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CULTURE
W W W. C A M B O D G E M A G . C O M
N°4
JUILLET 2018
Spécial Développement
FOCUS
S.E Dr. Thong Khon
DESTINATION
009000 001800
ÉCONOMIE
Quels visages pour Sihanoukville ?
2
CAMBODGEMAG 3 usd 12 000 riels
Chhlong, le temps d'un week-end
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9 000
5 000 publications
282 260
Citoyens français au Cambodge
Touristes francophones en 2017
Source : Ambassade de France au Cambodge
Source : Ministère du Tourisme au Cambodge
400
300 000
par trimestre
Entreprises françaises au Cambodge
Diaspora cambodgienne en France
Source : Direction Générale du Trésor
Source : France Diplomatie
+500 points de distribution au Cambodge, également disponible en vente dans les Monuments Books et points Relay
Pour toute information, merci de contacter :
sales.manager@thaliashospitality.com ou +855 (0)16 734 999
www.cambodgemag.com 2 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
Cambodge Mag est un site internet et un magazine papier trimestriel visant à promouvoir la langue, la culture et la société française au Cambodge à travers du contenu original, des images et des articles économiques, culturels et sociaux dans le Royaume. www.cambodgemag.com - 3
edito
www.cambodgemag.com Directeur de publication Thalias Co.Ltd Arnaud Darc
C’ÉTAIT IL Y A UN AN, À L’OCCASION DE CETTE MÊME CÉLÉBRATION DE LA FÊTE NATIONALE FRANÇAISE QUE LE PUBLIC FRANCOPHONE DU CAMBODGE DÉCOUVRAIT LA PREMIÈRE VERSION DE CAMBODGE MAG SUR PAPIER »
Rédacteur en chef Christophe Gargiulo chief.editor@thaliashospitality.com +855 16 954 888 Responsable commercial LyEang Teav sales.manager@thaliashospitality.com +855 16 734 999 Distribution Emma Dubois Direction marketing Céline Troeung Direction artistique Jean-Baptiste Carraro Fanny Duru Avec la participation de Nataly Lee Secrétariat de rédaction Clémence Fournier Correspondant à Siem Reap Rémi Abad lerems@free.fr +855 77 654 036 Chroniqueur & Société Fréderic Amat fredericamat@gmail.com +855 95 567 878 Journalistes Pascal Médeville - Jean-Michel Filippi Jean-Benoît Lasselin - Hugo Corvin Contributeurs Guillaume Narjollet (IFC) - Pierre Ananou (IFC) - Maud Montmeat - Bruno Bogvad - Institut Pasteur - Thierry Descamps Allan Michaud - Nicky Sullivan - Agence Kampuchea presse Imprimeur Image Printing Conseillère juridique Sun Rasey Magazine enregistré au ministère d el'information 370 Mol. Prk 16 septembre 2017
4 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
édito PA R CHRISTOPHE GARGIULO
C’était il y a un an, à l’occasion de cette même célébration de la fête nationale française que le public francophone du Cambodge découvrait la première version de Cambodge Mag sur papier. Depuis, trois autres numéros ont vu le jour avec cette nouvelle version d ’aujourd ’ hui que l ’équipe a voulu plus dynamique, plus communautaire et plus innovante. Entretemps, notre version en ligne est passée à plusieurs dizaines de milliers de lecteu rs u n iques , preuve que le besoin de supports d’information et de magazine en langue francaise est bien réel dans les communautés francophones du royaume, mais aussi chez les diasporas qui représentent plus de 50% de nos lecteurs. Les ambitions ne s’arrêtent pas là avec d’autres développements qui se profilent,
de nouvelles plumes, des correspondants et des talents confirmés qui rejoignent la rédaction. Ce petit tour d’horizon ne serait pas complet sans un petit clin d’œil à notre directrice marketing Céline qui, appelée vers d’autres responsabilités au sein du groupe Thalias, quitte bientôt Cambodge Mag. Céline a largement aidé au développement du magazine en travaillant sur les réseaux sociaux pour atteindre plus de 30 000 abonnées sur notre page dédiée et en ayant la lourde responsabilité de la distribution. Cambodge Mag est aujourd’hui disponible en consultation dans plus de 500 endroits, également en vente dans les kiosques des aéroports et les librairies Monuments Books. En souhaitant vous surprendre une fois de plus, nous vous souhaitons une excellente lecture.
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sommaire
49.LIVRE
L’accusé, de Khun Srun
DOSSIER 8. LE REGARD DE
Sodhachivy Chumvan
10. PARCOURS
32. L’avenir des ONG aujourd’hui au Cambodge
51.DESTINATION
« Depuis le confort du tout-terrain climatisé qui nous emmenait de l’aéroport à l’hôtel, je me suis pris ça dans la figure… Je me rappelle surtout des enfants qui bossaient »
54.SERVICES
66.CHRONIQUE
56.NATURE
68.VIE PRATIQUE ET CULTURELLE
Chhlong - Kratie
Premiers bateaux-taxis
Kounila Keo
Serpents menaçés au Cambodge
12. INNOVATION
Medhi, alias 12Mé
Studio Images de l'Institut français
L'application Go Green Cambodia
14. FLASH ÉCO
Indicateurs sur l'économie
16. ÉCONOMIE
Quels visages pour Sihanoukville ?
58.ARTISANAT
Instruments de musique traditionnels
20. INFRASTRUCTURE
Sihanoukville : schéma directeur et croissance
60.TOUR DE TABLE
Restaurants de fruits de mer
62.PRODUIT DU CAMBODGE 29. ÉVÈNEMENT
Sofitel : fête nationale française
40.HISTOIRE
Le prisme du Cbap Srey
48.CINÉMA
Le poivre long de Kampot
Tharoth Sam
63.GASTRONOMIE 24. FOCUS
S.E. Dr. Thong Khon
30. INITIATIVE
Animal Mama « La maison des Héros »
42.TRADITION
Les Arts Vivants du Cambodge
37. RETRAITE
74.COMMUNAUTÉ
Une histoire architecturale en boucle ?
Louis Scotti, se sentir chez soi au Cambodge
38.SANTÉ
Khmer Sight Foundation
6 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
44.SOCIÉTÉ
Jeunes cambodgiens et tentation consumériste
46.DANS L'ATELIER DE Din Borin
Lang Seng, une double culture au service du français
La Brasserie Louis, Hôtel Rosewood
64.STYLE 26. PHOTOGRAPHIE
71.PORTRAIT
Les 3 premières règles du vestiaire masculin en milieu tropical
Des ambitions très françaises sur Siem Reap
76.PLUME AUX LECTEURS Emmanuel & les copains d'abord
77.INFOS PRATIQUES
Précautions pour rendre votre séjour plus agréable
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le regard de
Belle, confiance et forte présence T E X T E E T P H O T O G RA P H I E PA R L’INSTITUT FRANÇAIS DU CAMBODGE
C onnue sous le nom de Belle, Sodhachivy Chumvan est interprète et chorégraphe, et depuis quelques années professeure en danse classique à l'Université Royal des Beaux-Arts (URBA). Cette trentenaire, bien dans ses baskets, s'est forgée grâce à sa persévérance et sa passion pour les arts scéniques. Originaire de Phnom Penh, fille unique, Belle grandit avec sa mère, icône de la TV des années 90. C'est elle qui fait le choix de l'inscrire à l'âge de sept ans à la faculté des Arts Chorégraphiques de l'URBA où elle étudie d'abord des rôles féminins puis, en grandissant, des rôles masculins comme le veut la tradition de la danse folklorique khmère. L'apprentissage classique est très exigeant, Belle s'accroche mais ne réalise pas encore son destin. A l'issue sa première représentation où elle interprète
8 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018 © Joty Mousar - IFC
le premier rôle (à l'âge de onze ans), elle prend conscience de l'échange avec le public : ses émotions et sa grâce se transforment en sourires et en applaudissements. Belle entend désormais dédier sa vie à la danse. Sa rencontre avec Sangeeta Isvaran , chorégraphe, interprète, chercheuse et activiste, lui révèle le sens de l'interprétation en danse contemporaine ; c'est un nouveau t ou r n a nt d a n s s on p a r c ou r s e t s a construction en tant que femme. Belle multiplie les tournées internationales et les ateliers avec de grands maîtres tels qu'Arco Renz ou Peter Chin pour ne citer qu'eux. Elle chorégraphie ensuite ses propres œuvres. Elle collabore régulièrement avec l'Institut français pour lequel elle relève un défi artistique de taille : créer une chorégraphie dédiée à chaque exposition donnant lieu à une performance. C'est à la suite de cette aventure que l'Institut Français du Cambodge soutient l'interprète en l'envoyant collaborer avec Emmanuelle Phuon à Bruxelles puis en stage au Centre chorégraphique national de Montpellier. Plus récemment, l'IFC a fait appel à Belle pour mener une collaboration inédite avec le Ballet Preljocaj en lui confiant la création d'une chorégraphie. Ses voyages et ses rencontres d 'une incroyable richesse lui font réaliser que sa force est issue de son identité ; pour accéder à de nouveaux moyens d'expression, la danse folklorique reste essentielle. Cet art vivant lui a permis de développer une prodigieuse confiance en soi qu'elle partage avec le public à travers les thèmes qu'elle aborde dans ses spectacles (la vie de sa mère, les états d'âmes et la confiance en soi).
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parcours
Kounila Keo, icône de la réussite cambodgienne I N T E R V I E W E T P H O T O G R A P H I E PA R CÉLINE TROEUNG
Positive, souriante et pleine d’énergie, l a Ca mbod gien ne Kou n i l a Keo est l’auteure de l’un des premiers blogs du royaume : www.blueladyblog.com, lancé dès 2007. Aujourd’hui, à seulement trente ans, elle reste l’une des personnalités marquantes du monde digital dans le royaume. Forte de son succès, Kounila Keo a décidé de monter sa propre agence de communication à Phnom Penh, une entreprise spécialisée dans les solutions marketing globales. Rencontre avec une jeune femme passionnée. CM : Parlez-nous un peu de vous… Je suis née à côté de Takhmao, pas loin de Phnom Penh, le 8 mars 1988, c’était la Journée Internationale de la Femme, fameux hasard (rires)… Je suis ce qu’on appelle en cambodgien une « cheung veng », ce qui signifie femme aux jambes longues - celle qui veut partir tôt du cocon familial et aller explorer le monde. CM : Quelle est votre formation ? J’étais en communication et journalisme à l ’Université Royale de Phnom Penh entre 2006 et 2010. Ensuite, j’ai accepté des projets en freelance, me permettant de voyager dans divers continents ; j'ai rédigé du contenu pour l’Agence France-Presse, le Phnom Penh Post, le LA Times, Southeast Globe Magazine, the Independent UK… En 2014, j’ai obtenu une bourse d’études pour un programme de deux ans (master) sur la politique publique à Singapour. CM : À pr op o s d e v ot r e p a r c ou r s professionnel ? En 2011, j'ai eu un appel de TEDs Talk me demandant d ’être volontaire pour leur émission. Bien sûr, j'ai trouvé ça assez intéressant jusqu'à ce qu’on me demande de parler devant un public. J'étais assez surprise et plutôt réservée. Mais j’ai tout de même décidé de faire ma présentation sur « le blog comme un outil révolutionnaire pour s’exprimer » (www.youtube.com/watch?v=oNpwPrb_5Z0). On m’a alors remarquée et j’ai été rapidement engagée chez BBC Media Action en tant que responsable du marketing digital. J’ai ensuite écrit pour le Tribunal des Khmers Rouges, rejoint RiverOrchid Notch en marketing digital, une des premières agences de communication du Cambodge… La liste est longue, et je suis aujourd’hui la directrice générale de Redhill.Asia en Asie du Sud-Est, une agence de communication 360º qui apporte des conseils stratégiques sur les marques, les relations publiques, le digital dans différents domaines.
10 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
CM : C’est un beau début de carrière, avez-vous eu des difficultés ? Bien évidemment ! Tellement de difficultés que je ne pourrais toutes les citer. Ma famille n’ était pas très aisée et nous n’avions pas les moyens de voyager ni d ’avoir de loisirs. Je travaillais à côté comme professeur d’anglais à domicile, je finissais parfois vers 22h, mes parents étaient très inquiets. Mais je pouvais ramener quelques dollars supplémentaires chaque mois pour notre foyer. J’aimais lire, dès que j’avais un ou deux dollars de côté, je les dépensais en achetant des livres anglais ou khmers, une chose que ma famille ne comprenait pas. Aujourd’hui, j’ai même ma petite bibliothèque à la maison. Avec les livres, je voulais juste apprendre de nouvelles choses. J’y trouvais mon bonheur, j’avais le droit de rêver, de laisser libre cours à mon imagination. CM : Quel était votre rêve ? Je voulais être professeur, je voulais partager mon savoir et ce que j’avais appris dans les livres - je l’ai fait d’ailleurs en « job étudiant », mais je n’aurais jamais pensé devenir une femme d’affaires... CM : Pa rlons u n peu de votre blog w w w.blueladyblog.com , quelle était l’ambition ? Je voulais dire « stop », j’aimais lire et écrire librement. Je voulais m’exprimer et comprendre les opinions des gens sur des sujets de société, de politique, et de culture... Le blog est très personnel, c’est ma propre vision de la société cambodgienne que je décris, cette vision que je partageais avec mes amis et mes lecteurs du monde entier. Ensuite, des médias m’ont soutenu, puis des entreprises ont commencé à m’inviter à des conférences. Mon blog était bien évidemment un bonus mais les personnes que j’ai rencontrées m’ont remarquée pour mes compétences en communication et ma personnalité.
LES GENS VOIENT LE CAMBODGE COMME UN EXÉCUTANT ALORS QUE LES DÉCISIONS STRATÉGIQUES SONT PRISES EN EUROPE, AUX ETATS-UNIS, OU PAR D’AUTRES PAYS DÉVELOPPÉS. confiance était difficile à gagner. Déclarer qu’on vient du Cambodge suscitait quelques réticences, et construire une relation durable n’était pas toujours évident. Ce fut un gros challenge à surmonter mais je me suis dit qu’il ne fallait pas baisser les bras. CM : Vous vouliez donc représenter le Cambodge ? Je voulais faire du Cambodge un hub pour le monde. Les gens voient le Cambodge comme un exécutant alors que les décisions stratégiques sont prises en Europe, aux Etats-Unis, ou par d’autres pays développés. Avec Redhill.Asia, nous voulions prouver le contraire… et aujourd’hui de nombreuses entreprises mondiales nous soutiennent. Par ailleurs, je crois avoir bien représenté le Cambodge en faisant partie des trente personnes listées dans Forbes dans la catégorie publicité, marketing et média en 2015. Ce fut une surprise mais surtout, une grande fierté.
CM : Vous êtes en quelque sorte une icône de la jeunesse cambodgienne ? Une icône , n’e x a géron s pa s … (ri res) Lorsqu’on voyage et qu’on rencontre des gens du monde entier, on se rend compte qu’on est qu’une petite poussière parmi tant d’autres et qu’il faut travailler plus, se cultiver davantage et apprendre encore plus pour réellement progresser.
CM : Quel est le secret de la réussite ? Pas de secret. En fait, il faut être heureux avec ce qu’on a et il faut apprendre en permanence. Je me suis toujours dit que j’avais de la chance - je me levais tous les matins et je me disais : « tu as de la chance Kounila, continue ». Être positif, c’est aussi terminer sa journée avec un meilleur « feeling » tandis que si nous nous comparons toujours avec d’autres, nous ne progressons pas.
CM : D’ailleurs, quelle était la perception du Cambodge à l’étranger ? À l’époque, l’image de notre pays auprès du monde extérieur était assez dévalorisante. La
CM : Un petit mot pour finir ? « Start small, expect less and deliver more », ce qui veut dire « Commencez petit avec des attentes modestes et obtenez de beaux résultats ». www.cambodgemag.com - 11
innovation
GO GREEN CAMBODIA, UNE APPLICATION POUR L'ENVIRONNEMENT T E X T E PA R E M M A D U B O I S P H O T G R A P H I E PA R G O G R E E N
PARTICIPER À RENDRE PHNOM PENH PLUS PROPRE ? C'EST DÉSORMAIS POSSIBLE TOUT SIMPLEMENT À L’AIDE D’UN TÉLÉPHONE PORTABLE. GO GREEN CAMBODIA EST NÉ EN 2016, INSPIRÉ PAR L’INITIATIVE « KEEP PHNOM PENH CLEAN », REGROUPANT DES VOLONTAIRES POUR DES OPÉRATIONS DE NETTOYAGE AUX ALENTOURS DES QUAIS À PHNOM PENH.
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The true f lavour of Cambodia
L’intention de Go Green est de sensibiliser les Cambodgiens à l’impact environnemental que provoque un simple plastique jeté dans la nature. Le concept se décline aujourd’hui en application mobile (disponible sur Android) pour encourager les citoyens à repérer les « zones poubelles » sur la carte (synchronisée avec Google Maps), les signaler via l’application et les nettoyer. Cette application cible un jeune public entre 18 et 25 ans plus connecté et sensible à l’environnement. L’application se veut interactive avec l’attribution de points bonus pour les super héros du nettoyage, ou encore des compétitions par quartier pour élire le plus propre sur la carte. Natalja Rodionava, directrice générale de IT STEP, et Grace Smith, coordinatrice financière chez JLC, sont co-fondatrices de l'application. Go Green travaille en partenariat avec la municipalité de Phnom Penh grâce à la signature d'un protocole d’entente facilitant les opérations de nettoyage, ainsi qu'avec le ministère de l’Environnement et son unité GIS (Geographical Information Service), concernant l’exploitation des données
récoltées de l’application pour informer le gouvernement sur les quartiers à nettoyer, ceux qui nécessitent une benne à ordures ou les endroits propres. Les opérations de nettoyage regroupent de nombreuses personnes avec une majorité de jeunes Cambodgiens – 100 coureurs ont rejoint le « Green Race » en mai dernier, évènement qui consistait en une course pour ramasser les déchets dans trois quartiers de la ville. L'évènement fut soutenu par de nombreuses entreprises du secteur privé et public. Les co-fondatrices de Go Green sont très optimistes sur le changement des comportements de la population locale vis-à-vis de l'environnement. Partant du principe que la sensibilisation commence par l'éducation, elles souhaiteraient aller plus loin en instaurant le programme international Eco-schools, qui sensibilise les enfants dès le plus jeune âge aux bons réflexes écologiques avec des activités interactives et pédagogiques. Page : m.facebook.com/gogreenkhm/ Groupe : m.facebook.com groups/ 892120540904745
The true f lavour of Cambodia Toul Tom Poung Next to the Russian Market #67 Street 450 Phnom Penh Call: 012 319 111 @kravanhttp
Open Daily: 10:30 - 21:00
Lunch Specials 12:00 -15:00
Sothearos blvd Next to Wat Botum Park #112, Sothearos Blvd, Phnom Penh Call: 012 539 977 @kravanhsb
Lunch: 11:00 - 14:30 Dinner: 17:30 - 21:30 kravanhrestaurant www.cambodgemag.com - 13
F L AS H É C O
Dr Michel SEBBAN
CABINET MÉDICAL FRANÇAIS
QUELQUES INDICATEURS SUR LA SANTÉ DE L’ÉCONOMIE DU ROYAUME T E X T E PA R C H R I S T O P H E G A R G I U L O
É V O L U T I O N D U TAU X D ' I N F L AT I O N D E P U I S 2 0 1 2 AVEC PROJECTION JUSQU'EN 2022
INFR ASTRUCTURES
De 2013 à 2018, le Cambodge a investi en moyenne 300 millions de dollars américains par an pour le développement des infrastructures de transport. Cet effort est principalement soutenu par la Chine. Le royaume dispose de sept centrales hydroélectriques capables de produire au total 1 328 mégawatts d'électricité, ce qui représente 58% de la demande d'électricité en 2017. Tous ces projets ont été supportés par la Chine également. Le pays dispose de deux centrales électriques au charbon d'une capacité totale de 500 mégawatts. 83% des 14 139 villages du pays ont accès à l'électricité aujourd’hui contre 51% en 2013.
3,85 2,93 2,96
3,02
3,25
3,25 3,16 3,05 3,00
2,91
PROJECTION
1,23
2012
2013
2014 2015
2016
2017 2018
2019
2020 2021
2022
Unité = Milliard de dollars US. (Source FMI).
35
34,26 31,57 29,01 24,36
25 20 15
14,05
15,25
2012
2013
16,72
2014
18,15
2015
20,16
Dr Karine FERRET
Médecin Généraliste Adultes - Enfants Santé et tropiques Praticien Hospitalier en Médecine d’urgence
Dr Isabelle de GAUDEMAR Oto-Rhino-Laryngologie Chirurgie de la face et du cou
Marie-Aimée BRICHAUX Psychologue
Langues parlées : Français-Anglais-Khmer Adresse : 18 rue 118 (Accès uniquement par la rue 169 entre Bd Kampuchea Krom et Bd Fédération de Russie) Google : Cabinet Médical Français - Phnom Penh Tèl : 012 634 115 Mail : cabinetmedical.français@yahoo.fr
EXPORTATIONS
ÉVOLUTION DU PRODUIT INTÉRIEUR BRUT DEPUIS 2012 AVEC DES PROJECTIONS JUSQU'EN 2022.
30
Médecin Généraliste Adultes et Enfants Spécialisé en Gynécologie Obstétrique Traitement contre la douleur - Acupuncture
Les exportations ont augmenté de 62% passant de 6,9 milliards de dollars US en 2013 à 11,2 milliards de dollars US en 2017. Les investissements directs étrangers ont augmenté de 40%, passant de 6,3 milliards de dollars l'année dernière contre 4,48 milliards de dollars il y a cinq ans.
26,63
22,25
CONSTRUCTION & IMMOBILIER
2016
2017
2018
2019
2020
2021 2022
É V O L U T I O N D U P R O D U I T I N T É R I E U R B R U T PA R H A B I TA N T DEPUIS 2012 AVEC DES PROJECTIONS JUSQU'EN 2022.
Le Cambodge a accueilli des projets immobiliers d'une valeur de 6,4 milliards de dollars américains en 2017, une hausse de 131% par rapport aux 2,77 milliards de dollars en 2013. Le royaume compte actuellement près de 1 000 immeubles de grande hauteur (entre 5 et 54 étages) et près de 200 nouvelles villes satellites et complexes résidentiels. Source : ministère de la Gestion des Terres, de l'Urbanisme et de la Construction.
Unité = Dollars US. (Source FMI). 1985,89
2000
1857,29
TOURISME
2021
Le Cambodge a accueilli 5,6 millions de touristes internationaux en 2017, soit une augmentation de 33% par rapport aux 4,2 millions en 2013. Le revenu brut du secteur a augmenté de 38% (3,6 milliards de dollars US en 2017). Le tourisme représentait 13% du PIB du royaume en 2017 et a créé plus de 620 000 emplois directs. Le Cambodge projette de recevoir 6,2 millions de touristes étrangers en 2018 et plus de 7 millions d'ici 2020. Source : ministère du Tourisme.
1732,72 1614,14
1750 1389,63
1500
1277,7
1250 1000
1498,82
1091,49 945,17
2012
1167,72
1010,77
2013
2014
14 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2022
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économie
SIHANOUKVILLE LA BOHÈME S’EN EST ALLÉE. AUTREFOIS DESTINATION PRIVILÉGIÉE DES ROUTARDS ET D’UN CERTAIN NOMBRE D’EXPATRIÉS QUI MONTAIENT LEURS PETITS BISTROTS EN PAILLOTES POUR VENDRE DES BIÈRES À 50 CENTS SUR LA PLAGE, ANCIEN RENDEZ-VOUS DES AMATEURS DE RAVEPARTIES ET DE VACANCES TROPICALES BON MARCHÉ, LA STATION BALNÉAIRE ÉTAIT AUSSI PARFOIS SURNOMMÉE « LA FIN DE ROUTE » POUR SA PROPENSION À ACCUEILLIR LES VICTIMES DU MAL JAUNE QUI AVAIENT ÉPUISÉ LEUR TEMPS DANS LA CAPITALE.
D'
une destination au cha rme vi ntage , plutôt en retrait p a r r app or t a u développement des deux grandes ag glomérat ion s Phnom Penh et Siem Reap, et accrochée à un modèle économique peu prometteur, Sihanoukville connait aujourd’hui une tra nsformation sa ns précédent avec l’arrivée d’un flot de touristes, et d’hommes d ’affaires chinois qui investissement massivement, transformant le paysage de façon spectaculaire avec la construction de casinos, de promotions immobilières, d' hôtels et de centres de villégiature de luxe.
