Le journal numéro 2 - novembre 2013 - gratuit
SOMMAIRE Un vert chez les rouges p. 4 Climat : que fait la politique ? p. 5 Précarité écologique
p. 6
La petite maison en bois dans la ville p. 7 Le tri sélectif des médias
p. 8
ÉCOLOGIE ÉCOLOGIE :: LA ÉSILLUSION LA D DESILLUSIO N VERTE
Biodiversité : le business d’abord p. 10 Hypocrisie autour du gaz de schiste p. 11 Rédacteur en chef : Nordine Nabili Équipe : Anaëlle Domitien Assia Labbas Vincent Manilève Florian Michel Baptiste Piroja Sala Sall Vincent Souchon Éline Ulysse (Master journalisme de Gennevilliers)
maison sur dix est aujourd’hui une construction PAR ANAËLLE DOMITIEN basse consommation. Et En matière d’écologie, la pendant que les climatoFrance est bipolaire. Le logues alertent les médias gouvernement condamne sur le réchauffement climal’exploitation du gaz de tique, ces derniers sont pluschiste sur son sol mais tôt obnubilés par Patrice multiplie les contrats à Evra et sa place dans l’étranger. 34 % des Fran- l’équipe de France. Un çais sont favorables au nu- constat plutôt médiocre qui cléaire mais plus d’une montre qu’à notre époque
ÉDITO
nous n’arrivons toujours pas à lier politique et écologie. Pourtant sur le papier nous sommes tous écolos ! Personne ne se félicite d’une marée noire et pour la plupart, le tri sélectif se fait les yeux fermés. Qu’est-ce qui coince alors ? Voici quelques aperçus de l’état du débat écologique dans notre pays.
Nucléaire,
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mon amour
Au colloque des acteurs du nucléaire français, on rêve d’un avenir énergétique sous le signe de l’atome. Une énergie bon marché, ultraproductive et écologique
L
e nucléaire fait peur. Le mot est à peine prononcé que les images de Fukushima et Tchernobyl nous viennent à l’esprit, en bonne position aux côtés de la bombe H et des essais nucléaires français. Pourtant, utilisée convenablement, cette technologie est pleine de promesses, susceptible de nous fournir l’énergie de l’avenir : propre, bon marché et surtout extrordinairement abondante. À la Société Française de l’Énergie Nucléaire (SFEN), on y croit dur
comme fer. L’association - qui regroupe plus 3500 acteurs de l’industrie et de la recherche nucléaire française - organise depuis maintenant 4 ans le colloque annuel “Atoms for the Future”, qui propose des visites et des conférences pour réfléchir à la place du nucléaire dans l’avenir énergétique. La SFEN a beau s’en cacher, elle est sans équivoque le lobby français le plus puissant en faveur du nucléaire. Mais force est de constater que ses arguments sont intriguants.
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A la tribune du colloque, les experts nucléaires viennent d’EDF, d’AREVA ou encore de la commission nucléaire de l’OCDE, et leurs opinions sont unanimes : le futur sans énergie atomique est au mieux un délire d’écolo, au pire un mensonge populiste. Bien sûr, le nucléaire n’est qu’un outsider au niveau mondial, où il ne représente que 13% de la production énergétique, contre 40% pour le charbon et 22% pour le gaz. Mais pour ce qui est de l’écologie, l’énergie atomique fait figure d’enfant modèle comparée à ses deux ainés : le charbon et le gaz rejettent respectivement 953 et 365g de CO2 par kWh produit alors que le nucléaire n’en produit pratiquement pas. Un argument séduisant mais qui, en France, prêche des convertis. L’Hexagone est déjà un grand fan de l’atome : 76% de notre électricité provient du nucléaire. Une proportion bien supérieure à celle de nos voisins européens mais dont les bénéfices sont sans appel. La France est non seulement un des plus gros producteurs électriques d’Europe - avec 541 TWh produits en 2012 - mais aussi un des moins chers et un des plus propres. Ainsi, en 2013, 1kWh (soit une demi-heure de sèche-cheveux) ne coûte que 14,1 centimes chez nous, alors que la moyenne européenne est à 18,6 et que le prix peut atteindre 21,9 centimes chez nos voisins italiens. Seuls 79g de CO2 ont été émis pour fabriquer ce kWh en France, contre dix fois plus en Pologne et qua-
