Utopies vertes et architectures bio-inspirées, vers de nouveaux paradigmes

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UTOPIES VERTES & ARCHITECTURES BIO-INSPIREES,

Charles-Henri Rambaud - Ensal FPC

VERS DE NOUVEAUX PARADIGMES?

ÉTUD. UNIT

RAMBAUD Charles-Henri

UE093 - E0932 - SEM. RECH.-LAB - Mémoire 3 - Mém. Init. Rech. DE MEM Hayet William MASTER ARCHI

SRC

S09 INTERDEM 17-18 FPC

© ENSAL




Publication réalisée par © Charles-Henri Rambaud. 2017-2018 Éditions © Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon


UTOPIES VERTES & ARCHITECTURES BIO-INSPIREES, VERS DE NOUVEAUX PARADIGMES? Liens et connivences entre utopies vertes contemporaires et utopies urbaines des années 1960 à 1975



UTOPIES VERTES & ARCHITECTURES BIO-INSPIREES, VERS DE NOUVEAUX PARADIGMES? Liens et connivences entre utopies vertes contemporaires et utopies urbaines des années 1960 à 1975 Mémoire d’initiation à la recherche. Charles-Henri Rambaud - ENSAL FPC Soutenu le 2 Février 2018 à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon. Directeur de mémoire M William Hayet, MAEA ENSA LYON - Architecte DPLG / Chercheur LAURE/MCC-BRAUP

Remerciements pour leur suivi à l’équipe enseignante de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon responsable du DEM ATI Mem: M. Hayet, M. Couturier, Mme Régnault & Mme Bigot-Doll. Remerciements pour le support à Mme Buard. A Franck Sabatier


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INTRODUCTION Contexte Environnemental. / Idéologie, Bio-inspiration. 18 Chronologie

Table des matières

UTOPIES ET ARCHITECTURES BIO-INSPIREES, CONTEXTE Utopies & Urbanisme

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L’utopie, un idéal social L’utopie urbaine, forme hétérotopique de la ville idéale

Du non-lieu au lieu projeté. Hétérotopie ? Uchronie ? / Travail et nature, deux données interprétées spatialement.

Biomimétisme et architecture(s), principes de base 33

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Le biomimétisme et les formes architecturales

Biomorphisme. Inspiration et sensibilité de l’organique / Mimesis formelle, de l’art gothique à l’art nouveau.

Processus, des techniques inspirées aux technologies bioniques Fabrication de la matière / Gestion de l’énergie / Technologie du vivant

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Ecosystèmes, nouveaux enjeux pour la ville de demain

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Iconographie regroupée (1/ 2)

UTOPIES URBAINES D’APRÈS-GUERRE, UTOPIES VERTES CONTEMPORAINES : QUEL HÉRITAGE? Projets urbains entre 1960 et 1975, procédés biomimétiques et enjeux sociaux 57

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Contexte social, rupture et nouveaux idéaux.

L’homme, le climat. / La consommation. De l’idéal industriel au social relationnel / La Technologie. Vers une ville de réseaux / Utopies urbaines et consommation. Prémisses d’une révolution.

Utopies urbaines, quels rapports à la bio-inspiration?

Mégastructures bio-inspirées - Métaphore d’un organisme vivant / On Growth and Form. Ouvrage référent / Processus et écosystèmes. Contre-utopie et métaphore négative.

Les utopies vertes contemporaines, vers la ville écologique? 73

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Utopies vertes, contexte social

Écologie, Économie et Politique à l’aube du XXIe siècle. / Visions utopiques et science-fiction entre 1970 et 2010, vers une rationalisation de la pensée écologique ?

Fondements bio-inspirés, table de comparaison, héritage?

Biomimétisme, bio-inspiration, ruptures et continuités. Transition et Prospective, quelle vision pour la ville de demain

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CONCLUSION

Iconographie regroupée (2/ 2)

De 1950 à Nos jours, une critique de la surconsommation ? La technologie et la consommation, rupture possible?

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AVANT-PROPOS Utopies architecturales bio-inspirées d’après guerre et utopies vertes contemporaines. Les thématiques liées au rapprochement de l’architecture et de la ville à la nature, dans une vision idéalisée voir utopique sont des sujets fortement exploités dans le domaine de l’architecture tout comme auprès d’un plus large public ces dernières années. L’intérêt de cette approche, d’un point de vue personnel, réside dans une démarche circonspecte visant à apporter une plus grande compréhension de cette “tendance” qui est annoncée comme indissociable de l’architecture des décennies à venir. Fort d’un apprentissage en Formation Professionnelle Continue à l’ENSAL depuis 2014 et depuis 2006 au sein de plusieurs agences d’architecture(s), j’ai eu dans le cadre d’un concours d’idée en 2015, l’opportunité d’expérimenter la conception architecturale avec la contrainte forte d’intégrer des procédés novateurs de biotechnologies ( Façade en phytoplanctons) . Cette approche très liée aux technologies, a fortement questionné les méthodes de conception auxquelles j’adhérais jusqu’alors, portée sur des enjeux davantage formalistes. Au-delà d’une simple préoccupation liée à la légitimité de la présence des bio-technologies sur les complexes architecturaux, la question – abordée très largement – de la présence de la nature dans l’architecture m’a particulièrement sensibilisé. J’ai dans cette impulsion, rédigé dans le cadre de mon cycle Licence un rapport d’étude sur le biomimétisme , et souhaite prolonger cette étude par le biais de ce mémoire visant à approcher les nombreuses visions de la ville utopique et/ou futuriste portée sur la nature.

Projet suivi dans le cadre de l’agence Axel Schoenert architectes. Concours Ré-inventer Paris. Site Clichy-Batignolles

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INTRODUCTION L’Utopie. Avec son récit et sa vision d’une société idéale sur l’île d’Utopie, Thomas More inaugure en 1516, sur des bases déjà fondées par la République de Platon, une nouvelle forme de récit idéaliste qui sera exploité sous diverses formes par de nombreux auteurs au cours des siècles. Qu’elles soient érigées sur fonds d’idéaux sociaux, industriels ou encore religieux, ces visions d’un monde meilleur et localisé dans un ailleurs ( en grec u-topia signifie non lieu) vont dans certains cas, à défaut de donner les moyens à la société d’y parvenir, anticiper les mutations et être moteur de progrès et d’innovations. Aujourd’hui encore, qu’ils soient dirigés par les écrivains, les architectes ou encore les cinéastes et en dépit des échecs ayant suivis les utopies sociales de la seconde moitié du XXe siècle, les récits ou visions utopiques sont encore très présents et de surcroît s’adressent à un très large public. Bien que non localisées, les utopies qu’elles soient sociales ou sociétales ont quasiment toutes apporté une vision spatiale, des sociétés qu’elles imaginent. Depuis plusieurs années, en réaction aux nombreux événements climatiques, nous voyons émerger une vision utopique d’un futur tourné vers le respect de l’environnement et l’harmonie des modes de vie urbains avec un retour de la nature. Cette tendance s’ancre autant dans des objectifs applicables à court terme (normes, concours d’idées, initiatives politiques et sociales, etc.) que dans des visions plus lointaines et incertaines, visions utopiques. L’étude menée dans les pages ci-après interroge ces visions futuristes, ces utopies vertes bio-inspirées (nous reviendront dans le lignes qui suivent sur ce principe de bio-inspiration). Aussi en premier lieu, il nous faut resituer le contexte dans lequel cette étude s’inscrit , celle-ci s’appuyant sur les bases d’une précédente recherche.

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Contexte Environnemental. Dans le cadre d’un rapport écrit en 2016 au sein de l’ENSAL nommé Bio-Architecture , j’ai abordé avec circonspection la thématique des “inspirations de la nature sur la conception architecturale”. J’ai ainsi traité de manière non exhaustive de nombreux projets, styles et architectures liés de près ou de loin à cette thématique afin de faire une tentative de classification des diverses influences et mieux cerner les tenants et aboutissants de cette nouvelle tendance que nombreux nomment de manière péjorative « green-washing ». Afin de prolonger cette réflexion et resituer le contexte, il me semble judicieux de remémorer chronologiquement plusieurs événements importants: Suite aux nombreux événements écologiques et géopolitiques des années 60-70 ( chocs pétroliers, naissance des partis écologistes, etc.), la prise de conscience collective des répercutions des activités humaines sur l’environnement devient mondiale. En 1992 a lieu la première Conférence des parties (COP) à laquelle se déroule un somment de l’ONU sur l’environnement. 5 ans plus tard sont ratifiés les accords de Kyoto relatifs à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, dont la mise en application sera initiée en 2002 par l’Islande. Aujourd’hui, la portée de cette prise de conscience est étendue à toutes les sphères de la société ( politique, économique et sociale). Nous pouvons de manière très synthétique constater que ce mouvement « vert » provient de nombreux facteurs ayant en lien l’action humaine sur la planète, tels que les pollutions terrestres et atmosphériques depuis la révolution industrielle, la réduction des ressources énergétiques et la chute du modèle capitaliste fondé sur l’exploitation de ces dernières, etc. Tous ces enjeux étant relativement complexes, nous n’en aborderons que certains aspects. Toutefois ces évennements permettent de légitimer d’une certaine manière cette tendance et ces utopies vertes, objets de la présente étude.

Rapport d’étude « Bio-Architecture », Charles-Henri Rambaud, FPC L3

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Exposition Utopia - Affiche Luc Schuiten Source: Internet | Vegetalcity.net

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Helix City project. Plan - Kisho Kurokawa Source: Internet | Moma.org

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Idéologie, Bio-inspiration. En lien avec ce contexte, l’un des principaux objectifs de Bio-Architecture était de cerner les « mouvements » architecturaux bio-inspirés afin de leur trouver, si existants, des liens intrinsèques. Cette démarche m’a rapidement amené à questionner le champ lexical relatif à ce que l’on appelle « le biomimétisme » sur lequel se fondent certaines utopies vertes contemporaines. Bien que les inspirations de la nature sur la conception architecturale remontent à l’antiquité, le terme biomimétisme (ainsi que d’autres termes scientifiques : biomorphisme, bionique, etc.) s’est imposé dans le vocabulaire courant depuis quelques années. Ce champ lexical a notamment été objectivé dans l’ouvrage de Janine Benyus Biomimicry en 1997 et est, nous le verrons plus tard, un moteur pour les utopies vertes. Son credo principal étant que la vie offre les conditions propices à la vie. Cependant, s’appuyant sur ce panorama non exhaustif, nous insistions sur la grande prudence à conserver dans l’usage de cette terminologie et précisions qu’en dépit de la présence de la nature en tant que dénominateur commun à de nombreuses démarches créatives (à différents niveaux), en aucun cas elle ne résultait d’un dogme ou d’une théorisation en amont. Toutes les architectures bio-inspirées ayant chacune un contexte et des racines spécifiques. La prise de conscience écologiste ou simplement liée au développement durable à laquelle nous assistons questionne sur le devenir d’une pratique de l’habité et des usages en mutations. D’où provient cette vision utopique contemporaine d’une « société organisée selon des principes bio-inspirés » ? Au regard de toute l’histoire de la ville et des civilisations antérieures, ces métaphores végétales à l‘échelle de la ville émergent-elles d’une extrapolation des principes du biomimétisme énoncés par Janine Benyus ou trouventelles racines déjà dans d’autres réflexions/ actions antérieures ? Nous avons pu dans notre précédente étude commenter, bien que très succinctement, l’inspiration de la nature sur la conception, non plus à l’échelle de l’architecture mais à l’échelle de la ville avec les utopies urbaines telles que les Mégastructures ou le Métabolisme dans les années 1960 (compte tenu du contexte d’urgence de reconstruction d’après

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guerre). Comme le précise D. Rouillard dans Superarchitecture, pour les métabolistes : « La vie, tout organisme est composé d’éléments qui changent et d’éléments qui ne changent pas » . Qu’ils s’agisse de la nécessité de reconstruction de l’après guerre ou de celle de mutation énergétique de ce début du XXIe siècle, les utopies urbaines relatives à ces deux périodes s’inscrivent dans une nécessité de mutation radicale de la société, et ont en commun cette bio-inspiration. Aussi nous pouvons nous questionner compte-tenu de ces apparentes similitudes :

Les utopies urbaines d’après-guerre et les utopies vertes contemporaines sont-elles liées et si oui à quel niveau? Bien que les principes du biomimétisme ne servent qu’implicitement de ligne de conduite du moins pour les utopies les plus récentes, peut-on ériger une grille de lecture nous permettant de relier ces utopies avec celles d’après guerre pourtant éloignées de près d’un demi siècle ? Nous tenterons dans cette étude d’établir des connivences entre elles. D’un point de vue méthodologique, nous pouvons nous baser sur les grands principes du biomimétisme à partir desquelles nous avions organisé notre précédente étude. Énoncés par Olivier Allard, chercheur en physique à l’université de Hanovre et Paris-Sud spécialisé dans le biomimétisme, ils sont : la Forme, les Processus et les Écosystèmes. Nous pourrons en complément y rajouter un critère de comparaison supplémentaire propre à l’utopie, à savoir l’aspect idéologique. Pour bien cerner la problématique, il sera nécessaire d’identifier clairement le contexte, c’est pourquoi nous développerons dans une première partie un état des lieux de ce que nous considérons comme utopies « urbaines », puis un rappel synthétique des nombreux cas d’étude pouvant être qualifiés de « bio-inspirés ». Dans une seconde partie nous tacherons d’analyser suivant les principes mentionnés ci-dessus les utopies urbaines des années 60 dont les nombreuses variations pourront être rassemblées de manière nébuleuse, et les utopies vertes contemporaines, récit d’un futur proche ou simple outil de communication du green washing.

Dominique Rouillard, Superarchitecture: le futur de l’architecture, 1950-1970 (Editions de la Villette, 2004), 106.

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1500-1900

1960

1920

Bio-inspiration 1898 - Castel Béranger/ p46

Biomimétisme 1956 - Palais des sports Turin/ p47

1959-74 - New Babylon/ p94

Utopies

Utopies urbaines

1516 - Utopia/ p44

1961 - Helix-City/ p13

1884 - Familistère/ p45

1958 - Ville spatiale/ p94

Utopies climatiques 1960 - Dome over Manhattan/ p90 1949 - Skybreak dwelling/ p90


Infographie chronologique sélective

Repères visuels de certains projets présentés dans les pages ci-après

1970 1972 - Stade Munich/ p46

2010 Bionique/ Biotechnologies

Biomorphisme

2002 - Esplanade Theater/ p48

1994 - Gare Saint-Exupéry/ p47

Archiborescence

Contre-utopies 1979-2010 - VegetalCity/ p96

2010 - Fresh-city/ p49

Utopies vertes

2010 - Multiplicity/ p95 2010 - Hydrogénase/ p93

1964 - Walking-City/ p92

Uchronie / Science-fiction

1967 - L’âge de Crystal/ p91 2012 - Havvada/ p91



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UTOPIES ET ARCHITECTURES BIO-INSPIREES CONTEXTE


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1A Utopies & Urbanisme

L’utopie, un idéal social Comme nous l’avons souligné en introduction, et de surcroît en avantpropos, nous assistons à une grande évolution généralisée de la manière de vivre la ville, allant des procédés de la conception et fabrication de la ville jusqu’aux usages et us et coutumes. Ces évolutions sont accompagnées de nouveaux repères liés à la sémiologie et au langage c’est pourquoi nous ne pourrons pas aborder tous ces sujets sans préciser la terminologie employée au fil des pages. Cette première partie scindée en 5 sous-parties se propose de faire ce réglage indispensable lié aux Utopies et la thématique de la Bioinspiration (Biomimétisme) L’Utopie urbaine bio-inspirée, l’utopie verte. …. Mais avant-tout, l’Utopie ! Dans son récit fondateur l’Utopie écrit en 1516, Thomas More dépeint une société idéale située sur l’île d’Utopia, en critique du gouvernement anglais du début du XVIe siècle. Il décrit notamment une société où les habitants vivent selon des codes de bien-être et d’harmonie et apporte de nouvelles bases d’usages, de mœurs et de fonctionnements politiques et sociaux. En effet pour Louis Marin dans Utopiques, Jeux d’espaces : « L’espace utopique sert de prétexte à l’invention sociale [...] Ces récits présentent des lieux où il fait bon vivre » , en critique aux lieux et fonctionnement socio-politique dans lesquels ils coexistent.