Centre-ville et casinos
Quels visages pour Sihanoukville ? T E X T E E T P H O T O G R A P H I E S PA R CHRISTOPHE GARGIULO
16 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
Pou r qu i vi sitera it Si h a nou k vi l le à di x ans d ’ inter valle, le contraste est assez saisissant, beaucoup de nouveaux commerces et d’enseignes chinoises qui s’embarrassent à peine de signalétique en anglais ou en khmer, beaucoup de casinos, beaucoup d’effervescence, de nombreux grands chantiers aux bétonnières qui ronronnent lourdement, de jour comme de nuit. Entre les hôtels proposant des espaces de jeux et les casinos à proprement dit, il y a aujourd’hui une quarantaine d’endroits où il est possible de s’adonner aux jeux d’argent, 24h sur 24. Ils n’étaient qu’une quinzaine en 2015. Sihanoukville risquet-elle alors de devenir un petit Macao avec ses casinos à l’ambiance surchauffée et bondés de milliers de joueurs ? Pas si sûr. « Beaucoup de ces casinos ne proposent que du jeu en ligne et se sont vu octroyer des licences d’un ou deux ans… il y a des bâtiments pour répondre aux exigences de la loi, je pense que cela ne durera pas sur le long terme. Nous sommes encore loin de Singapour, par exemple, qui a développé son industrie du jeu par étapes, avec de grandes précautions en raison des impacts sociaux concernant ce type d’activité », explique Christophe Forsinetti, Directeur des opérations pour JSM Indochina Services, ajoutant que les casinos sont une industrie intéressante en termes de revenus fiscaux, mais que les grandes enseignes qui voudraient s’installer devraient faire face à des contraintes de dépôt de capital assez lourdes. A lors que la vi l le cha nge et que le gouvernement se réjouit de l'augmentation des dépenses de développement, des résidents reprochent à l'investissement chinois d’avoir créé une boucle fermée avec peu d’opportunités pour les Cambodgiens en dehors des propriétaires de terrains qui ont bénéficié d’une flambée des prix du foncier. De surcroit, certains font état de tensions entre les communautés et d’une criminalité grandissante liée à cette vague chinoise. Vrai, le gouvernement ne s’en est pas caché et a choisi de ne pas faire d ’exception : en 2017, la police a
arrêté plus de 350 ressortissants chinois impliqués dans des activités illicites. Plus récemment, l’ambassadeur chinois Xiong Bo a lui-même lancé un appel à ses ressortissants, les exhortant à respecter les lois du royaume. Quant au Premier m in istre Hu n Sen , i l est éga lement intervenu pour rappeler que les Chinois résidents de Sihanoukville aujourd’hui étaient en majorité des travailleurs qui retourneraient dans leur pays une fois leur mission achevée. Il a aussi rappelé que le royaume souffrait d’un manque de main d’œuvre qualifiée et que cela justifiait la présence des travailleurs chinois. Quant au x commerces de proximité, ser vices et activités touristiques qui auraient pu bénéficier de ce développement, l’impact de cette arrivée massive ne semble pas avoir satisfait les attentes. La nouvelle communauté chinoise s’est, comme à son habitude, organisée par elle-même, achetant ses terrains, construisant ses propres guest-house et hôtels, ouvrant ses propres commerces et restaurants… Vrai aussi, mais c’est peut-être oublier que le développement de Sihanoukville ne peut être limité à ce nouveau Chinatown, à ses chantiers et à ses casinos. Pour envisager des retombées plus larges, peutêtre est-il nécessaire de considérer la vaste richesse susceptible d ’être générée par le développement global du tourisme côtier dans cette région. Mais, ce n’est pas si simple…
Les plages
Les plages d ’Otres, d ’Och heutea l et d’Independance figurent parmi les plus populaires en termes de fréquentation touristique. Otres semble relativement encore peu perturbée par la construction d ’un casino et d ’un nouvel hôtel qui s’ajouteront aux 84 maisons d ’hôtes et hôtels de la zone. Là, l'investissement ne se limite pas aux Chinois. Dans le village d'Otres, seize nouveaux hôtels et bungalows sont achevés ou en cours de construction dans un rayon d'un kilomètre autour du centre du village. La majorité d'entre eux sont la propriété de Cambodgiens. Fait intéressant, un pourcentage élevé de ces développements sont « à vendre ou à louer » spéculation peut-être, encouragée par la rumeur qui porte le PDG d’Ali Baba, Jack Ma, comme investisseur possible sur Otres. Ochheuteal, autrefois très populaire et surpeuplée de cahutes-bars en bois, bambou et paille prolongées par une multitude de salons en rotin à même la plage, donne aujourd’hui une vision assez déconcertante. En 2017, cette zone a vu un afflux d’investisseurs chinois se ruer sur les terrains disponibles avec des prix au m 2 passant de 125 à 2000$. La rue Karaoké a été rachetée dans son intégralité, et deux projets majeurs ; un hôtel de luxe de 25 étages (Royal Group) et un autre porté par
Ly Lay ont été arrêtés après que le Premier ministre ait estimé que ces projets ne respectaient pas les directives du Comité de gestion de la côte, et qu’ils risquaient de dénaturer la beauté du site. Il ne reste donc aujourd’hui que des bribes d’activité et quelques touristes résidents sur la plage, en attendant que… « S ihanoukville n’est pas une exception. Il faut avoir une approche réaliste de ce qui se passe en Asie quand ça bouge…il y a peu de pays d’Asie avec une planification urbaine, ce sont les initiatives individuelles qui créent le paysage urbain…il manque une approche globale », indique Etienne Chenevier, directeur – associé de City Star Private Equity Asia. L’ investisseur, impliqué dans le projet hôtelier Alila sur l’ile de Koh Russey, explique également que : « À Occheuteal, il n’y a pas encore de zonage… Si le gouvernement se décide à mettre en place un plan d’urbanisation pour Sihanoukville, il y a des chances pour que la côte se développe de façon plus homogène. Toutefois, cela risque d’être difficile, les terrains sont très morcelés, et les initiatives privées sont tout de même les principaux moteurs du développement de la zone, et du pays en général…il me semble difficile d’imposer ce type de contrainte ». Impression similaire pour Christophe Forsinetti qui estime que : « l ’afflux de touristes chinois va augmenter… parmi ces touristes, les plus intéressants sont les “ Free Independant travelers ”, ceux qui choisissent eux-mêmes leurs destinations, consultent les sites spécialisés et recherchent des destinations de qualité. Ils représentent 60% des touristes chinois dans le monde, mais ils ne viennent pas ici en raison du manque de marques et d ’une attractivité insuffisante pour le moment », explique-t-il. « Pour attirer ce type de clientèle, il faut des « bonnes pratiques de station balnéaire ", éviter les grands immeubles en bord de plage, proposer un schéma directeur cohérent et susceptible de rendre la destination attrayante. Sihanoukville a largement le potentiel pour devenir une destination de qualité », ajoute-t-il. I ndep end a nce B e ac h est u ne b e l le plage encore préservée. Deux projets de développement résidentiel seront achevés en 2018 et 2019, à environ 500 mètres de l ’un des plus emblématiques hôtels de Sihanoukville, l’Independence Hotel. Construit durant l’âge d’or du Cambodge, dans les années 60, le bâtiment a été rénové en 2007, jouant la carte de la clientèle aisée en proposant un cadre idyllique favorisé par un accès privilégié à 200 mètres de plage de sable fin. « Les Chinois sont clients, mais notre clientèle chinoise représente 30%, clientèle par petits groupes et assez aisée... comme partout dans le monde, c’est une clientèle importante certes en nombre, mais qui séjourne tout au long de l'année, contrairement à la clientèle occidentale plutôt saisonnière. Nous sommes le seul grand hôtel sans casino et nous avons peu de problèmes liés au tourisme de masse » www.cambodgemag.com - 17
économie
déclare Boun Kean EAP, représentant du groupe cambodgien Dara Hotels qui gère notamment lndependence Hotel.
[...] IL EST FACILE DE CRITIQUER, MAIS LES INVESTISSEMENTS SUR LA CÔTE NE SONT PAS CHASSE GARDÉE DES CHINOIS... RIEN N’EMPÊCHE LES OCCIDENTAUX D’INVESTIR DANS CETTE VILLE »
en chiffres 2 000 000 Nombre total de touristes en 2017 à Sihanoukville
470 000 Nombre de touristes étrangers en 2017 à Sihanoukville
156 600 Nombre de touriste chinois en 2017 à Sihanoukville
338 000 (+115,4 % par rapport à 2016) Nombre d’arrivées à Sihanoukville en 2017 via l’aéroport
7 Nombre de villes chinoises (Chine continentale) reliées par des vols directs vers Sihanoukville
500 000
L'Independence Hotel
Nombre d’arrivées annuelles prévues avec l’extension de l’aéroport
18 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
Les îles
Elles sont quelques-unes à présenter un attrait touristique indéniable et à avoir accueilli des développements hôteliers haut de gamme : Koh Russey avec l’hôtel Alila ; Koh Rong avec Royal Sands ; les petites îles de Koh Ouen et Koh Bong avec Song Saa et Koh Krabey avec Six Sense. Proposant des prix allant de 300 à 1500 $ par nuitée, les objectifs des promoteurs sont clairs : attirer la clientèle haut de gamme. L’ouverture la plus récente est le Royal Sands, un projet conduit par les actionnaires d ’Asian Trails et le Royal Group du magnat Kith Meng. « Nous avons développé un concept imbattable, le luxe, le coté robinson et des activités d’ écotourisme, avec des prix raisonnables », déclare Luizi A .Matzig, PDG de l ’entreprise Asian Trails, et partenaire du projet Royal Sands. « L es îles doivent rester vertes , il faut développer ces destinations à bon escient. Tant qu’ il n’y aura que quelques hôtels sur l’ensemble des îles, cela restera gérable, mais si cela pousse trop vite, il faudra envisager des infrastructures plus lourdes, et cela risque de dénaturer le concept », déclare de son côté Etienne Chenevier (Alila). Sihanoukville semble donc se trouver à mi-chemin de son développement, avec des projets qui avancent trop vite, d’autres beaucoup moins et une cohabitation entre la communauté chinoise, les locaux et les expatriés pas toujours facile. Des interlocuteurs que nous avons interrogés, la tendance souhaitée qui semble se dégager serait celle d’un développement plus maitrisé, plus planifié et tenant compte des différents segments de clientèle. Quant à se demander si Sihanoukville devait absolument changer de visage(s) ? Probablement , le modèle d 'a ffa i res précédent n'a jamais été une option durable, et finalement les investissements arrivent. Vrai que l’afflux de Chinois a été diabolisé en raison de leur comportement, et que pas mal d’expatriés ont préféré aller chercher fortune ailleurs. « Il est facile de critiquer, mais les investissements sur la côte ne sont pas chasse gardée des Chinois… rien n’empêche les occidentaux d’investir dans cette ville », déclare Luu Meng, le Président de la Fédération Cambodgienne du Tourisme, ajoutant que : « ces investissements massifs viennent en majorité de Chinois qui investissent pour gagner de l’argent pas pour s’installer… il existe aussi pas mal d ’ investissements cambodgiens et une tendance semble également se dessiner avec l’arrivée récente de Japonais… cela montre bien qu’il y a des opportunités pour tout le monde »
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infrastructure
SIHANOUKVILLE : du besoin et de l'actualité d'un schéma directeur P R O P O S R E C U E I L L I S PA R C H R I S T O P H E G A R G I U L O
Eric Delobel, Directeur Général de Cambodia Airports
CM : Quelles sont les raisons qui ont poussé le groupe Vinci Airports à élaborer un plan directeur pour Sihanoukville (initiative propre, requête du gouvernement ou autre) ? Planifier pour anticiper est au cœur de notre métier de concessionnaire. D’une part, les concessions d’infrastructures portent sur des temps longs, deux, trois, parfois quatre décennies. Nous sommes donc constamment amenés à nous projeter dans le futur pour pouvoir répondre aux demandes - voire les anticiper - et ainsi adapter et reconfigurer nos infrastructures. Les projets de développement aéroportuaire de VINCI Airports/Cambodia Airports s’inscrivent dans cette perspective et nous élaborons et mettons continuellement à jour les « master plans » des aéroports que nous opérons, i.e. leurs plans de développement à envisager sur le court, moyen et long terme. D’autre part, nombre de concessions d’infrastructures publiques sont susceptibles d’entraîner des impacts sur leurs environnements. Par conséquent, nous sommes également un des acteurs clefs de l’aménagement des territoires. Tous ces éléments mentionnés, auxquels il faudrait ajouter la situation du Cambodge et l’importance du transport aérien pour ce pays, expliquent qu’il nous ait apparu pertinent de commanditer une étude sur le schéma directeur de développement de la péninsule de Sihanoukville au moment oú nous, Cambodia Airports-VINCI Airports, avons obtenu la gestion de l’aéroport de cette région côtière. Elle a été réalisée en 2006 par un cabinet d’urbanistes français, SEURA, et partagée avec les autorités cambodgiennes. 20 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
Alors que Sihanoukville est à la une, dans la presse et sujet de nombreux débats, il est important de rappeler que le développement de Sihanoukville est un phénomène qui pouvait être prévisible, et certains parmi les acteurs stratégiques du développement économique du royaume avaient déjà anticipé le phénomène. Le groupe VINCI Airports, concessionnaire des trois aéroports internationaux du royaume à travers sa filiale Cambodia Airports, avait en 2006 commandé une étude au cabinet d’architectes et d'urbanisme SEURA visant à élaborer une proposition de plan directeur pour la région côtière. Pour en savoir un peu plus sur cette initiative, Eric Delobel, Directeur Général de Cambodia Airports a accepté de répondre à nos questions concernant ce plan directeur. CM : S’agit-il de recommandations pour le développement global, tourisme et urbanisme, ou s’adressant seulement au développement touristique du littoral ? Le point de départ est un schéma directeur de développement urbanistique de la ville. Cependant il a pris une portée plus large compte tenu des problématiques de développement global et des enjeux touristiques, commerciaux et industrielles qui sont venus se greffer. CM : Quelles priorités étaient définies dans ce plan directeur ? L’objectif était d’élaborer une proposition de cadre qui permette un développement raisonné et respectueux de l’environnement. Il était notamment important de « sectoriser » la péninsule en fonction des différentes activités - commerciales, touristiques, industrielles Il devait aussi servir à aider les autorités à définir des cadres légaux pour les projets de développement, en termes d’occupation des espaces d’aménagement et de construction. Aussi, il s’agissait notamment d’identifier les équipements nécessaires pour tel un développement durable (usines de traitement d’eaux usées, centrales électriques…). CM : Quels étaient les « obstacles envisagés » ? D’une part, le manque relatif de ressources financières et humaines au niveau local pour respecter un tel plan/une telle feuille de route (sachant qu’à l’époque les efforts étaient principalement concentrés sur
Siem Reap, le principal pôle touristique en plein développement à cette date). D’autre part, un cadre institutionnel et un schéma de gouvernance en voie de constitution qui ne facilitent donc pas la mise en œuvre d’un tel plan. CM : Quelles étaient les principales recommandations, sur Occheuteal, Otres, Independance ? Schématiquement, le plan directeur définit trois zones : le port pour les activités industrielles et commerciales ; la ville et les plages qui s’y rattachent directement seraient une sorte de « strip » avec une concentration d’activités de loisirs et de shoppings plutôt ouverts à un tourisme de masse ; Ream et les îles plutôt destinés à un tourisme de niche. CM : Y a-t-il des parallèles aujourd’hui entre ce qui se déroule actuellement et cette proposition de plan directeur ? L’étude reste pleinement d’actualité dans un contexte de développement très rapide que connaît Sihanoukville. Même si toutes ses recommandations ne semblent pas être suivies, cette proposition de plan directeur reste à la disposition des acteurs confrontés à la réalite du terrain. Il y a une prise de conscience accrue des parties prenantes et notamment du gouvernement de la nécessité de mieux maîtriser le développement (cf. différents forums sur Sihanoukville, loi littorale) mais l’application et le respect des règlementations nécessiteront probabement du temps.
Plan directeur Extraits illustrés de l’étude proposée par SEURA. À l’époque, il était mentionné que : Sihanoukville, seul port en eaux profondes du Cambodge dans le golfe de Thaïlande, accueillait en 2007 environ 38 000 habitants. La péninsule offre un fort potentiel économique, qui repose sur les atouts contradictoires du pétrole et du tourisme. Pour contrer les risques d’une urbanisation désordonnée et spéculative, une stratégie d’aménagement est esquissée sur la plaine côtière comprise entre l’aéroport et la ville : un territoire de 40 km2. Plutôt que d'obérer l'usage du foncier et de laisser les raffineries s’installer devant les plages, un développement équilibré est planifié en misant sur le tourisme, la pêche et la petite manufacture (confection, conserverie…). Le schéma directeur propose une chronologie de développement et pose une structure urbaine combinée à l’hydrologie du territoire. Afin de préserver les atouts de ce site vulnérable, pris entre déforestation des collines et montée des eaux, le scénario vise quelques options minimales : des densités, des thématiques, des trames vertes / bleues et surtout une stratégie de déplacement sur les bases d’une ville passante aux voies hiérarchisées. Il s’agit de promouvoir une méthode d’aménagement plutôt que de projeter une ville-champignon de plus. www.cambodgemag.com - 21
infrastructure
Schéma directeur
Prévoir la croissance sur le long terme
pour une ville d'1M d'habitants
> SIHANOUKVILLE CAMBODGE
T E X T E PA R C H R I S T O P H E G A R G I U L O
Maîtrise d'ouvrage : VINCI Concessions, SCA (société concessionnaire des aéroports) Maîtrise d'œuvre : SEURA architectes (mandataire), Desaix-Guillaume Stetten (BET hydraulique) Programme : schéma d'aménagement et plan directeur pour une ville d'1M d'habitants Surface : 4 000 hectares Mission : élaboration d'une stratégie d'aménagement et élaboration d'un plan directeur
Singapour / Sihanoukville similitudes et différences Singapour
Sihanoukville
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Pour marquer la mise en service du terminal de passagers entièrement rénové, une cérémonie a eu lieu le 27 juin à l’aéroport international de Sihanoukville. Assistaient à l'événement de nombreux officiels dont le secrétaire d'État en charge de l'aviation civile, M. Mao Havannall, le sous-secrétaire d'État au tourisme, M. Hor Monirath, le gouverneur de la Province de Sihanouk, M.Yun Min ainsi que M.Nicolas Notebaert, Directeur Général de VINCI Concessions et Président de VINCI Airports. L'extension et la rénovation du terminal sont parties intégrantes d'un nouveau programme de développement ambitieux qui est déployé par Cambodia Airports en prévision de la croissance du trafic prévue pour les cinq prochaines années. En 2017, alors que la destination balnéaire devient de plus en plus populaire, l'aéroport a accueilli 338 000 passagers, et enregistré une exceptionnelle croissance annuelle de 115%. Les travaux principaux, réalisés par l’entreprise LBL ont permis de quasiment doubler la surface du bâtiment. Les principales zones de l’aéroport qui ont accueilli ces transformations/ameliorations sont la zone d'enregistrement, la salle d'embarquement et la zone de retrait des bagages. En sus de l’amélioration du confort d’utilisation des services de l’aéroport, les passagers peuvent aussi à présent profiter de nouveaux points de restauration opérés par The Monkey Republic et Plaza Premium Lounge à travers son concept Flight Club et un espace lounge donnant sur une vue panoramique de l'aéroport et son environnement. Un autre grand projet a aussi éte lancé et vise à prolonger de 800 mètres la piste de l'aéroport pour atteindre 3.3 kilomètres. Une fois cette nouvelle phase de developpement terminée, l'aéroport pourra accueillir régulièrement des avions plus gros et sera en mesure de capter plus de clientèle en provenance de pays plus éloignés. Se félicitant de la coopération avec les autorités cambodgiennes, Nicolas Notebaert a déclaré : « cette mise en service du nouveau terminal de l'aéroport international de Sihanouk reflète le partenariat fructueux entre le Gouvernement Royal du Cambodge et Vinci Airports/ Cambodia Airports. Ce travail d'équipe basé sur le respect et le dialogue, constitue une nouvelle étape dans notre volonté de développer l'aéroport de Sihanoukville afin qu'il contribue à réaliser le potentiel de croissance économique, touristique et sociale de l'ensemble du littoral du Royaume ».
M. Nicolas Notebaert en discussion avec M. Mao Havannall
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focus
LE DÉVELOPPEMENT DU TOURISME DEMEURE UNE PRIORITÉ DU GOUVERNEMENT CAMBODGIEN QUI ESPÈRE ACCUEILLIR SEPT MILLIONS DE TOURISTES EN 2020. AU CENTRE DE CETTE AMBITION : LE MINISTRE DU TOURISME, SON EXCELLENCE DR THONG KHON, QUI CONNAIT BIEN LE SECTEUR.