M le journal - novembre 2013 tre fois plus dans l’ensemble de l’UE. Face à un public jeune qui mélange chercheurs, entrepreneurs et étudiants de la filière atomique, les intervenants de la conférence martèlent leurs arguments. Dans les yeux du public, Fukushima est déjà loin et l’on se prend à imaginer un avenir radieux où l’énergie est sur-abondante, bon marché et écolo. Bien sûr on préfèrerait voir ce rêve réalisé par les énergies renouvelables. Mais la réalité nous rattrape bien vite : les énergies vertes coûtent cher à implanter et leur rentabilité n’a rien à voir avec celle du nucléaire. Adieu l’énergie en masse pour pas cher. Une ressource formidable mais surement pas miraculeuse Le nucléaire est-il pour autant la solution miracle qu’on nous présente ? Les participants à la conférence ont la foi mais gardent les pieds sur Terre : l’ins-
tallation et l’entretien de centrales performantes prennent beaucoup de temps et énormément d’argent. La construction du réacteur EPR nouvelle génération à Flamanville a vu son budget déraper tranquillement de 3 à 8,5 milliards d’euros et la fin des travaux ne cesse d’être reportée. Et ce n’est pas tout, le nucléaire a beau être une mécanique formidable, elle demande de la matière première et pas des moindres : de l’uranium. Un produit fabuleusement rare, importé de l’étranger et dont le coût ne cesse de fluctuer sur le marché dérégulé, empêchant les investisseurs d’avoir une vision à long terme. Tout ça sans parler des déchets nucléaires, dont le simple transport coûte 4,5 millions d’euros par an aux contribuables, et de la possibilité d’un accident, dont le coût humain, financier et environnemental serait stratosphérique. Voilà de quoi faire vaciller le géant de son piédestal. Les jeunes conférenciers
s’accordent d’ailleurs pour dire que le nucléaire ne serait qu’une des composantes (majeure, certes) du mix énergétique idéal pour l’avenir, qui inclurait évidemment un maximum d’énergies renouvelables mais limiterait autant que possible l’usage du gaz, du fioul et du charbon. Un scénario qui semble de plus en plus probable, Jean-Marc Ayrault ayant annoncé en septembre qu’il comptait utiliser les recettes de l’industrie atomique pour financer la transition énergétique. La machine à milliards du nucléaire n’a donc pas prévu de s’arrêter de sitôt et les Français ne sont pas là pour s’en plaindre, un sondage CSA de 2011 révèle qu’ils sont une majorité de 34% à être favorable à l’utilisation de cette énergie polémique.
@_Souche_
« Dire que le nucléaire est bon marché est un mensonge » Charlotte Mijeon est responsable de la communication au sein de «Sortir du Nucléaire», une fédération qui regroupe plus 900 associations écologiques opposées à l’implantation du nucléaire. Le nucléaire est-il une “énergie propre” selon vous ? Bien sûr que non ! La production de l’énergie nucléaire est un processus complexe et qui met en jeu de nombreuses opérations. C’est vrai que le nucléaire rejette peu de CO2 atmosphérique mais EDF et AREVA répètent cet argument à loisir pour cacher d’autres scandales environnementaux. Par exemple, la réaction chimique qui sert à enrichir l’uranium produit du protoxyde d’azote, qui est un gaz à effet de serre beaucoup plus dangereux
que le CO2. Il y a aussi les déchets nucléaires qu’on entasse pour des siècles par milliers de tonnes. Ce n’est pas parce qu’on les enterre que l’atteinte à l’environnement n’est pas dommageable. Les accidents nucléaires sontils une menace crédible ? Ce n’est pas parce qu’ils ne se produisent pas souvent qu’il ne faut pas les prendre au sérieux. Les derniers rapports évaluent la facture de Fukushima à 5 600 milliards de dollars et les conséquences humaines, sanitaires et environnementales à long terme sont encore impossibles à déterminer précisément tant elles pourraient être catastrophiques. Je rappelle quand même qu’EDF n’est assurée qu’à hauteur de 92 millions d’euros en cas d’accidents sur le sol français...