Louis Marin, Utopiques: Jeux d’Espaces (Les Editions de Minuit, 1972), 23‑25.

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Afin d’aborder la thématique des Utopies vertes, il nous faut préalablement préciser le référenciel d’étude dans lequel nous nous positionnons. Il nous faudra immédiatement prendre la mesure du mot « Utopie » dont l’emploi pour tout projet innovant l’a quelque peu vidé de sa substance (comme nous le ferons plus tard avec le mot « Biomimétisme »). En effet d’après le CNRTL l’utopie en terme sociopolitique est le « Plan imaginaire de gouvernement pour une société future idéale, qui réaliserait le bonheur de chacun. » , tandis que d’après le dictionnaire Larousse, l’utopie est une « Construction imaginaire et rigoureuse d’une société, qui constitue, par rapport à celui qui la réalise, un idéal ou un contre-idéal. » . Nous pouvons déjà à la lecture de ces deux définitions noter deux choses importantes, tout d’abords comme le souligne Larousse la dualité inscrite entre les notions d’ « idéal » et de « contre-idéal » que nous retrouverons dans notre approche des utopies urbaines des années 1960 (contreutopie) ainsi que, avec une observation davantage simpliste, l’analogie sémantique avec des termes liés à la spatialité (« plan, construction »). A cette notion d’idéal s’impose instantanément la portée critique de ces récits, ainsi que leur dimension prospective. Néanmoins il s’agit avant-tout, selon sa racine étymologique grecque établie par Thomas More, d’un « non-lieu ». En grec, ou pour le non et topos pour le lieu.

A cette notion d’idéal s’impose instantanément la portée critique de ces récits, ainsi que leur dimension prospective. A l’instar de l’approche de La République de Platon sur laquelle s’est basée Thomas More pour son Utopie, cette vision d’avenir propose une intervention ciblée sur le collectif (et donc sur l’individuel) ce qui l’amène inexorablement à repenser l’organisation sociale assurément, mais de surcroît spatiale. Aussi, bien que ces deux aspects (social et spatial) soient toujours traités dans les récits utopiques, il est très important de faire rapidement une

CNRTL, « Définition de utopie », consulté le 17 novembre 2017, http://www.cnrtl.fr/definition/utopie. Éditions Larousse, « Définitions: utopie - Dictionnaire de français Larousse », consulté le 18 novembre 2017, http://www.larousse. fr/dictionnaires/francais/utopie/80825.

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distinction entre les deux et surtout la priorité fondamentale à considérer pour notre étude : Les utopies sont en premier lieu des propositions d’un idéal social. Afin de déterminer des bases de comparaison objectives des deux architectures (en sens large du terme) que nous nous proposons d’étudier, il est nécessaire d’établir un rapide tour d’horizon sur les nombreuses utopies ayant précédés ces dernières afin de les situer dans leur contexte. Nous pourrons nous baser pour ces observations à suivre sur les présentations et analyses de récits utopiques dressés par Thierry Paquot et Patrice de Moncan dans les ouvrages respectifs L’Utopie ou l’idéal piégé et Villes utopiques Villes rêvées . L’un des points importants des grandes utopies sont comme nous l’avons évoqué leur motivation d’expérimentation d’un idéal social. Bien que ce courant ait pu nourrir des visions de cités religieuses, industrielles, ou sociales (nous entendons « sociales » au sens large, la question de la religion et du travail en faisant intrinsèquement partie), les grandes utopies restées dans l’histoire (sûrement par rapport à l’influence qu’elles ont pu avoir sur la pensée) sont bien les utopies sociales fondées en réaction à l’ère industrielle et le capitalisme naissant, et basées sur des écrits tels ceux de Saint-Simon. Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon, influencera la pensée utopique sociale (comme celle de Fourier et celle de Cabet) notamment par ses préoccupations sur la réorganisation de la société, du travail et de la condition ouvrière. A travers ses écrits, il vante un travail “guidé par l’intelligence” et introduit une nouvelle organisation sociale. C’est en effet à partir de ces écrits que Charles Fourrier imagine le Phalanstère ( Selon le CNRTL, “organisme communautaire autoritaire et complet” ). Dans ce constat négatif de la société industrielle du XIXe siècle, il imagine une société harmonieuse faisant suite à une période décadente (il emploiera les termes de barbarie et sauvagerie) et tendant vers une certaine forme de perfection. Selon Patrice de Moncan, cette harmonie consiste à “allier le beau et le bon, en conciliant les intérêts

Thierry Paquot, L’utopie: Ou l’idéal piégé (Paris: Hatier, 1996). Patrice de Moncan, Villes utopiques, villes rêvées (Paris: Editions du Mécène, 2003). Patrice de Moncan, Villes utopiques, villes rêvées (Paris: Editions du Mécène, 2003), 88. CNRTL, « Définition de Phalanstère », consulté le 10 décembre 2017, http://www.cnrtl.fr/lexicographie/phalanst%C3%A8re.

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collectifs et individuels” . Cette idée sera par la suite poursuivie par l’un de ses disciples, Jean-Baptiste Godin, qui concevra à Guise un Familistère, dont les idées maîtresses seront la famille et le phalanstère. Etienne Cabet, professeur puis avocat, se renforça également de ces idées sociales. Il publie deux ans après la mort de Fourrier, Voyage en Icarie dans lequel il imagine Icaria, la première ville communiste fondée sur un idéal heureux. Cette ville reprend à son compte certaines composantes de grandes villes européennes et surtout célèbre les grands principes de la pensée sociales et l’esprit révolutionnaire.

Familistère/ p47

Il serait consistant d’étudier dans le détail la spatialisation et les ramifications de cette pensée utopique, cependant ce n’est point là l’objet de l’étude. Nous pourrons néanmoins remarquer en effet les convergences des nombreux projets utopiques (dont de nombreux autres non cités ) vers une même pensée sociale prônant une réorganisation des liens de la société, en pleine mutation dans son rapport au travail. Toutes ces utopies ont donc permis de faire émerger une nouvelle pensée. Elle fut l’origine du socialisme et du communisme en Europe comme nous avons pu le constater et prônent un idéal social basé sur une harmonie d’ensemble.

Patice de Moncan identifie les utopies commes des laboratoires de recherche Cependant de nombreux auteurs ont pu émettre une certaine critique quant à l’évolution de la portée utopique. Comme nous l’avons évoqué précédemment, d’après Thomas More « L’espace utopique sert de prétexte à l’invention sociale » . Nous pouvons dès lors rajouter les propos de Lamartine amenuisant cette portée, selon lesquels « les utopies ne sont que des vérités prématurées » . De surcroît, Patrice de Moncan les identifie très justement comme des laboratoires de recherche. Ces idées et démarches avant-gardistes, dont l’isolement spatial conférait un

Moncan, Villes utopiques, villes rêvées, 91. Utopiques: Jeux d’Espaces (Les Editions de Minuit, 1972), 23. Patrice de Moncan, Villes utopiques, villes rêvées (Paris: Editions du Mécène, 2003), 7‑9.

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état de « non-réel », se sont malheureusement affaiblies en raison des nombreuses tentatives, certes louables, de mise en œuvre. Ces essais expérimentaux ont ainsi fait basculé le non-lieux en lieu – certes lointain – mais bel et bien existant. Nous pouvons les qualifier d’utopies réalisées A cette évolution d’état de l’utopie viennent s’ajouter deux points importants, dont le second nous permettra d’introduire la thématique suivante ( à savoir les utopies urbaines). Tout d’abord cette évolution de la pensée sociale avec la naissance du socialisme et du communisme aura finalement un impact désastreux sur l’influence des récits utopiques, dans la mesure où les organismes politiques qu’elle a (malgré elle) générés, échoueront (pour diverses raisons contextuelles) ou aboutiront à la naissance de systèmes totalitaires. Le renforcement de la pensée capitaliste à la fin du XIXe siècle accentuant cet échec. Aussi bien que pour Thierry Paquot « l’Utopie ratée est un tâtonnement social exemplaire » , le déplacement de l’utopie en terrain expérimental (et expérimenté) sera une raison de son désaveu. D’autre part, les progrès technologiques de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle - à savoir l’apparition de nouveaux modes de mobilités de grande échelle (trains, automobiles, …) - engendreront une autre vision néfaste sur l’utopie. Ceux-ci permettront une exploration totale du globe, contre-disant fondamentalement l’idée de « non-lieux.». Thierry Paquot résumera simplement ce point de vue : « L’ailleurs est-il possible aujourd’hui ou tout est cartographié? » Aussi en raison de cet affaiblissement du sens premier de l’utopie (autant social que spatial), les récits qui émergeront dès lors auront une portée et une signification différentes. Certains s’inscriront de manière ambiguë dans des visions proches de la science-fiction, d’autres de manière plus triviale dans une simple notion de nouveauté. Dans la partie suivante, nous nous attarderons sur l’évolution de la spatialité dans ces utopies, de l’utopie sociale à l’utopie urbaine.

Thierry Paquot, L’utopie: Ou l’idéal piégé (Paris: Hatier, 1996), 7. Paquot, 9.

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L’utopie urbaine, forme hétérotopique de la ville idéale Afin d’aborder ce que nous entendons par utopies urbaines, il convient d’aborder l’utopie du point de vue de la spatialité. Tout d’abord les utopies urbaines auxquelles nous feront ultérieurement allusion coïncident d’un point de vue chronologique avec l’apparition du principe même d’« urbanisme » et des sociétés d’urbanisme de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Mais en premier temps il convient d’évoquer l’espace de l’utopie. La plupart des utopies sociales à compter de celle de Thomas More vont préciser l’ordonnancement de leurs villes idéales. Nombreux principes sociaux critiqués par les utopistes ne pouvant pas être dissociés d’une géographie urbaine. Parmi ceux-ci nous pouvons déjà prendre pour premier exemple la propriété privée dont la considération est fortement questionnée par l’utopie. Pour Patrice de Moncan : « l’ennemi public est dans tous les cas la propriété privée » . Pour Thomas More, l’Utopie est un non-lieu afin que sa portée critique ne soit pas identifiable, cependant son Utopie est spatialement décrite. Elle est organisée de manière rationnelle et intelligente afin de servir les idéaux sociaux et égalitaire. l’Île d’Utopie est constituée de cinquante-quatre villes dessinées sur un même plan. La continuité de l’ensemble conforte cette notion d’idéal commun. La description des maisons est notamment très portée sur les usages (lumières, activités) et recentre le traitement de l’espace sur l’Homme, ses us et coutumes. La nature est, comme dans une grande partie des utopies très présente. Comme le résume Patrice de Moncan, les éléments relatifs à la spatialité des utopies qui seront conservés et appliqués dans la société sont: la séparation des voies piétonnes et automobiles, La séparation des fonctions de la cité, les systèmes de préfabrication, le mythe des espaces verts, et les espaces suspendus (toitures jardins, etc.) .

Patrice de Moncan, Villes utopiques, villes rêvées (Paris: Editions du Mécène, 2003), 13. Patrice de Moncan, Villes utopiques, villes rêvées (Paris: Editions du Mécène, 2003), 13‑14.

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Utopia/ p46


La nature est, comme dans une grande partie des utopies très présente. Il conviendra dans cette partie d’aborder l’espace de l’utopie de deux approches différentes afin de bien localiser où se situent les utopies vertes. La première en observant la retranscription spatiale de deux thématiques majeures de l’utopie que sont le travail et la nature, la seconde en analysant le principe de « lieu autre » proche de l’hétérotopie de Foucault situé entre le lieu et le non-lieu.

Travail et nature, deux données interprétées spatialement. Nous pouvons différencier deux types d’utopies qui s’opposent radicalement sur un point de vue fondamental : le Travail et le Rapport à la nature. En effet, bon nombre des utopies socialistes et industrielles reposent sur une organisation innovante de l’espace de travail. Cet espace est profondément repensé, considérant l’importance structurante du travail. Le travail est dans ces villes idéales salutaire, d’autant plus que la pensée capitaliste n’est encore qu’à ses débuts et la société hygiéniste de l’époque exclut (toute proportion gardée) le principe d’aliénation. L’espace est modelé par les contraintes du travail ; la présence de la nature pourra dans ces cas de figure être forte et légitime dans la vision de bien-être, mais en tout état de cause elle ne sera pas à la source même de la vision utopique. A contrario, certaines utopies ou vision d’avenir s’en remettent principalement à la nature afin de remodeler la société. Comme le souligne justement Louis Marin, dans La tempête de William Shakespeare « sa conception de la république prône une harmonie totale avec la nature qui fournirait tout et assouvirait tout besoin. Toute occupation humaine serait oisive » . Cette vision idéale de la société s’apparente d’autant plus à un « ailleurs » compte tenu d’une certaine forme de naïveté et de rejet de la civilisation, comme il peut-être question dans les écrits de Rousseau et nous le verrons, dans certaines utopies vertes.

Louis Marin, Utopiques: Jeux d’Espaces (Les Editions de Minuit, 1972), 19.

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Dans ces deux visions opposant radicalement travail et absence de travail, il faut cependant considérer le contexte intellectuel et littéraire. Nous pouvons distinguer comme le précise Françoise Choay dans Urbanisme, Utopies et réalités , un courant culturaliste (duquel nous pouvons rapprocher une certaine forme d’humanisme voir d’hédonisme) et un courant progressiste porté sur le progrès technologique (comme ce sera le cas dans les premières utopies urbaines de Cabet ou de le Corbusier). Afin d’entendre des récits alliant de manière relativement égale ces deux visions portés sur le travail et sur l’harmonie avec nature à un même niveau, il faudra attendre les cités jardins de la fin du XXe siècle portant cette ferveur socialiste dans l’approche du travail et fortement orientées sur une vision de la ville pensée en harmonie avec les écosystèmes naturels. Selon les propos de Thierry Paquot nous pouvons opposer les utopies vertes (en considérant que les cités-jardins en fasse partie) à l’éventualité d’une urbanisation planétaire. En effet, dans ses cités jardins, Ebenezer Howard limite la capacité de la cité à 30000 âmes afin de réduire l’expansion de l’urbanisation (1898, dans un contexte où le capitalisme est fortement croissant). Il confère à ses cités un modèle de plan concentrique (tout comme la ciudad del sol de Tomaso Campanella ci-contre) identique pour toutes mais dont la taille peut varier, dont les activités publiques (commerces, spectacles, etc.) se trouvent au centre et toutes les maisons, dotées de jardins ouvriers individuels, sur la circonférence. L’ensemble étant ceinturé de zones agricoles pour fournir la cité en biens comestibles. Ces cités jardins faisant partie d’un ensemble relié par un réseau complexe de chemins de fer.

Du non-lieu au lieu projeté. Hétérotopie ? Uchronie ? Comme l’avons constaté précédemment, les utopies urbaines prennent racine là où décline la notion même d’utopie (au sens très précis du terme). Nous devrions donc, avec une grande prudence, nous réserver d’utiliser le mot utopie pour des visions d’un futur qui sont dans la plupart des cas,

Francoise Choay, L’urbanisme, utopies et réalités. Une anthologie (Paris: Points, 2014). Thierry Paquot, L’utopie: Ou l’idéal piégé (Paris: Hatier, 1996).