S.E Dr Thong Khon Nous devons encore beaucoup travailler T RA N S C R I P T I O N E T T RA D U C T I O N PA R PA S C A L M É D E V I L L E P H O T O G RA P H I E PA R C H R I S T O P H E G A R G I U L O
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I
l fut secrétaire d’état au tourisme entre 1993 à 2007, avant de devenir ministre du tourisme en 2007, puis en 2013 pour un deuxième mandat. En avril dernier, lors du CT M (Ca mb o d i a Travel Mart), évènement régiona l destiné à promouvoir la destination Cambodge et les rencontres entre professionnels du tourisme, Cambodge Mag a recueilli les propos du ministre sur les perspectives du secteur. « En 2017, nous avons accueilli 5,6 millions de touristes étrangers, soit une augmentation de plus de 11%. Ces touristes ont généré 3,438 milliards de dollars américains de revenus. D’après nos estimations, nous accueillerons en 2018 6,1 millions de touristes internationaux et environ 7 millions en 2020, ce qui représentera des revenus d’environ 5 milliards de dollars américains, et permettra la création d ’un million d’emplois » L e Ca mb o d ge a été honoré pa r de nombreuses récompenses internationales. Angkor Wat a été élu meilleure destination touristique du monde en 2018 par le site TripAdvisor. Trois villes, Battambang, Kep
et Siem Reap, ont été sélectionnées parmi les plus belles destinations touristiques de l’ASEAN. D’après Web Expat Insider, le Cambodge est classé parmi les pays les plus accueillants pour les touristes étrangers. En 2017, Phnom Penh a été désignée comme ville mondiale du tourisme et de la culture. En 2018, c’est le site du Wat Phnom qui a été distingué pour la deuxième fois par le prix ASEAN Sustainable Tourism Awards. Des efforts importants ont été faits pour améliorer l’accueil des touristes. À Phnom Penh, des hôtels de classe internationale sont constru its : Ma rriott , Novotel , Hyatt, Rosewood, et de nombreux autres établissements sont en projet. Ce sont des signes visibles du développement tou rist ique d a n s la vi l le de Ph nom Penh. Elle est devenue une destination touristique de première importance, la capitale a accueilli en 2017 près de 3 millions de touristes internationaux, une augmentation de 12% par rapport à 2016. Les marchés du tourisme cambodgien sont : la zone Asie-Pacifique, l ’Europe, l ’Amérique et le Moyen Orient. Nous savons que 70% des touristes au Cambodge proviennent de la zone Asie-Pacifique, près de 20% viennent d’Europe et environ 10% d’Amérique. Nous avons obtenu de bons résultats sur tous ces marchés, notamment sur celui de l ’ASEAN, qui représente environ 40 % du chiffre total. Le tourisme interne à l ’ASEAN génère à lui seul la venue de plus d’un million de touristes parmi les touristes originaires de la zone Asie-Pacifique. Parmi les autres marchés de la zone Asie-Pacifique, nous constatons que la zone de l’Asie du Nord-Est (Chine, Corée, Japon) est aussi stratégique. Dans cette zone, la Chine constitue le marché le plus captif. Le pays compte plus de 1,3 milliard d’habitants. Les touristes chinois qui sont susceptibles de voyager à l ’étranger sont plus de 300 millions. Le monde entier cherche à attirer ces touristes. 70% d ’entre eux voyagent en Asie. Le nombre total des touristes chinois voyageant dans les pays de l ’ASEA N dépasse les 20 millions. La question que nous devons nous poser est : comment faire pour attirer deux millions de touristes chinois en 2020 ? Nous en avons accueilli 1,2 millions en 2017, nous estimons qu’ils seront 1,6 millions en 2018. Il faut accorder la plus grande attention à leur immense potentiel. Dans le monde entier, un énorme travail est fait pour attirer les touristes chinois. En Europe, en France, en Angleterre, en Amérique, une très grande importance est accordée au tourisme chinois. Je me suis rendu en France récemment et j’ai pu constater de réels progrès dans ce sens. Au Cambodge, nous devons agir tous ensemble pour être « China-ready », c’est-à-dire prêts à accueillir les touristes chinois. Mais, nous ne négligeons pas pour autant les autres
marchés. La stratégie du gouvernement est d’agir sur tous les marchés pour continuer notre progression. Plus de 5 millions de Japonais voyagent dans l’ASEAN, mais le Cambodge n’en accueille qu’un peu plus de 200 000 alors qu’il existe des vols directs du Japon vers le Cambodge. Pour ce qui est de Siem Reap, seuls les Chinois et les Coréens proposent aujourd’hui des vols directs. Nous espérons qu’il y aura bientôt une liaison directe du Japon vers Siem Reap. C’est à Phnom Penh que le nombre de touristes japonais augmente sensiblement avec aujourd ’hui, dans la capitale, de nombreux hôtels, restaurants et boutiques qui s’adressent particulièrement à cette clientèle.
originaires de l ’ASEAN reste limitée. Pourquoi ? Pour le Cambodge, la solution consiste certainement à faciliter les déplacements type « self driving tour », (avec son propre moyen de transport). Ces touristes doivent pouvoir utiliser leurs véhicules s’ils le souhaitent. Exemple : si un Thaïlandais souhaite voyager avec sa voiture de Bangkok à Phnom Penh, à la frontière, la douane le stoppera et sa voiture sera bloquée. Il faut trouver des solutions et ne pas conserver de barrières inutiles. Nous réfléchissons beaucoup à la question d e s r e s s o u r c e s h u m a i n e s a fi n d e développer des services qui répondent au x nor mes i nte r n at ion a les . I l es t indispensable de disposer de normes,
NOUS DEVONS ACCORDER UNE GRANDE IMPORTANCE AU TOURISME LOCAL. LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE PERMET AUJOURD’HUI À NOS CONCITOYENS DE PRENDRE DES VACANCES ET DE VOYAGER » Vingt millions de Coréens voyagent à l’étranger. Les Coréens qui voyagent dans des pays de l’ASEAN sont au nombre de cinq millions, mais le Cambodge ne reçoit que 300 000 Coréens. Il s’agit donc aussi d’un marché qui mérite aussi tout notre intérêt. Un autre marché très important restant à développer est celui de l’Inde. Actuellement, ce sont cinq millions de touristes indiens qui voyagent dans les pays de l’ASEAN. Mais, ce sont la Thaïlande et Singapour qui les attirent le plus. Nous devons augmenter notre impact sur cet immense marché.Un autre marché au potentiel intéressant est le marché européen qui reste stable au Cambodge. Le royaume reste l’une des destinations privilégiées des touristes venus d’Europe avec près d’un million de visiteurs. Mais il faut des efforts supplémentaires si nous souhaitons faire progresser ce marché. Les touristes originaires de pays de l’ASEAN n’ont pas besoin de visa et, malgré cela, l’augmentation du nombre des touristes
et non de « bricoler » comme cela peut se faire parfois aujourd’hui. Il faut également que les tarifs des services touristiques, restent attractifs. Ne pas oublier non plus la gastronomie, notre pays propose une excellente cuisine, c’est aussi un atout à mettre en valeur. Nous devons accorder une grande importance au tourisme local.Le développement économique permet aujourd ’hui à nos concitoyens de prendre des vacances et de voyager. Cependant, bon nombre d’entre eux ne connaissent pas bien notre pays. Il est nécessaire de mettre sur pied des voyages organisés pour permettre aux Cambodgiens de découvrir notre pays. Notre politique des visas a d’ores et déjà été aménagée. Des visas d’un an, deux ans et trois ans sont déjà disponibles pour les Chinois, les Japonais et les Coréens. Nous devons également proposer des aménagements dans d’autres domaines, mettre en place de nouvelles stratégies destinées à promouvoir et développer le tourisme dans le royaume. www.cambodgemag.com - 25
photographie
Arts vivants du Cambodge P H O T O G RA P H I E PA R CHRISTOPHE GARGIULO
Cambodian Living Arts présentait en avril un spectacle ambitieux mêlant ballet classique, danse folklorique et narration. Créé sous la direction de Voan Savay, ancienne ballerine du Ballet Royal, avec le soutien du Prince Sisowath Tesso, ce merveilleux spectacle d’une heure emmène le spectateur à travers le temps, depuis la création de l’univers et la naissance de l’Apsara jusqu’à la vie quotidienne d’un village du Cambodge rural de nos jours. Ce spectacle est un programme d’Experience Cambodian Living Arts, initiative culturelle qui a pour ambition d’offrir au public local et international des expériences captivantes et enrichissantes sur les arts et la culture cambodgiens, tout en créant des opportunités d’emploi pour les artistes. www.cambodianlivingarts.org www.experience.cambodianlivingarts.org
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évènement
LE SOFITEL, HÔTE DE LA FÊTE NATIONALE FRANÇAISE T E X T E PA R J U L I E C A I L L AU P H O T O G R A P H I E PA R C H R I S T O P H E G A R G I U L O
APRÈS TROIS ÉDITIONS À KOH PICH, LA FÊTE NATIONALE FRANÇAISE SERA ACCUEILLIE CETTE ANNÉE PAR LE SOFITEL PHOKEETHRA DE PHNOM PENH, LE 13 JUILLET.
L’établissement sera le premier hôte français à porter le drapeau tricolore pour cette célébration annuelle. Et ce sera dans une « atmosphère raffinée et majestueuse » promet Charles-Henri Chevet, le Directeur Général du Sofitel. « Mais, rassure-t-il, si la structure change, tous les organisateurs ont fait le nécessaire pour garder l’ambiance conviviale et populaire qui a fait le succès des dernières éditions ».Depuis 2015, c’est la Commission Good France Cambodia au sein de la Chambre de Commerce Franco-Cambodgienne qui a repris les rênes de l’organisation de la fête nationale avec pour objectif de « promouvoir le savoir-faire français au Cambodge » souligne Frank Sampéré, son président. Au total, ce seront donc près de 900 couverts servis au cours de cette soirée. « Certes, un peu moins que l’année passée où nous avions accueillis près de 1 280 personnes, rapporte Frank Sampéré, mais cela reste un chiffre significatif. Cette année, nous avons voulu offrir à nos compatriotes, mais aussi aux nombreux francophones et étrangers, plus d’espace, de confort et surtout, rester dans un événement qualitatif ». Le Ballroom du Sofitel sera le lieu clé de la soirée où sera servi un dîner 100% français pour se transformer, un peu plus tard dans la nuit, en un espace dansant décoré à la hauteur de l’événement. Au-delà du cadre exceptionnel dont dispose 28 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
le Sofitel, l’établissement s’est aussi avéré être une « solution intégrée » explique Charles Henri Chevet, « puisque cela permet aux organisateurs de ne pas faire appel à de nombreux prestataires de services. Nous sommes donc ravis d’accueillir la communauté française. C’est une très belle opportunité et une opération très intéressante », indique-t-il. Intéressante car effectivement la Commission Good France Cambodia au sein de la Chambre de Commerce France Cambodge et le Sofitel ont étroitement collaboré à l’organisation de l’événement. Pendant plusieurs semaines, les chefs des restaurateurs* de l’événement ont ainsi concocté ensemble le menu qui sera préparé dans les cuisines du Sofitel afin notamment de « garantir les normes d’ hygiène, ce qui est un impératif pour nous » précise CharlesHenri Chevet. Le service sera quant à lui exclusivement assuré par le personnel de l’établissement soit près de 130 personnes mobilisées. Si la célébration du 14 juillet conserve ses grands classiques avec son dîner et sa soirée dansante, les nouveautés peuvent toutefois s’inviter à l’événement. Et cette année, il se pourrait bien que les organisateurs surprennent leurs compatriotes et/ou aux aficionados de la culture française… * Bonbon ice cream, Bouchon, Comme à la maison, Khéma, OpenWine, Raffles, Topaz et bien évidemment l’hôte de la soirée, le Sofitel. www.cambodgemag.com - 29
initiative
La « Maison des Héros », centre de retraite pour les chiens démineurs T E X T E E T P H O T O G RA P H I E PA R CÉLINE TROEUNG
D
ans le monde d’aujourd’hui, pratiquement tout a été accompli. Mais après maintes recherches sur l’avenir de ces chiens détecteurs de mines, je découvre qu’il n’existe aucun centre de repos pour eux. Les chiens trop âgés se retrouvent à la rue, mal adoptés ou encore euthanasiés, et je trouve cela aberrant et choquant », déclare-t-elle. Nous parlons très peu de ces chiens, pourtant ils sont entrainés tous les jours, ils voyagent, ils sauvent des milliers de vies – ce sont des héros. Yulia compte bien le partager avec le monde entier via la fondation « La Maison des Héros (Home of Heroes) », un projet qui lui tient particulièrement à cœur. Elle y imagine un grand terrain, des courses d’obstacles, des dresseurs ne faisant qu'un avec leur chien, des chambres de repos individuelles et un régime alimentaire adapté. Non seulement les chiens âgés détecteurs de mines pourront avoir une retraite tranquille, mais les jeunes chiens qui n’auront pas passé les examens d'entrée pour le déminage pourront avoir une deuxième chance en devenant des chiens de sécurité. Yulia raconte : « Ces chiens démineurs sont différents des chiens domestiques : ils vivent par le travail, ils sont vifs, forts, intelligents et fusionnent avec leur maître ».
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YULIA KHOURI, FONDATRICE DE L’ENTREPRISE SOCIALE ET DE LA CLINIQUE VÉTÉRINAIRE ANIMAL MAMA, ADOPTE MURIEL EN 2016. C’EST LE DÉBUT D’UNE LONGUE HISTOIRE AVEC CETTE FEMELLE BERGER MALINOIS DE 12 ANS, VENUE DU CENTRE D’ACTIONS CONTRE LES MINES DU CAMBODGE (CMAC) APRÈS AVOIR ÉTÉ ENTRAÎNÉE EN BOSNIE. Un an après cette belle rencontre, Yulia signe un mémorandum d ’entente avec Norwegian People’s Aid (NPA), une ONG présente dans plus de 33 pays et engagée dans les activités de déminage et d’aide humanitaire. La collaboration permet donc à Animal Mama de récupérer les chiens détecteurs de mines, disqualifiés ou retraités, qui sont actuellement au nombre de 11 dans les locaux d'Animal Mama. « Notre modèle est de devenir une entreprise sociale durable, en fournissant des services vétérinaires de qualité à la communauté. Les profits que nous allons générer seront utilisés pour soigner les animaux. Ensuite, le projet serait de créer une entreprise de sécurité pour les particuliers. En créant un service payant, ce projet nous permettra de financer la construction de la Maison des Héros », explique t-elle. Pour parvenir à son objectif, Animal Mama devra faire une levée de fonds de 100 000 dollars américains pour commencer à construire un lieu adapté. « Nous espérons que cela puisse se faire d'ici 2019 », conclut-elle. Toute donation est la bienvenue : les dons peuvent être faits à la clinique Animal Mama. Pour plus d’informations, sur la Maison des Héros : www.thehomeofheroes.org. Animal Mama Veterinary Hospital and Pet Wellness Center, N°15, Rue 500, Phnom Penh - 010 500 999 - animal-mama.com/
MAÎTRE FROMAGER AFFINEUR DEPUIS 1880
Les Frères Marchand depuis 1880… Les Frères Marchand est une des plus grandes et des plus anciennes maison de Maître Affineur de France dont les secrets se transmettent depuis 6 générations. Les Frères Marchand c’est une alliance fraternelle qui conjugue les talents de chacun pour écrire les nouveaux chapitres de cette belle histoire. Leurs fromages sont choisis grâce à un réseau de petits producteurs passionnés par leur métier. La culture du fromage est un patrimoine que Les Frères Marchand contribuent à sauvegarder. Leur souhait est de transmettre le terroir français grâce à des fromages empreints d’histoire, de typicité et de tradition. Le but des Frères Marchand est de partager leur connaissance des fromages, leur savoir-faire et leur amour des fromages affinés. Leurs fromages sont leur identité culturelle, ils reflètent leur passé et leur permettent de se projeter dans l’avenir. De la Belgique à l’Italie, de l’Allemagne à l’Asie, ils parcourent le monde pour promouvoir leurs fromages, leurs diversités, les petits producteurs qu’ils soutiennent et le patrimoine français, tout en s’imprégnant de nouvelles cultures. L’innovation est donc une recherche permanente chez Les Frères Marchand. Ils ont décroché le titre pour «le plus grand plateau de fromages au monde» dans le Guinness Book le 23 septembre 2016 à Nancy en France en présentant 720 sortes de fromages au lait cru produits par de petits producteurs. Venez découvrir les fromages des Frères Marchand dans les restaurants Khéma et au restaurant Topaz : Beaufort, Tomme des Ours, Brie de Meaux, Camembert, Chaource, Crottin de Chavignol, Fourme de Montbrison, Mimolette, Morbier, Munster, Raclette, Reblochon, Sainte Maure, Saint Nectaire, Wasabique.
L E S F R È R E S MAR C H AN D S ON T PRÉSENTS CHEZ www.cambodgemag.com - 31
dossier
L’AVENIR DES ONG AUJOURD’HUI AU CAMBODGE
À
« ÇA M’A FRAPPÉ TOUT DE SUITE, DÈS LA DESCENTE DE L’AVION. DEPUIS LE CONFORT DU TOUTTERRAIN CLIMATISÉ QUI NOUS EMMENAIT DE L’AÉROPORT À L’HÔTEL, JE ME SUIS PRIS ÇA DANS LA FIGURE […] JE ME RAPPELLE SURTOUT DES ENFANTS QUI BOSSAIENT. C’ÉTAIT LA PREMIÈRE FOIS QUE JE VOYAIS DES ENFANTS TRAVAILLER ».
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T E X T E PA R H U G O R O U S S E L E T P H O T O G R A P H I E S PA R C H R I S T O P H E G A R G I U L O
l a te r ra ss e d ’u n restaurant, Sylvain H, un ami récemment installé à Phnom Penh raconte son premier voyage au Cambodge en 2014. Il y était allé pour visiter les temples. « C’ était magnifique, mieu x encore que les pyramides ». Il en était reparti, b ou le v e r sé , t a nt par les merveilles d’Angkor que par les conditions de vie de nombre de ses habitants. « D’un côté, la majesté de monuments qui ont grandi avec la jungle, de l’autre, des petits Cambodgiens qui tentent de vous vendre des cartes postales à l’entrée du Bayon, un vieillard unijambiste qui fait la quête à l’ombre des galeries d’Angkor Wat, une femme au visage déformé par un abcès qui demande de l’argent aux rares touristes ayant le courage de croiser son regard ». C’était il y a 4 ans seulement. « Mais quand j’y suis retourné cette année, il n’y avait rien de tout ça. On a bien tenté de me vendre La Pagode Khmère, mais ce n’était pas des enfants, et c’ était en dehors des temples. Alors là je me dis : qu’est-ce-qui a changé ? ». La quest ion est u n débat récu rrent depuis quelques années dans les cercles occidentaux de la capitale. On la pose de manière plus ou moins ouverte. Certains ne prennent pas de gants : « Y-a-t-il encore des pauvres au Cambodge ? » Et en filigrane, cette question délicate : dans un pays à l ’ économie si dynamique ( plus de 7% de croissance annuelle), quel est le rôle des ONG ? Sont-elles encore utiles à la population locale ? Pour trouver des éléments de réponse Cambodge Mag est allé sur le terrain, à la rencontre d ’orga n isations nongouvernementales, accueilli – avec bonne volonté et patience – par les responsables de différentes organisations aux profils et aux missions différentes, mais qui ont en commun l ’ambition d ’ éradiquer la
pauvreté, de détruire la misère comme l’aurait dit Victor Hugo. Diagnostic : en moins de 10 ans, la pauvreté a été réduite par un facteur de 4 – d’après la Banque Mondiale, le taux était de 13,5% en 2014, contre 47,8% en 2007. À première vue, il est équivalent en France (13,9% de la population française vit sous le seuil de pauvreté, d ’après l’INSEE) et pourtant personne n’aurait l’audace de comparer la situation de la France à celle du Cambodge. Alors comment interpréter ce chiffre ? Il r e fl è t e d ’a b o r d i n d u b i t a b l e m e n t l’amélioration des conditions de vie. « Le Cambodge des années 90, c’était le Far West, » raconte Pierre L, un vétéran du Cambodge (plus de 20 ans de terrain au compteur). « Je suis arrivé après le départ de l’ONU. La capitale était sûre, mais les provinces, c’était plus risqué. Tout le monde était armé. Le plus dangereux c’ était la saison des pluies, au moment des orages, parce que des gens essayaient de chasser l’orage en tirant dessus ». C’est une ambiance que ceux qui ne connaissent que le Phnom Penh d’aujourd’hui ont certainement du mal à imaginer. « J’ai commencé par distribuer des sandwich jambons-fromages aux enfants des rues », explique Sébastien Marot, fondateur de Friends International, à la fois ONG et entreprise sociale. Lui, a connu ces années 90 : arrivé en avril 1994 « pour deux semaines » lors d’un tour d’Asie, il n’est plus reparti depuis. « Les inégalités m’ont beaucoup touché. On dépense des millions de dollars pour reconstruire le Cambodge, comment peut-on laisser des enfants dormir sous des cartons ? ». Sarun, un jeune Khmer aux airs de James Dean, presque la trentaine aujourd’hui, orphelin à l’âge de 9 ou 10 ans, témoigne d’une situation similaire dans les milieux ruraux : « Dans les années 90, on vivait sur un lopin de terre sans maison […] Je travaillais dans les champs de riz toute la journée, du lever au coucher du soleil, pour moins de 50 cents par jour et j’étais très fier de moi. Parfois, j’étais obligé d’arrêter, parce que mes mains me faisaient trop mal. À 12 ou 13 ans, je suis parti travailler dans la construction, parce qu’il me fallait trouver un moyen de payer l’école ». www.cambodgemag.com - 33
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C
’est à la même époque, en 1995, que les des Pallières, fondateurs de l’ONG PSE (Pour un Sourire d’Enfant), décident de s’ installer au Cambodge. Christian connaît le pays : il est arrivé quelques années plus tôt avec une ONG qui œuvre à l’alphabétisation. C’est quand sa famille vient lui rendre visite cette année-là qu’il fait la rencontre de deux jeunes vivant à la décharge. « Christian et son épouse étaient choqués […] Ils décident à ce moment qu’ il fallait faire quelque chose ». Cette pauvretélà – la vie au milieu des immondices et de la pestilence, du lever au coucher, à moins de 1$ par jour – a beaucoup diminué, comme le montrent les statistiques internationales. D e s m i l l ion s de tou r i s te s v i site nt aujourd’hui le Cambodge sans en voir la trace, ou si peu, ce qui n’était pas encore possible il y a quelques années. Alors la question est directement abordée et sans se concerter, ils sont unanimes : si de grandes et importantes batailles ont été gagnées, il reste beaucoup à faire avant de gagner une fois pour toute, et de manière décisive, la guerre contre la pauvreté.Comme Sébastien Marot, les des Pallières avaient commencé en distribuant des petits déjeuner. Très vite, et sur la base de la même réflexion – éviter de créer des relations de dépendance, créer des itinéraires de sortie durable de la pauvreté, traiter la cause plutôt que les symptômes – ils vont, chacun de leur côté et avec des modèles différents, réorienter leurs efforts vers le nerf de la guerre : l’éducation, la formation professionnelle, et l’insertion. « Le cœur de mission de PSE, c’est le rattrapage scolaire et la formation professionnelle » nous explique-t-on, « ce qui signifie d’une part qu’on va scolariser des enfants sans retard particulier, mais issus de familles très pauvres, ou chiffonniers , ou m altraités , ou handicapés […] et aussi que nous n’avons pas à nous substituer à l’état cambodgien : si d’autres organismes proposent des formations de qualité dans le futur, nous pourrons être amenés à revoir notre offre ». Friends fonctionne sur un modèle un peu différent car l’organisation est aussi une entreprise sociale, et ne se concentre pas uniquement sur les enfants. Mais le but est là aussi de pouvoir proposer sans attendre des formations de qualité aux jeunes qui en ont besoin.
« LE SURENDETTEMENT EST UN PROBLÈME TRÈS IMPORTANT. VOUS AVEZ DES USURIERS QUI PRATIQUENT DES TAUX DE 20% ET DES FAMILLES QUI S’ENDETTENT PARFOIS POUR DES ACHATS NON-ESSENTIELS ».
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À côté de ces organisations bien connues, i l e x i s te au ssi tout u n é cos y s tè me d ’a ss o c i at ion s plu s p e t ite s , qu i s e concentrent sur une zone géographique bien déterminée. Ainsi en est-il de Shanty Town Spirit, ONG de proximité créée par la princesse Ermine Norodom, et qui prend soin d ’une cinquantaine de familles dans le bidonville de Boeung Trabek à Ph nom Pen h . Insta l lée au Cambodge depuis septembre 2010, la princesse explique avoir voulu aider les plus pauvres. Elle commence avec deux enfants chiffonniers. Mais pour les aider vraiment, il faut aider les familles pour qui leur travail représente une source de revenus non négligeable (20 à 25 USD par mois). La princesse travaille avec une assistante sociale et suit personnellement les familles. « J’aide ceux qui veulent s’en sortir », explique-t-elle. C’est une approche holistique : Shanty Town ne paie pas seu lement l ’ école des en fa nts , ma is peut aussi aider les parents à payer des factures, ou à trouver un emploi stable. L’organisation suit de près l ’évolution des enfants et de leurs résultats scolaires. Des cours supplémentaires sont offerts, pas seulement pour remédier aux lacunes mais aussi pour consolider et améliorer les savoirs déjà acquis. « Nous avons un garçon très doué en maths, et lui offrons des cours pour qu’il s’améliore ». L’objectif final de Shanty Town : sortir durablement ces enfants et ces familles de la pauvreté. Durablement est le maître mot. « L’ennemi à abattre, ce n’est plus seulement la pauvreté, c’est aussi la précarité », explique un spécialiste des quest ion s de dé veloppement . Il y a d’abord une question de définition. Le « pauvre » au sens des organisations économiques internationales est celui qui vit sous le seuil de $1,90/jour. Mais, celui qui parvient à se hisser juste au-dessus avec 2 ou 3 dollars quotidiens n’est pas riche pour autant. D’après la Banque Mondiale, il y a ainsi « plus de 4,5 millions d’ habitants […] dans un état de quasi-pauvreté », c’està-dire susceptibles de retomber dans la pauvreté au premier choc. Cette précarité est aggravée par un phénomène qui n’est pas nouveau : le surendettement. « Que ce soit pour un mariage, une moto, ou un smartphone […] les familles vont souvent s’endetter. Quand c’est bien géré, ça va, mais il n’y a pas de filet de sécurité », précise Sébastien Marot. Ces prêts sont souvent acquis via le microcrédit, parfois via des usuriers locaux, et en donnant en garantie l’équivalent d’une hypothèque sur les terrains possédés par la famille. Ghislaine Dufour, qui préside depuis l’an dernier PSE, confirme : « Le surendettement est un problème très important. Vous avez des usuriers qui pratiquent des taux de 20% et des familles qui s’endettent parfois pour des achats non-essentiels ».
LES CAMBODGIENS NE SONT PARFOIS PAS AU COURANT DES DIFFÉRENTES AIDES QU’ILS PEUVENT SOLLICITER DE LA PART DE L’ÉTAT, SURTOUT QUAND ELLES SONT RELATIVEMENT RÉCENTES.