L’argument du nucléaire “bon marché”par rapport aux énergies renouvelables vous paraît-il valable ? C’est un argument de mauvaise foi qu’EDF et AREVA agitent comme un étendard parce que c’est une énergie sur laquelle elles ont le monopole. Dire que le nucléaire est bon marché est un mensonge. Les nouvelles structures ont des coûts de construction pharaoniques, l’entretien et la mise au normes des centrales existantes va coûter plus de 55 milliards sur les 15 ans à venir. Et tout ça sans compter les agences gouvernementales nécessaires pour assurer la sécurité de ces installations. Et en priant pour qu’un accident ne se produise pas, sans quoi le désastre ne serait pas que financier.
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Richard Merra : un vert dans la pomme rouge
Richard Merra est maire adjoint EELV de Gennevilliers, une commune gérée par le PCF depuis 1944. Le rouge et le vert peuvent-ils se mélanger sans faire tâche ? Comment l’écologie s’inscrit-elle dans les politiques locales ? Rencontre dans l’un des derniers bastions de la banlieue rouge. cile Duflot qui n’est pas à l’environnement. » S’il est aujourd’hui adjoint à l’éducation, c’est une chance : «On veut montrer notre capacité à gérer. D’ailleurs, le maire a accepté de faire de l’éducation une priorité pour son second mandat, c’est une victoire. On a un vrai poids, même si on peut être moins influent sur des questions environnementales. » Forcément, à l’éducation, pas facile de dicter sa loi à Muriel Goudou, l’adjointe à l’environnement PC. « On essaye de le faire en poussant les lignes, mais c’est difficile, d’autant plus que c’est eux qui ont le dernier mot. Parfois je hurle sur certaines ous n’avez pas eu trop veau local. « On est très peu représenté choses écologiquement aberrantes, de mal à trouver ? », me ici, les écolos sont vraiment vus comme mais je reste minoritaire et ça passe », demande Richard Merra, des bobos et surtout dans une ville se désole l’adjoint. En revanche, sur costume vintage, écharpe tricolore à la PC.» Pourquoi le maire en place auraitles questions d’éducation, Richard main, un œil sur le Smartphone, l’autre il alors décidé de l’intégrer au conseil Merra reste maître en son domaine en direction de son interlocuteur. Il en- municipal ? « C’est simple, il est direcet explique être très différent d’un chaine, « Excusez mon retard, je célé- tement venu nous chercher, il s’est dit adjoint communiste. «L’écologie est brais un mariage et les mariés sont qu’en faisant une politique environnemoins visible mais on ne veut pas de arrivés 30 minutes plus tard, ils ne dou- mentale, il serait plus crédible avec politique éducative paternaliste tent vraiment de rien » se dédouane l’original plutôt qu’avec la copie. » comme propose le PC, moi je veux l’adjoint, habitué à la gestion de ce type Avant de résumer, « on n’est pas rentré juste donner aux enfants les moyens de contretemps. Dans son grand bu- sur cette ville avec notre poids électode s’épanouir. » reau, on entre rapidement dans le vif du ral, mais avec notre poids culturel, Avant de conclure, l’adjoint prend le sujet. Petit retour nostalgique : « Pour comme souvent dans les municipalités temps de changer de veste en répondant notre génération, être impliqué en po- où il y a des verts. » à la dernière question. « Les costumes, litique était quelque chose de naturel », c’est surtout pour les cérémonies. » En commence l’adjoint de 65 ans. « La Difficile de dicter sa loi écolo pleine négociation pour la prochaine question du futur de la planète était esmandature, Richard Merra, explique sentielle. Comme il n’y avait pas d’al- Mais attention, pas question pour lui qu’il ne peut pas trop en dire mais il esternative entre le PS et le PC, allez chez de jouer aux Verts de service et père qu’il y aura toujours un adjoint vert Les Verts était logique», explique d’avaler des couleuvres comme on l’année prochaine. « On a la chance de Merra. peut le voir avec d’autres membres coécrire le programme, mais ça reste Interrompu par un iPhone qu’il avait du parti. « On leur a bien expliqué avant tout une mairie communiste et ils oublié de mettre en vibreur, l’ancien qu’on était un parti avec un projet de ont le dernier mot ». Pour le moment... professeur de mathématiques au Col- société capable de gérer n’importe lège Pasteur de Gennevilliers dépeint quel poste. Un peu comme au@FlorianMchl les verts comme des « zombies » au ni- jourd’hui au gouvernement avec Cé-
