectif de répondre à la problématique générale de l’exposition universelle liée à l’écologie. Bien que la thématique de l’écosystème en architecture remonte à bien avant cette période, le bâtiment de MVRDV fut une référence en la matière. Pour Winy Maas, l’une des principales problématiques du XXIe siècle est le traitement de la démographie et de la densité par l’architecture. A juste titre, il observe que le développement et l’urbanisme aux Pays-Bas s’est fait horizontalement au cours des précédentes décennies et ce malgré la faible superficie du territoire. Tout comme la célèbre agence OMA Rem Kolhaas où il a débuté sa carrière, il propose en réponse à ce besoin de construire la ville verticalement, mais contrairement aux principes de Kolhaas, en conservant la richesse culturelle et «écosystémique» des Pays-Bas. Dans son pavillon, chaque niveau correspond à un écosystème différent du pays (faune, culture, climat, etc.). Cette proposition est certes un élément de réponse à la problématique de densification et cohabitation avec la nature, cependant elle introduit également le questionnement du rapport entre tradition et innovation, nature et technologie. Pour Winy Maas, il est question d’une « nouvelle nature » afin d’améliorer le confort de vie. Cette démarche de restitution des écosystèmes aborde les thématiques de la symbiose et du Genius Loci. Il sera également intéressant de noter que dans son ouvrage fondateur Biomimicry (Biomimétisme),

Janine M. Benyus aborde cette même notion de Genius Loci mais la met en relation avec la science, la chimie et la biologie, toujours dans le but de protéger et apprendre des écosystèmes. 41


Pavillon des Pays-Bas; Exposition universelle Hanovre, 2000 MVRDV architectes Source: internet Š www.espazium.ch

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D’après le site Futura-Sciences : « Un écosystème caractérise un milieu dans lequel les conditions physicochimiques sont relativement homogènes et permettent le développement d’un ensemble d’organismes vivants ». A l’échelle architecturale et urbaine, le principe d’écosystème peut s’appliquer au sens propre (intégration d’une faune et d’une flore dans la ville, place importante à la biodiversité) comme au sens figuré. En effet, dans un rapport sur la gestion de la ville, Claude Rochet et Joris Peignot enseignants à l’Institut de Management Public et de Gouvernance Territoriale de Aix-en-Provence définissent le principe d’ « écosystème urbain » par analogie avec le concept d’écosystème naturel : « un écosystème construit par l’homme intégrant l’ensemble des éléments constitutifs d’une ville qui interagissent de manière naturelle, entre eux et avec leur environnement, dans un état global d’équilibre qui permet la durabilité de la ville dans ses échanges avec son environnement : prélèvement de ressources, création de richesse et de bien-être, rejet et recyclage de déchets. ». Cette conception de la ville empreinte de la nature est étroitement liée avec la notion de ville durable que nous aborderons dans la partie suivante. De cette manière, nous pouvons rapprocher à ce principe d’écosystème urbain certains projets d’architectures ou d’urbanisme du début du XXe siècle dont l’objectif était de créer une ville/ architecture (à plusieurs échelles différentes) dont les constituantes seraient en symbiose. Par exemple, Les cités jardins de l’architecte Howell avaient pour objectif de créer des villes de tailles réduites disposant de manière mesurée et intelligible les fonctions et composantes de la ville (réseaux, infrastructures), toutes en interactions les unes avec les autres. Au même titre mais à une échelle plus réduite, les unités d’habitations de la première moitié du XXe siècle avaient cette même vocation de symbiose au sens figuré. Cependant parmi les exemples les plus caractéristiques en terme d’écosystème fortement inspirés de la nature, nous pouvons citer des mouvements d’après guerre (parmi d’autres) tels que le métabolisme et l’architecture proliférante. La biologie cellulaire comme exemple de développement urbain : Le métabolisme Dans le contexte réactionnaire des décennies ayant suivi la seconde guerre mondiale, le métabolisme, mouvement japonais issu de l’architecture moderne mené par l’architecte Kisho Kurokawa, est selon Alain Guiheux « la dernière utopie créative du 20e siècle ». ( Kisho Kurokawa, le Métabolisme 1960-1975) Métaphore biologique du développement cellulaire, des connexions et ramifications de l’ADN, le Métabolisme envisage les nouveaux modes de vie et le développement urbain comme le développement cellulaire, autant d’un point de vue esthétique que technique. Les flux et la croissance urbaine sont théorisés et contrôlés par ce groupe d’architectes.

