Habad Magazine - Edition Spéciale

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‘HABAD m aga z i n e

Trimestriel n° 7 | Kislev 5775 | Décembre 2014 | 5€

Édition spéciale



sommaire

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4Editorial 6Ktav Yad Kodech

m aga z i n e

Trimestriel n° 7 | Kislev 5775 | Décembre 2014 | 5€

En suivant les conseils...

Édition spéciale 02/12/2014 11:02

36 Interview avec le

Reb D. Amram

Rav M. M. Sarfati

26 Dans l'avion de

retour de la Levaya C. Lubecki

7Le Groupe 14 Mon beau-frère,

26 Témoignage d’un Chli'ah

Chnéor Zalman Gershovitz

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Rabbin de Poissy

39 Hommage a Rav Moulé

Rav Y. Y. Amar

43 Siyoum Harambam

autour de la planète

Fès, Le Caire, Tibériade...

Moulay

par le Rav Adin EvenIsraël (Steinsaltz)

Articles et contenu réalisés par : ‘HABAD Magazine - Rouen 10, Imp. du Renard - 76000 ROUEN Tél : 06 13 79 24 08 Email : habadmagazine@gmail.com 7_Habad_Kislev_75.indd 1

20 La révolution française

Rav Moulé

Magazine n° 7 | Kislev 5775 | Décembre 2014 Tous nos remerciements aux éditeurs du magazine "Chasidishe Dehrer" (anglais) pour avoir accordé l'autorisation de traduire certains articles parus dans ce magazine.

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‘HABAD

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Directeur de la publication : S. Lubecki

Ont collaboré à ce numéro : G. Cohen, B. Amram, H. Altabé, H. Asseraf, M. Assouline, S. Atlan, H. Gabay, H. Journo, R. Kauffman, L. Lachkar, F. Lubecki, S. Lubecki, M. Matusof. Crédits photos : Eli Yona, JEM Media, Lt Créa, Lubavitch Archives, Rebbes Archive - Machon Avner, Zalman Kleinman, T. Guez. Graphisme & Direction artistique : Mendel Touboul - contact@eyedesign.fr Publicités : habadmag@gmail.com

Imprimerie du Canal : 12, rue des Immeubles Industriels - 75011 Paris © Tous droits réservés. Tous les articles et les photos présents dans ce magazine sont protégées par les lois en vigueur sur la propriété intellectuelle et ne peuvent êtres utilisés sous quelque forme que ce soit, sans autorisation écrite.


EDITORIAL

RAV MOULÉ

C

e numéro est dédié principalement au Chali’ah inoubliable, Rav Moulé Azimov qui encouragea fortement l’initiative du « ‘Habad Magazine ». A plusieurs reprises, il nous renforça et nous encouragea à continuer d’éditer ce magazine.

Beaucoup d’articles ont été écrits dans la presse juive nationale et internationale sur Rav ...si les enfants Moulé et, en particulier, observent le dans ce numéro, mais il semble qu’une chose était Papa étudiant très importante à ses yeux : la Torah, plongé La La’hlouh’it, la chaleur ‘hassidique et l’éducation dans un Ma’amar ‘hassidique. Nous savons de ‘Hassidout le tous à quel point il investit d’innombrables heures Chabbat matin, pour faire Farbrenguen assistant au chaque Chabbat et fête ‘hassidique, cette coutume Farbrenguen ‘hassidique étant si imporChabbat tante pour la construction d’un ‘Hassid.

après-midi...

De même, chaque fois qu’il parlait avec des parents, il insistait sur l’importance de l’effort à fournir afin qu’il y ait une ambiance ‘hassidique à la maison : ceci n’était possible, affirmait-il, que si les enfants observent le Papa étudiant la Torah, plongé dans un Ma’amar de ‘Hassidout le Chabbat

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matin, assistant au Farbrenguen Chabbat après-midi. Il insistait également aussi sur l’importance de se rendre avec sa famille chez le Rabbi, au moins une fois par an ou tous les deux ans, pour prendre des forces. Toutes ces choses sont essentielles pour une maison ‘hassidique, ce n’est qu’ainsi, disait-il, qu’on peut s’attacher au Rabbi d’une Hitkachrout sincère et profonde. Il nous semble que ce magazine est un vecteur important de cette chaleur ‘hassidique car il relate et développe différents événements autour de la ‘Hassidout ; il rapporte ce qui se passa chez le Rabbi et surtout, le développement de ‘Habad en France, pays dans lequel le Rabbi et la Rabbanite ont labouré et semé puis ont rapproché de la Torah et de la ‘Hassidout le « groupe » français, et en particulier les premiers membres du groupe (voir article sur le « groupe » dans ce numéro). Les ‘Hassidim dans le monde, et les ‘Hassidim français en particulier, ont perdu un ‘Hassid fidèle, un Machpia et guide qui était un exemple vivant de ce que doit être un ‘Hassid entièrement dédié et attaché au Rabbi. Cependant, nous sommes sûrs que, de là où il se trouve actuellement, Rav Moulé réclame et demande le dévoilement de notre Rabbi, avec la venue imminente de Machia’h, Now ! La rédaction 6 Kislev 5775

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Ktav Yad Kodech

‫כתב יד קודש‬ EN SUIVANT LES CONSEILS... Fac-similé d'une réponse manuscrite du Rabbi à Reb Mendel Lubecki, du 7 Adar I 5733 :

En réponse à ses questions : 1) Programme d'étude et de Tefila etc. - selon le conseil du Rav Nissan Nemanow. 2) Concernant le Chidou'h [il suivra] le conseil d'amis craignant D.ieu [se trouvant] sur place. 3) Le travail d'Oufaratsta (diffusion du judaïsme) comme sa conduite jusqu'aujourd'hui, en suivant les conseils du Rav Chmouel Azimov. Et que D.ieu lui accorde la réussite.

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‫ א) סדר‬:‫במענה לשאלותיו‬ ‫ כעצת הרה״ח וכו׳‬- ‫בלימוד ותפלה וכו׳‬ ‫ ב) בנוגע‬.‫וכו׳ הר״נ שי׳ נעמאנאוו‬ ‫ כעצת ידידים יראי שמים‬- ‫לשידוך‬ ‫ ג) עבודת ״ופרצת״‬.‫שעל אתר‬ ‫ כהנהגתו עד עתה לפי הוראות‬‫בהתייעצות עם הרב שמואל שי׳‬ .‫ וה׳ יצליחו‬.‫אזימאוו‬

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Le « Groupe »

P

eu de personnes savent aujourd’hui que le surnom affectueux « le groupe » que l’on attribue aux premiers Anach de Paris – est en fait un surnom donné par le Rabbi en personne au premier groupe de Français venus au 770 en Elloul 5729 (1979). Ce surnom fut gardé d’année en année, et c’est ainsi que le Rabbi désignait les Français rapprochés par Rav Moulé. Mais avant tout, remontons dans le temps pour essayer d’avoir une vue d’ensemble sur le travail de diffusion du judaïsme qui débutait dans le Paris d’après-guerre. Dès que le Rabbi prit la Nessiout - direction du mouvement ‘Habad, et même avant cela - le Rabbi demandait et suppliait les Anach arrivant à Paris (depuis la Russie) de s’occuper de la diffusion du judaïsme. Le Rabbi était très insatisfait du fait que les Anach n’étaient pas assez actifs à son goût dans ce domaine. Il envoya même plusieurs lettres exprimant son fort mécontentement. Alors, en 5722 (1962), le Rabbi envoya à Paris une équipe de jeunes élèves Chlou’him à la Yechiva Tom’hei Tmimim de Brunoy. Ces élèves commencèrent à diffuser le judaïsme à Paris et dans les banlieues les plus lointaines. Le Rabbi fit part au Rav Bentsion Shemtov qu’il était très content du travail de ces jeunes Chlou’him. Certains de ces élèves restèrent à le Yechiva plusieurs années pour continuer leurs actions dans la diffusion du judaïsme. Le Rabbi les encouragea à plusieurs reprises et leur donna des bénédictions particulières. Par la suite, en 5724 (1964), lorsque le Rav Chmouël Azimov a’’h (appelé affectueusement Rav Moulé) était

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au 770 en tant que Ba’hour, il était toujours aussi actif dans la diffusion du judaïsme. Le Rabbi lui dit lors d’une Ye’hidout : « Tu auras une grande réussite. Le sens d’une grande réussite est une réussite qui dépasse ce que l’on peut imaginer ». Rav Moulé retourna alors en France tout revigoré, avec de nouvelles forces, il continua ainsi son action en se concentrant particulièrement sur les jeunes en différents endroits. Il leur dispensait des cours de ‘Hassidout etc. pour les rapprocher de la Torah. Lorsque Rav Moulé vint chez le Rabbi en 5726, le Rabbi lui dit lors d’une Ye’hidout particulière qui eut lieu au petit matin : « Continue à apprendre avec les jeunes avec lesquels tu as commencé, apprenez Niglé, ‘Hassidout et la crainte de D.ieu ». Dans les années qui suivirent, le Rabbi envoya plusieurs lettres d’encouragement à Rav Moulé. En 5727 (après la Guerre miraculeuse des Six Jours en 1967), suite à l’afflux de nombreux jeunes se rapprochant du judaïsme et en particulier de la ‘Hassidout, il fut décidé de créer une structure pour les accueillir pendant les mois d’été. Cette structure fut d’abord créée dans le cadre de la Yechiva de Brunoy et fut appelée le « séminaire ». Le séminaire était un « déclencheur » de premier ordre du rapprochement des jeunes vers leur source. Là ils pouvaient assister à des cours, étudier en binôme avec des élèves de la Yechiva et pouvaient profiter de l’ambiance générale de la Yechiva. Après quelques années, les locaux de la Yechiva devenant trop petits pour accueillir le nombre grandissant de participants

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au « séminaire », il fut décidé de louer un hôtel dans les Alpes pour y organiser le séminaire. Avec le temps, les jeunes du séminaire fondèrent des familles, mais chacun tenait à louer des appartements près de l’hôtel pour continuer à participer au séminaire. Aujourd’hui, près de 150 familles viennent chaque année au séminaire ainsi que 120 jeunes. En 5728, Rav Moulé se fiança avec la fille du Rav Bentsion Shemtov. A cette époque avait lieu l’inauguration du premier Beth Loubavitch (dans le monde) à Londres. Le Rabbi demanda au Rav Shemtov d’amener avec lui pour l’inauguration son futur gendre le Rav Azimov puisque « par la suite, il sera responsable de la Jeunesse Loubavitch à Paris ». Après le mariage, le jeune couple Azimov retourna en France. Le Rabbi et la Rabbanite accordèrent une grande importance à leur Chli’hout et leur manifestèrent une grande affection au moment de leur départ. Quelques jours avant le départ, ils se rendirent chez la Rabbanite (qui témoignait souvent des marques d’affection envers Mme Azimov – qui avait perdu sa mère quelques années auparavant). La Rabbanite leur dit soudain : « Pourquoi vous pressez-vous pour partir ? Vous pouvez voyager dans quelques jours… ». Ils voyagèrent tout de même, mais ils eurent quelques soucis qui les obligèrent à rebrousser chemin vers New York. Ils arrivèrent à Paris seulement le 2 Iyar (symbole du fameux « Le’hat’hila Ariber »). On peut considérer qu’en ce jour fut fondée la Jeunesse Loubavitch de Paris. Il est à noter que ce même jour, veille du premier mai 1968 éclata la fameuse révolte estudiantine. Comme si que, quelque part, ce jour était destiné à être source de révolutions…

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le Rav Azimov au judaïsme. Depuis, on surnomme les Anach de Paris et région « le Groupe ».

Par la suite, les actions de diffusion du judaïsme allèrent en s’intensifiant, puis en Tichri 5730 (1970), un groupe de dix jeunes se rendit chez le Rabbi pour toutes les fêtes de Tichri. C’était une grande première pour le judaïsme français. Le Rabbi leur manifesta de grandes marques d’affection, se soucia qu’ils aient un endroit pour manger, dormir etc. (Il est à noter que par la suite, le Rabbi tint à participer personnellement aux frais liés au voyage).

Rav Binyamine Mergui et Rav ‘Haïm Melloul, qui faisaient partie de ce groupe racontent : « Le jour de notre arrivée, le Rabbi appela son secrétaire le Rav ‘Hodakov et lui demanda : « As-tu préparé un endroit pour les jeunes qui viennent aujourd’hui de France, afin qu’ils puissent, s’ils le désirent, boire un verre de thé ?’ ». Après ce mois de Tichri, le Rabbi exprima à un des secrétaires son mécontentement du fait que cela n’était pas (alors) naturel et évident chez les habitants locaux d’accueillir les invités pour « leur proposer un verre de thé ».

Ce sont les membres de cette équipe que le Rabbi surnomma « le Groupe »; par la suite, le Rabbi attribua ce surnom à chacun de ceux qui étaient rapprochés par

La veille de ce Soukkot, le Rabbi demanda qu’un représentant du groupe vienne prendre les Quatre Espèces que le Rabbi donnera personnellement pour le groupe.

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Les jeunes tirèrent au sort pour déterminer qui sera le représentant… Le sort tomba sur le Rav ‘Haïm Melloul. On raconte qu’à cette occasion le Rabbi demanda combien de jeunes composaient ce groupe, on répondit qu’ils étaient douze. Le Rabbi donna treize Hadassim. Dès que Rav Melloul sortit du bureau du Rabbi, un taxi arriva soudain devant le 770. Dans ce taxi se trouvait un treizième français du groupe qui venait d’arriver chez le Rabbi… Le Rabbi donna comme instruction à la plupart des membres de ce groupe (ainsi qu’aux groupes des années suivantes) qu’ils devaient continuer leurs études et rapprocher ainsi les jeunes se trouvant dans les universités. Le Rabbi attendait de chacun de ces jeunes d’être assez inspiré pour inspirer d’autres jeunes ! Dès leur retour de chez le Rabbi, Rav Moulé rassembla les membres de ce groupe. Il demanda à chacun de raconter ses impressions personnelles du voyage (il s’avéra par la suite que c’est le Rabbi qui avait donné l’instruction d’organiser cette réunion !). Vers la fin de la réunion, Rav Moulé leur annonça que le Rabbi offrait à chacun d’entre eux un Tanya petit-format et la somme

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de quatre-vingt-dix dollars. Alors, à la surprise de tous, Rav Moulé leur dit : « Le Rabbi a dit qu’il voulait en fait vous accueillir pour une seconde Ye’hidout avant votre retour, mais vu que certains étaient déjà rentrés, il ne voulait pas leur faire de la peine et cette Ye’hidout ne put être organisée… ». Le voyage chez le Rabbi était le déclencheur du rapprochement de ces jeunes à la ‘Hassidout et au Rabbi. Ces jeunes voulaient alors à tout prix arrêter leurs études profanes pour aller à la Yechiva. Mais le Rabbi leur donna comme instruction de rester à l’université. Ils purent ainsi rapprocher des centaines de jeunes juifs au judaïsme. A cette époque, la majorité des Juifs français n’étaient pas religieux. Dans toute la France, s’il y avait cent familles religieuses, c’était déjà un exploit… Tous ces Juifs non religieux envoyaient évidemment leurs enfants à l’université. On peut imaginer l’effet que cela faisait de voir arriver à l’université des jeunes ‘Habad avec barbe et chapeau, et en plus, ces jeunes étudiaient à l’université ! 9


Par la suite, le Rabbi dit au Rav Azimov : « Que ces locaux s’emplissent de jeunes gens et jeunes filles jusqu’à que ce l’on dira qu’il n’y a plus de place, et que l’on entende de bonnes nouvelles ». La bénédiction du Rabbi s’accomplit, et continue à s’accomplir puisque chaque Beth ‘Habad qui ouvre devient très vite trop petit… ».

Entre temps, des milliers de jeunes commencèrent à se rapprocher au judaïsme, une grande partie directement dans les universités. Sur cette époque raconte Rav Chalom Cohen : « A cette époque, on ne pouvait trouver à Paris du lait Cachère, on devait aller chercher du lait en Suisse ! La viande glatt ? Qui y pensait… ». Ainsi, de plus en plus de cours furent organisés directement dans les universités ; en 5730 (1970), plus de cinquante (!) cours étaient déjà en place dans les universités. Par ailleurs, chaque vendredi, ces jeunes se rendaient dans les banlieues parisiennes pour y passer Chabbat et encourager les habitants juifs à venir à la Synagogue. Une fois à la synagogue, les jeunes du groupe organisaient le repas de Chabbat, encourageaient les locaux à se rapprocher du judaïsme et surtout, ils les encourageaient à instaurer dans la synagogue un nouveau cours qui continuerait tout au long de l’année ! Petit à petit, on commençait à apercevoir dans Paris des signes distinctifs juifs comme la Kippa, les Tsitsit, la barbe etc. De plus en plus de jeunes s’engageaient avec enthousiasme à retourner vers la Torah et les Mitsvot. A l’approche de Youd Alef Nissan 5732 (soixante-dixième anniversaire du Rabbi), le Rav Azimov remit au Rabbi les clés des locaux du Beth Loubavitch que l’on venait d’acquérir. Ce « local » faisait partie des soixante et onze institutions que le Rabbi avait demandé de construire dans le monde à l’occasion de son soixante-dixième anniversaire – en tant que cadeau d’anniversaire. 10

A l’occasion de l’inauguration officielle du « local » du Beth Loubavitch qui eut lieu le 19 Kislev 5733 (1973), le Rabbi envoya une lettre très particulière dans laquelle il donnait sa bénédiction pour que « cette maison soit un bouclier et rempart contre le gel et la ferveur de ce qui n’est pas bien ». (Il est à noter que dans cette lettre, le Rabbi mentionne chacun des Rebbeïm de ‘Habad ainsi que le père du Rabbi – Le Rav HaGaon HaMekoubal Reb Levik). Dès lors, le Rabbi s’intéressait toujours particulièrement à tout ce qui se passait au Beth Loubavitch. A plusieurs jeunes qui entraient en Ye’hidout, le Rabbi donnait l’instruction de venir au cours du dimanche au Beth Loubavitch. Une fois, le secrétaire du Rabbi (Rav ‘Hodakov) demanda (probablement au nom du Rabbi), si les jeunes gens venaient étudier au Beth Loubavitch lorsqu’ils avaient des moments libres ». Par ailleurs, lors d’une Ye’hidout de cette époque, le Rabbi dit à une des jeunes filles de Paris : « Puisque Rav Azimov a maintenant ouvert le Beth Loubavitch à Paris, certainement que vous aurez de quoi faire et agir là-bas… ». Les activités du Beth Loubavitch allaient en s’amplifiant, mais il semble que le moment fort était le dimanche où le « local » était plein de monde. Des personnes de tout âge et tout niveau venaient étudier des cours de Guemara et ‘Hassidout. Des cours pour hommes et dames y avaient lieu également tout au long de la semaine. En 5733, le premier Gan (jardin d’enfants) du Beth Loubavitch ouvrit ses portes à Orly dans la région parisienne. Ce Gan accueillit les enfants des Anach et proches du mouvement ‘Habad.