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Rapport Rapport du du GIEC GIEC :: Beaucoup Beaucoup de de bruit bruit pour pour rien rien ?? LYDIA BEN YTZHAK © RADIO FRANCE
Le GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, tente depuis 25 ans de prévenir les dirigeants du monde : il est urgent d’endiguer le réchauffement climatique. Mais rapport après rapport, les politiques sombrent dans un mutisme gênant. Alors, quel est l’intérêt du GIEC ? Jean Jouzel est vice-président et membre du bureau de ce groupe d’experts. Il revient sur le difficile réveil des consciences politiques. Quels sont les nouveaux enseignements de votre dernier rapport ? Nous sommes désormais sûrs à 95% qu’il est dû aux activités humaines, principalement en émission de gaz à effet de serre. Et cela va continuer, et empirer. Nous avons établi différents scénarios : dans le pire des cas, on retrouve des réchauffements planétaires d’environ +4°C d’ici la fin du siècle. Les conséquences seront très importantes et sûrement désastreuses sur notre écosystème (le niveau de la mer pourrait augmenter jusqu’à 82 cm d'ici 2100, et les inondations en France ne seraient plus exceptionnelles, NLDR). Mais si l’on réussit à aller vers une société sobre en carbone, l’augmentation n’irait pas au dessus de +2°C et l’on devrait pouvoir s’adapter. Vous n’aimez pas le terme « recommandations », mais que fait le GIEC pour prévenir les gouvernements et influencer leurs politiques environnementales ? Non, nous ne faisons pas de recommandations ! Le GIEC fait du « policy relevant, but not policy prescriptive », comme on dit en anglais. Nous ne di-
sons pas au gouvernement ce qu’il faut faire, nous proposons des scénarios de ce qui pourrait arriver d’ici plusieurs dizaines d’années. Notre mission est de répondre à des questions que nous estimons être importantes pour les politiques et pour la société. C’est aux gouvernements de prendre les décisions qui s’imposent en s’appuyant, nous l’espérons, sur nos rapports. Comment conciliez des échéances climatiques à long terme, on parle de 2100, et des échéances politiques bien plus courtes ? Le problème ici est l’inertie. C’est très difficile de convaincre un politique que, pour éviter un désastre demain, il faut agir maintenant. Car les impacts du réchauffement climatique sont plutôt prévus dans moins de 40 ans ! La difficulté est de faire comprendre qu’il faut agir dès maintenant. Les émissions de gaz à effet de serre sont comme un camion lancé à pleine vitesse sur l’autoroute, il ne faut surtout pas freiner trop tard. Il faut oublier cette idée selon laquelle on pourra réparer dans le futur les erreurs d’aujourd’hui. L’action politique au sens
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noble du terme selon moi, c’est d’avoir une vision à long terme. C’est un changement complet de mode de développement qu’il faut mettre en œuvre. De nombreux sommets climatiques se sont soldés par des échecs. Est-ce que la communauté internationale peut s'accorder sur des mesures communes ? C’est non seulement souhaitable, mais aussi et surtout indispensable. C’est l’esprit qui devrait dominer la conférence climat de 2015 en France. Depuis deux ans et la conférence de Durban, il a été décidé de la mise en place d’un accord commun d’ici 2020. Même la Chine a accepté le principe de contraintes sur sa politique énergétique. C’est un énorme progrès depuis la conférence de Kyoto en 1997. Mais on est très loin du compte : entre accepter de discuter et signer un accord global, il y a un fossé immense qui se creuse d’année en année. Et je suis moins optimiste qu’il y a dix ans, car ce défi là est immense. @VincentMnv
Précarité
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écologique
Peut-on reloger des personnes aux revenus modestes dans des appartements chers sans qu’elles se ruinent ? Le pari du logement social écolo est tenté à Clichy-sous-Bois.