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Métabolisme (Définition CNRTL) : « Ensemble des réactions de synthèse, génératrices de matériaux (anabolisme), et de dégradation, génératrices d’énergie (catabolisme), qui s’effectuent au sein de la matière vivante à partir des constituants chimiques fournis à l’organisme par l’alimentation et sous l’action de catalyseurs spécifiques ». En 1959, l’architecte japonais Kenzo Tanje avait déjà écrit les principes de ce mouvement sur les bases d’un mouvement semblable l’ayant précédé : la Cluster Architecture. Autre métaphore biologique, la ville y est considérée comme un arbre se développant comme un organisme proliférant : « une architecture pensée comme un arbre » composée d’un élément structural auquel viennent se rattacher les habitations à la manières de cellules interchangeable, à l’images des feuilles qui tombent puis sont remplacées. En continuité ces notions de connections et de flux que l’ont peut facilement considérer de manière analogique, le Métabolisme fait un pas supplémentaire dans la mimèsis en intégrant outre les notions de « permanent » et de « temporaires », la notion de « régénération » des cellules. A l’image de l’organisme cellulaire le métabolisme distingue l’obsolescent du pérenne. D’après Alain Guiheux, le métabolisme « aborde l’urbanisme comme tissu cellulaire, mais également comme système nerveux où circulent les messages,... ». Cette pensée dans la lignée des cités jardins ou de la ville linéaire de Soria y Mata exploite à grande échelle le développement de la ville de Clusters initiée dans les années 50 avec des groupements comme le Team X. Métaphores des organismes vivants, ces mouvements abordent la ville suivant des procédés ecosystémiques. La nature n’est pas directement en interaction avec la ville mais est prise comme principe biologique fondateur de son fonctionnement et de sa temporalité. Elle utilise les apprentissages de la nature, autant morphologiquement que fonctionnellement. Projet de ville agricole, Kisho Kurokawa architecte Source: internet © http://villainslair.net

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Hôtel Capsule, Tokyo, Kisho Kurokawa architecte Source: internet Š http://villainslair.net

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b) Le contexte actuel : L’architecture pour préserver la biodiversité et les utopies vertes

La ville durable La ville durable serait la ville de demain. Nous l’avons évoqué dans les parties précédentes : les chocs pétroliers en 1973 et 1979, puis la première COP en 1992 suivie de l’application des accords de Kyoto en 2002. Trente années écoulées durant lesquelles ont eu lieu d’importants bouleversements socio-culturels. Les prises de conscience de la fragilité de la planète (réchauffement climatique, couche d’ozone) associées à la révolution technologique eurent d’importantes répercutions sur le visage de nos sociétés. Les mouvements des années 60-70 offrirent dans ce contexte une grande diversité architecturale issue du modernisme mais également une remise en question de ce modèle. Le retour à la nature fut encouragé dans le cadre de nouveaux modes de vie, cependant quarante ans plus tard que reste t’il de cette volonté ? Estelle toujours intacte ? Le green-washing accompagné d’une invasion de verdure répondant davantage à des objectifs de marketing que d’usages ont pris une position dominante. Dans les concours d’architecture, façades et toitures des projets doivent « impérativement » se parer d’un manteau vert sous peine de n’avoir aucune chance d’être short-listés. La mode architecturale est au vert. Par la suite, une fois devenue réalité construite, la plupart des bâtiments dont l’ambition était de recréer des écosystèmes en faisant pousser de la végétation sur leurs façades finissent vierges faute d’investissement et d’entretiens, semblant ainsi être éternellement inachevés. En effet il semblerait qu’il y ait un décalage entre les aspirations des architectes/ maîtres d’ouvrages et celles des usagers. Cependant le message reste pourtant le même : « préserver la biodiversité ». Par exemple certains projets comme le Groupe Scolaire de Boulogne réalisé par les architectes Chartier Dalix est conçu avec une enveloppe minérale chargée de cavités destinées à recevoir des nidifications d’oiseaux. L’architecture n’est plus au service de l’homme (en tant qu’abris) mais en priorité de la nature. Tout doit être durable et respectueux de la faune locale. Cette notion finit même par être complètement usurpée par les industriels et lobbies qui en ont fait un credo. Tout est passé à l’éco mais les résultats tangibles sont souvent difficilement appréciables. Dans ce contexte où la nature est souvent un outil de communication avant d’être un enjeu réel, y a t’il des propositions soucieuses de réellement repenser les usages et non simplement élargir le panorama d’architecture jardin ? Peut-on considérer que de nouvelles architectures continuent d’alimenter ce principe de bio-architecture ? Afin d’apporter un élément de réponse, tournons nous vers deux architectures, l’une concrète et l’autre utopique : l’architecture écologique d’Édouard François et les utopies de Vincent Callebaut.