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Cité du Soleil/ p47


des projections de possibles – certes idéals – mais situés à l’entre-deux même du présent et d’un futur relativement proche, et pour un grand nombre, localisées.

les utopies urbaines prennent racine là où décline la notion même d’utopie Dans cette prudence, il nous est nécessaire d’aborder le principe des hétérotopies énoncé par Foucault puis par la site l’uchronie. Gardonsnous de toute comparaison hâtive ; Foucault dans sa présentation des hétérotopies a extrapolé le principe d’utopie à des utopies localisées, avant d’en faire une classification et les lier à des espaces concrets. S’il est intéressant pour nous d’en retenir les principes de base à savoir « Les hétérotopies sont des utopies localisées [...] des espaces autres », nous éliminerons les aboutissements de son raisonnement ciblant notamment les espaces dédiés davantage à ce qui semble être des dystopies (prisons, asiles, etc.) ou des lieux spirituels (cimetières). Ce que nous pouvons retenir des propos de Foucault, c’est avant-tout cet entre-deux, frontière sensible entre lieu présent et lieux rêvés. Selon lui, il ne s’agit pas de non-lieux mais bien d’ « espaces autres » (heterotopia), de « lieux privilégiés », d’une « juxtaposition de plusieurs espaces normalement incompatibles » . Au même titre que les espaces intimes et idéals décrits par Gaston Bachelard dans la Poétique de l’espace , nous pouvons envisager une considération des Utopies urbaines et utopies vertes comme étant ces espaces « autres », évolutions idéales de l’espace concret, localisées et projetées non loin du lieu du récit. Cet entre-deux permet également un certain rapprochement avec l’espace de la sciencefiction, futur localisé et hypothétique (idéal ou non idéal).

« Le jardin en Orient est un espace magique, une hétérotopie. » Foucault Il sera aussi intéressant de remarquer en amont de la prochaine partie consacrée au biomimétisme, la grande présence des jardins en tant qu’hétérotopies. Comme le souligne Foucault à travers l’histoire de certaines civilisations : « Le jardin en Orient est un espace magique, une

Michel Foucault et Daniel Defert, Le corps utopique suivi de Les hétérotopies (s.l.: Nouvelles Editions Lignes, 2009). Foucault et Defert, 29. Gaston Bachelard, La poétique de l’espace, 11e éd. (Paris: PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE - PUF, 2012).

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hétérotopie. […] Au cœur du jardin se trouve un espace sacré », et « Les tapis orientaux étaient des reproductions des jardins au sens propres de jardins d’hiver » Un autre dérivé de l’utopie pourra également être mis en relation. Comme souligné au cours d’une exposition rétrospective du travail d’EtienneLouis Boullée à la BnF, les utopies connurent également une variation vers l’uchronie , forme utopique ancrée dans une spatialité et une temporalité définie, se rapprochant davantage d’anticipation que nous pouvons comparer à la science-fiction Ce que nous souhaitons démontrer par ce rapprochement, c’est bel et bien l’ambiguïté et la portée relativement erronée du principe d’utopie. En tout état de cause, les utopies vertes et utopies urbaines se situent dans un contexte ou le mot « utopie » a perdu de son sens premier tout comme sa portée socialiste qui est affaiblie, mais nous n’y prêterons point attention. Nous le verrons ultérieurement, ces utopies vertes et utopies urbaines revêtent un certain caractère utopique de par leur pensée sociale et spatiale érigée en critique des sociétés dont elles sont contemporaines. Elles conservent cette volonté d’expérimentation et d’innovation, et peuvent être situées à mi-chemin entre utopie, hétérotopies, uchronie et science-fiction

En tout état de cause, les utopies vertes et utopies urbaines se situent dans un contexte ou le mot « utopie » a perdu de son sens premier

Foucault et Defert, Le corps utopique suivi de Les hétérotopies, 29. « BnF - L’Utopie ou la poésie de l’art / Étienne-Louis Boullée », consulté le 29 décembre 2017, http://expositions.bnf.fr/boullee/arret/ d7/d7-1/index.htm.

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1B Biomimétisme et architecture(s), principes de base

Le biomimétisme et les formes architecturales Comme nous l’avons évoqué dans notre introduction, l’enjeu de cette étude réalisée sur la base d’un précédant rapport consiste à opposer et comparer deux approches utopiques dont leur similitude principale serait, à première vue, la bio-inspiration (souvent appelée biomimétisme). Afin de les aborder avec des critères de comparaison objectifs et cohérents, il semble assez pertinent de dresser plusieurs axes de comparaison objectifs, que nous pourrons retirer de la précédente étude abordée en introduction, Bio-Architecture (Nous y ferons souvent allusion sans pour autant rentrer dans le détail aussi une lecture annexe de ce rapport pourra être complémentaire) . Nous pourrons exploiter de manière comparative les données que nous recueillerons par le biais de lectures et analyses, en les confrontant aux trois grands principes du biomimétisme énoncés par Oliver Allard, chercheur en physique à l’université de Hanovre et ParisSud spécialisé dans le biomimétisme : Les formes, les processus et les écosystèmes. En amont d’une seconde partie davantage analytique, nous resituerons ces 3 principes fondateurs du biomimétisme. L’inspiration de la nature sur les formes architecturales, s’est manifestée

Charls-Henri Rambaud, « Bio-Architecture » (ENSAL, avril 2016).

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de nombreuses manières différentes depuis l’aube des temps. Dans son ouvrage Le mimétisme et l’imitation , PM Baudonnière présente la différence entre ces deux principes soulignant que le premier est un procédé d’adaptation que l’on retrouve communément à de nombreuses espèces animales. L’imitation ayant permis aux espèces de s’adapter à leur environnement et d’évoluer, grâce à l’observation parfois passive de la nature. Dans la société des hommes, dès les plus anciennes civilisations on retrouve des inspirations formelles de la nature sur la conception architecturale, allant de se perception d’ensemble jusqu’au moindre détail (comme les modénatures). Une telle portée peut aisément être illustrée par l’influence du nombre d’or - dont les rapports sont tirées de la nature – sur les canons et proportions de l’architecture de la Grèce antique, tandis qu’à une autre échelle, les modénatures de ces mêmes ensembles reprennent également des motifs végétaux (pour exemple les feuilles d’acanthes sur les chapiteaux corinthiens).

dans le cadre de l’architecture les principes du biomimétisme peuvent être interprétés autant fonctionnellement que formellement D’un point de vue contemporain, l’ouvrage référent du biomimétisme Biomimicry de Janine Benyus explique la nécessité d’adapter nos modes de vie à ceux observés et observables dans la nature. Les nombreux exemples qu’elles prends font références à de nombreux domaines différents, cependant dans le cadre de l’architecture ces principes peuvent être interprétés autant fonctionnellement que formellement Nous pourrons toutefois remarquer que les influences formelles de la nature sur l’architecture ce sont manifestées de nombreuses manières différentes au cours des siècles, sans pour autant avoir été théorisées.

Mimesis formelle, de l’art gothique à l’art nouveau. La mimesis a toujours été très présente à l’aube des bouleversements techniques et technologiques. Dans le domaine de l’architecture, toute technicité a toujours été contrainte de reproduire les schémas du passé

P.M. Baudonnière, Le Mimétisme et l’imitation, Flammarion, s. d. Janine M. Benyus, BIOMIMESIS, s. d.

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avant d’élaborer de nouveau schémas innovants. Par exemple, les triglyphes et métopes des temples grecs représentent les poutres de des architectures en bois les ayant précédés. A ce titre l’architecture des églises a toujours cherché à atteindre le ciel, du moins à s’en rapprocher, et seuls les progrès techniques associés à une mimesis végétale ont permis d’importants bouleversements. A ces fins, l’avènement de l’architecture gothique qui succéda à l’architecture romane fut notamment permis par le passage des voûtes en berceau aux voûtes en croisées d’ogives et par les progrès de la pierre de taille. Ces nouvelles techniques permirent notamment un allègement structurel et de surcroît une plus grande ouverture sur l’extérieur. Tous les styles du gothique qui se succéderont dès lors pourrons arborer une mimesis de plus en plus réaliste.

les progrès techniques étant à la source d’une mutation de l’architecture Au cours du XIXe siècle, les travaux de restauration d’Eugène-Violletle-Duc permirent de donner une nouvelle dimension à l’aspect organique des formes architecturales notamment grâce à l’utilisation de l’acier, les progrès techniques étant à nouveau à la source d’une mutation de l’architecture.

Béranger/ p48

Dans cette continuité, des architectures radicalement innovantes virent le jour tel que l’art nouveau dont de nombreux protagonistes s’influencèrent fortement du travail d’Eugène Viollet-le-Duc. Dans ses Entretiens sur L’architecture , Eugène Viollet-le-Duc expose son credo consistant à faire fusionner la structure et l’ornement à l’instar de l’architecture gothique qui se rapprocha davantage d’une représentation végétale mimétique, ce qui influencera fortement l’architecte Hector Guimard, figure emblématique de l’art nouveau avec Victor Horta. Les enseignements artistiques de l’époque des Beaux-Arts et des Arts Décoratifs (dont fut dispensé Hector Guimard) étaient très portés sur l’observation et la représentation de la nature, toujours dans une dimension mimétique. Comme nous le soulignions dans Bio-Achitecture,

Eugène Viollet-le-Duc, Entretiens sur l’Architecture (Bruxelles: Editions Mardaga, 1995).

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l’influence de la peinture japonaise conforta également cet intérêt porté à la nature. In fine, les principes fondamentaux de l’art nouveau sont cette fusion structure-ornement et leur aspect biomimétique, ainsi que le fait de laisser apparente la structure du bâtiment, ce que permis l’emploi de l’acier.

Biomorphisme. Inspiration et sensibilité de l’organique De nombreux courants et architectures ultérieurs prolongèrent cette vision formelle bio-inspirée, toujours profitant pleinement des progrès techniques. En effet l’apparition du béton par exemple permis elle aussi de nouveaux possibles avec des architectes ou ingénieurs tels que Pierre Luigi Nervi.

Palais des sports/ p49

Du point de vue de la forme architecturale, nous pourrons souligner bien d’autres mouvements ou architectures s’inspirant de la nature. Comme nous le remarquions dans bio-architecture, certains architectes se distinguent même par des démarches n’appartenant à aucun mouvement ou aucun courant tel Santiago Calatrava, considéré comme architecte du biomorphisme. Selon le Larousse, le biomorphisme est « Caractère d’une œuvre d’art de tendance non figurative dont les formes rappellent celles du monde organique. » Pour l’architecte, comme souligné par Alexander Tzonis : « Ses nombreux édifices, projets industriels, sculptures et dessins de meubles cultivent une poétique de la morphologie qui refuse de trancher entre forme et mouvement » . En effet, les médias interprètent l’œuvre de Calatrava comme une métaphore formelle de la nature. Pour l’architecte, la démarche réside plutôt dans une retranscription du mouvement, et d’un point sensiblement situé entre équilibre et déséquilibre. Cependant, à l’instar de Guimard il dispose d’une grande sensibilité à la nature et ses formes organiques qu’il rapproche instinctivement à ses bâtiments.

Éditions Larousse, « Définition de biomorphisme », consulté le 22 novembre 2017, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ biomorphisme/9453. Alexander Tzonis, Santiago Calatrava; la poetique du mouvement, FLAMMARION edition (Paris: FLAMMARION, 2005).

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Aéroport/ p49


l’imitation puise dans la nature qui est source de nombreuses innovations. Nous pourrons étayer ce rapprochement de l’architecture avec la nature d’un point de vue formel avec bien d’autres exemples, ce qui serait une bien vaste entreprise (ci-contre Stade de Munich - Frei Otto architecte). Comme nous le soulignions dans Bio-architecture que ce soit d’un point de vue d’observation descriptive, d’évocation poétique ou à des fins d’expérimentation d’outils de conception (cf Greg Lynn. Instrumentalisation de la nature afin d’inventer des fictions), l’imitation puise dans la nature qui est source de nombreuses innovations. Stade/ p48

Processus, des techniques inspirées aux technologies bioniques Afin d’approfondir cette présentation de la bio-inspiration, nous allons évoquer les processus inspirés de la nature, débouchant sur un point particuliers de cette introduction: la présence du vivant en tant que technologie/ technique de construction. « Depuis la notion de machine à habiter évoquée par le Corbusier, jusqu’à l’architecture High-tech qui concède une grande place à la technologie, l’architecture a engagé une nouvelle mutation, basée sur les procédés ayant pour objectif l’amélioration du confort et le développement durable. Aujourd’hui on constate que les dépenses liées à l’habitat sont parmi les plus importantes et on considère urgent le besoin de concevoir une architecture en mesure d’intégrer des solutions viables. La problématique du « mieux construire » a pris une place prépondérante et les exigences se situent à tous niveaux : confort thermique, confort acoustique, production

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d’énergie, récupération des déchets, bien-être, etc.. Les innovations dans les technologies du bâtiment deviennent un gage de qualité architecturale à tel point que les équipes de maîtrise d’œuvre doivent dorénavant se diversifier. Nous pouvons parler d’architectures bio-climatiques. » Ces questions nous intéressent particulièrement dans la mesure où cellesci sont étroitement liées aux mouvements que nous étudierons dans le contexte des architectures bio-inspirées d’après guerre. Pour l’instant nous ferons quelques brefs rappels quant à ces inspirations. Les exigences citées ci-dessus se retrouvent aisément dans les principes canoniques du biomimétisme énoncés par Janine Benyus à savoir « La nature fonctionne à l’énergie solaire, la nature n’utilise que l’énergie dont elle a besoin, la nature recycle, etc. » . Il est cependant curieux de constater que que cet ouvrage ( Biomimicry ) laisse totalement indifférentes les générations d’architectes déjà en exercice, peut-être y voient-ils une simple communication démagogique, tandis que les jeunes générations d’architectes en devenir y voient un ouvrage référent de la pensée architecturale qu’ils sont entrain de se forger. En tout état de cause, les « vérités » contenues dans ce livre, si l’on considère qu’elles ne sont vérités que grâce au contexte actuel, illustrent parfaitement l’un des soucis primordial de l’architecture d’aujourd’hui, et justifie de surcroît cet important recours à la technicité.

apprendre de la nature, d’apprendre de sa façon de fonctionner, de ses mécanismes à l’image d’une boite à outil. Aussi il est important de présenter ce que nous entendons par processus. Il s’agit, comme l’explique Idriss Aberkane dans une conférence donnée sur le biomimétisme d’apprendre de la nature, d’apprendre de sa façon de fonctionner, de ses mécanismes à l’image d’une boite à outil. Comme il le souligne justement, la transmission du savoir (immatériel) permet de créer de la connaissance; tandis que la transmission et la consommation des ressources physiques (énergies grises, etc.) épuise la planète. Il entend

Charls-Henri Rambaud, « Bio-Architecture » (ENSAL, avril 2016), 29. Janine M. Benyus, BIOMIMICRY , s. d. Conseil Economique, Social et Environnemental, Audition de Idriss Aberkane (chercheur, Ambassadeur de l’Unitwin/unesco), s. d., http://www.dailymotion.com/video/x2joni8_auditionde-idriss-aberkane-chercheur-ambassadeur-de-lunitwin-unesco-cese_ news?start=.

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par là que fonctionner comme la nature est une nécessité, dans la mesure où celle-ci se régénère. Ce que nous en retenons, ce sont le grand nombre de technologies, de processus bio-inspirés utilisés dans l’architecture (ainsi que dans nombreux autres domaines) à tous niveaux.

Gestion de l’énergie L’un des exemples les plus flagrants pour illustrer les processus bioinspirés est sans nul doute le panneau photovoltaïque, mécanisme de captation et conversion de l’énergie lumineuse en énergie vitale (électricité) à l’instar de la photo-synthèse. D’après Futura-Sciences un panneau photovoltaïque est un « dispositif transformant l’énergie de la lumière en électricité. Il utilise l’effet photoélectrique, par lequel un photon incident (la lumière, donc) peut arracher un électron à un atome » . Ce processus est omniprésent aujourd’hui dans la conception de bâtiments. Certains projets comme le eTree réalisé en Israël allant même jusqu’à la mimesis formelle, questionnant d’ailleurs fortement sur la limite du biomimétisme. Bien que l’on comprenne l’héritage, l’analogie formelle est nullement E-Tree/ p51 nécessaire. Aujourd’hui, bien d’autres procédés énergétiques sont issus de l’observation de la nature, à l’échelle du bâtiment mais aussi à l’échelle du matériaux de construction. Ce sont désormais tous les tangibles qui peuvent être pensés en mimétisme d’éléments provenant de la nature.

Fabrication de la matière Pour l’architecture comme pour le design ce que l’on nomme les biomatériaux vont tenter de reproduire des effets propres à certaines espèces animales ou végétales. L’emploi sur les tissus et textiles est un exemple très étendu, tels que les revêtements déperlants grâce à des fibres similaires aux fibres animales.