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Rav Messod Bensoussan, directeur du Gan, raconte : « Au départ, le Gan commença avec seulement trois enfants dans la maison d’un particulier… Avec le temps, les gens entendirent parler du Gan et commencèrent à y envoyer leurs enfants, jusqu’à qu’il fut nécessaire de louer un immeuble uniquement pour le Gan… Aujourd’hui, le Gan est un modèle pour les dizaines de Gan qui ont ouvert dans Paris et sa région ».

L'inauguration du Local

Reb Mena’hem Peretz raconte : Voici une histoire parmi tant d’autres, de ce qui m’a marqué chez le Rav Azimov, au plus profond de mon âme : J’ai l’habitude de me rendre chaque année avec mon épouse au Gala annuel du Beth Loubavitch. Plus de 1500 personnes participent à ce Gala. Y sont présents de nombreux Chlou’him, des grands Rabbanim, des généreux donateurs, de nombreux notables de la communauté. Ce Gala est le moment dans lequel les amis du Beth Loubavitch montrent leur reconnaissance à l’action du Beth Loubavitch. Il y a trois ans de cela, mon épouse et moi-même n’avons malheureusement pas pu venir au Gala. Une semaine plus tard, je rencontre Rav Moulé au mariage d’un ami, je m’approche de lui pour le saluer et là, avant même que j’ai pu dire un mot, Rav Moulé me lance : « Où étais tu la semaine dernière au Gala ? Je ne t’ai pas vu… ». J’étais sidéré !! Qu’est-ce que cela peut bien lui faire si un jeune de vingt-cinq ans vient ou ne vient pas au Gala…. Comment, parmi tout le grand monde a-t-il pu remarquer mon absence ? J’ai pu m’apercevoir comment Rav Moulé se souciait de chacun, et dans le détail. Il tenait à ce que l’on sache qu’il y a quelqu’un qui pense à nous.

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Le « groupe » de développa davantage. Puis, Rav Azimov ouvrit un ‘Heder, une école pour garçons où l’on étudie uniquement du Kodèch toute la journée ! C’était du jamais vu dans le Paris de cette époque ! Aujourd’hui, plus de deux cents enfants apprennent quotidiennement dans ce ‘Heder. Suite aux Mivtsaimes-actions que le Rabbi lança, et surtout suite à la demande du Rabbi de faire vérifier les Tefillines et Mezouzot, Rav Azimov ouvrit un Centre de vérification de Tefillines et Mezouzot ; ce centre est aujourd’hui le plus grand centre d’Europe où l’on peut également acheter des Tefillines et Mezouzot. Par la suite, Rav Azimov mis en place des Chlou’him pour ouvrir des Beth ‘Habad dans différents quartiers à forte affluence juive. Par ailleurs, une école pour filles fut ouverte – la plus grande école d’Europe aujourd’hui. Cette école fut appelée Beth ‘Hanna, puis Beth ‘Haya Mouchka après la départ de ce monde de la Rabbanite ‘Haya Mouchka. Cette école est dirigée par Rav Messod Touboul. A la demande de plusieurs proches du mouvement, fut ouverte une école pour garçons ou l’on étudie également les matières scolaires classiques. Cette école est dirigée par Rav Binyamine Mergui. Il est à noter que Rav Azimov s’efforçait de manière générale de nommer comme Chlou’him des jeunes couples originaires de France et qui avaient grandi 11


en France. Aujourd’hui, on compte plus de cent vingt Chlou’him en Ile-de-France. Le mot d’ordre de Rav Azimov était qu’il faut lancer des cours de Torah et ne pas l’annuler, ne serait-ce qu’une fois, même pour un seul participant. Pour Rav Azimov, les cours étaient le vecteur principal pour ramener un Juif à la Torah et aux Mitsvot. Pour les anciens du « groupe » ainsi que pour ceux qui étaient proches de Rav Azimov dans ses actions, le départ de ce monde de Rav Azimov est un grand choc. Rav Messod Touboul, directeur de l’école Beth ‘Haya Mouchka explique : « Rav Azimov, à part toutes les qualités qu’on peut raconter, avait une grande qualité : chaque détail était très important pour lui. Ce n’était pas seulement les détails liés à l’institution ou à la direction, mais aussi chaque détail de chaque personne. Rav Azimov se souciait de l’avancée de chaque élève et chaque famille. Lorsqu’il voyait par exemple qu’une famille avait des difficultés à payer la scolarité, il donnait l’instruction d’accepter les enfants sans poser de questions… ». Rav Binyamine Mergui, directeur de l’école des garçons et excellent orateur, raconte comment Rav Azimov avait des principes auquel il tenait fort, sans concession. Par exemple, Rav Azimov tenait à ce que dans un foyer ‘Hassidique, le père doit étudier pour lui-même, ne pas se suffire de donner une bonne éducation mais aussi d’être un exemple par sa personne, ce qui est capital et essentiel dans l’éducation. Rav Azimov exigeait de tous, sans exception, d’être actifs dans les Mivtsaimes du Rabbi. Il avait l’habitude de dire : « [Même] si tu connais [uniquement] le Alef, tu dois enseigner à un autre juif ce Alef ». Rav Mergui continue : « Rav Azimov laisse derrière lui ses chers enfants, Rav Mendy et Rav Levy ainsi que Madame Esther Marozov qui continueront sur la voie tracée par leur père. Ce sont eux qui continueront la Chli’hout de leur parents telle que Rav Azimov l’avait exprimé lors des Chiva de son épouse, Mme Batia Azimov a’’h.

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Rav Levi Its’hak Asseraf raconte : Le premier souvenir que j’ai du Rav Moulé est lorsque j’avais cinq ans, lors de la cérémonie de l’Ha’hnassat ‘Heder. Le Rav avait l’habitude de prendre sur ses genoux l’enfant qui fêtait son anniversaire, il l’enveloppait d’un Talit et lisait avec lui l’Alef Bet. Lorsque mon tour arriva, j’étais très timide, ayant compris ce qui allait se passer… je m’enfuis et allais me cacher sous une table dans une des classes… Au bout de quelques minutes, on me trouva. J’étais sûr que le Rav allait me gronder. Non seulement il ne me gronda pas, au contraire, il me couvrit de son Talit avec un sourire gravé dans ma mémoire jusqu’aujourd’hui. Lorsque nous étions en Kita Beth, la seconde classe du ‘Héder, Rav Moulé était notre professeur du matin. Une fois, il rentrait de chez le Rabbi et il nous ramena, pour chacun d’entre nous, une Haggadah de Pessa’h avec les commentaires du Rabbi. Cela nous avait beaucoup touchés. Lorsque j’avais vingt ans, j’avais beaucoup de dettes et j’allais le Chabbat avant le séminaire à Grenoble, car ils n’avaient pas de ‘Hazan pour Chabbat. Je leur ai lu la Torah, raconté des histoires etc. Le dimanche suivant, je reçus un coup de fil du président de la communauté me demandant : « Nous voudrions que vous deveniez le Rabbin de nôtre communauté et comptons vous rémunérer convenablement ». Quelques jours plus tard, j’étais au séminaire en j’en parlais à Rav Azimov. Il me demanda pourquoi je voulais prendre sur moi une telle tâche ? Je répondis que j’avais des dettes et comptais ainsi les rendre facilement. Il me répondit qu’un Ba’hour de Yechiva ne doit pas travailler. Il me demanda de lui écrire sur une feuille les noms des créanciers et la somme que je devais, et qu’il paierait tout ! Et il le fit ! Chaque fois que j’y repense, je pense à la tranquillité d’esprit qu’il me donna, je me dis que même si je lui rendais mille fois plus, cela ne serait pas suffisant.

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72, rue Petit - 75019 Paris Tél. : 01 42 00 13 60

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MON BEAU-FRÈRE, MOULAY par le Rav Adin Even-Israël (Steinsaltz) Qui aurait imaginé qu’il m’appartiendrait d’écrire un hommage à la mémoire de mon beau-frère plus jeune que moi de plusieurs années et que j’ai connu à l’époque où il était encore un tout jeune homme ? Et me voici aujourd’hui à tenter de dessiner, au travers de ces quelques lignes, près de 50 ans de sa vie, emplie de tant d'activités et de rayonnement autour de lui.

UN CHALIA'H HORS DU COMMUN

L

’institution des chélou’him existe chez les ‘hassidim depuis plusieurs générations. À n’en pas douter, Moulay est le chalia’h dont l’influence s’est fait ressentir chez un nombre de Juifs bien plus important que tout autre chalia’h ; de plus, il a su implanter un nouveau modèle de vie. Certains ont désigné, à juste titre, un tel changement sous le nom de « révolution française » : c'est que Moulay a su créer un tout nouveau cadre, de surcroît imposant, à l’origine d’un judaïsme français animé et revigoré. Bien que l’on ne puisse utiliser la même échelle de valeurs, nous pouvons affirmer qu’un tel phénomène, en quantité et en vitalité, ne s’était pas produit en France depuis la période des Tossaphot (au Moyen-âge). Le judaïsme français qui semblait en plein affaiblissement et en passe de perdre sa propre identité, a eu la chance de connaître un nouveau réveil, au travers de nouvelles communautés. Un réveil qui permit à ce 14

judaïsme non seulement de se maintenir mais aussi de se développer dans tous les sens du terme. En fait, un tel renouveau résulte de l'action menée par un seul et même chalia’h. De toute évidence, une certaine vie juive existait auparavant en France, y compris au travers du mouvement ‘Habad. Des personnes influentes et de renom avaient déjà créé des institutions telles que la yéchiva de Brunoy ou le séminaire de jeunes filles à Hyères. D’autres personnalités juives importantes lors de la dernière génération ont eux aussi apporté leur contribution dans d’autres domaines. Malgré tout, le changement que Moulay a introduit conserve toute sa spécificité. Rien de ce qui a pu être accompli partout ailleurs dans le monde juif, de son temps ou auparavant, ne souffre la moindre analogie. Tout ce qui a été réalisé en moins de 50 ans ne se résume pas à une action restreinte au petit noyau d’une communauté juive locale : il s’agit, ni plus ni moins, d'une résurrection sans pareil, concernant la communauté juive dans son ensemble.

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Un souvenir datant de 50 ans remonte à mon esprit qui permettra de donner à ce formidable changement un caractère plus tangible. À cette époque en effet, les fidèles de la fameuse synagogue ‘Habad du 17 Rue des Rosiers à Paris luttaient chaque vendredi soir, la veille de Chabbat, pour compléter leur mynian. Pour y parvenir, ils devaient « soudoyer » un clochard juif traînant dans le quartier en lui promettant une bouteille de vin afin qu’il accepte d’être le dixième… Aujourd’hui, la Jeunesse Loubavitch de Paris et de toute la France compte un nombre impressionnant d'émissaires et de délégués, ce qui démontre à quel point les choses ont évolué. Un monde nouveau, une vie juive nouvelle se sont ainsi forgés, là où ne subsistaient que des communautés amincies et en voie d’extinction. On y trouve des hommes et des femmes, avec leurs enfants et leurs petits-enfants, qui continuent d’apporter un sang nouveau et leur propre vitalité.

aussi que réside une énigme, celle d’un jeune homme ayant métamorphosé un monde entier tout autour de lui. Tout ce qui s’est produit depuis lors et jusqu'à aujourd’hui nous conduisent à la même question : comment un homme si jeune, âgé d’un peu plus de vingt ans, a-t-il pu générer un tel élan, sans cesse grandissant ? Certes, l’on pourrait se lancer dans des tas d’explications et d’interprétations, mais, in fine, on en revient toujours à un seul jeune homme, au simple nom de Moulay, loin des titres gonflants dont la langue hébraïque fleurit comme « Harav Hagaon » ou le « Hamékoubal haéloki », [littéralement, « l’éminent Rabbin » ou « le Kabbaliste inspiré de l'esprit divin »]. Moulay a réussi à accomplir ce que d’autres n’ont jamais pu réaliser.

Sans nul doute, Moulay constitua en quelque sorte la vertèbre cervicale de tout ce processus. Mais c'est là

Si l’on cherche à saisir Moulay, en fait « le phénomène Moulay » - bien qu'il soit difficile à appréhender sim-

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LE 'HASSID

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Le Rachbatz

plement -, le mieux est peut-être de rappeler ce qu’il était avant tout, dans toute son essence : un ‘hassid. En d’autres termes, ses actes, ses paroles, sa réussite et l'influence qu'il exerça exprimaient, fondamentalement, le ‘hassid qui se confondait avec sa personne. Plusieurs épithètes sont parfois apposés au terme

'hassid : il y a les 'hassidim distingués, les 'hassidim enthousiastes, voire ceux simples d'esprit. Moulay lui n'avait besoin d'aucun qualificatif : il était un 'hassid, point. Ni son action ni ses paroles ne le définissaient en tant que tel, mais bien la quintessence de son être. 'Hassid, il l'était chez lui à la maison comme avec les autres à l'extérieur, qu'il soit le mari et père de famille ou le dirigeant, l'enseignant ou le machpia, le mentor. Sa personnalité était le pur reflet de ce que le Rabbi attendait de ses 'hassidim : témoigner de sa qualité de 'hassid non pas seulement vis-à-vis de certains domaines suprêmes, mais bien dans l'ensemble de son être. Moulay était lui-même issu d'une famille de 'hassidim. Tant du côté de son père que de sa mère, tous vécurent une vie centrée autour du fait qu'ils étaient des 'hassidim. Tel par exemple son grand-père maternel qui fut l'émissaire du Rabbi d'alors ou son grand-père 16

paternel qui fut l'un des éminents témimim . Le dénominateur commun à leur personnalité se retrouva dans Moulay : un homme totalement 'hassid, dans chacun de ses membres sans exception ; son parler était "'hassidout" tout comme l'inspiration dont il gratifiait son entourage. Dans une grande mesure, l’influence qu’il exerça sur des gens d’âges et d’horizons différents ne découlait pas vraiment de quelque parole ou de quelque enseignement entendus de sa bouche, mais plutôt du faitmême de leur rencontre avec le ‘hassid qu’il était. Il est possible de présenter l’essence de la ‘hassidout de diverses manières, notamment par le biais d’écrits hautement abstraits ou rhétoriques. Chez Moulay, il en allait tout autrement, sans besoin d'explications, mais de la manière la plus simple, pourtant difficile à décrire. À titre d'illustration, prenons l'exemple d'un livre entièrement consacré à la rose, la présentant sous tous ses aspects et dans tous ses recoins. Lire un tel livre permet sans doute d'acquérir une bonne connaissance « à propos » de la rose. Mais il existe un autre niveau de connaissance, celui où l’on se trouve face à la rose elle-même et où tout livre devient alors superflu… Certaines personnes éprouvent le besoin de réfléchir longuement avant d’accomplir un acte ou avant de s’exprimer, notamment en fonction de la situation. Un ‘hassid agit en tant que tel, tout simplement. D’aucuns se sont trouvés confrontés à des problèmes pratiques ou intellectuels, notamment suite à des instructions du Rabbi, qu'ils les aient comprises ou non. Moulay lui, ne connaissait point ce genre de problèmes ; en parfait ‘hassid, il s’identifiait totalement avec les paroles du Rabbi et affichait une discipline sans faille. Dès lors, il ne se posait pas de questions quant à la manière d’agir ni n’en cherchait les raisons. Car le propre d’un ‘hassid est de faire ce que le Rabbi lui demande, que la chose soit aisée ou non, qu’il la comprenne ou non, sans la moindre différence entre les deux cas. Le Rabbi

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comptait de nombreux ‘hassidim, parmi eux certains qui s’en approchaient de plus près. Cependant, même ces derniers connurent parfois des moments où ils se posèrent des questions ou se trouvèrent plongés dans des hésitations ; dans un certain nombre de cas, ils n’accomplirent pas la tâche qui leur avait été impartie. Il me semble que, chez Moulay, une telle situation ne s’est jamais produite. Moulay exécuta ce que le Rabbi lui demandait, sans détour ni sans déformation, et bien entendu sans modifier quoi que ce soit.

jets, parfois énormes et faisant appel à de très grandes sommes d’argent. Mais, in fine, ils firent tous preuve d’une grande unité. En vérité, l'on se trouve ici face à un paradoxe. De toute évidence, le statut de Moulay comme chalia’h en France ne ressemblait à celui d’aucun autre, nulle part

Il se peut que le Rabbi comptait autour de lui des ‘hassidim plus érudits ou plus « saints », d’aucuns ont sans doute abouti à différents résultats appréciables ; je ne suis pas cependant sûr qu'ait pu exister un autre 'hassid de la carrure de Moulay, un ‘hassid tout court, sans titre honorifique supplémentaire, attaché au Rabbi de tout son être et de toute son existence.

AVEC TOUS L’une des particularités de l’action de Moulay réside dans le fait qu’en toutes circonstances, il demeura lié avec tous. Je me souviens l’avoir interrogé sur la manière dont il avait pu ériger son premier centre, sans aucune ressource à l’avance et sans aucun statut particulier. Il me confia qu’il s’était alors adressé à tout son entourage (qui comprenait en partie des célibataires et des étudiants). Pour leur expliquer qu’en raison de la croissance des activités, ils devaient à présent trouver un centre ; et par conséquent, il leur demandait de le bâtir. Une telle demande, leur précisa-t-il, ne relevait pas de son propre intérêt mais avant tout du leur : tous devaient s’y associer. Ceux qui disposaient de moyens devraient donner de leur propre argent et ceux qui n’en avaient point n’auraient qu’à procéder à un emprunt. Car tous devaient agir comme une seule entité. Cette attitude était valable dans les tout débuts mais elle demeura largement la même par la suite. Les gens qui suivaient Moulay se sentaient tous concernés ; c'est ainsi qu'ilssont mené à bout différents proN° 7 | Kislev 5775 - Décembre 2014

ailleurs. Malgré tout, il demeura « Moulay », au-dessus de tous, tout comme au sein de tous. Le premier « groupe » (tel qu’on l’appela encore longtemps après) constituait l’essence de tout ce qui poursuivit ensuite. Les jeunes comme les plus âgés continuèrent de se considérer comme le « groupe ». Moulay en était l’âme vivante, animant chacun de ses membres.