A
utre problème venant compliquer la situation d e s p r é c a i r e s : l a marginalisation. Elle est d ’abord géographique : « l a p auvre t é se situ e aujourd’hui en périphérie, » analyse Ghislaine Dufour. « Il y a des zones sans emploi – pas possible de trouver, ou alors au prix d’un transport cher dont le prix obère très sensiblement le gain économique procuré par l ’obtention d ’un emploi ». Le pire est de se retrouver dans cet entredeux, ni en ville (où l’on peut trouver du travail mais où l’on est plus seul) ni en campagne (où le travail est plus rare, mais où la solidarité de la communauté agit comme un filet de sécurité). Ces problèmes ne sont pas statiques. Comme dans les sociétés occidentales, ils évoluent de plus en plus rapidement. L’accélération sociale des temps, phénomène décrit par le philosophe et sociologue allemand Hartmut Rosa, touche aussi les sociétés asiatiques. Alors pour les ONG locales, la remise en question est une constante. « L’adaptation est l’ADN de notre organisation. Nous évaluons constamment les programmes et les projets. Ce qui avait du sens dans les années 90 n’en a plus forcément aujourd’hui », déclare Sébastien Marot. Même réflexion
du côté de PSE : trouver une remise en quest ion perm a nente des solut ion s mises en œuvre, se demander si elles sont toujours les meilleures, si elles sont toujours pertinentes ? « Le gouvernement couvre de plus en plus de besoins. Lorsque notre intervention n’est plus nécessaire, nous nous retirons » explique Ghislaine Dufour, preuve à l’appui : « depuis que le gouvernement a revalorisé les salaires des professeurs et leur permet de vivre correctement, nous avons arrêté de payer les salaires des professeurs des écoles publiques près du centre PSE ». La princesse Ermine Norodom note de même que « le gouvernement en fait de plus en plus » précisant qu’il reste une difficulté dans « la transmission de l’ information » : les Cambodgiens ne sont parfois pas au courant des différentes aides qu’ils peuvent solliciter de la part de l’État, surtout quand elles sont relativement récentes. Alors pour combien de temps encore les ONG devront-elles rester au Cambodge ? « À terme, nous avons vocation à disparaître », indique Ghislaine Dufour, présidente de PSE. Mais ce rêve semble encore bien utopique. Même le monde occidental n’a pas encore vaincu la misère, en attestent les nombreuses organisations œuvrant sur le terrain en Europe ou aux EtatsUnis. C’est peu dire, pour conclure, que si beaucoup a été fait, il reste néanmoins encore beaucoup à faire… www.cambodgemag.com - 35
retraite
O P E N E D J U LY 2 0 1 8
Louis Scotti, se sentir chez soi au Cambodge
RABIES PREVENTION CENTER in BATTAMBANG Institut Pasteur du Cambodge & Provincial Health Department
P R O P O S R E C U E I L L I S PA R CHRISTOPHE GARGIULO
LA RAGE EST UNE MALADIE MORTELLE DANS 100% DES CAS SE FAIRE VACCINER CONTRE LA RAGE APRES MORSURE PROTEGE A 100% Après une morsure de chien, laver immédiatement la plaie avec du savon et de l’eau courante pendant au minimum 10mn. Nettoyer avec de l’alcool ou de la betadine.
RENCONTRE AVEC LE FRANÇAIS LOUIS SCOTTI, JEUNE RETRAITÉ ÉNERGIQUE QUI A POSÉ SES VALISES À SIEM REAP POUR Y VIVRE UNE RETRAITE PAISIBLE MAIS NÉANMOINS TRÈS ACTIVE.
Faites vous vite vacciner dans un centre Pasteur de prévention rage à Battambang ou Phnom Penh. Considérez chaque morsure de chien comme à risque. D’autres animaux transmettent la rage : les chauves souris, singes, chats, cochons, rats.
Notre objectif est l’éradication de la rage au Cambodge en 2030 AIDER L’INSTITUT DANS LA PROMOTION DE SES ACTIONS RAGE: info@pasteur-kh.org Espaces Accueil Phnom Penh
autant, visiter ce pays, profiter de la plage et de la campagne.
Louis est l’un des membres actifs de la communauté française, très souvent impliqué dans les évènements associatifs de la capitale provinciale, toujours prêt à rendre service et, à l’image de nombreux autres retraités de Siem Reap : cabotin, généreux et enthousiaste.
Que souhaitez-vous pour l’avenir du pays ? Ce que je souhaite pour ce pays c’est qu’on arrive à trouver des solutions aux problèmes d’environnement, notamment au traitement des ordures ménagères et, également que le plus grand nombre d’enfants ait accès à l’éducation
CM : Depuis quand vivezvous au Cambodge ? Je vis au Cambodge, à Siem Reap, depuis trois ans mais j’y viens régulièrement depuis une dizaine d’années.
HORAIRES D’OUVERTURE PHNOM PENH: Lundi-Vend 7:00-17:00 & Samedi 7:00-11:30
INTERNATIONAL VACCINATION PHNOM PENH 012 812 003
MEDICAL LABORATORY PHNOM PENH
012 812 003
LABORATORY OF ENVIRONMENT AND FOOD SAFETY PHNOM PENH
011 777 195
RABIES PREVENTION CENTERS PHNOM PENH 099 346 144
Comment êtes-vous arrivé au Cambodge ? Je suis arrivé au Cambodge à l’occasion d’un périple « tour d’Asie » une sorte de voyage de remise en question à la suite d’une panique financière dans un pays d’Afrique suivi d’un décès de ce qu’on a l’habitude d’appeler un être cher. J’ai visité quatre pays pendant ce voyage, et ensuite je revenais chaque année voir de nouveaux pays mais, à chaque périple, je faisais un arrêt au Cambodge où je me sentais bien, chez moi en quelque sorte. Quelle est votre activité ? Je suis à la retraite et je m’occupe d’une association où je dirige un programme
alimentaire ainsi que de diverses actions ponctuelles en fonction des demandes et des besoins en partenariat avec d’autres associations sur place. Pour quelles raisons aimezvous le Cambodge ? J’aime le Cambodge pour la douceur de son climat pour la joie de vivre de ses habitants qui est indéniable quelles que soient leurs difficultés de vie, pour le fait aussi bien sûr que le coût de la vie permet d’y passer une retraite correcte avec une pension qui, en
France, me permettrait juste de survivre… ou peut-être juste parce que, lors de mon premier voyage, en posant le pied sur le sol cambodgien je me suis senti chez moi. Quels sont vos loisirs ? Difficile de répondre à cette question pour la bonne raison que j’ai l’impression que ma vie est faite de loisirs : faire du vélo avec des gens que j’apprécie, boire un verre ou manger dans un restaurant avec les mêmes gens ou d’autres que j’apprécie tout
Une anecdote à raconter ? Devant aller visiter le Ratanakiri, j’avais demandé à un ami habitant sur place de me réserver un trajet Phnom Penh-Banlung. J’avais montré au chauffeur ma réservation d’hôtel. Arrivé sur place, après avoir posé tout le monde, le chauffeur me fait signe de remonter. Et, après 45 minutes de route, il me dépose en pleine campagne devant une maison en me disant que c’était mon hôtel. Je n’avais pas pensé que le chauffeur ne lisait pas l’anglais. J’ai donc appelé mon ami pour savoir où j’étais. Il n’a eu qu’à ouvrir sa porte puisque, pour le chauffeur, il était évident que j’allais chez la personne qui avait réservé mon transport et donc un habitué de cette ligne…
BATTAMBANG 017 222 972
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5 Bd Monivong Phnom Penh | accueil@pasteur-kh.org | www.pasteur-kh.org | fb/Institut.Pasteur.Cambodge
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santé
LORSQU’IL ARRIVE DANS SES BUREAUX DE L’AVENUE NORODOM, SEAN NGU SUGGÉRE IMMÉDIATEMENT LA MAXIME DE BERGSON : « AGIR EN HOMME DE PENSÉE, PENSER EN HOMME D’ACTION » L’HOMME EST UN HYPERACTIF, AU SENS NOBLE DU TERME : CHEF D’ENTREPRISE, SECRÉTAIRE D’ÉTAT, IL EST AUSSI FONDATEUR ET DIRIGEANT DE LA KHMER SIGHT FOUNDATION (KSF), ONG AYANT POUR OBJECTIF DE REDONNER LA VUE AUX CAMBODGIENS SOUFFRANT DE PROBLÈMES OPHTALMIQUES.
VAINCRE LA CATARACTE AU CAMBODGE AVEC KHMER SIGHT FOUNDATION T E X T E PA R H U G O C O R V I N P H O T O G R A P H I E S PA R N ATA LY L E E
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I
l y a un énorme problème de cataracte au Cambodge », explique-t-il, « on estime qu’il y a 300 000 à 400 000 personnes à opérer ». L’opération n’est ni chère ni trop complexe (15 minutes), mais la réaliser e x i g e d e s c omp é t e n c e s très spécialisées dont le royaume manque cruellement. Le Cambodge ne compte guère plus d’une vingtaine de chirurgiens ophtalmologues. La cause de la prévalence élevée de cette pathologie au Cambodge se trouve dans l’histoire et la géographie : la malnutrition de la période Khmer Rouge a fragilisé les organismes, sa situation tropicale rend le pays très exposé aux plus intenses des rayons du soleil. Le problème est aggravé par la poussière, omniprésente sur les routes de campagne et difficilement évitable avec des dizaines de kilomètres de déplacements quotidiens en moto. Le cocktail est redoutable, on estime que « plus de 10 000 nouveaux cas » apparaissent chaque année. Pour la grande majorité des patients, l ’opération a lieu sans complications. « 80% d’entre eux retrouvent la vue à la suite de cette opération, » explique Sean Ngu. « Malheureusement, pour les 20% restant, le nerf ne fonctionne plus, et il n’y a rien à faire ». Identifiés dans les villages par les volontaires de la KSF et du personnel spécialement formé, les patients sont amenés à Phnom Penh, où la fondation loue les locaux de cliniques et d’hôpitaux pour des « missions » de quelques jours effectuées gratuitement par des médecins venus d’Australie et d’Europe.
À terme, l’ambition de la KSF est énorme : vaincre la cataracte au Cambodge. Est-ce utopique ? En voyant l’ampleur du problème, on pourrait le penser. Mais, plus on passe de temps avec Sean Ngu et ses troupes, moins on doute de leur capacité à faire bouger des montagnes. En quelques jours seulement à Phnom Penh, des centaines de patients seront guéris. Cette année, ce sera plusieurs milliers, et ce n’est qu’un début : la fondation ouvrira son premier hôpital en septembre. Le jour de la mission de terrain, les patients sont plusieurs centaines, massés dans les couloirs de la clinique réquisitionnée pour l’occasion, à attendre leur tour. « Beaucoup plus patients que les occidentaux ! », glisse un médecin britannique. Les plus calmes rassurent les anxieux. On se tient la main, on se masse les épaules, on se tranquillise. Une vieille dame – 80 ans passés – au sourire éclatant raconte son histoire : elle n’a jamais vu la capitale, au sens propre comme au figuré. Dans une douzaine d’heures, les médecins de la Khmer Sight Foundation l’auront opérée et lui retireront ses pansements. Elle ouvrira les yeux, et pour la première fois depuis plus de dix ans, elle verra enfin Phnom Penh.
LA CAUSE DE LA PRÉVALENCE ÉLEVÉE DE CETTE PATHOLOGIE AU CAMBODGE SE TROUVE DANS L’HISTOIRE ET LA GÉOGRAPHIE : LA MALNUTRITION DE LA PÉRIODE KHMER ROUGE A FRAGILISÉ LES ORGANISMES, SA SITUATION TROPICALE REND LE PAYS TRÈS EXPOSÉ AUX PLUS INTENSES DES RAYONS DU SOLEIL » www.cambodgemag.com - 39
histoire
LE PRISME DU CBAP SREY T E X T E PA R JEAN-MICHEL FILIPPI
DEPUIS LE DÉBUT DES ANNÉES 90, LA SOCIÉTÉ CAMBODGIENNE CONTEMPORAINE A ÉTÉ RATISSÉE AU PEIGNE FIN D’UNE VISION HUMANITAIRE SANS CONCESSION. IL EN A RÉSULTÉ UNE TRÈS ABONDANTE LITTÉRATURE OÙ LA CONDITION FÉMININE OCCUPE ÉVIDEMMENT UNE PLACE DE CHOIX ET OÙ Y SONT DÉNONCÉES PÊLE-MÊLE TOUTES LES CONTRAINTES SOCIALES ET ÉCONOMIQUES QUI BRIMENT LA FEMME CAMBODGIENNE TELS QUE L’ABSENCE D’ÉDUCATION SCOLAIRE, LA VIOLENCE DOMESTIQUE, LE TRAFIC HUMAIN ETC. AU TERME DU JEU DE MASSACRE, IL NE RESTE PLUS GRAND-CHOSE DE POSITIF AU TABLEAU.
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M
ê m e s i l ’on f a i s a it s i e n un diagnostic aussi brutal, le recours à une explication de type historique serait tout à fait concevable et salutaire. Sans tomber dans les sempiternelles explications par le passé, on peut difficilement s’attendre à mieux dans un pays soumis à plus de 20 ans de guerre civile. Eh bien, écartant d’emblée ce registre historique, nos auteurs se sont attachés à créer une catégorie bien plus séduisante : la malédiction de la condition féminine au Cambodge. Au hasard de petites lectures, très représentatives, du Rapport Annuel sur le Développement Humain du PNUD ou du Programme contre la Violence Domestique (PADV) ou encore de Soutien Légal aux Femmes et aux Enfants (LSWC) : « L’égalité des sexes n’est pas partie intégrante de la culture cambodgienne en ce que les hommes et les femmes perpétuent des idéaux sexistes qui sont renforcés par des principes bouddhiques et des codes khmers de conduite morale ; et le bas statut des femmes et des filles khmères est enraciné dans des valeurs culturelles et des coutumes » ou encore : « Des notions traditionnelles concernant les rôles attribués aux sexes contribuent aussi à la violence domestique. Familles, maris, ainsi que les autres femmes expliquent à la femme cambodgienne qu’un comportement adéquat, comme faire de la bonne cuisine, bien nettoyer la maison, parler avec douceur et obéir à son époux, préviendra un comportement violent ». Autrement dit les problèmes liés à la condition féminine cambodgienne ont des causes culturelles. Dans ces conditions, les enjeux sont de taille… Comment a-t-on réussi ce joli tour de passepasse qui consiste à faire de la condition féminine au Cambodge la conséquence de la culture même du pays ? La réponse nous vient du PADV : « Un célèbre poème cambodgien intitulé Cbap Srey, enseigné dans beaucoup d’ écoles, fixe les tâches de la bonne épouse cambodgienne » ou encore sous la plume du traducteur du PADV qui va beaucoup plus loin : « Dans mon esprit, il s’agit [le cbap srey] d’un des obstacles majeurs dans le combat contre la violence générée par les rapports entre les sexes ». La source de tous les maux se trouverait donc dans ce petit texte de quelques pages. De quoi s’agit-il en réalité ? Le Cbap désigne un code de conduite souvent versifié pour en faciliter l’assimilation. C’est un genre qui apparaît à partir du 15ème siècle et qui va être utilisé dans le cadre des enseignements de pagode. Le sens premier de Cbap est « loi », mais est pris ici dans un sens figuré ; il n’est donc guère surprenant que le registre de langue utilisé dans ces textes soit de type injonctif et qu’abondent les formules du genre « tu dois, il faut… ». Le Cbap Srey désigne donc un code de conduite destiné aux femmes. Jusque-là rien de très choquant.
En fait, ce qui a rempli d ’effroi nos ethnologues amateurs, ce sont des formules du style : « Ne vas pas cafarder à tes parents quoi que ce soit de négatif concernant ton mari ou cela risque d’embraser le village » ou « Ne tourne jamais le dos à ton mari quand il dort ou ne lui touche jamais la tête sans t’incliner auparavant devant lui » ou encore « sois patiente, mets à l’épreuve ta patience, ne réponds jamais à sa colère excessive ». On imagine l’étendue du désastre quand on prend conscience, grâce au PADV, que le Cbap Srey « exerce une influence depuis des siècles ». L’horreur atteint les sommets avec la formule « Les hommes sont semblables à l’or, les femmes à un drap » qu’aucun de nos analystes ne manquera « d’extraire » du texte ; ce qui est en fait un bel exemple d’erreur errante car il s’agit, à l’origine, d’un proverbe khmer et non pas d’un extrait de la plupart des versions du Cbap Srey. On peut sentir le complot machiste à plein nez quand on apprend que le texte est même enseigné dans les écoles khmères.
LE CBAP SREY EST ÉGALEMENT ENSEIGNÉ À L’ÉCOLE, OU L’ÉTAIT IL Y A PEU ENCORE, COMME TEXTE LITTÉRAIRE ET NON PAS DANS LE BUT D’ENDOCTRINER ET DE PRÉPARER À L’ESCLAVAGE DOMESTIQUE LES JEUNES FILLES KHMÈRES » À moment donné, il importe d’en finir avec les sacro saintes incantations et d’ouvrir un peu les yeux sur la réalité cambodgienne. Le Cbap Srey ne peut pas avoir été enseigné depuis des siècles car, dans sa forme actuelle, il a été édité par le Dr Men Mai. Une des versions les plus souvent citées a été publiée en 1959 et n’est pas une création ex nihilo, elle provient de la confluence de plusieurs sources : proverbes, fragments, petits textes, etc. Il faut ainsi mentionner l’influence de l’œuvre du poète Kram Ngoy (1865-1936) et ses fameuses recommandations pour les hommes et les femmes. Kram Ngoy est à l’origine un barde qui chantait en vers tous
les problèmes de son temps : la misère et ses causes, l’endettement, l’ignorance et les rapports avec les étrangers dont les Chinois. Si la qualité de ses vers et la limpidité de sa langue, accessible à tous, lui avaient très vite valu une grande popularité au Cambodge et jusqu’en T haï lande, ainsi qu’une reconnaissance du roi Sisovath, sa postérité sera assurée par Suzanne Karpelès (une femme !) qui a scrupuleusement fait noter par écrit tous ses vers. Aujourd’hui Kram Ngoy est considéré comme un des plus grands poètes khmers modernes. Il y a effectivement eu dans le cadre des enseignements de pagode des thèmes approchants, destinés à l’éducation des garçons, mais en aucun cas un texte unique qui se serait transmis de générations en générations. L’image des jeunes filles écoutant religieusement leurs ainées réciter le Cbap Srey est pure fiction. Le Cbap Srey est également enseigné à l’école, ou l’était il y a peu encore, comme texte littéraire et non pas dans le but d’endoctriner et de préparer à l’esclavage domestique les jeunes filles khmères. Dans l’organisation familiale et sociale du Cambodge, les femmes jouent un rôle d’une importance indéniable au point qu’on a souvent qualifié la société khmère de matriarcale. On s’en rend facilement compte en allant louer une maison : de longues palabres avec le propriétaire pour s’entendre répondre, au moment où on aborde la question du prix, un « je vais demander à ma femme ». Le « rituel » précédant le mariage est aussi très révélateur ; il n’y a pas bien longtemps, le prétendant devait passer près de 9 mois dans la famille de sa future épouse où il était corvéable à merci et s’il ne convenait pas au terme de sa période probatoire, le malheureux devait porter sa flamme ailleurs. Le Reamker est aussi un exemple très parlant ; loin d’être la simple transposition Khmère du Ramayana indien, l’épopée rend compte d’une société bien khmère : la vertueuse Seta, indispensable pilier social, et le volage Rama au comportement de gamin irresponsable. Le Cbap Srey peut être vu comme un élément d’affirmation d’une patrilinéarité sur fond de terroir matrilinéaire, c’est dans ces termes que l’ethnologue Jacques Népote a analysé l’éducation traditionnelle réservée aux garçons à l’école de pagode. En tout état de cause, le Cbap Srey n’est en aucun cas la preuve, ni la cause de l’oppression de la femme au Cambodge. La pertinence d’une prise en compte de facteurs historiques tombe sous le sens, quand on compare l’époque actuelle à la situation qui prévalait dans les années 60. On dispose pour cette époque d’une documentation abondante, thèses universitaires, articles de journaux et témoignages, qui permettent d’analyser la condition féminine Cambodgienne autrement qu’en termes de violence domestique, d’analphabétisme et de trafic humain et par là même de replacer les choses dans leur nécessaire contexte historique. www.cambodgemag.com - 41
tradition
C'
est exactement ce qui frappe l’esprit lorsqu’on observe le nouveau Ministère des Postes et Télécommunications sur le boulevard Monivong. Face aux jardins des rues 92 et 96, il offre évidemment une vue imprenable sur le Stupa de Wat Phnom. Observer est bien le mot et non pas voir, car on ne le voit pas tant sa présence relève de l’évidence tranquille. Sa parenté avec la poste est un truisme : l’avancée centrale, la distribution des colonnes, les ouvertures arrondies à la base et à angles droits dans la partie supérieure, sans oublier le médaillon du sommet reposant sur deux colonnes et adjoint de part et d’autre de trois petites fenêtres, ce qui renforce jusqu’à satiété l’impression générale de symétrie. Quoi de plus naturel ? Pourquoi le ministère des postes ne reproduiraitil pas tout bonnement le bâtiment des postes ? En fait, les choses sont toujours plus complexes comme nous le montrera un petit détour par l’histoire architecturale de la ville. Clin d’œil historique sur l’architecture de la ville On n’insistera jamais trop assez sur les singularités des révolutions architecturales et urbanistiques à l’origine du Phnom Penh que nous connaissons aujourd’hui. Tout commence par un malentendu lorsque l’architecte et urbaniste Daniel Fabré va œuvrer pendant huit ans (1889-1897) à la construction du premier Phnom Penh moderne. Tous les bâtiments du fameux quartier administratif dont la poste, la banque d’Indochine, le cadastre, le commissariat, etc. sont construits dans un pur style 18ème et ce, à l’aube du 20 ème siècle. Un anachronisme qui peut s’expliquer par l’impatience colérique du résident supérieur de la même période, Huynh de Verneville, qui veut tout et tout de suite. Plusieurs de ces bâtiments ont d’ailleurs été modifiés par la suite ; ne conservent leurs caractéristiques originelles qu’un petit nombre de Déambuler pour observer ce qui se passe vraiment structures dont la poste et, le long de dans les rues de Phnom Penh n’est pas une chose l’ancien canal (rue 106), la résidence aisée. A l’instar des autres villes asiatiques, mairie et la trésorerie générale du l’espace public n’est pas en odeur de sainteté. ministère des finances. Quant à la vision que procurent les « sky bars », Une deuxième période (1923 – c’est celle d’une ville gagnée par la verticalité, une 1937) s’ouvre sur une hésitation que rupture bien réelle et qui tombe à point nommé l’on qualifie, faute de mieux, de style pour alimenter les prédictions catastrophiques prémoderne et dont l’ex-banque des Cassandres de comptoir. Et pourtant, de l’Indochine est le représentant l’histoire architecturale de la ville se poursuit et le plus éminent. Ce n’est guère elle n’est évidemment pas dépourvue d’intérêt. révolutionnaire eu égard à ce qui se fait au même moment en Europe, T E X T E PA R par exemple la villa Savoye de Le Corbusier et Jeanneret. Pourtant, JEAN-MICHEL dès 1925, une géniale rupture initiée par Ernest Hébrard et son style FILIPPI indochinois (l’Hôtel Le Royal) va faire de Phnom Penh un lieu d’avantgarde architecturale : de superbes structures de béton admirablement ventilées, comme la gare, voient le jour et se poursuivent avec la construction du Marché Central en 1937. C’est sur cette lancée qu’il faut comprendre la révolution architecturale qui va suivre l’accession du Cambodge à l’indépendance (1953). Une volonté politique de changement et de modernité va permettre à de jeunes architectes, dont Vann Molyvann et Lu Ban Hap, de donner toute la mesure de leur talent. Rupture certes, mais celle d’une modernité qui possède un pédigrée bien avéré : l’acquis de l’architecture des années 30, des formations solides à l’architecture mondiale de l’époque et une modernité repensée sur le terroir du Cambodge ; l’utilisation du pilotis en est l’exemple type. Avec des structures comme le théâtre du Bassac ou le stade olympique, Phnom Penh était devenu un phare de la créativité moderne. Retour à la case départ La chute de Phnom Penh en 1975 marque la fin irrémédiable d’une urbanité qui a débuté à l’aube du 20ème siècle. Les vestiges d’un siècle de vie urbaine sont bien là mais à l’état de traces d’époques
Cambodge, une histoire architecturale en boucle ?
