# 3 | Mars 2018
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DOSSIER
Le Cambodge et la France une histoire culinaire
ÉCONOMIE
Le Cambodge en lutte contre la contrefaçon FOCUS CAMBODGEMAG 12 000 RIELS
S.E Dr. Say Samal Ministre de l'Environnement Crédit photo Bong Joy
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www.cambodgemag.com Directeur de Publication Thalias Co.Ltd Arnaud Darc
édito
Rédacteur en Chef Christophe Gargiulo chief.editor@thaliashospitality.com +855 16 954 888 Secrétariat Général de Rédaction Clémence Fournier executive.assistant@thaliashospitality.com +855 69 809 888
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Direction Commerciale
Basile Magnin
sales.director@thaliashospitality.com +855 16 611 555
LyEang Teav
sales.manager@thaliashospitality.com +855 16 734 999
Direction Marketing & Distribution Céline Troeung
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Fanny Duru Journalistes Pascal Medeville
Jean-Michel Filippi Jean-Benoît Lasselin
Contributeurs Jean Bertolino
Guillaume Narjollet (IFC) Pierre Ananou (IFC) Institut Pasteur Thierry Descamps
Alain Gascuel
Allan Michaud Nicky Sullivan Agence Kampuchea Presse Conseillère Juridique Sun Rasey Remerciements Frank Sampere & Philippe Veeckmans www.realestate.com.kh Eurocham & CCIFC
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Toujours plus de France our cette troisième édition imprimée de Cambodge Mag, nous avons choisi de mettre à l’honneur la cuisine avec l'évènement Good France – Goût de France ; une manifestation haute en saveurs qui, après l’organisation de la belle première Semaine Française à Siem Reap, montre que, sous l’impulsion de dirigeants d'entreprises et d’associations, les Français, même s’ils ne sont pas les plus nombreux dans le Royaume, forment une communauté active, vibrante et pleine d’initiatives. Jamais peut-être le Cambodge n’aura été si Français en ce mois de mars 2018, et souhaitons que cela continue encore et encore. L'équipe de Cambodge Mag s’étoffe et nous vous offrons plus de proximité, plus d’interviews, et de sujets inédits en sus des rubriques habituelles. À ce sujet, si vous avez une âme de reporter, de photographe, d’enquêteur, de localier, de rédacteur, si vous connaissez et aimez le Royaume, si vous avez envie de participer au projet Cambodge Mag comme journaliste ou correspondant, n’hésitez-pas à nous envoyer vos références à l’adresse : chief.editor@thaliashospitality.com N’oubliez-pas non plus de suivre l’actualité sur notre magazine en ligne : www.cambodgemag.com Bonne lecture ! CG.
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SOMMAIRE
DOSSIER
28. Le Cambodge et la France, une histoire culinaire LE REGARD DE 8. Kanitha Tith PARCOURS 10. Eloi Courcoux INNOVATION 13. Aniwaa ÉCONOMIE 14. La contrefaçon au Cambodge
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BANQUE 18. La BRED Bank
ÉVÈNEMENT 24. Goût de France
RETRAITE 33. Retraite et petits luxes
PHOTOGRAPHIE 20. La Province de Siem Reap
INITIATIVE 25. Grab, sécurité, analyse et social
SANTÉ 34. Village de Roka au Cambodge
FOCUS 22. S.E Dr. Say Samal, Ministre de l'Environnement
ARCHIVES 26. Du social au sacré : la pagode khmère
HISTOIRE 36. Les Jaraï, une minorité ethnique singulière
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PRODUIT DU CAMBODGE 60. Le Moringa SOCIÉTÉ 39. Cambodge et cinéma DANS L'ATELIER DE 42. Em Riem
GASTRONOMIE 61. Le Saint Georges VIVRE AU CAMBODGE 62. Obtenir un permis de conduire au Cambodge ARTISANAT 64. Poterie modelée à Kampong Chhnang
LIVRE 45. Soth Polin
VIE CULTURELLE-PRATIQUE 66. L'Institut français du Cambodge
Crédit photo Nataly Lee
DESTINATION 46. Un autre Kampot
TRADITION 38. Pchum Ben
PHOTOGRAPHIE 51. Instantanés français de Siem Reap SERVICES 52. Transports publics à Phnom Penh
VIE CULTURELLE-PORTRAIT 68. Stéphane Poulet
NATURE 54. Les ours du Cambodge, espèce en danger
PLUME AUX LECTEURS 70. Jean-Pierre Freneau
CHRONIQUE 57. Un belge fan de cuisine Khmère
COMMUNAUTÉ 72. Les bonnes volontés de la semaine française
TOUR DE TABLE 58. Petits coins exotiques et gourmands autour du Marché Russe
INFOS PRATIQUES 75. Informations utiles et pratiques
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L E R E GA R D D E
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Kanitha Tith par l'Institut français du Cambodge
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Kanitha ne considère une œuvre sculpturale achevée que lorsqu'elle « peut respirer à sa façon » ”
Kanitha TITH, Instinct, 2018
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anitha TITH, née en 1987 à Phnom Penh, est une artiste interdisciplinaire oscillant entre ar ts visuels et sculpture, performance et installation. Évoluant également dans le cinéma indépendant cambodgien en tant qu'actrice et directrice artistique, elle sera bientôt réalisatrice pour « Echoes of Tomorrow », un projet du studio de production Anti-Archive. L'exposition Instinct à la galerie SA SA BASSAC marque la deuxième exposition solo de l'artiste, qui fait suite à Companions, exposée en 2011 au Centre culturel français (désormais Institut français du Cambodge). Les sculptures de Kanitha reposent essentiellement sur les matériaux utilisés, le processus de fabrication et le temps. Diplômée du programme de design d'intérieur de l'Université Royale des BeauxArts de Phnom Penh, Kanitha a découvert il y a plus de dix ans, à l'école, le fil d'acier.
Le décrivant comme un « matériau insignifiant dont la fonction première est de soutenir les autres », elle a commencé à expérimenter puis à transformer lentement les associations artisanales et industrielles qui lui sont traditionnellement accolées. Le processus créatif de Kanitha est une négociation laborieuse menée physiquement, conceptuellement et métaphoriquement avec ce matériau. Après avoir déroulé son fil, elle travaille à travers les enchevêtrements naturels, enroulés à la main autour d'une fine cheville en cuivre pour accumuler de grandes longueurs de modules hélicoïdaux. Similaires à un ressort, les longueurs flexibles se détendent et se compressent ; s'emboîtant lorsqu'elles sont enroulées l'une à l'autre. Kanitha ne considère une œuvre sculpturale achevée que lorsqu'elle « peut respirer à sa façon ». Les œuvres de l'artiste ont été exposées à l'international, les plus récentes étant les expositions collectives. Le paysage après coup, Centre d'art contemporain Faux Mouvement, Metz, France (2018) et SUNSHOWER : l'Art de l'Asie du Sud-Est de 1980 à aujourd'hui, Mori Art Museum, Tokyo, Japon (2017). L'IFC prévoit une exposition avec Kanitha pour 2019. Images avec l'aimable autorisation de l'artiste et SA SA BASSAC. Crédit Photos : PrumEro
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PA R C O U R S
Eloi Courcoux, la volonté
d’entreprendre
texte et photographie Christophe Gargiulo
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loi Courcoux, 47 ans, est le PDG de Meas Development Holding, un groupe familial cambodgien qui emploie aujourd’hui environ 1400 personnes, et qui opère dans plusieurs secteurs de la restauration allant du collectif à la concession de marques. Après une carrière plutôt brillante chez Disney, Eloi, ses trois enfants et son épouse d’origine cambodgienne s’installent dans le Royaume en 2014 pour développer le petit empire familial qui, aujourd’hui s’étend en Malaisie, au Myanmar et affiche des ambitions vers d’autres pays de l’Asie. Parcours d’un jeune dirigeant façon Europe-USA devenu entrepreneur d’Asie. «…Vous avez une heure, pas plus…» lance Eloi avant de s’asseoir à l’une des tables du restaurant La Terrazza pour un entretien au cours duquel le quadragénaire élégant et pressé raconte un parcours pas si classique que cela…
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CM : Parlez-nous de vos premières années, de votre formation Je suis né en province, j’ai ensuite grandi à Rouen et je suis parti à Paris alors que j’étais en sixième et j’y ai suivi toute ma scolarité. J’étais dans une fratrie de quatre enfants, j’étais le troisième. Il y avait un vrai esprit de famille. Nous avions des parents qui nous ont donné envie d’entreprendre. J’ai grandi en France, sans avoir forcément les moyens de voyager à travers le monde. Mais, dès mes 18 ans, je me suis dit que le monde était ouvert et que tout était possible. J’ai d’abord suivi un cursus en Economie et Finances à l’Université Paris Nanterre. En 1997, je suis parti aux USA préparer un Master en management à la Stony Brook University de New York. C’est là où j’ai rencontré mon épouse d’origine cambodgienne, Anne-Sarine. Nous sommes revenus en France tous les deux et j’ai ensuite préparé un Master en marketing, étude et stratégie à Sciences Po Paris de 1995 à 1997. Après mon séjour américain, je n’avais qu’un Master en fait, l’expérience américaine n’était pas vraiment reconnue en France. Cela m’intéressait de prolonger avec une institution comme Sciences Po, mais avec une orientation marketing et stratégie. CM : Pourquoi les USA ? J’ai rapidement eu envie d’étudier à l’étranger, de faire des stages, de travailler ensuite à l’étranger. J’avais toujours envie d’aller plus loin que la porte d’à côté. Ce qui m’a animé dans ma vie et ma jeunesse, c’était de me dire : ok, j’entreprends ! En 2006, alors que j’étais chez Disney, j’ai choisi de préparer un autre diplôme en business et management : un MBA à L’IMD Business School de Lausanne.