UN SOUCI À L'ÉGARD DE TOUT LE MONDE Moulay, tant au début que lors des années qui suivirent, ne s’est jamais confiné dans un rôle de guide spirituel, dans le sens où seule la spiritualité l’intéressait. Une grande communauté s’est rassemblée autour de lui, tout naturellement composée de personnes différentes, et bien entendu chacune avec son 17


Le Rachbatz

propre problème. Loin de se délimiter au travers d'un seul rôle, Moulay agissait à la fois comme conseiller conjugal, assistant social ou entremetteur matrimonial ; plus d’une fois, il réussit à trouver un travail rémunérateur à l’un des membres de son « groupe ». Le lien que Moulay entretenait avec chacun était ainsi quasi-familial. Il n'est donc pas surprenant que tous

façon ou d'une autre, Moulay, montrait, jour et nuit, une grande sensibilité envers chacun.

les gens qui lui étaient attachés, malgré leurs origines différentes, avaient le sentiment de faire partie d'une seule famille, même si quelques frictions et problèmes sont parfois naturellement apparus.

À cet égard, Moulay ressemblait à ce genre de figure centrale ne disposant d'aucun titre, même si tout le monde sait qu'il détient le pouvoir. De plus, Moulay n'a jamais essayé d'entrer en compétition, d'une façon ou d'une autre, avec les autres institutions juives autour de lui. Les écoles liées à 'Habad, la yéchiva et même le séminaire de jeunes filles sont gérés en coopération avec la communauté. Moulay lui-même a poursuivi sans interruption son action avec les étudiants dans les universités et a également construit un très grand lycée pour les filles ; dans une large mesure, il s'est aussi occupé de maintenir l'institution de Talmudé-Torah du dimanche matin. Aussi bizarre que cela puisse paraître, en dépit de cette multitude d'activités éducatrices, Moulay avait tenu à conserver un poste de mélamed, d'enseignant au Talmud-Torah (qui fut

Moulay connaissait bien tous ses gens, y compris leurs défauts, mais comme dans toute famille, les liens de proximité permettent de les recouvrir et d’en faire abstraction. Cela ne signifiait pas qu’il dût ignorer les faiblesses des uns, les problèmes des autres, les disputes familiales ou les problèmes personnels. Et tout en même temps, il lui fallait se soucier de tous et continuer de voir en eux une seule famille. De ce point de vue, le « groupe » n'avait point une structure organisationnelle claire et précise. Il agissait plutôt comme une entité vivante chez tout le monde. D'une 18

UN ÉDUCATEUR, LOIN DE LA POLITIQUE COMMUNAUTAIRE Je ne sais si le Rabbi instruisit Moulay, de manière explicite, de ne pas entrer dans la politique des institutions ; néanmoins ce fut bien son attitude au fils des ans. Le statut du mouvement 'Habad à Paris, tant de par son nombre que par les personnalités qui le composent, n'a certainement point de pareil au sein du monde juif. S'il l'avait souhaité, Moulay, le Rav Shmouel Azimov, aurait pu occuper nombre de fonctions ou de postes au sein de la communauté juive de France. Chacun connaissait la force et le pouvoir imposant dont il disposait entre ses mains. Cette force et ce pouvoir ne trouvèrent cependant jamais leur expression au travers d'une quelconque nomination rabbinique ou communautaire, voire d'un poste représentatif au sein des différentes organisations de la communauté.

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son travail pendant de nombreuses années) dans une classe de tout jeunes enfants. Un peu comme si le roi d'un certain pays occupait les quelques heures de son temps libre à travailler comme préposé à la poste... L'institution 'Haya Mouchka qu'il a lui-même érigée à Paris va de la crèche jusqu'au baccalauréat. Outre sa taille impressionnante, le lycée de jeunes filles inclut toutes les matières d'enseignement sacré, comme l'exige toute véritable institution 'Habad – la Bible, la Michna et beaucoup de 'hassidout – mais on y enseigne aussi toutes les autres matières séculières habituelles. Malgré ce cumul impressionnant, ce lycée est aujourd'hui considéré par le ministère de l'éducation en France comme l'un des meilleurs de toute la France sur le plan scolaire !

il était la troisième personne à avoir survécu à un tel degré d'attaque cérébrale. Je reste persuadé que les milliers de gens ayant prié pour sa guérison ont, par là-même, réussi à modifier le mauvais décret. Les efforts extraordinaires déployés par Moulay et l'énorme travail qu'il dut accomplir sur son propre corps afin de retrouver la parole et de recouvrer ses capacités antérieures constituent en soi une histoire extraordinaire : celle d'une personnalité hors du commun surmontant tous les obstacles physiques qui se dressaient sur son chemin pour finalement les maîtriser. En dépit de cette lutte permanente, les activités de la Jeunesse Loubavitch ne s'interrompirent à aucun moment, y compris celles de Moulay. Il y avait toujours quelque chose à faire, à poursuivre et l'"entreprise" continuait de grandir.

en UNE LOURDE parfait ET CHARGE ‘hassid, il s’identifiait MAINTENANT ? Les gens ne savaient totalement avec les pas qu'à l'époque, De toute évidence, Moulay éprouvait des Moulay était l'esprit paroles du Rabbi et affichait difficultés à marcher. qui insufflait la vie au une discipline sans faille. Lors des premières mouvement 'Habad années, ses allers en France. De manière Dès lors, il ne se posait pas et retours dans tant directe ou non, son d'endroits différents de questions quant à la action se faisait partout s'accompagnaient de ressentir. Personne n'a manière d’agir ni n’en douleurs physiques. pris en ligne de compte Fait un peu plus connu, que sa vie serait interromcherchait les sa femme (apparemment pue à un âge relativement ausdepuis le début de leur mariage) raisons. si précoce. Qu'il nous soit permis était très malade et souffrait elle aussi. Elle agit, dans toute la mesure du possible, avec un courage extraordinaire, mais cette situation particulière ajoutait sans conteste une charge sur les épaules de Moulay, en raison notamment du temps qu'il devait lui consacrer et de la patience dont il faisait preuve. La première attaque cérébrale qui l'accabla compte parmi les cas les plus graves. Je me suis laissé dire que dans le monde entier

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d'espérer : puisse ce même esprit qui sut agir envers et contre toutes les barrières et limitations imaginables, continuer d'animer et de stimuler dans l'action tous ceux, nombreux, que Moulay laisse derrière lui. Traduit et adapté de l'hébreu par Michel Allouche, Jérusalem.

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7ème chapitre De : Chmouël Liberman

REB DANIEL AMRAM ‫שי׳‬

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R

Daniel Amram est un des premiers du « groupe » qui a voyagé chez le Rabbi. Il eut le privilège de recevoir plusieurs réponses et instructions directes du Rabbi.

Comment vous êtes-vous rapproché du mouvement ‘Habad ? En fait, je me suis rapproché du judaïsme à l’âge de seize ans. A cette époque je ressentais une attirance vers le judaïsme et commençais à respecter d’une certaine manière le Chabbat et les fêtes et me mis à étudier le judaïsme. C’était après la fameuse révolte estudiantine à Paris de mai 68. On ressentait un éveil particulier chez les jeunes en général, ainsi que chez les jeunes Juifs en particulier… A cette époque, je travaillais dans un camp d’été avec Reb Yaakov Spitetski qui m’encouragea à faire vérifier mes Tefillines. On se donna rendez-vous au bureau du Beth Loubavitch ; en arrivant, je me rendis compte que Reb Yaakov n’était pas encore là. Je rencontrais alors Rav Moulé Azimov qui donnait cours. Il me proposa d’assister au cours, le temps que Reb Yaakov me rejoigne. A la fin du cours, Rav Moulé me dit de revenir la semaine suivante pour chercher mes Tefillines. Je revins la semaine d’après, mais les Tefillines n’étaient pas encore prêtes… Cela se répéta plusieurs fois, et à chaque fois je pus assister au cours… Entre-temps, je décidais de revenir chaque semaine au cours. Ainsi, chaque semaine j’assistais au cours de ‘Hassidout. Nous étudions alors les Discours ‘Hassidiques du Rabbi précédant.

en une volonté d’avancer dans Torah et Mitsvot. Je voulais à tout prix être religieux. Ce qui m’attira très fortement dans le mouvement ‘Habad était l’approche comme quoi il fallait rapprocher chaque Juif, la volonté du Rabbi de transformer toute la France… c’est cela qui m’attirait le plus, voilà pourquoi je voulais me rendre chez le Rabbi. Je m’y rendis pendant la semaine des Seli’hot en 5727 (1967) et y restais pour toutes les fêtes de Tichri jusqu’à Chabbat Berechit. J’avais alors dix-huit ans, et trois autres Français étaient venus avec moi. Ce qui m’impressionna profondément chez le Rabbi était l’énergie qu’il y avait pendant les prières. Mon impression générale était qu’il y avait un entrain extraordinaire pour tout ce qui était lié aux Mitsvot jusqu’aux petits détails. Par exemple, en voyant l’attention que le Rabbi portait à la préparation avant de sonner le Choffar et la façon dont le Rabbi sonnait dans le Choffar, je vis à quel point le Rabbi était entièrement spirituel et qu’il y avait un élément spirituel dans chaque chose. A l’issue de Yom Kippour, je suis entré dans le bureau du Rabbi pour une Ye’hidout qui dura quarante minutes ! Pendant toute la Ye’hidout, le Rabbi me parla en français. Lors de cette Ye’hidout je demandais au Rabbi si je pouvais mettre les Tefillines de Rabénou Tam. Le Rabbi ignora la question (l’année suivante le Rabbi m’en donna l’autorisation). A ma question si je devais aller à la Yechiva, le Rabbi me répondit que je devais continuer mes études pour obtenir mon baccalauréat. Le Rabbi me dit également plusieurs choses d’ordre privé.

Graduellement, je me renforçais donc dans le judaïsme. Puisque j’avais de l’expérience dans le domaine des camps d’été, Reb ‘Haïm Hillel Azimov a’’h me demanda d’être animateur d’un camp d’été qu’il organisait pour des enfants à Brunoy (en fait, les enfants m’ont appris bien plus que ce que je leur enseignais…).

De retour de mon voyage chez le Rabbi, je décidais de laisser pousser la barbe etc. Je devins très actif dans le Mivtsa Tefillines. Je me souviens comment, avec Reb Its’hak Gabay, on allait mettre les Tefillines aux élèves de l’école Yabné. Au début, les directeurs ne voyaient pas ça d’un très bon œil, mais ils finirent par nous laisser.

Qu’est qui vous encouragea à voyager chez le Rabbi ?

Que pouvez-vous nous raconter à propos de la vie ‘Hassidique de cette époque en France ?

Après une certaine période où j’avais pu me renforcer dans le judaïsme, je décidais qu’il était temps de me rendre à la source… Il faut se remettre dans le contexte de l’époque, il y avait un tel éveil chez les jeunes, une envie de tout révolutionner qui s’exprimait chez moi

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Je me rendais au moins un Chabbat par mois à la Yechiva de Brunoy. Les élèves (Rabbanim) Yossef Matusof ainsi que Yossef et Zalman Wilshansky étudiaient avec nous chaque Chabbat. On sentait chez les élèves une envie de nous rapprocher de la Torah. Les élèves

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La révolution française

nous accueillaient chaleureusement et nous donnaient des cours avec beaucoup de passion. Je me souviens comment, après le repas du vendredi soir, on étudiait plusieurs heures et discutions de tout. C’était un vrai plaisir ! Les élèves étaient parfaitement conscients de la mission qui était la leur. Celui qui me marqua le plus à cette époque (et qui reste gravé dans ma mémoire encore aujourd’hui) est Rav ‘Haïm Hillel Azimov a’’h. Ce fut pour moi un exemple de ‘Hassid intègre, qui ne cherchait aucun honneur et était très actif dans les Mivtsaimes du Rabbi. Il rapprocha beaucoup de monde à la Torah. Il montrait un intérêt pour chaque détail de ma vie, il était très simple tout en étant chaleureux comme un père. Il m’emmena pour enseigner au Talmud Torah dans la ville « Les Lilas ». Plusieurs enfants de ce Talmud Torah se rapprochèrent de la Torah et finirent par devenir des ‘Hassidim. Je me souviens comment à cette époque le Rabbi m’avait donné l’injonction de faire vérifier mes Tefillines. Mes Tefillines étaient neuves, mais évidemment je les fis vérifier immédiatement, et on y trouva un problème. Alors, sans attendre, Reb ‘Haïm Hillel me donna ses propres Tefillines. C’était un acte très noble de sa part (il est à noter que Reb Mendel Lubecki nous raconta un épisode similaire, comment lorsqu’il avait des problèmes avec ses Tefillines, Reb ‘Haïm Hillel lui donna tout de suite ses propres Tefillines). Reb ‘Haïm Hillel était le Ba’al Koré qui lisait la Torah à la Choul du Rav Rottenberg rue Pavée, à côté de la rue des rosiers. Après avoir lu la Torah, il priait en épanchant son âme. Je me souviens particulièrement

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comment Chabbat Mevar’him (avant Roch ‘Hodèch), il lisait avec ferveur tout le Tehillim pendant près de quatre heures ! Quand avez-vous voyagé à nouveau chez le Rabbi ? L’année suivante, en Elloul 5728 (1968), je voyageais à nouveau chez le Rabbi et y restais pour toutes les fêtes de Tichri. Lors de mon entrée en Ye’hidout, le Rabbi me demanda si je comprenais le Yiddish, j’ai répondu que je ne comprenais pas, mais le Rabbi continua à me parler en Yiddish ! Il s’avéra qu’avec les quelques mots d’Yiddish que je connaissais, je pus comprendre la majeure partie des propos du Rabbi. J’avais l’impression que le Rabbi voulait que

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j’apprenne le Yiddish. C’est lors de cette Ye’hidout que je demandais au Rabbi si je pouvais commencer à mettre les Tefillines de Rabénou Tram et que le Rabbi m’en donna l’autorisation. Je demandais au Rabbi si je pouvais aller maintenant à la Yechiva (après mon baccalauréat), le Rabbi me répondit par l’affirmative. Ainsi, je me rendis à la Yechiva Tomhei Temimim de Kfar ‘Habad.

Monsonégo était le Grand Rabbin du Maroc et Dayan de Casablanca).

J’avais écrit au Rabbi que j’avais du mal à me concentrer dans les études, je demandais au Rabbi que faire, je demandais également un programme d’étude. Le Rabbi répondit aux deux questions par la même réponse : il faut toujours regarder le livre lorsqu’on étudie. La Michna, la Guemara, le Tanya, les Ma’amarim etc.

Durant l’année suivante, mon épouse enseigna dans l’école Beth Rivka sous la direction des Chlou’hot du Rabbi au Maroc, quant à moi, j’enseignais dans l’école Ozar Hatorah que dirigeait mon oncle. Je terminais chaque cours par une histoire du Ba’al Chem Tov. Parfois, certains élèves qui n’avaient pas trop envie de rester en classe, restaient jusqu’à la fin du cours pour écouter l’histoire qui les passionnait tant… Plusieurs de ces élèves se rapprochèrent du mouvement ‘Habad et certains sont aujourd’hui des Chlou’him du Rabbi !

Diffusion de Torah au Maroc En effet, en Tichri 5730 (1969) je me rendis à nouveau chez le Rabbi et entrais en Ye’hidout entre Yom Kippour et la fête de Soukkot. C’est lors de cette Ye’hidout que le Rabbi donna son approbation et bénédiction pour le Chidou’h (fiançailles) avec mon épouse. Mon épouse portant le même prénom que ma mère Sim’ha - le Rabbi dit qu’elle devait ajouter le prénom Bra’ha ou Ne’hama (mon épouse choisit le prénom Bra’ha). De même, puisque le prénom de mon futur beau-père était comme celui de mon père – Yossef, le Rabbi dit qu’il était souhaitable que mon père ajoute le prénom Its’hak. Par la suite, je demandais au Rabbi si après le mariage je devais aller étudier au Kollel puis ensuite aller en Chli’hout. Le Rabbi me demanda : « N’avez pas actuellement d’autres propositions ? ». Je répondis au Rabbi que j’avais trois propositions : 1) diffuser la Torah auprès de la communauté francophone au Canada. 2) Directeur financier et technique de la Yechiva de Brunoy. 3) Enseigner dans une école au Maroc (cette proposition venant de mon oncle le Rav N° 7 | Kislev 5775 - Décembre 2014

Le Rabbi me répondit : « Il y a beaucoup à faire au Maroc. Il est souhaitable d’aller au Maroc et ensuite étudier un an ou deux au Kollel ». Je compris que le Rabbi souhaitait que je me rende le plus vite possible au Maroc. Le lendemain de nos Cheva Bra’hot nous nous rendîmes avec mon épouse au Maroc.

Nous ressentions partout la Hachga’ha Pratite, la providence divine. Chaque fois qu’on rencontrait un Juif, on savait que cela n’était pas par hasard mais qu’il fallait l’influencer pour qu’il se rapproche de la Torah. On travaillait avec le Rav Raskin qui nous invita plusieurs Chabbat chez lui. J’appris énormément de pratiques ‘Hassidiques chez lui. A cette époque, mon oncle le Rav Monsonégo m’enseigna également les lois et pratiques de la Ch’hita – l’abattage rituel. Lors de mon séjour au Maroc, mon grand-père qui y habitait, tomba malade. Les docteurs disaient qu’il ne lui restait que quelques jours à vivre. Je restais donc près de lui et lui proposais de mettre les Tefillines (bien qu’il refusât toujours). Cette fois il accepta, suite à quoi j’envoyais par télégramme une demande de Bra’ha au Rabbi. C’était un vendredi. Samedi soir, le docteur vint faire quelques examens et déclara qu’il ne comprenait pas ce qu’il voyait : l’état de santé de mon grand-père avait entièrement changé et qu’il 23


La révolution française

content et le Rabbi me dit « Yichar Koa’h ». Diffusion de la Torah à Lyon A Pourim 5731 (1971), je me rendis avec mon épouse chez le Rabbi. Avant d’entrer en Ye’hidout, je rencontrais le Rav Schlammé (qui était à cette époque le directeur du séminaire Beth Rivka à Yerres). On a discuté et il me dit qu’il lui semblait que son beau-frère, Rav Poultorak qui était le Dayan de Lyon, avait besoin d’aide. En Ye’hidout, je mentionnais cela au Rabbi qui me répondit : « Si en travaillant dans le domaine de la Che’hita à Lyon, vous réussirez à rétablir le Chalom entre les Séfarades et les Ashkénazes – il est souhaitable d’y aller ».