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révolues dont les logiques architecturales et urbanistiques ne parlent plus aux nouveaux venus qui peuplent la ville. On continue bien évidemment de construire. La question reste de savoir en quoi consistent les choix architecturaux actuels et surtout de quoi sont-ils révélateurs. La maison individuelle semble traduire l’état d’esprit de son propriétaire sans chercher plus loin à s’intégrer dans un espace plus vaste. Les poncifs qui continuent toutefois d’être fortement mis à contribution ont leur origine dans les maisons de riches particuliers chinois du début du siècle, par exemple le bâtiment de la banque FTB (rue 118) qui date de 1923 ou l’ancienne ambassade du Japon (1935) sur le Boulevard Monivong et se résument souvent à la combinaison rococo-colonne corinthienne avec quelquefois des grilles dorées et des angelots grassouillets qui ajoutent une touche d’originalité certaine. Mais notre ministère dans tout cela ? On y arrive ! Nous avions évoqué l’air de famille postal. En fait ce n’est pas que la poste centrale que le ministère reproduit, mais quasiment tout l’esprit des bâtiments de la première urbanisation (1889-1897) de Phnom Penh, par exemple l’ancienne Résidence Mairie ou le bâtiment du Trésor sur la rue 106. Et cet esprit quel est-il ? Et bien le terme de néoclassique peut en partie le résumer. La grammaire qui en découle est claire et peut se décliner avec les concepts de concordance, muralité, symétrie et, on s’en doute, un sentiment de hiérarchie qui en découle immanquablement. Il n’y a pas que le ministère des postes qui sacrifie à cette vision. Il suffit de jeter un petit coup d’œil sur le ministère de la Condition Féminine pour trouver les mêmes poncifs à l’œuvre. Des exemples étonnants se retrouvent jusqu’à Kep où des habitations modernistes désormais en ruines voisinent, souvent sur le même terrain, avec de nouvelles maisons privées et de facture visiblement onéreuse. Le contraste est de taille et offre de visu un résumé instantané des deux époques : à une ouverture sur l’espace environnant, une extravagance des formes, une recherche de dissymétrie s’opposent replis vers l’intérieur, stricte régularité et symétrie absolue. Dans cet ordre d’idées, Koh Pich s’illustre avec brio. Le beffroi et le « Koh Pich city hall » auraient littéralement rempli de bonheur un Abbé Laugier (1713-1769) architecte, éminent promoteur et philosophe des formes néoclassiques. Bref on a non seulement bien changé d’époque, ça nous nous en doutions, mais de surcroît on assiste à une mise à l’écart sans appel d’une modernité qui a fait la gloire de l’architecture cambodgienne des années 60. Dans un monde asiatique, et pas seulement au Cambodge, où le mouvement semble être le maître mot, on préfèrera offrir à la vue un paysage architectural infiniment plus conventionnel qui traduise une volonté de régularité, une aspiration à la stabilité, de bonnes vieilles formes qui, faute de mieux, peuvent au moins se targuer de l’imprimatur de la tradition.
Phnom Penh - La banque de l'Indochine
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société
JEUNES CAMBODGIENS ET TENTATION CONSUMÉRISTE T E X T E PA R F R É D É R I C A M AT PHOTOGRAPHIE CHRISTOPHE GARGIULO
ILS ONT ENTRE 15 ET 30 ANS, LYCÉENS, ÉTUDIANTS OU DÉJÀ DANS LA VIE ACTIVE, ET ONT TOUS EN COMMUN UNE NOUVELLE RELIGION FAITE DE MARQUES ET DE LOGOS. BIENVENUE DANS LE MONDE HYPER CONNECTÉ DES JEUNES CAMBODGIENS, CES NOUVEAUX ACCROCS À LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION.
« Etre jeune à Phnom Penh , c’est porter la responsabilité de la survie au quotidien, dans une société qui a brutalement basculé dans l’ultra-libéralisme, et où la tentation de l’argent facile menace les valeurs de solidarité et de compassion. La violence économique a pris la place de la violence de la guerre. Mais regardez-les, debout. Ils veulent vivre. Ils ne veulent plus subir le poids terrible de l’histoire. Ils veulent créer, affirmer, bâtir », écrivait en 2000 le réalisateur Rithy Panh, en préface d’un livre de photographies de John Vink intitulé « Avoir 20 ans à Phnom Penh ». Certes, en 18 ans, soit une génération, la jeunesse a changé, en particulier dans les grandes villes du royaume. Mais la « violence » économique énoncée par le célèbre réalisateur, est toujours la même. Elle s’est même renforcée, en une génération, l ’offre de bien s de con som m at ion s disponibles a littéralement explosé. Avec l ’inauguration récente à Phnom Penh d’un deuxième centre commercial appartenant au géant japonais de la grande distribution Aeon ; l’ouverture récente à Siem Reap d’un immense supermarché, et des d i za i nes d ’aut res projet s en construction, la consommation déroule partout dans le royaume son tapis roulant sous les pieds d’une jeunesse fascinée par les néons de ces temples consuméristes. 44 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
Chanthy a 18 ans. Elle étudie en terminale au lycée Angkor de Siem Reap. Fille unique, son père est policier et sa mère tient un stand au vieux marché. « Je ne m’ habille qu’avec des marques. Je ne veux pas de copies. Toutes mes copines sont comme moi », dit-elle en riant, un smartphone à la main. Elle porte un Jean’s largement déchiré sur les cuisses, des chaussures de sport Nike et un T-shirt de la même marque. « Je rêve d’avoir le dernier iPhone mais mon père ne me l’offrira que si j’ai le bac », soupire la jeune fille assise sur une Honda Click flambant neuve. Chanthy est l’exemple type de la nouvelle génération de ces jeunes citadins branchés. Avec près de dix millions de gens âgés de moins de 30 ans, le Cambodge est le pays de l’ASEAN, qui compte le plus gros pourcentage de jeunes. La paix retrouvée, a eu entre autres conséquences, une explosion des naissances, notamment dans toutes les provinces du nord du Royaume, là où la guérilla était encore active. Ces jeunes, qui fêteront leurs vingt printemps cette année, n’ont pas connu la guerre. Ils ont grandi dans un pays sûr, politiquement stable et en pleine croissance économique. Certes Chanthy est une privilégiée. Elle est issue d’une famille de la nouvelle classe moyenne, et comme seulement 21% de la population du pays, elle habite dans une ville en pleine croissance. Ses parents, par contre, sont nés avec la guerre. Ils ont connu les restrictions, la peur, et le bruit des canons. Ils ont manqué de tout et font en sorte que leurs enfants puissent avoir tout ce dont eux ont été privés. Entre des jeunes qui ont accès à presque tout et des parents qui n’ont rien eu du tout, difficile de trouver un juste milieu. Pour les plus riches, point de modération dans l’usage des biens de ce monde. Consommer et offrir ce qu’il y a de meilleur à ses enfants, est une façon de rattraper le temps perdu. S’il est difficile de dresser un portrait uniforme de la jeunesse cambodgienne tellement les écarts sont immenses entre la ville et la campagne, les jeunes de la ville, eux, sont identiques dans leurs habitudes de consommation et de loisirs. Non loin de l’école de Chanthy va bientôt ouvrir un nouveau centre commercial, avec de nouvelles salles de cinéma, des boutiques de marques et surtout un Starbucks, qu’elle a hâte de fréquenter. Tout son argent de poche, elle le dépense en biens de consommation courants et surtout en sorties et loisirs. Cinémas, cafés, salles de sport, restaurants branchés et, bien entendu, centres commerciaux, sont les nouveaux temples où communient en priorité les jeunes citadins. Téléphones portables, fringues et sorties entre copains engloutissent la totalité de leur argent de poche. Chanthy dit dépenser entre 10 et 20 dollars par jour. Une somme énorme en comparaison aux salaires moyens. Même si pour elle, ce n’est vraiment jamais assez
par rapport à ce que dépensent certaines de ses amies. A plu s de m i l le dol l a rs , le dern ier IPhone n’est pas à la portée de toutes les bourses. Ainsi, certaines étudiantes ont trouvé un moyen vieux comme le monde pour gagner facilement de l ’argent… Un phénomène pas si nouveau et qui ne touche pas que le Cambodge. Ces dernières années, avec l’apparition d’applications de messageries sur les téléphones portables, les rencontres se sont simplifiées. Wechat est une application qui affiche le profil des personnes connectées dans un périmètre défini. Elle connaît un formidable succès en Thaïlande, au Vietnam et au Cambodge pour ce genre de rencontres tarifées. Les jeunes filles créent des profils avec de fausses photos d ’elles pour ne pas être reconnues et affichent clairement leurs intentions. Heureusement ces cas restent l ’exception. Celles qui ne peuvent pas se payer des marques acceptent bon gré mal gré de porter des copies. Et, au lieu du Smartphone dernier cri, elles se contentent de marques chinoises, de qualité équivalente, mais qui n’ont pas la même portée en termes d’image. Car derrière la consommation se cache l ’appartenance à une classe socia le. Consommer n’est que la partie émergée de l’iceberg. Briller en société et appartenir à une caste de privilégiés est le véritable but recherché. « C’est devenu la règle, le paraître prend le dessus, et être branché devient une nécessité existentielle », relève de son côté Kruoch Chanpov, enquêtrice de l’ONG Adhoc à Battambang. « Nous constatons que la plupart des jeunes de cette génération attachent une importance excessive à leur image. Notre génération n’avait pas les mêmes préoccupations ; nous allions bien souvent à l’ école avec des vêtements froissés. Eux vont jusqu’à passer chez le coiffeur tôt le matin pour se faire lisser les cheveux ». Pour l’ethnologue Fabienne Lucos, « au Cambodge, l’ habit fait encore le moine et permet d’un simple coup d’œil de déterminer l’origine sociale d’une personne croisée dans la rue. En ville, les magasins de vêtements, les coiffeurs et les instituts de beauté ont essaimé. Chacun ou chacune évalue l’autre selon les vêtements portés, ou lui demande tout simplement leur prix. Sacs, tee-shirts, lunettes, montres et chaussures copiés sur des modèles de luxe sont particulièrement recherchés, s’ils ont une mak, une marque ». La consommation de masse a transformé les Cambodgiens, pestent les anciens, estimant que ces comportements ont des répercussions négatives sur la culture khmère. Pourtant, l ’engouement des jeunes pour les cérémonies bouddhistes est toujours le même et la société matriarcale ne semble pas avoir souffert de l’arrivée des IPhone. Le monde évolue et le Cambodge ne veut pas rester sur le bord de la route, laissant passer le train de la modernité. Les
LE MONDE ÉVOLUE ET LE CAMBODGE NE VEUT PAS RESTER SUR LE BORD DE LA ROUTE, LAISSANT PASSER LE TRAIN DE LA MODERNITÉ. LES JEUNES N’ONT PAS VENDU LEUR ÂME AU DIABLE, MAIS VÉNÈRENT SEULEMENT UNE NOUVELLE IDOLE, CELLE DE LA CONSOMMATION »
jeunes n’ont pas vendu leur âme au diable, mais vénèrent seulement une nouvelle idole, celle de la consommation. En juillet 2014, lors de l’inauguration du tout premier centre commercial Aeon, le Premier ministre Samdech Hun Sen, devant une foule de jeunes Cambodgiens les sacs remplis de leurs derniers achats, avait tenu à rappeler que « seule la paix amenait le développement ». « Y aurait-il des gens pour faire leur shopping à l’Aeon si le pays est déchiré par la guerre ou si les rues de la capitale sont livrées à l’anarchie ? Non, personne. La paix et la réconciliation nationale, ainsi que la stabilité politique sont les conditions sine qua non au développement du pays », avait-il déclaré. Le message était clair. Faites les boutiques. Pas la guerre. www.cambodgemag.com - 45
s aa n d n ts é l ' a t e l i e r d e
DIN BORIN I N T E R V I E W E T P H O T O G R A P H I E PA R JULIE CAILLAU
En rupture avec les représentations traditionnelles des danseuses Apsara, Din Borin propose une lecture abstraite et colorée de cet art vivant. Sa signature : des danseuses sans visage, des corps en mouvement et une réflexion autour du vide, de l’espace. Des notions qui s’inscrivent naturellement dans le parcours de cet architecte originaire de Kampot diplômé de l’Université de Norton de Phnom Penh en 2006. Pourtant, ce n’est pas ce métier qui l’a conduit à devenir artiste. « Ce sont mes compétences artistiques qui m’ont permis d’améliorer mon travail d’architecte et de progresser, pas l’inverse. C’est parce que je savais dessiner que je me suis au départ dirigé dans cette voie ». Après sept ans d’exercice dans ce secteur d’activité, Din Borin décide de consacrer tout son temps à son art. En 2015, il ouvre au cœur de la capitale sa galerie/atelier, DinArt. L’ambiance y est cozy et décontractée, des chevalets en bois trônent un peu partout dans l’espace et un canapé accueille le public permettant de profiter des œuvres en attente d’un nouveau propriétaire. À terre, une toile blanche attend patiemment son heure 46 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
DE RETOUR D’UN SÉJOUR AUX ÉTATS-UNIS, DIN BORIN, ARTISTE PEINTRE DE 37 ANS, REPREND DOUCEMENT SES MARQUES À PHNOM PENH APRÈS AVOIR PARTICIPÉ AU FESTIVAL DES NATIONS DANS LE MINNESOTA, UNE MANIFESTATION INTERCULTURELLE RÉUNISSANT PLUS DE 1 000 ARTISTES DU MONDE ENTIER. À CETTE OCCASION, DIN BORIN A PU EXPORTER LA CULTURE KHMÈRE À TRAVERS SES ŒUVRES ET SON STYLE ORIGINAL.
d’être composée par Din Borin qui a encore gardé ses premiers réflexes d’enfant-artiste, dessiner et peindre à même le sol. « Je dessine depuis l’ âge de 6 ans. Dans ma famille, je suis le seul à m’être aventuré dans la vie d’artiste mais je me souviens de mon père qui dessinait de temps en temps. Je m’inspirais beaucoup des paysages : les rizières, les fleurs, les arbres, etc. C’était des dessins très réalistes. À 14-15 ans, j’ai vendu mes premières œuvres. Mais, c’est à mon arrivée à Phnom Penh en 1999 que mon travail a pris un tournant décisif ». Din Borin assiste en effet pour la première fois à des danses Apsara. Il est tout de suite fasciné par les mouvements des danseuses et leurs robes. Depuis, elles sont devenues comme une obsession. Débutant avec des tableaux triptyques de couleur noir, blanc et doré, il travaille désormais davantage ses œuvres avec une large palette de nuances et de tons vifs. « Phnom Penh est une ville riche en couleurs et en lumières : dès que je sors, j’essaye de les saisir ». Si son inspiration s’inscrit davantage dans le passé et l’éclat des Apsaras, l’artiste apprécie la qualité et la mise en scène de
certaines représentations contemporaines. De cette expérience réussie en tant qu’artiste freelance, Din Borin est toutefois parfois rattrapé par son regard d’architecte. Depuis son récent voyage en Amérique du Nord, il a pris conscience qu’il demeurait intrigué par les structures et les détails qui les composent. « Dans certains musées, j’ai davantage regardé l’architecture environnante que les œuvres d’art », s’amuse-t-il à raconter. Et d’expliquer : « Ce qui est fait là-bas me donne envie de le faire ici, au Cambodge. Je ne suis pas totalement en accord avec certains projets de construction, le manque d’harmonie et les règles d’urbanisme. Pourquoi pas apporter mon aide sur ce sujet à l’avenir… bien que ce métier me procure davantage de maux de tête à la différence de mes peintures ». Si Din Borin préfère ne pas trop s’engager sur l’avenir, il peut se prendre à rêver quant à son activité d’artiste. Son souhait : exposer ses œuvres chaque année dans un nouveau pays. Car souligne-t-il avec émotion, « en tant que cambodgien, c’est une grande fierté de faire découvrir au monde la culture artistique du Royaume et de pouvoir représenter mon pays ».
Gallerie DinArt
#79, rue 136, Phnom Penh Premier étage du Feel Good Cafe +855 (0)17 931 900 dinart30@gmail.com www.cambodgemag.com - 47
cinéma
livre
Tharoth Sam, au-delà du Bokator INTERVIEW ET PHOTOGRAPHIE PA R C H R I S T O P H E G A R G I U L O
Elle est l’enfant chérie du Bokator, cet art martial khmer que la jeune femme a découvert durant son adolescence. Issue d’une famille très modeste, la petite Sam a rapidement manifesté son désir d’indépendance en décidant de vivre de ses passions, le sport et le cinéma, malgré les froncements de sourcils maternels et les blablas du voisinage. Aujourd’hui, après quelques jolies performances d’actrice, la jeune femme découvre l’envers de la caméra, elle est assistante sur le tournage de The Prey, film d’action commis par l’équipe de l’étonnant « Jailbreak »
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« Mon premier film était une figuration pour un tournage filipino, sans plus… après cela j’ai joué dans des productions TV, mais parlons de vrai cinéma avec «D’abord ils ont tué mon père» et «Jailbreak» », explique Tharoth qui rappelle que son père était violoniste avant la prise de Phnom Penh et qu’il n’a dû la vie sauve qu’à l’intervention d’un cadre khmer rouge : « Mon père a eu de la chance, ils devaient l’exécuter et au dernier moment, ils ont décidé de l’utiliser pour les chansons de propagande », rappellet-elle. « À l’évidence, lors du tournage du film d’Angelina Jolie, je me suis retrouvée dans une ambiance chargée d’émotion », déclare Tharoth qui interprète le rôle d’une cadre communiste chargée de l’endoctrinement des jeunes « camarades ». Mais ce film lui apportera d’autres satisfactions, en particulier la possibilité de rencontrer son idole, Angelina Jolie : « Ce fut un vrai bonheur, je l’admirais tant ! De surcroit, elle m’a confié des travaux de traduction et, ensuite, j’ai travaillé sur les cascades lors des scènes finales », confie-t-elle en concluant que, pour la première fois de sa modeste carrière d’actrice, elle touchait un vrai salaire… Quant à Jailbreak : « C’est surtout l’ambiance du tournage qui était fantastique, raconte-t-elle, j’ai travaillé avec une vraie équipe avec qui j’ai eu envie de prolonger l’expérience après la fin du film ». Mais celle qui joue un flic un peu « bad ass » et partage une scène de combat mémorable avec Céline Tran dans Jailbreak, n’aura pas de rôle dans le projet suivant, The Prey. « J’ai dit à Jimmy Henderson le réalisateur que cela m’était égal, que je voulais travailler sur ce projet, il m’a alors proposé d’être assistante et j’ai accepté tout de suite, c’est un nouveau challenge… je vous raconterai », conclut l’enthousiaste reine du Bokator, actrice et… à l’aube d’une nouvelle carrière.
K
Khun Srun, L’Accusé
hun Srun est un auteur important dans l’histoire de la littérature cambodgienne moderne. Né en 1945 dans un village de la province de Takéo, dans une famille sinocambodgienne, il est victime des dernières purges des Khmers rouges : il est envoyé à Tuol Sleng fin décembre 1978 avec les membres de sa famille, et exécuté quelques jours à peine avant la chute de Phnom Penh. Seule l’une de ses filles a survécu au régime de Pol Pot.Orphelin de père à l’âge de huit ans, il est issu d’une famille très pauvre. Sa mère élève seule Khun Srun et ses six frères et sœurs. Sa scolarité débute pendant les premières années de l’indépendance du Cambodge ; à l’époque les Cambodgiens de toutes origines avaient accès à l’enseignement professionnel et supérieur. Élève brillant, il étudie la littérature et la psychologie à l’université à Phnom Penh et s’intéresse aux sciences, aux mathématiques et à la littérature européenne. Pendant les années 1960, il est à la fois professeur de mathématiques, journaliste et écrivain. En moins de quatre ans, il publie trois
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recueils de poèmes, de nouvelles et de textes de réflexion philosophique, et deux livres en partie autobiographiques : La Dernière Demeure et L’Accusé. C’est la traduction de L’Accusé qui vient d’être publiée, en avril 2018, par les Éditions du Sonneur (ISBN : 978-2-37385-077-2). On comprend en lisant Khun Srun qu’il n’est en rien communiste, même si ses idées sont résolument de gauche. Sollicité par le régime de Lon Nol, il refuse les offres d’argent et de pouvoir qui lui sont faites. Il est emprisonné une première fois, pendant sept mois, en 1971 ; malgré cela, il refuse de rejoindre l’opposition d’extrêmegauche. Ce n’est qu’après un second emprisonnement, en 1973, qu’il décide de fuir et de participer à la guérilla communiste. Il a alors seulement 28 ans et n’écrira plus. Après l’accession au pouvoir des Khmers rouges, il travaille pendant plus de trois ans dans les chemins de fer à Phnom Penh. L’œuvre et la vie de Khun Srun étaient déjà connues en Occident grâce à quelques passages de L’Accusé traduits par Christophe Macquet pour la revue Europe, en mai 2003. Ces extraits ont intéressé
le cinéaste Eric Galmard qui a réalisé un superbe documentaire consacré à l’écrivain, intitulé Un Tombeau pour Khun Srun (2015). La traduction intégrale de L’Accusé, mise au point de façon brillante par Christophe Macquet, met à la disposition du lecteur francophone un texte hors normes, où se mêlent fiction et autobiographie. Ce texte a été écrit pendant le premier séjour de l’auteur dans les geôles de Lon Nol. Il est très émouvant : on y découvre un écrivain profondément humaniste, que révoltent les exactions, et dont le seul souhait est d’atténuer les peines dont souffre le peuple cambodgien. Khun Srun n’est jamais lénifiant, jamais simpliste. Il réfute les accusations de gauchisme des républicains de Lon Nol, explique qu’il ne s’intéresse pas à la politique, qu’il n’est même pas un homme de conviction. Le livre s’achève sur le désir prémonitoire de départ exprimé par l’écrivain. Cette œuvre est à recommander sans la moindre réserve à quiconque s’intéresse à la littérature cambodgienne. À Phnom Penh, L’Accusé est disponible à la librairie Carnets d’Asie.
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IL EST FACILE DE DEVINER LES MATINS SUBLIMES DES COLONIAUX HABITANT CES GRANDES DEMEURES FRANÇAISES, AVEC LEURS TERRASSES ÉLÉGANTES DONNANT SUR LE MÉKONG. AUTREFOIS CENTRE DE TRAITEMENT ET DE COMMERCE DU BOIS DURANT LE PROTECTORAT FRANÇAIS, LA RÉGION ABRITE DE BEAUX SPÉCIMENS DE RÉSINEUX, CHHLONG EST ENSUITE TOMBÉ DANS L’OUBLI SANS QU’ON SACHE VRAIMENT POURQUOI, MÊME SI LE COMMERCE DU BOIS Y FUT TOUJOURS PLUTÔT ACTIF.
