Recueil d'écriture 2014

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Année scolaire 2013-2014

Comme

un air

d'utopie Par les élèves de 1ère L du lycée Evariste Galois de

Noisy-Le-Grand


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AURIANE JAILLET

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Lolita Grassia :

Maimouna Coulibaly ' Marie-Celine Francois

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Thibaud Bleuse Soukeyna Kane Clara Colonna

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Mahesh Ranasinghe

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Juliette Ait Tadrart

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' Melanie

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L'objet A partir d’un extrait du texte de Philippe Minaya, Inventaires, les élèves ont décrit leur objet fétiche.. ' Si j'Etais... Je ferais...

A partir d’un mot pioché au hasard, les élèves ont inventé une histoire. et produit un récit.

La tour de Babel 69

Les textes sur la Tour de Babel ont été écrit à partir du texte de Thomas More, Utopia, et d’un extrait de la Genèse.

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La fiction

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Gouttiere

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LES ILLUSTRATIONS DE THIBAUD ET LOLITA remerciements

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Plamedi Matembele

Les autoportraits des élèves ont été réalisés à partir du questionnaire de Proust et d'un extrait de L’Âge d’homme, de Michel Leiris.

Yasmine Issifou

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Laurene lamarche

L'autoportrait

:

Julie Delrieu

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Le sommaire

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Les élèves ont travaillé à partir de photographies d'art dont les images devaient représenter une des scènes de leur récit.

LES ILLUSTRATIONS DE THIBAUD ET LOLITA Deux élèves de l’atelier partagent leur imagination sur les textes écrits dans ce recueil. 3


Auriane JAILLET

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mon autoportrait La première chose que l’on remarque chez moi, ce sont mes cheveux. Ils envahissent mon visage et poursuivent leur percée jusqu’à mes épaules pour arrêter finalement leur conquête un peu en contrebas, fiers du territoire gagné année après année. Fins stratèges à la logique impénétrable, il est impossible de prévoir de quoi ils auront l’air le lendemain. Ils me ressemblent, finalement, et je reconnais dans leurs ondulations turbulentes et leurs métamorphoses inattendues mes propres pensées incohérentes et mon humeur changeante. Mon caractère têtu me fait penser à leur sombre obstination à onduler avec orgueil, jusqu’à parfois défier les lois de la gravité. Sous les coups de peigne, les capricieux rechignent, et s’ils déposent leurs armes sous les assauts des puissants fers à lisser, l’armistice n’est que de courte durée.

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' Si j'etais... je ferais

MA TOUR DE BABEL

Je suis un livre. Si mes pages sont de papier, mes mots, eux, sont d’or, de passion, de haine, de peur, de désir, de joie, comme de désespoir. Fidèle destrier, j’emmène mes lecteurs où ils le souhaitent, quand ils le souhaitent. Je suis leur ami, c’est à moi qu’ils livrent leurs secrets. Leur histoire devient alors mienne, ce sont leurs yeux qui accouchent de mes mots. Chapitre après chapitre, je leur donne du courage, les mets en garde, leur livre mon expérience et mon savoir. A travers leur regard je me transforme. Ma forme, ma couleur changent. C’est dans leurs yeux ébahis que je vois mes métamorphoses : tantôt vieux et obscur grimoire, tantôt imposant et digne livre d’histoire, tantôt petit livre acidulé pour enfants, je suis un vrai caméléon. Mes discours seront toujours les mêmes, et pourtant leur sens est toujours différent, car mes mots voyagent de page en page. A chaque feuillet tourné, ces farceurs courent prendre une place nouvelle, comme s’ils se livraient à un cache-cache incessant. Pourtant, impossible de déceler en moi une maladresse de style, une phrase bancale, ou un non-sens. Mon inspiration, je la puise dans le léger tremblement de la main du lecteur amoureux, dans les larmes de celui qui cherche en moi du réconfort, dans la moiteur de l’emprise de celui qui est mal assuré, dans la légère pression qu’exercent sur moi les doigts enfantins. Sous les doigts de mon lecteur caressant pensivement ma couverture, je ronronne, attendant avec impatience qu’il m’ouvre, et qu’à son contact une nouvelle histoire s’écrive en moi.

La Tour n’a pas de murs. Elle ressemble à un gigantesque ressort, tendu vers le ciel. Ce ressort est en réalité un gigantesque escalier en colimaçon de pierre dure, interminable. En l’empruntant, on a tout le loisir d’observer la vue, de voir s’éloigner la Terre et ses habitants, marche après marche. Mais l’ascension est rude. Les marches raides sont glissantes, et les grimpeurs sont souvent emportés par le vent, comme le sont les pistils d’un pissenlit. La hauteur de la Tour est telle que seuls très peu d’hommes ont été capables d’atteindre son sommet. Ils racontent que là-haut, entourés par les nuages, ils ont embrassé la Terre d’un seul regard. D’autres disent qu’ils mentent, car la tour ne peut avoir de fin. Des légendes racontent effectivement le sort de héros devenus flammes après être arrivés jusqu’au soleil, ou ayant disparu après avoir chevauché des étoiles filantes. On dit que c’est la Tour qui choisit chaque année le nouveau Maître de la ville. En réalité, c’est l’homme qui atteint le point le plus haut le jour de la Grande Ascension qui est sacré Maître. Plus on gagne sur la hauteur, plus on occupe une fonction importante en bas. L’enjeu est d’une importance telle que les participants sont prêts à tout. Il ne suffit parfois que d’un croche-pied pour voir un adversaire s’effacer. Les enfants, les femmes et les vieillards ne participant pas à l’événement, ils n’ont aucun pouvoir dans la cité. Le Maître loge dans un palais au pied de la Tour. Elle est l’emblème de son pouvoir.

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MA FICTION justifie leur présence au rayon dans l’allée des musiciens déglingués. Ils comportent en effet des traces d’utilisation, particulièrement le corps féminin : "Made in China", ça se voit. .N’empêche qu’elle s’est décidée : ce sera parfait. Elle essaie de se pencher, de se saisir du paquet, mais ses os craquent et refusent d’obtempérer. Sa peau fripée perle de sueur, ses mains tremblantes se referment dans le vide. Sa bouche pauvre en dents laisse échapper une plainte. Aussitôt, un employé tout de câbles et d’acier s’empresse de l’aider à charger les deux corps imbriqués dans son caddie. Elle rejoint les caisses d’un pas enjoué. Elle est sûre que ce petit cadeau plaira à Roger, lui qui ne supporte plus de rester enfermé toute la journée à regarder la télé, de ne plus manger que des purées. De ne plus attirer le regard des femmes, de ne plus se sentir désiré, de ne pas se reconnaitre dans cette figure de papier mâché. Le burlesque des instruments, du déguisement, il adorera. Cette nuit sous ses peaux jeunes et fraîches ne leur rendra pas les années passées ; mais elle remplira au moins leur bouche d’un goût d’éternité.

Supermarché. Les mains parfaitement manucurées se posent sur le caddie. La chasse au trésor commence à travers les rayons, sous la lumière froide des néons. La mélodie régulière des talons qui claquent sur le sol rose bonbon se déplace au fil des allées. Produits de beauté, hommes mal peignés, boissons alcoolisées, femmes amochées, prêt-à-porter, hommes efféminés, produits ménagers, femmes botoxées, plats préparés, hommes bodybuildés : tout est parfaitement rangé. Les étiquettes sont en place, les prix sont sur les étiquettes et les yeux sont rivés sur les prix. Ah tiens ! Une promotion. Elle s’arrête, intéressée. Dans leur emballage plastique, deux corps portant l’inscription "Deux pour le prix d’un !". L’œil expert repère dès le premier regard que le produit féminin est issu du rayon des soubrettes bridées, alors que le produit masculin est lui sans doute tiré du stand des croque-morts de signe astrologique bélier. La soubrette tient un trombone entre ses mains alors que son comparse est agrippé à sa guitare : cela 8

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julie delrieu

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Mon autoportrait Si l'on devait me décrire, on dirait que je ne suis ni blonde ni brune mais châtain. On aurait peut-être du mal à préciser la couleur de mes yeux car ils n’en ont pas. Ou plutôt ils sont de couleurs changeantes. Cela dépend de mes émotions, de mes larmes ou du soleil. Ils peuvent être verts, bleus, gris et même parfois avec une teinte d’orange : un arc-en-ciel de couleur entouré d’une forme d’amande. Si je devais dire ce que je préfère chez moi : mes yeux sans aucun doute mais… peut être également ma bouche car elle est pulpeuse. Surtout, elle a une particularité : elle n’a pas les deux petites bosses que l’on retrouve chez tout le monde. C’est une ligne droite, comme un chemin ; un chemin qui emmènerait je ne sais trop où d’ailleurs, sûrement à regarder le reste de mon corps qui n’a rien d’extraordinaire, je vous l’accorde. De toute manière on trouve toujours quelque chose pour nous faire complexer. I l m’arrive de passer des heures à me regarder dans le miroir et constater une multitude de défauts. Mais bon, il faut que je m’accepte telle que je suis… Pour le reste, je vous laisse imaginer! Ah le plus important : Je m’appelle Julie.

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Mon objet Il y a quelque chose de fragile, comme un trésor caché. Oui un petit trésor caché qui brille de mille feux lorsque la lumière se dépose sur lui. Couleur du soleil ou du sable, en s’approchant, on peut voir quelque chose qui attire notre curiosité, on distingue comme un animal ; un animal à quatre pattes, mais qui ne lui servent pas à marcher. Ce n’est pas n’importe quel animal, celui-ci est différent. Il m’accompagne le jour comme la nuit. Quand je marche, il marche. Souvent il se met à vriller et à aller dans des directions divergentes. Si on ne prend pas soin de lui il peut se tordre ou se casser, étrange vous ne trouvez pas ? Ce qui est le plus surprenant encore, c’est qu’il est accroché à une laisse qui le tient, il ne peut s’évader, alors que c’est un animal plutôt libre et rare à trouver. Il m’appartient. De cette laisse il est emprisonné, mais ensemble ils forment un tout, et moi de lui je ne peux me séparer.