CM : Pourquoi avoir choisi ce type de formation ? J’ai préféré me forger moi-même un parcours, plutôt que d’avoir un chemin plus traditionnel. En fait, quand j’ai passé mon bac, je souhaitais plutôt entamer un parcours peut-être plus laborieux mais plus autonome, plus autodidacte si je puis dire. Cela a été un peu le même type de cheminement dans ma carrière professionnelle. Dans ma vie, je fais des rencontres, je fais également des choix qui me permettent d’avancer. Par exemple, aux USA, la rencontre avec mon épouse en 1995 a été déterminante. CM : Parlez-nous de votre carrière professionnelle justement… En 1997, j'ai rejoint l’Oréal en Espagne, c’était mon premier job. Ensuite, je suis rentré en France pour travailler chez Disney. J’étais basé à Paris mais je voulais travailler à l’international. J’avais la responsabilité de budgets au niveau européen. La France ne représentait que 45 % du budget. Disneyland Paris a été une vraie école de la vie. À la fois parce que ma vie changeait, je me suis marié, nous commencions à avoir des enfants, et aussi parce que c’était un univers assez magique. Je suis resté chez Disney pendant quinze ans. Ensuite,
j’ai eu envie de mieux comprendre le coté opérationnel de l’entreprise, c’est pour cela que j’ai préparé un MBA. Quand je suis revenu, j’ai pris la direction d’une petite Business Unit qui s’occupait de l’activité évènementielle et des grands séminaires de Disney. Nous faisions 1 000 évènements par an, avec 20 à 25 000 personnes, dans les parcs, dans les hôtels etc. C’était en 2006, j’avais 35 ans. J’avais 150 personnes sous ma responsabilité. Ce fut une expérience intense, avec parfois des grands moments de solitude face à la pression. CM : Comment affronte-t-on cette pression ? Avec la quête d’une vie équilibrée, j’ai la chance d’avoir une famille, avec trois enfants qui grandissent bien. On s’entraide beaucoup, on s’aime beaucoup. Cela a été un bon moyen pour moi de compenser la charge de travail. Je n’étais pas seul non plus, il y avait une bonne équipe chez Disney. CM : Disney n’est pas trop américain pour un cadre français ? C’était très américain, mais géré par des européens. C’était une vraie ouverture culturelle. Je travaillais avec beaucoup de nationalités différentes. À l’ouverture, le modèle était importé des USA. Moi,
je suis arrivé dans la deuxième génération beaucoup plus franco-européenne. La maison-mère avait décidé de laisser la main aux Européens. Et nous avions des patrons français. Nous avons pu développer des produits, des animations et des évènements plus en phase avec les demandes du public européen. CM : Comment êtes-vous arrivé au Cambodge ? J’avais une carrière satisfaisante chez Disney. Puis, mon beau-père est décédé à 69 ans en 2013. Les 7-8 années avant sa mort, il avait énormément entrepris au Cambodge, principalement dans la restauration. Tous ces projets se sont alors retrouvés sans leader. Mon épouse et moi-même avons pris la décision de venir reprendre l’entreprise familiale. C’était un petit empire mais il y avait un travail de consolidation et d’intégration à faire. Nous sommes arrivés en août 2014. CM : Etiez-vous préparé ? Nous avions imaginé venir au Cambodge plusieurs fois car, nos enfants étant métis cambodgiens, leurs origines étaient aussi là-bas. La vie confortable parisienne avait du bon, mais c’était bien de voir autre chose. L'occasion de venir s’installer ne s’était jamais vraiment présentée. C’était un moment plein de tristesse et d’incertitude mais, en concertation avec mon épouse et les membres de ma belle-famille, nous avons décidé de continuer le projet de mon beau-père. Il avait déjà mille employés et nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas laisser tomber. Malgré la complexité de devoir travailler en famille, nous avons finalement décidé de venir nous installer. CM : Connaissiez-vous le Cambodge auparavant ? Depuis 1999, nous venions souvent en vacances mais je ne connaissais pas vraiment bien le pays. Nous avions plaisir à venir, à amener nos enfants. Nous étions attachés à ce pays. Vivre avec quelqu’un d’origine cambodgienne m’avait un peu aidé à comprendre les comportements, les coutumes et la culture. CM : Comment votre décision a-telle été perçue ? Les partenaires du groupe, dans leur ensemble, ont apprécié notre arrivée. Les équipes de cambodgiens se sont sentis rassurées. Ils se sont tous rapidement sentis intégrés dans ce projet familial. Nous avons décidé avec mon épouse www.cambodgemag.com
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J’aime la liberté et la capacité d’entreprendre. J’aime la possibilité d’aider et de se sentir utile “
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que l’entreprise devait rester familiale. Nous avons eu des moments difficiles, mais il y a eu beaucoup de victoires. Il était important de consolider l'équipe existante. Finalement, cela s’est très vite bien passé. CM : Quelles étaient et quelles sont les activités du groupe ? Le groupe opérait dans plusieurs domaines. Le cœur de l’activité était dans la restauration. Nous nous sommes recentrés sur cette activité. Notre particularité est que nous ne sommes pas uniquement des restaurateurs en ville, nous sommes multi-secteurs. Nous avons une production importante en termes de viennoiseries, de pains, de glaces. Nous avons deux centrales de production ici au Cambodge. Nous faisons également de la restauration collective, dans les usines, les entreprises, les écoles et les hôtels. Avec une trentaine de clients, nous faisons plus de vingt mille repas par jour. Troisième axe de restauration, nous exploitons à présent des concessions, principalement avec les aéroports. Nous sommes concessionnaires principaux de Cambodia Airports. D’une offre très limitée au départ, nous sommes aussi devenus un groupe gestionnaire de marques et de concepts de restauration. Pour la restauration en ville, nous avons lancé les restaurants chinois, puis les restaurants italiens. Le groupe a racheté en 2009 le concept Blue Pumpkin. Nous avons aussi investi dans deux licences internationales, Hard Rock Café et Yoshinoya, une marque japonaise. Aujourd’hui, nous avons regroupé les activités par pôle. Nous travaillons sur le développement à l’international, nous sommes à Mandalay Airport au Myanmar et nous souhaitons étendre notre présence dans les autres aéroports en Asie. Nous sommes aussi présents en Malaisie. Il y a beaucoup d’axes de développement auxquels nous réfléchissons aujourd’hui. CM : Et aujourd’hui, comment se passe une journée chez Meas Development ? Nous nous sommes rendu compte que, tout compris nous avions plus de 70 établissements. Il y en a qui marchent très bien, d’autres moins. C’est un travail quotidien que de garder une vision sur le long terme. Vers l’interne, il y a un travail d’équipe important. Nos équipes se sentent missionnées, responsables et
il est important et rassurant d’avoir ce pouvoir de déléguer pour qu’ils puissent entreprendre. À l’externe, il faut toujours être à l’écoute de ce qui passe dans notre secteur, de nos concurrents, de nos clients. La réorganisation - consolidation fonctionne bien. Nos sociétés sont en règle. Nous sommes aujourd’hui vraiment fiers de notre business. Oui, je vais beaucoup sur le terrain, à Phnom Penh bien sûr, à Siem Reap et un peu plus maintenant à Sihanoukville. Le terrain, c’est aussi la chaine de production, les restaurants, les clients de la restauration collective, les aéroports. CM : Qu’est-ce qui vous plait au Cambodge ? J'aime la liberté et la capacité d’entreprendre. J'aime la possibilité d’aider et de se sentir utile. Notre civilisation européenne a un peu perdu le sens de l'entraide. Nous demandons à nos équipes de s’épanouir, de réussir leur propre vie. J’ai aussi, à titre personnel, la possibilité de découvrir l’Asie et je la connaissais peu auparavant. Nous faisons beaucoup de voyages en famille. Il est intéressant aussi de voir que le pays se développe. Globalement, le Cambodge est tout de même tiré vers le haut. Il faut voir le côté positif de ce qui se passe. Toutefois, il faut rester prêt à s’adapter, le pays va encore évoluer et nous ne sommes pas maîtres de cette évolution.
Meas Development Holding est un groupe familial, qui possède, gère et exploite des marques alimentaires dans 4 secteurs : Concessions aéroportuaires (EMCAT / Sajibumi), restauration collective (Restauration Hagar), B2C Restaurants et Cafés (Blue Pumpkin, Emperors of China, Dim Sum Emperors, Terrazza, Yoshinoya et Hard Rock Café) et des services B2B pour l'industrie hôtelière au Cambodge. Eloi Courcoux est aussi Directeur d'EMCAT (Singapour), une société qui exploite aujourd'hui une cinquantaine de magasins dans neuf aéroports au Cambodge, en Malaisie, à Singapour et au Laos. EMCAT exploite des marques internationales bien connues comme Starbucks ou Burger King et des marques créés localement.
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Martin et Pierre-Antoine, fondateurs d'Aniwaa. Crédit photo Martin Lansard
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niwaa
par Jean-Benoît Lasselin
Né en 2012 puis lancé en 2013, Aniwaa est aujourd’hui le plus gros comparateur d’imprimante 3D du web. Trois questions à l’un des associés-fondateurs, Martin Lansard. Site Web www.aniwaa.com
CM : Martin, tout d’abord, que veut dire Aniwaa ? Dans le Japon ancien, les haniwas étaient des figurines funéraires en terre cuite, destinées à être enterrées avec les défunts. On en a retrouvé sur de nombreuses tombes de la période des Kofun (III e et IVe siècle). Ces figurines étaient fabriquées selon la technique du wasumi, qui consiste à empiler des rouleaux de terre cuite les uns sur les autres, pour construire la statuette par strates. Ce principe d’empilement de couches de matière est similaire à celui utilisé en impression 3D. Le mot « haniwa » nous a plu, mais comme le domaine internet haniwa.com n’était pas disponible, nous l’avons un peu modifié et sommes arrivés à Aniwaa ! CM : D’où vient l’idée de ce comparateur ? Pierre-Antoine et moi partagions la même passion pour technologie, de l’impression 3D. Au départ, c’était un simple projet
personnel sur lequel nous travaillions le soir et le week-end. Une première version anglophone est lancée en juin 2013, puis une seconde après des retours positifs de visiteurs. Nous avons ensuite décidé de lancer une version française quelques mois plus tard. CM : Comment le projet a-t-il évolué ? En 2014, nous avons décidé de nous y consacrer à plein temps. J’ai quitté ma vie confortable à New York où je travaillais pour Google pour m’installer à Phnom Penh. Après, tout s’est accéléré : le site devient la référence mondiale dans le secteur de l'impression 3D. L'équipe s'étoffe et s'ancre au Cambodge au sein de l'incubateur Confluences, et puis Aniwaa a attiré l'attention d'investisseurs spécialisés dans le secteur. Là, nous venons de terminer une première levée de fond cette année afin d'accélérer la croissance du projet notamment en s’intéressant à d’autres technologies émergentes comme la réalité virtuelle. www.cambodgemag.com
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ÉCONOMIE
Le Cambodge en lutte contre la contrefaçon et les importations parallèles par Christophe Gargiulo crédit photos CG et Cambodian Counter Counterfeit Committee
En parcourant les marchés populaires du Cambodge et des pays voisins, la
tentation est grande de s’offrir quelques produits de grandes marques à des prix défiant toute concurrence. Des paires de Ray-Ban à 8 dollars US, des Reebok à moins de 20 dollars, des produits Adidas à 15 % de leur valeur, des Rolex et autres montres de luxe à moins de 15 dollars, ce sont plusieurs dizaines de marques françaises, européennes, américaines et même asiatiques ou locales, proposées sur les étals des marchés cambodgiens ou en ligne. Ne pas s’y méprendre, les groupes de luxe ne liquident pas leurs stocks. Ce sont tout simplement des contrefaçons proposées à la vente. A ce fléau, pour lequel les experts prédisent encore et malheureusement de belles années, s’ajoute le marché des importations parallèles qui affecte essentiellement le secteur automobile au Cambodge. Si ce type d’achat peut sembler anodin à l’échelle individuelle, le marché des copies se révèle une véritable peste pour l’économie mondiale, présente un risque non négligeable pour la santé des consommateurs, et devient un énorme fardeau en termes de pertes de revenus et d’emplois pour les économies locales. 14
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TENDANCE MONDIALE La tendance mondiale en matière de contrefaçon et de piratage devrait s'accroître au cours de la décennie. Selon les chiffres de l'International Trademark Association (INTA), la valeur économique globale de la contrefaçon et du piratage, évaluée aux alentours de 1,8 billions de dollars annuellement, pourrait atteindre 2,3 billions de dollars US d'ici 2022. Les coûts sociaux, d'investissement et d'application de la loi pourraient porter le total à 4,2 billions de dollars, affectant environ 5,4 millions d'emplois légitimes chaque année. Les experts indiquent que si la contrefaçon et la fraude font hélas partie de la vie commerciale, le rythme accéléré du commerce des contrefaçons est une conséquence directe de la mondialisation des affaires et des facilités et manques de contrôles propres au commerce en ligne. ASIE DE L’EST, INDE ET CHINE L'ONUDC et l'Organisation Mondiale des Douanes estiment que 75 % des produits de contrefaçon saisis dans le monde sont fabriqués en Asie de l'Est, principalement
Fabrique de cosmétiques contrefaits au Cambodge avec, à l’évidence, peu de considération pour les normes d’hygiène, et donc de sérieux risques pour la santé du consommateur
en Chine, qui reste le pays au cœur de la production de produits contrefaits, des vêtements à l'électronique, en passant par les faux médicaments et les cosmétiques à risque. Le faussaire chinois est maintenant capable de copier le meilleur emballage, il pose même des hologrammes sur certains produits pour créer l'aura de l'authenticité. L'Inde et la Chine sont les principales sources de médicaments frauduleux, la Chine étant le principal point de départ de près de 60 % des produits médicaux contrefaits saisis dans le monde. Mais, alors même que l’empire du milieu prend des
mesures pour réprimer les médicaments contrefaits, les productions ont tendance à se déplacer ailleurs, en Corée du Nord, au Myanmar et au Vietnam, favorisant ainsi l’écoulement des produits contrefaits vers les pays voisins, dont le Cambodge. CAMBODGE Au Cambodge, où le principal problème de santé demeure la contrefaçon de médicaments et de produits de beauté, le Ministère de l'Intérieur a récemment annoncé la fermeture de plus de soixante pharmacies illégales, la saisie de plusieurs dizaines de tonnes de faux médicaments et cosmétiques, ainsi que des mesures visant à réduire la production de fausse monnaie, toujours active dans ce pays encore très dollarisé, à réduire les importations de produits contrefaits et le non-respect des marques originales. En effet, le pays du sourire est aussi victime du piratage de ses propres produits à succès officiellement reconnus (Indication Géographique) comme le poivre de Kampot ou le sucre de palme. L'adhésion du Cambodge en 2004 à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a suscité l'adoption d'un nombre de lois concernant la propriété intellectuelle, mais cela s’est avéré insuffisant à l’époque. COMBATTRE LES CONTREFAÇONS AU CAMBODGE Alors conscientes qu'il faudrait de nombreuses années avant que le Cambodge se conforme pleinement au cadre de l'OMC, et aussi en raison des difficultés d’application des lois sur la propriété intellectuelle, les autorités ont décidé de renforcer le cadre légal et institutionnel pour combattre les contrefaçons. Le Cambodian Counter Counterfeit Committee – Comité contre les contrefaçons au Cambodge (CCCC) a été créé en 2014. « Le CCCC entend lutter contre tous les types de produits contrefaits nuisibles à la santé et à la sécurité sanitaire dans le Royaume », indique son objet social. Le CCCC comprend des représentants de 14 ministères et bénéficie du soutien de plusieurs institutions internationales spécialisées, pour l'échange d'expériences et le partage d'informations en matière de lutte contre la contrefaçon.