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e village de Chhlong s e t r ou v e à u n e heure de route de Kratie et environ quatre heures depuis Phnom Penh. Pendant de l on g u e s a n n é e s , Chhlong demeura essent iel lement u n l ieu de pau se romantique ou s’arrêtaient les touristes se rendant dans le Rattanakiri ou à Kratie, pour ceux qui avaient entendu parler de ces demeures coloniales, témoignages d ’un passé un peu jauni et évoquant immanquablement cette nostalgie de la douce et regrettée Indochine française. Il y eut bien quelques tentatives d’ouvertures de maisons d’hôtes pour attirer un peu plus de visiteurs vers ces témoignages du passé, louable, mais rien qui ne puisse justifier un véritable séjour, jusqu’à ce qu’ils osent… Ils, ce sont trois Français, dont un Franco-khmer qui ont acheté l’une des plus belles demeures coloniales du village et ont entrepris de lui redonner son faste et sa beauté d’antan. Coup de cœur ? Probablement. Ouvert depuis quelques mois seulement, le Relais de Chhlong est aujourd’hui une splendide demeure de maitre nichée au milieu d ’un parc verdoyant et proposant plusieurs suites pour les amoureux de l’autre tourisme, celui qui vous apprend, celui d’ailleurs, celui qui remonte le temps. « Pteah Barang nov tini » (La maison française ici) explique un villageois tout souriant montrant du doigt une entrée discrète sur une allée menant vers un parc ou fleurissent insolemment frangipaniers, p a l m ie r s r o y au x e t aut r e s pl a nte s tropicales tellement propices à cette ambiance si particulière. Des endroits vous émerveillent, d’autres vous rappellent vos rêves d’enfant, mais celui-là est différent, douce ambiance particulière avec des parfums de mousson et de Mékong, de cartes sépia et de gramophone. De carte postale, c’est bien de cela qu’il s’agit, d’un moment figé au nitrate d ’argent qui se serait décidé à bouger, frémissant, magique et inattendu, telle cette rose pourpre qui emportait Mia Farrow vers ses rêves. Dès le franchissement de l’entrée, les objets parlent : contre l ’un de ces énormes piliers, des valises d ’époque attendant l ’embarquement de leur propriétaire négociant probablement une cargaison de bois auprès d’un commerçant chinois ; au plafond sculpté, des ventilateurs équipés de
veilles hélices d’avion et défiant les lustres de fer forgé, brassent l’air inlassablement, perturbant à peine secrétaires, guéridons et bibelots impeccablement lustrés comme l’exigeaient les maîtres de la belle époque. La vieille demeure centenaire a rajeuni telle une Gloria Swanson de l’architecture qui aurait décidé qu’il y avait et qu’il y aura toujours de belles maisons au bord du Mékong. « I l est difficile de savoir ce qu’était ce bâtiment autrefois… il n’y a pas de littérature précise », explique Elise qui a pris en main les destinées de l ’ hôtel en compagnie de Pierre-Olivier, tous deux Français, professionnels de l’hôtellerie et tombés forcément sous le charme. « Je connais cette maison depuis 2007, elle a été le sujet de mon mémoire de fin d’ études », raconte PierreOlivier, ajoutant que le concept développé pour redonner vie à cette demeure tient plus du tourisme culturel et de l’art de vivre que du divertissement traditionnel, même si un séjour au Relais peut aussi être sportif avec des promenades en kayak, des randonnées à bicyclette ou la visite des dauphins de l’Irrawaddy, l’attraction clé de la ville voisine, Kratié. En attendant de pouvoir proposer des croisièresdeluxesurleMékongavecChhlong en point d’orgue d’une immersion bien coloniale, il est toujours possible de chiner vers le marché voisin avec ses agitations matinales et, là aussi, découvrir quelques bâtiments de l ’époque du protectorat. Las, beaucoup de ces imposants vestiges manquent de passionnés pour envisager une réhabilitation. Certains servent de gargote, d ’autres sont tout simplement inhabités et seuls les rez-de-chaussée accueillent les foulards colorés des jolies Cham vendant leur poisson pêché la veille. Chhlong était la capitale du bois, c’est aussi l’abri de nombreuses communautés de pêcheurs.Le marché de Chhlong avec, là aussi des bâtiments coloniaux. À l’opposé du marché, à cinq minutes de marche le long du fleuve bordé par d’élégantes maisons khmères traditionnelles, une petite forêt de Dipterocarpaceae ou quelques groupes de lycéens s’amusent en souriant aux rares visiteurs, de ces sourires bien plus spontanés que ceux de la capitale. Ici la vie maîtrise encore le temps, la langueur de jadis semble avoir survécu à l’effervescence qui agite les autres villes du royaume. Et, c’est un peu cela qui rend un séjour à Chhlong si particulier, il y a la nostalgie, un livre d’histoire, le majestueux Mékong, les authentiques couleurs khmères et une certaine idée du temps…
Marché de Chhlong
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services
Premiers Bateaux-taxis dans Phnom Penh T E X T E PA R C H R I S T O P H E G A R G I U L O P H O T O G R A P H I E S PA R A K P – P H N O M P E N H
LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES TRANSPORTS PROCÉDAIT EN AVRIL DERNIER AU LANCEMENT DU PREMIER SERVICE PUBLIC DE BATEAUX-TAXIS DE LA LIGNE PRÊK PHNOV - PHNOM PENH - TAKHMAO.
LE SERVICE DE BATEAUX-TAXIS RELIANT PRÊK PHNOV DANS LA PARTIE NORD DE LA CAPITALE DE PHNOM PENH À LA VILLE DE TAKHMAO DANS LA PROVINCE DE KANDAL A ÉTÉ MIS EN PLACE POUR OFFRIR PLUS DE CONFORT À NOS CITOYENS ET POUR RÉDUIRE LES EMBOUTEILLAGES ROUTIERS »
I
l s’agit de la première initiative destinée au transport fluvial public de passagers à Phnom Pen h et dans ses alentours. Ce projet remet en service le transport public de passagers par voie navigable. Ce type de service fonctionnait dans les années 2000, proposant des lignes allant de Phnom Penh à Siem Reap et de Phnom Penh aux provinces de Kratie et Stung Treng. Ces itinéraires sont toujours assurés, mais par des compagnies privées (consulter : bookmebus.com). Lors de la cérémonie de lancement Sun Chanthol, ministre des Travaux publics et des Transports déclarait : « Le service de bateaux-taxis reliant Prêk Phnov dans la partie nord de la capitale de Phnom Penh à la ville de Takhmao dans la province de Kandal a été mis en place pour offrir plus de confort à nos citoyens et pour réduire les embouteillages routiers ». Pour cette première étape, trois bateauxtaxis sont utilisés pour l’itinéraire Prêk Pnov-Phnom Penh-Takhmao de 25 km de long et six stations fonctionnent : Prêk Pnov, nouveau Parc de la Liberté, Marché de Nuit, Koh Pich, Chbar Ampov et Takhmao. Pour ce projet, Water Taxi Service, l’investissement global est de 22 millions de dollars et la gestion est assurée par la municipalité de Phnom Penh. Les horaires et les arrêts pour le nouveau service de bateau-taxi de Phnom Penh sont maintenant disponibles en ligne sur la page Facebook du ministère des Travaux publics et des Transports. L'itinéraire va actuellement de Takhmao au sud à Russey Keo au nord, s'arrêtant à Chaktomuk et au vieux marché dans le district de Daun Penh, pour se terminer à Chbar Ampov. Le temps de trajet de bout en bout est d'environ 45 à 50 minutes, neuf départs ont lieu tout au long de la journée. 54 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
Le service de bateau-taxi, qui a été lancé le 6 avril, reste gratuit jusqu'au 1er août 2018, ensuite le coût sera de 5 400 riels (environ 1,40 $), d’après le ministère. S’agissant d ’une mise en ser vice très récente, il n’est pas certain que tous les trajets fonctionnent correctement et que toutes les navettes soient assurées. Pour s’assurer de la disponibilité des bateaux et des éventuels changements d’horaires, ou de mise en service de nouvelles stations lignes, il est prudent de se renseigner sur la page Facebook du ministère : www.facebook.com/mpwt.gov.kh/. Il est d’ailleurs possible de charger leur application sur cette même page Facebook. www.cambodgemag.com - 55
nature
SERPENTS MENACÉS AU CAMBODGE T E X T E PA R C H R I S T O P H E G A R G I U L O P H O T O G R A P H I E S PA R M A R K D U M O N T - R U S H E N
IL EXISTE PLUSIEURS DIZAINES D’ESPÈCES DE SERPENTS AU CAMBODGE, CERTAINES INOFFENSIVES COMME CES SERPENTS D’EAU DOUCE QUI ABONDENT DANS LE GRAND LAC TONLE SAP ; D’AUTRES REDOUTABLES POUR LA TOXICITÉ DE LEUR VENIN TELLES LES VIPÈRES ; CERTAINES MONSTRUEUSES COMME LE PYTHON BIRMAN OU LE RÉTICULÉ ET, BIEN SÛR, L’EMBLÉMATIQUE ET REDOUTÉ COBRA ROYAL.
« King Cobra » © Mark Dumont
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Dans la culture khmère, le serpent est porteur d’une grande fortune. Une légende raconte que Bouddha aurait été protégé par le naga, animal mythique représenté avec un corps de serpent, lors d’une terrible tempête. D’où, en théorie, une adoration quasi religieuse pour le reptile de la part des bouddhistes. Si certains Cambodgiens vénèrent le serpent, d’autres ont des préoccupations bien plus terrestres… De nombreuses espèces du royaume ont un point commun, celui d’être menacées, soit par la surexploitation, soit par la perte de leur habitat. Les pythons, Birman et Réticulé, abondaient autrefois dans les jungles du Sud-est asiatique. Ces animaux, pouvant atteindre six à dix mètres de long et peser au-delà de 100 kilos, ne sont pas venimeux et tuent leurs proies en les étouffant. Présent dans les forêts tropicales, le python se trouve aussi dans les zones avec des cours d’eau à proximité. Son élevage et son commerce se sont particulièrement développés depuis 1990. 500 000 de ces serpents terminent tous les ans en sacs à main ou chaussures. Les experts de l'Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN) ont tenté en 2013 de déterminer la part des serpents prélevés dans la nature et ceux élevés en ferme, le but étant de prévenir une surexploitation. Le rapport indique que 99% des peaux de pythons birmans (P.bivittatus) et 24% des réticulés (P.reticulatus) proviennent de fermes d’élevage, mais de sérieux doutes subsistent pour le Laos et le Cambodge, deux pays où la provenance n'est pas certaine. Les pythons sont parmi les animaux les plus nombreux lors des saisies de contrebande des autorités cambodgiennes dans les zones frontalières avec le Vietnam. À ce commerce destiné à une certaine industrie de luxe, la perte de l’habitat liée à la déforestation est
également l’une des causes de la raréfaction des pythons. Enfin, il n’est pas rare que cet imposant reptile soit vendu comme animal de compagnie ou utilisé comme attraction touristique par les petits Cambodgiens sur le Tonle Sap. Dans les forêts et jungles du Cambodge, il existe des espèces de serpents bien plus dangereuses que le python : les vipères. Il en existe plusieurs dizaines d’espèces et de sous-espèces. De la même famille que les crotales, elles dépassent rarement un mètre de long. Elles se nourrissent essentiellement de rongeurs, de lézards, d’oiseaux et de grenouilles. Cette vipère (photo gch.) qu’on appelle aussi vipère de Malaisie ou « pit viper » a un venin très toxique, mortel pour des gens de faible constitution et des enfants. En général, les vipères évitent le contact avec l’homme, mais si elles se sentent menacées, elles peuvent infliger des morsures avec une rapidité foudroyante. Le venin de cette vipère est très utilisé dans l’industrie pharmaceutique. L’extrait de venin a déjà été testé pour les accidents
vasculaires cérébraux et se révèle efficace. La toxicité du venin des vipères varie selon l’espèce. Une autre caractéristique de la famille des vipères est leur couleur. La vipère arboricole ou « vipère bambou » est une espèce de couleur verte qui se confond avec le feuillage. Elle est assez répandue dans les forêts du Cambodge. Il existe trois sousespèces de cette vipère élégante et colorée. La femelle peut atteindre un mètre alors que le mâle ne mesure qu’environ 50 cm. Ce genre de vipère se nourrit de petits animaux. L’espèce n’est pas encore considérée comme menacée. Pourtant, la perte de son habitat naturel la rapproche des villages. C’est pour cette raison que les vipères sont responsables de la majorité des morsures de serpents dans le royaume. La chasse aux serpents est une pratique très ancienne. Elle concerne les serpents terrestres, les serpents marins mais aussi les serpents d’eau douce comme ceux du lac Tonle Sap. La capture des serpents du lac Tonle Sap, une espèce endémique (Enhydris longicauda) est la chasse aux serpents d’eau douce la plus intensive au monde. Entre 5 et 7
millions de serpents seraient prélevés chaque année, les experts parlent de catastrophe écologique. Tous les serpents pêchés dans le lac ne finiront pas dans l’estomac des crocodiles. Certains partiront en Thaïlande pour leur peau, d’autres serviront pour la consommation alimentaire, d ’autres serviront de préparation pour des alcools. Il existe aujourd’hui environ 800 fermes d’élevage de crocodiles au Cambodge, les pêcheurs de serpents écoulent donc leur production assez facilement. Le Cobra Royal est une espèce de serpent venimeux endémique aux forêts de l'Inde et de l'Asie du Sud-Est. Il est le plus long serpent venimeux du monde. Il se nourrit principalement d'autres serpents et de certains autres vertébrés. Le Cobra Royal vit dans les forêts denses des hautes terres, préférant les zones parsemées de cours d'eau. Les populations ont chuté en raison de la destruction des forêts et de la collecte pour le commerce international. Il est répertorié comme un animal de l'Annexe II au sein de la CITES (Commerce international autorisé mais doit être couvert par un permis d'exportation). C'est un serpent qui a une réputation redoutable, bien qu'il évite la confrontation avec les humains. Ce serpent, s’il se sent menacé, est capable de provoquer une morsure mortelle. Les toxines de son venin affectent le système nerveux central de la victime pour évoluer ensuite vers un collapsus cardiovasculaire et une insuffisance respiratoire fatale.
ENTRE 5 ET 7 MILLIONS DE SERPENTS SERAIENT PRÉLEVÉS CHAQUE ANNÉE, LES EXPERTS PARLENT DE CATASTROPHE ÉCOLOGIQUE »
Vipère arboricole ou « vipère bambou » © Rushen www.cambodgemag.com - 57
artisanat
L
DANS LE DISTRICT D’ANG SNUOL (PROVINCE DE KANDAL), À MOINS D’UNE HEURE DE ROUTE DE LA CAPITALE PAR LA ROUTE NATIONALE 4, SONT REGROUPÉS DE NOMBREUX ARTISANS SPÉCIALISÉS DANS LA FABRICATION DES INSTRUMENTS DE MUSIQUE CAMBODGIENS TRADITIONNELS : PETIT ET GRAND CERCLES DE GONGS, TAMBOURS DE TOUTES FORMES ET DE TOUTES TAILLES, XYLOPHONES… LES INSTRUMENTS LES PLUS DIVERS QUI COMPOSENT LES DIFFÉRENTS ORCHESTRES DE MUSIQUE TRADITIONNELLE DU CAMBODGE SONT AUJOURD’HUI ENCORE FABRIQUÉS DE FAÇON ARTISANALE PAR DES OUVRIERS QUI PERPÉTUENT LES TRADITIONS.
Fabrication artisanale des instruments de musique cambodgiens à Ang Snuol T E X T E E T P H O T O G R A P H I E S PA R PA S C A L M É D E V I L L E
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orsqu’on s’intéresse de façon u n p eu approfond ie au x i n s t r u m e nt s d e mu si qu e khmers, on est surpris par la complexité qui caractérise ces instruments. Les flûtes et bois, les tambours, les instruments à cordes pincées ou frottées, les x ylophones et autres percussions se déclinent sous un nombre impressionnant de variantes. Les formes sont multiples, de même que les essences utilisées pour tel ou tel instrument, ou telle ou telle partie d’instrument. Par exemple, le fameu x « chapei dang veng », littéralement « luth à long manche », l’instrument utilisé pour accompagner un genre récitatif cambodgien inscrit en 2016 sur la liste du patrimoine immatériel de l’humanité, utilise des essences différentes pour la caisse de résonnance, pour le manche, pour les chevilles servant à tendre les deux cordes. Les anches de la flûte « pei » sont parfois fabriquées à partir de feuilles de palmier à sucre, tandis que les fils qui constituent les archets des « tro », ces vièles (ou violons à deux cordes) si communes au Cambodge, dont s’accompagnaient traditionnellement les musiciens aveugles qui parcouraient les routes en demandant l’aumône, peuvent être en crin de queue de cheval, mais aussi en fibres de gaine foliaire de ce même palmier à sucre… Dans la campagne du district d’Ang Snuol, les chemins vicinaux forment un lacis enchevêtré. L’habitat est dispersé, et la route qui va d’une maison d’artisan à l’autre est parfois difficile. Ce qui frappe au premier abord, c’est le degré de spécialisation des artisans. Dans telle maison, on pourra apprécier le travail de celui qui travaille le métal et façonne les différents gongs à partir d’objets en cuivre ou en bronze de récupération. Après avoir fait fondre le métal, il le plonge dans des moules grossiers, et c’est ensuite un travail minutieux, sur un tour rudimentaire, qui permet d’ajuster la tonalité obtenue lorsque l ’on frappe avec le maillet sur la surface du métal. Les gongs ainsi façonnés pourront être réunis sur un cadre de bambou (fabriqué par un autre artisan) pour constituer les fameux « cercles de gongs », omniprésents dans les orchestres traditionnels. D’autres gongs seront simplement suspendus à une ficelle tenue à la main, et serviront à marquer le rythme des spectacles de chants et de danse. C’est également ce forgeron qui sera chargé d’ajuster la taille des petits disques de métal discrètement glissés sous les lames des xylophones pour régler leur tonalité. Chez un autre artisan, on pourra observer la minutie apportée à la fabrication des simples maillets et baguettes qui servent à frapper la surface des gongs ou la peau des tambours. Chaque instrument nécessite un type différent de maillet, qui est bien plus qu’une simple baguette de bois.
La tête des maillets utilise les matériaux (cuir, fils de coton plus ou moins grossiers, etc.) les mieux adaptés pour la matière que le maillet doit faire résonner. Les tambours sont également fabriqués par différents artisans, selon leur taille ou leur utilisation. Chez l’un, spécialisé dans la fabrication des tambours de petite taille, on pourra voir les fûts des tambours, façonnés dans un tronc d’arbre de petit diamètre, soigneusement décorés, à la surface vernie. Ce sont souvent des peaux de serpent qui seront utilisées pour constituer les membranes. Ces peaux sont d ’abord simplement accrochées sous le toit pour être séchées à l ’air libre. On peut en voir d’autres, déjà apprêtées, qui ont été découpées en disques et n’attendent plus qu’à être tendues sur les ouvertures des tambours. C’est un autre artisan qui fabrique les tambours de grandes dimensions. Ces gros instruments sont taillés dans des troncs beaucoup plus ventrus. L’intérieur du fût est dans un premier temps évidé grossièrement à l’aide d’une tronçonneuse. C’est ensuite un travail minutieux de menuisier qui permet d’obtenir les surfaces interne et
externe plus lisses. La membrane de ces grands tambours est quant à elle le plus souvent fabriquée à partir de cuir de vache tanné. Elle est fixée au x bords du tambour à l’aide de chevilles de bois ornées de clous de cuivre. Des menuisiers auront quant à eux la responsabilité de façonner les armatures constituées de bambous et de tenons de bois qui servent de support aux cercles de gongs. Une observation rapprochée permet de constater que c’est là aussi un véritable travail d ’orfèvre qui doit être mis en œuvre pour assembler les d i fférent s é lément s qu i comp osent ces armatures. PS : A n g Snuol est au ssi le l ieu de naissance de Ouk Oum, plus connu sous le nom de Krom Ngoy (1865-1936), qui fut l’un des poètes les plus célèbres du Cambodge moderne, fut invité par le roi du Siam et honoré à la cour du Cambodge, et qui accompagnait ses récitations du « kse diev » (ou « sadiev »), constitué d’une coque façonnée dans une calebasse, d’un manche et d’un fil unique. Une statue de ce poète trône sur le principal carrefour de la localité.
CE QUI FRAPPE AU PREMIER ABORD, C’EST LE DEGRÉ DE SPÉCIALISATION DES ARTISANS. DANS TELLE MAISON, ON POURRA APPRÉCIER LE TRAVAIL DE CELUI QUI TRAVAILLE LE MÉTAL ET FAÇONNE LES DIFFÉRENTS GONGS À PARTIR D’OBJETS EN CUIVRE OU EN BRONZE DE RÉCUPÉRATION »
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sa t on u tr é d e t a b l e
Sonoma Oyster Bar, 11b, rue 29 (près de la rue 308). Ouvert tous les jours de 11h à 14h (sauf dimanche) et de 16h à 22h30.
LES PRODUITS DE LA MER SONT L’OBJET DE TOUTES LES GOURMANDISES ! DANS LA CAPITALE CAMBODGIENNE, ON DÉNOMBRE UNE FOULE DE RESTAURANTS DE FRUITS DE MER QUI S’ADRESSENT À TOUTES LES CLIENTÈLES ET À TOUS LES BUDGETS, DEPUIS LES ÉTABLISSEMENTS DE LUXE QUE FRÉQUENTENT LA BOURGEOISIE LOCALE ET LES EXPATRIÉS FORTUNÉS, JUSQU’AUX GARGOTES DE RUE, « BOUIS-BOUIS » QUI METTENT À LA PORTÉE DES PLUS DÉSARGENTÉS QUELQUES DÉLICES MARITIMES. NOUS AVONS VISITÉ QUELQUES-UNS DE CES ÉTABLISSEMENTS, ET EN AVONS SÉLECTIONNÉ TROIS DANS LE QUARTIER BKK1, QUI DEVRAIENT POUVOIR SATISFAIRE TOUTES LES ENVIES ET TOUS LES PORTEFEUILLES.
RESTAURANTS DE FRUITS DE MER À PHNOM PENH T E X T E E T P H O T O G R A P H I E S PA R PA S C A L M É D E V I L L E
Phae Samot rue 294 et21 est ouvert tous les soirs à partir de 17h00 environ.
THE DOCK : UN LUXE OSTENTATOIRE
« The Dock Seafood Bar » est une chaîne de restaurants de fruits de mer d’origine thaïlandaise, qui a conquis une réputation et une clientèle internationales, avec des établissements à Bangkok, au Vietnam et maintenant à Phnom Penh (le restaurant de Phnom Penh a ouvert en octobre 2017). Cette enseigne a été créée par un importateur qui s’approvisionne directement auprès de producteurs et de négociants dans 18 pays. Les fruits de mer arrivent dans 60 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
SONOMA OYSTER BAR : DES HUÎTRES, MAIS PAS SEULEMENT
The Dock Seafood Bar no. 253, rue 51, à l’angle de la rue 370, ouvert de 11h00 à 23h00. les restaurants dans les 48 heures. C’est pourquoi, à l’entrée de l’établissement, on peut régaler son regard d’un vivier dans lequel est exposée une superbe sélection d’huîtres, qui ravira les amateurs : huîtres françaises (tsarskaya, gillardeau, fine de claire, belon), ainsi que des huîtres d’Irlande (ostra regla, gallagher…). Sont également proposés, en fonction des arrivages, poissons divers, crabes, homards, palourdes, moules, escargots de mer… Appréciable également, un choix de poissons et coquillages en sashimi (thon, saumon, noix de coquilles SaintJacques…), accompagnés des condiments classiques (citron, vinaigre agrémenté, etc.) et pouvant être dégustés « à la japonaise », trempés dans un mélange de sauce de soja claire et de wasabi. On pourra recommander aux plus gourmands un superbe plateau de fruits de mer pour deux à trois personnes, qui permettra de goûter aux plus emblématiques des produits du restaurant. Une alternative alléchante : un gratin de « crabe royal » (king crab) au parmesan, avec œufs de saumon de l’Alaska. Pour accompagner les fruits de mer, une jolie cave, avec des choix judicieux et assez éclectiques. À recommander vivement : le sauvignon blanc Clos Henri de Nouvelle Zélande. Il faudra cependant veiller à venir dîner avec le portefeuille bien garni : il faudra débourser 139 dollars (hors taxes) pour le plateau de fruits de mer.
Le restaurant Sonoma Oyster Bar est réputé essentiellement pour ses huîtres ! Au menu, trois variétés de belle facture : une française (fine de claire de Marennes Oléron) et deux vietnamiennes (« rock oyster » et « Pacific oyster »). La fraîcheur du produit est irréprochable. On pourra déguster les mollusques sans fioritures excessives : simplement ouverts, accompagnés de citron, de vinaigre à l’échalotte, ou encore d’un mélange de poivre et de sel. On pourra aussi s’en régaler dans des versions plus élaborées : surmontées de saumon fumé et de crème aigre ; à la royale (avec œufs de lompe et vodka) ; avec une sauce goûteuse aux poivrons, ail, oignon, citron, huile d’olive et tabasco… Au total, la carte comporte une quinzaine de préparations à base d’huîtres fraîches. Sonoma propose aussi une belle panoplie d’autres fruits de mer, tels que saumon mariné à l’aneth et aux câpres, cocktail de grosses crevettes, Saint-Jacques à la provençale (de vraies, belles et grosses coquilles Saint-Jacques d’importation, et non ces ersatz désolants, minuscules, trop fréquents dans certains restaurants phnompenhois), moules, grosses palourdes… Des poissons grillés également (saumon et bar) pour environ 20$ par personne. Bref, de quoi satisfaire amplement les amateurs de délices iodés. Et enfin, ceux que le parfum de la mer ne séduirait pas pourront tout de même se nourrir de steaks, de côtes d’agneau, de « ribs », voire de quelques plats de pâtes italiennes classiques : carbonara, bolognaise, aux coquilles Saint-Jacques ou aux clams. Le restaurant est situé au cœur d’« expat-city », dans le voisinage de la fameuse Bassac Lane.