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Ma fiction tourner. Quand je la regarde, je me sens si fausse. Je perçois nos sourires forcés lorsqu’on fait semblant de jouer au ballon. Est-ce comme ça que l’on joue au ballon ? Et puis, est-ce comme ça que l’on s’habille pour aller à la plage ? On porte des tenues chics avec lesquelles on ne peut même pas se baigner ! Et ce rouge à lèvre qui nous donne l'air tellement superficielles, n’est-ce pas dégradant pour l’image de la femme ? Et comme si cette publicité n’était pas assez absurde, le réalisateur a ajouté une bouée à côté de nous. En y réfléchissant bien, c’est peut-être le seul élément de vrai dans tout cela. Sur cette plage immense et déserte, il y a une bouée, comme si on avait besoin d’être sauvé. Un appel au secours.

C’est une belle journée ensoleillée. Le ciel est bleu, les nuages ont l’air doux comme du coton, les rayons du soleil caressent nos visages. La mer est bleue. Elle se confond avec le ciel, qui s'y reflète tel un miroir. La joie, le bonheur : ces deux mots correspondent bien à cet instant précis. Nous sommes désormais heureuses. La magnificence de la plage nous met du baume au cœur. Ici, tout est calme. On entend juste le bruit de la mer qui se brise contre les rochers. Un moment de détente extrême mêlé aux rires de mes amies. On rigole, on s’amuse, c’est parfait. Tout est parfait, trop parfait même. "ETTTTTTTTT COUPÉ !!", s’écrie le réalisateur. Mon imagination s’arrête et d’un coup je reviens à la réalité. Je me redresse subitement, le sable est froid et, à l’arrière-plan, il y a simplement une grande photo qui nous sert de décor. La lumière électrique m’éblouit. Je détache mes cheveux de cette affreuse coiffure et je pars me changer. Le réalisateur nous rappelle pour nous montrer les rushes de cette publicité que nous venons de 14

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Laurene Lamarche

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oui, mais pas invisibles. Méfiez-vous tout de même un peu. Nos enchainements pourraient vous rendre malheureux. N’ouvrez pas la bouche trop vite, calmez votre colère, car des petites coquines de notre espèce pourraient tout chambouler autour de vous. Imaginez quelle pagaille ce serait si elles se mélangeaient, si elles n’en faisaient qu’à leur tête ! Calmez votre esprit pour qu’elles se calment aussi. Prenez garde à ne pas nous perdre, et si c’était le cas, ne donnez pas directement votre langue au chat ! Croyez nous, faites nous vivre et vous nous retrouverez alors peut être au rond-point d’un texte, au milieu d’un livre, ou en train de papoter avec une virgule. Et parfois malicieuses, on se retourne, on ne veut pas finir notre vie ici, alors on se déforme, on se change, on se gomme. Nous on voudrait être le "j" d’un "je t’aime", mais surtout pas le "s" muet d’un "toujours" ! Et pourquoi pas être dans un mot qui ferait plaisir ! Le "i" d’un "oui" positif, le "oui" qui rend heureux, histoire d’être relu cent fois, et pourquoi pas mille !

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' Si j'etais... je ferais

Nous sommes là, présentes dans vos pensées, prêtes à s’en échapper. On s’enlace, on s’embrasse, on s’accumule. On s’enchaine les unes aux autres au rythme de vos idées. On se tient la main au tempo de votre tracé. Parfois pour dire des mots intimes, et d’autres fois des mots de tous les jours. Et sans gêne, non, aucune, on se moque, on s’effiloche, on s’entrechoque, pour former alors notre univers, votre univers, notre histoire, votre histoire. Grâce à nous votre esprit est libéré, vos pensées accrochées au papier, liées par l’encre, sorties de votre âme, prêtes à être découvertes ou peutêtre enfouies… Quand votre corps sature, quand votre esprit délire et que votre cœur déborde : posez-vous, faites nous danser, faites nous couler. Délivrez-le de ses sentiments. Nous porterons la charge de vos secrets, nous promettons de ne rien dévoiler. Nous resterons muettes. Muettes, 16

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Mon objet Une vague au loin qui ne finira jamais de se dérouler, un soleil qui, lui, ne cessera plus de briller. Un vent doux, léger, que je sens à peine. Même en fermant les yeux, la chaleur et les rires ne semblent plus vouloir m’atteindre. Un ciel bleu et glacé, un endroit sans forme et sans bruit où ces âmes, coincées, n’ont d’autres choix que de patienter, sans bouger ni même respirer encore des dizaines et des dizaines d’années. Comme des prisonnières, comme des condamnées à vie.

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lolita grassia

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mes orbites sont la partie la plus instable de mon corps. Je ne sais même pas si je peux y mettre un terme ou des points de suspension. C’est ça l’inconnu : des orbites. Mais il y a un corps caver neux que je sais faire résonner: c’est mon nez. J’essaye de ne pas trop le regarder, mais il s’impose, il souffle "place, faites place au larynx !" et puis il fait sonner le cardia. Je lui ai découvert un vrai talent de musicien. C’est un grand compositeur. Je peux le dire en rhinotique : [néRuKtasyon]. Mais mince, il en fait du bruit. À tel point que j’en ai oublié mes yeux. Quelquefois, ils s’oublient un peu aussi, ou alors ils m’ignorent. Et btoom, un poteau.

Mon autoportrait D’abord, c’est compliqué d’écrire un texte pour se décrire, parce que quelquefois, ma langue joue et peut se détacher et faire à peu près tout ce qu’elle veut, dans la limite de sa condition, parce qu’après elle doit s’en retourner neuf fois dans ma bouche sous peine de déshydratation. Mais elle peut avoir un peu de mal à rentrer, le passage est étroit. Mais je dirais que cette bouche représente assez bien ce qu’elle peut être en grande partie : elle peut se distendre à s’en déchirer les commissures, elle n’est pas vraiment ce qu’elle pourrait laisser croire, en fait, elle fait un peu tout ce qui lui chante (forcément, elle est reliée au cerveau, c’est bien connu), et goûte à des "on ne dirait pas comme ça mais…" à toutes les sauces. Elle est un peu comme une grotte aussi, un corps caverneux, comme mes orbites. C’est creux, mais est-ce que ça peut sonner plein en toute innocence ? Je crois que j’ai découvert aujourd’hui que 20

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' Si j'etais... Je ferais

Ma tour de Babel emmêlée ? Une braise emmitouflée ? Non, fausse piste, ça, c’est de la nourriture à esprit étriqué, mais on s’égare. Le voyez-vous ? Il est là, là, juste ici ! Non ! Je ne le vois plus ! Le voyez-vous ? Non, vous ne le voyez plus, vu que c’est moi qui vous ai dit de voir, c’est moi qui vous ai semés! Vous êtes perdus ? Vous voulez retourner en arrière ? Trop tard : vous êtes déjà pris dans ses rouages. Mais où est l’inventeur ? Mais il est là, il vous suit, lui aussi, il a été avalé. Il l’est. Vous l’êtes. Même ce que tu lis l’est. Mais quoi ? Ça ? ÇA? Ça y est, vous en avez assez, vous êtes largués. Le taux de concentration atteint 0%. Vous avez été happés, mais ça doit être fini. Si elle a réussi à vous retourner la tête, c’est bien. Sinon, s’il lui manque un rouage, à vous de le rajouter à ma Machine à Imaginer.

"Qu’est-ce qu’on pourrait bien faire pour sortir de cet état larvaire ?" Ce questionnement entrerait dans la base de données initiale de ma machine préambulaire. Elle serait la genèse des fondements du fonctionnement métastabolistique des rouages de l’innovation. De la production à la fermentation. Il en entre par ses pompes gigantoresques et omniaspirantes et il en sort ÇA. "ÇA", en deux lettres, ça tient en un mot. Mais lui aussi, il fait partie du processus. Un très très long processus, plein d’embûches et de virus, de vagues et de bourrasques, de bombardements et cataclysmes et….. et quoi ? Quoi ? Il y a le temps : entre les points de suspension et les interstices qui se glissent entre les mots et la ponctuation, vous avez du temps pour y penser. Elle a déjà trouvé pour vous : elle va dire le Vide. Le Vide c’est bien. Le Vide c’est plein. Plein d’espace qui fait tout raisonner : résonner à l’oreille, raisonner à la tête. Et ça ! Qu’est-ce que c’est? "Ça" quoi ? Où ça ? Poursuivons-le ! Mais il faudra de la suite dans les idées pour suivre. Une planète

Elle est grande, immense, titanesque. Presque trop pour y monter. Mais les escaliers sont là pour aider. 1er étage : chaufferie. 2e étage : infanterie. 3e étage : machinerie. 4e étage : établi. 5e étage : orangerie. 6e étage : amphytrie On accélère le pas. 8e étage : chambre à air. 10e étage : chambre à gaz. 12e étage : antichambre. 14e étage : salle des armoires. 16e étage : salle des bougies. 18e étage : salle des couloirs. 20e étage : salle des embruns. 22e étage : four. 24e étage : tuyauterie à ressorts. 26e étage : salle des ambyphères. 28e étage : salle des ambigüités. Un ascenseur. Néoniathante. Sardinelle. Poujadoir. Panshéonide. Ça y est. C’est le haut. Tout en haut. Au sommet. Mais ça tangue. Ça se disloque. Une phalange. Un humérus. Un tibia. Un crâne. Crac.