Futura, « Définition de panneau photovoltaïque », Futura, consulté le 23 novembre 2017, http://www.futura-sciences.com/planete/ definitions/developpement-durable-panneau-photovoltaique-7973/.

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Dans une autre mesure, certains bâtiments revêtent une peau technologique à l’instar du bâtiment Esplanade Theater à Singapour qui s’inspire des procédés de ventilation du corps observés sur la fourrure des ours polaires. Toutes ces innovations permettant, à petite comme à grande échelle l’amélioration du confort et la réduction des dépenses énergétiques. Elle sont aussi la source, de manière induite, de nouvelles méthodes de conception et de nouvelles morphologies (analogies ou non)

Theater/ p50

Technologie du vivant Certaines technologies bio-inspirées vont même aller encore plus loin dans la mesure où elles vont même avoir recours au vivant. Nous pouvons dans ce cas parler d’architecture bionique. Selon le CNRTL : La bionique est une «science qui a pour objet l’amélioration de la technologie (en parti. de l’électronique) en tirant profit de l’étude de certains processus biologiques observés chez les êtres vivants. » . Dans ce cas bien particuliers, nous pouvons citer les architectes de l’agence X-TU qui conçoivent des bâtiments intégrant des complexe de façades accueillant des phytoplanctons (algues) afin de créer, à l’instar des panneaux solaires, de l’énergie verte. Les entreprises telle Ennesys qui développent cette technologie, qui n’était à l’origine pas spécifiquement destinée à un emploi architectural, utilisent des photobioréacteurs (algues réagissant à la lumière) dans un complexe de tubes de verre afin que celles-ci utilisent l’eau de récupération ainsi que la lumière naturelle et la convertisse en biomasse algale tout en évacuant une eau traitée réutilisable via les robinets de puisage. Le recours au vivant, par les ingénieurs puis par le biais des architectes, représente l’une des bio-inspirations (fonctionnelles) les plus directes.

CNRTL, « Définition de bionique », consulté le 24 novembre 2017, http://www.cnrtl.fr/lexicographie/bionique.

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Phytoplanctons/ p51


L’observation de tous ces processus et leur transposition, souvent par le biais de la technologie est probablement l’aspect du biomimétisme le plus ancré dans le domaine de la conception architecturale (du moins ces dernières décennies), dans la mesure où nous rentrons dans une ère soucieuse de son environnement et durable. Car comme nous l’avons remarqué plus haut d’après les propos d’Idriss Aberkane, ces procédés performants sont un gain en savoir et une immense source d’économies de ressources.

Fresh-city/ p51

Ecosystèmes, nouveaux enjeux pour la ville de demain Enfin, afin de clore cette rapide présentation non exhaustive des différents types de bio-inspirations, nous allons aborder les écosystèmes, démarche particulièrement intéressante dans le cadre de la présente étude dans la mesure où elle correspond ( en grande partie) aux utopies urbaines que nous verrons dans le chapitre suivant. Nous en ferons également ici quelques allusions. D'après le site Futura-Sciences : « Un écosystème caractérise un milieu dans lequel les conditions physico-chimiques sont relativement homogènes et permettent le développement d’un ensemble d’organismes vivants. » . A l'échelle de la ville, la métaphore écosystémique est aujourd'hui évidente. Les villes et leurs composantes sont (Dans la culture occidentales pour celles qui sont planifiées du moins) sont conçues de manière interdépendante. Le principe d'organisme au sens large du terme

Futura-Sciences, « Définition de écosystème », Futura-Sciences, consulté le 24 novembre 2017, http://www.futura-sciences.com/ planete/definitions/environnement-ecosysteme-135/.

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peut s'approprier, même de manière infime, à tout système ou groupes de systèmes composants un « ensemble ». Nous pouvons aborder avec circonspection le principe de Smart-Cities. D'après le site OpenDataSoft « La Smart City, smart cité ou ville intelligente consiste globalement en l’optimisation des coûts, de l’organisation, du bien-être des habitants. ». Ces smart-cities dont le concept même est apparu avec l'ère du numérique et antérieurement déjà annoncé dans La ville Cybernétique de Nicolas Schöffer, sont étroitement liées aux nouvelles technologies. Cependant n'étant pas nécessairement associé à la bio-inspiration, nous n'en tiendrons pas particulièrement compte dans cette étude. Cybernétique/ p52 De surcroît, dans le cadre du biomimétisme, cette relation entre les diverses entités est importante certes mais également la notion de contexte, d'environnement. Dans sa défense du biomimétisme, Janine Benyus évoque dans les domaines de la sciences, la biologie et la chimie le principe de Genius Loci plus souvent employé pour l'architecture ou l'aménagement du territoire. Ainsi nous pourrons assez clairement identifier des villes ou architectures « écosystèmes » explicitement bio-inspirés. Dans Bio-Architecture, notre étude des écosystèmes partait du pavillon des Pays-Bas réalisé par l'agence d'architecture MVRDV (fondée par Winy Maas, Jacob van Rijs et Nathalie de Vries lors de l'exposition universelle de Hanovre en 2000). Le bâtiment haut de 6 niveaux censé répondre à la problématique de l'écologie a notamment recréé six écosystèmes présents aux PaysBas ( un par niveau) afin de prendre conscience de la spécificité de chacun, et de soulever le questionnement du rapport entre le traitement de la densité (via la verticalité notamment) et son rapport avec la nature locale.

Pavillon/ p53

Nous avons pu précédemment « rapprocher à ce principe d'écosystème urbain certains projets d'architectures ou d'urbanisme du début du XXe siècle dont l'objectif était de créer une ville/ architecture (à plusieurs échelles différentes) dont les constituantes seraient en symbiose . Par exemple, Les cités jardins de l'architecte Howard avaient pour objectif

Nicolas Schöffer, La Ville cybernétique. (Paris: Tchou, 1969).

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de créer des villes de tailles réduites disposant de manière mesurée et intelligible les fonctions et composantes de la ville (réseaux, infrastructures), toutes en interactions les unes avec les autres. » Nous pourrons rajouter de nombreux exemples urbains utilisant ce principe, pour des raisons contextuelles toutes différentes. • Les cités-jardins tout comme les unités d'habitations de la première moitié du XXe siècle, en réaction à la ville capitaliste industrielle de la fin du XIXe siècle et à la forte hausse démographique qui l'accompagne. • Les mégastructures des années 1960-70, que nous aborderons dans la partie suivante, en réaction au modernisme et la nécessité de construction et de mobilité de l'après-guerre. • Les architectures du mouvement métabolisme (ci-contre), également en réaction à la hausse démographique. Etc. Baie/ p44

La nature n'est pas directement en interaction avec la ville mais est prise comme principe biologique fondateur de son fonctionnement et de sa temporalité. Tous les projets énoncés ci-dessus sont – nous pourrons le reconfirmer ultérieurement – des formes adaptées à la société qui change, formes qui anticipent le changement Celles que nous développeront s'apparentent à des métaphores des organismes vivants. Ces mouvements abordent la ville suivant des procédés écosystémiques. La nature n'est pas directement en interaction avec la ville mais est prise comme principe biologique fondateur de son fonctionnement et de sa temporalité. Elle utilise les apprentissages de la nature, autant morphologiquement que fonctionnellement.

Charls-Henri Rambaud, « Bio-Architecture » (ENSAL, avril 2016).

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ICONOGRAPHIE 1/2

Végétal City (2009) - Luc Schuiten Source: Internet | www.vegetalcity.net

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Utopia - Gravure d’Ambrosius Holbein (1518) Source: Internet | wikipedia.org

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Familistère de Guise © Familistère de Guise Source: Internet | Histoire-Image.org Plan de la cité du soleil. Capagnella 1606 Source: Internet | imagest.hypotheses.org

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Castel BĂŠranger - Hector Guimard architecte Source: Internet | www.hguimard.fr

Stade de Munich - Frei Otto architecte Source: Internet | www.lichtar.at

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AĂŠroport de Satolas - Santiago Calatrava architecte Source: Internet | www.calatrava.com

Palais des sports de Rome - Pier Luigi Nervi architecte Source: Internet | www.pier-luigi-nervi.floornature.eu

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Fresh City - X-TU Source: Internet | www.x-tu.com E-Tree Source: Internet | www.ecoesmas.com

Esplanade Theater, Singapour - DP architectes Source: Internet | www.technologist.eu

Réseaux de phytoplanctons Source: Internet | www.ennesys.com

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Plan pour la baie de Tokyo - Kenzo Tanje architecte Source: Internet | www.classconnection.s3.amazonaws.com La ville cybernétique - Nicholas Shöeffer Source: Internet | inconnue

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Pavillon des Pays-Bas, exposition universelle de Hannovre, 2000 - MVRDV architectes Source: Internet | www.MVRDV.assemblepapers.com.eu

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UTOPIES URBAINES D’APRÈS-GUERRE, UTOPIES VERTES CONTEMPORAINES : QUEL HÉRITAGE?

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2A Projets urbains entre 1960 et 1975, procédés biomimétiques et enjeux sociaux Contexte social, rupture et nouveaux idéaux. Afin d’introduire ce chapitre opposant les Utopies urbaines entre 1960 et 1975 avec les utopies vertes contemporaines, il est nécessaire de rappeler préalablement la méthodologie adoptées à des fins comparatives. Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, la notion de biomimétisme apparue (dans le langage commun) il y a quelques décennies, reste encore très vague. Pour cette raison nous avons identifié dans une précédente étude les trois grands principes de la bio-inspiration que sont la forme, les procédés et les écosystèmes. Ceux-ci permettant de donner un sens élargi du principe de biomimétisme, nous les utiliserons afin de définir des caractéristiques apparents de nos cas d’étude Mais avant toute chose, pourquoi opposer ces architectures particulièrement ? La principale raison est notamment leur appartenance au troisième critère du biomimétisme, les écosystèmes, enjeu principal de la ville durable à laquelle notre société aspire. Les utopies urbaines des années 1960-75, correspondent à une époque de reconstruction (et de surcroît de renouveau social) où la nécessité de construire des cités intelligentes et radicalement différentes de la ville d’avant-guerre s’imposait. De nouveaux modes de vie dus aux changements sociaux et technologiques durent être rapidement considérés. Les utopies contemporaines quant à elles, interviennent non pas dans un contexte de reconstruction, mais dans un contexte de reconfiguration de la

II - Utopies urbaines d’après-guerre, Utopies vertes contemporaines: quel héritage?

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société. La société contemporaine, elle aussi sujette à de nombreux bouleversements sociaux raisonnant en écho à divers endroits de la planète, voit d’importantes mutations s’opérer rapidement.

Les utopies urbaines des années1960, correspondent à une époque de reconstruction où la nécessité de construire des cités intelligentes s’imposait. C’est, pour résumer, cette notion commune de « global » propre à ces époques et l’attachement à la bio-inspiration ( selon des critères que nous verrons), qui donne un intérêt certain à leur rapprochement.

Utopies urbaines et consommation. Prémisses d’une révolution. Comme nous l’avons vu en première partie, toutes les utopies témoignent d’une situation et d’un état de la société fortement critiquables. En dépit de l’affaiblissement du terme « utopie » à la fin du vingtième siècle et compte tenu de l’apparition progressive de la notion d’urbanisme, le récit utopique ne va être approprié plus uniquement par des philosophes ou historiens dans une dimension sociale, mais également par des architectes. Des utopies urbaines voient le jour dans la première moitié du XXe siècle avec Ebenezer Howard, Eugène Hénard, le Corbusier ou encore Franck Lloyd Wright. Elles sont pour la plupart basées sur un équilibre social, mais cependant ces visions architecturales et urbaines considèrent que la spatialité peut suffire à résoudre le problème social. Comme le décrit Robert Fishman : « Ces citées idéales sont peut-être l’affirmation la plus ambitieuse et la plus complexe de la croyance de la réforme du milieu physique peut révolutionner l’ensemble de la vie d’une société [...] idées que des facilités matérielles pouvaient à elles seules résoudre les problèmes sociaux » C’est néanmoins après la seconde guerre mondiale que vont émerger bon nombre d’idées utopiques compte tenu de tous les grands bouleversements. Tous ces exemples que nous prendrons par la suite constituent une grande diversité en dépit de leur courte durée. En effet la critique va sans cesse être remise en question, à l’utopie va succéder la contre-utopie, puis de nouvelles contre-utopies encore plus radicales, etc.

Robert Fishman, L’Utopie urbaine au XXe siècle: Ebenezer Howard, Franck Lloyd Wright, Le Corbusier (Bruxelles: Mardaga, 1980), 10.

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ces visions architecturales et urbaines considèrent que la spatialité peut suffire à résoudre le problème social. Pour ces raisons notre approche abordera cette période de manière nébuleuse afin de confronter plusieurs des grandes idées qui la caractérisent. Mais revenons tout d’abord au contexte dans lequel la ville va opérer sa mutation. Face à l’architecture du début du XXe siècle post-industrielle vont émerger de nouvelles utopies. Patrice de Moncan évoque pour qualifier ces nouvelles utopies: « un urbanisme hygiénique inventé en réaction à l’étouffement des villes industrielles du XIXe siècle » . Cependant les projets imaginés comme ceux d’Eugène Hénard resteront des architectures d’une société consummériste. Futur/ p98

La consommation. De l’idéal industriel au social relationnel Tout d’abord des voies avec lesquelles celle-ci va muter, puis par la suite de la critique de ses limites, vont naître les mégastructures et autres projets utopiques auxquels nous allons nous intéresser. Dominique Rouillard explore dans son ouvrage Superarchitecture la foisonnante succession d’idéaux architecturaux et urbains développés à cette époque. Le centre même de cette critique est la consommation. Nous le verrons par la suite, la consommation sera au cours du siècle l’un des fil conducteur de la critique utopique. Cette société sera interrogée par plusieurs penseurs et architectes au début des années soixante tels que Hans Hollein, architecte autrichien et figure majeure du post-modernisme. Les questionnements sont tournés sur le futur de l’architecture et notamment son étendue. En effet Hans Hollein évoque une réduction de l’architecture aux usages, aux structures, aux réseaux à des fins d’accord avec la société de consommation, consommation élargie à l’individu et en cours de démocratisation.

Patrice de Moncan, Villes utopiques, villes rêvées (Paris: Editions du Mécène, 2003), 14.

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Dominique Rouillard évoque pour cela la notion “d’architecture de la consommation” et “d’adéquation de l’architecture à la société” .

la consommation sera au cours du siècle l’un des fil conducteur de la critique utopique. La rupture créée par la seconde guerre souleva de radicales remises en question du mouvement moderne soutenues par de nombreux architectes parmi lesquels Georges Candilis, Peter Smithson ou encore Shadrach Woods qui se regrouperont en 1953 pour former le Team X. La principale réorientation de la pensée représente “Un abandon de l’idéal (du modernisme) pour le réel” . Ce mouvement contestataire prit notamment forme en 1952 lors du 10e congrès des CIAM ( Congrès International de l’Architecture Moderne), durant lequel les Smithson rappelèrent « l’importance des relations sociales dans l’habitat, l’identification avec l’environnement naturel et l’histoire comme facteurs de cohésion d’une communauté » . Cet abandon d’un idéal de la ville industrielle pour le réel pourra d’ailleurs sembler contradictoire avec les visions utopiques qui suivront. Néanmoins la question sociale sera assurément importante dans cette rupture car la démarche de ces architectes sera de recentrer la ville sur l’individu, ses usages, ses coutumes (en devenir). Nous pourrons parler d’après Dominique Rouillard « d’espace relationnel, d’espace total » . C’est cette pensée qui fera naître le principe de la Mégastructure, résultante d’une architecture pensée en systèmes et en diagrammes. A la différence des modèles précédents, l’étude sera globale allant de l’individu jusqu’à la maîtrise du territoire (à Grille/ p89 l’instar d’un écosystème). Selon Dominique Rouillard, les formes recherchées sont adaptées à la société qui change, ces formes anticipent le changement. La consommation sera avant-tout une impulsion pour cette pensée avant d’être dépassée

Dominique Rouillard, Superarchitecture: le futur de l’architecture, 1950-1970 (Editions de la Villette, 2004), 11. Rouillard, 11. Moncan, Villes utopiques, villes rêvées, 242. Rouillard, Superarchitecture, 11.