Lieutenant Général Sophana Meach, Sous-secrétaire d’état au Ministère de l’intérieur et Président du CCCC
« L’origine de la création du CCCC réside dans la prise de conscience par le gouvernement cambodgien que les ministères compétents et d'autres institutions étatiques pourraient ne pas être idéalement structurés et ciblés pour combattre le commerce des contrefaçons, d'autant plus que ce commerce illicite est susceptible d’affecter gravement la santé et la sécurité de nos concitoyens », expliquait Sophana Meach, Président du CCCC lors du premier forum sur les droits de la propriété intellectuelle organisé par Eurocham en février dernier. « En protégeant le public contre les marchandises dangereuses, en particulier dans le secteur des médicaments, cosmétiques et aliments, nous protégeons les intérêts des entreprises honnêtes, des propriétaires de marques et des détenteurs de licence », ajoutait le président devant une assemblée de plus de 400 personnes, chefs d’entreprises, spécialistes de la lutte contre la contrefaçon et représentants ministériels. Vrai que depuis sa création, les hommes du CCCC multiplient des raids très médiatisés contre les officines illégales, saisissent et brûlent des quantités impressionnantes, plusieurs centaines
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Le Ministère de l'Intérieur a récemment annoncé la fermeture de plus de soixante pharmacies illégales “
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ÉCONOMIE
de tonnes de produits contrefaits, en public et sous l’œil des caméras. « Le CCCC a réussi à lancer un avertissement très sérieux vers les contrefacteurs et les importateurs illégaux au sujet de la gravité de leurs crimes. Nous tentons aussi de sensibiliser le public aux dangers et aux risques pour leur santé s’ils utilisent des médicaments non autorisés ou des produits cosmétiques contrefaits », indiquait Sophana Meach, ajoutant que : « … Ces marchandises ont été accumulées à la suite de raids et de saisies antérieurs. Des quantités plus importantes sont destinées à la destruction mais doivent attendre le verdict f inal des tribunaux. Ces démonstrations publiques de la destruction de ces copies servent à montrer que le gouvernement prend au sérieux le fait de se débarrasser de produits nocifs et de mettre f in aux activités des contrefacteurs. Ces raids sont le résultat d'une combinaison de travail de renseignement, d'enquête et de plaintes du public et des propriétaires de marques ». IMPORTS PARALLÈLES ET « MARCHÉ GRIS » « Il y a environ 60 000 voitures vendues chaque année au Cambodge, mais 90 % de ces véhicules sont des voitures d'occasion provenant du marché gris, un marché des importations, de véhicules de seconde main parfois reconditionnés, qui ne s’embarrasse pas du respect des droits de représentation des marques. Cela ne laisse donc que 10 % du marché des voitures neuves, ce qui rend celuici très étroit », déclarait Michael Vetter, PDG de Porsche Cambodia et Président du comité automobile d’Eurocham lors du forum Eurocham de février. Les concessionnaires automobiles officiels doivent payer un droit d'importation de 35 %, une taxe spéciale de 60 à 65 % et une taxe sur la valeur ajoutée de 10 %. La majoration du prix d'un véhicule est donc supérieure de plus de 100 % par rapport à sa valeur marchande dans son pays d’origine. Ainsi, lorsque des concessionnaires non autorisés ne respectent pas les lois et importent sans droit de licence, la concurrence n'est pas équitable. « Ajoutez à cela les problèmes de sécurité, les réparations ne sont pas effectuées par des représentants officiels de la marque et il arrive que des pièces défectueuses soient utilisées, cela représente un risque pour le conducteur… notre industrie doit faire face 16
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aux problèmes de taxes trop élevées et à la présence de ce marché gris qui, en sus de tuer la concurrence, pose de sérieux problèmes de sécurité », indiquait Michael Vetter. Le marché automobile n’est pas le seul à souffrir des importations parallèles. Les producteurs locaux de boisson, les importateurs autorises de cosmétiques et de médicaments se plaignent également des pratiques des importateurs non-autorises qui stockent ou acheminent leurs produits dans des conteneurs humides, dégradant ainsi très sensiblement la qualité des marchandises, d’où un nouveau risque pour le consommateur. INTENSIFIER LA LUTTE AU CAMBODGE « Notre appel au monde des affaires dans le royaume a donné lieu à des protocoles d'entente avec les chambres de commerce et les grandes entreprises pour des stratégies communes et le soutien de nos efforts. Nous avons réussi à réprimer certaines grandes
Plusieurs tonnes de faux café saisies par le CCCC avant d’être brûlées
opérations de contrefaçon et à poursuivre les auteurs devant les tribunaux… Nous sommes déterminés à utiliser notre autorité pour lutter contre les contrefaçons et les importations parallèles avec une efficacité toujours plus grande. Cela signifie intensifier le travail d'enquête, et accroître nos compétences. Notre objectif ultime est de voir une diminution spectaculaire des décès ou blessures causés par objets ou produits contrefaits et une augmentation signif icative des poursuites contre les criminels de ces réseaux », déclarait Sophana Meach, toutefois conscient de la difficulté de ces grandes ambitions. Grâce à la prolifération des médias sociaux et à la disponibilité de plates-formes de négociation de plus en plus simples d’accès et d’utilisation, le commerce en ligne de produits de contrefaçon
EN CHIFFRES
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Chaque année, plus de 5 millions d'articles contrefaits sont saisis par les douanes françaises. Les vêtements et accessoires d'habillement (ceintures, gants, cravates…) représentent un quart de ces saisies. Suivent les accessoires personnels (bijoux, sacs, lunettes…), puis les jouets et jeux électroniques. Premier forum sur les droits de la propriété intellectuelle organisé par Eurocham
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Nous sommes déterminés à utiliser notre autorité pour lutter contre les contrefaçons et les importations parallèles avec une efficacité toujours plus grande "
Les revenus nets du commerce illicite par secteur en dollars US, dans le monde :
Commerce de contrefaçons : 460 milliards Trafic de drogue : 320 milliards Trafic humain : 150 milliards Contrebande de tabac : 40 milliards Commerce d’animaux : entre 8 et 20 milliards Trafic d’or : 2,3 milliards Trafic de diamants : 900 millions Source OECD
a considérablement augmenté et représente un nouveau défi majeur. Sur le terrain, le CCCC fait encore face à de nombreux challenges avec des équipes en sous-effectif et un manque de ressources financières alors qu’il y a une demande croissante en termes d’équipements et de formation. Toutefois, un développement prometteur s’annonce avec un accord de coopération avec une société française spécialisée dans la cybercriminalité, qui devrait se concrétiser dans les prochains mois. ECONOMIE SOUTERRAINE S’agissant d'une activité clandestine, il est très difficile d'obtenir des statistiques précises sur la contrefaçon et les imports parallèles au Cambodge. D’après une étude des cabinets SCHMITT & ORLOV et HELENE & ASSOCIATES, 52 % des
produits textiles, DVD, alcools, produits pharmaceutiques et cosmétiques seraient des contrefaçons. À savoir également que les prévisions globales pour les prochaines années donnent le vertige. Alors que ce commerce illicite représente environ 5 % de l’économie mondiale, il faut s’attendre à voir le volume des transactions passer de 1,13 à 2,81 billions de dollars en dix ans. Les produits contrefaits et piratés mettent en péril la santé et la sécurité des consommateurs et privent les gouvernements, les entreprises et les collectivités de recettes fiscales, de profits et d'emplois légitimes. D’autres préoccupations voient le jour chez les autorités alors que le commerce de contrefaçons n’est pas souvent la seule occupation d’un groupe criminel. Cette activité est souvent associée au trafic de drogue, au trafic d’êtres humains et au terrorisme.
Quel risque lorsque l'on se fait prendre avec une contrefaçon ? Potentiellement, les sanctions peuvent être très lourdes en France. En plus de la saisie des biens contrefaits et des objets ou moyens de transports ayant servi à les dissimuler, le contrevenant risque une amende comprise entre une et deux fois la valeur de l'objet authentique. Il encourt aussi des sanctions pénales, pouvant aller jusqu'à 300 000 euros d'amende et 3 ans d'emprisonnement. Toutefois, pour les petites infractions, les douaniers règlent généralement l'affaire à l'amiable, moyennant la confiscation des marchandises et le paiement d'une amende, dont le montant peut varier suivant l'ampleur de la fraude et la bonne foi ou non des intéressés.
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BANQUE
La BRED Bank Cambodia
étend son réseau et son offre à la clientèle sur le boulevard Mao Tsé Toung cette année. Viendrons ensuite Battambang et Sihanoukville. Nous sommes satisfaits aussi d’être la seule banque européenne au Cambodge, cela nous donne un grand avantage au niveau des standards et des produits que nous pouvons proposer aux clients. Nous nous positionnons aujourd’hui comme une banque généraliste. Nous avons beaucoup travaillé avec les entreprises au début mais notre clientèle de particuliers augmente très sensiblement. Les chiffres de janvier et février de cette année sont très positifs dans ce sens.
Guillaume Perdon, Directeur de la BRED Bank Cambodia. Crédit photo CG
Propos recueillis par Christophe Gargiulo et LyEang Teav.
la
BRED Bank Cambodia, filiale de la BRED Banque Populaire SA, a ouvert ses portes au Cambodge le 02 mars 2017 exactement. Première banque européenne au Cambodge, la BRED Bank Cambodia (1) affiche aujourd’hui des résultats plus qu’encourageants et entend développer sa gamme de produits à destination de la clientèle des particuliers (retail). L'établissement souhaite également vouloir développer son réseau d’agences à travers le Royaume. À l’occasion de ce premier anniversaire, Cambodge Mag s’est entretenu avec Guillaume Perdon, Directeur de la BRED Bank Cambodia. CM : Après un an de fonctionnement au Cambodge, comment se porte la BRED Bank Cambodia ? Nous sommes très contents de cette première année, nous avons des résultats très positifs. Nous allons nous développer géographiquement. Nous avons le projet d’ouvrir une branche à Toul Kork et à Siem Reap. Cela va se réaliser dans les mois à venir. Dans Phnom Penh, nous allons également ouvrir une branche
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CAMBODGEMAG | Mars 2018
CM : Comment vous différencieriezvous de la concurrence, qu’est ce qui rend la BRED Bank Cambodia attractive ? Nous représentons l’avantage d’être reliés à une grande banque internationale, nous offrons un package World pour la clientèle française. Nous proposons des tarifs de transferts entre la France et le Cambodge à des tarifs imbattables : 0,05 %. La qualité de nos services nous rend aussi attractifs. La qualité est un axe stratégique qui nous différencie de la concurrence. Cela s'oriente autour de trois axes ; le premier est la rapidité de nos décisions en matière de crédit. C’est une approche assez novatrice localement. Deuxièmement, nous offrons une certaine flexibilité et aussi une certaine transparence en termes de tarification. Et, enfin, sur les trois segments principaux, clientèle de particuliers, PPME et grandes entreprises, honnêtement, notre offre de service est plutôt complète. Pour la clientèle de particuliers, même si nous n’avons pas encore ouvert nos agences, nous proposons déjà un large éventail de produits. Nous avons des produits d’épargne classique, mais aussi des produits assez nouveaux sur le marché, du type Epargne-Logement, mais qui s’adresse à tous types de projets à terme comme
financer les études des enfants, acheter une voiture, préparer un financement immobilier par exemple. Nous offrons également toute la gamme de produits classiques pour les particuliers y compris des produits que nous appelons crédit projet pour certains financements. CM : Vous parlez de rapidité de décision, comptez-vous vous orienter vers le scoring (2) ? Oui, nous avons déjà mis en place une méthode similaire. Depuis un an que nous sommes ouverts, nous avons accumulé un certain nombre de données et d’enseignements qui nous pousse à aller dans le sens d’un vrai scoring de décision. Cela permet d’accélérer le traitement d’une demande de crédit. CM : Comment définiriez-vous vos prochaines orientations dans l’approche de la clientèle ? N’ayant qu’une agence pour la première année d’ouverture, nous nous sommes évidemment focalisé sur la clientèle d’entreprise. Mais, comme je l’ai déjà annoncé, notre clientèle de particuliers se développe et nous allons améliorer l’offre de produits et la proximité. L’année prochaine nous allons ouvrir un réseau et mettre également en place des solutions de paiement électronique, de paiement par mobile etc. Nous étendons notre réseau physique, et souhaitons aussi développer la banque à distance. Nous avons déjà une application mobile et une solution « Internet Banking ». Nous irons plus loin dans les prochains mois. CM : Comment-vous positionnezvous en termes de rémunération des dépôts et en termes d’offre de crédit ? Nos conditions de taux pour les rémunérations des dépôts à terme sont plutôt attractives. Etant filiale d’une banque internationale, nous présentons aussi un coté sécurisant qui n’existe peut-être pas chez d’autres établissements locaux. Concernant les taux de crédit, nous sommes plutôt bien positionnés pour les crédits immobiliers et les crédits aux entreprises. C’est une activité que nous pourrons développer aussi grâce à notre futur réseau d’agences. Nous développerons le crédit mais en suivant
les stratégies des banques internationales, c’est-à-dire en privilégiant l’équilibre avec les dépôts, qui doivent financer localement les crédits. CM : Quels sont vos challenges les plus « prioritaires » ? Nous allons ouvrir cinq à six agences cette année, nous en avons deux qui sont en préparation pour le mois de mai. Et nous pensons continuer ce rythme d’ouverture les prochaines années, y compris en province. D’ici la fin de l’année nous lancerons les solutions mobiles, ce seront des produits assez novateurs. Des produits de ce type existent déjà localement mais nous voulons que nos clients soient en interconnexion avec ces solutions mobiles et qu’ils n’aient pas besoin de multiplier les ouvertures de compte. En interne, nous allons avoir un gros challenge à l’embauche. Aujourd’hui, nous sommes 92 et la taille de la banque est appelée à doubler d’ici la fin de l’année. Le recrutement et la formation constituent donc aussi une priorité.
permet de partager le risque sur certains dossiers. Nous avons déjà monté quelques dossiers avec cette option. Cela a un intérêt, il est possible ainsi de financer des projets sur lesquels nous ne nous serions pas forcément positionnés, tels des créations ou des projets de développement avec des bons business plan mais pour lesquels les promoteurs n’ont pas forcément assez de garanties.