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Ma fiction naissance est offert. Bon, le prénom m’a un peu refroidie, mais c’était une fin de série, on ne peut pas non plus demander Pluton… Enfin tout de même, ce petit Carotide aurait pu tomber plus mal… Je me demande… Enfin passons, c’était un brave enfant : une belle peau sombre, les muscles saillants, et quelle taille ! Ce petit m’a fait croire un moment que j’avais fait une affaire. J’ai senti mon erreur. Ça n’avait été spécifié nulle part, et me voilà flanquée d’un Aérophage. Il ne pouvait pas avancer. Alors je me suis improvisée Bricoleuse d’humains. Une vis à tête incurvée par ci, un coup de persicoteuse par là, et voilà un bel Enfant à Roulettes. Avec la propulsion, vous l’auriez vu filer ! "À fond les gaz" me disait-il… s’il avait eu l’humour fin, ç’aurait déjà été ça…

Tuut. Tuut. Mais faites cesser ce bruit… c’est infernal ! Tuuut. Tuuut. Tuuut. C’est insupportable ! Ooh… mon ventre… mon ventre…mon diplôme ! Où est mon diplôme ? Vous là ! Oui, docteur, voilà… c’est vous qui me l’avez pris ? Mais mon diplôme en maçonnerie ! Où l’avezvous mis ? J’en ai besoin pour me reconstruire, vous comprenez ! Ce bout de papier, c’est toute ma vie. Mais oui, allez-y, vous pouvez parler, je suis on ne peut plus calme, vous pouvez tout me dire ! Hmm… oui… oui, la cérémonie… mm… mhm, les petits fours en fonte, le punch aux anchois…oui, oui…oui, bien sûr, l’explosion… les morceaux collés aux murs et qui couinent sous les chaussures. Voilà…oui…hmhm… ce qu’il reste de mon utérus dans le bocal là-bas… moui, avec un peu de plâtre et mon diplôme en maçonnerie, je serai comme neuve… hmhm, bien sûr, stérile, cela va de soi…

fenêtres, a glissé sur le parquet et en une bourrasque a fait intrusion dans nos vies. Rah ! Maudit Fils de l’Air ! Ce garnement ne fait pas que s’échouer les navires et soulever les jupes des filles, il faut en plus qu’il entre sans frapper ! Il s’est mis là, au milieu de la pièce, il a pointé de son doigt Carotide et il lui a dit : "Mange-moi". Trop tentant pour un Aérophage, manger de l’Air. Il se tourne vers moi. "Et bien, vas-y ! Je ne m’occupe plus de tes fréquentations". Alors il l’a croqué. Il l’a avalé. Il a expiré. Et puis il a gonflé, gonflé, gonflé, gonflé… Trou d’air. Tout ce qu’il me reste, c’est cette photo, vous comprenez. Ce bout de papier, c’était toute ma vie. "Euh, mais, attendez, vous êtes sûre que vous êtes bien Lolita, vous ?"

Mais je l’aimais, cet enfant, quoique je puisse laisser paraître, je l’aimais. On était si bien, rien que nous deux, dans ce salon… J’aurais voulu que rien n’en sorte jamais. Ou n'y entre, d’ailleurs. Oui, même l’oxygène n’aurait pas dû rentrer. Mais il est venu. Il s’est immiscé entre les interstices des

Ça ne fait rien, vous savez, la semaine dernière au vide-tiroirs, il y avait une offre spéciale sur les bambins : le dernier du lot à moitié prix ! Hormones de croissance comprises. Et en prime, l’acte de 24

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:

maimouna coulibaly

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Mon autoportrait Je m’appelle Maïmouna, un prénom que j’avais du mal à accepter au début (d’ailleurs, je ne sais pas pourquoi), mais qu’au fil du temps j’ai appris à aimer. C’est un prénom arabe qui signifie "femme protégée". Est-ce qu’il me portera chance? Pour l’instant, je n'ai pas la réponse. Je suis une fille de seize ans, noire de peau. J’ai des origines sénégalaises. Les gens me disent souvent que ça se voit dans mes traits du visage. Ah oui ! Parlons de mon visage. J’ai des yeux en amande, marron, très sombres. Comme j’aurais aimé avoir les yeux clairs. Pour me consoler, certaines fois, je mets mes yeux face au soleil, et j’en profite pour immortaliser ce moment par une photo. Je le sais, c’est ridicule, mais c’est tout moi. Ces yeux ont plus de surnoms que j’en ai moi-même : yeux de chinoise, yeux de chat, yeux d’asiatique…Au fond ça me fait plaisir. En dessous des yeux j’ai de petits cernes naturelles. Comme j’aimerais m’en débarrasser. J’ai souvent l’air fatigué quand je suis en forme, et quand je suis fatiguée j’ai l’air mourante. Un autre défaut ? Mes jambes sont arquées, presque comme celles d’Astérix. On me déconseille les slims et c’est pourtant ce que je préfère. J’aime les jupes "tube", je ne peux pas toutes les porter. En bref, je ne serais certainement jamais Miss Monde. J’ai aussi des qualités, je ne pourrais vraiment pas vous dire lesquelles, mais j’en ai. Je ne suis jamais sûre de rien, c’est tout moi, Maïmouna. 26

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Mon objet ami, surtout en plein silence et contre ma volonté. Comme pour me montrer qu’il est toujours là. Et pour le faire taire je menace de l’abandonner, alors il reste muet un bon moment. Mais il ne m’en veut pas, je sais qu’il m’aime. Pour me le prouver, il dit mon nom à longueur de journée, peut-être qu’il ne veut pas que j’oublie qui je suis en cas d’amnésie… Il a un lien particulier avec ma mère, elle lui a donné vie au Sénégal. C’est surement pour ça qu’il aime le soleil. Je m’y suis vraiment attachée, c’est le cas de le dire. Comment me verraisje sans lui ? Je ne sais pas.

Il est gris, intégralement gris. Vous me direz, c’est une couleur triste, mais attention ! Il n’est pas triste du tout, même que, lorsqu’il est heureux, que les beaux jours reviennent, il se met à briller. Il est beau et envié par les autres. C’est pour cela qu’il me tient de toutes ses forces. Mais parfois, je l’oblige à me lâcher. Alors je me sens légère, presque nue. Il déteste quand je fais cela car il a l’impression que je vais le remplacer à jamais avec d’autres de ses camarades. Et moi, je culpabilise. Je n’aurais jamais l’intention de le remplacer éternellement, mais juste le temps d’une soirée. J’aimerais l’inviter à tous les événements auxquels je suis conviée, mais je ne peux pas parce qu’il faudrait le changer pour éviter que tous les mauvais regards se posent sur moi. Et cela, j’en suis incapable. Il est vrai qu’il a un style bien défini. Ses motifs préférés : les croix et les traits en diagonales. De plus, il n’est pas discret du tout, tant par son physique que par lui-même. En effet, il adore chanter avec son

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' Si j'etais... Je ferais

Je m’appelle "évasion". Comme le dit mon nom j’aime m’évader et faire participer d’autres personnes à mon évasion, les faire voyager… En effet, ce voyage promettra d’être différent, voire même très différent selon les actions ou le caractère du voyageur que je reçois. Mieux vaut être confiant avant de m’emprunter… Vous voulez savoir pourquoi ? Eh bien, je choisis si la personne qui ose venir à ma rencontre fera bon ou mauvais voyage. J’aime ça, avoir ce pouvoir… Comment je procède ? Vous voulez des exemples ? Les voilà ! Il y a quelques mois, alors que je me reposais, je sentis un poids sur moi. C’était une voiture. Une femme s’y trouvait, mais j’ai tout de suite vu de la peine dans son cœur. Elle me paraissait être une bonne personne, je fis donc de son voyage une agréable aventure ; une aventure qu’elle vivait comme elle le souhaitait. Elle voulait voir la mer, je l’emmenais sur une belle étendue d’eau bleue turquoise. Elle voulait de la neige, je la faisais voyager dans un univers tout blanc de cristal. Tout ce qu’elle désirait je l’exauçais. Vous me direz que c’est un rêve qui n’en finit jamais. Si si, il finit. Lorsqu'elle ne ressent plus aucune peine, et là seulement, sans même qu’elle ne s’en rende compte, nos chemins se séparent. J'aime la compagnie, mais c'est là que je dois la laisser s'en aller. 30

Je ne suis pas toujours aussi gentille ! Il arrive parfois que je me mette terriblement en colère, alors (et c’est le cas de le dire), il ne faut pas se mettre en travers de mon chemin. Un jour, un jeune garçon en voiture qui essayait de fuirje ne sais quel poursuivant m'emprunta. Prise de pitié, je décidais de le cacher en rendant sa voiture et lui-même invisibles. Une fois hors de danger, il s'arrêta, sortit de sa voiture et se mit à uriner sur moi ! Une colère monstre m’envahit ! Pour l’exprimer, je me tordis dans tous les sens dans l’espoir de blesser ce jeune ingrat insouciant, après cela je le fis voyager dans les endroits les plus effrayants que je connaisse. Là où il fait plus sombre que le noir, plus froid que la glace. Là où les insectes font la taille d’un rat, où les animaux sont plus féroces que dans le pire des cauchemars. Après ça, nous sommes sûrs qu’il ne refera jamais ce qu’il m’a fait, ni à moi, ni à d’autres. C’est bien pour cela que seules les personnes audacieuses viennent me voir : je suis comparable au destin. Je suis une route magique, une longue route magique sans horizon ; une longue route magique sans horizon qu’on a l’habitude d’appeler "évasion".

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Ma fiction

Il se tourna, leur fit signe de le s u i v re dans cette pièce intégralement blanche qui lui servait de bureau. Il les invita à s’asseoir.