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la question sociale sera importante dans cette rupture car la démarche de ces architectes sera de recentrer la ville sur l’individu, ses usages, ses coutumes. La Technologie. Vers une ville de réseaux Ces changements sont orientés vers une vision humaniste, mais également technologique ce qui – en dépit de leurs dimensions critique – ne peut les extraire de la consommation. En connaissance du contexte actuel, cela peut en effet sembler ambigu de se positionner en critique de la ville industrielle en arguant les nombreuses possibilités (naissantes) de la technologie, industrie et technologie étant étroitement liées. Cependant, ce recours à la technologie sera pour les mégastructures avant tout une opportunité de repenser la ville dans ses fondements même. Les projets mégastructuralistes décrits par le critique d’architecture Reyner Banham, la ville cybernétique de l’artiste Nicolas Schöffer ou encore les villes suspendues de l’architecte Yona Friedman ; toutes ces visions futuristes qui peuvent même s’apparenter à de la science fiction, vont tenter d’imaginer des cités focalisées sur l’homme en tant qu’individu (individu dans le contexte de l’après-guerre, avec de nouveaux besoins), en s’appuyant sur la technologie. Cependant en dépit de l’importance des progrès technologiques, pour Reyner Banham : « La Mégastructure dépend d’une conception architecturale de la technologie et non d’une technologie appliquée à l’architecture » . Il faut ainsi noter que les projets utopiques de cette époque ( Les mégastructuralistes, les métabolistes, etc.), n’ont pas essayer de montrer le fonctionnement technique de leur utopie.

Reyner Banham, « MEGASTRUCTURE » Architectural Design, no 5/63 (s. d.): 400, 401.

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Il questionnera également le rapport de la technologie à l’aboutissement des projets utopiques (comme nous l’avons vu précédemment, le sens du mot « utopique » étant dans ce cas relativement affaibli), avec la problématique de « réussir à aboutir les projets utopiques avec une technologie étrangère (à l’instar du projet Cushicle de Mike Webb, Archigram ) ou ne pas réussir et se résoudre à la contrainte de la technologie traditionnelle (à l’instar du Nagakin’s Building de Kisho Kurokawa ) »

Cushicle/ p94

les projets utopiques de cette époque n’ont pas essayer de montrer le fonctionnement technique de leur utopie. Aussi la technologie a une part importante dans les visions utopiques que nous venons de citer précédemment, d’une part en tant que tangible, mais aussi en tant que modes de consommation et d’usages émergents.

Capsule/ p90

En effet nous avons dans le chapitre précédent souligné que les progrès liés à la mobilité et à la cartographie avaient contribué à affaiblir la racine étymologique du mot « utopie », néanmoins ces progrès vont avoir un effet déterminant sur la société de l’après-guerre en raison de leur démocratisation. Automobile, Télévision, Électroménager ; l’accès de à la technologie par tous (à minima par la majorité) va être l’un des principaux changements pour les mentalités du XXe siècle comme il sera question dans La Société du Spectacle de Guy Debord. Avec le recul de notre époque contemporaine, nous pouvons comprendre que l’ère de la technologie n’est qu’une évolution de l’ère industrielle et non une rupture, ce que la pensée des mégastructuralistes n’avait semble-t-il pas intégré. En tout état de cause, la technologie va accompagner intrinsèquement la pensée sociale de ces utopies urbaines. Dans la ville cybernétique, Nicolas Schöffer recompose la ville suivants ces critères sociaux voir anthropologiques vus précédemment, à savoir une ville divisée en trois

Banham.

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entités distinctes : Travail, Habitat, Loisir . C’est en effet cette dernière entité qui résulte primordiale. Comme nous l’avons abordé précédemment avec le Team X, le retour au réel se retranscrit par une action avant tout sociale et relationnelle, il est question de « Continuité urbaine » se référant aux principes suivants : Lieu, identité, relation, lien, connexion, contact, communauté, structure, événement, intervalle, indétermination, désordre. Nous pouvons de surcroît à la lecture de ses éléments établir de possibles connections avec le Biomimétisme.

Continuité urbaine se référant aux principes suivants : Lieu, identité, relation, lien, connexion, etc. L’homme, le climat. Cette pensée sociale et également anthropologique dans la mesure ou l’aspect culturel va prendre une part déterminante, va par la suite avec la contre-utopie, se resserrer davantage sur l’homme . L’autocritique de la mégastructure par des mouvements radicaux comme Archizoom et Superstudio va faire muter la pensée d’une part vers des visions plus négatives resserrant la dimension utopique à une intensification du présent. Pour Dominique Rouillard, il s’agit de la fin de l’utopie positive : « Privilégier l’intensification de la ville existante par rapport à la promesse d’une ville future » . Les visions utopiques vont progressivement questionner les échelles et les milieux, resserrant le rapport entre l’homme, réduit et considéré à son échelle biologique, et l’urbain dans sa dimension climatique et donc sensible. Cette approche pendra également appui sur les utopies hygiénistes que nous avons citées précédemment à l’instar de l’immeuble du futur et ses chambres hermétiques d’Eugène Hénard initiant déjà la réflexion sur le climat (en 1908) en critique de la société industrielle. Il est question pour Hénard de « Régénérescence hygiénique » . Cependant cette approche énergétique et climatique de la mégastructure – en étroit rapport à l’homme - prendra également tout son sens après la guerre compte tenu des progrès technologiques (informatique) et des évolutions considérables de la climatologie. C’est dans ce contexte, et forte de ces

Nicolas Schöffer, La Ville cybernétique. (Paris: Tchou, 1969). Rouillard, Superarchitecture, 26. Dominique Rouillard, Superarchitecture: le futur de l’architecture, 1950-1970 (Editions de la Villette, 2004), 26. Rouillard, 124.

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prémices que la pensée « climatique » va émerger, longtemps avant les bouleversements qui donneront naissance aux mouvements écologistes. Elle sera portée par les architectes Frei Otto et Sir Buckminster Fuller qui associeront dimension climatique et mégastructure. Pour Fuller, il s’agit d’un engagement croissant pour un habitat menacé (critique de l’ère industrielle et moderniste). Cette pensée climatique s’installera dans la logique mégastructuraliste, en apportant un idéal porté sur des valeurs bio-inspirées que nous verrons dans le chapitre suivant. Cependant le caractère utopique de cette pensée s’installe sur des visions pouvant sembler contradictoires. En effet la relation entre artificiel et naturel peut sembler ambiguë. Dans son projet utopique New Babylon, l’artiste Constant isole la ville de la nature et donne le moyen aux utilisateurs de modifier les climats (suppression des imprévus climatiques) cependant comme le décrit Dominique Rouillard, ce travail sur l’invention d’ambiances consiste à « vaincre la nature » et recréer une nature artificielle, aménagée. Guy Debord y voit un déconditionnement, un « monde auto-subsistant » . Cet aspect de la pensée est selon Rouillard la « Libération de l’homme selon la maîtrise des forces prodigieuses de la nature ».

Babylon/ p98

la disparition de toute construction suggère l’Eden retrouvé A contrario, Frei Otto apporte une réflexion dans Essai d’une vision d’avenir allant du contrôle du climat vers une harmonisation totale avec la nature. Ces nouvelles possibilités d’agir sur le climat ainsi que le contexte post-industriel aboutissent à une vision où « Nature et technologie sont mêlées ; la disparition de toute construction suggère l’Eden retrouvé » . Cette vision idéale de la société post-industrielle est non sans rappeler la vision de la république de Shakespeare évoquée précédemment ou l’homme vit en harmonie totale avec la nature.

Rouillard, 133. Otto Frei, « Essai d’une vision d’avenir » L’Architecture d’Aujourd’hui, no 102 (s. d.). Rouillard, Superarchitecture, 140.

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Endless/ p96

Ces évolutions de pensées vont progressivement resserrer l’étude à l’homme et son milieux biologique et psychologique au travers de projets expérimentaux, approches fondées sur les attentes du corps considéré à son état animal. Nous pouvons illustrer cette démarches par le travail expérimental d’architectes comme Frederic Kiesler ou encore Coop Himmelblau.

Nous limiterons cependant notre panel d’étude à cette réduction d’échelle, évolution certes logique, mais qui modifie le référentiel de l’espace utopique tel que nous l’entendons (bien que Foucault considère l’espace du corps comme utopie dans son ouvrage Le Corps Utopique ). Comme le résume Luc Baboulet dans une lecture du livre The Architecture of Well-Tempered Environment de Reyner Banham, cette vision est « une réconciliation de l’architecture et de l’environnement » et « l’art de créer des environnements adaptés aux activités humaines »

réconciliation de l’architecture et de l’environnement Aussi, dans cette rapide étude du contexte social ayant donné naissance aux utopies urbaines (mégastructures) puis aux contre-utopies, nous constatons que les progrès techniques et technologiques d’une part, qu’ils soient bénéfices pour les usagers ou moteurs du progrès (profitable à la communauté), et la consommation d’autre part, étroitement liée à cette évolution des us et coutumes, sont structurantes dans cette foisonnante mutation de la pensée. Tous ces bouleversements illustrant un après Charte d’Athènes et la reconsidération d’un vieil espace urbain, vont être une réponse à l’essor démographique et aux remises en question socio-culturels. Comme le souligne Patrice de Moncan, les Smithson rappelèrent dès 1952 l’« importance des relations sociales dans l’habitat » ainsi que « l’identification avec l’environnement naturel et l’histoire comme facteurs de cohésion d’une communauté » . Nous verrons par la suite les moyens mis en œuvre pour concevoir

Michel Foucault et Daniel Defert, Le corps utopique suivi de Les hétérotopies (s.l.: Nouvelles Editions Lignes, 2009). Reyner Banham, Architecture of the Well–Tempered Environment 2e, 2nd Revised edition (Chicago: University of Chicago Press, 1984). Luc Baboulet, « Du Bâtiment à l’Environnement par la Technique » Les cahiers de la recherche architecturale, no 42/43 (s. d.): 173‑74. Patrice de Moncan, Villes utopiques, villes rêvées (Paris: Editions du Mécène, 2003), 240,242.

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cette harmonisation et le recours à la bio-inspiration dans de nombreux domaines, suivant la classification Formes, Processus, Ecosystèmes.

les progrès technologiques et la consommation sont structurantes dans cette foisonnante mutation de la pensée.

Utopies urbaines, quels rapports à la bioinspiration? En connaissance du contexte, nous pouvons désormais aborder les utopies urbaines (et humaines) bio-inspirées des années 1960-75, en nous recentrant cependant sur ce caractère biomimétique qu’elles revêtent. Jusqu’à cette époque, la mimesis végétale ou animale était portée sur une recherche formelle et fonctionnelle, basée en grande partie sur l’observation. Comme le précise P.M. Baudonnière dans Le mimétisme et l’imitation , Les analogies avec le vivant sont souvent des mécanismes d’adaptation naturels à un environnement, permettant l’évolution de l’espèce. Cependant, comme nous l’avons vu précédemment, le début du XXe siècle connaît de grands bouleversements techniques, culturels, politiques et sociaux. Parmi les nombreux progrès scientifiques, la biologie, à l’instar de la technologie, va aussi fortement évoluer ce qui va avoir une grande incidence sur la portée mimétique.

la biologie, à l’instar de la technologie, va aussi fortement évoluer ce qui va avoir une grande incidence sur la portée mimétique. Les inspirations du vivant et de l’organique ont comme nous l’avons abordé en première partie influencé les formes architecturales, les progrès techniques permettant l’élaboration de formes nouvelles. Ce sont ces grands progrès, qui vont permettre aux architectes, ingénieurs et penseurs

P.M. Baudonnière, Le Mimétisme et l’imitation, Flammarion, s. d.

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de cette période de franchir une dimension supplémentaire dans la bioinspiration. L’un des ouvrages scientifiques phare de cette nouvelle ère de la mimesis biologique est l’œuvre du Zoologiste Mathématicien D’Arcy Thompson: On Growth and Form . C’est par cet ouvrage que nombreux architectes mégastructuralistes vont forger leur vision organique de la ville, ouvrage qui porte un renouveau dans l’observation et l’étude de la nature.

On Growth and Form. Ouvrage référent En effet la grande évolution de cette vision scientifique est l’approche désormais mathématique de la chimie et de la biologie. Selon D’Arcy Thompson : « La géométrie peut tout expliquer » . Les considérations écosystémiques de Thompson auxquelles se joignent de nombreuses études spécifiques et bien illustrées ne seront pas sans impact sur l’approche biomimétique de l’époque. Selon lui « Il est retenu dans l’embryologie moderne […] que les phénomènes embryonnaires doivent être directement référés à leur utilité dans la constitution du corps du futur animal » . Cet ouvrage et tout ce qu’il apporte prolongent notamment les propos du philosophe Paul Janet qui dès la fin du XIXe siècle qui évoque « Les causes finales » dans son ouvrage éponyme – notion selon laquelle le but fini est la cause d’actions et de mouvements – pour lesquels nous pourrons retenir les propos suivants : « La nature agit toujours par les moyens les plus simples » et « Chaque chose finit toujours par s’accommoder à son milieu » . Toute cette ouverture vers une nouvelle manière d’aborder la nature va notamment donner aux architectes des moyens de matérialiser leur pensée. Nous sommes un demi-siècle avant l’ouvrage Biomimicry de Janine Benyus et semble-t-il les principes du biomimétisme sont déjà, si ce n’est théorisés, envisagés.

« Chaque chose finit toujours par s’accommoder à son milieu » Paul Janet. 1876

D’Arcy Wentworth Thompson, On Growth and Form, Revised ed. (New York: Dover Publications Inc., 1992). Thompson, 2. Thompson, 2. Paul Janet, Les causes finales. (Germer Baillière, 1876), 350.

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Mégastructures bio-inspirées - Métaphore d’un organisme vivant Au regard de cet ouvrage et de la nécessité d’unification des entités de la ville, nous comprenons à première vue mieux la démarche écosystémique et bio-inspirée des mouvements de l’après guerre. Comme abordé précédemment, nous aborderons la bio-inspiration de ces décennies de manière davantage nébuleuse dans la mesure ou les principes biomimétiques sont variés. Comme le faisait remarquer Dominique Rouillard, ces mouvements utopiques expriment des « Formes adaptées à la société qui change ». C’est bien cette notion de changement et d’évolution, à des échelles différents (du local au global) qui sera interprétée avec des analogies végétales par les architectes et utopistes de l’après modernisme. La ville même, dans toute sa complexité de flux et de ramifications sera comparée Métabolisme/ p90 à un organisme vivant. Ce fonctionnement pour les différents mouvements nébuleux de l’après CIAM X, pourra se résumer à la notion de “continuité urbaine” exprimée par les Smithson que l’on peut simplifier, à l’instar d’un organisme végétal, par un ensemble de microstructures interchangeables greffées sur une macrostructure qui les connecte les unes aux autres tel une moelle épinière. Cette notion résume à elle seule l’un des grands principes fondateurs de la pensée d’après-guerre. Ce principe de continuité et des liens sera expérimentée de différentes manières et selon des analogies différentes. Les architectes métabolistes au Japon, les mégastructuralistes en Europe avec l’initiation du principe de Cluster City décliné de la pensée cybernétique ( cluster signifiant grappe) utiliseront la comparaison avec le principe biologique afin “d’évoquer l’introduction de nouvelle structures dans l’existant”. Cluster/ p100

A l’instar des problématiques actuelles de développement durable, ces visions d’après-guerre souhaitent tendre vers une ville qui se régénère à l’instar d’un organisme complexe pouvant renouveler ses cellules.

Dominique Rouillard, Superarchitecture: le futur de l’architecture, 1950-1970 (Editions de la Villette, 2004), 26.