était maintenant en bonne santé ! Après cet épisode, mon grand-père vécut dix années supplémentaires. Après cette année de Chli’hout au Maroc, je suis allé étudier au Kollel de Na’halat Har ‘Habad en Israël tel que le Rabbi m’avait indiqué. Au début, la direction du Kollel ne voulait pas m’accepter. Après que Rav Binyamine Klein, secrétaire du Rabbi leur indiqua que mon inscription au Kollel était suite aux instructions du Rabbi, ils m’acceptèrent. Au Kollel, j’ai pu compléter les études des lois de Ch’hita avec Reb Chlomo Lifshitz de Kfar ‘Habad. Je reçus la Semi’ha (ordination rabbinique) du Rav Yeroslavski et du Rav Garelik qui était le Rav de Kfar ‘Habad. A cette époque, je me rendis à Tsfat pour prier sur la tombe du frère du Rabbi, Reb Israël Arié Leib. La tombe n’était pas facilement accessible comme aujourd’hui, et j’ai dû chercher pendant plusieurs heures pour la trouver. Par la suite, je racontais cet épisode au Rabbi. J’eus l’impression que le Rabbi en était

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Ensuite, le Rabbi nous demanda où nous comptions passer la fête de Pessa’h : en France ou en Israël ? Lorsque j’ai répondu que nous comptions rentrer en Israël, le Rabbi nous dit que pour préparer une maison pour Pessa’h, cela prend du temps et qu’il fallait donc ne pas trop s’attarder en France pour et rejoindre directement Israël. Tout de suite après cette Ye’hidout, on se rendit en France. J’allais immédiatement à Lyon (à cette époque on avait déjà deux enfants). Je pris rendez-vous avec Rav Poultorak. Lorsque je lui racontais ce que le Rabbi m’avait dit en Ye’hidout, il fut impressionné par l’inspiration divine du Rabbi. Il m’expliqua que justement la veille s’était tenue une réunion et qu’il fut décidé que le Cho’het local deviendra responsable surveillant général et qu’il fallait donc lui trouver un remplaçant. Ainsi fut fixé que, dès le mois de Tichri, je commencerais à travailler en tant que Cho’het à Lyon. Le lendemain de Yom Kippour 5733 (1972), je commençais mon travail de Cho’het à Lyon. Je me souviens com-

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cette époque je passais à Aix-les-Bains), je me rendis chez Rav Haïkin et lui racontais ce que le Rabbi m’avait demandé et que l’autre Cho’het (qui était son élève) avait refusé. Immédiatement, Rav ’Haïkin lui téléphoné et lui dit : « Dès demain tu commences à travailler ensemble avec lui ». Ainsi fut fait et nous avons pu rétablir le Chalom entre les communautés. Manuscrits en cadeau au Rabbi

ment avant de m’y rendre, Rav Moulé me dit : « Ne t’occupe pas que des vaches, occupe-toi aussi des Nechamot (âmes)… ». Effectivement, nous commençâmes à être actifs dans la ville et nous eûmes une grande réussite. En 5736 (1976), le Rabbi envoya Rav Chmouël Gurewitz à Lyon en tant que Chlia’h de Lyon. Les premiers mois à Lyon (le temps que son épouse le rejoigne), il habitait chez nous à la maison. A cette époque on s’efforçait de convaincre un maximum de femmes et jeunes filles à allumer les bougies de Chabbat. Lors d’une Ye’hidout, j’annonçais au Rabbi que cinq-cents filles avaient pris sur elles d’allumer les bougies de Chabbat. Le Rabbi me dit : « Mais à Lyon il y a cinquante mille juifs, alors cinq-cents, ce n’est pas beaucoup !! ». (J’ai dit au Rabbi, qu’il n’y avait que trente-mille juifs, mais le Rabbi insista sur le fait qu’il y en avait cinquante-mille). Ma mission à Lyon était de rétablir le Chalom entre les Séfarades et Ashkénazes. A cette époque il y avait un Cho’het pour les Séfarades et un autre pour les Ashkénazes. J’étais ami avec l’autre Cho’het et je lui expliquais que si nous voulions rétablir le Chalom entre les communautés, il fallait que nous les Cho’hatim, nous créons le Chalom en travaillant ensemble. Au début il refusa ; cependant, sachant qu’il était un élève de Rav ‘Haïkin (élève du ‘Hafets ‘Haïm) d’Aix-les-Bains, (à N° 7 | Kislev 5775 - Décembre 2014

A cette époque, un des fidèles de la Synagogue de Lyon travaillait dans les antiquités. Un jour, il rencontra un non-Juif qui lui montra une petite valise pleine de manuscrits dont il ne savait que faire. Ce fidèle me montra la valise et je compris qu’il s’agissait de manuscrits de ‘Hassidout. Je lui proposais de les apporter au Rabbi lors de son prochain voyage à New York, ce qu’il fit. Le Rabbi le remercia beaucoup. Il s’avéra qu’il s’agissait des manuscrits originaux du Rabbi Rachab ! L’incendie Après une certaine période je retournais à Paris et m’installais pendant sept ans à Vitry-sur-Seine où j’étais également très actif. Par la suite, on acheta une maison à Aubervilliers. C’est là qu’arriva une terrible tragédie : ma maison brûla à l’issue du Chabbat 8 Kislev 5751 (1991) et mon neveu, le jeune Mena’hem Mendel Ladayov a’’h de Na’halat Har ‘Habad y périt. Tout de suite après la Levaya qui eut lieu en Israël, je me rendis chez le Rabbi. Lors de la distribution des Dollars du dimanche, je racontais au Rabbi ce qui s’était passé. Le Rabbi m’observa, me remis plusieurs dollars puis me dit : « Il est connu qu’après un incendie, on s’enrichit spirituellement et matériellement ; et du matériel on fait du spirituel ». A cette époque, le Rabbi avait distribué à Youd Tete Kislev un Tanya à chacun. J’y voyais un certain réconfort puisqu’un an plus tôt, j’avais reçu un autre Tanya pour Youd Chevat 5750 (1990) qui avait été brûlé dans l’incendie. Reb Daniel Amram est une des personnes les plus actives en France dans le domaine de la Cacherout (qui est un Mivtsa du Rabbi). Il travaille avec Rav Frankforter). Ainsi, il contribue au développement en France d’une Cacherout sans compromis, de qualité et de proximité. 25


Dans l’avion, de retour de la levaya…

J

’écris ces quelques pensées qui me viennent à l’esprit alors que je suis dans l’avion, de retour de l’enterrement de Rav Moulé.

J’écris sans avoir rien préparé mais je souhaite verser ce que je ressens dans mon cœur devant mes frères qui comprennent ce qui s’est passé et j’espère que vous me comprendrez.

Je regarde dans l’avion qui a été affrété spécialement pour 250 personnes (200 personnes sont restées à l’aéroport par manque de place) et je vois une foule de ‘Hassidim : la première génération de Baalé Techouva avec leurs fils. L’étranger qui verrait cette foule se demanderait : d’accord, une première génération a été rapprochée par Rav Moulé mais qu’est-ce qui a tant attiré la seconde génération ? Mais à mon humble avis, tel était le secret de la personnalité de Rav Moulé et je veux partager avec vous quelques anecdotes qu’en tant que seconde génération, j’ai vécu moi-même et cela aidera peut-être à répondre à la question. La première fois que je suis parti à la Yechiva à Manchester, à l’âge de 14 ans, quand je suis rentré pour les vacances à Paris, je suis allé au Séminaire (qu’il organisait tous les ans pour les étudiants et qui mérité un article à lui tout seul). Dès que je suis arrivé, quand Rav Moulé m ‘a aperçu, il a poussé un cri de joie, il m’a embrassé affectueusement, m’a demandé 26

de m’asseoir à côté de lui et de lui raconter ma vie à la Yechiva. Il m’a demandé si, en tant que français, je n’avais pas des problèmes à la Yechiva. J’étais encore jeune et je lui ai raconté qu’effectivement, il y a parfois des choses qui me donnent de la peine et qui me troublent : c’est que les Américains et les Anglais n’aiment pas tellement les Français, nous donnent des surnoms pas très agréables (frenchie…). Rav Moulé m’a dit : « Ne t’inquiète pas ! Cela a toujours été comme cela ! A mon époque aussi, les Barou’him anglais donnaient des surnoms aux Barou’him Israéliens… Je me souviens maintenant de cette histoire et je réalise : Rav Moulé portait sur ses épaules des dettes énormes, des institutions, l’ensemble de la communauté Loubavitch etc. et malgré cela, il prenait le temps de s’asseoir à côté d’un jeune garçon, l’encourageait et le consolait pour des petits tracas… (Un jeune homme m’a raconté que, dans sa jeunesse, il souffrait de problèmes familiaux. Rav Moulé lui demanda, avant qu’il parte à la Yechiva qu’il lui téléphone chaque semaine pour le tenir au courant de ses études à la Yechiva et c’est ce qu’il fit durant trois ans !). Le jour où je suis parti en Chli’hout en Normandie, Rav Moulé m’a demandé de venir chez lui et m’a posé des questions quant à mes moyens financiers… Le lendemain, j’ai reçu un coup de téléphone du Beth Loubavit-

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ch : Rav Moulé souhaitait nous payer un réfrigérateur et une machine à laver ! Je suis sûr que, pendant les Chiva, (les sept jours de deuil) on entendra encore des centaines d’histoires de ce genre !

commençait avec le gartel devant ! J’ai répondu que je ne faisais que commencer… Rav Moulé remarqua : quand on commence quelque chose de nouveau, il faut bien se renseigner comment le Rabbi agissait !

Le Chabbat avant le séminaire cette année, nous sommes partis, plusieurs responsables avec Rav Moulé pour préparer l’endroit. Chabbat, après le farbrenguen, Rav Moulé s’est assis pour manger et, quand je croyais qu’il avait déjà fini, je me suis assis à sa table pour parler avec son fils Lévi. Mais Rav Moulé est revenu et, quand il m’a vu, il m’a demandé si j’avais déjà fait Kidouch. J’ai donc fait Kidouch, il s’est occupé que je trouve quelque chose à manger puis a demandé, amusé : « Nou, où est le Machké ? ». J’ai compris qu’il était d’excellente humeur et j’en ai profité pour lui demander de nous raconter les directives qu’il avait reçues du Rabbi en ce qui concerne le Groupe de Paris (Nous avons parlé de la pensée du Rabbi en ce qui concerne la Aliah des Juifs de France mais nous en reparlerons une autre fois). Quand je lui ai demandé à propos d’un sujet : « Mais, en mots plus simples, y a –t-il une explication de la pensée du Rabbi ? », Rav Moulé m’a regardé tout à fait étonné et a remarqué : « Depuis quand doit-on donner une explication de la pensée du Rabbi ? ». Telle était sa vie toute entière : Si le Rabbi dit quelque chose, il est interdit de mêler sa logique, nous devons seulement obéir ! (voir la Si’ha Parachat Chela’h 1950).

Comme je l’ai dit, je suis dans l’avion, un avion rempli de gens du Groupe et, à côté de moi sont assis des anciens du Groupe (c’est ainsi que le Rabbi nommait le groupe des Français). Cela fait plus de 24 heures qu’ils n’ont pratiquement pas dormi, qu’ils n’ont pas mangé correctement, qu’ils sont partis à la hâte en Terre Sainte. Et que font-ils maintenant ? Ils étudient le Rambam, trois chapitres par jour (et cela mériterait qu’on s’y arrête car Rav Moulé demandait que chacun étudie trois chapitres par jour et ne se contente pas d’étudier un seul chapitre : pas de compromis !) pour ne pas arriver à s’endormir sans avoir étudié le Rambam quotidien. Cela, ils l’ont appris de l’exemple même de Rav Moulé : jamais il n’avait raté un seul jour l’étude des trois chapitres du Rambam, même quand il était malade ! D’ailleurs son médecin personnel m’a raconté que, quand il avait rendu visite à Rav Moulé le jour d’Hochana Rabba à l’hôpital, Rav Moulé s’était plaint qu’il s’en voulait car la nuit précédente, il s’était endormi et ne s’était réveillé qu’à cinq heures du matin et avait alors lu tout le livre de Tehilim (au lieu de le lire au milieu de la nuit, à ‘hatsot comme le veut la coutume !). Très ému, le médecin s’est exclamé : « Tu comprends ? Il souffrait terriblement, dans tout son corps, et sa seule plainte était qu’il n’avait pas lu les Tehilim d’Hochana Rabba à l’heure prescrite !

Un des anciens du groupe m’a raconté que la première fois qu’il est entré en ye’hidout au début des années 70, il avait demandé à Rav Moulé comment écrire son Tsétel, la note qu’il remettrait au Rabbi. Rav Moulé répondit (et c’est ce qu’il fit) d’écrire simplement qu’il demandait au Rabbi sa bénédiction pour être vraiment attaché à lui !!! Mes amis, mes frères ! Où est la plume, où est l’écrivain qui peut décrire comment un Chalia’h qui vient de rapprocher un jeune homme au judaïsme lui indique que la seule chose qui compte, c’est d’être attaché au Rabbi ? Rav Moulé était entièrement attaché au Rabbi. La famille proche du Rabbi était très importante à ses yeux. Chaque fois qu’il mentionnait le père ou la mère du Rabbi, sa voix s’étranglait de sanglots. Pendant ma semaine de Chéva Bra’hot (dans la semaine après mon mariage), j’ai mis le gartel (ceinture de prières) en commençant par le dos. Rav Moulé m’a regardé et m’a demandé : Pourquoi agis-tu ainsi ? Le Rabbi N° 7 | Kislev 5775 - Décembre 2014

Chaque Chabbat – même les dernières années alors qu’il était souffrant, Rav Moulé faisait un farbrenguen au Zibtzen, au 17 rue des Rosiers dans laquelle le Rabbi avait prié quand il séjournait à Paris avant la guerre). Pour lui c’était une initiative qui ne souffrait aucune exception – même si ce n’était qu’un moment. Et il avait éduqué toute une génération pour laquelle il était évident – pour les femmes et les enfants - que le mari (le père) ne rentre pas à la maison avant 15 heures Chabbat après-midi car il faut assister au farbrenguen Chabbat. Dans quelle autre communauté a-t-on vu pareille éducation ‘hassidique ? L’éducation que Rav Moulé a donnée au groupe et celle qu’il nous demandait de donner autour de nous était une éducation ‘hassidique sans aucun compromis. Dans les réunions, il demandait, il exigeait et ne se contentait pas de ce qui avait déjà été obtenu. Quand 27


on lui rapportait que plus de trente-cinq mille Juifs avaient récité la bénédiction sur le Loulav, il ne se montrait guère ému. Cependant, par ailleurs, il savait aussi encourager. Il était fier et louait l’unité profonde qui régnait dans le groupe, surtout parmi les quelques 120 Chlou’him de Paris et sa région. Je me suis trouvé à l’hôpital pour ses dernières heures (quand les médecins avaient annoncé que le dernier moment était imminent). Les plus anciens du Groupe sont entrés dans sa chambre et ont récité Chema Israël quand son âme quitta son corps. C’est une situation qu’on ne pourra jamais oublier et aucun œil ne peut rester sec à cette évocation. Je l’ai accompagné avec des centaines, des milliers d’autres personnes vers sa dernière demeure. J’ai vu des gens du Groupe et d’autres qui, pour le moment, ne sont pas encore pratiquants. Chacun pleurait, chacun perdait quelqu’un de très cher, un ami personnel. J’ai vu de jeunes Chlou’him, de la seconde génération, qui sanglotaient sans pouvoir se retenir. Un des jeunes gens m’a confié, les larmes aux yeux : « Encore la semaine dernière, Rav Moulé m’avait téléphoné et m’avait annoncé, joyeusement, qu’il avait trouvé pour moi en endroit où 28

devenir Chalia’h ! ». Et ce jeune homme avait ajouté en me regardant droit dans les yeux : « Tu comprends ? Il se trouvait à l’hôpital mais il était heureux qu’après bien des difficultés, il avait trouvé une Chli’hout pour un jeune homme supplémentaire (ce serait d’ailleurs un sujet en soi, évoquer comment Rav Moulé réussissait à envoyer justement comme Chalia’h des jeunes gens qu’il avait lui-même formés). Lors de la dernière réunion des Chlou’him, avant le mois de Tichri (et c’était d’ailleurs sa devise ces dernières années), il a demandé et a insisté auprès des Chlou’him pour qu’ils nomment et trouvent d’autres candidats à la Chli’hout en rapportant les paroles du Rabbi comme quoi cela ne pourrait qu’être bénéfique pour eux. J’espère qu’avec cela, j’ai répondu un peu à la question posée plus haut : qu’est-ce qui nous a amenés, nous les jeunes, et qu’est-ce qui nous a attiré vers lui : c’est que, tout simplement, Rav Moulé se dévouait corps et âme pour le Groupe. Il n’avait qu’un seul souci : comment causer de la satisfaction au Rabbi ! Chmouël Lubecki

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Chlia’h

Témoignage d’un

Chnéor Zalman Gershovitz

L

orsqu’un des membres du groupe décède, tout le groupe doit s’inquiéter. (Guemara Chabbat 105b)

Écrire sur une personne comme Rav Chmouël Azimov (« Rav Moulé ») n’est pas une mince affaire. Selon la coutume ‘Hassidique, on ne prononce d’oraison funèbre, mais nous devons essayer de nous encourager pendant cette période de deuil, comme dit le verset « le vivant prendra à cœur ». Certes, les esprits et cœurs de chacun ne sont pas les mêmes, et ce qui marque profondément une personne peut laisser l’autre insensible. Cependant, si je réussis à éveiller le cœur d’un des lecteurs, j’en serais gratifié. Beaucoup a été écrit sur la dédicace de Rav Moulé envers ses élèves ainsi que leurs familles respectives. Il faut certainement une dose considérable d’amour du prochain pour que la vie de chacun concerne autant Rav Moulé, allant jusqu’à se souvenir de petits détails et de faits qu’un autre aurait oubliés, se souciant de l’éducation des enfants qui étudient à l’étranger etc. Les marques d’affection que Rav Moulé et son épouse N° 7 | Kislev 5775 - Décembre 2014

a’’h ont méritées de la part du Rabbi sont aussi connues de tous. Cependant, je voudrais m’arrêter justement sur les « relations de travail », si on peut appeler ça ainsi, que nous avions avec Rav Moulé dans le cadre de la Chli’hout en île de France. L’Armée de Chlou’him ayant énormément grandi ces dernières années, il est naturel que dans l’obscurité dans laquelle nous-nous trouvons depuis Guimel Tamouz – où nous ne pouvons plus recevoir d’instructions directes et encouragement du Rabbi, c’est dans une période comme celle-ci que nous devons apprendre la manière comment Rav Moulé pratiquait sa Chli’hout. Pourquoi précisément Rav Moulé ? Parce que sans aucun doute, Rav Moulé n’est pas seulement « un des membres du groupe » mais plutôt « le membre principal du groupe », « le Lion du groupe ». On ne connaît pas beaucoup d’endroits dans le monde où l’on peut dire, sans équivoque, que la Chli’hout du Rabbi a été accomplie exactement comme le Rabbi la voulait. De plusieurs réponses et Ye’hidouyot du Rabbi 29


et de la Rabbanite, ressortent une grande satisfaction du travail de Rav Moulé et son épouse.

est synonyme de « juif religieux », tant le mouvement est bien implanté.