Christina Walldorf, trente-huit ans, mais déjà foutue. - piégée dans sa perception de la beauté - et son amie, Catherine McHendall, quarante-six ans, pratiquent l’art d’être laide. Elles sont là, dans cette pièce austère et sombre aux murs gris foncés. Deux créatures semblables ou presque, se tripotant, se tortillant, s’admirant l’une et l’autre… Elles s’envient, elles désirent être l’autre… Christina veut la bouche de Catherine, Catherine veut son nez, Christina veut ses fesses, Catherine ses seins. C’est ce pourquoi elles attendaient impatiemment dans cette pièce. Elles attendaient le mari de Catherine. Cet homme qui autrefois lui passa la bague au doigt ; doigt lié à sa main ; cette même main qu’elle avait posé sur la poitrine de son amie. Il ouvrit la porte, et brusquement Christina détourna ses yeux vers la salle qui se trouvait derrière lui, puis le regarda :

- C'est quoi le problème encore? Qu’est-ce qui ne va pas chez vous ?, dit-il d’un ton agacé. - La dernière fois, tu lui as fait son nez mieux que le mien, regarde ! rétorqua Christina tout en lui pointant son nez sous les yeux. - Et comment se fait-il que sa peau soit plus tendue que la mienne? demanda Catherine, affolée. Georges les observait. Il se demandait pourquoi il avait fait ça ; "ça", un petit mot insignifiant mais qui prenait une toute autre ampleur quand on regardait le visage de ces pauvres femmes. Il se disait que la peau du front de son épouse avait peut-être subit pire que l’écartelage, que s’il la tirait encore ne serait-ce que d’un malheureux millimètre, elle céderait une fois pour toute. Un supplice que subissaient aussi les pommettes de Christina, de la taille d’une balle de tennis. Puis il étudia leurs lèvres du regard, soupira, et laissa quelques mots s’échapper de sa bouche : "Un échec… un énorme échec".

- Catherine veut mon sein, je peux lui donner ? Catherine embraya : - En échange je peux lui donner mes fesses. Tu penses pouvoir faire ça pour nous Georges ? 32

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MARIE-celine francois - - - - - - - - - - - - - - - -

Mon autoportrait Elle serait bien plus belle avec une frange pour recouvrir cet énorme front. Ses cheveux ne sont ni crépus ni frisés, peut-être un mélange des deux, en tout cas beaucoup trop courts. Un nez inexistant accordé à des lèvres apparemment plus grosses que pulpeuses. Des yeux trop petits avec des cils pas assez longs. Et puis il y a ses joues qui la rajeunissent beaucoup trop. Bref, une petite tête minuscule qui rétrécit à la vue de ces épaules larges, bien trop larges pour une jeune fille. J’ai entendu dire que ça l’empêchait de porter des vestes à épaulettes… la pauvre. Il y a ce buste orné de cette taille marquée. Puis son petit ventre plat, ou pas… Le reste je n’en parle pas, c’est à moi. Ce qu’elle aime ? Dormir, lire et manger. Rien de bien passionnant. Elle ne l’est que très peu d’ailleurs. Elle essaie d’être moins timide mais je la connais : si elle lit ça devant un public vivant, elle aura la chair de poule et des tremblements. Elle se regarde sous tous les angles pour finalement soupirer. Elle ne s’aime pas plus que ça. Cette fille dans le miroir, ce n’est pas moi, enfin je crois. Pourquoi ? Je ne me retrouve pas en elle. Je croyais ressembler à quelque chose, ou du moins pas à ça.

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Mon objet Il a une forme précise mais j’aime le déformer et le rendre un peu comme moi, bizarre. Bizarre parce qu’en vérité je l’ai trouvé dans un grenier et comme moi parce que je sais que s’il avait pu penser, il aurait cru n’avoir que peu de valeur. Sa valeur ? Pour moi, inestimable. Et bien que ce ne soit que du "toc", il n’a jamais rouillé au contact de mes larmes ; des larmes qui ne coulaient qu’à la pensée du propriétaire de ce grenier. Un propriétaire que je n’ai vu qu’une fois et qui, ce jour-là, m’a donné cet objet ; un objet qui sait… Non, en fait il ne sait rien faire. Il est là, immobile, un peu sombre, un peu clair, ou comme ce propriétaire. Ce texte n’a pas grand sens. J’ai l’impression de tourner en rond. Rond ? Comme cet objet. Un objet qui, le matin, me rend folle en se cachant dans ma chambre, pas assez rangée d’après ma mère ; une mère qui le trouve vieux et dénué de sens ; un sens qui pourtant se concrétise en me rassurant dans le noir après un film d’horreur, les soirs d’orage ou simplement lorsqu’il me détend. Il me détend en acceptant d’être tordu pour ne plus ressembler à rien. Rien, c’est bien ce qu’il représente pour les autres.. Les autres aussi ont un objet bien à eux, un qui ne les représente pas forcément. Alors forcément, moi, j’ai envie de le découvrir. Le découvrir pour savoir si, à travers mon regard, leur objet deviendrait vivant, comme moi j’aimerais qu’à leurs yeux, le mien le soit.

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PLAMEDI MATEMBELE

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' Si j'etais... Je ferais

Je suis élevé sur des montagnes haute comme l’Olympe, placé dans une vallée au milieu de nulle part. M’habite des gens loyaux, comblés d’amour et frustrés. Je suis beau, construit en ombres. Mes maisons sont dorées et incrustées de pierres précieuses qui valent tout l’or du monde. Mais attention de ne pas trop s’approcher, ça érafle au contact de la peau. Mis à part cela, je suis beau, oui je suis beau, rempli de bonshommes qui vivent en totale égalité avec la nature, les montagnes. Oui, il y a des montagnes, il ne fait pas trop froid, et il y a de la neige toute l’année. Et la mer ? Non, ce n’est pas un problème. Lorsque vous vous approchez de la mer, il fait bon comme par magie, comme par enchantement. Mon pays, c’est la plus grande démocratie au monde, personne ne vote et tout le monde se présente. Quoi ? Ce n’est pas assez utopique ? Mais non, mais si, venez vous verrez.

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Ma fiction des molécules de LSD, une drogue psychotrope à la Théophylline, un mélange qu’on nomme dans le coin «Blues de Françoise».. Le Blue est un bar médiocre, de mauvais goût, il y a encore des lumières à néon. - Où t’étais bordel ! Je t’attendais!, crie son ami Billy. Regarde, JeanJacques est complètement mort ! Il a avalé une vingtaine de pilules mélangées avec l’eau du lac.

Aujourd’hui comme tous les soirs, André se dirige au Blue, un bar médiocre situé entre Disney World et San Francisco. Il se trouve sur la route qui passe par le pont Futurama et descend jusqu’à l’entrepôt des vieux robots. À minuit, faut qu’il soit chez lui, sa femme sera revenue de sa conférence dans le Missouri. Il roule dans sa vieille caisse en écoutant de la pop du 21e siècle. Son visio sonne, c’est Billy qui l’appelle, un ami d’André :

"L’eau du lac" comme ça se prénomme dans le quartier, c’est une boisson faite à partir de jus de feuille de coca mélangé à de la Méthylphénidate. C’est un stimulant qui possède du CBD, qui provoque des effets appartenant à la section quaternaires qui est issue d’un antipsychotique.

- Où t’es vieux ? On t’attend depuis tout à l’heure ! - J’arrive, j’arrive, t’inquiètes, je suis là dans même pas cinq minutes. Peu de temps après, André arrive au Blue, un bar bloqué dans la première moitié du 21e siècle, il fait sombre mais avec juste assez de lumière pour éclairer le sol et quelques objets proches. À gauche de l’entrée il y a une télé de type mobile qui diffuse des publicités à la con. Billy est assis au fond, une table juste en dessous de la fenêtre. Il est avec Jean-Jacques, un français physicien moléculaire, qui administre une fusion cellulaire entre 40

- Je m’en fous !, dit André Ma femme revient ce soir à minuit, ce pirate ! Fallait qu’elle crève à sa conférence ! - Manon ?, demande Billy. - Qui d’autre bâtard ? Faut que je fourre avant son retour, après je pourrais plus.

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de me taper une princesse !

Il s’installe à la table, à gauche de Jean-Jacques, qui ne montre plus aucun signe de vie : ses yeux sont tout blancs et ses cheveux barrent son front en une seule mèche molle mélangée à sa sueur qui coule en abondance. André commande un verre de whisky sec et se plonge dans ses pensées. Vingt minutes plus tard, son huitième verre est à moitié vide. La porte du bar s’ouvre et une femme habillée en Cendrillon rentre. Elle vient de terminer son travail à Disney World. Elle est vêtue d’une robe de princesse de couleur bleue, un bleu qui rappelle la couleur du ciel en été, sa robe bouffante s’accorde parfaitement avec ses gants. Ce sont des gants de princesse Disney. Elle a les yeux verts et a tout pour être une princesse : sa chevelure blonde brille comme deux cents soleils, son rouge sur les joues et les lèvres se verrait même si on se tenait de l’autre coté de la Terre.

Après ces mots, Billy avale une pilule de "Blues de Françoise", ses yeux grossissent à vu d’œil et on voit maintenant sa fovéa qui semble se rapprocher de son cristallin. La princesse prend une table seule. Elle est à coté d’André et sa bande. Le mec du bar lui apporte son verre, un petit verre fabriqué en Thaïlande avec sous verre inclus. Elle boit doucement. Peut-être qu’elle souhaite que son verre dure éternellement. André scrute la femelle comme si elle était la dernière femme : la rescapée. Après une grande gorgée, il entame la discussion avec la princesse. Les mots s’échangent à une vitesse incroyable. Ils parlent comme s’ils se connaissaient depuis trente ans, comme s’ils avaient joué au ballon ensemble et comme si enfin ils s’étaient retrouvés des années plus tard dans ce bar : comme si c’était écrit, c’était le destin. Les mots allaient et venaient, se rentraient dedans, s’écrabouillaient, comme si déjà ils s’accouplaient un par un pour remplir l’air, puis la salle. Lorsqu’ils riaient, leurs rires résonnaient dans toute la salle. Vingt minutes plus tard, après quelques "Blues de Françoise", André

- Oh les mecs ! C’est moi ou il y a une princesse à l’entrée ? Les mots sortent de la bouche de Jean-Jacques, André se retourne, ses yeux s’allument comme des perles placées sous une lumière artificielle : des vrais yeux d’alcooliques : - Putain gars ! J’ai toujours rêvé 42

et la princesse s’en vont, direction l’appartement d’André. Durant tout le voyage ils riaient à ne jamais finir : stade euphorique de la pilule magique de Jean-Jacques. Une fois chez lui, la princesse Disney, sans même se déshabiller, fonce dans la chambre située au premier, comme si elle connaissait déjà la maison. André se précipite derrière la muse, il se déshabille à chaque marche. Une fois en haut, il est nu. Un peu plus tard, c’est rentré, pas besoin de vous raconter la suite.. .Enfin si : minuit est vite arrivé, la princesse s’est transformée en citrouille écrasée. On a entendu des coups de feu ? Non, je ne sais pas. Mais depuis ce jour, il y a des drôles de gens en enfer.