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L’architecte Kenzo Tanje dans son projet de plan de la baie de Tokyo imagine des “Unités de remplissage discrètes et mobiles, renouvelables, aussi éphémères que les fonctions qu’elles assument” . Pour les métabolistes, il sera même question de “tiges, branches, feuilles et bourgeonnements terminaux”

ensemble de microstructures interchangeables greffées sur une macrostructure qui les connecte les unes aux autres tel une moelle épinière Tout comme les mouvements modernes les ayant précédés, la technologie et l’industrie jouent un rôle très important dans la fabrique de la ville. Pour les mégastructuralistes, les microstructures peuvent correspondre à des “cellules” fabriquées en série et industriellement afin de pouvoir être interchangeables et évolutives. Ce point essentiel de la mégastructure est notamment l’un de ceux nous semblant très contradictoires dans la mesure où si la dimension écosystémique est bien présente et porteuse d’une vision de la ville économe et évolutive ; néanmoins la consommation et la place prépondérante de l’automobile individuelle sont porteurs d’un discours opposé. Cette ambguïté peut correspondre au fait que l’urgence et la priorité étaient le lien humain avant tout, dans un contexte de reconstruction idéologique et sociale.

les microstructures peuvent correspondre à des “cellules” fabriquées en série et industriellement afin de pouvoir être interchangeables et évolutives En dépit de ces contradictions, les mégastructuralistes et les métabolistes ont pensé la ville comme un organisme vivant pouvant se régénérer (rapport au écosystèmes), allant même juste qu’à une mimesis formelle ( rapport à la forme) tels les projet Helix City de Kisho Kurokawa. Cette vision de la ville était basée sur des principes utopiques et dont certains ont été réalisés ( nous parlons dans ce cas d’utopies réalisées) non pas sans critique tel le Nagakin’s building. Helix-city/ p92

Rouillard, 14.

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Kenzo Tanje résumera explicitement cette pensée constructive: « Les structures évoluent au rythme des progrès techniques et du renouvellement d’une production périssable », tout en laissant clairement induit le recours à la bio-inspiration. Aussi, la métaphore végétale sera utilisée pour de nombreux desseins allant du fonctionnel au social. En effet au-delà de la ville dans sa matérialité, c’est le rapport des usagers entre eux et leur rapports à tout leur environnement qui est considéré. Sadrach Woods parlera notamment de « tissu relationnel », de « lieux événementiels » probant jusqu’à un effacement de l’architecture.

au-delà de la ville dans sa matérialité, c’est le rapport des usagers entre eux et leur rapports à tout leur environnement qui est considéré Processus et écosystèmes. Contre-utopie et métaphore négative. Nous comprenons bien compte tenu du contexte le rapport à bioinspiration. Néanmoins les utopies qui suivront les premières recherches mégatructuralistes apporteront une dimension d’autant plus critique et négative. Comme abordé précédemment, une certaine conscience écologique va se développer chez des architectes comme Richard Buckminster Fuller et Frei Otto qui vont apporter une approche énergétique de la mégastructure. Pour Fuller, il sera question même d’un « engagement croissant pour un habitat menacé » .Comme nous l’avons observé dans la partie précédente, il y a une certaine ambiguïté dans le rapport à la nature. En tout état de cause la métaphore végétale restera présente mais Dome/ p94 de manières plus éparses. L’aspect technique tout d’abord sera primordial dans ces visions utopiques climatiques. Les visions d’une société où l’homme contrôle la nature sont d’évidents prémices de ce que l’on appelle aujourd’hui (pour la quasi totalité des projets) l’architecture bio-climatique, tout comme les visions utopiques que nous aborderons par la suite. Toutes les démarches qui en découlent se rapprochent certainement des processus bio-inspirés (transformation de l’énergie, etc.), tout en conservant l’aspect écosystémique mais à des fins critiques. La pensée se radicalise

Dominique Rouillard, Superarchitecture: le futur de l’architecture, 1950-1970 (Editions de la Villette, 2004), 124.

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pour voir dans ces visions utopiques un sauvetage du genre humain. Pour l’ingénieur John Roebling qui imagine des machines utilisant l’énergie renouvelable pour rendre le désert habitable et climatiser les territoire, il est question d’une « régénération de l’humanité » . Pour Reyner Banham dont l’ouvrage The Architecture of Well Tempered Environment présente cet aspect climatique, l’évolution de l’habiter amène à un « Home » sans la « Maison ». Dominique Rouillard résumant cette démarche comme une « fusion entre le corps et l’architecture » (« Reyner Banham dépèce la maison de peau pour n’en garder que ses fonctions mécaniques, à l’image des systèmes nerveux et sanguins du corps humain » ). Ce resserrement sur l’échelle de l’homme et cet aspect critique aboutira par la suite à une architecture se vidant de sa dimension matérielle et tangible. Dans la continuité des termes soutenus par le Team X ( relation, lien, connexion, etc.), l’architecture va se faire « enveloppe de situation, d’événements, d’expériences, opposée aux notions modernistes de structures, d’espaces, de formes articulées » . L’approche de Hans Hollein décrira une ville réduite à des organes, un nœud unique de boyaux tandis que les architectes comme Frederic Kiesler ou Coop Himmelblau apporteront la dimension psychique (« Notre architecture n’a pas de plan physique mais un plan psychique, il n’y a plus de murs nos espaces sont des ballons palpitants. Notre poul devient l’espace, notre visage la façade » ). Ainsi à travers les variations et évolutions de la vision utopique de la mégastructure, la métaphore organique va – grâce aux évolutions technologiques – influencer la pensée principalement du point de vue écosystémique, mais aussi à moindre proportions au point de vue des processus et de la forme. Cependant, de par la quantité nébuleuse de ces projets et leurs rapides évolutions, la dimension biomimétique reste modérée. L’aspect métaphorique est très présent et sous différentes formes ce qui – cela pourra nous paraître avec recul plutôt rassurant – éloigne cette probabilité d’un possible paradigme. Ce rapport à la bio-inspiration permit notamment une grande richesse créative et critique, bien que contrairement aux utopies vertes que nous verront par la suite, la pensée étant davantage portée sur l’homme que sur son environnement.

Rouillard, 136. Rouillard, 140. Rouillard, 188‑89. Rouillard, 221.

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2B Les utopies vertes contemporaines, vers la ville écologique? Utopies vertes, contexte social Nous venons de voir les nombreux rapports à la bio-inspiration des mégastructures des années 60-75 ainsi que leur contexte, en lien avec une rupture de la ville industrielle et moderniste d’une part, et d’autre part avec un besoin de renouveau social. Aussi afin de tenter de dresser une comparaison entre les utopies urbaines de cette période et les utopies vertes contemporaines, il s’agira de comprendre les tenants et aboutissants de ces dernières et leur rapport à la bio-inspiration. D’un point de vue méthodologique, la mise en regard du contexte et des caractères biomimétiques de ces deux périodes ( mis en forme par le biais de carte mentale) nous permettra de discerner d’éventuelles connivences. En premier temps il est nécessaire de bien resituer le contexte intermédiaire entre ces deux périodes. Tout d’abord, nous avons pu constater au regard de la pensée climatique de certains architectes de cette période tels que Buckminster Fuller ou Frei Otto, et même auparavant avec les cités jardins que la vision écologique de la ville puise ses origines avant même l’apparition de la notion d’ « écologie ». Mais tout d’abord, avant de tenter d’établir des liens, présentons ce que nous appelons « Utopies Vertes » dans la période contemporaine.

la vision écologique de la ville puise ses origines avant même l’apparition de la notion d’ « écologie ».

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Dans le cadre du festival international de science-fiction : « Les Utopiales » qui se déroule dans la ville de Nantes, de nombreux invités se réunissent afin de débattre autours de sujets prospectifs et de technologies liées aux mondes imaginaires. Lors de l’édition de 2013, une conférence ayant pour objet Les Utopies Vertes réunit trois grands figures spécialistes ou simplement protagonistes du sujet, Vincent Callebaut, architecte utopiste, Luc Schuiten, architecte et scénariste de bande dessinée et enfin Yannick Rumpala, maître de conférence en sciences politiques à l’université de Nice. La confrontation de ces trois interlocuteurs en tout premier lieu, illustrée par leurs travaux et études respectifs, nous a permis d’entrevoir plusieurs thématiques inhérentes à ces utopies.

Écologie, Économie et Politique à l’aube du XXIe siècle. Comme nous l’avons déjà abordé en introduction, de nombreux événements géo-politiques ont progressivement aboutit à une prise de conscience écologiste des modes de vie, à un nécessité urgente de préservation des nos écosystèmes naturels, au regard des bilans déplorables de l’état de la planète. Les conférences sur le climat se succèdent. Même si nous avions souligné l’année 1992, date de la première COP (Conférence des Partis) et 1997 date de ratification des accords de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, il est important de noter qu’en 1972 déjà avait lieu à Stockholm la première grande conférence des NationsUnies sur l’environnement ; le premier grand choc pétrolier n’ayant lieu que l’année suivante. La question sur l’environnement était déjà présente dans les années 1960 (notion d’Eden retrouvé pour Frei Otto, Victoire sur la nature pour Constant, etc.) tout comme ce besoin et ce désir profond de créer une société en harmonie avec la nature, vieux de plusieurs millénaires. Cependant les années 1960 initierons au delà d’un rêve de cité idéale et harmonieuse, une dimension alarmiste et pessimiste qui se manifestera de manière acerbe par la contre-utopie. En dépit d’un fort impact du greenwashing apparu il y a quelques années, force est de constater que les mouvements émergents à l’aube du XXIe siècle ne semblent être qu’une évolution progressive des mentalités en ce sens. Nous le verrons par la suite, dans un article Science-Fiction, spéculation écologique et éthique du futur , Yannick Rumpala nous présente cette dimension au travers de la science-fiction depuis les années 70 jusqu’à nos jours, envers laquelle

Utopies Vertes - Utopiales 2013, vol. Utopiales 2013, s. d., https://www.youtube.com/watch?v=WRmkdtaTb2o. Yannick Rumpala, « Science-fiction, spéculations écologiques et éthique du futur », Revue française d’éthique appliquée, 1 mai 2016, 74‑89.

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nous avions déjà témoigné de ressemblances avec certaines utopies urbaines antérieures précédemment abordées.

une dimension alarmiste et pessimiste se manifestera par la contre-utopie En tout état de cause, comme le soulignèrent Vincent Callebaut et Luc Schuiten lors des Utopiales de 2013, les préoccupations contemporaines des visions du futurs sont bien la préservation de l’environnement, et à l’instar de Buckminster Fuller en critique de l’ère industrielle, un engagement croissant pour un habitat menacé. D’ores et déjà nous pouvons appréhender cette pensée dans une critique de la consommation et ses limites, mais dans un contexte social et technologique différent. A la grande différence du contexte de l’époque, la seconde guerre-mondiale et l’impact de la Shoah sur les mentalités ayant contribué à radicaliser la critique, les visions utopiques contemporaines souhaitent selon Vincent Callebaut se positionner en rupture avec les visions négatives et nihilistes de la contre-utopie ou de la science-fiction des années 70. Pour l’architecte, la réflexion progressiste doit s’inscrire dans un futur proche et positif. Dans les projets qu’il développe, le contexte climatique revêt systématiquement une place prépondérante.

les visions utopiques contemporaines souhaitent se positionner en rupture avec les visions négatives et nihilistes de la contre-utopie

Coral Reef/ p91

Par exemple, son projet Coral Reef est un ensemble de logements collectifs (performants énergétiquement) dédié aux réfugiés climatiques en réaction au séisme intervenu en Haiti en 2010. Ou encore son projet King’s Forest à Fés au Maroc, chalets/ abris verticaux pensés à la manière d’arbres afin de limiter l’impact de la surface à construire sans réduire la surface habitable, à des fins écologiques. Mais contrairement aux utopies urbaines considérant que l’architecture serait moteur de progrès technologique et non l’inverse, celui-ci considère

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la technologie comme principal outil de réalisation des utopies, en faisant ainsi des projets d’utopies réalisables. L’excès de visions pessimistes d’un environnement en péril aboutissant pour lui à une opposition à un futur anxiogène. Afin de clarifier sa démarche, il identifie notre ère comme une 3e révolution industrielle, conjonction d’une nouvelle technologie avec une nouvelle énergies (à savoir celle du vivant). Ses considérations rendant la dimension utopique plus concrète, et la rapprochant ainsi de l’économie et de la politique. Pour lui la démarche prospective est indissociable de sa démarche de production concrète, ce qui tend à l’ancrer profondément dans une problématique environnementale. Mais nous pouvons nous questionner sur les raisons ayant fait évoluer et rationaliser la pensée entre les utopies à l’orée de la science-fiction dans les années 60 et les visions bio-climatiques actuelles.

Visions utopiques et science-fiction entre 1970 et 2010, vers une rationalisation de la pensée écologique ? Dans un article précédemment cité, Yannick Rumpala questionne cet aspect environnemental des visions du futur à travers les œuvres de science-fiction de 1970 à nos jours. Ce propos est d’autant plus intéressant car il permet d’ancrer la vision environnementale dans un continuité qui ne semble pas évidente de prime abord. Il admet un postulat de base selon lequel : « Une éthique de l’environnement ne peut-être conçue indépendamment d’une éthique du futur » , en soulevant le point commun qu’observent de nombreux récits de la science-fiction avec le principe d’habitabilité tout au long de ces décennies.

« Une éthique de l’environnement ne peutêtre conçue indépendamment d’une éthique du futur » Yannick Rumpala Nous pouvons prendre une certaines distance quant à la finalité des propositions émises par les auteurs de science-fictions, dans la mesure où contrairement au récit initial de l’Utopie de Thomas More à forte dominante descriptive (description d’une société à la manière d’un récit de voyageur), les univers de science-fictions se basent avant-tout sur un récit romancé, servant néanmoins de prétexte à une critique de la société. En tout état de cause, nous pouvons souligner certaines connivences entre

Rumpala, 75.

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les utopies urbaines des années 1960 et des récits de science-fictions de par leur portée critique liée un société de consommation et l’anticipation des répercussions néfastes de celle-ci et de surcroît y relier les utopies vertes telles qu’elles ressurgissent aujourd’hui. En effet Yannick Rumpala, s’il nous en présente une grande diversité ( Fiction spéculative, Anticipation sociale, Cyberpunk, Biopunk, …), insiste sur l’une des dimensions communes qu’est l’habitabilité et souligne le « rapport des espèces à leur habitat » et « l’habitabilité terrestre et son devenir en enjeux collectifs » . La question d’une adaptation à un milieu semble prépondérante pour tous ces projets, des années 1960 à nos jours. Pour lui la science fiction est un mode de problématisation autant qu’un mode de représentation, ce qui permet de l’inscrire dan une continuité avec les utopies urbaines, et les contre-utopies des années 1960.

la science fiction est un mode de problématisation autant qu’un mode de représentation Il observe notamment une causalité entre événements écologiques et démographiques (à l’instar du mouvement métaboliste) et identifie la science-fiction comme une forme culturelle historiquement située ayant « logiquement suivi les pressions et dégradations environnementales, les prolongeant en donnant des représentations [...]» . L’un des sous-genres portant la réflexion du climat à l’extrême étant la Climate Fiction (Clifi) illustrant des scénari où l’habitabilité terrienne serait rendue impossible et pour lesquels la valeur économique de la nature serait devenue prépondérante. L’optique d’une exploitation à outrance des ressources naturelles et la critique de la nature en « infrastructure productive » étant fortement liée aux objets des nombreuses conférence sur l’environnement. Cette thématique sera d’ailleurs exploitée autant dans la littérature SF, la bande-dessinée ou encore le cinéma avec des films comme Dune de David Lynch

Rumpala, 76. Rumpala, 76. Rumpala, 77.

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Au travers plusieurs exemples et auteurs phares mentionnés dans son articles tels Isaac Asimov ou Norman Spinrad, Yannick Rumpala nous laisse entendre une certaines continuité et d’étroits liens entretenus par les récits de science-fictions entre les années 1970 et 2010 avec la problématique climatique et environnementale.