À
Clichy-sous-Bois des logements aux normes environnementales ont vu le jour récemment. A l’intérieur, plusieurs familles précaires y ont été installées. Parmi elles, la famille Gokoglu relogée depuis le mois de février dernier mais qui a bien du mal à joindre les deux bouts. Alors qu’ils habitaient pendant 10 ans la copropriété insalubre et endettée La Forestière, les Gokoglu sont aujourd’hui relogés dans un HLM labélisé BBC (Bâtiment Basse Consommation). De l’ancien appartement où aucune charge n’était payée, ils se retrouvent à devoir régler un loyer au-dessus de leurs moyens. Une situation qu’ils ne peuvent plus supporter Avec un RSA de 1000€, le logement représente une grosse part de leur budget. Sévim Gokoglu, son mari et leurs trois enfants vivent à peine avec 400€ par mois, une fois toutes les charges payées. Dans leur salon, une télévision, une table basse et quelques fauteuils occupent
l’immense espace de la pièce. Les mûrs ne signe pas pour des constructions qui nus et la décoration simpliste témoi- coûtent plus de 1450€ par m2 », exgnent du manque de moyens de la fa- plique Elsa Vergnaud, en ajoutant que le mille. « Ils nous en demandent qualificatif “écologique” pour parler des beaucoup trop pour des personnes au logements sociaux, est à prendre au sens économique du terme : « Nous sommes RSA », confie Sévim, amer. moins dans un souci de protection de l’environnement. Avant tout, c’est l’idée Des familles forcées à partir de faire des économies aux populations Djamel, l’un des gardiens de la rési- en difficulté. » Un discours qui laisse dudence, se souvient des locataires bitatif lorsque l’on considère la situation contraints de quitter les lieux : « Souvent, de certains relogés. ils arrivent ici en pensant que tout comme dans leur ancien appartement, 120 000 rénovations d’ici 2017 ils ne paieront que très peu de charges mais la réalité est tout autre et ils finis- Au niveau national, la ministre Cécile sent par décamper. » Du côté de la mai- Duflot a annoncé il y a quelques jours rie, la chargée de mission au renou- que 120 000 logements sociaux bénéfivellement urbain, Elsa Vergnaud, atteste cieront d’une rénovation énergétique que tout a été mis en œuvre pour accom- d’ici à 2017. Le gouvernement devra pagner et aider ces familles dans leur re- statuer sur le cas de ces familles prélogement. Pour justifier de tels projets, caires qui ne demandent qu’à avoir un elle assure que la municipalité veille tou- toit au-dessus de la tête. jours à ce que les prix ne soient pas trop @SashaSall élevés pour les locataires sociaux. « On
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La petite maison en bois dans la ville...
Elles poussent comme des champignons : les maisons en ossature bois ou “MOB” sont en pleine expansion. Aujourd’hui, ces cabanes tous conforts représentent 11,3% sur le marché des maisons individuelles. Aidées par une fiscalité incitative, la construction des maisons en bois reflète-elle le résultat d’une nouvelle conscience plus verte ou juste une tendance bobo-écolo ? ’est l’histoire d’un petit cochon qui construisait sa maison avec des fagots de bois. A la fin de la comptine, l’histoire se finit mal mais en 2013 les maisons en bois sont plus solides, écologiques et s’implantent dans notre paysage durablement. Les catastrophes naturelles, les alertes des climatologues, plusieurs facteurs peuvent expliquer cette révolution douce qui engage de plus en plus de consommateurs. Près de 11,3% du marché des maisons individuelles sont des habitats en ossature ou aménagement bois. D’après le dernier rapport de l’observatoire national de la construction en bois, plus d’une maison française sur dix est en bois. grâce à l’isolation des murs qui peut prendre la relève. Plusieurs permet réduire les factures de municipalités ont déjà mené des Le bois moins cher que le chauffage. Car c’est plus sur cet projets de grands ensembles béton aspect que l’on peut parler d’éco- construits en bois comme la pislogie économique : l’investisse- cine des Ulis (91) ou le parc nauQui dit écologique dit économique ? ment se fait sur le long terme. tique de Sèvres (92). Pas si sûr. À l’achat, il n’ y a pas Philippe Kermoal, chargé de la Les particuliers et la politique puvraiment de différence avec les vente de ces MOB à l’agence Star- blique se laissent donc convaincre maisons traditionnelles de béton. bois assure que les économies se par ces bâtisses plus vertes tout Le prix moyen d’un logement font sur le long terme « à partir de comme les entreprises dont l’offre construit en bois s’élève au- vingt à trente ans ». ne fait