PHAE SAMOT : LE PORT MARITIME DE PHNOM PENH
Phae Samot (qui signifie en khmer « port de mer ») est un établissement résolument khmer, à Tonle Bassac. C’est l’archétype des restaurants populaires de fruits de mer, où viennent se restaurer les amis, les familles de toutes les classes sociales. S’y côtoient les « motodup », les fonctionnaires, les bourgeois cambodgiens. Tous viennent y retrouver les saveurs de la mer dont ils raffolent lorsqu’ils vont à Sihanoukville ou à Kep. Comme dans la plupart des établissements de ce type, la devanture est agrémentée d’un vivier dans lequel sont placés les animaux soumis à la gourmandise des clients : grosses crevettes, crabes, anguilles et même tortues à carapace molle. La carte révèle les autres fruits de mer gardés au frais dans des glacières : poissons divers, raies, coquillages, calamars et autres poulpes. Les denrées sont ici vendues au poids ; au prix des espèces proposées s’ajoute un supplément (minime) de montant variable selon le mode de préparation choisi. La matière première est acheminée quotidiennement en provenance du littoral, et le débit important de l’établissement en garantit la fraîcheur. Pour une somme modique (20$ par personne), on pourra se régaler de quelques préparations savoureuses : crabe sauté au poivre vert, raie épicée cuite à la vapeur, riz sauté aux fruits de mer, coques sautées à la sauce aigre-douce… La difficulté consistera à faire son choix parmi le nombre impressionnant de produits proposés et de façons de les accommoder (et peut-être aussi à se faire comprendre du personnel, qui n’est que très sommairement anglophone). www.cambodgemag.com - 61
produit du cambodge
gastronomie
La Brasserie Louis, Hôtel Rosewood
DEIPLEI LE POIVRE LONG DE KAMPOT
T E X T E E T P H O T O G R A P H I E PA R PA S C A L M É D E V I L L E
T E X T E PA R PA S C A L M É D E V I L L E
On trouve au Cambodge plusieurs poivres issus des espèces végétales Piper : le poivre noir (Piper nigrum), en khmer « mréch », dont le plus fameux est cultivé à Kampot, mais que l’on trouve aussi dans de nombreuses autres régions ; le poivrier bétel (P.betle), dont la feuille est mâchée avec la noix d’arec, et qui est également utilisée en cuisine ; P. sarmentosum, dont les feuilles sont souvent confondues avec celle du bétel et qui entre aussi dans la composition de certains plats. Mais ces dernières années, c’est une autre espèce, P. retrofactum, habituellement appelée en français « poivre long de Java » (en khmer « deiplei ») qui suscite l’intérêt des chefs. P.retrofractum et P.longum, tous deux appelés « poivre long », étaient connus dès l’antiquité romaine : le poivre qu’utilisait Apicius, toujours moulu, provenait soit de P.nigrum, soit de P. longum (ou retrofractum), et les Romains ne distinguaient pas les deux espèces. De même, dans l’Europe médiévale, c’était essentiellement le poivre long qui était consommé. L’engouement dont a bénéficié ensuite le poivre noir a fait oublier l’existence même du poivre long.
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Au Cambodge, le poivre long que l’on trouve est de l’espèce P.retrofractum. Avant de devenir la coqueluche des maîtres-queux aux pointes de l’innovation, le poivre long était surtout connu au Cambodge pour ses vertus médicinales. Les praticiens de médecine traditionnelle cambodgienne utilisaient le poivre long en usage externe contre les rhumatismes et pour le pansement des furoncles et des adénites. En usage interne, ce poivre était également employé pour diverses affections. Par exemple, un numéro daté de 1935 de Kampuchea Soriya, la revue de l’Institut Bouddhique de Phnom Penh, explique dans un article consacré aux coutumes cambodgiennes relatives à l’accouchement que le poivre long était pilonné, avec divers autres végétaux, pour
réaliser une boisson qui était administrée aux parturientes. Les baies de poivre long servent aussi à traiter les affections de foie avec jaunisse et les œdèmes. La médecine chinoise traditionnelle fait également usage du poivre long (appelé en chinois « jiabiba »), et quelques plantations existent dans le sud de la Chine. Si la culture du poivre long n’a pas été abandonnée au Cambodge, c’est justement grâce à l’usage que l’on faisait de cette espèce dans la médecine chinoise. Du point de vue strictement culinaire, les chefs utilisent habituellement la variété rouge. Sa saveur est légèrement sucrée et fait penser à la cannelle, l’anis vert ou la réglisse. Il se distingue par un parfum à la fois puissant et subtil, avec des notes fruitées. On peut l’utiliser concassé dans un mortier puis moulu dans un moulin. Il a, par rapport au poivre noir, la capacité de bien supporter les hautes températures, et il a une attaque moins épicée. Il est particulièrement adapté à l’assaisonnement de plats tels que l’osso bucco ou les soupes d’hiver, mais il peut en réalité s’utiliser de la même manière que le poivre noir.
LA CROISSANCE SOUTENUE DU TOURISME INTERNATIONAL AU CAMBODGE ATTIRE NOMBRE D’INVESTISSEURS DU SECTEUR DU TOURISME. DANS LES VILLES LES PLUS FRÉQUENTÉES PAR LES VOYAGEURS, LES GRANDES CHAÎNES INTERNATIONALES D’HÔTELLERIE N’HÉSITENT PAS À SE LANCER DANS DES PROJETS AMBITIEUX.
Parmi elles, la chaîne américaine Rosewood Hotels & Resorts, qui a récemment ouvert, un hôtel qui occupe les 14 derniers étages de la Vattanac Capital Tower. Qui dit hôtellerie de luxe dit bien entendu restauration de haut niveau, et le Rosewood Phnom Penh illustre parfaitement cet axiome, avec plusieurs restaurants dont la Brasserie Louis, qui est devenue en peu de temps un lieu rendez-vous privilégié pour les gourmets les plus aguerris. La Brasserie Louis se trouve au 35ème étage de la tour Vattanac. Les tables installées aux abords des baies vitrées offrent une vue imprenable d’un côté sur la rivière Tonle Bassac, et de l’autre sur la ville de Phnom Penh. L’agencement de la salle est d’une grande élégance ; le lieu offre aux clients de la brasserie un écrin très « cosy », où l’on se sent à l’aise d’emblée. Le service est quant à lui chaleureux et attentif. La Brasserie Louis propose différents menus pour le petitdéjeuner, le déjeuner et le dîner, ainsi qu’un menu de desserts proposant aux gourmands de grands classiques tels que : tarte aux fruits de saison, crème brûlée, savarin, profiteroles, tiramisu, ainsi qu’un choix restreint de coupes glacées. Mais ce sont les menus du déjeuner et du dîner qui sont les plus à même de satisfaire les gastronomes les plus exigeants ! Les amoureux de foie gras se laisseront par
exemple tenter par un superbe « foie gras de canard au torchon, marmelade d’oignon et baguette grillée », servi en portion très généreuse. Si c’est le poisson qui jouit de vos faveurs, on pourra vous recommander les très exquises « rillettes aux deux saumons, crème fraîche, pain de seigle grillé », mémorables, ou encore la « salade de crabe de Kampot, avocat, pamplemousse », qui apporte une fraîcheur des plus agréables. Parmi les plats principaux, le « suprême de poulet aux cèpes », plat simple d’apparence, servi avec des tagliatelles fraîches, permettra d’apprécier une chair de blanc de poulet d’une tendreté rare et la sauce aux cèpes qui l’accompagne est d’une finesse peu commune. Valent également une mention particulière le « cassoulet à la souris d’agneau », que l’on dévore jusqu’au dernier haricot, et même le « gourmet burger », au foie gras, à l’aïoli à la truffe noire et au comté, gourmand à souhait et qui se déguste en poussant des soupirs de contentement. La qualité de la restauration servie à la Brasserie Louis, qui est le restaurant « casual » de l’hôtel, laisse augurer ce qu’il y a de mieux pour le Cuts, l’établissement « fine dining » du complexe qui devrait ouvrir dans un avenir proche. Pour se mettre en appétit, les menus de la Brasserie Louis sont à télécharger en ligne : www.rosewoodhotels.com/en/ phnom-penh/dining/brasserie-louis www.cambodgemag.com - 63
style
nº1
L’homme ne porte pas de claquettes en milieu urbain, jamais.
L' élégance de l ’ homme réside dans la discrétion, le détail, un prolongement de sa personnalité. Un bon vestiaire demande des années de patience, de la maturité et surtout de la rigueur. Être un homme, c’est connaître les règles et savoir jouer avec. Oui, il fait chaud, oui on passe de 38 degrés à 16 en entrant et sortant de nos rendezvous respectifs. Et devinez quoi, il est tout à fait possible d’être chic malgré les aléas de climat tropical. Messieurs, oubliez le marcel et le bermuda, jetez vos chaussettes hautes, demain tout vous sera pardonné. Mais avant de commencer, répondons à une question simple : pourquoi est-il pertinent d ’être élégant, en toute circonstance, quelle est la plus-value d’une tenue chic et 64 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
adaptée ? L’élégance n’appartient pas à un rang, à un statut social, ni ne correspond à la fortune matérielle. Non, c’est bien le contraire. L’élégance est un pouvoir qui se place au-dessus de tout : il permet à chacun d’être respectable, de faire de sa présence un moment agréable et de son absence un regret. L’élégance est synonyme de respect, une valeur qui est au centre de l’homme libre, elle n’est pas un marqueur social, c’est tout le contraire, elle permet de s’en détacher. Elle se caractérise par le trio : respect envers son environnement, respect envers soi-même et respect envers les autres. Le respect est une prise de conscience permanente, appuyée sur l’humilité et la gratitude. L’élégance en est son écho, la partie visible de l’iceberg
Les 3 premières règles du vestiaire masculin en milieu tropical
La claquette est l’élément de plage, de bord de piscine ou d’activité extérieure que nous avons tous car très pratique sous un soleil de plomb pour rapidement rejoindre sa serviette ou sa chaise longue. Malheureusement, certains font encore l’erreur de porter cette chaussure de vacances en milieu urbain. Alors, Messieurs, continuez de vous battre, de garder la tête haute, n’abandonnez jamais, ensemble, soyons au-dessus des masses feignantes, choisissons une vraie chaussure, celle des hommes qui avancent.
T E X T E PA R JEAN-BENOÎT LASSELIN
nº2
L’homme sait séparer sa garde-robe en 2 catégories : business, et pleasure Vous avez déjà été tenté, je le sais, par cette chemise que vous aimez pour aller travailler. Mais vous êtes plus fort que ça, vous êtes raisonnable, vous la gardez pour aller travailler. Et c’est une règle incontournable : il y a les vêtements pour votre quotidien d’homme occupé, et ceux pour vos moments de détente. Pourquoi ? Parce qu’on ne parle pas à ses clients comme on parle à ses amis, parce qu’on ne serre pas la main à sa Maman, parce qu’on ne va pas raconter ses ennuis personnels à son directeur commercial. Bref, parce qu’un homme élégant fait la part des choses. Et si vous jonglez dans votre quotidien entre business et pleasure, votre tenue en sera le reflet.
nº3 L’homme libre ne porte pas de chemisette La chemise à manches courtes ou chemisette est avant tout un marqueur social : elle est la blouse du salarié, du petit manager, du chef de rayon, du livreur ou du caissier dans l’imaginaire collectif. Certes nombreux d’entre nous sommes obligés de la porter lors de nos heures de bureau car la direction nous l’impose. Mais vous ne laisserez pas la direction prendre le contrôle de vos heures d’homme libre, jamais. Parce qu’encore une fois, vous êtes un homme digne, vous êtes le Loup, pas le Chien. Des règles, toujours des règles. C’est vrai, et c’est souvent difficile. Pourtant, l’essence de ce que nous sommes est dans notre capacité à incarner ces règles, parce qu’elles sont un héritage, un témoignage de rigueur, et c’est
Pour des raisons évidentes de bienséance, la rédaction se refuse de diffuser ou d’illustrer un accessoire d’aliénation. Merci de votre compréhension
toujours ce qui est attendu de chacun d’entre nous, la rigueur, toujours, en toute circonstance. L’élégance est une rigueur. Rappelons-nous de ce passage du Code d’Honneur du Légionnaire : « Fier de ton état de légionnaire, tu le montres dans ta tenue toujours élégante, ton comportement toujours digne mais modeste, ton casernement toujours net ». Messieurs, vivons l’élégance de notre condition, Messieurs, soyons des hommes !
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chronique
IL EST LA SINGULARITÉ DU MOMENT : LE PREMIER FRANÇAIS À PÉNÉTRER L’INDUSTRIE RENAISSANTE DE LA MUSIQUE, LE PREMIER À COMPOSER ET INTERPRÉTER EN KHMER, IL EST LE COUP DE CŒUR DU PUBLIC URBAIN KHMER, 12MÉ, L’ICONOCLASTE, LE PRÉCURSEUR, LA FIGURE MONTANTE DE LA SCÈNE MUSICALE DE PHNOM PENH. Nous l’avons rencontré, écouté, et adoré. Mehdi Benabdessadok , a lias 12Mé, a explosé dans le Royaume en 2016 avec l ’ inattendu Samaï Thmey un album moderne s’inspirant de la culture et de la société cambodgienne. L’adhésion est rapide et touche toutes les communautés. Deux ans plus tard, Medhi cumule plus de 500 000 vues sur YouTube. 12Mé sort cette saison un album encore plus marqué par la culture urbaine khmère. Medhi Benabdessadok, l’artiste français à suivre.
un album ultra positif, le premier de ma vie et d’autre part, rendre au public khmer et à ce pays tout ce qu'il m'a apporté. On y trouve une hymne au Cambodge « Oh Kampuchea » avec le groupe Khmer Pride. J'ai aussi franchi le cap d'avoir mon premier morceau solo entièrement en khmer avec « Kromom Srok Khmer ». C'est le morceau qui a rencontré le plus grand succès ici. Cela me procure un mélange de joie d'être accueilli aussi chaleureusement et aussi de fierté d'y être arrivé.
CM : Pourquoi Phnom Penh vous inspiret-elle ? C'est une ville qui bouillonne. La première fois que je suis venu ici en 2011, j'ai tout de suite adoré. J'aime ses habitants, sa culture, sa street food, sa vie nocturne, son bruit. J'ai, comme tout le monde, toujours un peu plus de mal avec la circulation chaotique mais j'ai pu expier ça grâce à ma chanson « On the streets of the Kingdom ».
CM : Quelle est l'image du rap au Cambodge ? Le rap a été importé au Cambodge par Sok cream du label « KlapYaHandz ». C'est un ami avec qui j'ai déjà beaucoup travaillé. Il m'a raconté qu'au début des années 2000, le rap cambodgien s'est heurté aux mêmes clichés qu'en France dix ans plus tôt : le rap était vu comme une musique de voyous qui prônent les mauvaises mœurs et le sample était vu comme un pillage, un vol, surtout par les Cambodgiens plus âgés. Aujourd'hui, je vois qu'il existe toute une génération de jeunes khmers qui a grandi avec le rap et qui a pu redécouvrir des classiques cambodgiens grâce aux samples contenus dans mes chansons ou dans celles de Klapyahandz. Le public plus âgé a compris qu'il s'agissait d'hommages et non d'un vol. Quant au côté « voyou » et « mauvaises mœurs », les Cambodgiens ont fait quelque chose que les détracteurs du rap français omettent très souvent de faire par mauvaise foi : ils ont écouté les textes tout simplement. Je dirais que le rap à présent jouit d'une bien meilleure presse au Cambodge qu'en France.
CM : Vous êtes très loin de l'album Le Fruit de nos Experiences (sorti en 2005), un rap revendicatif, qui prend position. Quel regard avez-vous sur vos débuts ? Je ne suis pas sûr que j’aille jusqu'à dire que mon rap était revendicatif dans Le Fruit de nos Expériences. Dans le morceau Poudrière, j'imaginais que Le Pen était devenu Président de la République en 2002, mais je le trouve aujourd'hui très maladroit. De cette époque, je retiens davantage le morceau éponyme Le Fruit de nos Expériences où je racontais ma vie depuis l'enfance. Par la suite, ma ligne directrice est restée l'introspection, le spleen et la fuite du temps. Depuis que je vis ici, j'ai la sensation d'avoir pris un nouveau départ, je suis bien plus heureux, donc j'ai naturellement envie de parler de choses plus positives CM : Votre nouvel album cambodgien s'inscrit-il dans la continuité du précédent (Samaï Thmey en 2016). Pourquoi ce choix ? L'album Samai Thmey a été écrit alors que j'étais au Cambodge depuis six mois seu lement. Je ne m' étais pas encore déshabitué de ma vie en France. Les textes en français sont encore empreints d 'incertitudes sur l'avenir, d 'envie de changement. Depuis, j'ai beaucoup travaillé avec des artistes khmers comme Lisha, Khmer 1jivit, Sang Sok Serey, et à leur contact j'ai commencé à adopter un état d'esprit plus khmer. Sur ce nouvel album Oh Kampuchea, j'ai voulu d'une part faire 66 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
© Steven G
MEDHI alias 12MÉ T E X T E PA R JEAN-BENOIT LASSELIN
CM : Quel est le dernier album de rap qui vous a marqué ? Je ne crois pas avoir eu d'énorme coup de cœur sur des albums entiers ces derniers temps mais j'ai beaucoup aimé les derniers morceaux solos d'Areno Jaz et de Sneazy du groupe 1995. J'avais d'ailleurs collaboré avec Areno Jaz sur un de mes anciens albums sur le morceau « Avant l'apocalypse ». Pour ce qui est du rap américain j'avoue que j'écoute tout ce qui est ultra commercial. Quand je ne réécoute pas pour la énième fois un vieil album de Snoop, je suis capable de m'ambiancer sévèrement sur du DJ Khaled (rires). Ces deux dernières années j'ai surtout écouté de la musique khmère : Roam Vong, Lam lew, Surin et bien sur les classiques des années 60 et 70 comme Sin Sisamuth, Ros Sereysothea, Pen Ron etc. Suivez 12Mé sur Facebook : @12meofficiel www.cambodgemag.com - 67
vie pratique et culturelle
CRÉE EN 2009 DANS LA FOULÉE DE LA PREMIÈRE ÉDITION DU FESTIVAL PHOTO PHNOM PENH INITIÉ PAR L’INSTITUT FRANÇAIS DU CAMBODGE ET ÉLABORÉ PAR LE CRITIQUE FRANÇAIS CHRISTIAN CAUJOLLE, « STUDIO IMAGES » EST AUJOURD’HUI DEVENU UN PROGRAMME DE FORMATION DE L’INSTITUT FRANÇAIS DU CAMBODGE, SOUTENU DEPUIS 2012 AU TITRE DE MÉCÉNAT DES ENTREPRISES PAR CAMBODIA AIRPORTS, ET CONSACRÉ À LA PRATIQUE DE LA PHOTOGRAPHIE. EN EFFET, COMME DE NOMBREUX FESTIVALS DE PHOTOGRAPHIE DANS LE MONDE, PHOTO PHNOM PENH A ÉTÉ ORGANISÉ AUTOUR DE QUATRE AXES, LES EXPOSITIONS, LES SOIRÉES DE PROJECTIONS, LES CONFÉRENCES ET LES DÉBATS ENTRE LES ARTISTES ET LE PUBLIC, ET LES WORKSHOPS RÉALISÉS PAR LES ARTISTES INVITÉS.
Le Studio Images de l’institut français T E X T E E T P H O T O G RA P H I E S PA R L’INSTITUT FRANÇAIS DU CAMBODGE STUDIO IMAGES - ANDRÉ MÉRIAN - PICH HENG DARITH KHIEV KANEL - LAURE VASCONI
© André Mérian
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© Pich Heng Darith
F
ace au succès de ces ateliers de pratique artistique qui répondaient parfaitement aux attentes des artistes cambodgiens, le dispositif Studio Images fut mis en place dès 2009 sur la base d’une activité tout au long de l’année animée par de nombreux artistes confirmés, installés au Cambodge, comme Mark Remissa, Tang Chhim Sothy ou Alexandre Burgeat. De jeunes photographes cambodgiens comme Sovan Philong ou Kim Hak, ont bénéficié de ce dispositif avant de devenir eux-mêmes des formateurs, tout en développant par ailleurs des carrières internationales. Aujourd’hui, Studio Images est animé par Philippe Bataillard, ancien photographe professionnel de presse (notamment à Paris Match) et par Pisey Kosal (ancien élève de l’Ecole Nationale de la Photographie d’Arles), avec des interventions d’artistes photographes cambodgiens de la nouvelle génération, Khiev Kanel ou Sayoun Soun par exemple. Cette formation s’adresse à tous ceux qui souhaitent améliorer leur pratique de l’image. Fonctionnant à la fois sous forme de cours techniques et d’ateliers de pratique artistique, elle permet aux participants d’acquérir ou d'approfondir un niveau élevé de maîtrise technique et d’élaborer également une démarche artistique grâce à la participation d’enseignants chevronnés,
complétée de rencontres avec des artistes photographes de premier plan, régulièrement invités par l’Institut français. L’impact de ce programme est tout à fait important au Cambodge car il a agi non seulement en apport de connaissances mais aussi comme un moteur de constitution d ’un foyer d ’artistes photographes.On peut considérer aujourd’hui que la quasitotalité de la nouvelle génération d’artistes photographes cambodgiens est liée de près ou de loin à ce dispositif. Philong Sovan, Kanel Khiev, Sayoun Soun, Kim Hak, Sovan Philong, Mark Remissa pour ne citer qu’eux, dont les carrières d’artistes se sont affirmées, ont été ou sont encore très proches des projets élaborés dans ce programme. Le développement du festival Photo Phnom Penh qui a acquis en dix années une renommée internationale, a très largement contribué à asseoir ce dispositif qui en presque dix années a accueilli près d’un millier d’inscrits sur ses sessions, et permis à de jeunes photographes européens et d’Asie du Sud-Est de se rencontrer à Phnom Penh, et de croiser leurs pratiques artistiques. Intimement lié au « Studio Images », le festival Photo Phnom Penh qui est devenu depuis une structure culturelle autonome et de droit cambodgien, est non seulement un évènement attendu, mais il constitue une véritable plate-forme pour
© Khiev Kanel www.cambodgemag.com - 69
portrait
vie pratique et culturelle
les artistes cambodgiens en leur ouvrant l’accès à d ’importants réseaux et relais internationaux. En ce sens il continue de participer activement à la vocation de construction d ’une culture de l ’image au Cambodge ouverte sur les différentes expressions internationales. Depuis 2016, la formation « Studio Images » s’est élargie aux étudiants de l’Université Royale des Beaux-Arts de Phnom Penh grâce au financement renouvelé de Cambodia Airports. S’inscrivant pleinement dans les projets de coopération portés par l’Institut Français, les étudiants de l ’Université Royale des Beaux-Arts de Phnom Penh ont accès gratuitement par convention entre l’Université et l’Institut à cette formation. Cette opportunité les conduit à participer aux ateliers de pratique artistique et à s’impliquer dans les résidences d’artistes photographes organisées deux fois par an par l’Institut français, ce qui constitue souvent une occasion très privilégiée et rare de rencontre et de partage avec un artiste déjà très avancé et reconnu. Les artistes invités en résidence sont en effet choisis sur plusieurs critères. L’ importance de leur reconnaissance en France, les thématiques portées par leurs œuvres (paysages, portraits, mise en scène, reportage etc…), leur capacité d’enseignement et de transmission. Ces résidences contribuant à apporter à la fois aux étudiants qui y sont associés des connaissances techniques mais aussi et surtout de leur permettre de définir des sujets, d’élaborer des projets précis et ainsi d ’affermir leur style. Elles s’inscrivent pleinement dans la dimension pédagogique de la formation « Studio Images » délivrée tout au long de l’année. Ce fut pleinement le cas à l’occasion des résidences effectuées récemment par Christian Milovanoff, photographe et ancien enseignant à l’Ecole Nationale de la Photographie d’Arles invité à travailler autour de la question « patrimoine et paysage à Siem Reap ». Avec André Mérian, dont les œuvres sont régulièrement présentées dans les grandes manifestations internationales consacrées à la photographie et qui anime régulièrement des activités dans les écoles d’art françaises qui lui s’est concentré sur la thématique du paysage urbain à Phnom Penh ; ou également avec Lola Reboud artiste lauréate de nombreux prix et ayant participé à une commande du ministère de la Culture sur la jeunesse en France, présentée à l’occasion de la dernière édition de Photo Phnom Penh qui a effectué sa résidence sur la thématique du portrait. De nombreux étudiants de l’Université Royale des Beaux-Arts de Phnom Penh ont participé en tant qu’auteur à ces résidences animées par ces artistes invités, et ont pu montrer dans les expositions de restitution exposées à l’Institut Français du Cambodge l’étendue de leur créativité. 70 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
J’ai ensuite intégré le secteur jeune de l’Alliance Française. Cela m’a plu d’être en classe, de transmettre à la jeunesse du pays.