Cette réussite peut être visible aujourd’hui par tous. Voici que l’on appelle une réussite : une grande communauté ayant été rapprochés à la Torah et aux Mitsvot, des instructions scolaires pour tout âge, des Chlou’him dans toute l’Île de France, le nom du Rabbi évoqué avec honneur et admiration par les juifs locaux, de tous les courants et milieux, l’avis du Rabbi et

Mes relations avec le Rav Azimov n’ont pas duré longtemps. Je ne suis pas originaire de Paris et ne suis pas né dans une famille du « groupe ». Ma première rencontre avec Rav Moulé remonte à près de dix ans en arrière, la veille de mon mariage. Rav Moulé m’expliqua comment l’essentiel de l’attachement avec « l’extension de Moïse notre Maître » se passe « dans

de son Chlia’h local pris en compte pour chaque sujet lié au judaïsme. Je doute qu’il y ait un autre endroit dans le monde où tant de critères de réussite sont réunis, d’autant plus qu’à Paris, tout a démarré depuis zéro (après le Rabbi et la Rabbanite ont labouré et semé lors de séjours en France).

chaque génération », c’est-à-dire, lorsqu’on se trouve sous la ‘Houpa et s’apprêtons à construire un nouveau foyer juif. À ce moment, il est capital et important de penser au Chef de la génération (« l’extension de Moïse ») et aux forces qu’il nous prodigue. Ensuite, le Rav Azimov me raccompagna dans sa voiture jusqu’à mon domicile.

Lorsque j’arrivais en Chli’hout en Ile de France, je rencontrais des juifs assimilés nés de parents aussi assimilés. En apparence, ces juifs avaient l’air très éloignés de toute pratique juive, j’étais très étonné de les voir parler naturellement des « Loubavitch », jusqu’à ce que je compris qu’à Paris, « Loubavitch » 30

La seconde fois que je l’ai rencontré était évidemment le lendemain, jour de notre mariage. Et depuis, cela ne s’arrête pas ! Avant notre départ chez le Rabbi pour y étudier une année au Kollel, Rav Moulé nous dit très clairement qu’il attendait que l’on revienne pour

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la Chli’hout ! Il n’attendait pas que nous, Rav Azimov cherchait avidement de nouveaux Chlou’him pour l’Ile de France. L’année dernière, cela semblait que cela saturait l’offre ayant l’air plus grande que la demande. De nombreux jeunes Chlou’him n’arrivaient pas à trouver d’endroit de Chli’hout. C’est un problème dans le monde entier. Rav Azimov aurait pu enfin admirer le travail fait à Paris où chaque quartier a son Chlia'h, mais il n’en fut pas ainsi ! Lors de la dernière réunion de Chlou’him Parisiens en préparation aux fêtes de Tichri, Rav Azimov demanda à ce que davantage de Chlou’him ouvrent de nouvelles institutions, ainsi, de nouveaux Chlou’him pourront s’occuper de ces institutions. En ce qui concerne la Chli’hout, je demandais son conseil pour chaque chose, grand ou petit détail. Évidemment, je recommandais à plusieurs personnes de consulter son conseil lors de problèmes épineux. J’ai pu assister à des centaines de Farbrenguen, réunion etc. Je voudrais ici partager un peu de ce que j’eus le privilège de recevoir. Rav Azimov était actif jusqu’à ses derniers jours dans le domaine de l’éducation, et ce, suite à une instruction directe du Rabbi. Il est évident qu’il y une interaction directe entre les domaines de la Chli’hout et l’éducation. Il est évident que le fait qu’il était Chlia’h du Rabbi influença grandement la façon qu’il avait d’éduquer les enfants. Je voudrais justement m’arrêter sur l’éducation qu’il nous donna par le biais de la Chli’hout. Je peux dire, sans aucune exagération, que les quelques années passées avec Rav Azimov m’ont donné une nouvelle éducation. Chacun des Chlou’him ayant travaillé conjointement avec lui pourrait en dire ainsi. Je vais essayer de retranscrire quelques anecdotes qui me reviennent à l’esprit, en essayant de les commenter un tant soit peu. Avant d’évoquer la Chli’hout, il faut d’abord analyser la relation en le Chalia’h (le chargé de mission) et le Mechalea’h (celui qui l’envoie). Le Chlia’h ressent à quel point il est « l’émissaire » de son Rabbi, qui selon les textes « l’émissaire d’un homme est comme celui qui l’envoie ». J’ai entendu souvent la question pourquoi le Rabbi employait le terme « Chlou’him » au lieu d’utiliser les termes utilisés dans le temps comme « Chadar » (envoyé rabbinique) etc. Lorsqu’on étudie les Si’hot du Rabbi, on peut dire que le Rabbi a préféré N° 7 | Kislev 5775 - Décembre 2014

un terme qui a sens sur le plan Hala’hique. Un Chlia’h n’est pas représentant d’une communauté ou d’une cause. Le Chalia’h dans son sens purement Hala’hique indique que « le Chlia’h est comme celui qui l’envoie », ainsi que « le Chlia’h peut nommer un autre Chlia’h ». Un exemple vivant de ces définitions Hala’hiques est Rav Moulé ! Il était entièrement soumis à chaque instruction du Rabbi. Rav Moulé qui vient d’une lignée ‘Hassidique, qui avait plusieurs traditions et coutumes familiales reçues d’anciens ‘Hassidim, il n’hésitait de modifier une pratique dès qu’il comprit que le Rabbi en demandait autrement. Lorsqu’il lisait une lettre du Rabbi dans laquelle le Rabbi évoquait un sujet, ce thème revenait dans tous les Farbrenguen de Rav Moulé dans les semaines suivantes. On raconte qu’à la Yechiva Tom’hei Tmimim en Russie il y avait deux Tmimim (élèves) entre lesquels il y avait une constante jalousie (évidemment positive). Reb David Keivman (Horodoker) était envieux du « Itkafia » (travail sur soi) de Reb Tsvi Hirsh Azimov (Hirshel Klimawitcher) qui était quand à lui envieux du « Kabbalat Ol » (soumission) dont faisait preuve Reb David. Suivant le dicton « la jalousie des sages intensifie l’intelligence », on peut dire que la jalousie de Reb Tsvi Hirsch Azimov porta ses fruits… Son petit-fils Rav Moulé mérita d’avoir une soumission hors pair. Rav Moulé éduqua évidemment les Chlou’him à avoir cette soumission, qui s’exprime d’abord et avant tout en écrivant très régulièrement au Rabbi un « Dou’h » - rapport détaillé. Lorsqu’on est envoyé par quelqu’un pour accomplir une mission, il est évident qu’il faut rapporter si la mission a pu être accomplie ou non. S’il manque à ce devoir de rapport, bien que cela n’enlèvera rien au travail qu’il a fourni, cela affectera très certainement sa relation de Chlia’h envers celui qui l’a envoyé. Ou pourra alors prétendre que bien que le Chlia’h ait accompli sa mission, il est possible qu’il ne l’a pas accomplie en tant que « Chlia’h » dans le sens Hala’hique du terme, mais plutôt parce que le concept l’intéressait personnellement. Rav Moulé exigeait des rapports réguliers et détaillés. Pas des rapports où l’on demande des bénédictions, ni même pour procurer satisfaction au Rabbi, mais simplement le rapport d’un Chalia’h envers celui qui l’a envoyé. Dès la sortie de Roch Hachana, les Chlou’him doivent rapporter le nombre de sonneries du Choffar et le nombre de personnes ayant bénéficié de ces 31


sonneries. De même, chaque soir (!) de ‘Hol Hamoèd Soukkot et toute l’année – un Chlia’h doit tout le temps faire un rapport à son Mechalea’h. Une des deux seules fois où je l’ai vu s’énerver lors d’un Farbrenguen était lorsqu’il s’était rendu compte d’un certain affaiblissement dans l’écriture des rapports. Il ne comprenait pas comment cela se faisait-il que certains attendissent qu’on les appelle pour donner leurs chiffres au Rabbi, et que le cas échéant – ils ne remplissent pas de rapport ! La seconde fois où je le vis exprimer son mécontentement, était lorsqu’il demanda à un Chlia’h d’aller fixer une Mezouza dans un certain endroit, et que quelques jours plus tard, le Chlia’h dit qu’il « n’avait pas encore eu le temps de le faire… ». Le lien entre le Chlia’h et le Mechalea’h ayant été développé, vient maintenant l’action de la Chli’hout (mission) même. Rav Azimov a défini aux Chlou’him travaillant sous lui, quels sont les contours d’une bonne Chli’hout en s’assurant que l’action corresponde à l’intention du Rabbi, et que ne soit jamais perdue la relation avec notre « source » alors l’on se trouve « à l’extérieur ». Aujourd’hui, lorsqu’on parle d’un « Chlia’h du Rabbi » ou (dans son appellation moderne) d’un « Chlia’h ‘Habad », beaucoup s’imaginent un militant important agissant pour la communauté, qui ira habiter dans un recoin perdu pour y construire une vie juive. Il y ouvrira d’abord un Beth ‘Habad, puis un Mikvé et d’autres institutions, s’assurera qu’il y ait de la nourriture Cacher et évidemment il organisera des évènements – grands ou petits – pour rassembler les juifs de la ville. Tout cela est bien beau, mais le danger contant de la routine le guette constamment. Rapidement, le Chlia’h pourra être certes un Rabbin respecté, Chef de communauté, militant activement pour la vie juive mais ayant oublié le but pour lequel il est ici. Cela est déjà arrivé de voir un Chlia’h organiser une fête, être présent à un événement juif mais ne pas penser 32

à mettre les Tefillines aux présents qui ne les ont pas encore mises… Chez Rav Moulé, j’ai observé une tout autre approche. Qui ne laisse pas la « quintessence » de la Chli’hout s’évaporer. Chez Rav Moulé, la Chli’hout est d’abord et avant tout : Les Mivtsaimes (actions) que le Rabbi a lancés ! À chaque réunion à l’approche des fêtes, Rav Moulé parlait des Mivtsaimes liés à la fête. Pratiquement à chaque Farbrenguen, il encourageait les participants à être actifs dans les Mivtsaimes du Rabbi. Il ne fallait pas que passe un Roch Hachana et qu’un seul juif sur Paris n’ait pu écouter le Choffar ! Avec vitalité et ferveur, il nous expliquait comment lorsqu’on met les Tefillines à un juif – ne serait-ce qu’une seule fois, il devient attaché au Rabbi qui priera et s’occupera de lui. L’effervescence des Mivtsaimes brûlait en lui, et il arrivait à la transmettre à tous les Chlou’him Parisiens. Il expliquait souvent que le travail principal d’un Chlia’h est ni d’être occupé par la bureaucratie, ni de ramasser des fonds, ni de devenir un Rabbin, mais d’être actif dans les Mivtsaimes et accomplir ainsi la volonté du Rabbi. Même l’ouverture d’un Beth ‘Habad est uniquement un moyen pour réaliser les Mivtsaimes du Rabbi ! Il transmettait cette effervescence également aux Anach (membres de la communauté ‘Habad) de Paris. Durant la fête de Soukkot, on peut apercevoir sur les plus grandes places de Paris, un Anach où un jeune

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présent à son poste, du matin jusqu’au soir, pour s’assurer qu’il n’y ait pas un seul juif qui ne fera pas la Mitsva du Loulav. Cette image me revient à l’esprit : Rav Moulé s’approche d’un jeune Ba’hour de Yechiva et lui exige de rester à Paris pour la fête de Soukkot, puisqu’il manque d’effectifs pour les Mivtsaimes… Une autre image qui me revient : Rav Moulé vient pour la prière du matin de ‘Hol Hamoèd Soukkot au « 17 » rue des Rosiers, un Ba’hour est déjà à son poste dans la rue pour proposer aux passants de aire la Mitsva du Loulav. Rav Azimov s’arrête pour l’encourager dans son action. Il faisait également très attention à ce que les Mivtsaimes se passent conformément à la stricte Hala’ha. Par exemple, il insistait que les Chlou’him n’achètent de Mezouzot seulement dans des endroits dignes de parfaite confiance. Il s’assurait également d’envoyer chaque année aux Chlou’him des enregistrements vocaux du Choffar pour s’assurer qu’ils sonnent parfaitement. Il ajoutait des pièces aux Michloa’h Manot distribué à Pourim et insistait chaque année sur le fait, que même si les fidèles viennent écouter la Meguila, il faut s’assurer qu’ils n’oublient pas les « Mitsvot faciles » de Pourim que sont le « Matanot LeEvionim (dons aux pauvres) », et « Michloa’h Manot (échange de mets) ». Il pensait aux plus petits détails. Je me souviens comment lors de la dernière réunion, il rappela aux Chlou’him l’importance d’avoir des Kippot dédiées pour les Mivtsaimes et ne pas donner aux gens la Kippa que l’on portait sur la tête car « les Français n’aiment pas ça… ». Au courant de ces réunions, il rappelait souvent aux jeunes Chlou’him qu’il fallait attendre au moins dix ans de travail avant de pouvoir se retourner « en-arrière » pour analyser ce qui a été réalisé. Plusieurs fois il dit, que si un Chlia’h a pu venir dans une ville et simplement saluer chaque juif de la ville – il a déjà opéré une révolution dans la ville. Nous avons mentionné la récolte de fonds, à ce propos, Rav Moulé encourageait les Chlou’him à ramasser des fonds pour les intuitions centrales du Beth Loubavitch ainsi pour les différentes brochures éditées. Il y avait même des réunions pour les Chlou’him lors des semaines précédant le Gala annuel. Cependant, N° 7 | Kislev 5775 - Décembre 2014

même dans ces réunions, il insistait sur le fait que la récolte de fonds devait être faite en « semant du spirituel et récoltant du matériel ». Il ne donnait jamais de conseils « professionnels » comment récolter des fonds, mais un seul et simple conseil : Organiser des cours de Torah - semer, et les fonds finiront par pousser ! Il y a aussi quelque chose qui m’a beaucoup marqué au début (jusqu’à ce que je m’y habitue et que cela devienne évident à mes yeux…), c’était l’importance capitale que Rav Moulé donnait à l’étude du Rambam. Rav Moulé ne faisait pas de cadeaux, ni pour soi-même, ni pour les autres : il exigeait à chacun d’étudier trois chapitres de Rambam par jour. Même en était alité à l’hôpital où il ne pouvait étudier par ses propres moyens, il tint à ce qu’on lui lise l’étude de Rambam à son chevet. Il tint également à ce que dans « Sidra de la Semaine », il y aura un résumé de l’étude du Rambam de la semaine. Aujourd’hui, la notion d’étudier la Mitsva de Rambam est largement rependue, dans chaque Brit Mila, Bar Mitsva, mariage etc. sera répétée la Mitsva du Rambam. C’est impressionnant de voir à quel point on accorde une telle importance à un Mivtsa du Rabbi. ■■■ Je voudrais à présent partager quelques détails sur le contact que Rav Moulé avait avec les Chlou’him Parisiens sur le plan personnel. Je ne m’arrêtais pas sur le contact qu’il avait avec les anciens Chlou’him du « groupe », dont on connaît globalement l’histoire, mais plutôt du contact qu’il avait avec les jeunes Chlou’him. Rav Moulé tenait énormément à les aider et les rassurer. Par exemple, il annonça l’année dernière lors d’une réunion qu’un Chlia’h qui avait des difficultés de Parnassa (gagne-pain), pouvait lui en faire part, et il l’aidera pour un certain temps. Chaque année, Rav Moulé distribuait des sommes considérables d’argent de ‘Hannoucah aux jeunes Chlou’him. Il arriva plus d’une fois qu’il participa aux frais des billets d’avion des Chlou’him qui avaient voyagé chez le Rabbi pour Guimel Tamouz. De façon générale, son lien avec tous les Chlou’him était très particulier. Son but était très clair : il fallait arriver à chaque juif et le mériter d’accomplir une Mitsva. Or, les Chlou’him et Anach agissent tous dans ce sens, certes, les Chlou’him ont le mérite de 33


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s’atteler à cette tâche toute la journée, mais même un homme d’affaires peut mériter du titre de « Chlia’h » s’il prend sur soi la responsabilité de diffuser le judaïsme dans son quartier ne-serait-ce que quelques heures par semaine. Cette approche innovatrice et inédite dans les autres pays du monde se base sur des instructions claires que Rav Moulé reçut du Rabbi. Personnellement, Rav Moulé travaillait également en tant que professeur enseignant à mi-temps au ‘Heder Loubavitch, et ce, jusqu’à encore l’année dernière ! Cette approche connut une grande réussite à Paris, à tel point que Chlou’him et Anach travaillent d’un même bloc dans toute la ville dans le but de la préparer ainsi à accueillir Machia’h. Chaque année, encore plus de jeunes Chlou’him s’intègrent avec joie et unité dans la famille des Chlou’him.

paroles. Pendant le Farbrenguen, il fermait souvent les yeux et répétait principalement des Farbrenguen du Rabbi. De temps à autre, il répétait des Si’hot du Rabbi précédant et des histoires de ‘Hassidiques des générations précédentes. Pratiquement à chaque Farbrenguen, il répétait encore et toujours l’importance de prendre part aux Mivtsaimes du Rabbi, et rappelait que, comme le dit le Talmud : « Ya’akov notre Père n’est pas mort. Puisque sa descendance est en vie, lui aussi est en vie », il insistait ainsi sur l’importance de l’attachement au Rabbi. Il parlait souvent aussi de la Rabbanite a’’h.