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Façade Groupe Scolaire. Chartier-Dalix architectes Source: internet © Chartier-Dalix

Architecture écologique: Edouard François Édouard François est un architecte français né en 1958 à Boulogne Billancourt considéré comme l’un des précurseurs de l’architecture écologique. Il se prétend « artiste dont le médium est l’architecture ». En effet il obtient un diplôme d’architecte et urbaniste après une formation à l’école des Beaux-Arts. Son attitude et ses créations - au delà l’aspect écologique des certains projets - sont charismatiques et grandiloquentes. Parmi ses projets remarquables : « L’immeuble qui pousse » (69 Logements) à Montpellier, La « Tour végétale » à Paris Porte d’Asnières ou encore l’extension du restaurant Fouquet’s à Paris. Comme nous l’explique Juliette Guepratte dans son ouvrage « B2B2SP : Edouard François », L’architecture d’Édouard François s’affirme comme « Archétyptecture », une architecture sculpturale basée sur des formes primitives, écologiques avec une « expressivité poétique » . En effet, son travail se caractérise très souvent par un geste fort qui témoigne de position radicale. Cette démarche presque « sauvage » - au sens primitif et brut du terme - se distingue par son intégrité sans concession. Édouard François mélange habilement des visions conceptuelles proche de la nature avec une technicité et une morphologie contemporaine. Dans son projet « l’immeuble qui pousse » réalisé en 2000 à Montpelier, Édouard François créé un univers mettant des logements en immersion dans un environnement de nature sauvage. Ses bâtiment se composent de volumes principaux monolithiques auxquels l’enveloppe en gabion confère une certaines rudesse primitive. Cette paroi minérale présente à l’instar d’une paroi rocheuse des cavités naturelles pouvant être support de biodiversité et ainsi varier au fil des saisons, tout comme le projet de l’agence Chartier Dalix évoqué précédemment. Cependant l’intérêt de cet immeuble ne repose pas uniquement sur la matérialité de cette façade vivante, il se trouve également dans le traitement fait aux balcons et loggias dessinés à la manière de 47


cabanes posées dans les arbres, portées par des pilotis : analogies du tronc d’arbre. Cet ensemble vient s’intégrer également dans un écrin de nature afin de recréer un environnement en totale harmonie. Bien que cette démarche puisse paraître assez simpliste, elle se distingue de la plupart des projets évoqués jusqu’à présent car matérialise le principe exprimé par Gaston Bachelard dans la Poétique de l’Espace qui affirme l’existence pour toute personne d’un « grenier refuge de l’âme ». Cette démarche primitive aborde de manière contemporaine et poétique - non sans efficacité - le besoin de retour à la nature présent depuis les années 70 qui n’avait jusqu’à présent trouvé de réponse que dans des démarches davantage rétrogrades. Dans son projet de Tour Végétale à la Porte d’Asnières réalisée à Paris en 2004, il érige une tour de logements avec balcons filants entièrement dissimulés derrière de grands pots de bambous. Au-delà de la simple présence de la nature dans l’habitat, il évoque la poésie du sifflement onirique créé par le souffle du vent sur les bambous, apportant ainsi une toute autre dimension onirique et conférant un autre positionnement de la tour par rapport à la nature et à la ville. Sa production bien que très variée, continue encore aujourd’hui de s’orienter vers des bâtiments supports d’écosystèmes et créant des nouveaux liens entre les usagers et nature. Cette dernière est perçue d’un point de vue onirique bien que pourtant mise en œuvre dans son état le plus primitif. Les inspirations de la nature manifestées dans les bâtiments d’Édouard François restent d’ordre poétiques et formelles. Cependant les intentions créatives témoignent d’une grande subtilité et représentent bien le principe de bio-architecture.