Crystal/ p95

Il est aisé d’établir des rapprochements contextuels entre les visions utopiques urbaines des années 1960 d’une part, réagissant à l’ère industrielle, le modernisme et la consommation ; et les utopies vertes contemporaines d’autre-part, soulevant des questionnements se situant dans une continuité, mais avec une approche beaucoup plus pragmatique et positiviste de la question environnementale. Durant cinquante années avec pour point de départ la nécessité de reconstruction de l’après guerre, se sont suivis une période de forte croissance (avec les 30 glorieuses) puis une période de crises successives nous dirigeant vers ce que Vincent Callebaut appelle IIIe révolution industrielle. Parallèlement, la consommation intrinsèquement liée à la démographie n’ont, dès les années 1950, cessé d’augmenter. Bien que comme le souligne Marie-Emmanuelle Chessel dans l’histoire de la consommation , celle-ci n’est n’est pas linéaire. Cependant elle reste, en dépit des nouveaux modes de consommation participatifs, l’une des principales critiques des utopies que nous étudions. Bien que toutes ces représentations utopiques n’aient pas de liens de parenté clairement définis, elles sont connectées de par leur contexte. Certains questionnements étant récurrents : transformations démographiques et mobilité, habitabilité et notion de milieu, présence forte de la technologie. Du point de vue environnemental, l’un des questionnements principaux pourrait se résumer par l’ouvrage de Bill McKibben écrit en 1985 , envisageant la fin de la nature originelle et son remplacement par une nature artificielle.

Certains questionnements étant récurrents : transformations démographiques et mobilité, habitabilité et notion de milieu, présence forte de la technologie.

Marie-Emmanuelle Chessel, Histoire de la consommation (Paris: La Découverte, 2012), 97. Bill McKibben, The End of Nature (Peter Smith Pub Inc, 2001).

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Aussi, la distance séparant les périodes que nous étudions doit en tout état de cause être abordée avec un grand recul. Bien qu’il ne semble y avoir aucun lien de parenté direct entre les utopies vertes contemporaines et les utopies urbaines des années 60, de nombreuses similitudes sont observables. Cependant la critique semble s’être elle tissée par différents médias somme toute interdépendants, en continuité durant la seconde moitié du XXe siècle. Architecturalement, cette continuité n’est pourtant pas représentée. En effet l’échec des utopies urbaines des années 60 (peut-être en raison d’un contexte social fragile et changeant et de tentatives ratées) a par la suite aboutit à la naissance du post-modernisme et de nombreux styles en découlant plus-ou-moins (déconstructivisme, minimalisme, etc.), ainsi qu’à plusieurs variations déclinant du modernisme (style international, high-tech, etc.). Les considérations architecturales contemporaines, même si la forme est différente, semblent en certains points se rapprocher des utopies des années 1960 (à minima par le rapport environnemental). Nous verrons par la suite si le rapport à la bio-inspiration s’inscrit dans cette continuité, avec ou sans rapport de causalité.

Fondements bio-inspirés, table de comparaison, héritage? Les utopies vertes s’ancrent de manière forte dans une démarche écologique visant la préservation de la planète. Comme l’a évoqué Vincent Callebaut dans la conférence sur les Utopies Vertes en 2013 , la problématique est écologique et rejoint à court et moyen terme les dimensions économiques, politiques et architecturales. Cependant de toutes les architectures dites écologiques, aucune ne se base strictement sur des principes énoncés de manière ferme. Si l’ont peut observer une démarche écologique dans le bâtiment, celle-ci semble être avant-tout politique et économique (Comme précisé par

Utopies Vertes - Utopiales 2013, vol. Utopiales 2013, s. d., https://www.youtube.com/watch?v=WRmkdtaTb2o.

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Yannick Rumpala, « de la nature ne peut-être retenue que sa valeur économique » ). Les médias mettent en avant le livre Biomimicry de Janine Benyus, le considérant comme livre pionnier. Celui-ci étant en fin de compte un condensé rétrospectif objectivant certains fondements relatifs au biomimétisme, mais en aucun cas un énoncé pionnier ouvrant la porte à de nouvelles pratiques ou de nouvelles formes (comme le fut le livre On Growth and Form de D’Arcy Thompson). En tout état de cause de nombreuses architectures/ visions utopiques se sont approprié certains de ces principes qui, comme nous l’avons vu en première partie, peuventêtre triés en 3 catégories : Forme, Processus et Écosystèmes, et répondent à une problématique contemporaine de questionnement et préservation de l’environnement qui – nous le verrons – puisent leur racines depuis plusieurs décennies.

Transition et Prospective, quelle vision pour la ville de demain La transition écologique à laquelle nous assistons ouvre la voie à des nouvelles visions du futur et de nouvelles expérimentations, de surcroît bio-inspirées. Lors de la conférence sur les utopies vertes, de nombreux questionnements (sans réponse pour le moment) ont été soulevés. Pour Yannick Rumpala, toute utopie est verte mais à l’heure des bouleversements de consommation énergétique, l’utopie doit-elle être high-tech ou low-tech ? Par cette interrogation est soulevée la position de la technologie, pourtant quasi-omniprésente dans les projets évoqués ainsi que la question de la résilience qui elle se rapproche fortement des principes du biomimétisme énoncés par Janine Benyus .

nécessité d’intégrer le vivant à l’architecture et aux matériaux de construction Par ailleurs, les propos de Vincent Callebaut viendront corroborer ces derniers. Celui-ci considère, comme beaucoup, la nécessité d’intégrer le vivant à l’architecture et aux matériaux de construction tout en soulignant les problématiques abordées précédemment (qualité de vie, autonomie alimentaire, pénurie des matériaux de construction). La question écologique étant primordiale, Luc Schuiten citera notamment

Yannick Rumpala, « Science-fiction, spéculations écologiques et éthique du futur », Revue française d’éthique appliquée, 1 mai 2016, 77. Janine M. Benyus, BIOMIMESIS, s. d. « La nature fonctionne à l’énergie solaire, la nature n’utilise que l’énergie dont elle a besoin, la nature recycle, [...] »

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en exemple d’utopie verte le centre Songhaï au Bénin. A cet exemple se dresse une grande interrogation, un mode de vie alternatif est-il utopique ? Songhaï est un laboratoire expérimental situé au Bénin, fonctionnant de manière totalement autonome et vertueuse. Cet ensemble consolide toute une société de production écosystémique, regroupant des unités interdépendantes de production agricole (bio-production), de production de biomasse (bio-transformation) et de consommation directe (bioconsommation). Cette organisation présentée comme un organisme complexe et totalement autonome s’apparente en effet à un écosystème, mais si ce mode de vie somme toute alternatif peut servir de modèle à notre société, il ne revêt en aucun cas le caractère « utopique » ni même uchronique. Pour autant Songhaï a pour mérite de parfaitement cibler l’un des principaux enjeux des utopies vertes à savoir la question de l’environnement et de l’habitabilité. Néanmoins, dans ce contexte, nous pouvons identifier de nombreux projets se rapprochant des principes bio-inspirés dont l’enjeu principal est environnemental, cependant comme nous l’avions déjà remarqué dans Bio-Architecture il est compliqué de les classifier et ne pas les aborder – tout comme nous l’avons fait pour les utopies urbaines des années 1960 – de manière nébuleuse. Comme nous le rappelle à juste titre Federico Ferrari dans La Fabrique des Images : « Constructions durables et Ecoquartiers sont des définitions qui indiquent surtout une tentative de réduire à des slogans populaires un ensemble de problèmes tout à fait sérieux et réels, mais desquels il n’est pas légitime de déduire une nouvelle morphologie organisationnelle et encore moins une forme architecturale des parties qui la composent » . Aussi bien que l’enjeu sociétal soit clairement identifié (mais pas forcément l’enjeu social), il sera difficile d’établir des liens de causalités évidents autant pour les projets expérimentaux concrets (par là nous comprenons réalisables au présent) que pour les utopies. Néanmoins en dépit de cela peut-on observer certaines parentés, particulièrement dans la dimension biomimétique ?

Biomimétisme, bio-inspiration, ruptures et continuités. Comme nous avons pu le voir dans Bio-architecture, l’analogie avec la nature et très présente depuis des siècles.

Collectif et Federico Ferrari, La fabrique des images - L’architecture à l’ère postmoderne (Gallion: Infolio, 2017), 45.

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la notion de préservation des écosystèmes est primordiale d’un point de vue totalement résilient Du point de vue des écosystèmes, en dépit des nombreuses ruptures que les sociétés ont pu observer, la problématique de l’environnement reste commune. Dans le cadre des utopies vertes la notion de préservation des écosystèmes est primordiale d’un point de vue totalement résilient (En théorie certainement. En pratique « uchronique » cela resterait à démontrer) tandis que cette notion était moins présente dans les années 1960. Pour Constant comme pour Fuller il s’agissait de recréer les conditions d’une nature artificielle d’un point de vue écosystémique (mais aussi du point de vue des processus), recréer une nature symbolique et sensorielle ainsi que toutes ses conditions, recréer une nature artificielle par anticipation à un désastre annoncé dont le caractère alarmant n’était pas aussi présent qu’aujourd’hui. De ces derniers une certaine ambiguïté avec la considération de l’état de la nature du point de vue biologique demeure toutefois. Le questionnement du milieu restant cependant toutefois commun aux deux époques. De ce point de vue, marquant ainsi une forme de continuité temporelle, Yannick Rumpala souligne la bio-inspiration des récits de sciencefiction entre 1970 et aujourd’hui, attribuant par exemple au travail de Isaac Asimov (notamment via l’ouvrage Fondation Foudroyée) des qualificatifs similaires à ceux qui nous avons pu employer pour qualifier la métaphore végétale du Team X ou des Métabolistes à savoir « Entités reliées pour finir par former un super-organisme » ou « organismes séparés qui partagent une conscience globale » , etc.

participation du vivant dans la fabrication de la ville [...] importance de notion d’ « éthique » Nous pouvons cependant soulever pour les utopies vertes contemporaines deux moyens nouveaux ; d’une part la participation du vivant dans la fabrication de la ville autant à l’échelle urbaine qu’à l’échelle microscopique (bio-matériaux), d’autre part l’importance de notion d’ « éthique ». Cette notion d’éthique étant apparue, ou du moins ayant pris de

Yannick Rumpala, « Science-fiction, spéculations écologiques et éthique du futur », Revue française d’éthique appliquée, 1 mai 2016, 77.

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l’ampleur progressivement. Comme le rappelle Vincent Callebaut, toute la démarche réside dans une intégration du vivant à la construction. De ce point de vue nous avions abordé dans BioArchitecture les projets des agences X-TU ou de David Benjamin, mais à ce jour les études expérimentales se font pour un grand nombre toujours croissant de projets et d’agences comme par exemple Terreform qui confronte la technologie de l’impression 3D avec le vivant (utilisation de cellules de porcs) pour concevoir des abris toujours plus résistants . Meat Habitat/ p97

En dépit de leur grand nombre, on constate à nouveau une grande distance par rapport aux utopies urbaines des années 1960 dont la technologie était eu service de l’architecture et non l’inverse. Que ce soit la technologie des communications (cybernétique) ou la bio-technologie, les technologies restent indissociables du projet utopique. Celles-ci sont toujours en constante évolution et reste indissociable du projet utopique architecturale. Nous pouvons à cela émettre une réserve sur l’aspect technologique songeant notamment aux visions Low-Tech et résilientes évoquées par Yannick Rumpala, celles-ci ayant un caractère utopique moindre. Du point de vue formel, nos interrogations se posent de manière plus directe. Ce sont en effet ces analogies qui ont soulevé et soulèvent encore notre étonnement et notre circonspection. C’est justement avec circonspection que nous observons les ressemblances morphologiques bio-inspirée entre les géosphères de Buckminster Fuller, les villes sous cloches de verre dans l’Age de Cristal de Nolan et Johnson puis plus récemment les blobs géo-sphériques du projet Eden de Nicolas Grimshaw.

L’usage du dôme en tant qu’enveloppe protectrice et génératrice d’écosystème est désormais, devenu commun

Terrform, « Terreform - Habitat Meat project », consulté le 30 décembre 2017, http://www.terreform.org/projects_habitat_meat. html.

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Skybreak/ p94

Environment/ p94

Eden/ p95

En retraçant l’apparition du globe dans l’architecture, nous pouvons remonter davantage le temps. Depuis l’antiquité jusqu’aux utopies des dômes de Boullé, l’usage du dôme est inspiré par sa perfection mathématique. Cette perfection a pris par la suite une dimension biologique (du point de vue des formes et de écosystèmes) quand, comme nous l’avons souligné, D’Arcy Thompson étudia les connivences entre biologie et mathématiques. L’usage du dôme en tant qu’enveloppe protectrice et génératrice d’écosystème est désormais, dans l’inconscient collectif, devenu commun. Nous pouvons aussi rappeler d’autres exemples comme le projet Cushicle de Coop Himmelblau ou Environment Bubble de Reyner Banham nous rappelant l’omniprésente variable qu’est l’adaptation du milieu (dans ce cas le dôme ne protégeant pas la ville et ses habitants, mais protégeant les habitants de la ville elle-même et inversement). Parmi certains projets contemporains, nous pouvons citer le projet Havvada du Studio Dror faisant référence directement aux projets de Buckminster Fuller (Le buckminster fuller institute étant partenaire du projet). Ce projet d’îles artificielles ayant pour but de décongestionner la ville d’Istanbul, recrée de manière utopique une géographie architecturale, archétypale des collines locales. Les principes formels de cet ensemble seront dans la continuité des ouvrages de Fuller, considérant la nécessité de recréer des espaces climatiques autonomes, et de surcroît performants énergétiquement. Cependant si ce lien de parenté avec le travail de Buckminster Fuller semble évident, il reste un cas isolé parmi d’autres.

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Havvada/ p95


D’autres nombreuses analogies subsistent, certaines pouvant même soulever une certaine polémique. En effet les utopies vertes évoquent immédiatement les projets écologiques futuristes de l’architecte belge Vincent Callebaut, mais au regard de son travail et de celui des Métabolistes, comment ne pas faire de rapprochement entre le projet Helix-City du japonais Kisho Kurokawa et le projet Tao Zhu Yin Yuan à Tapei de Vincent Callebaut. Tao Zhu Yin Yuan/ p93

La métaphore biologique était utilisée par le métabolistes pour illustrer la ville relationnelle (d’un point de vue écosystémique) dont l’équilibre résidait sur des complexes ramifications de réseaux et de flux. Dans le cas du projet de Callebaut, cette métaphore est utilisée de manière davantage pragmatique (et donc moins utopique) pour favoriser des conditions d’ensoleillement et de végétalisation des logements. Sans contester l’authenticité créative de ce dernier – ce n’est pas là l’objet – nous pouvons en tout état de cause réfuter tout lien de parenté entre les deux projets. Cependant pour rebondir sur ce dernier il est important d’analyser l’aspect organique général des utopies vertes. En nous gardant de porter tout jugement esthétique sur l’aspect organique (à un premier degré purement formel) des utopies vertes, nous pouvons toutefois mentionner le lien de parenté à Victor Horta souligné par Vincent Callebaut et Luc Schuiten lors de la conférence des utopies vertes, tous deux s’affirmant comme portant un certain « héritage belge de l’Art Nouveau » . VegetalCity/ p96

Sans porter offense à ce genre, cette comparaison – certes louable – semble contredire de plus logiques liens directes avec les utopies urbaines d’après guerre. Une telle affirmation affaiblit notamment les dimensions écosystémiques et fonctionnelles (processus) de ces projets. Certains autres projets pourrons exploiter certaines thématiques observées dans le contexte des utopies des années 1960, sans pour autant y faire d’allusion directe. Tel est le cas du projet Multiplicity de l’agence John Wardle architects, exploitant la thématique de villes suspendues à l’instar

Utopies Vertes - Utopiales 2013, vol. Utopiales 2013, s. d., https://www.youtube.com/watch?v=WRmkdtaTb2o.