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yasmine issifou

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- - - - - - - - - - - - - enviées par tous. C’est la première chose que j’aime chez moi. Laissezmoi vous parler un peu de mes yeux. Mes petits yeux. Oui ils sont très petits. "Mais ce n’est pas des yeux que tu as ce sont des traits"! Cette réflexion que me font les gens à chaque fois m’énerve un peu. Mais au fil du temps je m’y suis habituée. Mes amis me surnomment "la chinoire", ce q u i veu t t o u t simplement dire chinoise et noire. Oui parce que je suis noire de peau. J’avais oublié de vous le dire. On me demande même si j’ai des origines asiatiques. J’en rigole… On m’appelle tellement la "chinoire" que certains en oublient mon prénom.

Mon autoportrait Addict aux photos je suis. Je suis grande de taille. Je fais 1,75m. Pour certains je suis petite et on ne dirait pas que je fais 1,75m. Mais moi, je me trouve très grande. Visuellement, on ne dirait pas que je fais 67 kilos, mais je les fais les 67 kilos. Je ne fais pas partie de la team "skinny", même si souvent je rêve d’être une fille mince avec des courbes à en couper le souffle. Mon corps n’est pas parfait, je le sais. On commence par quoi ? Le visage ? Le corps en lui-même ? Commençons par le commencement… J’ai un visage assez ovale avec de grosses joues, de très grosses joues. On dirait des beignets. C’est pour cela que vous me verrez rarement avec un grand sourire. Car quand je souris on ne voit plus mes yeux, mais plutôt des sortes de donuts avec des trous, qui ne sont autres que mes fossettes. Mes fossettes, ces fameux trous dans mes joues. Elles sont 44

Cependant, dans ma famille, il n’y a que moi qui aie de ces yeux là. C’est ce qui fait peut-être mon charme ? C’est ce que je me dis à chaque fois quand je me regarde dans le miroir. Je ne saurais vous dire. Bon, j’arrête avec mes yeux. Il faut que je vous parle d’autre chose. Voilà, j’ai un nez pas très aplati, ni trop pointu. Enfin, une chose dans les normes. Que dire de mes lèvres ? Elles sont assez pulpeuses. S’il y a autre chose que j’aime bien chez moi ce sont mes lèvres. Sinon je ne suis ni trop grosse ni trop mince… Enfin, je ne sais pas. 45


A vous de me le dire. Je ne vais pas dire que je suis belle, cela va paraître narcissique et orgueilleux… Bon allez ! Je suis assez belle. Mes amis me disent que je suis narcissique parce que j’aime trop les photos, que je m’aime trop. Je leur réponds "avant d’aimer quelqu’un, il faut s’aimer soi-même d’abord", J’aime le gris car ce n’est ni blanc, ni noir. Je suis une éternelle insatisfaite. De plus, je suis trop réservée, je n’aime pas me mélanger. D’autres pensent que je me sens supérieure aux gens. Supérieure ? Non, pas du tout, quand on me découvre on change immédiatement d’avis… Non, non, je me méfie juste des gens, par expérience. Je préfère en rester là. Vingt, c’est mon nombre favori, parce que j’ai vu le jour un 20 septembre. Je suis donc du signe astrologique vierge. Enfin, je m’appelle Yasmine Ruth, et je suis benino-nigériane.

Mon objet Il est "black and white", comme le dirait les américains. Il m’aide à déstresser. Souvent, trop souvent même, car je stress tout le temps. En effet je suis une grande stressée de la vie. Je le caresse, je le fais tourner sur lui-même pour lui communiquer ce qui passe en moi, à l’intérieur de moi. Assez bizarre non ? Oui, je sais que c’est ridicule. D’ailleurs, il ne prend pas beaucoup de place, je l’ai toujours sur moi. L’inscription marquée dessus me rappelle quelqu’un. Ah, lui… Éternel rêveur, il est devenu important dans ma vie. Il n’est pas moche, enfin moi je le trouve beau, il me va bien comme ça, il va bien avec mon teint. On s’accorde, telles des notes de musique. Il comporte huit petites perles blanches. A chaque perle correspond une lettre de l’alphabet. Ces lettres assemblées forment un prénom, ce prénom qui a une signification biblique. Énervant quelques fois, mystérieux, mais en même temps mignon, attachant, naturel, unique en son genre et loyal, il est…

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Ma fiction "Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants". C’était ça la fin des histoires que me racontait ma mère pour me calmer parce qu’elle en avait marre de me voir courir dans toutes les pièces de cette grande maison à étages. Elle me faisait asseoir et me racontait des contes de fées, enfin "nous" racontait, parce qu’on était quatre enfants et moi, l’aînée. J’étais aussi la plus capricieuse et la plus récalcitrante. Ah Ma mère ! C’était ma princesse, et mon père son prince charmant. J’ai trouvé tellement beau l’histoire du premier baiser avec mon père. D’ailleurs c’était son plus beau souvenir d’adolescente. Ils se sont mariés et eurent beaucoup d’enfants comme à la fin de ces contes de fées. Sinon comment serais-je née bien évidemment? Cependant, mes parents ne dormaient pas dans la même chambre. Comme je vous le disais, nous avions une grande maison avec des escaliers presque partout et du coup de nombreuses chambres. Ma mère, la princesse, dormait avec mes petits frères, des triplés. Leurs pleurs incessants avaient le don de m’énerver. Un jour, j’ai même voulu faire taire l’un deux en lui enfonçant une couverture dans la bouche. Oui je sais, c’est cruel.. Heureusement ma mère est venue à temps et l’a sauvé. Quelle princesse courageuse n’est-ce pas? Ma mère c’est Blanche-Neige, car elle était blanche comme la neige. Bon elle ne l’est plus maintenant. On pourrait l’appeler Rouge-Champs.

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Très vite je me suis aperçu qu’elle pleurait tout le temps quand elle faisait la cuisine par exemple. Je l’entendais souvent murmurer : "j’aurais jamais pensé qu’elle serait comme ça ma vie, ma vie avec mon prince charmant.. Quel prince? Un prince charmant de merde!". En effet, le prince charmant rentrait une fois sur deux. Et quand il rentrait, il s’asseyait dans le fauteuil, allumait la télévision puis y restait devant pendant des heures en attendant le repas. Il aimait souvent regarder des courses de chevaux et ça l’énervait toujours. D’ailleurs je me demandais pourquoi il ne regardait rien d’autre. A chacun son délire. C'était celui du prince charmant. Un jour comme à son habitude, il rentrait de nulle part. Il y avait mes frères qui s’amusaient dans le salon ainsi que notre chien Dango. Ma mère me faisait mon gâteau moelleux et crémeux, si succulent. Et j’entendis le prince crier : "Femme ! Viens par ici ! Tes putains de gosses me font chier là. Viens les chercher, rapporte moi ma bière tant que t’y es ! " Je descendis en courant comme je sais si bien le faire. Je rejoignis ma mère dans la cuisine. "J’en ai marre ! Ta bière tu viens la chercher toi-même ! ", répondit ma mère. Mon père se ramena dans la cuisine. "Tu n’es qu’un moins que rien ! T'as jamais rien gagné.. Tu t’occupes même pas de tes enfants, ce sont aussi les tiens", continua- t-elle. "Ta gueule ! Vieille meuf va !", dit mon père en lui donnant deux gifles. "Maintenant tu viens chercher tes gosses et tu me ramènes ma bière quand je vais me rasseoir.

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Merde alors !", ajouta-t-il. Ma mère s’exécuta. Je la suivis en pleurant aussi, en lui tenant sa robe qui était jaune et bleu avec un peu de rouge. Elle avait une obe de princesse, si belle comme dans les contes de fées. On arriva dans le salon, le prince s’était rassis et avait ses pieds sur le guéridon et continuait son activité favorite. Elle lui rapporta sa bière puis ramassa deux de mes frères parce qu’elle ne pouvait pas les porter tous les trois. "Mais putain ! T’as pas compris que je ne voulais voir aucun môme ici ? Ainsi que le chien ? Franchement tu ne me sers à rien. Regarde comment le salon est sale !", cria de nouveau le prince. "Je me tape tout et toi que…?", dit la princesse. L e p ri n c e charmant se leva tout d’un coup puis elle se tut. Ma mère quitta le salon, je la suivis. "Je suis qu'une machine à faire que des enfants, à faire le dîner, je suis la pouf de service", murmura ma mère. Elle murmurait parce qu’elle ne voulait plus prendre des coups, des gifles et autres comme d’habitude. C’était la routine. La vie n’avait pas le goût du gâteau moelleux e t c r é m e u x q u e j’aime tant, e t q u e m a b e l l e princesse me faisait à chaque fois malheureusement…

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thibaud bleuse

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Mon autoportrait Au lever le matin, je ne ressemble absolument à rien. Mes cheveux sont en bataille. Mes paupières, lourdes, ont d u m a l à rester ouvertes. Vous me direz, "c’est normal", et vous avez raison, mais je ne fais malheureusement rien pour changer cela. C’est pourquoi je sors de chez moi avec, selon les nuits, une vague dans les cheveux, la coupe à Satan. Seules mes mains que je passe dans mes cheveux redonnent de l’ordre à ce fouillis. Je choisis généralement des vêtements élégants que je remplace finalement par un banal t-shirt car cela suffit pour un jour d’école, mais surtout pour éviter toute rumeur désobligeante. Je n’ai pas à me plaindre de mon physique je pense, sauf peut-être d’une seule chose, le véritable fléau de l’adolescence : l’acné, qui donne une nouvelle matière à la peau. Douloureux parfois, et pas franchement beau, c’est une saleté qu’on élimine avec beaucoup de difficulté. Je pourrais tout aussi bien vanter les mérites de mon physique, de toutes les prouesses dont il est capable, mais je ne voudrais pas paraître narcissique.