BRED Bank Cambodia est une filiale de la BRED
(1)
Banque Populaire, membre du groupe BPCE, 2e groupe bancaire en France, qui sert plus de 31,2 millions de clients, emploie plus de 100 000 personnes dans le monde et compte 9 millions de sociétaires. le scoring est une technique qui permet d'affecter
(2)
un score à un client ou prospect. Le score obtenu traduit la probabilité d’un emprunteur à honorer.
CM : Comment a été l’accueil de la BRED sur le marché local, quel type de clientèle avez-vous attiré en premier ? D’une façon générale, même si le marché est compétitif, nous avons bénéficié d’un bon accueil, y compris de la part des Cambodgiens en général, et de ceux qui ont un lien avec l'Europe ou avec la France. Pour l’instant, alors que nous n’avons qu’une agence, je dirais que la moitié de nos clients sont des expatriés et des cambodgiens francophones. L'autre moitié serait des hommes d’affaires locaux qui ont besoin de financements. Je pense que notre flexibilité et notre rapidité de décision sont des facteurs qui ont encouragé beaucoup d’hommes d’affaires cambodgiens à travailler avec nous. CM : Pour le financement d’entreprises, existe-t-il un Fonds de Garantie Interbancaire au Cambodge ? Il n’y en a pas localement, il n’existe pas de fonds de garantie interbancaire, mais il existe le même type de garantie en partenariat avec des institutions internationales. Nous travaillons avec l’Agence Française de Développement par exemple. Cela nous www.cambodgemag.com
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P H OTO G R A P H I E
LA PROVINCE DE SIEM REAP Jeune garçon d'un village de la province de Siem Reap se rendant à l'école un matin de mousson. photographie Christophe Gargiulo
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FOCUS
“
BESOIN DE CHANGEMENT
En 2013, après les élections, les
S.E Dr. Say Samal, Ministre de l'Environnement
Cambodgiens ont appelé au changement pour proposer de nouvelles orientations. Quand je suis arrivé au ministère, je me suis dit que pour changer les choses, il fallait changer la structure. C’est un énorme travail. De surcroît, en arrivant, je n’avais pas vraiment de soutien. Je suis jeune (37 ans), ils ne me connaissaient pas, j’ai senti qu’il fallait me faire accepter et gagner la confiance des collaborateurs du ministère. Et, cela fut un peu compliqué à l’époque. J’ai voulu créer une nouvelle organisation interne, je souhaitais mettre la structure du ministère en phase avec les nombreux challenges qui nous attendaient.
et la dynamique du changement
a
par Christophe Gargiulo
vec plus de dix ans d’expérience au sein du Gouvernement Royal et
un doctorat de l’École des Sciences Biologiques (Université Monash, Australie), Son Excellence le Dr. Say Samal est devenu ministre de l’Environnement en 2013. S.E Say Samal avait déjà occupé diverses responsabilités au sein du gouvernement royal : vice-président et secrétaire général de l’Autorité du Tonlé Sap, membre du Comité national du Cambodge pour le Mékong, puis secrétaire général adjoint du gouvernement royal. Avec Cambodge Mag, Le Dr. Say Samal expose sa vision d’un ministère de l’environnement, dynamique et novateur.
ENVIRONNEMENT Il y a deux cent ou trois cent ans,
les questions environnementales ne se posaient pas vraiment. Les communautés vivaient dans une espèce d’équilibre avec les ressources naturelles. Aujourd’hui, les choses ont changé et il est important d’assister les communautés vivant près des montagnes, des forêts ou des cours d’eau pour leur assurer des modes de subsistance. Il faut respecter l’héritage que nous ont laissé ces communautés. L'écotourisme par exemple est une activité qui commence à être positive pour ces communautés. Demander à ne plus couper les arbres et exploiter un minimum de ressources naturelles n’aurait pas de sens s’il n’y avait pas d’alternative. Il faut que la protection de la forêt soit aussi rentable pour les communautés.
Crédit photo CG
BESOIN DE FORMATION INTERNE
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J’ai créé un centre de formation sur les questions environnementale s
pour les collaborateurs du ministère. L'environnement couvre de nombreux sujets : la loi, la réglementation forestière, les ressources naturelles, les lois sur
l’exploitation des mines, les concessions, etc. Nos agents ont besoin de s’améliorer et, aussi, de changer leur état d’esprit. Ce n’est pas toujours facile et cela risque de prendre du temps. C’est la direction que je souhaite donner au sein du ministère. Nous envoyons aussi nos cadres faire des formations à l’étranger pour les familiariser avec des approches différentes.
local. Cela a-t-il résolu le problème ? Pas encore… Mais je peux assurer que nous travaillons beaucoup dans ce sens. C’est une priorité, notre tourisme va bien, et le secteur a besoin de villes propres.
RÉFORMER LE MINISTÈRE
surconsommation de sacs de ce type dans le royaume et les habitudes sont difficiles à changer. Le gouvernement légifère actuellement pour limiter le nombre de sacs en interdisant l’importation de plusieurs catégories de sacs en plastique.
Nous manquons de place et d’équipements, j’ai l’ambition de créer
un ministère de l’environnement avec plus de laboratoires, plus d’espaces et de nouveaux bâtiments. Je souhaite que nous soyons capables d’assurer nousmême nos propres missions sans faire appel à l’extérieur. Je parle de mesurer la pollution par exemple, de réaliser nos études d’impacts, nos propres analyses. Nous avons déjà acheté pas mal d’équipements sur notre propre budget cette année… Je souhaite également que la politique salariale du ministère soit équitable et que les recrutements locaux se fassent sur la base du mérite et des capacités… J'organise des cours de formation pour tous les fonctionnaires avant qu’ils ne soient promus à de nouveaux postes. Notre ministère coopère avec le ministère de la fonction publique pour cela. DÉCENTRALISER
J’envisage également de décentraliser
encore plus nos services, il est important que le ministère ait des bureaux en province pour pouvoir intervenir plus rapidement, et au plus près des besoins. Notre pays va s’orienter vers le développement industriel, et notre ministère doit être prêt à ce changement. Nous parlons alors de développement durable, de gestion de la pollution et du traitement des déchets industriels. Pour la gestion des déchets, nous avons délégué la responsabilité de cette activité au niveau
LE PLASTIQUE Nous avons aussi le problème des sacs en plastique. Il y a une
LES ÉTUDES D’IMPACT
Nous avons aussi des progrès à faire,
même si les choses se sont améliorées, dans les procédures concernant les EIA (Environnemental Impact Assessment). Un décret existe depuis 2009 mais les choses se sont réellement mises en place avec le sous-décret de 2014 qui oblige chaque projet de construction ou d’exploitation, privé ou public, à avoir fait l’objet d’une évaluation sur l’impact environnemental par notre ministère, avant d’être soumis au gouvernement. LES ZONES PROTÉGÉES
un début, mais un bon début… Nous avons aussi créé des corridors dans les zones frontalières et sur le Tonle Sap, ainsi que des zones marines protégées dans nos régions côtières et nos iles, sans compter les autres zones et sanctuaires dans les régions de : Koh Kong, Pursat, Kampong Speu, Ou Ya Dav, Samlaut... au total une soixantaine de zones protégées. Nous travaillons beaucoup auprès des autorités locales pour leur faire prendre conscience de l’importance d’une zone protégée, et des moyens à mettre en œuvre pour la protéger efficacement. Pour les communautés vivant près des zones protégées, nous encourageons la création d’activités d’écotourisme. Et, je peux citer plusieurs exemples de communautés qui se sont tournées vers l’écotourisme et pour qui cela fonctionne à présent très bien. EDUCATION En ce qui concerne l’éducation,
un domaine qui me tient à cœur, nous avons commencé à travailler avec les écoles. Je souhaite que nous progressions vers des Eco-school – Ecoles vertes, des établissements scolaires au sein desquels la conscience écologique et environnementale sera primordiale. CONCLUSION
Concernant les zones protégées,
je suis fier de ce que nous avons pu faire. Habituellement, ce sont les gouverneurs de province qui soumettent au gouvernement des propositions de parcs, de sanctuaires ou de zones à protéger. À présent, un simple citoyen, cambodgien ou étranger résident peut demander au gouvernement à ce qu’une zone soit protégée. Je peux citer l’exemple de plusieurs individus ou communautés qui ont fait part de leur souhait de protéger des zones, et qui ont obtenu un statut légal de protection. C’est une disposition unique, seulement
Globalement, je pense que le chemin est encore long, mais je suis
fier des quelques étapes parcourues. Je considère ma mission comme un investissement pour les générations à venir. Nous souhaitons tous un Cambodge prospère et un développement durable et harmonieux. Cela ne peut pas se faire en un tour de main. Le ministère a besoin de gens qualifiés pour mener à bien sa mission et c’est la raison pour laquelle j’attache tant d’importance à l’éducation et à la formation. www.cambodgemag.com
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ÉVÈNEMENT Le savoir-faire gastronomique français Crédit photo CG
Penh, participeront Le Bistrot (Stéphane Poulet), le Club Millésime du Sofitel (Benoît Leloup), Topaz (Sopheak Pov), Khéma Pasteur (Sivanthonn Sek), Khéma La Poste (Chanrotana Sun), Pépé Bistrot (Aude Moulard), Restaurant Le Royal de l’hôtel Raffles ( Joël Wilkinson), Open Wine (Frank Sampere) ; à Siem Reap, les afficionados pourront déguster le menu Goût de France au Mouhot’s Dream à l’hôtel Sofitel (Eric Berrigaud) et chez Le Grand à l’hôtel Raffles (Angela Brown).
GOÛT de
FRANCE Le plus grand dîner français du monde par Pascal Medeville Pour cet évènement 2018 qui se déroule sur cinq continents et dans plus de 150 pays, Goût de/Good France mobilise pour la 4ème année consécutive les ambassades de France à l’étranger et les chefs du monde entier. Tous proposeront, le même jour, le mercredi 21 mars 2018, des menus « à la française ». Pour cette 4ème édition, ce sont plus de 3 000 restaurants qui participeront à l’événement, dont 1 500 chefs d'ores et déjà inscrits en France. Alain Ducasse a souhaité que cette édition soit également l’occasion de rendre hommage à Paul Bocuse : les chefs participants auront la possibilité d'intégrer dans leur menu un plat du répertoire ou inspiré de l’ADN de la cuisine de Paul Bocuse.
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Pour la quatrième année consécutive,
le 21 mars 2018, la France, à l’initiative du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères et avec l’aide des ambassades de France dans le monde, organise une journée internationale destinée à célébrer la gastronomie française : Goût de France (Good France). Ces agapes mondiales contribuent au rayonnement de la cuisine française sur les cinq continents. Véritable trait d’union entre les maître-queux qui contribuent ainsi de façon magistrale au renforcement du « soft-power » de la France, elles sont l’occasion de célébrer dans le monde entier cet art culinaire si envié.
Le succès de l’évènement est indéniable :
en 2017, plus de 2100 restaurants répartis dans plus de 150 pays avaient servi 250 000 menus. La règle fixée pour l’édition 2018 est relativement simple : proposer aux convives un repas français traditionnel, avec un « apéritif généreux, une entrée, un ou plusieurs plats, fromage et/ou dessert, accompagnés de vins et de champagnes français », dixit le site officiel Goût de France (www.goodfrance.com). Au Cambodge, l’an dernier, six établissements avaient participé à cette journée d’exception. Pour l’édition 2018, le nombre de ceux qui ont décidé de se joindre à l’évènement est porté à dix (entre parenthèses, les noms des chefs) : à Phnom
Les acteurs du secteur de la restauration française au Cambodge avaient, dès la
première année, saisi l’occasion de cette grand-messe gourmande pour créer le comité « Good France Cambodia » au sein de la CCIFC. Ce comité, présidé cette année encore par Frank Sampere, le talentueux chef et co-propriétaire du restaurant Open Wine, mobilise les professionnels des métiers de bouche du Cambodge pour œuvrer à la promotion de la gastronomie française. Pendant toute la semaine du 21 mars 2018, les restaurants participants, solidement épaulés par leurs fournisseurs - bouchers, boulangers, pâtissiers, glaciers, cavistes -, proposeront ainsi à leurs clients des menus concoctés avec passion. Les membres du comité sont : Bonbon, Le Bouchon, Comme à la maison, Khéma, Raffles Phnom Penh, Sofitel Phnom Penh, Topaz, La Pergola, Le Vôtre et Open Wine. L’année dernière, cette célébration avait suscité auprès de tous les amateurs de bonne chère un véritable engouement. Il est à ne pas douter que Goût de France 2018 rencontrera un succès encore éclatant !