Les Farbrenguen qu’il faisait chaque Chabbat, ainsi qu’à l’occasion des dates ‘Hassidiques, étaient une source d’énergie et d’inspiration pour les Anach et Chlou’him. Ces Farbrenguen étaient sans « manières » quelconques, c’était justement la monotonie de ses propos qui faisait ressortir la vérité et la chaleur de ses

- À l’occasion de Guimel Tamouz de l’année dernière, j’étais sur le même avion que Rav Moulé. Après une heure de vol, une panne grave fut découverte et l’avion dut retourner à l’aéroport. Au départ, on parlait de changer d’avion, mais n’en trouvant pas d’autre dans l’immédiat et le problème ayant pu être réparé en

■■■ Je voudrais terminer par quelques histoires courtes, mais très révélatrices :

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quelques heures, on nous annonça qu’on repartirait avec le même avion… On pouvait voir l’angoisse et la peur sur la tête de nombreux voyageurs… Rav Moulé demanda à son fils de faire en sorte qu’un Pan soit lu au Ohel du Rabbi pour demander une bénédiction. Dès qu’il apprit que quelqu’un avait pu rentrer au Ohel avec ce Pan, Rav Moulé était parfaitement calme, comme ci que rien ne s’était passé… - Dans la ville de ma Chli’hout, il y a un Mikvé qui a été construit il y a plus de trente ans. Ce Mikvé était fermé depuis plusieurs années à cause de différents problèmes. Dès que Rav Moulé l’apprit, chaque fois qu’il me voyait il me rappelait l’importance de rénover et rouvrir ce Mikvé. Des fois, il me faisait passer le message par son fils.

lé lequel des Ethrogim était meilleur, pour le prendre pour lui-même, il le gronda en disant : « Et le plus beau Ethrog tu prendras pour toi ?! Ce n’est pas une conduite d’Ahavat Israël ! ». Pour lui, c’était une leçon de vie. Il est clair que par le mérite de la révolution spirituelle en France et dans le monde, nous mériterons très prochainement la venue de Machia’h, alors « D.ieu effacera les larmes de tout visage », Now ! Et si, D.ieu préserve, cette libération venait à tarder, certainement que l’énergie de Rav Moulé continue en ses enfants et les autres Chlou’him, et que tout cela puisse procurer de la satisfaction à nôtre Rabbi.

Ce n’était pourtant pas un Mikvé construit selon les coutumes ‘Habad, il n’était pas affilié au Beth Loubavitch, mais pour Rav Moulé, la pureté familiale avait une importance majeure. Il ne se tranquillisait pas du fait qu’on pouvait facilement trouver un Mikvé dans les villes avoisinantes… D’ailleurs, lors des premières rencontres que Rav Moulé eut avec le nouveau Grand Rabbin de Paris, au lieu de parler des besoins du Beth Loubavitch, Rav Moulé préféra insister sur l’importance de vérifier et s’assurer de la Cacherout des Mikvaot de Paris – ce qui compte, c’est que cela soit fait ! - Une dernière histoire, dont je n’étais pas témoins, mais que viens d’entendre d’un des Chlou’him qui était plusieurs fois avec Rav Moulé chez le Rabbi. Il raconta comment lorsque Rav Moulé était chez le Rabbi – c’était un autre homme ! Il remarqua que lorsque le Rabbi lisait la Haftara, Rav Moulé était en larmes du début à la fin de la Haftara. Il me raconta également qu’une fois il acheta deux Ethrogim pour Souccot, un pour lui-même et un autre pour des personnes se rapprochant de la Torah. Lorsqu’il demanda à Rav MouN° 7 | Kislev 5775 - Décembre 2014

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Pouvez-vous nous présenter Poissy ? Poissy se situe à une heure de Paris. C’est une ville de 40 000 habitants avec un grand pôle industriel. Dans cette ville est né le roi Louis IX, connu pour sa haine des Juifs. C’est lui qui organisa plusieurs autodafés du Talmud dans les années 1240 ainsi que des croisades. Ceci causa le départ de nombreux Juifs de France vers l'Allemagne avec, à leur tête, des Sages éminents, parmi lesquels certains des Baalé Tossafot. Aujourd'hui, il se retourne certainement dans sa tombe grâce au travail des Chlou’him du Rabbi en France et plus particulièrement à Poissy. Qu’est-ce qui vous a motivé pour vous installer à Poissy ?

INTERVIEW AVEC LE

Rabbin de Poissy Rav Mena'hem Mendel SARFATI

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Il y a 14 ans de cela, la communauté se tourna vers Rav Sebag, Chalia’h d’une ville limitrophe, St Germain en Laye, car elle recherchait un jeune homme pour lire la Torah. J'étais tout juste fiancé quand Rav Sebag me confia cette mission. Quelques semaines plus tard, les dirigeants de la communauté me demandèrent de devenir leur Rabbin officiel. Je répondis que j'allais prendre conseil auprès du Rav Azimov h.a (qui était d’ailleurs mon Chad'han – celui qui a organisé ma rencontre avec mon épouse). Je partis donc avec ma future épouse chez Rav Azimov. Celui-ci s'adressa à elle et lui demanda son avis. Elle répondit qu’elle souhaitait plutôt que j’étudie un an au Kolel chez le Rabbi avant de rentrer dans la vie active (comme il est de coutume dans le monde 'Habad).

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Rav Moulé lui demanda alors : « Vos parents ont-ils la possibilité d'assumer financièrement votre année de Kolel ? » Mon épouse, issue d'une famille nombreuse (grâce à D.ieu), répondit négativement. Il nous encouragea alors à partir en Chli’hout juste après le mariage et de prendre la responsabilité de la communauté. Il ajouta que le Rabbi dit que celui qui part en Chli'hout n’a pas besoin de passer par l’année de Kolel. Puis, il nous bénit comme un père bénit ses enfants et nous promit de rester en contact permanent. A notre arrivée dans la communauté, j’ai été très surpris de constater que nous avions des opposants qui ne voulaient pas d’un Rabbin ‘Habad. Mais peu à peu, ils ont complètement changé leur opinion à tel point qu’un jour, un responsable de la communauté déclara qu’aucun Rabbin n'aurait pu accomplir le même travail que le Chalia'h. Parlez-nous de la communauté de Poissy actuellement. Les villes éloignées de Paris telles que Poissy sont aussi malheureusement très éloignées du judaïsme. C'est pourquoi, nous pouvons dire que la réussite est grandiose : chaque semaine, 100 personnes environ viennent à la prière de Chabat, le cours de Tanya fait salle comble et la ‘Hassidout est rentrée dans l’esprit de tous. Une dizaine de familles envoient leurs enfants à Paris dans les écoles de Rav Azimov. C'est un vrai sacrifice, sachant qu'il s'agit de deux heures aller-retour avec des frais de scolarité importants alors qu'ils auraient pu les mettre gratuitement à l’école laïque en bas de la maison. N° 7 | Kislev 5775 - Décembre 2014

Grace a D.ieu, nous avons plus d'une dizaine de familles Chomers Chabat dans la communauté. Un ami de la Choul est même devenu un vrai 'Hassid. Racontez-nous une anecdote avec Rav Azimov ? Un jour, la communauté a voulu organiser une fête mixte à l'intérieur de la synagogue. Je m’y suis naturellement opposé, menaçant même de sortir les sefarim, mais sans succès. Je suis alors parti prendre conseil auprès de Rav Moulé. Il m’a écouté jusqu'au bout puis m’a dit : « Ta mission est d'accomplir les dix campagnes de Mivtsaim du Rabbi ; attache-toi à eux et le reste s’en ira de lui-même ». C'est exactement ce qui se passa : les gens n'ont pas osé se laisser aller à des danses mixtes dans la synagogue et depuis, plus aucun événement de ce genre n’a eu lieu dans notre Choul. Je peux constater aujourd'hui la vision lointaine du Rav Azimov ! ■■■ A présent, je voudrais vous raconter comment Rav Moulé était un vrai père pour nous tous : 37


A l'âge de 6 ans, j'étudiais avec Rav Moulé l'Alef-Bet. A cette époque, mon père était responsable du service de cachérisation du Beth Loubavitch. Il rendait une première visite dans les familles afin d’expliquer les règles de la cacherout puis revenait avec son équipe lorsque les familles étaient prêtes. Un jour, mon père arriva pour une cachérisation et malheureusement, le ballon de gaz lui explosa en pleine figure et prit feu. Mon père se jeta par la fenêtre (heureusement que du 1er étage) et se roula sur la route jusqu’à éteindre le feu. Il fut grièvement blessé et resta à l’hôpital plusieurs mois. En tant qu'enfant, j'étais très inquiet pour lui sans vraiment comprendre ce qui se passait. Mais je n'oublierai jamais comment, lorsque j'arrivais à l'école, Rav Moulé me prenait sur ses genoux pour me calmer et m’offrait des sucreries en me rassurant et en me disant : « Ne t'inquiète pas, Papa va bientôt rentrer de l'hôpital ! » J'étais un petit enfant sensible et c’est ce qui me calma. Ainsi, il nous aida et nous soutint pendant toute cette période difficile. Je voudrais vous raconter une autre petite histoire : 38

En tant que rabbin de la ville, la mairie m’a accordé un pavillon pour le bien-être de ma famille. J’ai photographié l'intérieur et l'extérieur puis j'ai montré les photos à Rav Moulé. La première chose qu'il m’a dite a été de bien m'occuper du jardin : il prêtait toujours attention aux moindres détails ! Il fut si content pour moi qu'il envoya son fils Lévi Its’hak dire Le'haim dans ma nouvelle maison. Reb Levi m’a dit lors de cette visite que le Rabbi s'occupe de ses Chlou’him et se soucie de tous leurs besoins. « Le Rabbi, sachant que tu habites loin, veut que ta famille respire de l'air frais dans le jardin en rentrant à la maison. » Voulez-vous partager avec nous un sentiment personnel ? Je suis sûre que là-haut a eu lieu un grand Farbrenguen pour accueillir Rav Moulé, un Chalia’h si attaché au Rabbi ! Mais un père ne laisse pas ses enfants seuls. Rav Moulé nous a amené au Rabbi et par son mérite, avec les forces qu’il nous a données et les enseignements qu’il nous a prodigués nous allons certainement donner une grande satisfaction au Rabbi !

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Rav Moulé Hommage a Rav Yossi Amar Chlia’h du Rabbi de la Seine-et-Marne

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ans plusieurs lettres le Rabbi rapporte l’importance de la Mitsva de consoler les endeuillés et celle des endeuillés eux-mêmes de se consoler l’un l’autre (Rabeinou Yona paragraphe 3 du traité Brakhot). A priori, ceci n’est pas compréhensible : comment quelqu’un qui se trouve en deuil peut-il consoler son ami endeuillé lui aussi ? En fait, cela montre simplement à l’endeuillé qu’il n’est pas seul dans sa souffrance et qu’il y a sûrement beaucoup d’autres personnes qui veulent le réconforter....seulement, la souffrance est si grande qu’ils ne savent pas comment le faire. Cela constitue, en soi, une consolation. (Voir les lettres du Rabbi 13 Adar, 12 Nissan 5710 – 1950, après le décès du Rabbi précédent). Je suis venu écrire quelques lignes après la lévaya (l’enterrement) de mon Chalia’h et Rav, le Chalia’h si spécial et si unique dans la famille des émissaires du Rabbi dans le monde, le Chalia’h, le Rav et ‘Hassid : Rav Moulé Azimov a’’h. Voici que je me trouve dans l’avion qui nous ramène de la levaya qui s’est déroulée en Terre Sainte (où je me suis associé aux centaines de personnes qui venaient de partout, tout simplement pour dire merci...). Car nombreux sont ceux qui ont écrit et raconté (et c’est sûr qu’il y en aura encore beaucoup d’autres) sur cette personne si spéciale, mais j’ai voulu ici écrire ce que j’ai ressenti et ce qu’il était pour ma famille et moi, en particulier durant les treize dernières années où j’ai mérité d’être un émisN° 7 | Kislev 5775 - Décembre 2014

saire du Rabbi par son intermédiaire, pour le département de la Seine et Marne. Ma femme et moi avions un lien avec lui dans les choses les plus simples, même s’il était un très grand Chalia’h du Rabbi, dans la capitale de la France, Paris mais aussi ses banlieues, depuis des dizaines d’années ; malgré ses nombreuses responsabilités, il savait se préoccuper des besoins de chacun sans distinction, jeune ou vieux, grand Rav ou Juif simple qui commençait à peine à s’approcher du judaïsme et de la ‘Hassidout. J’étais toujours stupéfait de voir jusqu’où allait son don de soi. Il savait s’effacer complètement et tout son être se dévouait pour autrui, homme, femme ou enfant. Et il le faisait tout seul ! Le tout avec le sourire .... Personne n’avait le sentiment de le déranger ; on lui téléphonait à toute heure de la journée ou de la nuit, pour toutes sortes de questions, et même pour des choses qui n’étaient pas très importantes finalement ; il avait beaucoup de patience et un bon cœur ; sans juger, sans rabaisser, il écoutait et montrait à son interlocuteur de l’amour véritable, il montrait qu’il se souciait vraiment de lui. Je pense que c’est cela qui a entrainé un tel amour de ses élèves envers lui, que ce soit dans les premières ou dans les dernières années du groupe. Il ne se souciait pas seulement de nous, les Chlou’him, mais aussi de nos femmes, les Chlou’hot et de nos familles, en particulier après une naissance ou autres cas similaires ; il demandait toujours : comment va ta 39


Plusieurs fois, il rajoutait quelques lignes sur les lettres de remerciement qu’il m’envoyait, en réponse à ce que j’avais l’habitude de lui transmettre, que ce soit un don pour le Beth Loubavitch ou bien des dizaines d’écrits du Rabbi, écrits de Sa Sainte main, qui venaient d’être édités et que je lui envoyais chez lui à la maison, car je savais le plaisir que cela lui procurerait. Lorsqu’ensuite on se rencontrait, nous parlions de telle réponse du Rabbi ou de tel ou tel sujet, ou comment le Rabbi considérait telle ou telle situation. Quelques fois il me téléphonait pour me dire tout simplement merci ! Et après une discussion de quelques minutes, je m’asseyais et je me demandais si je ne rêvais pas ! Je ressentais vraiment que c’était à moi de le remercier ! Tout le temps avec ces mots : « Merci pour tout, j’ai tout reçu, merci pour tout ce que tu m’envoies ».

femme ? Comment elle s’organise avec les enfants ? Comment va ton père ? Il partageait nos joies, il était content de notre réussite. Après les dizaines de comptes rendus que j’avais l’habitude d’envoyer, après toutes les actions qui ont été faites dans le département du 77, il demandait tout le temps de continuer et nous encourageait en indiquant comment faire, avec tant de bon cœur qu’on pouvait ressentir qu’il était fier de notre action. Malgré ses problèmes de santé et ses soucis de gestion de toutes les institutions qu’il dirigeait, il trouvait toujours le temps de s’occuper d’un Chalia’h beaucoup plus jeune et de le conseiller. 40

Dès la première année où nous sommes arrivés dans le département du 77, nous nous sommes vus plusieurs fois de longues heures dans son petit bureau du ‘Héder Loubavitch (l’école des garçons) ; il me conseillait et me dirigeait,me disait comment avancer dans le travail de la Chli’hout et il mentionnait plusieurs fois devant moi ce que le Rabbi lui avait dit : ici ce n’était pas l’Amérique, le travail devait être : « vous allez les cueillir un par un, famille par famille » ; il faut se préoccuper du bien-être de chacun car même s’il y a de nombreux participants aux grandes fêtes organisées, qu’en est-il après? Il faut creuser et semer en profondeur, chez chacune des familles rencontrées ; c’est de cette manière-là qu’on pourra les changer, les rapprocher de Torah et Mitsvot, et les attacher à l’arbre de vie, solidement. Et tout cela, nous l’avons vu chez lui ; je me rappelle comment en riant, il me donnait des conseils sur le comportement à adopter avec telle ou telle personne, selon qu’elle était Algérienne ou Marocaine etc. Il savait comment travailler avec chacun, et cela il l’a transmis à chacun de nous. Lorsque j’ai construit le bâtiment du Beth ‘Habad de Seine et Marne, il y a 8 ans, il s’est intéressé à tous les détails de la construction, et m’a même transmis ce que le Rabbi lui avait dit en yé’hidout (audience privée)- : on doit se soucier de la beauté et de la propreté du lieu, car ceci est la spiritualité du Rabbi. Et il l’a répété encore une fois, lorsqu’il est venu s’associer à l’inauguration du Beth ‘Habad.

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Lorsqu’il y a plusieurs années, j’ai réussi, pour la première fois à organiser un grand allumage de ‘Hanoucca dans la ville d’Armentières, dans le 77, à côté de la Mairie, en présence du Maire, il a été très heureux, et il m’a dit à voix haute : « Avec de telles initiatives, Machia’h peut arriver ! » Lorsque j’ai construit le Mikvé, le seul dans tout le département du 77, il y a 4 ans de cela, il s’y est intéressé et voulait vraiment qu’il soit très beau ; il venait lui-même visiter et constater l’évolution du chantier, lorsque le Mikvé était encore en construction. Il a dirigé tous les détails (avec son fils, mon ami le Chalia’h Reb Mendel) : il tenait à ce qu’il soit splendide ! Encore une fois me reviennent à l’esprit sa simplicité, son humanisme et son bon cœur, son souci et sa préoccupation de l’autre, comme peuvent en témoigner la centaine de Chlou’him et Chlou’hot qui ont travaillé sous son aile. Si j’ai grandi et ai été éduqué dans les premières années à Paris, ce n’est que grâce au Rabbi qui a envoyé ici, en 5723-1963, et après en 5728-1968, son émissaire Rav Moulé a’’h. Avec beaucoup de dévouement, il a ouvert la première école Loubavitch pour les enfants des ‘Hassidim de Paris et mes parents m’y ont inscrits, avec mon frère et mes sœurs ; là-bas, nous avons été éduqués depuis notre tendre enfance jusqu’à la Bar Mitsva, et pour mes sœurs jusqu’au Séminaire...Par la suite, il s’est lancé dans la construction de l’immense école, l’unique, la plus grande d’Europe : Beth ‘Haya Mouchka, où sont éduqués à peu près 2500 élèves chaque jour ; ceci lui a coûté énormément, aussi bien pour sa santé que pour sa vie privée...mais Rav Moulé ne comptait pas.... Tout son être respirait le RABBI. Et c’est seulement par son mérite que nous avons aujourd’hui un tel attachement au Rabbi ... Je me rappelle les parades de Lag Baomer qu’il organisait sur la place de la République, lorsqu’on était N° 7 | Kislev 5775 - Décembre 2014

seulement quelques dizaines ou centaines d’enfants. De même, les Farbrengen du Rabbi, où on se rassemblait au milieu de la nuit (à environ de 3h00 du matin) au premier étage du Beth Loubavitch ; nous y allions pour écouter par téléphone en direct le Farbrengen du Rabbi, et de là-bas nous allions le matin à l’école (avant l’époque où les Farbrengen du Rabbi étaient retransmis à la radio). Comment oublier notre émotion lorsque nous avons su que Rav Moulé a’’h avait organisé au Palais des Congrès, une retransmission vidéo en direct, pour voir la grande parade de Lag Baomer 5747-1987 avec le Rabbi (avant qu’il y ait internet ...) ? ‘Hanoucca Live : comment oublier le visage illuminé du Rabbi lors des allumages organisés par Rav Moulé a’’h, spécialement les dernières années ? Et nous n’oublierons jamais, en 5752-1991, lorsqu’à peu près 50 000 Juifs de France, se sont rassemblées au pied de la Tour Eiffel, pour voir le visage du Rabbi en direct, pour l’allumage public intercontinental... Et la fois où le Rabbi a commencé à encourager avec sa main sainte - pendant tout le direct, en voyant Rav Moulé a’’h chanter ‘’Aaderet Veaémouna’’ la Marseillaise, avec force. Aux yeux du monde entier, des milliers de 41


personnes à Paris se sont mises à chanter ensemble, belev e’had, d’un seul cœur....