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Mon objet Protecteur tout en restant élégant, il se greffe sur les êtres vivants, ce n’est pas un parasite pour autant. Une ceinture de fibres retient ses formes étranges. Une médaille à son côté droit prouve sa grandeur. Il en a vu du pays, que ce soit les marais infestés d’alligators, la mer silencieuse pendant la nuit, les grandes villes illuminées ou bien les châteaux remplis de magie. Il reçoit sans se plaindre les dangereux rayons du soleil. Il supporte sans s’envoler les bourrasques et les alizés. Avec un geste habile de la main, il devient acrobate et s’envole pour atterrir avec grâce à la place qui est la sienne. Et, tel un aigle, il niche sur un nid peu commun mais confortable.

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Ma fiction L’humanité.. ce mot qui représente de nombreuses choses n’a pourtant aucun sens et aucune définition. C’est vrai après tout, qu’estce qu’être humain ? A partir de quand, dans l’évolution, le singe devient homme ? Pourquoi l’homme serait-il différent des grands primates? Serait-ce les pouces opposés ? Non, l’orangoutan en a aussi. Le fait de se dresser sur ses pattes arrière peut-être ? Non plus, j’y arrive aussi. L’utilisation du feu alors ? Et pourtant, comme eux, nos petits deviennent grands et nos vies se finissent en repos. Je suis Gombo, et j’ai vu l’espèce humaine disparaître. Gombo, c’est mon nom. Je fais partie de la famille des grands primates, comme l’homme, mais une ou deux branches en dessous, ce qui m’a valu la captivité dans un zoo. Et grâce à ma proximité avec l’humanité, j’ai pu l’étudier et la comprendre. Il y avait évidemment toutes ces têtes qui défilaient devant ma prison. Elles n’avaient, sauf quelques exceptions, des poils que sur le dessus du crâne. Mon bonhomme, lui, était une exception. Il venait tout les jours à la même heure. Il arrivait devant ma prison de verre et ne bougeait plus jusqu’à la fermeture. Une fois, je me souviens, je me suis approché pour le voir de plus près. Il était tout fripé. Pendant que je montrais mes dents en signe d’hilarité, le bonhomme posa une

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main pâle et froissée sur la vitre. Et dans un instant de.. de je ne sais quoi - peut être l’instinct - je mis ma main poilue sur la sienne. Le bonhomme est venu jusqu’au 18 novembre 2140. Il y avait aussi Larry, le gardien un peu rondouillet. Ce qui m’étonnait chez Larry, c’est l’objet brillant qu’il sortait de sa peau verte pour barrir dedans. Quel drôle de son, grave et harmonieux à la fois. Ces sons, des essais de communication sans doute, ressemblaient presque à une douce musique. J’écoutais donc chaque son qu’émettaient les humains, et ce pendant longtemps, très longtemps. Si longtemps que, faute de pouvoir parler, je les comprenais. L’objet brillant est un "teyléphone" et ça permettait à Larry de parler avec sa fille où qu’il soit. Quelle fantastique invention ! Pour comprendre le fonctionnement de l’engin il a fallu que je m’en procure un. J’ai réussi à voler l'un des appareils pendant un contrôle de santé. Et j’ai appuyé sur le bouton avant de comprendre mon erreur. L’objet servait à informer les hommes et non à parler avec la fille de Larry. J’ai donc écouté.. Et jour après jour les visages défilaient, soir après soir j’entendais l’humanité s’effondrer. Il semble que l’homme et sa soif de création veut faire mieux que ses comparses. Imaginer le dernier "teyléphone", inventer la meilleure voiture et construire le plus haut gratte-ciel. Ce qui l’amena à sa perte. "Le Grand Canyon est désormais rempli de portables ! Est-ce une œuvre d’art ou un danger pour l’écosystème ? Ils ont 58

comblé les plus grands creux de la nature ?!". "Paris a explosé à cause du méthane produit par les déchets en décomposition.. " La fin arriva bien trop vite.. Une maladie venue de nulle part décima plus des trois quart de la population mondiale. Les hommes fuyaient. Au Zoo, plus de visiteurs. Larry n’appelait plus sa fille. Plus tard, il vint ouvrir les portes et, une fois sorti, me tendit son teyléphone. "Vous en ferez sûrement meilleur usage que nous.. ". Je marchais enfin dans une ville d’homme. Elle était vide, ou plutôt pleine mais sans vie. Chaque coin de rue cachait des canettes, des «teyléphones», des sacs et des boîtes métalliques que les hommes chevauchaient. On trouvait de nombreux objets cubiques, sphériques, intacts, bisés, rouillés, déchirés. Mais où étaient les hommes? Je courais aussi vite que je pouvais entres les arbres de métal et de verre jusqu’à la mer. Enfin ce qu’il en restait. L’océan était devenu une marée de portables multicolores. Certains de mes codétenus m’avaient rejoint. On observait tous la mer. On écoutait le silence. Poussés par le même instinct qu’avec le bonhomme, je me suis dressé sur mes pattes arrière, j’ai pris le teyléphone de Larry et j’ai photographié les derniers instants de l’humanité. Je dirais aujourd’hui que la différence entre l’homme et les grand primates, c’est que l’homme a disparu..

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soukeyna kane

son style à elle : jean taille haute, baskets… Elle aime tout ce qui est confortable. Mais elle est parfois extravagante. Elle est bigleuse aussi, y’a qu’à voir ce qu’elle porte sur le nez. Ses lunettes font ressortir ses yeux en forme d’amande ! Ses yeux, qu’elle considère comme étant des zoomer (on la charrie tellement avec ça qu’elle n’a pas voulu mettre ses lunettes lors d’un photo shoot sur Paris, au théâtre du Rond-Point !) Elle est plutôt sociable mais réservée avec les gens qu’elle ne connait pas ! Je vous l’avoue, c’est paradoxal. Enfin, j’ai appris à l a c o n n a i t re cette petite Soukeyna, mis à part le fait qu’elle soit “atta-chiante” et un peu diva, elle peut être adorable. Ah d’ailleurs, elle a décidé d’être plutôt drôle que sérieuse, aujourd’hui !

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Mon autoportrait Soukeyna, hein ? Un prénom original mais surtout une histoire ! Cela fait dix-huit années qu’elle est indécise, qu’elle se regarde dans la glace, et dix-huit années qu’elle s’efforce de sourire pour avoir des fossettes ! Soukeyna ? Ah, cette fille aux formes généreuses, au sourire ravageur, dit-elle. Soukeyna dites-vous ? 1m70 de folie, de gentillesse, de joie de vivre. Soukeyna, n’est-ce pas ? Cette fille avec un accent qu’on ne peut pas distinguer? Certains affirment qu’elle vient d’un pays anglophone, d’autres en rigolant, des Etats-Unis d’Afrique. Mais non… je la connais cette Soukeyna, elle vient du Sénégal. Et ce que je vais vous dire va peut-être vous étonner mais elle n’aime pas parler d’elle ! Elle ne sait jamais quoi dire, ni comment s’y prendre ni par où commencer. Comment est-elle physiquement ? Ah bah ça alors, faut la voir pour y croire ! C’est un phénomène. Elle a 60

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' Si j'etais.... Je ferais

Argent ? Tel est le mot qui sort de la bouche de tout le monde. J’ai eu ma révélation. Je sais que je révolutionnerai le monde, vos vies, la sphère quoi ! Auparavant, pour moi, argent rimait avec shopping, mais ça, c’était avant ! En effet, ne serait-ce pas magique d’avoir tous les vêtements dont on rêve, ou que l’on désire, gratuitement ? Je suis là pour ça voyons ! Certains me connaissent pour mes actions humanitaires… mais ne nous attardons pas là-dessus, je suis bien trop modeste. Enfin, lorsque vous faites du lèche-vitrine, cela ne vous arrive-t-il pas de vouloir tout posséder du magasin ? Cela ne vous arrive-t-il pas d’avoir des coups de cœur ? Enfin, non, pas des coups de cœur mais des coups de "dress" ! C'est plus approprié ! Alors, c’est là que vous prenez votre air ahuri dès que vous voyez le prix… Vous commencez à reculer en faisant du moonwalk avec le petit mouchoir à la main. Ecoutez bien, je suis effectivement là pour cela! Je m’appelle "dresswish". Je suis l’invention de l’année. Les économistes me détestent… même mes meilleurs amis, les créateurs. Il suffit de penser à moi pour que je vous vienne en aide. Je suis votre illumination, votre aspiration, votre génie. Il suffit d’une seule pensée, une seule, je vous l’affirme, pour que je fasse mon apparition ! Le "dresswish", regardez, je commence déjà à parler de moi à la troisième 62

personne ! Faudrait que j’arrête… mais bon je n’ai pas le temps de penser ! Je suis overbooké à être au service de tout le monde, enfin à quelques exceptions près ! Bref, ne nous étalons pas ! Le "dresswish" est un monde imaginaire. Une fois à destination, à l’aide d’une cuvette chantante, vous pénétrez dans mon monde. Il suffit de plonger la tête la première. Une fois la tête plongée, la cuvette chantante englobera tout votre corps e t e n fi n v o u s accéderez à mon monde ! Mais il faut posséder la fameuse télécommande pour cela ! Il suffit d’être vestimentairement désespéré pour l’obtenir. Une fois dans ce monde, des robes, des sacs, des chaussures, des accessoires, toute la panoplie, tout y est gratuit ET ACCESSIBLE ! Et moi ? Je me charge entièrement de vous. Je suis là pour vous vendre du rêve ! Je suis là pour vous relooker en cas d’extrême urgence, pour vous rendre présentables et vous sublimer. Grâce à moi, vous aurez accès aux vêtements tendances, aux "must-have" pour vos soirées mondaines ! Je serai votre "dieu de la mode" ! Allez, à moi Paris, Milan, New York, Londres, je vais révolutionner le monde. Qu’attendez-vous pour penser à moi ?