SI PARMI LES 93 CENTRES DE LANGUES MONDIAUX CELUI DE L’IFC EST SI BIEN CLASSÉ, LANG SENG N’Y EST PAS ÉTRANGÈRE. NOUS RENCONTRONS LA COORDINATRICE PÉDAGOGIQUE ET DIRECTRICE ADJOINTE DES COURS, EN PLEINE PÉRIODE D’EXAMENS DU DELF [DIPLÔME D’ETUDE DE LA LANGUE FRANÇAISE] QU’ELLE CHAPEAUTE DE PRÈS. DE SA PETITE ENFANCE EN EXIL À UNE BRÈVE PROJECTION VERS SA RETRAITE, LANG SENG SE DÉVOILE. LE MOT CHANCE PONCTUE SES PROPOS, CEPENDANT SON PARCOURS SEMBLE LOIN DE NE RÉSIDER QU’EN CE FACTEUR.
L’IMPACT DE CE PROGRAMME EST TOUT À FAIT IMPORTANT AU CAMBODGE CAR IL A AGI NON SEULEMENT EN APPORT DE CONNAISSANCES MAIS AUSSI COMME UN MOTEUR DE CONSTITUTION D’UN FOYER DE D’ARTISTES PHOTOGRAPHES »
Lang SENG, une double culture au service du français T E X T E E T P H O T O G R A P H I E PA R L’INSTITUT FRANÇAIS DU CAMBODGE
CM : Qui êtes-vous Lang ? Je suis surtout une cambodgienne qui suis revenue, après la fuite à 3 ans avec mes parents et mon frère aîné, les camps de réfugiés en Thaïlande, puis la France jusqu’en 1996. Je suis imprégnée des deux cultures ; l’une l’emportant sur l’autre selon avec qui je suis ! CM : Qu’incarne la France ? La richesse culturelle, la littérature, la gastronomie ! J’ai vraiment eu de la chance d ’y avoir grandi à une époque où les gens étaient ouverts face aux réfugiés, accueillants alors que nous habitions un village du Cher.
© Laure Vasconi
CM : Quel lien avec la langue française ? Je n’arrive pas à me souvenir à quel moment je me la suis appropriée. J’ai eu des professeurs indulgents bien que pas habitués à mon
profil. Aujourd ’hui, je l ’enseigne et le pratique au quotidien. Les jurons sortent naturellement en français ! [Rires] CM : L’enseignement, pourquoi ? Je jouais constamment à la maîtresse. Le tableau, la craie. Une évidence. Dès le collège, j’allais observer des classes de primaire et maternelle. C’est un rêve d ’enfant devenu réalité alors que mes parents, commerçants, auraient voulu que je prenne la même voie qu’eux ! Le français langue étrangère (FLE) a été cohérent lorsqu’il s’est agi d’affiner mes choix. CM : Pourquoi au Cambodge ? Il y a toujours eu le désir du retour. Mais pour mes parents ayant connu un autre Cambodge, le choc fut grand. Il a résidé pour moi dans le fossé entre les propos nostalgiques de ma mère et la réalité.
CM : Si je vous dis : Manager une équipe pluriculturelle c’est… Un challenge ! Les incompréhensions mutuelles sont faciles. Nous avons créé un livret d ’accueil fournissant des clés culturelles. L’accent est mis sur cette dimension dès le recrutement. CM : Quels sont les avantages et les inconvénients de votre double culture ? Que des avantages ! Mon Directeur de Mémoire considérait que je suis un caméléon. Je me fonds dans les deux milieux. Je n’interagis pas seulement avec les étudiants et les enseignants, mais avec des entrepreneurs, des doyens d’universités, des politiques, pour des demandes de cours de français sur objectif spécifique. Je contribue à saisir leurs besoins sans barrière de la langue. CM : Pourquoi ce Master II en 2006 ? Le Centre de Langues avait plus ou moins identifié la relève cambodgienne. Les prétendants, dont moi, avons passé un test que j’ai remporté. En 2005, j’entre en fonction et au même moment, on me propose ce Master II. J’accepte. Cela légitimait ma place. Je l’ai fait depuis ici, tout en travaillant. Ses apports m’ont permis de mieux accompagner mes équipes dans un contexte de mutation. CM : Les Palmes Académiques vous ont été remises en décembre dernier par le Ministère Français de l’Education. Qu’avez-vous ressenti ? J’ai été très émue et le suis encore. Je ne m’y attendais pas mais je pense les mériter. J’ai écrit à mes amis, à mes anciens responsables pour les remercier. Je n’ai plus ma mère. Mon père, qui aurait certainement aimé que je sois mariée avec des enfants, a été très fier. Être ici, obtenir ce poste, ce Master, j’ai l’impression d’une voie toute tracée. CM : Projetons-nous un peu. Avez-vous une vision de l’avenir ? Trouver la relève de l’IFC tout en gérant la pénurie d’enseignants FLE cambodgiens. A court terme, avec la Médiathèque, je tiens à inscrire le fait de conter comme outil pédagogique et vecteur d ’imagination. Cela implique de dédiaboliser le livreloisir, associé à du temps perdu –surtout pour les filles- par encore beaucoup de parents cambodgiens. J’ai aussi à cœur de donner de mon temps à des ONG. Grâce à des associations, je suis devenue ce que je suis. Je ne sais pas si retraitée, je serai au Cambodge. En France ? J’aimerais aller de région en région et redécouvrir les châteaux de la Loire que j’ai visités enfant avec l’école ! www.cambodgemag.com - 71
23, rue 57 Phnom Penh 72 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
www.khema-restaurant.com www.cambodgemag.com - 73
communauté
Des ambitions très françaises sur Siem Reap P R O P O S R E C U E I L L I S PA R B R U N O B O G VA D P H O T O G RA P H I E S PA R C H R I S T O P H E G A R G I U L O
Arnaud Darc, PDG du groupe Thalias (à gche), en discussion avec Jean Lestienne, Conseiller consulaire à Siem Reap (à dte)
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EN OCTOBRE PROCHAIN, LA VILLE DE SIEM REAP DEVRAIT AVOIR SON ALLIANCE FRANÇAISE, OU PLUTÔT UN CENTRE DE LANGUES COUPLÉ À UN CENTRE CULTUREL , CAR LE NOUVEAU PROJET PORTÉ PAR LE GROUPE THALIAS DIFFÈRE SENSIBLEMENT DE CE QUI AVAIT ÉTÉ FAIT AUPARAVANT DANS LA CAPITALE PROVINCIALE. POUR EN SAVOIR PLUS SUR CETTE INITIATIVE TANT ATTENDUE PAR LES FRANÇAIS ET FRANCOPHONES DE SIEM REAP, CAMBODGE MAG S’EST ASSIS AVEC ARNAUD DARC, PDG DU GROUPE THALIAS ET FERVENT PROMOTEUR DE « TOUJOURS PLUS DE FRANCE AU CAMBODGE »
CM : Pourquoi cette réouverture de l’Alliance Française à Siem Reap ? Tout d’abord, ce n’est pas une réouverture, c’est une création, un modèle avec un concept plus large et plus complet que ce qui existait auparavant. Notre expérience dans le recrutement et le management du personnel cambodgien montre que ceux qui parlent et écrivent le français ont de bien meilleures capacités d’adaptation et de compréhension que ceux qui ne parlent que l’anglais en deuxième langue. CM : D’autres raisons ? C’est l’une des raisons qui motive notre démarche, mais cette idée d ’A lliance avait déjà été évoquée par la communauté française de Siem Reap, notamment au travers d ’une pétition en 2016, qui demandait la réouverture d’une Alliance alors que celle de Siem Reap, ouverte en 2005, avait dû fermer dix ans plus tard pour des raisons économiques. Sur ce projet de réouverture, j’avais une divergence fondamentale sur les moyens d’y parvenir. Les gens de la communauté française de Siem Reap envisageaient de mener le projet avec principalement une aide de l’état alors que mon projet se base sur une autonomie de moyens par le biais de partenariats privés, de dons et de mécénat. Nos chemins se sont alors séparés malgré les excellentes relations que nous avons conservées. CM : Quelles ont été vos premières démarches ? Lorsque l’équipe du groupe Thalias s’est mis en quête d’un endroit pour implanter un restaurant Khéma à Siem Reap, notre choix s’est porté sur un bâtiment situé sur un terrain en bord de rivière. J’ai pensé que cette future Alliance pourrait parfaitement y trouver sa place, mais aussi son école et éventuellement une antenne de la Chambre de Commerce France-Cambodge. CM : Quel a été l’accueil ? Nous avons présenté notre projet à l ’ensemble des acteurs concernés et, l’accueil a été des plus chaleureux, y compris de la part des autorités cambodgiennes. Les commerces et industries locales y voient aussi une excellente opportunité d ’avoir à terme du personnel d ’un bon niveau général et maitrisant le Français. N’oublions pas que, chaque année, ce sont plus de 150 000 francophones qui visitent les temples d ’Angkor. Chemin faisant, l’idée ayant muri, la communauté française de Siem Reap s’est rapprochée et, c’est avec eux que nous choisirons le premier conseil d’administration. Cette Alliance sera une association de droit cambodgien et sera présidée par un Cambodgien. Cette Alliance Française doit être le fruit de l’expérience des Français
ayant réussi au Cambodge et, en particulier à Siem Reap. Je pense notamment à « La Semaine Française de Siem Reap » qui a eu lieu en mars et qui a eu beaucoup de succès. Ce fut un évènement bien représentatif du dynamisme des Français dans cette ville. CM : Quels moyens seront mis en œuvre ? Il nous faudra au moins une équipe de dix personnes dont une majeure partie sera des enseignants qualifiés pour l’école, un établissement que je souhaite à la pointe. L’objectif est aussi d’obtenir à terme le label « Alliance Française ». Cela devrait se faire assez rapidement, nous prévoyons l ’enregistrement de l ’association le 04 juillet de cette année et l’ouverture de cette Alliance le premier octobre. CM : Quels types de financement ? Le mécénat… Aujourd’hui, seul le groupe Thalias porte ce projet mais d ’autres entreprises françaises regardent avec bienveillance cette initiative. Je pense qu’elles verront à terme le potentiel de ce projet et que, le moment venu, elles répondront à notre appel pour promouvoir cet outil appelé à véhiculer la culture et le savoir français. CM : Est-ce un coup de cœur de votre part ou il y a-t-il d’autres motivations derrière cette initiative ? C ’est l ’about i ssement d ’u ne lon gue réflexion personnelle concernant mon parcours de vie et le chemin accompli. Le Président Français a fait cette réflexion il y a quelques temps : « Certes, mon pays a fait beaucoup pour moi, mais qu’ai-je-fait pour mon pays ? ». Personnellement, la France m’a permis de suivre un enseignement de qualité de la maternelle à la terminale, puis par l’université et les grandes écoles. Tout cela était gratuit. Et, moi, dès la fin de mon cursus universitaire, je suis parti, diplôme en poche, utiliser mon savoir acquis en France dans un pays étranger. Quelque part, je n’ai rien rendu à cette France, ni par mon travail, ni par l’impôt. Aujourd’hui, à travers ce projet d’Alliance Française, je m’acquitte en partie de cette dette morale en continuant de promouvoir notre belle langue française et notre culture dans ce beau pays. Je rappelle aussi que le Cambodge a de profonds liens culturels avec la France. Je crois que c’est à nous, acteurs économiques, d ’aider à préparer le futur avec des initiatives dans un pays au fort potentiel économique et surtout humain. J’y crois, et je pense aussi que la France et les Français, au travers d ’initiatives comme l ’Alliance Française, continuera à jouer un rôle stratégique dans le développement et l’épanouissement de ce pays.
JE RAPPELLE AUSSI QUE LE CAMBODGE À DE PROFONDS LIENS CULTURELS AVEC LA FRANCE. JE CROIS QUE C’EST À NOUS, ACTEURS ÉCONOMIQUES, D’AIDER À PRÉPARER LE FUTUR AVEC DES INITIATIVES DANS UN PAYS AU FORT POTENTIEL ÉCONOMIQUE ET SURTOUT HUMAIN »
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plume aux lecteurs
Emmanuel & les copains d'abord P R O P O S R E C U E I L L I S PA R CHRISTOPHE GARGIULO
CAMBODGE MAG DONNE LA PLUME À SES LECTEURS SUR LE THÈME « AIMER LE CAMBODGE », LE BUT ÉTANT DE RECUEILLIR LES IMPRESSIONS DE CEUX QUI VISITENT RÉGULIÈREMENT LE CAMBODGE, QUI Y SONT NÉS OU QUI SE SONT INSTALLÉS DURABLEMENT. AUJOURD’HUI, RENCONTRE AVEC EMMANUEL PEZARD…
CM : Comment êtes-vous arrivé au Cambodge ? Via mon frère, qui vit ici depuis 16 ans maintenant, et des amis qui étaient venus dès 1992 et me parlaient sans cesse du « pays du sourire ». Je suis venu 5 mois en 2004 et ça a été le coup de cœur. Je suis beaucoup resté à Phnom Penh les trois premiers mois, puis j’ai pris mon sac à dos et j’ai visité le pays. A l’époque les temples, les forêts, les villes de Province étaient bien différentes. Le Ratanakiri, aujourd’hui en partie rasé, était une jungle luxuriante ! Kep, Kampot ou Battambang des villes presque fantômes ! Nous pouvions nous retrouver presque seuls dans les temples ! Il y avait une énergie débordante car le Cambodge en était au début de sa reconstruction. Pendant quatre ans j’ai fait des allers-retours entre la France et le Cambodge, avant de franchir le pas et de venir y vivre.
appris sur le Cambodge et les Cambodgiens et m’a permis de rencontrer des gens extraordinaires, ainsi que Sa Majesté le Roi du Cambodge. J’ai ensuite lancé un magazine francophone sur l’art, l’artisanat et la culture khmère, « le Toqué », qui malheureusement s’est arrêté après six numéros par manque de fonds. Enfin, avec une amie Belge, Marie, nous avons monté Kep Autrement, une petite agence de guides. Nous essayons de partager notre amour du pays avec les touristes et organisons des journées hors des sentiers battus en moto, tuk-tuk et bateau. J’ai acheté un bateau et créé « Les Copains d’Abord » pour visiter les îles dans la baie de Kep.
CM : Quelle est votre activité professionnelle ? La première année j’ai pris mes marques et j’ai continué à visiter le pays. Puis j’ai appris qu’une école de Français s’ouvrait à Kep et qu’ils cherchaient des professeurs bénévoles. J’ai convaincu mon ami de venir voir ce projet qui en était à ses balbutiements, et nous nous sommes engagés, deux années durant. Une expérience inoubliable, qui m’a beaucoup
CM : Pour quelles raisons aimez-vous le Cambodge ? La plus grande beauté du Cambodge, ce sont les Cambodgiens et les Cambodgiennes. Ce sont eux qui m’ont fait « craquer ». Leurs sourires évidemment, mais aussi leur force incroyable car ils sont repartis de zéro dans les années 80, et au sortir de 30 ans de guerre, ils se relèvent et se battent pour revivre dans des conditions de pauvreté
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difficiles. Vivant à la campagne, en immersion, j’ai pu créer des liens d’une grande sincérité, d’une grande honnêteté, d’une belle amitié. Ils m’ont en quelque sorte « adopté » avec toutes mes différences, mes défauts. Il y a ici un art de vivre, une douceur, qui convient à mon caractère. On me dit que j’idéalise parfois les Khmers, mais c’est peut-être de vivre au quotidien avec eux qui me fait avoir ce regard. Et puis bien sûr, j’aime leur culture, la beauté des paysages, le soleil, le vert des rizières, et le rock’n roll Khmer !… CM : Quels sont vos loisirs ? Mon travail actuel, bien qu’il soit un vrai Travail malgré les apparences (rire), est aussi un de mes loisirs : prendre ma moto et partir me promener des heures dans la campagne ou aller en mer d’île en île avec mon bateau. De temps en temps je reprends les baguettes ou les balais pour faire de la batterie, du jazz et du blues principalement. J’ai la chance d’avoir une belle bibliothèque et je passe donc beaucoup de temps à lire, en bord de mer. Et dès que je le peux, aller à Phnom Penh voir des amis, aller à un concert ou
passer une bonne soirée dans un beer-garden ou ailleurs ! Par ailleurs j’essaye de trouver le temps de finir un recueil de textes sur le Cambodge et un roman qui se passe entre Paris et le Cambodge. CM : Une anecdote à raconter ? Il y en aurait tellement ! Mais il faut choisir. Un jour que j’étais en moto avec des amis, l’un d’eux tombe en panne d’essence. Nous étions au milieu de nulle part, dans les vallées entre les montagnes de Kep et Kampot. Là aussi où s’étendent des milliers d’hectares de plantations de manguiers. Un « ramasseur » de mangue s’arrête en nous voyant dans la panade. Je lui demande où je peux trouver de l’essence. Le plus proche est à 5 km me répondil en m’indiquant la direction. Je le remercie et me prépare à aller en chercher mais il me dit d’attendre. Il me demande une petite bouteille d’eau presque vide dans mon panier, la vide, ouvre son réservoir, prend un tuyau, siffle son essence pour remplir la bouteille à moitié, juste de quoi aller faire le plein, et me la donne. Impossible de lui donner un peu d’argent pour son essence. Un grand sourire, et au revoir ! Voilà pour moi ce qu’est le Cambodge, qui sont les Cambodgiens. Pour visiter les îles et contacter Emmanuel : 097 623 61 76 ou 096 990 37 45
OUVERTURE PROCHAINE À SIEM REAP ! Khéma Angkor (octobre)
Achar Sva St, Wat Bo Village, Sangkat Salakamroeuk, Siem Reap +855 (0) 16 980 888 gm.khemasr@thaliashospitality.com
Khéma Pasteur
Arunreas Hotel Ground Floor #163 St. 51, corner St. 228, Phnom Penh +855 (0) 15 823 888 pasteur@khema-restaurant.com
Khéma La Poste
#41, Corner Street 13 & Street 98, Sangkat Wat Phnom, Phnom Penh +855 (0) 15 841 888 laposte@khema-restaurant.com
www.khema-restaurant.com www.cambodgemag.com - 77
infos pratiques
POUR CEUX QUI SE RENDENT POUR LA PREMIÈRE FOIS AU ROYAUME DU CAMBODGE, IL EST RECOMMANDÉ DE PRENDRE QUELQUES PRÉCAUTIONS POUR RENDRE LE SÉJOUR PLUS AGRÉABLE ET AUSSI ÉVITER D’ÉVENTUELLES DÉCONVENUES. VISA Le visa d’entrée est obligatoire. Il peut être délivré aux aéroports internationaux de Phnom Penh et de Siem Reap par les services de l’immigration, sous trois conditions : paiement d’une taxe de 35 $ pour un visa de tourisme (valable 30 jours), une photo d’identité (de format 4 x 6 cm), un passeport d’une durée de validité suffisante (six mois au minimum). Il est possible d’obtenir un visa de tourisme électronique (e-visa) à l’adresse : evisa.mfaic.gov.kh. Dans ce cas, le visa est de 40 dollars US. Attention de ne pas dépasser la limite de séjour autorisée. En cas de dépassement, il vous sera demander de payer dix dollars par journée de séjour supplémentaire et, s’il s’agit d’une situation irrégulière prolongée sans motif valable, les sanctions peuvent être bien plus lourdes et aller jusqu’à l’expulsion et l’interdiction de revenir dans le pays. VACCINATIONS - SANTÉ Un traitement antipaludique est conseillé. La dengue est présente au Cambodge. Il est donc recommandé aux voyageurs de se prémunir contre les piqûres de moustiques. Il est également conseillé d’être à jour des vaccinations usuelles en Europe (tétanos, typhoïde, hépatites...). Le vaccin de la fièvre jaune n’est pas obligatoire pour les touristes venant d’Europe, d’Amérique du Nord ou d’Océanie, mais il sera exigé si vous avez effectué un séjour préalable en Afrique ou en Amérique du Sud. Il est très fortement conseillé d’être vacciné contre la rage. ALIMENTATION Ne boire que de l’eau en bouteille et éviter les fruits et légumes crus. Il y a beaucoup de restaurants de rue et de marché au Cambodge, si vous souhaitez tenter l’expérience, il est préférable d’inspecter rapidement l’hygiène des lieux et la fréquentation, s’il y a beaucoup de monde, cela veut dire que le restaurant est populaire, que les clients sont satisfaits et en bonne santé. CLIMAT Le Cambodge est sous l’influence d’un climat tropical à saisons alternées. Les pluies s’échelonnent de mai à novembre. Près de 80% des précipitations de l’année tombent durant la saison des pluies, causant d’importantes crues 78 - CAMBODGEMAG | Juillet 2018
du Mékong. Les températures s’échelonnent de 25-30° en saison sèche à plus de 35° en saison des pluies. Les mois d’avril et mai, cumulant chaleur et humidité peuvent être assez difficiles, pensez à vous hydrater et éviter les heures trop chaudes, de 11h à 15h. La meilleure période pour voyager est de novembre à mars. COMPORTEMENT Les touristes doivent se conformer aux recommandations des agences de voyages locales. Le Cambodge a aussi ses exigences : se déchausser à l'entrée des pagodes, éviter de toucher la tête des enfants, ne pas s'énerver en public ou se promener torse nu. S’il y avait une certaine tolérance vis-à-vis de la consommation de drogues douces, la répression s’est fortement accentuée depuis 2017 et, les peines peuvent être très lourdes. A savoir que depuis février 2018, une loi sur le délit de lèse-majesté est en vigueur. Il est donc interdit d’insulter le roi ou la famille royale, les peines peuvent aller jusqu’à cinq ans de prison. DÉCALAGE HORAIRE + 6h en été par rapport à la France. + 5h en hiver par rapport à la France. SE DÉPLACER La circulation dans Phnom Penh est un challenge fortement déconseillé sauf à être un excellent conducteur et un habitué des rues de la capitale. Pour vous déplacer dans la ville, consultez notre version en ligne : w w w . c a m b o d g e m a g . c o m / 2 0 1 7/ 0 7/ cambodge-transports-choisir-entre.html. Les autres destinations touristiques du pays sont bien desservies, par route, air, et même train, renseignez-vous auprès de votre agence de voyages ou votre hôtel. Pour se déplacer, dans la capitale, en sécurité et à des tarifs raisonnables, il existe à présent plusieurs services de covoiturage disponibles qui fonctionnent très bien : GRAB et UBER ÉLECTRICITÉ AU CAMBODGE 230V, 50Hz. Prises de type A ( 2 fiches) et C (comme en France, sans prise de terre). Par précaution, mieux vaut se munir d’un adaptateur. LANGUES PARLÉES Le Khmer. L’anglais est parlé dans les grandes villes et la plupart des hôtels. Beaucoup de Cambodgiens de la génération d’avant-guerre parlent le français. MONNAIE La monnaie officielle du Cambodge est le riel même si le dollar américain est encore très présent. Les riels sont utilisés pour les petits achats, le reste se paie généralement en dollars américains. Il est possible de changer les dollars et euros en riels dans les banques, dans les bureaux de change (meilleurs taux) et dans quelques hôtels... Les cartes de
crédit sont acceptées dans les grands hôtels, les centres commerciaux et les restaurants de luxe. Il existe maintenant de nombreux distributeurs automatiques où il est possible de retirer de l’argent en monnaie locale ou devises étrangères. TÉLÉPHONE De la France vers le Cambodge, composez le 00 855 + le numéro à 8 chiffres. Du Cambodge vers la France composez le 00 33 + numéro (sans le 0 initial).
CONTACTS UTILES Ambassade de France +855 (0)23 260 010 Police 117 ou 118 Police Secours +855 (0)23 366 841 / +855 (0)23 720 235 Police du trafic routier +855 (0)23 722 06 Samu 119 Bureau des Passeports pour les étrangers (24/24) +855 012 854 874 Bureau de l’immigration (24/24) +855 012 826 025 Hôpital Calmette (Phnom Penh) +855 (0)23 42 69 48 Institut Pasteur du Cambodge +855 (0)23 42 60 09 Samu de l’hôpital Provincial de Siem Reap +855 (0)63 76 11 19 Naga Clinic (médecin francophone) +855 (0)23 211 300 +855 11 811 175 (urgences) Cabinet Médical Français +855 (0)12 634 115 Cabinet Médical Procare +855 (0)61 828 410 Consul honoraire à Siem Reap +855 (0)63 964 099 / +855 (0)12 634 906 Consul honoraire à Sihanoukville +855 (0)92 440 069 www.cambodgemag.com - 79
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