I N I T I AT I V E
Wee Tang Yee, directeur pays de Grab et Hooi Ling Tan, co-fondatrice. Crédit photo Christophe Gargiulo
Grab, sécurité, analyse et social par La Rédaction
GRAB EN QUELQUES MOTS Fondée en 2011 par Hooi Ling Tan et Anthony Tan, Grab a développé une application de réservation de taxis initialement baptisée GrabTaxi, la start-up basée à Singapour a changé de nom en janvier 2017 pour devenir simplement Grab. Cette modification a été accompagnée du lancement d’une nouvelle offre de services de transport. Grab a ainsi intégré à sa plateforme les VTC (GrabCar), les motos-taxis (GrabBike), le covoiturage (GrabHitch) et la livraison (GrabExpress). Le service de covoiturage et de taxi sur demande de l’Asie du Sud-Est pourrait atteindre 13 milliards de dollars d’ici 2025, avec 29 millions d’usagers mensuels, une hausse de 18 % par an. Il y aujourd’hui environ 500 « conducteurs Grab » à Phnom Penh.
Pour télécharger l’application : https://www.grab.com/kh/
SÉCURITÉ « …Dans un pays où les accidents de la circulation sont la principale cause de décès, Grab prévoit d'investir dans des projets de développement afin de renforcer la sécurité routière au Cambodge. Le taux d'accident avec Grab est cinq fois inférieur à la moyenne dans chaque pays où nous opérons, et chaque trajet est couvert par une assurance…», explique Wee Tang Yee, directeur pays de Grab au Cambodge et en Thaïlande. Privilégier la sécurité passe également par une sélection plutôt rigoureuse des conducteurs et des mises à niveau régulières. ANALYSER ET PROPOSER Grab est aussi une société axée sur les données. Son modèle de gestion exige d’adapter en permanence l'offre et la demande de millions de conducteurs et de passagers. Grab possède actuellement l'une des plus importantes bases de données de la région. Quasiment en temps réel, des millions de données de localisation GPS sont collectées à partir de l’application, ce qui permet à l'entreprise d'analyser les habitudes de voyage et les préférences de ses clients, d’évaluer précisément les trajets moyens et les heures de pointes et, à l’évidence de bien cerner les problèmes, et de proposer des alternatives et des améliorations. « …Nous avons environ 20 000 téléchargements de notre application depuis notre arrivée au Cambodge, et c’est une performance
satisfaisante, je suis également ravi de voir le Ministre des Transports Sun Chantol adhérer pleinement à nos initiatives… », déclare Wee Tang Yee. En effet, depuis son arrivée, Grab a multiplié les initiatives et s’est rapidement assuré du soutien du Ministère des Transports et des Travaux Publics avec un protocole d’accord signé dès le lancement. Grab envisage ainsi de réaliser un « mapathon » qui tracerait une carte complète des routes, d'abord dans les villes principales et ensuite dans les provinces. « …Dans un avenir proche, nous aurons aussi plus d’historique sur nos bases de données concernant le royaume et nous serons en mesure de faire des propositions…», avance Wee Tang Yee. SOCIAL Grab a également signé un protocole d'accord avec l'Unité Anti-Corruption du Cambodge, confirmant ainsi son engagement envers la bonne gouvernance et la conformité et les normes d'exploitation du pays. Plus récemment, à la demande du Ministère des Transports et des Travaux Publics, et durant une période pilote de deux mois, 1 dollar US par course sera reversé aux hôpitaux pour enfants Kantha Bopha. «C’est une première expérience, mais il n’est pas exclu que nous envisagions d’autres partenariats avec les hôpitaux Kantha Bopha », confie le jeune directeur de Grab. www.cambodgemag.com
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du
ARCHIVES
social au sacré : la pagode khmère par Jean-Michel Filippi crédit photos Danielle et Dominique Pierre Guéret
LE CREUSET DE LA SOCIÉTÉ KHMÈRE MODERNE Pourquoi cette importance de la pagode ? Dans le bouddhisme petit
Aux scènes mythiques de la vie du Bouddha sont mêlés des personnages et objets tout à fait modernes : des voitures, des avions, le Prince Sihanouk et le Général De Gaulle invités au mariage de Siddhârta
UN
journaliste français désireux d’entrer en
contact avec la communauté cambodgienne de France avait laborieusement parcouru la liste des associations cambodgiennes de l’hexagone et pris des rendez-vous avec leur dirigeants. Sa déconvenue fut grande quand il s’aperçut qu’une bonne partie de ces associations n’avaient d’autre existence que nominale et que, quand elles existaient bel et bien, elles ne représentaient guère plus que la poignée d’individus qui en formaient le bureau ; en gros, diraient les mauvaises 26
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langues, un groupe de chefs et personnes pour obéir. Dans ces conditions comment appréhender la réalité du Cambodge à l’étranger ? La réponse est évidente à toute personne un tant soit peu familière avec la culture khmère : se rendre dans les pagodes ! C’est ce que fit notre journaliste et il en fut effectivement satisfait. En fait dès qu’on essaie de penser le Cambodge au-delà de l’individu et de l’omniprésente famille, bref en termes de communauté, il n’y a guère que la pagode qui puisse apporter une solution.
véhicule (Hinayana ou Theravada), le salut est strictement individuel en ce qu’il repose sur l’acquisition de mérites par une personne. Acquérir des mérites implique accomplir des bonnes actions souvent sous la forme de donations (charité, aides diverses…) dont le bénéficiaire sera la pagode qui, à son tour, se chargera de les redistribuer. Rien de très original ? Et pourtant c’est une clé de compréhension du Cambodge. Par le biais de ces donations, la pagode devient, outre ses fonctions strictement cultuelles, le lieu éminemment social du pays : on s’y rencontre à l’occasion des fêtes, on y a enseigné, soigné, on y accueille les personnes en fin de vie, les étudiants pauvres… bref un espace social consistant et étroitement intégré à l’espace sacré. Un petit clin d’œil au passage pour évoquer les difficultés qu’a connu et que connait le christianisme au Cambodge : les fonctions sociales de la pagode, notamment en matière de santé et d’éducation, ont littéralement privé les églises chrétiennes de leur moyens habituels de conversion. En conséquence, le poids social du christianisme est insignifiant au Cambodge alors que
dans les pays bouddhistes grand véhicule (Mahayana) ou la pagode n’a absolument aucun rôle social, le christianisme a réussi des percées considérables, comme l’atteste, par exemple, la présence de près de 6 millions de catholiques dans le Vietnam voisin. UN OUBLI HEUREUSEMENT RÉPARÉ
des cent plus anciens monastères du pays. Tout un pan essentiel de la culture et de l’art khmer dont l’exclusivisme angkorien nous avait dépossédés. Loin de l’uniformité des pagodes les plus récentes, on peut y découvrir une très riche variété architecturale dont témoignent des différences régionales très marquées.
Ces anachronismes nous font évidemment sourire mais, ne l’oublions pas, la pagode cambodgienne est aussi un espace social et les peintures qu’elle abrite se doivent de parler au visiteur en conjoignant monde mythique et vie de tous les jours.
Nous sommes ici loin des bouddhas fluorescents peints à l’acrylique dont nous gavent les pagodes récemment construites. Dans ces anciens monastères la connaissance de l’anatomie est de règle : un travail soigneux rend bien l’expressivité des traits et restitue aux membres du corps leur précision anatomique. Les paysages
Tout n’est pas pour le mieux. Nous
Les peintures ne déméritent pas.
Le bâtiment correspondant à la pagode, vat ou monastère, ces termes
sont synonymes, a donc été et reste un des cadres essentiels de la vie sociale khmère. Dans ces conditions, on pouvait légitimement s’étonner de ne trouver que quelques textes épars qui en ont décrit la structure et les décors. Cette négligence relève du passé ; nous avons désormais un véritable vade-mecum de la pagode : l’ouvrage de Danielle et de Dominique-Pierre Guéret intitulé : « la pagode khmère ».
UNE SONNETTE D’ALARME avions évoqué le rôle important que joue l’acquisition de mérites dans le bouddhisme cambodgien, or une des sources les plus prometteuses d’acquisition de mérites est la construction d’une pagode. Comme les auteurs le soulignent : « La croyance, très généralement répandue, affirmant que
Deux personnalités hautement atypiques qui vont mettre à profit leur
temps libre, de l’année 2004 à 2015, pour parcourir toutes les provinces du Cambodge à la découverte des pagodes du pays. Il en résultera deux thèses de doctorat, une sur l’architecture et l’autre sur les peintures des pagodes. Les deux thèses et leur très abondante documentation constituent, à ce jour, le seul recensement sérieux des pagodes du pays. On ne pouvait s’arrêter en si bon chemin et un ouvrage de près de 200 pages se devait de mettre à la disposition d’un large public la substance des deux thèses. Une introduction replace la pagode dans le cadre de la société khmère
et des tragédies de l’histoire récente du pays. Une première partie est consacrée à l’architecture et la deuxième au décor peint. Même sans aucune connaissance préalable, le lecteur deviendra vite un familier de l’architecture des monastères et de son évolution. De la toiture au carrelage, tout y est soigneusement décrit. Il en est de même pour les peintures murales. En sus des différentes techniques, les auteurs ont eu l’heureuse idée de donner une liste quasi exhaustive de tous les thèmes représentés. SUIVEZ LE GUIDE ! Du temps libre en fin de semaine ? La troisième partie, plus des deux tiers de l’ouvrage, vous emmènera à la découverte
Représentation de la « tentation des filles de Mara »
ne sont pas en reste. Une végétation superbement stylisée décline toute la gamme des verts qui ponctuent des arrières plans en bleus et ocres profonds. On ne s’ennuie pas dans les pagodes ou culte et vie quotidienne voisinent agréablement ; en témoignent les représentations de la « tentation des filles de Mara » sur un mode quasi érotique. De la même façon, on ne manquera pas d’être frappé par les anachronismes dont, photos à l’appui, nos auteurs sont friands. Aux scènes mythiques de la vie du Bouddha sont mêlés des personnages et objets tout à fait modernes : des voitures, des avions, le Prince Sihanouk et le Général De Gaulle… invités au mariage de Siddhârta (le futur Bouddha).