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Clara Colonna - - - - - - - - - - - - - - - - - -

' Si j'etais.... Je ferais

Avez-vous déjà rêvé d’être invisible? Vous adorerez sûrement la science de l’invisibilité. Vous savez, quand un individu éprouve le besoin fugace de disparaître, pour voyager dans son propre univers. Ça ne vous arrive pas, à vous ? Assurément, qui n’a jamais rêvé de se métamorphoser instantanément en un personnage transparent dans un moment embarrassant ? Les gens les plus poétiques vous diront qu’ils utilisent cette science dans le but de découvrir de nouveaux paysages où se dissimule la fantasmagorie du monde dans lequel vous vivez. Lorsque vous suscitez en vous le désir de fuir votre environnement pour basculer dans un univers basé sur la transparence, il vous suffit de vous observer au travers d’un miroir : s’il ne vous reflète pas, c’est que votre transformation a sûrement commencé. Regardez vos doigts qui peu à peu s’estompent, ensuite vos mains, et puis vos bras qui se dissipent. Simultanément, vos membres inférieurs

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s’effacent eux aussi, puis le buste, et enfin votre cou. Déposez vos mains sur votre visage, ou plutôt ce qu’il en reste, et utilisez-les en guise de gomme. En effet elles accélèrent la disparition de votre tête. Vous voilà maintenant dans un univers où la vraisemblance se caractérise par la transparence. Admirez ces objets translucides eux aussi, et l’espace limpide dans lequel vous êtes.. Vous découvrez un monde qui vous avait jusque là échappé.. Vous vous trouvez à présent au sein d'une faune, une flore, aussi invisible que vous, et vous avez désormais accès aux horizons les plus lointains qui puissent exister.. Oh ! Entendezvous ce ravissant chant d’oisillon ? Le voilà qui par son chant semble surgir devant vous ! Vous imaginez ses ailes : souples, légères, gracieuses.. Aucune présence humaine dans les environs, vous êtes vraiment seul.. Du moins, c’est ce que vous croyez, car un être humain de ce monde n’a pas la capacité de percevoir les siens. Il est fort probable que vous soyez aux côtés d’une admirable personne au charme irrésistible, qui espère sans aucun doute faire votre connaissance..

Le seul moyen qu’il vous reste est de basculer à nouveau dans votre univers où les êtres sont visibles.. Et bien allez-y, faites le chemin inverse, je ne vous retiens plus moi ! En revanche, je suis dans l’incapacité de vous indiquer la direction à prendre, et je vous préviens, vous n’avez aucune raison de vous en prendre à moi, c’est vous qui m’avez suivi ! Non, je regrette, mais ma science s’arrête là, et je ne possède pas le remède pour vous mener auprès des vôtres. Cependant, je pourrais toujours vous conseiller une consœur, la science de l’authentique réalité, qui permet de revenir dans un monde où les rêves ne sont plus réels, mais juste chimériques.

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Mon objet Je suis un objet. Je suis plus ou moins grand, et étant donné ma facilité à me glisser dans les endroits les plus insolites, je suis parfois laissé à l’abandon. Mais qu’importe, ne suisje pas l’objet le plus savant ? Je connais tout de vous. Alors que vous, vous croyez me connaître, mais vous n’êtes jamais au bout de vos surprises. Pourtant, je ne suis rien sans vous. J’apprécie quand elle passe des heures avec moi, en m’admirant de toutes parts. Elle me parle, me questionne, oubliant que je n’ai pas la capacité de lui répondre. Sa mère me comprend, elle. Elle me cajole, elle doit sûrement connaître la souffrance que j’endure. C’est vrai que je n’ai pas l’air comme ça, mais je suis tout de même fragile. Le seul fait qu’on me regarde me permet d’avoir confiance en moi, alors s’il vous plaît, ne négligez pas mon usage.

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MAHESH ranasinghe

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Mon autoportrait Comme Popeye, j’ai un physique impressionnant, enfin je crois. J’ai des bras musclés, un cou plutôt long et ma pomme d’Adam ressort comme si j’avais avalé un iphone. J’aime beaucoup ma coupe même si ma Snap est toujours là pour cacher cette chevelure noir corbeau. Je vous parle de ma taille ? 1m75, pas trop mal pour un footballeur amateur comme moi. Revenons à ma Snap. Elle compte beaucoup pour moi, je fais l’amour avec, je suis tout le temps avec, même aux toilettes je ne la quitte pas. BEURK ! C’est moi ça ! Tu m’aimes ou pas, peu importe. Je vis ma vie, moi et ma Snap for Life.

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Ma tour de babel Comme bâtie en legos, cette tour serait construite de pièces de toutes sortes : carrées, rectangulaires, circulaires. Elle n’est pas droite, elle est bancale. Cette tour est tellement gigantesque qu’on n’en pourrait voir la fin. Elle possède un escalier, oui, un escalier sans fin, pour une tour sans fin. À l’intérieur, le vide, un trou. Si tu y tombais, tu ne pourrais jamais atteindre le fond.. Sur chaque marche de l’escalier est gravée une inscription, une phrase donnant le moyen d’en sortir. Chaque marche serait une énigme. Mais chaque marche serait un voyage dans un monde qui ne te conduirait à rien,

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car chaque énigme serait tellement dure à résoudre qu’on en deviendrait fou. Est-ce peut-être un asile, ou même une prison ? Y-a-t-il un propriétaire de cette tour ? Oui, moi ! Chacune de mes pensées est enfermée dans cette tour ! Estce mon imagination ou la réalité ? Non ! Ce n’est pas une tour ordinaire ! C’est seulement ma tête et tout ce qui se passe dedans. Chaque marche est une épreuve de la vie, et Dieu me met au défi d’en sortir et de réussir cette épreuve, et de trouver le bon chemin.

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JUliette ait tadrart

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Mon autoportrait Je m’appelle Juliette. Vous allez me dire, où est mon Roméo ? On me l’a déjà faite celle-là. J’ai seize ans et j’ai un physique banal. Quand je dis "banal" c’est que je suis un peu comme tout le monde, et si on me croise dans la rue, j'imagine qu'on ne va pas se retourner sur moi ! J’ai les yeux marron, les yeux de cochon. J’ai les cheveux châtains clairs, un nez qui n’est pas choquant et des lèvres pulpeuses. Sur mon front, je commence déjà à avoir quelques petites rides, des rides d’expression, certes, mais ce sont des rides ! Si j’en ai maintenant, imaginez comment je serai à cinquante ans ! Ce que l’on remarque tout de suite chez moi c’est ma taille. Je suis petite, très petite même, je suis un minimoys. On m’a tellement fait de blagues sur ma taille que ça ne me vexe même plus. De toute manière, la solution à ce problème, ce sont les talons. D’ailleurs, en parlant de talons, mes pieds aussi sont tout petits, tellement petits que je peux me chausser au rayon enfant. Je ne trouve jamais ma taille dans les chaussures qui me conviennent. Bref, je m’appelle Juliette, et si on avait une chose à retenir de mon physique, c’est ma petitesse. 74

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Ma fiction Tant de souvenirs se trouvent dans cette ville. J’y ai passé les plus beaux jours de ma vie. Les bruits, les lumières, la population… J’aimais tout ce qui s’y trouvait ! Je me souviens des matins, quand je sentais le soleil se lever et passer à travers la fenêtre pour se poser doucement sur mon visage. Je me souviens du petit livreur de journaux qui attendait devant la porte pour avoir un dollar. Je me souviens du bruit des voitures, de leur klaxon. J’adorais cette ville ! Tout était grand, moi j’étais tout petit, je devais lever la tête pour voir la fin de tous ces grands buildings. La population était mélangée, il y avait différents quartiers. Je me sentais vivre dans cette ville ! Mais maintenant… maintenant je la contemple car cette ville n’est plus ma ville. Je suis là et pourtant on ne me voit plus. Je crie mais on ne m’entend plus. Mon esprit est là mais mon corps, lui, je ne le sens plus. Chaque jour qui passe, je suis condamné. On ne me regarde plus. Je ne peux compter sur personne. On ne me porte plus la moindre attention. Je ne suis plus qu’un pauvre homme errant dans les rues. Comment ai-je pu en arriver là ? Je suis assis, seul, sur ce banc, invisible aux yeux des gens, damné.

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melanie Gouttiere

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Mon autoportrait La plupart des gens n’ont jamais réussi à déterminer si j’étais châtain, brune ou rousse.. À vrai dire, il est assez dur de se décider sur une couleur alors que celle-ci change au gré des saisons. Mais je suis brune. Enfin non, j’étais brune, maintenant je suis rousse, les cheveux mi-longs. En vérité, chez moi, tout est éphémère. Mes cheveux sont un peu comme moi, indisciplinés, confus, jamais d’accord les uns avec les autres, bordéliques, mais parfois subitement parfaitement rangés, calmes, droits, en parfaite harmonie. Ils sont lunatiques, changent subitement d’humeur un peu comme moi. Donc, je suis comme l’on dirait "bordélique", mais étrangement, si par pulsion je me décide à tout ranger, je deviens une vraie fée du logis et astique les moindres coins et recoins. Mais vous imaginez bien que cela n’arrive que deux à trois fois par an. Comme je le disais, chez moi tout est transitoire, j’ai des manies qui s’en vont et qui reviennent, comme me gratter la paume de la main quand je suis stressée, me craquer le dos en toute 78

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circonstance, m’arracher les ongles avec les dents, corner les pages de mes livres, ou cacher mon nez avec mes mains sur les photos. Ah Mon nez ! J’ai un nez.. trop long et trop triangulaire, trop large, que je déteste voir de profil, de face, de haut ou par le bas. Merci papa ! Mais bon, en essayant d’être le plus optimiste possible je peux vous dire que mon corps est plutôt fin, mais bien proportionné, avec, donc, une petite poitrine. J’ai des yeux très foncés, j’aime bien mes yeux même si j’aurais préféré qu’ils soient bleus ou verts. J’aime bien leur forme et le fait que mes pupilles soient parfaitement imperceptibles. Il me manque facilement dix centimètres, rien d’alarmant, je me console en me demandant si ces filles aux jambes titanesques font réellement rêver les hommes. Et puis ma taille n’est pas pour moi un problème insoluble, je peux abuser des talons vertigineux. Enfin pour résumer je ne suis pas parfaite, Je commets des erreurs, j’en commettrai encore, je sais que je suis naïve, que je rêve sans débouchés, que je suis insupportable, têtue comme un mulet. Et je ne peux pas tout à fait dire que ça me convient, mais c’est comme ça que je suis.