que croître. Plus qu’une jourd’hui à 1400 euros le m2 Il en faudra donc de la patience niche, l’avenir des maisons en contre 2104 euros pour les habitats pour ressentir les premiers effets bois semble prometteur. Bientôt en béton, soit 704 euros de diffé- économiques. Car les maisons en les MOB seront aussi populaires rence. « On achète une maison en ossature bois restent tout de même que les meubles IKEA. Cela bois au même prix qu’une maison « un produit moyen de gamme » tombe bien, après l’Angleterre et en béton, la différence c’est qu’on rajoute Phillipe Kermoal. Les pro- l’Allemagne, les maisons en bois gagne en confort de vie » explique fils sont plutôt des ménages aisés, low-cost BobBlok du constructeur Pierrick Patinot, auteur de la thèse souvent en seconde accesion à la suédois pourraient bien s’implanEtude technico-économique de la propriété. Mais comment implan- ter sur le marché français. construction ossature bois avec ter ces structures éco-responsables isolation en bottes de paille ou et coûteuses dans notre quotidien ? @AnaelleDom isolant traditionnel. Notamment C’est la que la politique publique M le journal - novembre 2013 - 7
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Le tri sélectif des médias
Roselyne Bachelot se met au vert dans l'émission « Le banquet des 5000 » sur Canal+
Sale temps pour la planète sur France 5, CO2 mon amour sur France Inter. Avec une poignée de reportages et chroniques ces deux émissions ne sont que des îlots esseulés dans le traitement médiatique réservé à l'écologie. À la radio, à la télévision, l'environnement reste à quai des heures de grandes écoutes. Quant à la presse écrite, les rédactions préfèrent discuter de la politique d'immigration de Valls que des dangers sur la biodiversité.
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a coupe était pleine pour Hervé Kempf. Le monsieur environnement au Monde faisait ses valises et quittait le quotidien du soir après 15 ans de loyaux services. C'en était trop pour le journaliste qui estime que sa direction l'a empêché d'exercer au mieux son travail au moment de la couverture de l'affaire NotreDame-des-Landes. Alors qu'une de ses chroniques hebdomadaires a également été censurée selon lui, il a décidé de poursuivre son métier avec plus d'indépendance. Il faudra ainsi regarder du côté de Reporterre, site dédiée aux problématiques environnementales pour lire les papiers d’Hervé Kempf. «L'environnement, ça commence à bien faire» lançait Sarkozy début
2010. S'il s'adressait aux agriculteurs, cela pourrait bien aussi s'appliquer au quatrième pouvoir. Au lieu d'apporter des éclairages approfondis, les titres de presse préfèrent souvent montrer des initiatives vertes, des reportages sensationnels ou une information propice au « buzz » selon Laurent Samuel, journaliste et rédacteur en chef de l'association des journalistes écrivains pour la Nature et l'Écologie. Sans oublier «la sempiternelle répétition des petits gestes censés sauver la planète ». Reprises de dépêches d'agences, absence de budget pour des reportages au long cours sur le terrain sont également les maux du manque de couverture médiatique du sujet.
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Lanterne rouge Programmes TV, matinales radio, Unes des quotidiens nationaux. On a beau chercher, les chroniques de fond et de décryptage sur l'environnement se font rares. À l'exception de certaines actualités fortes à l'instar de la menace Fukushima fustige la négligence des médias «trop souvent, le traitement de ces thèmes reste événementiel, et manque du recul, de la perspective historique que peuvent apporter des journalistes spécialisés.» Ainsi le problème personnel d'Hervé Kempf reflète des réalités assez lourdes.
M le journal - novembre 2013 On peut s'inquiéter du faible nombre de rendez-vous médiatiques sur l'écologie mais si des plumes célèbres quittent aussi le navire, le débat perdra encore en visibilité. Car au Monde, les pages planètes apparues en 2008 n'existent plus depuis avril 2013. Reléguées dans les rubriques économie, international ou nationale, elles mettent en avant le peu d’intérêt que ces dossiers représentent aux yeux de la rédaction. Côté citoyens, le réchauffement climatique ou l'épuisement des ressources sont loin d'être méprisés. Il est clair que ces questions interpellent l'opinon. D'après les chiffres d'un des derniers sondages d'Harris interactive, 77% des français considèrent que l'écologie est une préoc-
cupation importante pour l'année 2013. Et pour 33% des personnes interrogées, l'environnement est même un domaine prioritaire.