L’immeuble qui pousse, Montpellier. Edouard François architecte Source: internet © Edouard François

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Utopies bioclimatiques: Vincent Callebaut Vincent Callebaut est un architecte utopiste belge né en 1977, dont l’agence est basée à Paris. Depuis plusieurs années il parcourt le monde entier pour présenter son travail à la frontière de l’utopie, basé sur la réalisation de cités vertes autosuffisantes répondant aux nombreuses problématiques écologiques et urbaines. Peu de temps après son élection à la Mairie de Pairie, Anne Hidalgo lui passe commande pour imaginer ce que sera Paris dans 4 décennies. Le résultat de cette étude aboutit à l’ouvrage «Paris 2050 - les cités fertiles face aux enjeux du XXIe siècle». Outre une étude utopique propre à un contexte particulier, cet ouvrage est l’occasion pour Vincent Callebaut de présenter son travail étroitement lié au devenir écologique de la planète. Dans son projet phare, «DragonFly» (projet qui le rendit célèbre dans plusieurs pays - particulièrement dans les pays du Golf et pays de l’Asie du Sud-Est), Vincent Callebaut imagine une cité verticale autonome recréant un biotope pour répondre à la problématique de l’urbanisation de la planète. Dans ce projet, son approche avec la nature est quasi totale. Elle réunit en effet une grande partie des thèmes que nous avons abordés jusqu’à présent. En voici les grands principes: · Sa cité verte à pour objectif de créer un environnement totalement autonome énergétiquement en réunissant de nombreux procédés bioclimatiques comme l’exploitation de l’énergie solaire, la production de biomasse et le traitement des déchets (architecture bionique et bioclimatique), etc.. · Sa morphologie est fortement inspirée de la libellule, en anglais dragonfly. Les verrières prennent exemple sur la finesse des ramifications de l’aile hautement résistante de l’insecte pouvant supporter des masses très élevées (biomorphisme). · Enfin ce projet se présente comme un écosystème recréé, intégrant l’ensemble des fonctionnalités de la ville dans un environnement contrôlé et délimité à l’instar des citées jardin de Howell. Cependant, en ce qui concerne ce dernier, il donne une nouvelle dimension à cet écosystème urbain en y intégrant une production agricole dans le but de réduire les dépenses énergétiques liées à la délocalisation de la production alimentaire. Il parle de «fermes verticales urbaines» pouvant nourrir les habitants en circuits courts. Pour son projet Lilypad, il créé plusieurs cités flottantes élaborées suivant le même modèle permettant d’exploiter la surface des océans pour réduire l’impact de la ville sur la nature terrestre, et également dépolluer l’eau. Ces cités idéales pourraient selon lui être prédéfinies pour répondre à certains usages/ programmes qui seraient dissociés contrairement au DragonFly (logement, divertissement, commerce séparés). En observant l’ensemble de ses nombreux projets (dont peu sont réalisés), il est cependant assez difficile d’encenser cette architecture utopique tant celle-ci peut sembler contradictoire dans son approche avec la nature. A juste titre Vincent Callebaut compare ses univers à ceux de Jules Vernes, récréant des écosystèmes 49


Projets Dragonfly et Lilypad, Vincent Callebaut architecte Source: internet Š Vincent Callebaut

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idéalisés dans de gigantesques dômes de verre. Force est de constater que ces projets innovent par leurs aspects, leur morphologie et leur technicité (bâtiments autonomes), néanmoins contrairement au discours porté sur la nature nous ne pouvons que nous étonner de l’enfermement des ces architectures qui par respect avec la nature (préexistante), s’en coupent complètement. Par ailleurs certains de ces projets tel l’ensemble de logements Coral Reef envisagé en Haïti suite au tremblement de terre en 2010, reprennent simplement les principes architecturaux de l’architecture proliférante (préfabrication, ramification des flux et réseaux) agrémentée des technologies bioclimatiques. L’aspect de ce projet n’est pas s’en rappeler l’habitat 67 de Moshe Safdie à Montréal. Il ne s’agit pas par cette démonstration de dénigrer le travail de Vincent Callebaut mais bien de rappeler par cette démarche cette même confusion que nous avons abordée dans le glossaire lié aux activités et sciences inspirées de la nature. Contrairement à tous les exemples précédents, le travail de Vincent Callebaut se situe dans tous les principes du biomimétisme, sans pour autant s’affirmer dans l’un d’entre eux de manière forte.