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' Si j'etais... Je ferais

Je suis comme une petite boîte, une bulle. Parfois au sommet d’une montagne, au cœur de l’océan, en pleine forêt tropicale, dans une prairie, une plage méditerranéenne, dans un château du Moyen-âge, dans une cabane suspendue dans les arbres. Je suis nulle part et partout à la fois, je suis ce que l’on veut que je sois. Un univers isolé, protégé, fermé, une petite pièce peu éclairée, ou alors une grotte, une salle à manger, une terrasse d’été, un jardin fleuri. Je suis sur mesure, jamais le même, laissant libre court à vos imaginations.

à vous de décider. Je peux vous faire entendre les harmonies les plus douces, vous faire voir les couleurs les plus éblouissantes, le soleil le plus étincelant, le ciel le plus radieux. Je peux vous emmener loin de chez vous ou bien chez vos voisins. J’expérimente la sérénité, rend réel un endroit que vous visualisez, un lieu vraiment parfait, votre utopie personnelle. Je suis les songes de la nuit, les rêveries de la journée, les fantasmes et les mythes. Je suis le génie sous la lampe, les trois vœux en un seul. C’est à vous de choisir qui je suis, choisir ce que je dois être pour enfin parvenir à damner vos souffrances.

Je suis obscur mais rassurant, petit mais important, doux et chaleureux. On vient à moi pour oublier, pour se libérer de souvenirs pénibles et funestes, et atténuer son chagrin. Je peux vous faire rire, parler, pleurer, réfléchir. On ne me trouve pas, c’est moi qui vous trouve. On ne me voit pas, c’est moi qui vous vois. J’apparais subitement, sur un mur par exemple. Je suis d’abord une porte, qui renferme vos plus grands désirs et fantasmes. Vous passez à travers moi, laissez la source de vos ennuis derrière vous et s’envoler toute la tension et le stress, et c’est 81


MA FICTION Il y a de cela fort récemment, une ville, enfin un village, un village pas commun, particulier, inaccoutumé, où vivaient des habitants, simples, mais.. surprenants. La grande majorité des villageois étaient pour le moins.. enrobés. Troue-Duper, c’est le nom de ce petit hameau situé au milieu de nulle part. Chaque année, le maire du petit patelin organisait un concours assez particulier. Il avait lieu le jour de Noël. Après les dindes les plus farcies, les bûches les plus abondantes, le foie le plus gras des oies les plus gavées, le village entier participait à une pesée générale, dans l’aspiration d’un jour être reconnu comme la plus grosse ville du monde, car comme le disait le célèbre proverbe de Vinston Kurchill: "Le secret de la santé c’est boire, manger, fumer et ne surtout pas faire de sport". C’est pour cela que dès décembre, les habitants se gavaient comme des oies. Mais cet évènement, n’était pas n’importe quel événement, c’était aussi l’espérance pour toutes les jeunes jolies et rondes filles célibataires de rencontrer l’âme sœur. Et, cette année-là, les sœurs Aime et Naime comptaient bien faire tourner la chance de leur côté. Malgré leur gémellité, elles étaient très différentes. Aime était aimée. Aime pesait 50 Kilogrammes de plus que sa sœur et faisait la fierté de la famille, Aime était populaire, elle avait trois amis, son chat, sa Smirnoff et sa sœur. Aime gagnait bien sa vie, c’est elle qui encaissait les articles au FleshyMarket Aime savait faire la part des choses, s’amuser et travailler, par conséquent, elle était sobre tous les dimanches, ce n’était tout de même pas une ivrogne. Naime.. quant à elle, et bien, elle faisait des études, des études de droit, oui de droit. "Elle fait encore des études à son âge!", disaient ses parents. "Elle

devrait prendre exemple sur sa sœur. C’est une caissière sa sœur, une caissière très bien payée, elle", disaient ses voisins La pauvre Naime n’était pas aimée, elle n’avait que trois amis, son chat, sa Smirnoff et sa sœur. En face de chez elles, il y avait Quick. Quick? Un homme ou une femme… selon les saisons ça change.. En automne c’est un homme, en hiver c’est une femme, au printemps c’est les deux, et en été on ne sait pas. Tout le monde connaissait Quick, Quick ne connaissait personne. Il (enfin, "elle") était célibataire, très solitaire, et vivait dans un magnifique mobil-home. Chaque année Quick allait fêter Noël avec le reste des villageois, mais dansait seul, comme un gros ours, remarquable au milieu de la piste, avec la même robe moulante, décolletée, et un poil vieillotte mais sexy, qui mettait en valeur ses proéminences inharmoniques. Pour le reste des villageois, cette robe, digne des plus grands designers, cette robe époustouflante, cette robe à couper le souffle était symbolique. Quick, dans cette robe, était l’incarnation des valeurs du village. Et Quick n’avait jamais de cavalier, sauf son collant de cousin.. Ah ! Le fameux cousin! Tanguy, le bouc émissaire de la ville entière. Du haut de ses trente ans, toujours chez ses parents, Tanguy était le plus maigrichon des habitants de toute la ville ! Et fatalement, le plus méprisé. Le pauvre garçon avait beau s’empiffrer à longueur de journée, il ne prenait pas un petit milligramme. Au contraire, trop stressé par son entourage, il perdait du poids. Tanguy désirait plus que tout pouvoir un jour être comme son père. Son père, était le Maire de la ville : le Maire Michon, l’appelait-on. C’était aussi l’homme le plus opulent de toute la ville, admiré de tous malgré sa grande

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arrogance, son narcissisme, et ses tendances à mettre mal à l’aise l’assemblée. Il était chauve, mais l’avantage pour un chauve, ce sont les économies de shampooing. Et Mr Michon était aussi un grand radin. Son fils, son "gringalet" sa «planche à pain» son "maigrelet" était pour lui une source d’ennuis. Les relations père et fils étaient en effet assez.. bon, très tendues "Je ne dis pas que je ne t’aime pas, c’est juste que si tu étais en feu et que j’avais de l’eau, je la boirais". Voilà en une seule phrase tout le tempérament de Mr Michon. Le Maire Michon avait une femme, une épatante cuisinière dont Mr Michon était fière, car elle concoctait chaque année, les plats les plus merveilleusement gras. Et notamment la célèbre spécialité locale, appelée le "GrosGrasBeurré", un énorme sandwich plein de protéines, vitamines, fer.. Tout ce qu’il faut pour gagner ! Quand le jour de Noël arrivait, tous les villageois mettaient tout en œuvre afin de se singulariser et de se faire remarquer de tout le monde. Aime dans sa robe de viscose satinée, Naime dans sa robe col roulé. Quick dans cette fameuse robe de chaque année, Tanguy dans un costume trop large et abîmé, Mr Michon dans une chemise tiraillée par son ventre colossal et néanmoins ravissant. Tout le monde semblait heureux, mais les apparences sont parfois trompeuses. Et derrière ces visages épanouis, le tableau joyeux cache une vérité bien plus amère et déplorable. Car non, TroueDuper ce n’est pas un petit bout de paradis, non, en fait, c’est l’incarnation de nos démons. Car comme le disait Oscar Wilde : "Nous sommes chacun notre propre démon et nous faisons de ce monde notre enfer".

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les illustrations de thibaud et lolita

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La tour de Babel, illustration : Thibaud Bleuse

Along the road, illustration : Lolita Grassia

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Remerciements à

Les textes de ce recueil ont été rédigés lors d’un stage d’écriture au Théâtre du Rond-Point, du lundi 17 au vendredi 21 février 2014. Cet atelier a été dirigé par David Wahl, dramaturge et auteur, et encadré par leur enseignante de lettres, Elodie Crouzillas. Ce projet a vu le jour grâce à la collaboration entre la Fondation Culture & Diversité, le Théâtre du Rond-Point. et le lycée Evariste Galois de Noisy-le-Grand David Wahl

Elodie Crouzillas

Charlotte Jeanmonod

Giovanni Cittadini Cesi

Marine Boissay

Garance Laurenceau

Un immense merci à Juliette Aït Tadrart, Thibaud Bleuse, Clara Colonna, Maïmouna Coulibaly Julie Delrieu, Marie-Céline François, Mélanie Gouttière, Lolita Grassia, Yasmine Issifou, Auriane Jaillet, Soukeyna Kane, Laurène Lamarche, Plamedi Matembele, Mahesh Ranasinghe pour leur participation et leur confiance. Et merci à toute la classe de 1ère L.

M. Ricci, proviseur, et Mme Zamord, proviseure adjointe du lycée Evariste Galois Toute l’équipe de la Fondation Culture & Diversité Jean-François Tracq, secrétaire général, Julia Passot, responsable de la communication, July Creuzot, assistante communication et toute l’équipe du Théâtre du Rond-Point Crédits photos: L’autoportrait, l’objet: Givanni Cittadini Cesi Photographies d'art: p. .64, p. 83, p. 88, Martin Parr; p. 67, 73, Dina Goldstein; p. 70, Karatzas Architects; p. 77, JF Rauzier. Couverture : illustration Thibaud Bleuse

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LycĂŠe Evariste Galois de Noisy-Le-Grand


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