construire un temple apporte plus de mérites que le financement des réparations » a entraîné une absence d’entretien quasi structurelle des sanctuaires et leur démolition régulière ». C’est exactement ce qui s’est passé avec la destruction récente d’une pagode de Kompong Thom à l’insu et contre la volonté du Ministère de la Culture qui est responsable des pagodes anciennes du pays. Le Cambodge présente déjà le paradoxe de posséder plus de monuments du 6ème au 13ème siècle qu’entre le 13ème et le 21ème siècle. Il y a une nécessité évidente de protéger les monuments et œuvres d’arts postérieures à l’époque angkorienne et, pour ce, d’informer et d’éduquer toutes les personnes concernées. Puisse cet ouvrage poser un premier jalon dans cette tâche longue et difficile. www.cambodgemag.com
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DOSSIER
Crédit photo Nataly Lee
LE CAMBODGE ET LA FRANCE UNE HISTOIRE CULINAIRE
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par Pascal Medeville
Lors de mon tout premier voyage au Cambodge il y a plus de vingt ans, j’avais
été assez surpris et amusé d’y trouver des éléments de nourriture qui m’étaient pour le moins familiers : café agrémenté de lait concentré sucré, baguettes de pain et sandwichs… La présence de restaurants d’inspiration française, à une époque où le Cambodge venait à peine de s’ouvrir et avant même que n’arrive en masse le personnel de l’APRONUC, m’avait également interpellé. C’est bien entendu la présence de la France au Cambodge, pendant neuf décennies (1863-1953), qui explique l’adoption par les Khmers d’éléments culinaires français. En regardant d’un peu plus près la cuisine cambodgienne, on s’aperçoit que les ingrédients typiquement français qui ont été naturalisés sont légion : les baguettes de pain (ou, souvent, demi-baguettes) transformées en sandwichs, couramment proposés au Cambodge, sont souvent agrémentés de beurre, de sardines à l’huile ou de « pâté ». La langue khmère utilise le mot « pain » (nom pang) pour désigner ces encas, et a aussi conservé ce mot « pâté », mais a étendu son champ sémantique, puisque ce mot désigne non seulement les pâtés proprement dits, mais aussi des préparations de charcuterie que nous classerions plutôt dans la catégorie des saucisses et autres mortadelles. Il n’est pas rare non plus que fromage fondu, pâté de foie de porc, sardines à l’huile… accompagnent sur les plaques métalliques les œufs frits servis pour le petit-
déjeuner dans des restaurants résolument autochtones, le tout étant bien entendu accompagné de tranches de pain frais. Ces mêmes tranches de pain accompagnent aussi volontiers, en remplacement des nouilles de riz fraîches ou du riz, des currys khmers. Les œufs sont aussi préparés en omelettes, mot français que le khmer a emprunté et que l’on peut lire sur les cartes des restaurants khmers. Les Français ont également introduit au Cambodge de nombreux ingrédients alimentaires qu’ignoraient les Khmers. Outre le café et le lait concentré, déjà mentionnés, nous pouvons compléter la liste en citant : pommes de terre (appelées en khmer « tubercules barang »), oignon (« alliacée barang »), beurre (la langue khmère a conservé le mot français), carottes (« karot » en khmer), chocolat (« sokola »), bière… On ne s’étonnera donc pas de voir proposées en accompagnement de préparations locales, des pommes de terre frites (dans la version dite « anglaise » du loklak, par exemple), des carottes (dans les soupes), des feuilles de laitue ou des oignons émincés, ou de constater que l’une des matières grasses privilégiées dans les cuisines khmères est bien le beurre (et la margarine). Moins visibles sont les techniques culinaires que les Français ont fait connaître aux Cambodgiens. Ainsi, si la cuisine cambodgienne possédait bien avant l’arrivée des colons européens des mets liquides que nous appelons de façon générique « soupes », en plus des préparations traditionnelles de type « sâmlâ » (des soupes riches en ingrédients qui leur confèrent une texture épaisse) et de type « sngao » (aliments qui sont cuits à l’eau et servis dans le bouillon de cuisson), les Khmers ont cru bon d’ajouter à leur panoplie de mets liquides des « sup » (soupes), qui recourent souvent à des bouillons préparés à l’avance (avec des os de porc, des carcasses de volaille…). Sur les cartes des restaurants khmers qui proposent des grillades, il n’est pas rare non plus de relever la présence d’un type de grillade particulier, appelé « roti », pour les cailles, par exemple. Enfin, en lisant la table des matières de recueils de recettes destinés à aider les ménagères khmères manquant d’inspiration au moment de planifier
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On voit donc bien que la trace laissée par les Français dans la gastronomie cambodgienne est loin d’être négligeable “
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DOSSIER
Kong Ratha, « Madame Chocolat ». Crédit photo Pascal Medeville
leur repas, force est de constater que les recettes de mets français bénéficient d’une popularité certaine auprès des compilateurs. Ainsi, dans l’un de ces ouvrages, je relève au hasard des recettes des plats européens les plus variés : purée de pommes de terre, bifteck, côtelettes aux pommes frites, blanquette de bœuf. D’autres plats ont été si bien adoptés que les ménagères ne doutent pas un instant qu’ils sont typiquement khmers, par exemple les tomates farcies, qui sont parfois vendues prêtes à cuire dans les supermarchés locaux. Les gourmets cambodgiens sont
stage à l’hôtel Intercontinental. Pendant ce stage, sa passion pour la pâtisserie s’est affirmée, aussi a-t-elle décidé de persévérer dans cette voie. Avant d’être recrutée au restaurant Open Wine, elle a officié au restaurant Khéma, rue Pasteur.
part importante de la clientèle des restaurants français de Phnom Penh. Ils ont également résolument adopté les vins des terroirs de l’hexagone et, pour les plus fortunés d’entre eux, n’hésitent pas à débourser des sommes rondelettes pour quelques flacons millésimés… On voit donc bien que la trace laissée par les Français dans la gastronomie cambodgienne est loin d’être négligeable.
goûts différenciés en matière de desserts. Les Khmers sont en général amateurs de mets et de fruits sucrés, tandis que les Occidentaux sont plus friands de chocolat et de fruits acidulés. Comme la clientèle de l’établissement où elle officie se partage à parts à peu près égales entre ces deux catégories, elle alterne les styles d’une semaine sur la suivante.
d’ailleurs friands de gastronomie gauloise, si bien qu’ils constituent une
MADAME CHOCOLAT
“ C'
Les Khmers sont en général amateurs de mets et de fruits sucrés, tandis que les Occidentaux sont plus friands de chocolat et de fruits acidulés “
est sous le surnom de « Madame Chocolat »
que les gourmands qui ont la dent sucrée et qui fréquentent le restaurant Open Wine connaissent Kong Ratha, la jeune femme qui, depuis un an maintenant, est chargée de confectionner les desserts de l’établissement. Ratha, 24 ans, le visage rond et les yeux rieurs, est originaire de la province
de Pursat. Elle et ses deux sœurs ont été élevées par leur mère, vendeuse de fruits sur un marché de la ville. Elle a eu la chance d’être sélectionnée pour suivre la formation de deux ans proposée par les Sœurs Salésiennes de Don Bosco à Teuk Thla (Phnom Penh) aux jeunes femmes issues de familles pauvres. Pendant ces deux années, elle a acquis les techniques de base nécessaires à la pratique des métiers de l’hôtellerie et de la restauration. C’est la formation à la cuisine, notamment à la pâtisserie, qu’elle a
préférée. Dans le cadre de ses études, la jeune femme a eu l’occasion d’effectuer un 30
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« Madame Chocolat est une passionnée ! » Bien sûr, elle adore le
chocolat, qu’elle travaille sous toutes ses formes. Elle aime également les fruits forts en saveurs, et avoue ne pas être attirée par des fruits moins aromatiques, comme, dit-elle, la banane ou l’avocat. Elle se fait cependant un devoir de chercher à satisfaire sa clientèle. Elle a remarqué que les clients Khmers et Occidentaux avaient des
Car en effet, en plus des desserts proposés à la carte du restaurant, elle
crée chaque semaine un dessert pour les suggestions qui sont proposées aux gourmets d’humeur versatile. Elle est également sollicitée pour confectionner des tartes et autres gâteaux commandés pour une occasion particulière (anniversaire, menus spéciaux…). Quand elle est interrogée sur ses projets d’avenir, Ratha semble
hésitante. À Phnom Penh depuis cinq ans, elle n’a pas envie pour l’instant de quitter la capitale. Elle a conçu le projet vague d’ouvrir un jour, avec son mari (également pâtissier), une boulangeriepâtisserie. Elle préfèrerait le faire à Phnom Penh, tandis que son époux pense qu’une boutique dans une ville de province proposant du pain français, dont les Khmers sont friands, et de la pâtisserie, serait moins exposée à la vive concurrence que doivent affronter les très nombreux établissements de bouche de la capitale. Mais il ne s’agit là encore que d’un projet très vague. Que les gourmands se rassurent : Madame Chocolat, qui jouit de la latitude nécessaire pour exploiter au mieux son talent et assouvir sa passion, continuera de régaler les palais les plus exigeants de la capitale khmère.
UN MAÎTRE-QUEUX CAMBODGIEN PASSIONNÉ DE GASTRONOMIE FRANÇAISE : LE CHEF SOPHEAK
O
btenir un rendez-vous avec le chef qui préside aux cuisines du restaurant Topaz n'est pas une mince
affaire : le chef Sopheak est un homme à l’agenda bien rempli ! Il faut savoir qu’il dirige une brigade de plus de trente personnes qui, en plus de la cuisine du Topaz, est également chargée de tout le travail de préparation pour deux autres restaurants du groupe Thalias à Phnom Penh : Khéma Pasteur et Khéma La Poste. Sopheak est, tout comme Madame Chocolat, l’une des réussites éclatantes
de ces associations caritatives qui, ayant compris que la formation professionnelle au Cambodge manquait amèrement de moyens, œuvrent sans relâche pour apprendre un métier aux jeunes du Royaume. Âgé aujourd’hui de quarante-trois ans, ce natif de Svay Reang a suivi pendant un an, en 1996, la formation culinaire concoctée par l’ONG Friends International, connue notamment pour ses restaurants d’application (Friends et Romdeng à Phnom Penh, Marum à Siem Reap). Pendant cette année studieuse, Sopheak a acquis les bases de la cuisine occidentale. En 1997, il a été recruté comme stagiaire dans un établissement bien connu des amateurs de cuisine française : Comme à la Maison. En 2001, il est allé travailler au River House, sur le quai Sisowath. Sopheak se souvient que c’est précisément le 2 octobre 2002 qu’il a fait
ses débuts à Topaz, d’abord comme simple marmiton. Il s’est appliqué et a gravi progressivement tous les échelons au sein de la cuisine de l’établissement, jusqu’à se voir proposer en 2010 le poste de chef de cuisine. Cela n’a pas toujours été sans mal, car « Papa Darc » (Alain Darc), lui-même chef expérimenté, est un cuisinier dont les exigences de qualité ne souffrent d'aucun compromis. Avant de prendre la direction des fourneaux, Sopheak a eu l’opportunité d’aller aiguiser sa technique culinaire en France, où, pendant un séjour de six mois, il a travaillé dans deux établissements renommés : le Carré des Feuillants (doublement étoilé au Michelin), à Paris, et Le Relais de la Poste, restaurant
Le chef Sopheak dans ses œuvres. Crédit photo Nataly Lee
gastronomique situé à Magescq, près de Dax. Sopheak se souvient que pendant cette période, la principale difficulté a été pour lui de communiquer avec ses chefs et collègues, car s’il parle assez bien anglais, sa connaissance de la langue française est plus limitée. Malgré l’obstacle de la langue, Sopheak dit avoir énormément appris pendant son séjour en France. C’est au retour de ce semestre intensif qu’il a officiellement été mis à la tête de la cuisine. Le chef du Topaz est un passionné. Il maîtrise parfaitement ses ingrédients et a acquis une maîtrise technique certaine. Il essaie en permanence d’innover. Il connaît également très bien les goûts des amateurs qui fréquentent son établissement : ils sont majoritairement khmers (les Français et autres étrangers représentent moins de 40% la clientèle, la clientèle chinoise est en constante augmentation), aussi la carte doit-elle être adaptée. Si la cuisine du Topaz est résolument française, elle recourt avec plus de parcimonie à des
ingrédients moins appréciés des Khmers, comme la crème fraîche et les ingrédients aux arômes trop puissants. Par ailleurs, la carte est beaucoup plus éclectique que ne le serait celle d’un établissement situé en France. Sopheak explique qu’il aurait du mal à satisfaire ses convives si sa carte était plus réduite.
Le maître-queux continue à se former
en voyageant. Il a ainsi eu l’occasion de visiter quelques-unes des tables thaïlandaises qui ont été récemment mises à l’honneur par le guide Michelin en Thaïlande, dont L’Atelier de Joël Robuchon et, surtout, le Normandie, dont il parle avec enthousiasme. Sopheak profite aussi pleinement de la venue de chefs étoilés (déjà cinq à ce jour) au Topaz pour parfaire ses connaissances et sa technique. Le plus grand espoir du chef est maintenant que la restauration gastronomique au Cambodge se développe, et qu’il ait enfin l’opportunité d’exercer ses talents dans un établissement étoilé sans avoir à quitter son pays natal. www.cambodgemag.com
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RETRAITE
Sur les pelouses du Palais Royal, à l’heure de la sieste
un marché traditionnel puis, autour du coin, il y aura un gratte-ciel flambant neuf. La ville change rapidement, cela construit beaucoup, mais Phnom Penh possède une atmosphère asiatique encore unique…Plus important encore, les Khmers sont des gens vraiment sympas, tu ne peux pas marcher dans la rue sans que quelqu’un te dise bonjour ou te fasse un grand sourire. Je n’ai jamais ressenti un accueil aussi chaleureux ailleurs en Asie… », explique Robert.