En tout état de cause, l’architecture de Vincent Callebaut illustre parfaitement le principe de bio-architecture, et est peut-être même l’unique exemple qui l’aborde de manière entière et quasi-dogmatique. Cependant la complexité de ses projets nous conforte dans cette sensation de confusion régnant dans l’utilisation du glossaire des «bio-activités» relatives au biomimétisme. Contrairement à la poésie des projets d’Edouard François ou de Santiago Calatrava, il aborde la nature de manière très pragmatique et soulève ainsi une nouvelle problématique qui est d’ordre culturel, à savoir au delà des enjeux environnementaux et de l’élaboration d’une nouvelle architecture internationale, quelles relations les civilisations entretiennent-elles avec la nature (localement) et de quelle manière sont-elles prises en compte par les architectes?

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CONCLUSION Nous avons pu constater à travers ces exemples que les inspirations de la nature sur la conception architecturale et urbaine étaient nombreuses et variées au cours des siècles et pouvaient être répertoriées suivant les thèmes du biomimétisme énoncés par Olivier Allard : La forme, les processus et les éco-systèmes. Nombreux d’entre eux s’incluent dans une démarche créative dont la nature est partie prenante. Les enjeux environnementaux des précédentes décennies et les chocs pétroliers de 1973 et 1979 ont cependant ouvert de nouvelles problématiques encourageant des mutations architecturales et sociales à l’échelle planétaire. Les utopies et créations architecturales résultantes de ce contexte considèrent autant l’urgente nécessité de sauvegarde de la nature que les enseignements qu’ils peuvent en tirer, à l’image des écosystèmes biomorphiques autonomes de l’architecte Vincent Callebaut. En tout état de cause, la nature est un dénominateur commun à tous ces exemples et nous permet de les regrouper dans une classification globale que nous pouvons appeler bio-architecture. Ce principe de bio-architecture est cependant à considérer avec une grande prudence car il ne résulte d’aucun dogme ni d’aucune démarche intellectuelle, mais simplement d’une particularité commune. Chacun des exemples cités appartient à un courant qui lui est propre. Le biomimétisme ainsi que l’ensemble des principes qui lui sont rattachés (comme le biomorphisme, etc.) trouvent également leur place dans la bio-architecture. Cependant bien que nous ayons pu en préciser certains, ces termes techniques restent aussi à utiliser avec une grande prudence du fait qu’ils ne constituent en aucun cas un mouvement. Cependant cette confusion que nous avons constatée aboutira peut-être dans les années à venir à la définition d’un mouvement ou d’un style architectural au vu de l’impact considérable des enjeux environnementaux sur la création actuelle. Par ailleurs nous pouvons facilement relier cette prédication architecturale aux principes canoniques du biomimétisme énoncés par J. Benyus dans son ouvrage Biomimesis parmi lesquels: «La nature fonctionne à l’énergie solaire, La nature n’utilise que l’énergie dont elle à besoin, La nature adapte la forme à la fonction, La nature recycle tout, La nature parie sur la diversité, La nature transforme les limites en opportunités, etc.». Il est aisé de faire le parallèle entre ces principes génériques et une forme d’architecture en cours de mutation.

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Le biomimétisme sera t’il au XXIe un courant architectural mondial intellectualisé selon les principes canoniques de J. Benyus ? Ou bien assisterons nous à l’émergence d’architectures locales dictant leurs règles en respect de leurs propres écosystèmes à l’instar du Pavillon des Pays-Bas de l’exposition universelle de Hanovre de l’agence MVRDV? Le principe de bio-architecture, même s’il n’est pas un mouvement propre, sera de toute évidence encore alimenté au cours des décennies à venir. Sa portée pourra t-elle voir l’émergence d’une pensée intellectuelle, parallèle aux prise de consciences des années 70, aboutissant sur de nouvelles manières d’habiter en harmonie avec la nature? Ou n’engendrera t-elle qu’un simple essor des technologies bioclimatiques appliquées au bâtiment, avec le revers néfaste de la mondialisation? Apprendronsnous davantage de nos environnements à l’échelle locale, afin d’apporter des réponses plus appropriées en harmonie avec la culture et les traditions? Au vu des utopies vertes et de la production architecturale actuelle, le retour de la biodiversité en milieu urbain aura t-il un réel impact sur les modes de vie? Habiteronsnous et vivrons-nous différemment? Comme nous l’évoquions précédemment, il ne s’agira pas de transformer uniquement la morphologie des bâtiments mais bien la relation que nous entretenons avec la nature, bien au-delà de l’architecture. Cette mutation doit être de toute évidence être architecturale, mais également s’accompagner d’une évolution sociale, politique et artistique. A l’échelle de la ville, il conviendra également de poser la question de la nature et du paysage en amont, et non en réaction comme c’est actuellement le cas. Saurons-nous remettre en question radicalement nos modes de vie pour mieux construire la ville de demain qui ne soit pas simplement un ersatz « vert » de la ville d’aujourd’hui ?