Je pourrais continuer à écrire encore et encore, de longues heures, mais combien de lignes manquera-t-il ?!

L’imprimerie du Beth Loubavitch : le seul Chalia’h dans notre génération qui ait traduit toute la Torah du Rabbi, Likoutei Si’hot, Iguerot Kodech, Réchimot, les sihot qui sortaient chaque semaine, les années où nous avons eu le mérite de recevoir beaucoup de textes de ‘Hassidout depuis la maison du Rabbi.... et au même moment tout était diffusé partout, en français.

Merci au Rabbi qui a envoyé à Paris son émissaire Rav Moulé a’’h, il y a 50 ans.

Qu’auraient été aujourd’hui les milliers de familles de ‘Hassidim et de Chlou’him, éparpillées dans le monde entier, si ce n’est grâce aux institutions d’éducation Loubavitch qu’il a fondées, pour les milliers d’enfants de Paris, dans les années 70 – 80, et par la suite ? Et ce que j’ai mentionné plus haut, c’est seulement ce dont je me souviens là, maintenant. La dernière semaine, sur son lit d’hôpital, il s’occupait encore de quelques Chidoukhim – rencontres pour des mariages. Jusqu’à la dernière minute, son souci pour l’autre n’avait pas de limite !

Merci à mes parents qui nous ont fait entrer et éduquer dans ses institutions ; merci à eux, qui nous ont fait mériter de recevoir de son bon cœur, de son attachement au Rabbi et d’être ce que nous sommes aujourd’hui. Qu’Hachem console le peuple juif, la famille des Chlou’him en général, et en particulier nous, émissaires du Rabbi, qui avons mérité de travailler sous son aile. ‘’Et ils se réveilleront ceux qui sont sous terre ….’’ et lui à leurs tête, et notre Roi à notre tête, et qu’on puisse mériter d’être avec le Rabbi maintenant Mamach !!!! Rav Yossi Amar ‘Habad Loubavitch Seine et Marne, France Sous la direction de Rav Chmouel a’’h Azimov www.chabad77.org Traduit de l’hébreu par Raphaël Kaufmann


A L'OCCASION DU 33ème SIYOUM HARAMBAM

Fès, Le Caire, Tibériade SIYOUM HARAMBAM

AUTOUR DE LA PLANÈTE Note de l’éditeur : Cet article est basé principalement sur plusieurs entretiens avec les personnes impliquées personnellement dans ces événements uniques. Nous tenons à remercier de nombreuses personnes qui ont pris de leur temps pour partager leurs souvenirs avec nous et qui ont recherché dans leurs archives pour partager les photos et les documents reproduits ici. Voici les noms de quelques-uns d’entre eux : Rav Morde’haï Bistritzky, Rav Shimon Elitov, Rav Shmuel Greisman, Rav Yossef Hecht, Rav Haïm Kaplan, Rav Yossef Kramer, Rav Yossef Its'hak Levenhartz, Rav Hirshel Raskin, Rav Levi Shemtov.

C

e mois-ci, les Juifs du monde entier achèveront un cycle de l’étude du Rambam : le 33ème cycle pour ceux qui étudient trois Perakim (chapitres) par jour et le 11ème pour ceux qui étudient un Perek (chapitre) par jour.

Il est presque superflu d'expliquer aux lecteurs de ce magazine les immenses efforts que le Rabbi investit dans le Mivtsa (campagne) de l’étude du Rambam et l'énorme importance que le Rabbi attachait à cette étude. Durant les Farbrenguens, le Rabbi ne cessait de demander instamment que chacun prenne sur soi de rejoindre l'un des cycles d’étude du Rambam, de préférence trois Perakim par jour et aussi d’encourager d’autres personnes à en faire de même. Tout au long des années, depuis que le Rabbi instaura cette étude lors d’A’haron Chel Pessa’h 5744 (1984), le Rabbi consacrait une partie de chaque Farbrenguen à expliquer le Rambam du jour selon le cycle de trois Perakim ; parfois, durant des Si’hot entières, il analysait l’enseignement du Rambam du jour et son implication dans la vie de tous les jours et la façon dont un Juif N° 7 | Kislev 5775 - Décembre 2014

doit se conduire et réfléchir. Le Rabbi était également souvent photographié en train d’étudier le Rambam en voiture sur la route vers l’Ohel. Dans le cadre de cette campagne, le Rabbi a demandé instamment que des Siyoumim (conclusions) festifs soient organisés à chaque fin de cycle et même à la fin de chacun des quatorze livres du Yad Ha’hazaka. À partir de Zayin Adar 5745 (1985) - vers la fin du premier cycle de Rambam - et tout au long de l'année, le Rabbi encouragea et insista pour que soient organisés des Siyoumim dans le monde entier pour célébrer la conclusion de l’étude. Par ailleurs, en plus de l'attention particulière que le Rabbi a portée aux Siyoumim en général, le Rabbi a montré un attrait notable pour le Siyoumim qui avaient lieu dans les endroits où le Rambam avait vécu et là où il est enterré. Le Rabbi a expliqué dans une Si’ha que l'importance de célébrer les Siyoumim à ces endroits peut être comprise en se basant sur le commentaire du Talmud de Jérusalem sur le verset ‫אך בצלם יתהלך‬ ‫איש‬. Le Talmud affirme que lorsque quelqu'un répète un enseignement de Torah d'un individu, il doit ima43


giner, il doit être conscient que l'auteur de cet enseignement se tient devant lui. Un Tsadik est uni avec sa Torah et ils forment une seule entité. Par conséquent, n’importe quand et n’importe où, dès lors que quelqu'un étudie sa Torah, c’est comme si le Tsadik est lui-même présent avec cette personne. Ainsi, lorsque l'on étudie la Torah du Tsadik à l'endroit où le Tsadik a vécu ou là où il est enterré, la présence du Tsadik est encore plus palpable. Dans l'article suivant, nous allons raconter l'histoire de ces Siyoumim - comment ils ont été imaginés, qui les a préparés, et la participation active du Rabbi.

E

La maison du Rambam - Maroc

n 5745, le Rabbi a parlé de l'importance d’organiser dans le monde entier des Siyoumim pour célébrer la fin du premier cycle d'étude du Rambam. Rav Leibel Raskin a’’h, Chlia’h à Casablanca au Maroc, a décidé d'essayer d'organiser un Siyoum près de la maison où le Rambam avait vécu à Fès, au Maroc. Il s’attela à cette tâche avec ses compatriotes-Chlou'him Rav Shlomo Matusof et Rav Shalom Edelman pour organiser l'événement. La première étape était d'obtenir l’autorisation du maire de Fès. Rav Raskin raconte : Il nous demanda : « Pourquoi l'envie soudaine d’organiser cet événement ? ». Nous

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D’abord quelques repères : Rabbi Moché ben Maïmone, appelé par ses initiales Rambam, est né à Cordoue, en Espagne, en 4896 (1135). Après que les Juifs furent exilés de Cordoue, la famille du Rambam se déplaça au sud de l'Espagne et finit par s’installer à Fès, au Maroc. Pendant ce temps, le Rambam écrivit le Pirouch HaMichnayot, son commentaire sur la Michna. En 4926 (1165), le Rambam dût quitter Fès et se rendit en Erets Israël. Après quelques mois, il s’installa à Alexandrie, en Égypte et, plus tard, au Caire. Là, il a écrit le Michné Torah – Yad Ha’Hazaka, le livre qui sera appelé plus tard Sefer HaRambam. Le Rambam est décédé au Caire en 4965 (1204), et fut enterré en Eretz Israël, dans la ville de Tibériade.

lui répondirent : « Nous arrivons en Chli’hout (mission) du Rabbi. Le Rabbi a affirmé que puisqu’on était dans la 850ème année depuis la naissance du Rambam, c’est un moment approprié pour organiser des célébrations en son honneur ». Le maire arabe se tourna vers son ami et dit : « Pourquoi est-ce que nous devons attendre un Rabbin de l'étranger pour nous dire que c’est le 850ème anniversaire de naissance du Rambam - nous aurions dû y penser nous-mêmes ! ». J’ai déclaré que le Rabbi est le leader de la génération et qu’il pense à toute personne en tout lieu : il leur demande donc de s’assurer

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de faire ce qu’ils peuvent pour aider à l’organisation de l’événement. Il a immédiatement ordonné à son personnel de nous donner toutes les autorisations dont nous avions besoin. Ils avaient encore besoin de l’autorisation du bureau du Président, mais ils ont pu l’obtenir très rapidement. Cependant, se rendre à la maison du Rambam à Fès n’était pas simple. Bien que la nouvelle ville de Fès ait été modernisée au fil des années, la vieille ville où se trouvait la maison, était occupée par les musulmans radicaux. Aucun juif ne pouvait y entrer. Mais Rav Raskin n’allait pas abandonner ! Les Rabbanim se sont arrangés pour obtenir un service de sécurité, composée de la police secrète, la police et les responsables gouvernementaux qui les accompagnèrent à la maison. Le 28 Adar 5745, Rav Dovid Raskin a écrit une lettre au Rabbi au nom de son frère, détaillant le plan du prochain Siyoum à Fès et a demandé la Bra’ha du Rabbi... Le Rabbi a écrit sur la lettre « ‫ויבש"ט‬ », « ils rapporteront de bonnes nouvelles » ! Un autobus fut organisé pour le voyage de Casablanca à Fès afin que la communauté puisse participer à la fête. Au final, le groupe qui se déplaça était composé des Chlou'him, les élèves Chlou’him qui étaient au Maroc en ce moment et un groupe de membres de la communauté juive. Le groupe voyagea ensemble en autobus pour un voyage de plus de quatre heures pour atteindre Fès. Ils

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s’arrêtèrent en dehors de la vieille ville et le service de sécurité les a accompagnés alors qu'ils parcouraient à pied la vieille ville pour se rendre dans la zone où la maison du Rambam était située. Le Siyoum eut lieu sur le toit d'un bâtiment face à la maison du Rambam. Rav Raskin installa une photo du Rabbi, une photo du Rambam et (LeHavdil) une photo du Roi du Maroc. Les Rabbanim Matusof, Edelman et Raskin ont prononcé le Siyoum et la Hat’hala (recommencement du cycle) ; s’ensuivit une bénédiction au Roi (comme la coutume du pays l’exige) et à l'équipe de sécurité qui les avaient escortés. Les participants ont trinqué « Le’haïm » et ont lancé la chanson de « Hochia Ete Ame’ha », puis ils se mirent à danser avec fougue. Les membres de la communauté qui accompagnaient les Chlou'him ne pouvait pas en croire leurs yeux ! C’était quelque chose d’inimaginable et quelque chose qu'ils n’avaient jamais connu. Mais cela ne faisait que commencer. Le élèves Chlou'him ont suggéré à Rav Raskin que ce serait une bonne idée d'essayer d'entrer dans la maison même où le Rambam avait vécu. Ils ont frappé à la porte et une vieille femme arabe leur a ouvert. Ils lui ont demandé si elle connaissait quelque chose de spécial à propos de la maison. Elle leur a dit qu'elle avait une tradition familiale que c’était un lieu saint - la maison où avait vécu le Rambam. Elle leur a donné la permission d'entrer ; tout le groupe s’engouffra dans la maison et répétèrent un nouveau Siyoum - cette fois à l'intérieur de la maison du Rambam. Encore une fois, ils dirent « Le’haïm » et dansèrent.

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Les élèves Chlou'him montèrent sur la Bima (estrade) du Rabbi qui versa du Machké dans chacun de leurs verres. Le Rabbi versa ensuite de sa coupe dans les bouteilles de Machké destinées aux autres Siyoumim, mélangeant le Machké de Fès avec celui des autres Siyoumim.

Après avoir quitté la vieille ville, ils sont retournés dans le bus et sont allés à la synagogue dans la ville principale de Fès, où les dirigeants de la communauté et une grande foule les attendait. Un grand Siyoum a eu lieu dans la synagogue et les Chlou'him se sont adressés à la communauté. Ensuite, ils se sont rendus à la ville de Meknès où ils ont organisé un autre Siyoum. La plupart des élèves Chlou'him revenaient à New York pour Youd Alef Nissan et Pessah, alors Rav Raskin demanda à un des élèves, Levi Shemtov (aujourd'hui Chlia’h à Riverdale, New York) de prendre la bouteille de vodka avec laquelle ils avaient dit Le’haïm et de l’apporter au secrétariat du Rabbi. Leur vol était prévu pour jeudi soir avant Chabbat Hagadol, mais il fut retardé plusieurs fois ; ils sont finalement arrivés à New York moins d'une heure avant Chabbat. Levi courut au « 770 » - avant même de rentrer chez lui - et remit la bouteille au secrétaire du Rabbi, Rav Binyamin Klein. Le lendemain au Farbrenguen, le Rabbi évoqua les Siyoumim qui auraient lieu la semaine suivante, puis il annonça qu'il allait maintenant distribuer du Machké à tous ceux qui organiseraient des Siyoumim jusqu'à Youd Alef Nissan. Le Rabbi ajouta qu'il allait mélanger le Machké qu’il allait distribuer avec le Machké qui avait été rapporté du Siyoum à Fès, au Maroc. Au grand étonnement des élèves, le Rabbi annonça alors : « Mais d'abord, nous allons donner du Machké à ceux qui méritèrent d'organiser le Siyoum dans la maison du Rambam et qui ont rapporté ici le Machké. Le Rabbi versa dans son verre de la bouteille de Machké de Fès. 46

Au Farbrenguen de Youd Alef Nissan, le Rabbi demanda qu’en plus de tous ces Siyoumim, il serait souhaitable d’en informer également les non-Juifs qui devraient aussi marquer le 850ème anniversaire de la naissance du Rambam. Le Rabbi dit que chacun devait utiliser pleinement son influence sur les non-Juifs de son entourage pour les encourager à organiser des célébrations et des événements en l'honneur du Rambam et même d'imprimer des timbres à l’effigie du Rambam. Le Rabbi ajouta que ceux qui essaieront d'influencer les non-Juifs dans ce sens, connaitront certainement le succès. Le Rabbi apporta comme preuve le Siyoum HaRambam à Fès : « ...Au cours des derniers jours, un Siyoum HaRambam a eu lieu à la maison du Rambam à Fès, Maroc... Il va de soi que, pour organiser un tel événement, ils avaient besoin de la permission de non-Juifs. Leurs efforts furent couronnés de succès et ils ont pu obtenir la permission d’organiser le Siyoum. Ainsi, c’est grâce à l'aide de non-Juifs que le Siyoum dans la maison du Rambam été possible ». À l’issue du Farbrenguen, après avoir récité la bénédiction de grâce, le Rabbi ajouta : Tous ceux qui organiseront des Siyoumim avant Pessa’h seront en mesure d'obtenir du secrétariat (demain ou même ce soir), un peu du Machké du Siyoum de la maison du Rambam à Fès. Le Rabbi adressa ensuite des paroles d’encouragement absolument uniques aux élèves Chlou’him : « Et parce que ce Machké a été apporté par des Chlou'him qui sont des ‫בני תורה‬, hommes de Torah, ce Machké est relié à la Torah, ainsi qu’à la Tefila. Et tout cela est d’une façon de ‫כולנו כאחד‬, « tous unis comme un ».

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Lors de la distribution de Kos Chel Bra’ha (vin de bénédiction) à A’haron Chel Pessa'h, (après un long Farbrenguen dans lequel le Rabbi avait longuement parlé du Rambam, le Rabbi a donné à chacun des élèves Chlou’him une bouteille de vin à ramener avec eux pour leur Chli’hout au Maroc. Au Farbrenguen du Chabbat Mevar’him Sivane, le Rabbi mentionna les Siyoumim en Égypte, au Maroc et à Tibériade (voir la Si’ha dans la section Égypte). Après la Si’ha, le Rabbi a donné du Machké à ceux qui organisent des Siyoumim dans les prochains jours. Puis le Rabbi se tourna vers Rav Leibel Groner et lui a demandé d'appeler « le fils de Leibel Raskin ». Rabbi Groner appela Rav Mendel Raskin et le Rabbi lui donna une bouteille de Machké à remettre à son père Rav Leibel Raskin. Sans attendre, Rav Mendel Raskin se rendit dimanche à l'aéroport JFK et trouva un voyageur qui accepta d’apporter la bouteille à son père. Rav Raskin continua l’organisation de ces Siyoumim pendant de nombreuses années jusqu'à ce qu’il tombe malade. Chaque année apporta son lot d’histoires mouvementées sur la façon dont il reçut les autorisations du Maire, du bureau du Roi, du gouvernement etc. Rav Raskin a raconté : En 5748, nous avons reçu un message et une lettre officielle de la capitale que lorsque nous avions dit Le’haïm au Siyoum, les musul-

E

mans de la région avaient également bu du Machké, ce qui était une profanation de leur religion. Par conséquent, le gouvernement avait décidé de ne pas permettre un Siyoum l'année suivante. J’envoyais un Pidyone (une lettre) au Rabbi pour que nous méritions d’accomplir la demande du Rabbi et être en mesure d'organiser une Siyoum à Fès. La fin de l'histoire ? Nous avons pensé : attendons un an et voyons ce qui se passera. Au cours de cette année, le maire a été démis de ses fonctions et un nouveau maire a été élu. Cette fois-ci, ils n’ont pas mentionné la question de l'alcool et tout se passa parfaitement bien.