«J'étais un bourreau de travail… » , raconte
Retraite & petits luxes à Phnom Penh pour mille dollars par mois texte et photographie Christophe Gargiulo
Robert Coleman qui a décidé de finalement prendre sa retraite au Cambodge depuis quelques années. Auparavant, à l’âge de 55 ans, Robert avait entrepris de visiter quelques destinations populaires en Asie, Penang en Malaisie, Bangkok en Thaïlande, avant de décider de l’endroit où il souhaitait finir ses vieux jours. Dans cet esprit, Robert a commencé à regarder les pays alentour s offrant
les meilleures options pour un retraité, pourtant : « Si tu recherches dans les pays d ’Asie du Sud-Est, tu comprends assez rapidement que le Cambodge offre un coût de la vie très intéressant, combiné avec des procédures de visa très souples. Phnom Penh est aussi idéalement située dans le centre de l ’Asie du Sud-Est, avec un aéroport international moderne et relié aux principales destinations régionales, c’est une véritable plaque tournante pour les touristes, les hommes d ’affaires et les explorateurs intrépides », explique le retraité. Mais c’est aussi l’éclectisme de la capitale qui a séduit Robert : « …Lors
de ma première visite dans la ville, j’ai été réellement impressionné par le mélange d ’ancien et de nouveau. Ainsi, dans une rue, tu verras des anciens bâtiments coloniaux, dans la prochaine rue, il y aura
« … Quant au coût de la vie,
le Cambodge est un pays où la vie n’est pas chère du tout. J’ai une pension de mille dollars par mois, je pourrais dépenser moins, mais je tiens à manger dans des bons restaurants et à socialiser un peu. Ma plus grande dépense est mon loyer, je paye 310 dollars US par mois pour un appartement de deux chambres dans un des quartiers les plus agréables dans le centre de Phnom Penh. Je dépense entre soixante-dix et cent dollars US pour les commodités, pressing, internet et autres. Comme le pays est en plein développement, les centres commerciaux qui permettent aux expatriés de trouver des produits frais et de la nourriture occidentale ne manquent pas… », ajoute l’heureux retraité. Robert se rend au supermarché une fois par semaine pour s’approvisionner
sur l’essentiel mais cela ne lui coûte jamais plus de 100 dollars US. Il aime passer du temps avec d’autres expatriés, il y a une communauté d’environ 80 000 résidents de longue date à Phnom Penh et, Robert sort de temps en temps sans jamais dépenser plus de trente dollars US pour quelques bières et tournées autour d’une table conviviale dans l’un des nombreux bars et restaurants de la capitale. « …Parfois, je me sens comme chez moi, puis, il me suffit de descendre dans la rue et de retrouver la vie locale, ce pays offre le meilleur des deux mondes. L’argent de ma pension couvrirait à peine mes dépenses de base dans mon pays, mais à Phnom Penh, j’ai l’impression d’être privilégié, d’avoir un train de vie de luxe… », explique également Robert, ajoutant aussi que : « …En plus de cette vie agréable, je réussis à économiser chaque mois et à pouvoir m’offrir quelques voyages à Bali, Kuala Lumpur, Phuket, Hong-Kong et Ho-Chi MinhVille régulièrement... ». www.cambodgemag.com
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SANTÉ
Village de Roka au Cambodge : histoire d'une infection iatrogénique au VIH par l’Institut Pasteur du Cambodge
EN
décembre 2014, des cas d’infection au VIH sont détectés à Roka, un village de la province de Battambang, au nord-ouest du Cambodge. Sur plus de 2 000 villageois testés pour le VIH, 242 personnes, âgées de 2 à 89 ans, sont diagnostiquées positives. Leur point commun : elles ont toutes été soignées par un « médecin » sans diplôme qui réutilisait les mêmes seringues pour plusieurs patients. Arrêté en décembre 2014, il a été condamné fin 2015 à 25 ans de prison. Comment une transmission iatrogénique a-t-elle été à l’origine d’une épidémie sans précédent, aboutissant à une
prévalence du VIH de 11,8 %, soit presque 20 fois la moyenne nationale ? Une équipe de l’Institut Pasteur du Cambodge, en collaboration avec les autorités sanitaires locales, a retracé l’histoire de cette épidémie. Une analyse de « trois paramètres » a été menée, 34
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Crédit photo WorldBank (cc)
avec cartographie GPS et entretiens. Les conclusions de ces investigations ont révélé l’existence d’une épidémie massive et localisée de VIH, associée à de nombreuses co-infections par le virus de l’hépatite C (VHC) : sur les 209 cas d’infection VIH, 164 (soit presque 8 sujets sur 10) étaient co-infectés par le VHC. En revanche, moins de 13 % (27 patients) présentaient une co-infection avec le virus de l’hépatite B (VHB). L’utilisation d’un test sérologique d’avidité a permis de montrer qu’environ un tiers des cas d’infection par le VIH étaient récentes (<100 jours). La même stratégie, appliquée au VHC, a identifié presque 40 % d’hépatite C aiguë datant de moins de 6 mois. Les analyses phylogénétiques ont montré que sur les 209 patients, 98 % ont été infectés par le même virus (existence d’un seul clade monophylétique, de génotype CRF01_AE). On peut supposer, selon les auteurs de l’étude, qu’un habitant de Roka hautement virémique et sans traitement antirétroviral, est à l’origine de la contamination par le VIH, via des seringues réutilisées par le faux médecin à partir de 2013. Le VHC aurait lui émergé plus tôt que le VIH, à partir d’au moins trois sources de contamination différentes.Concernant le VHB, deux raisons majeures peuvent être avancées pour expliquer son absence de diffusion : même si une majorité des habitants de Roka n’était pas vaccinée, plus de la moitié étaient naturellement protégée contre ce virus (présence d’anticorps antiHBS), sans doute en raison d’infections contractées dans l’enfance. Par ailleurs, la proportion de porteurs inactifs (sans réplication virale) était importante parmi les sujets infectés par le VHB. Finalement, l’étude géographique menée sur le terrain, a montré une
détaille le Dr Janin Nouhin, chercheur au sein de l’unité VIH/hépatites : quel est le profil des personnes infectées par le VIH et ce virus est-il associé à d’autres virus transmissibles par le sang ? Cette épidémie était-elle récente ou perdurait-elle depuis longtemps sans qu’on ne l’ait détectée ? Quelle est l’étendue géographique de cette épidémie et d’autres villages de la commune de Roka ont-ils aussi été touchés ?
De nombreux tests – sérologiques et moléculaires - ont été effectués sur 209 cas confirmés positifs au VIH,
parallèlement à une étude de terrain
corrélation positive entre la prévalence du VIH et des antécédents d’exposition parentérale avec le pseudo-médecin. Trois « hotspots » géo-spaciaux du VIH ont notamment été identifiés qui étaient corrélés avec une forte exposition au praticien. « Cette expérience malheureuse devrait servir d'avertissement global »,
plaide Janin Nouhin et l'équipe de l’Institut Pasteur du Cambodge, en particulier pour l'Asie du Sud-Est où de nombreuses injections inutiles sont effectuées par des personnes sans qualification médicale. Il est nécessaire dans ce contexte de limiter les pratiques d’injection à risque et de
promouvoir les médicaments oraux. Depuis la découverte de cette contamination iatrogénique massive, les habitants infectés de la commune de Roka ont bénéficié d’une mise sous traitement antirétroviral, avec une prise en charge par le système national de santé.
en chiffres Au Cambodge, l'épidémie de VIH / SIDA est un problème de santé publique important; en particulier, en raison de co-infections possibles de patients dont l'immunité est diminuée en raison du VIH. On estime que 0,6 % de la population générale vit avec le VIH. Le pays a réalisé des progrès significatifs dans la lutte contre le VIH / SIDA avec : • Une baisse des infections, de 3 500 en 2005 à 1 300 en 2013. • Un accès accru au traitement antirétroviral (ARV) ; actuellement, plus des deux tiers des 75 000 personnes vivant avec le VIH reçoivent ce traitement (qui doit être pris à vie car il ne permet pas l'éradication permanente du virus). • Une meilleure détection du VIH chez les femmes enceintes grâce à l'utilisation de tests rapides dans les cliniques prénatales et à la thérapie antirétrovirale pour prévenir la transmission du virus à leurs nouveau-nés. Actuellement, près de 80 % des femmes enceintes séropositives au Cambodge reçoivent cette prophylaxie. Institut Pasteur No. 5 Monivong Boulevard P.O Box. 983, Phnom Penh Cambodia +(855) 23 426 009 info@pasteur-kh.org
Sources : Rouet F, Nouhin J, Zheng DP, Roche B, Black A, Prak S, Leoz M, GaudyGraffin C, Ferradini L, Mom C, Mam S, Gautier C, Lesage G, Ken S, Phon K, Kerleguer A, Yang C, Killam W, Fujita M, Mean C, Fontenille D, Barin F, Plantier JC, Bedford T, Ramos A, Saphonn V. Massive Iatrogenic Outbreak of Human Immunodeficiency Virus Type 1 in Rural Cambodia, 2014-2015. Clin Infect Dis. 2017 Dec 4. doi:10.1093/cid/cix1071. www.cambodgemag.com
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H I S TO I R E
Les Jaraï.
Une minorité ethnique singulière
D texte Jean-Michel Filippi photographie Christophe Gargiulo et John Issac
ès qu’il est question des hauts plateaux
du Nord-Est du Cambodge où vivent la majorité des groupes ethniques du pays, la confusion est de mise à propos des langues, de l’histoire, des origines de ces populations, de leurs techniques agricoles et pratiques religieuses. L’HINTERLAND Au Cambodge comme au Vietnam,
ce terme ne résume pas seulement un intérieur situé en altitude par rapport à un monde de plaines, mais aussi le monde sauvage, inhospitalier où vivent des tribus laissées à l’écart de l’influence des grandes civilisations qui ont marquées la péninsule indochinoise. Des populations que les peuples majoritaires ne manquent pas de stigmatiser : Phnong pour les Cambodgiens, Moi pour les Vietnamiens, Kha pour les Laotiens sont des termes génériques qu’on traduit en gros par « sauvages ». Bref, des individus qui ne connaissent pas les techniques de la 36
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rizière irriguée, qui parlent des idiomes incompréhensibles, qui ne sont pas bouddhistes… la liste serait longue. Il en résulte une vision d’un flou d’autant plus tenace que les missions de reconnaissance et de cartographie ne remontent qu’au tournant du siècle dernier. Après une brève ouverture pendant le Régime du Prince Sihanouk (1955-1970), la guerre du Vietnam et le régime Khmer Rouge allaient replonger ces régions dans l’isolement jusqu’aux années 1990. LANGUES, PEUPLES ET ORIGINES A l’instar des Khmers, la plupart
des ethnies qui peuplent le Cambodge parlent des langues austro-asiatiques. Il s’agit probablement du plus ancien groupe ethnolinguistique de la région. On peut raisonnablement se représenter au début de l’ère chrétienne une péninsule indochinoise majoritairement peuplée d’ethnies austro-asiatiques. De l’actuelle
Birmanie à la mer de Chine méridionale, cette unité originelle allait être mise à mal par la poussée vers le Sud des populations thaïes et birmanes qui appartiennent à des familles ethnolinguistiques différentes. Le Jaraï appartient à un groupe ethnolinguistique autre : le malayo-
polynésien ou austronésien. Ce groupe est formé d’un nombre considérable de langues parlées de l’île de Pâques à Madagascar et de la péninsule indochinoise à Tahiti. Selon les données les plus récentes, un sous-groupe de cette famille aurait quitté le Nord-Est de Bornéo aux alentours du 6ème siècle avant JC et se serait installé dans le centre de l’actuel Vietnam. Les descendants de ce groupe austronésien sont bien présents sur la carte ethnolinguistique du Vietnam et du Cambodge. Ce sont essentiellement les Cham, les Rhadé et les Jaraï. Ce petit rappel historique est essentiel car les trois langues sont toujours très proches et il n’est pas rare d’entendre chez les Jaraï : « Nous et les Chams, nous sommes frères de même mère ».
De surcroît, entre les Chams hindouisés, le puissant royaume du Champa, et leurs congénères austronésiens de la montagne vont se tisser des liens historiques étonnants, au point qu’on évoquera un Champa côtier hindouisé et un Champa de l’intérieur (montagnards). Enfin, et ce n’est pas une moindre affaire, les montagnards sont dépositaires des insignes royaux et des derniers trésors des Cham dont le royaume avait fini par se réduire comme une peau de chagrin face à la marche vers le sud des Vietnamiens.