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REMERCIEMENTS Je tiens à remercier Stéphan Courteix pour le suivi de ce travail et l’ENSAL

BIBLIOGRAPHIE LIVRES

INTERNET

BIOMIMÉTISME - BIOMIMICRY Janine M. Benyus

United Nations Framework Convention on Climate Change http://unfccc.int 26.12.2015

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Futura Sciences http://www.futura-sciences.com 26.12.2015

MORPHOLOGIE URBAINE Rémy Allain - Armand Collin

Audition de Idriss ABERKANE (chercheur, Ambassadeur de l’Unitwin/unesco) - Dailymotion http://www.dailymotion.com/video/x2joni8_auditionde-idriss-aberkane-chercheur-ambassadeur-de-lunitwin-unesco-cese_news?start= 10 26.12.2015

GUIMARD, L’ART NOUVEAU Philippe Thiébaut - RMN ARCHITECTURES NON STANDARDS Catalogue de l’exposition Centre Georges Pompidou SANTIAGO CALATRAVA Alexander Tzonis - Flammarion VIOLLET-LE-DUC Denis Blanchard-Dignac - Editions Sud-Ouest HABITER DEMAIN Véronnique Willemin Collection ANArchitecture KISHO KUROKAWA - Le Métabolisme Alain Guiheux - Centre Georges Pompidou AALTO Louna Lahti - Taschen B2B2SP : EDOUARD FRANCOIS Juliette Guepratt - Archibooks ARCHITECTURE ANIMALE Karl Von Frisch - Albin Michel RYOKAN Gabriele Fahr-Becker - Könemann HAIKU - ANTHOLOGIE DU POEME COURT JAPONAIS Gallimard

MULTIMEDIA [ARTE] Architecture Collection Episode 9 Santiago Calatrava

Viollet-le-Duc - Inha.fr http://www.inha.fr/fr/ressources/publications/publicationsnumeriques/dictionnaire-critique-des-historiens-de-lart/viollet-le-duc-eugene-emmanuel.html 29.02.2016 Stade de Munich - Wikiarchitectura.com https://fr.wikiarquitectura.com/index.php/ Stade_olympique_de_Munich 29.02.2016 Ennesys http://www.ennesys.com/ 16.03.2016 Interview Anouk Legendre, X-TU - FAR 2015 volumesparis.org http://volumesparis.org/future-architecturenight-videos-des-intervenants 16.03.2016 Santiago Calatrava Valls architecte de la gare de Satolas, Ina.fr http://www.ina.fr/video/LXC99004581 16.03.2016 Habitat 67, Moshe Safdie - ArchDaily http://www.archdaily.com/404803/ad-classics-habitat-67moshe-safdie 16.03.2016 TED TALKS - Moshe Safdie : Comment Ré-inventer l’immeuble https://www.youtube.com/watch?v=c-KnaYZJg48 16.03.2016 «GARDENS BY THE BAY» à Singapore - Villedurable.org http://villedurable.org/2012/11/15/le-parc-gardens-by-thebay-a-singapour-un-modele-en-matiere-de-biodiversite-et-detechnologies-vertes/ 16.03.2016 De la gestion des villes à la conception d’écosystèmes urbains durables - Med-eu.org http://www.med-eu.org/documents/MED6/papers/ROCHETPEIGNOT.pdf 16.03.2016 Luminothérapie - Passport Santé http://www.passeportsante.net/fr/Therapies/Guide/ Fiche.aspx?doc=luminotherapie_th 23 03 2016 Une tour en biomatériaux - Industrie-Techno.com http://www.industrie-techno.com/une-tour-en-biomateriauxqui-se-construit-toute-seule.27670 23 03 2016 Edouard François www.edouardfrançois.com 23 03 2016

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