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Spatiale/ p98

Multiplicity/ p99

de Yona Friedman. Dans cette étude du futur de la ville Australienne, le contexte environnemental reste omniprésent : étalement urbain, agriculture urbaine et hausse de la démographie. L’agence d’architecture apportera une solution écosystémique en recréant une horizontalité au dessus de la ville (Melbourne) existante ; la ville créée au-dessus permettant de ramener de la surface agricole en milieu urbain. Tout comme Yona Friedman ou Nicolas Schöffer, la ville de demain sera aérienne et désengorgera la « ville basse ». Ce projet se verra, le parfait opposé de la Ville Agricole de Kisho Kurokawa pour laquelle le japonais à pensé conserver les unités de production agricole en bas, et les fonctions de la ville liées à l’habitat au dessus. Les thématiques traités par cette utopie verte et les moyens utilisés étant très proches des projets précédemment cités, sans pour autant y faire référence. En fin de compte, nous pourrions faire de nombreuses liaisons formelles et fonctionnelles rapprochant les utopies vertes contemporaines aux utopies urbaines des années 1960. D’autres projets tel Hydrogénase de Vincent Callebaut, sortes de villes flottantes éco-responsables et autonomes inspirées des fleurs de lotus réintroduisent la notion de nomadisme urbain et soulève ainsi la question de l’impact de la consommation sur l’environnement. Se rapprochant du principe de non-lieux de l’Utopie dans sa définition originelle, ce projet pourra également se positionner dans la continuité de l’étude de la mobilité déjà initié par l’ensemble des utopies urbaines des années 1960 et du Team X, principalement les études de villes suspendues puis de villes mobiles (walking-city) d’Archigram également bio-inspirées.

Hydrogénase/ p97

Walking/ p96

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Quelle que soit la raison première et la nature de cette bio-inspiration, l’essence même du projet provient d’une volonté commune, décongestionner la ville moderniste à l’agonie et ré-libérer les espaces de nature.

Les villes flotantes réintroduisent la notion de nomadisme urbain et soulève ainsi la question de l’impact de la consommation sur l’environnement.

Viaducs/ p101

Laisser la nature intacte en lui laissant sa place, ou à contrario, recréer des couloirs verts et autres écosystèmes comme dans le cadre du projet de transformation d’anciens viaducs en Calabre par l’agence française OXO. La démarche environnementale est dans ce cas très présente, mais elle sera aussi un prétexte pour repenser la morphologie de la ville ( ville verticale venant se greffer à la structure existante, à l’instar de la pensée mégastructuraliste), la question de l’environnement permettant ainsi de repenser la condition sociale ainsi que l’architecture.

Comme nous l’avons plusieurs fois évoqué, il est difficile d’établir des conclusions hâtives sur d’éventuels liens de parenté entre les utopies urbaines des années 1960 et les utopies vertes contemporaines. Pour reprendre les propos de Yannick Rumpala « toute Utopie est verte ». Dans un article sur les Utopie Vertes paru dans la revue 303, Ugo Bellagamba viendra de surcroît confirmer cela rappelant que tous les héritiers de More prôneront « la perfection d’une cité en harmonie avec la nature » , qu’il s’agisse d’utopies politiques, sociales ou religieuses. Il citera notamment les essais utopiques d’un des héritiers de More, l’Abbé Morelly ayant dès le XVIe siècle rédigé une constitution verte et pour qui « Les lois civiles ne sauraient être autre chose qu’une mimesis de la nature » . Le rapport à la bio-inspiration pour les projets que nous avons évoqués est quant à lui, la résultante d’un contexte social d’une part, et technologique

Ugo Bellagamba, « Utopies Vertes », Revue 303 - Arts, recherches, créations, Revue 303-Arts, recherches, créations, no 125 (2013): 19. Bellagamba, 22.

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d’autre-part. Il n’a cessé d’évoluer de manière irrégulière depuis l’antiquité se manifestant de façon discontinue, mais dans de nombreux cas de manière plus ou moins hérités. Il reste un moyen de matérialiser et de penser l’aspect et le fonctionnement de la ville suivant certaines grandes thématiques qui elles semblent continues, la consommation et la surconsommation, la nature et dorénavant l’écologie.

Utopies Vertes 1990-2010

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Représentation cartographique par anamorphose des thématiques soulevées par les architectes précédemment cités. Sélection nébuleuse effectuée suivant les corpus étudiés

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ICONOGRAPHIE 2/2

Grille Ciam IX - Smithson Source: Internet | www.schatkamer.nai.nl

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Croquis de principe du métabolisme - Kisho Kurokawa Source: Internet | © www.kisho.co.jp Nagakin capsule building, Tokyo (1970) - Kisho Kurokawa Source: Internet | www.inspirationde.com

Page de droite Coral Reef, Port-au-Prince (2011) - Vincent Callebaut © Vincent Callebaut Source: Internet | www.vincent.callebaut.org

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Croquis d’Helix City (1961) - Kisho Kurokawa Source: Internet | www.japantimes.co.jp

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Tao Zhu Yin Yuan, Tapei (2010-18) - Vincent Callebaut Š Vincent Callebaut Source: Internet | www.vincent.callebaut.org

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Environnement bubble (1965) - Dallegrey - Banham Projet Cushicle (1969) - Archigram, Mike Webb Source: Internet | www.onlineopen.org Source: Internet | www.averyreview.com Skybreak dwelling (1949) - Buckminster Fuller Source: Internet | www.onlineopen.org

Dome over Manhattan (1960) - Buckminster Fuller Source: Internet | www.sciencefriday.com

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L’âge de cristal (1967) - Nolan Johnson Havvada project (2012) - Studio Dror Source: Internet | © www.studiodror.com Source: Internet | © www.allocine.fr Eden project (2001) - Nicholas Grimshaw Source: Internet | www.theredlist.com

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Endless House (1950) - Frederick Kiesler Š Frederick Kiesler Source: Internet | www.archdaily.com Endless House (1950) - Frederick Kiesler Š Frederick Kiesler Source: Internet | www.archdaily.com

A walking City (1964) - Archigram Source: Internet | www.faculty.virginia.edu

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In Vitro Meat Habitat (201?) - Terreform © Terreform Source: Internet | www.terreform.org Hydrogénase Hub (2010) - Vincent Callebaut © Vincent Callebaut Source: Internet | www.vincent.callebaut.org

In Vitro Meat Habitat (201?) - Terreform © Terreform Source: Internet | www.terreform.org

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Illustration de la ville du future (1913) - Harvey Wiley Corbett Source: Internet | meriadeck.free.fr Maquette de New Babylon, Constant (1959-74) - McKenzie Wark Source: Internet | www.stichtingconstant.nl

Multiplicity (201?) - John Wardle architects Š John Wardle architects Source: Internet | www.johnwardlearchitects.com

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La ville spatiale (1958-62) - Yona Friedman © Yona Friedman Source: Internet | www.yonafriedman.nl

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Cluster in the air forTokyo (1960-62) - Arata Isozaki Source: Internet | www.workjes.wordpress.com

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Viaducs en Calabre (2011) - OXO Architectes @ OXO Architectes Source: Internet | www.oxoarch.com

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Première graine, illustration (1979-2010) - Luc Schuiten Source: Internet | www.vegetalcity.net Village Troglobal (1997-2017) Source: Internet | troglobal.wordpress.com

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CONCLUSION

Afin de conclure cette étude mettant en regard les utopies urbaines bio-inspirées des années 1960 et les utopies vertes contemporaines, tâchons en premiers temps de rappeler certains points Tout d’abord il nous a fallu resituer le principe de l’utopie. Dans le contexte du récit fondateur de Thomas More en 1516, cette forme novatrice de critique de la société a été porteuse de nombreuses idéologies sociales et politiques. Elle n’a cessé d’évoluer au fil des siècles et, bien qu’elle ai perdu de son sens fondamental (suivant ses racines grecques «nonlieu»), a muté pour être appropriée sous différentes formes par d’autres penseurs comme les architectes, les cinéastes ou encore les auteurs de bandes dessinées. Sa portée sociale pouvant paraitre affaiblie, elle ne reste pas moins contestataire d’un état criticable de la société. A ce jour, cette critique est pour l’architecte Vincent Callebaut plus que nécessaire à l’aube de ce qu’il appelle IIIe révolution industrielle (révolution écologique avec l’énergie du vivant) tout comme elle l’était dans le contexte de reconstruction post-moderniste de l’après guerre. Par la suite nous avons opposé par le biais de lectures ciblées, les utopies urbaines des années 1960 avec les utopies vertes contemporaines, en prenant pour point de comparaison des observations formelles, fonctionnelles et contextuelles. Nous avons pu notamment mettre en exergue dans les contextes respectifs des deux périodes, nombreuses ruptures et continuités.

De 1950 à nos jours, une critique de la surconsommation ? L’une des principales continuités est de toute évidence le rapport à la consommation. Comme le souligne Ugo Bellagamba dans un article de la revue 303, le contexte actuel est porté sur le «vert», le vert qui aujourd’hui n’est

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plus seulement une couleur associée à la nature, mais aussi une couleur «associée à l’écologie, à un lieu comun [...] stigmatisation d’une société de surconsommation » . Bien que l’héritage que nous avons tenté d’objectiver au regard des similitudes relatives à la bio-inspiration (Formes, Processus, Ecosystèmes) ne semble guère évident, voire infime, il s’inscrit cependant dans une certaine continuité qui contrairement à notre postulat de départ, relève davantage du contexte que des moyens mis en oeuvre. En effet, en dépit des quelques analogies observées, ce sont bien les grandes thématiques contextuelles qui nous permettent de relier ces deux époques, à savoir le rapport existant entre l’habitabilité et son milieu tout comme la surconsommation évoquée ci-dessus par Bellagamba . A ce sujet, les Smithson rappelaient déjà dès 1952 «l’importance des relations sociales dans l’habitat et l’identification à l’environnement naturel comme facteurs de cohésion d’une communauté» . La consommation associée à la technologie étant initialement envisagée comme facteur d’un bonheur universel, s’est progressivement vue l’objet de la critique utopique. Les formes developpées furent considérées comme étant adpatées à une société qui change ce qui permet de mieux comprendre l’usage de la métaphore végétale dans la fabrication de la ville, comme cela est toujours le cas. Cette métaphore végétale permet nottament une critique plus radicale de l’ère industrielle, et s’est renforcée dans les projets contemporains d’une dimension éthique complémentaire. L’héritage que nous souhaitions mettre en avant s’apparente davantage à une continuité ne reposant sur aucune théorisation préallable. Il n’est cependant pas inexistant comme dans certains cas comme le projet Havvada du Studio Dror où le lien avec Buckminster Fuller est même clairement avéré.

La technologie et la consommation, rupture possible? Néanmoins, l’une des thématiques qui nous interpelle fortement dans cette critique n’est pas la bio-inspiration mais in fine le rapport entretenu par toutes les utopies abordées entre technologie et consommation.

Ugo Bellagamba, « Utopies Vertes », Revue 303 - Arts, recherches, créations, Revue 303-Arts, recherches, créations, no 125 (2013): 19. Dominique Rouillard, Superarchitecture: le futur de l’architecture, 1950-1970 (Editions de la Villette, 2004), 242.

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En effet, comme le rappelle Yannick Rumpala, les utopies vertes peuvent être divisées en deux catégories: High-Tech ou Low-Tech , cependant la plupart des projets (architecturaux) à caractère utopique semblent faire appel à la technologie, aussi vertueuse soit-elle. Pour les utopies des années 1960, la technologie s’adaptera à l’architecture; pour vincent Callebaut elle est un moyen indissociable de la ville du futur. Mais la technologie est-elle compatible avec cette critique de la consommation dans la mesure ou celle-ci lui est étroitement reliée? Cette observation maintenue tout au long de cette étude nous montre un aspect très ambigüe de cette critique. Pour Frei Otto dans Essai d’une vision d’avenir , la nature et la technologie sont mêlées et l’architecture vouée à disparaitre pour revenir à un Eden retrouvé. Cette vision engendrera nottament un fort questionnement des milieux aboutissant à des projets reduisant de l’échelle urbaine à l’échelle humaine, puis à l’échelle microscopique.

Troglobal/ p96

De nos jours les bio-technologies appliquées à l’architecture permettent d’envisager l’architecture à l’échelle de la cellule (bio-matériaux), tout comme l’envisageait déjà Luc Schuiten dans ses citées archiborescentes. D’un point de vue parallèle, l’approche Low-Tech envisage également une disparition de l’architecture ( principe d’Anarchitecture) dans des projets comme le village Troglobal tendant vers une redécouverte de l’Homme par le biais de modes de vie vertueux bien que semble-t’il regressifs.

Aussi alors que les utopies vertes s’imposent comme modèle pour la ville de demain, nous pouvons questionner nos usages et notre rapport à la nature. Doit-on aborder cette transition dans une démarche progressiste et pro-technologie, ou dans une démarche low-tech prônant un repli sur le local et le tout naturel?

Utopies Vertes - Utopiales 2013, vol. Utopiales 2013, s. d., https://www.youtube.com/watch?v=WRmkdtaTb2o. Otto Frei, « Essai d’une vision d’avenir » L’Architecture d’Aujourd’hui, no 102 (s. d.). Bellagamba, « Utopies Vertes ».

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Les visions utopiques de Frei Otto puis de Luc Schuiten semblent quant à elles envisager un entre-deux alliant technologies et écosystèmes naturels en parfaite symbiose. Seraient-elles un compromis idéal pour la ville du futur? En tout état de cause, il est clair que nous devons repenser notre manière de consommer allant dans une direction plus vertueuse et moins destructrice, sans pour autant omettre la dimension purement sociale et relationnelle évoquée par les Smithson parfois écartée de certaines utopies vertes. Il semble encore prématuré d’envisager nos modes de vies sans technologie visible (pour reprendre la vision de Frei Otto, la disparition de l’architecture), cependant dans une telle vision utopique il serait bon de questionner le devenir du métier d’architecte. Peut-on envisager un avenir de l’architecture avec un éloignement des Arts mais un rapprochement de la technique? Par ailleurs, l’apparition de la réalité virtuelle va dans les années qui viennent ouvrir de nouveaux terrains d’expérimentation allant encore plus loin dans ce principe de disparition de l’architecture. Cette éventualité, bien qu’elle corresponde parfaitement au principe d’Utopie (Ou-Topos), est désormais très proche et sera de toute évidence intrinsèquement liée à la consommation et à la technologie. Pourrons-nous concilier une telle mutation avec la mutation «verte» du vivant déjà opérée aujourd’hui?

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BIBLIOGRAPHIE

Modèle en suspension, Deubau, Essen (1962) Source: Internet | freiotto.com

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AUTRES • Rambaud, Charles-Henri. « Bio-Architecture ». ENSAL, avril 2016.

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UTOPIES VERTES & ARCHITECTURES BIO-INSPIREES, VERS DE NOUVEAUX PARADIGMES? Liens et connivences entre utopies vertes contemporaires et utopies urbaines des années 1960 à 1975 # Biomimétisme Utopie Ecosystème Environnement

FR. Les récits utopiques, depuis l’œuvre de Thomas More en 1516 envisagent la possibilité d’une société idéale située dans un non-lieu. De l’utopie sociale à l’utopie industrielle, puis aujourd’hui l’utopie écologiste, notre société est constamment remise en question par ces récits. En réaction à l’état alarmant de la planète, les visions utopiques contemporaines posent notamment la problématique environnementale, et proposent d’adopter les principes vertueux du biomimétisme énoncés par Janine Benyus. Mais ces visions du futurs sont non sans rappeler certaines utopies urbaines ou certaines architectures bio-inspirées des années 1960-75 telles que le Métabolisme ou les Mégastructures. Cette étude propose d’établir un rapprochement entre ces deux visions séparées de presque un demisiècle et d’établir, en dépit d’un contexte géo-politique relativement différent, d’éventuels liens de parentés. UK. Utopian dreams, since Thomas More’s in 1516, imagine a plausible ideal society located nowhere. From social utopia to industrial utopia, then contemporary ecological utopia, our society is always challenged by these dreams. Responding to the alarming state of the planet, contemporary utopian dreams give rise the environmental problem, and propose to adopt the virtuous biomimicry principles written by Janine Benyus. But these dreams of the future seem to be reminiscent of some urban utopias or some bio-inspired architectures from the years 1960-75, such as Metabolism or Megastructures. This study proposes to establish a connection between these two separate visions from almost half a century and to establish, in spite of a different geo-political context, a possible relashonship. Version online


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