Écologie à la trappe Tandis que la crise politique et économique occupe les discussions, l'écologie est-elle réellement devenue un luxe? On se souvient encore de l'époque ou l'émission Global Mag était diffusée tous les jours sur Arte. Après sa déprogrammation en 2011, d'autres programmes ont vu le jour sur la chaîne franco-allemande. S'ils n'occupent pas la grille au quotidien, des documentaires sont néanmoins diffusés régulièrement. Pour suivre l'actualité de la terre sur les canaux hertziens, il faut
se tourner vers Envoyé Spécial (France2) qui ouvre son émission à des enquêtes «vertes» ou Sale Temps pour ma Planète (France5) programmé le dimanche dans l'après-midi. Du reste, TF1 ou les chaînes d'information en continu font office de derniers de la classe. Le constat est amer pour Hervé Kempf. Dans un entretien pour Libération, il soulignait qu'un journaliste devait obligatoirement dénoncer le système existant s'il voulait suivre de près l'actualité écologique. Une prise de position pas forcément en accord avec la ligne éditoriale d'une rédaction.
@BaptistePiroja
Les tops et les flops de la couverture médiatique de l'environnement
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Biodiversité : le business d’abord !
Entre engranger des milliards et protéger la nature, le choix est vite fait. Les entreprises font fi de la question écologique. Réchauffement climatique, marées noires, algues vertes : les effets de ses activités sur la biodiversité sont catastrophiques.
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omment concilier profits et préservation des écosystèmes ? C’est l’objectif de l’association Orée qui regroupe entreprises, collectivités territoriales et institutions. Le 22 octobre dernier, elle a retrouvé à Paris ses adhérents à l’Aquarium Tropical pour discuter de la gestion de la biodiversité par les acteurs économiques. Pour Patricia Savin, présidente d’Orée, « biodiversité et économie sont interdépendantes : la première conditionne les activités de la seconde, qui influencent à leur tour l’évolution de la diversité du vivant. »
intégrer ces enjeux dans leur gestion quotidienne. Comme le souligne Michel Trommetter, directeur de recherche à l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), « il existe beaucoup de petites entreprises, qui ont du mal à s’approprier la question de la biodiversité car placée à l’extérieur des bilans financiers de l’entreprise. » Selon un rapport du ministère de l’Ecologie et du développement durable, seules 10% des entreprises qui se préoccupent d’environnement accordent une place réelle à la biodiversité.Michel Trommetter affirme pourtant que « la biodiversité n’est plus perçue comme une question de l’environnement mais De la prise de conscience à l’action devient un élément stratégique pour les Depuis 2005, diverses initiatives ont acteurs. » permis de prendre conscience des dangers encourus par la dégradation du L’exemple d’EDF monde vivant. La responsabilité environnementale des activités de l’entre- Chez EDF, la biodiversité est devenue prise n’est plus considérée comme un une problématique centrale. Pour Claire luxe par de nombreuses sociétés. Varret, chargée de mission Biodiversité, Mais dans la réalité, beaucoup de struc- « tout est étroitement lié. Il n’y a pas un tures éprouvent encore des difficultés à projet qui ne dépend pas d’enjeux de
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biodiversité. » En effet, la gestion de l’eau est primordiale pour l’entreprise française. « Lorsqu’on est aussi dépendant de l’eau comme comburant ou combustible, on dépend forcément de la biodiversité puisque la qualité de l’eau est très importante pour nous. » Depuis les années 1970, le groupe énergétique a d’abord pris en compte les milieux aquatiques dans l’implantation de leurs centrales thermiques. « Cela fait 40 ans qu’EDF développe une expertise reconnue sur le domaine de l’hydro-écologie. » Une avancée motivée par les réglementations. Désormais, l’entreprise a étendu son champ d’action en intégrant les milieux terrestres. « En 2006, nous avons signé un programme biodiversité qui la met au cœur de nos gestes professionnels. » Le cas EDF est singulier dans le tissu économique ; le respect de la biodiversité reste donc réservé à une élite économique. Si aujourd’hui les deux tiers des entreprises se déclarent conscientes de leurs impacts sur la nature, elles profitent d’un vide juridique et fiscal pour ne pas agir sur ce thème. En période de crise financière, la primauté est donnée à l’économie. Mais les entreprises ne sont pas les seules responsables de cette situation. Certains décideurs politiques négligent la dimension écologique dans les appels à projets. Même si la biodiversité peut présenter un atout, le manque ou l’insuffisance de cadre réglementaire peine à l’imposer comme un modèle viable. @ElineUlysse
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« Nous ne sommes pas la poubelle du monde !»