‫רבות מופתי בארץ מצרים‬ Des merveilles en Égypte

n 5738 (1978), le Rabbi lança une nouvelle campagne ayant pour but de faire imprimer le Tanya dans toutes les villes et villages du monde entier, partout où un Juif pouvait se trouver. Quatre ans plus tard, en 5742 (1982), vint à l’idée du Chalia’h à Eilat, Rav Yossef Hecht, d'imprimer le Tanya en Égypte. Il écrivit au Rabbi à propos de cette idée et reçut peu après la réponse suivante : « ‫הוצאה לאור של‬ ‫התניא בקהיר ובאלכסנדריה נכון במאוד מאוד‬ », « l'impression du Tanya au Caire et à Alexandrie est très, très appropriée ».

N° 7 | Kislev 5775 - Décembre 2014

Après avoir reçu une réponse si encourageante du Rabbi, il prit contact avec le consul général égyptien à Eilat qui lui donna rendez-vous. Avant le rendez-vous, il écrit de nouveau au Rabbi et reçut la réponse : « ‫ שדר בה וכו׳‬,‫»להסביר גודל העיר שפעל בה הרמב''ם‬, « expliquez-lui l'importance de la ville où le Rambam était actif, où il a vécu etc. ». Bien que le consul général ait voulu aider ce projet, il découvrit très vite que toute impression en Égypte, en particulier pour des intérêts de l'extérieur du pays, requiert une autorisation spéciale des services culturels, du Ministère des Affaires étrangères et de la police. 47


Imperturbable, il travailla avec l'ambassadeur égyptien à Washington et l'ambassade d'Israël au Caire. L'ambassadeur d'Israël en Égypte à l'époque, M. Moché Sasson déploya de considérables efforts pour accélérer le processus d'approbation. Après de nombreux mois de travail, ils reçurent enfin les documents d'autorisation nécessaires.

frais ! (Le Rabbi continua par la suite à financer chaque année les Siyoumim en Égypte). Le Rabbi demanda que la délégation soit composée des Chlou'him d’Eilat, les Rabbanim Glitzenstein et Hecht, puisqu’ils avaient déjà imprimé le Tanya en Égypte ainsi que le Chlia’h et Rav de Tsfat, Rav Lévi Bistritzky puisqu’il avait déjà organisé un Siyoum sur le lieu de sépulture du Rambam à Tibériade, et que par ailleurs il était le Rav de cette ville. Le Rabbi ajouta qu’un photographe devait être présent sur place pour couvrir l'événement ; ainsi, le photographe Levi Freidin rejoignit également le groupe. Quelques jours avant le Siyoum, le Rabbi annonça : « ‫דער רב פון כפר חב''ד זאל אויך מיטגיין‬ », « le Rav de Kfar ‘Habad devrait également se joindre à eux ». Ainsi, Rav Morde’haï Ashkenazi rejoignit la délégation. Puisque l'arabe est la langue parlée en Égypte, Rav Hecht demanda à Rav Shimon Elitov, un Rav Loubavitch qui tenait une émission de radio en arabe de se joindre à la délégation. Rav Elitov raconte :

Le Rav Israël Glitzenstien, Chalia’h lui aussi à Eilat, se joignit aux autres Chlou’him. Ils passèrent deux semaines en Égypte et purent, en conformité avec les instructions du Rabbi, imprimer trois mille copies du Tanya : mille à Alexandrie et deux mille au Caire. Après cette réussite de l’impression du Tanya, cette réponse du Rabbi qui avait insisté sur l'importance de la vie du Rambam en Égypte avait servi de catalyseur aux Chlou'him pour planifier un Siyoum HaRambam en Égypte. Ainsi, ils prirent l’initiative d’organiser un Siyoum en Égypte - l'endroit dans lequel le Rambam avait écrit le Michné Torah. Les Chlou'him écrivirent leur idée au Rabbi qui l’accepta. Ils obtinrent les visas nécessaires et commencèrent à récolter des fonds pour le voyage. Rav Glitsenstein invita son oncle, Rav ‘Hano’h Glitzenstein à se joindre au groupe et lui aussi se mit à collecter des fonds pour le voyage. Cependant, lorsqu’ils écrivirent à ce sujet au Rabbi, il répondit qu'il n’était pas nécessaire de chercher des fonds puisque le Rabbi lui-même allait payer la totalité des 48

« Bien que je parle un arabe basique, je n’étais pas familier avec l’arabe égyptien ; mais après avoir été invité à rejoindre un tel Siyoum extraordinaire, je demandais au Rav Shalom Shai Gamliel (Rav à Jérusalem, originaire d'Égypte) de m’aider à apprendre l'arabe égyptien. En règle générale, apprendre une nouvelle langue n’est pas facile et cela m’était très difficile ; j’ai donc appelé Rav Hecht et lui ai demandé si je pouvais être dispensé de me rendre en Égypte, si on pouvait envoyer Rav Gamliel à ma place. « Il m'a rappelé un peu plus tard et m'a annoncé que lorsque Rav Groner raconta au Rabbi qu'ils prenaient Rav Gamliel à ma place, le Rabbi demanda, « ‫און‬ ‫ פארוואס נישט עם אליין‬ », « et pourquoi pas [Elitov] lui-même ? ». Quand j’ai entendu cela, j’ai évidemment repris mes études d’arabe égyptien, pour arriver au moins lors de notre visite à enseigner en arabe égyptien le début et la conclusion du Michné Torah ». L'attention que le Rabbi porta à chaque détail du voyage étonna tout le monde. Le Rabbi s’intéressa même à des détails aussi infimes que le design de la carte d'invitation. Le Rabbi remarqua que l'invitation devrait être avec un « ‫חוט‬ », un fil. Ce qui impliquait

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que l'invitation serait faite en deux feuilles distinctes reliées par un fil. Une belle invitation en deux feuilles a donc été préparée, avec une chaîne de couleur or tenant ensemble les deux feuilles. Ces invitations ont été envoyées à tous les Juifs en Égypte. La synagogue du Caire fut spécialement décorée pour l’évènement par la communauté juive égyptienne.

de joie par de merveilleux Nigounim chantés ainsi que de nombreuses danses. Qui pouvait imaginer que cela se produise un jour ? Que, dans la ville où le Rambam avait vécu, une ville qui avait pendant de nombreuses années été abandonnée de toute activité juive, dans cette ville il y aurait un Farbrenguen ‘Hassidique avec des chants et danses en l'honneur du Rambam! Conformément aux instructions du Rabbi, chaque participant reçut un Tanya imprimé en Égypte l'année précédente, avec un lettrage d'or en arabe « souvenir du Siyoum HaRambam ». L'année suivante, à la fin du deuxième cycle de Rambam, le Rabbi demanda que les Siyoumim soient organisés « ‫בכפליים לתושי'ה‬ », « dans une double mesure ». Deux Siyoumim furent donc organisées en Égypte - à Alexandrie et au Caire.

C’était magnifique de voir la synagogue, qui pendant tant d'années avait été abandonnée et vide de toute activité, soudain reprendre vie, la communauté étant prête à accueillir ce monumental Siyoum HaRambam historique.

Le Siyoum à Alexandrie eut lieu le dimanche 5 Adar Cheni 5746, dans la grande synagogue "Eliyahou Hanavi" dans le centre-ville, avec la participation de toute la communauté juive d'Alexandrie. Le Siyoum au Caire eut lieu le lendemain à la synagogue du Rambam. Les deux Siyoumim attirèrent des foules importantes, on y ressentait beaucoup de chaleur et d'émotion.

D'autres personnes ont également rejoint la délégation en Égypte. Chaque année qui passait, encore davantage de personnes rejoignaient l’événement. Rav Its'hak Goldberg de Migdal HaEmek se joignit également à la délégation, il parlait français, langue que parlaient plusieurs Juifs égyptiens. Rav Shmuel Greisman, Rav Berke Wolf et Rav Its'hak Yehuda Yeruslavsky, entre autres, ont également rejoint les Siyoumim.

Comme l'année précédente, chaque personne reçut un Tanya. La phrase suivante y avait été inscrite : « Souvenir du Siyoum HaRambam à Alexandrie / Le Caire, marquant la fin de la 850ème année de la naissance du Rambam ».

Le Siyoum a eu lieu le 30 Nissan 5745 (1985). Ce fut un événement que l'Égypte n’avait pas vu depuis plus de cinquante ans et qui fit une profonde impression sur tous ceux qui étaient présents.

En général, l'événement se passait ainsi : Rav Elitov animait l'événement en arabe et en ladino. L'ambassadeur d'Israël et le consul général israélien disaient quelques mots. (En fait, la plupart du corps diplomatique israélien en Égypte était présent). Rav Goldberg parlait en français, les Rabbanim Hecht et Bistritzky en anglais et Rav Ashkenazi en hébreu. Le directeur

Les discours ont été prononcés en hébreu, arabe, anglais et français pour s’assurer que tout le monde comprenne. Entre les discours, l’assemblée fut transportée N° 7 | Kislev 5775 - Décembre 2014

Chaque année, l'ambassade d'Israël et le consulat venaient saluer le groupe et se préoccupaient de la sécurité ainsi que de divers arrangements techniques.

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des sites historiques en Égypte transmettait les salutations du gouvernement égyptien.

après Chabbat, après avoir mélangé ce Machké avec celui de Fès, du Caire et de Tibériade :

Conformément aux instructions du Rabbi pour tous les Siyoumim, (que les discours et ‘Hidouchei Torah prononcés à l'occasion des diverses Siyoumim soient retranscrits et imprimés), un dépliant, intitulé ‫גינת‬ ‫המלך‬, a été publié. Il contenait les ‘Hidouchei Torah et discours des trois premiers Siyoumim.

« Ce Machké est mélangé avec celui qui a été rapporté du Siyoum ‫ לגמרה של תורה‬qui a eu lieu récemment, dans la synagogue de Rambam au Caire, l'endroit où le Rambam a vécu la plupart de ses années et où il a également écrit son œuvre (en plus du Siyoum qui a eu lieu dans la maison du Rambam à Fès, où il vécut environ six ans). Le Siyoum au Caire a eu lieu avec joie et bonheur, et ils ont dit Le’haïm et souhaité des Bra’hot pour tous les Juifs, où qu’ils soient, et un peu de ce Machké a été apporté ici.

Chaque année, après le Siyoum, Rav Hecht rendait un rapport détaillé par téléphone au secrétariat du Rabbi. Il envoyait également des albums avec les photos qui avaient été prises lors de l'événement. Une fois, Rav Glitzenstein parla après le voyage avec le secrétaire du Rabbi, Rav Binyamine Klein. À la fin de cet appel, il remarqua que « Shimon Peres souhaiterait recevoir en Égypte un accueil aussi respectueux que les Chlou'him du Rabbi ! » (à cette époque, Shimon Peres voulait se rendre en Égypte mais il n'y avait pas été accueilli). Plus tard, lorsque le Rabbi reçut un rapport de l'appel téléphonique, il demanda, « ‫וואס‬ ?‫»דערציילט ישראל גליצנשטיין וועגן די נסיעה‬, « Que raconte Israël Glitzenstein sur le voyage ? ». Lorsque Rav Klein rapporta au Rabbi le commentaire à propos de Shimon Peres, le Rabbi fit un grand sourire… Pendant la journée, le Chlou'him étaient occupés à organiser des événements autour de l'Égypte.

Bien que seul un "‫"חלק‬, un peu de ce Machké a été amené ici, étant donné que la majeure partie du Machké a été utilisé lors des Siyoumim, néanmoins, il est clair que le principal est l'Essence du Machké - pas la vodka - et ‫העצם כשאתה תופס במקצתו אתה תופס‬ ‫בכולו‬, « lorsque l’on tient une partie de l'Essence, on tient toute la chose ! ».

Ils visitèrent également la synagogue Ibn Ezra dans la vieille ville du Caire (dont de nombreuses sources affirment que c’était en fait la synagogue du Rambam), ainsi que la maison où le Rambam avait vécu au Caire. (La maison est encore en bon état, y compris le bureau où le Rambam accueillait ses patients et le Mikvé qu'il utilisait). Ils organisaient un Siyoum dans ces deux endroits.

Peu de temps après le Siyoum en 5745, certaines personnes qui avaient participé au Siyoum en Égypte sont venus chez le Rabbi pour Chavouot. Une fois de plus, le Rabbi parla du Siyoum, Chabbat Mevar’him Sivan :

Dans les soirées, après une journée remplie de visites et événements pour les membres de la communauté juive, ils se réunissaient dans l'un des coins de l'hôtel et faisaient Farbrenguen, avec des chants et en disant Le’haïm. C’est une expérience dont ils se souviennent avec émotion.

« Après avoir mélange avec le Machké qui a été amené ici du Siyoum qui a été fait dans la maison du Rambam à Fès, au Maroc, et aussi du Machké qui a été apporté du Siyoum qui a eu lieu dans la synagogue de Rambam au Caire, en Égypte,

Au Farbrenguen de Chabbat A’harei-K'doshim 5745 (1985), le Rabbi a de nouveau parlé de l'étude du Rambam et des Siyoumim. Le Rabbi insista qu'il allait désormais donner du Machké à tous ceux qui organiseraient des Siyoumim 50

« Ce Machké est également mélangé avec le Machké du Siyoum sur Sefer Hamada qui a eu lieu à l'endroit où repose le Rambam à Tiberiade où son corps a été enterré après avoir terminé son travail sur cette terre (comme l’Admour Hazakène explique dans Igueret Hakodèch la grande importance du jour de Histalkout – montée du Tsadik chez D.ieu).

« Dans la continuité de ce qui a été dit plus tôt au sujet de l’étude du Rambam, nous allons maintenant donner du Machké à ceux qui organiseront des Siyoumim dans les prochains jours,

« Pour souligner l'allusion au nom du Rambam : ‫רמב"ם‬, ce sont les initiales de ‫"רבות מופתי בארץ‬ ‫מצרים״‬, « multiplier Mes grands miracles dans le pays d'Égypte », la période de la vie du Rambam en Égypte, le livre Michné Torah qu'il a écrit en Égypte ainsi que les décrets, coutumes et institutions qu'il initia en

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prenante, le Rabbi demanda que le Siyoum en Égypte soit repoussé jusqu’à ‘Hannoucah. Finalement, nous avons compris qu’en combinant l'événement avec une célébration de 'Hannoucah, beaucoup plus de Juifs du Caire ont assisté, ce qui fut un succès beaucoup plus grand que d’habitude ».

étant en Égypte, ainsi que les grands prodiges qui se sont produits en Égypte... « Et comme mentionné à plusieurs reprises, en donnant du Machké ici, nous unissons les gens d'ici avec ceux qui seront présents à de futurs Siyoumim ainsi qu’à ceux qui étaient présents aux Siyoumim organisés dans le passé dans les différents lieux associés avec le Rambam ». Après la Si’ha, Rav Hecht monta à la Bima du Rabbi, et le Rabbi versa du Machké dans son verre. Ensuite, le Rabbi a donné la bouteille de Machké à son père, Rav Moshe Its'hak Hecht a’’h, pour le Siyoum qu’il organisait cette semaine à New Haven, Connecticut. Se tournant vers Rav Lévi Bistritzky, le Rabbi demanda : « Pourquoi n'êtes-vous pas venu avant ? N’avez-vous pas assisté au Siyoum au Caire ? ». Le Rabbi lui donna du Machké, ainsi qu’à son père, Rav Leibel Bistritzky a’’h, en disant au Rav Bistritzky senior : « ‫והשיב לב‬ ‫»אבות על בנים‬, « Il [D.ieu] ramènera le cœur des parents par les enfants »… Le Rabbi se tourna alors vers Rav Ashkenazi et fit signe qu'il devait lui aussi s’avancer. « Tout le monde a besoin d'être appelé ? » demanda le Rabbi. Le Rabbi demanda au Rav Ashkenazi si quelqu'un d'autre était présent au Siyoum au Caire, ce à quoi il répondit que Rav Shmuel Greisman avait également participé. Lorsque le Rabbi versa du Machké au Rav Greisman, le Rabbi le bénit : « ‫זאל זיין בהצלחה רבה‬ », « que cela connaisse un grand succès ». Rav Hecht raconte : « En 5750 (1990), le cycle annuel a pris fin le 25 ‘Hechvan. Toutefois, de manière surN° 7 | Kislev 5775 - Décembre 2014

Dès lors, ils organisèrent chaque année le Siyoum à 'Hannoucah. Ils saisirent l'occasion pour faire connaître ‘Hannoucah partout où ils pouvaient et allumèrent même une Menorah devant les pyramides. En 5752 (1992), un clip de cet événement fut diffusé partout dans le monde lors du 'Hannoucah Live retransmis par satellite. Ces visites apportèrent toujours beaucoup d'enthousiasme et de réconfort pour les Juifs égyptiens. Les visiteurs passaient autant de temps que possible avec les gens du pays qui bavardaient, discutaient, posaient des questions, demandaient conseils et orientation ainsi que des Bra’hot au Rabbi. Avec ces visites, les habitants ont été amenés à comprendre que quelqu'un pensait à eux. Plus d'une fois, les dirigeants de la communauté juive ont dit au Chlou'him que les quelques heures qu'ils passent ensemble donnent des forces à la communauté pour toute l’année. Une fois, Levi Freidin (le photographe) apporta une pile de photos du Rabbi avec lui et il les distribua aux enfants arabes rassemblés devant la synagogue du Rambam. Soudain, un policier est venu vers lui et lui demanda: « Puis-je avoir aussi une image du Rambam de New York ? ». Une année, lorsque les Chlou'him étaient en Égypte, ils ont rencontré un groupe de touristes, des étudiants américains. Quand ils se sont rencontrés à la synagogue, les Chlou'him invitèrent les jeunes Juifs du groupe à mettre les Tefillines, certains pour la première fois de leur vie. Les Chlou'him célébrèrent plusieurs « Bar-Mitsva » et souhaitèrent à ces jeunes gens tout le bien autour d’un Le’haïm. L'un d'eux s’écria que tout le voyage avait été profitable , ne serait-ce que pour avoir rencontré les ‘Hassidim ‘Habad d'Israël qui leur avaient donné cette opportunité exceptionnelle. 51


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