Total, GDF Suez, Perenco, ces entreprises pétrolières françaises exploitent et explorent du gaz de schiste à l’étranger sous les yeux du gouvernement, et parfois même avec son aide, alors que François Hollande prône une politique contre ce gaz non conventionnel.
T
ant que je suis président, il n'y aura pas d'exploration de gaz de schiste », déclare François Hollande le 14 juillet dernier. Quelques mois plus tard, le Conseil Constitutionnel valide la loi Jacob qui interdit l’exploitation et l’exploration du gaz de schiste par fracturation hydraulique en France. Or, cette loi ne se prononce que sur la méthode et pas sur l’exploitation même. Une loi subtile qui concerne seulement la France et permet aux entreprises françaises de poursuivre leur travail à l’étranger. Autrement dit, le gouvernement protège le territoire et ferme les yeux sur les activités néfastes de ces firmes sur l’environnement hors de nos frontières.
«
réprimées par la police argentine et ont causé plusieurs blessés. Selon l’association “Les Amis de la Terre”, la province de Neuquén (ravagée par des années d’exploitation pétrolière), est notamment occupée par Total. A priori sans demander le consentement des habitants, les Indiens Mapuches.
« Pas dans mon jardin »
« Nous ne sommes pas la poubelle du monde ! »
Isabelle Lévy, militante du “Collectif fertois contre le gaz de schiste”, nous révèle : « Nicole Bricq (ancienne ministre de l’Ecologie, ndlr) a emmené l’année dernière Total au Maghreb pour vendre les capacités des entreprises françaises dans le domaine de la fracturation hydraulique. On est bien dans la logique « pas dans mon jardin. » Total explore à ce jour du gaz non conventionnel en Pologne et au Danemark et est en développement aux Etats-Unis, en Algérie, en Australie et en Chine. En France, on manifeste contre les entreprises étrangères qui souhaitent exploiter et explorer du gaz de schiste dans notre pays. Même situation en Argentine, où Total est sur le banc des accusés, avec entre autre les entreprises Chevron et YPF. En juillet, des manifestations pacifiques anti gaz de schiste ont été violemment
Scénario identique en Tunisie avec la compagnie pétrolière franco-britannique Perenco. En 2010, à El Franig, elle pratique sa première fracturation hydraulique en Afrique du Nord. Selon un communiqué publié en 2012, Perenco dit avoir arrêté la production de gaz de schiste dans le pays suite aux résultats négatifs des opérations de 2010. Perenco nous a confirmé cette information par téléphone. Mais Esma Mdelgi, présidente d’AgriEcoForest, une association tunisienne anti gaz de schiste, contredit leur propos en nous affirmant que la firme continue sa recherche de gaz de schiste dans le pays. D’autres associations accusent Perenco d’exploiter des puits de pétrole au Guatemala dans la plus grande zone humide d’Amérique centrale. Elle expulserait des familles et serait responsable de graves problèmes sanitaires et de viola-
tions des droits de l’Homme. Pour Esma Mdelgi, l’exil des entreprises françaises à l’étranger est inacceptable : « La loi Jacob est une très bonne nouvelle pour le monde entier mais pour aller fracturer ailleurs… non ! ça ne l’est pas du tout ! Nous ne sommes pas la poubelle du monde ! » Un autre groupe s’exile pour le gaz de schiste. Il s’agit de GDF Suez qui a annoncé le 22 octobre dernier qu’il fera sa première prise de participation dans treize permis d'exploration de gaz de schiste au Royaume-Uni. GDF Suez va acquérir, pour 8,8 millions d’euros, 25% de licences d’exploration dans le bassin de Bowland, à l’ouest du pays et il investira 19,8 millions d’euros dans les coûts de recherche. Mais à qui ces entreprises françaises vendront ce gaz de schiste ? A la France ? L’Etat serait alors en total désaccord avec la loi Jacob et la promesse du Président… La France tolérerait ce qu’elle condamne chez elle et les risques environnementaux (sur l’effet de serre, les changements climatiques, la pollution des nappes souterraines, la pollution des sols…) qui sont les mêmes partout. Sur ces questions, le Ministère de l’Ecologie, que nous avons contacté, ne nous a pas répondu. @Assialabb
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M le journal - novembre 2013
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