LES JARAÏ DU CAMBODGE Au terme du recensement de 2008, vivent actuellement au Cambodge
26 335 Jaraï dans la province de Rattanakiri ; une minorité apparemment modeste en regard des 320 000 Jaraï du Vietnam. La société Jaraï est profondément originale en ce qu’elle est organisée en deux
niveaux : le clan et la famille. La société Jaraï est matrilinéaire ; la transmission du nom et, donc, de l’appartenance au clan se fait par la mère. Il n’y a pas si longtemps, les familles d’un village qui appartenaient au même clan étaient logées dans la même longue maison construite sur de petits pilotis. L’appartenance à un clan donné suppose un fond culturel commun ainsi que des interdits très précis dont l’interdiction de consommer la viande de l’animal totem du clan et surtout d’épouser un membre du même clan. Pour ceux qui se laisseraient aller à enfreindre cette règle, c’est le bannissement du village. Jacques Dournes a remarquablement décrit la vie des jeunes jaraï dans
« Femmes, forêt, folie, une traversée de l ’imaginaire Jaraï ». Des petites huttes sont construites sur pilotis pour permettre aux jeunes gens de se rencontrer. Les jeunes gens, s’ils le décident, peuvent vivre ensemble une année ou plus avant de décider ou non de se marier et des rituels complexes existent à point nommé pour empêcher la jeune fille de tomber enceinte. Si cela devait quand même se produire, le mariage ne pourrait avoir lieu qu’après l’accouchement. Les Jaraï des hauts plateaux du Vietnam ont été touchées par un
prosélytisme chrétien de première heure contrairement au Nord Est du Cambodge où ne s’est exercé aucun prosélytisme
religieux. Il est très révélateur de constater que cette « évangélisation » n’a pas eu d’influence déterminante sur la société Jaraï : le christianisme a dû s’adapter à la sacro-sainte règle du clan et du rituel pré matrimonial et certainement pas le contraire. L’économie repose sur l’essartage
ou culture sur brûlis. L'exploitation d’une même parcelle ne dure pas plus de trois ans et est ensuite abandonnée à la forêt qui reprend ses droits ; l’intérêt d’un tel système est que la couverture forestière se reconstitue très vite. Dans agriculture, il y a culture et le choix de l’essart met en jeu un ensemble de rituels religieux qui visent à se ménager la bienveillance des divinités locales. Comme dans le cas de maladies ou d’épidémies, on sacrifie souvent des poulets ou, dans des cas plus sérieux, des buffles. En pays Jaraï, comme dans le monde cambodgien non bouddhiste, on enterre, et les cimetières Jaraï de Rattanakiri sont fascinants. On entoure le cercueil de sculptures symboliques comme, entre autres, le couple, l’avion, ou encore l’éléphant qui témoignent respectivement de la félicité conjugale, du déplacement lointain et du transport.
se rencontrer, sous peine de précipiter des calamités sans nom sur le pays… Leur autorité était purement mystique ; jamais elle ne rencontra le pouvoir temporel ». Cela sonne comme une belle légende. Eh bien pas du tout ! Cette
« autorité mystique » était reconnue par tous les Jaraï, les peuples montagnards environnants et… les Khmers ! Le Pötao Pui, Sadet du feu, était dépositaire de la lame du Preah Khan (l’épée sacrée) des Khmers qui, eux, avaient le fourreau en leur possession. Lame-fourreau, plainemontagne, une belle complémentarité. Mais ce n’est pas tout, car les rois khmers ont régulièrement échangé des présents avec les Pötao, et cette coutume n’a cessé que sous le règne du roi Norodom 1er (1860 – 1904) ! En opposition aux autres minorités des hauts plateaux, les Jaraï ont donc
fait depuis bien longtemps l’expérience
L’EXCEPTION JARAÏ ? Le fait que Loup Durand ait intitulé son roman « Jaraï » en
dit long. Un des héros de l’histoire est effectivement un jaraï, mais la question reste entière de savoir ce que pouvait fabriquer un Jaraï hors de son territoire d’origine, ce qui est difficilement pensable pour d’autres minorités des hauts plateaux.
Village Jaraï du Ratankiri
Les Jaraï entretiennent un rapport très particulier aux peuples voisins des
hauts plateaux et surtout aux Khmers. Ce rapport trouve son origine dans le concept de Pötao qui est décrit dans l’analyse désormais classique de Jacques Dournes : « Pötao, une théorie du pouvoir chez les Indochinois Jaraï ». Les Jaraï avaient deux sorciers pour chefs : le pötao Ya, Sadet (maître) de l’eau
et le Pötao Pui, Sadet du feu. « Ils vivaient éloignés l’un de l’autre, ne devaient jamais
du monde extérieur et l’influence qu’ils en ont reçus n’a pas été subie passivement : ne sont-ils pas un des très rares groupes ethniques du Nord Est à avoir accepté l’économie monétaire dans les années 60 et avoir tenté l’expérience de la rizière irriguée, tout en conservant prudemment leurs essarts ? Accepter les influences extérieures tout en conservant son vieux fond intime, n’est-ce pas le défi qui devrait rythmer le destin de toutes les minorités d’ici et d’ailleurs ? www.cambodgemag.com
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Crédit photo CG
TRADITION
Pchum Ben, une fête de la rédemption
texte Nicky Sullivan et Christophe Gargiulo
C’est l’un des festivals les plus importants du calendrier cambodgien. Pchum Ben - បុ ណ �ភ� � �ំ បិ ណ � est une
célébration traditionnelle qui se déroule après quinze jours de cérémonies rituelles, Kan Ben, durant lesquelles les familles cambodgiennes se réunissent pour prier, et organiser des offrandes destinées à libérer jusqu’à sept générations d’ancêtres d’un état horrible de limbes au sein desquels ils deviennent des fantômes affamés, ne parvenant pas à satisfaire leurs sordides appétits. C’est un festival religieux de quinze jours, dont les célébrations culminent au quinzième jour du dixième mois du calendrier khmer, à la fin du carême bouddhiste (Vassa). Pchum Ben se traduit littéralement par « rassemblement de boules de riz gluant », se référant ainsi à la baie Ben qui 38
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est intimement liée aux rituels du festival. Fabriquées avec du riz, du sésame, de la noix de coco et parfois des haricots, ces petites boules sont offertes aux moines qui deviennent une sorte de messager des vivants vers les défunts, transmettant les boules de riz pour aider les fantômes affamés à soulager leur faim, et aussi pour les aider à accumuler suffisamment de mérite afin de se libérer de leurs punitions. Et ces punitions sont parfois horribles et spectaculaires. Dans leur état de purgatoire, les « fantômes affamés » (« preta ») doivent subir un destin essentiellement défini par la souffrance, passant leurs journées avec leurs ventres horriblement vides et des gorges étroites comme de petites pailles qui ne laissent rien passer… Dans l’ouvrage « The Buddhist Conception of Spirits », Bimala Churn
Law décrit avec ferveur un preta qui a provoqué une fausse couche chez une rivale : « …Son cœur était brûlant et fumant de faim et de soif, et pourtant elle n’avait pas de goutte à boire. Le seul aliment avec lequel elle subsistait était la chair de son fils mort, mélangé à du sang et à du pus… », écrivait-il, avant de continuer sa description avec une horrible série d’émotions, d’humiliations et de dépravations uniquement conçue pour rappeler les péchés commis par le fantôme de son vivant.
Contrairement à la souffrance éternelle imaginée par les chrétiens,
la rédemption et la miséricorde sont tout-àfait possibles. Chaque année au moment de Pchum Ben, les portes de l’enfer s’ouvrent, et les fantômes sont libérés. S’ils ont accumulé suffisamment de mérite grâce aux actions de leurs familles, certains peuvent sortir de l'enfer et retrouver leur karma par la réincarnation. Les malheureux fantômes – preta qui n’ont pas montré suffisamment de mérite pour envisager leur rédemption doivent revenir au purgatoire avec, peut-être, l'espoir d’en sortir l’année suivante.
C’est en effet un rituel de rédemption
au sein d’une « fête des morts » considérée comme unique dans le monde grâce à sa fusion des traditions animistes, chinoises et hindoues, et ses liens aux fortes sensibilités spirituelles du Cambodge. Pour de nombreux Cambodgiens, Pchum Ben est le plus attendu de tous les festivals, ils préparent leurs vêtements les plus élégants et rentrent à la maison pour se réunir avec leur famille et leurs vieux amis dans les villes ou villages où ils ont grandi.
En 2018, les trois jours de célébration de Pchum Ben commenceront le 08 octobre.
& SOCIÉTÉ
CAMBODGE CINÉMA
par Jean-Benoît Lasselin
c’est trop souvent le même sentiment de déception en scrutant le programme : la majorité des salles obscures du Cambodge projette la même sélection de productions prémâchées aux dépends du grand public. Sommes-nous vraiment limités à choisir entre un Hollywood perdu dans ses soussols de suites vides, ses sagas aux scénarii formatés, ses super-héros à l’humour téléphoné ou un cinéma pseudo-amourfrissons asiatique et sa parade d’acteurs invisibles aux gesticulations lourdes ? Trois questions à trois personnalités pour mieux comprendre l’état du cinéma au Cambodge.
Succès populaires ou films d'auteur ? DAVY CHOU, réalisateur, producteur, documentariste
CM : Vous faites partie d'une génération d'artistes influente. Quelle a été la réception à Phnom Penh de votre dernier film Diamond Island, présenté et récompensé à Cannes en 2016 ? J’ai été très touché par la réception du film lors de sa première en octobre 2016. Il faut d’abord dire que c’est un film particulier pour le public cambodgien : pas d’acteurs connus, un rythme lent, une histoire qui s’inspire de la réalité, et nous ne disposions pas d’un gros budget de communication non plus, donc disons que nous savions que le film ne provoquerait pas un raz de marée. Pour autant, ce que j’ai pu lire sur les réseaux sociaux après les projections, de la part de la communauté des jeunes réalisateurs cambodgiens, ou des artistes, mais aussi, plus simplement, de la part de jeunes cinéphiles et du public lambda, m’a montré que le film, au-delà de sa nature différente des productions commerciales habituelle, pouvait toucher les spectateurs ici, et notamment pour ce qu’il est : un film sur la jeunesse d’aujourd’hui, qui raconte à la fois les espoirs et les désillusions nés du récent développement économique du pays. L’un des moments les plus forts à ce titre fut la projection en plein air du film sur Diamond Island même, lors du festival du film du Cambodge l’année dernière. Il y avait un effet de miroir assez magique, puis j’ai remarqué une bande de jeunes ouvriers, qui travaillaient sans doute sur l’île, et qui se sont posés face au film,
Diamond Island de Davy Chou, un film d’auteur sur la jeunesse cambodgienne d’aujourd’hui
pour ne plus en décoller. Quand je suis allé parler à l’un d’eux à la fin, il m’a dit que le film racontait sa vie et celle de ses amis, et il avait l’air très touché. Pour moi, c’est déjà une raison suffisante pour avoir fait ce film ! CM : Vous avez porté la culture cambodgienne jusqu'au Festival de Cannes, le festival de cinéma le plus prestigieux au monde. Pourquoi, malgré cela, la majorité des productions cinématographiques cambodgiennes grand public ne sort pas de sa zone de confort ? Les comédies d'horreurs sont-elles si rentables que ça ? Après Cannes, je ne m’attendais pas à ce que le cinéma d’auteur devienne d’un coup à la mode au Cambodge, ça ne marche pas comme ça, les choses prennent plus de temps. www.cambodgemag.com
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SOCIÉTÉ
Mais il y a des effets à long terme je pense. Il n’y a qu’à voir les films de Rithy Panh, qui ont été montrés internationalement depuis les années 90, sans que pour autant cela crée un boom du cinéma indépendant local à la même époque. Mais à mon avis, la période que nous vivons en ce moment est passionnante pour le cinéma cambodgien, et je trouve d’ailleurs que de plus en plus de films sortent de cette zone de confort pour essayer autre chose. Je pense à Poppy goes to Hollywood de Sok Visal, de Jailbreak de Jimmy Henderson, et j’observe avec beaucoup d’intérêt la jeune génération, qui pour l’instant a surtout fait des courts métrages ou des séries TV. Les prochaines années seront décisives à mon avis sur l’émergence, ou pas, d’un cinéma d’auteur cambodgien. CM : Les nouvelles générations urbaines de la capitale aspirent à plus que du divertissement. En tant que producteur, pensez-vous que c'est le moment d'alimenter le marché du cinéma d'auteur au Cambodge ? Je pense qu’il y a une soif indéniable de découvrir de nouvelles choses, qu’on retrouve sous tous les aspects et concernant de multiples formes artistiques, dont le cinéma. Nous avons lancé avec mon équipe un nouveau projet il y a deux mois, Echoes From Tomorrow, soit la production de trois courts métrages de jeunes réalisatrices cambodgiennes. La campagne de financement participatif a été un succès franc et inattendu. Cela montre qu’il y a un désir de voir la jeunesse d’ici s’emparer des formes artistiques pour exprimer sa voix propre, et c’est une très bonne nouvelle. CÉDRIC ELOY, conseiller à la Commission du Film du Cambodge (CFC)
CM : Traditionnellement, le public au Cambodge cherche à se divertir en allant assister à une projection. Quel est rôle du cinéma pour vous ? C’est la motivation principale oui, comme un peu partout dans le monde d’ailleurs. Le public Cambodgien veut se divertir, rire, avoir peur, voir des effets spéciaux, soupirer des histoires d’amour incroyables. Peu vont au cinéma pour des films sérieux, ou qui leur rappellent leur quotidien. 40 CAMBODGEMAG | Mars 2018
Pour exemple, des films cambodgiens de qualité technique et artistique supérieure ne font que des succès commerciaux mitigés dans le pays, et font parfois mieux à l'étranger (First They Killed My Father, Diamond Island, L’Image Manquante). Cependant, aller au cinéma au Cambodge est une habitude récente, les premières salles modernes (LEGEND) ont ouvert depuis 2011, a cette période, il a fallu reconquérir tout le public. Cela a beaucoup changé depuis et le public diversifie maintenant de plus en plus ses goûts, même si Hollywood, la Thaïlande et la Chine ont la part belle,
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[…] il y a un désir de voir la jeunesse d’ici s’emparer des formes artistiques pour exprimer sa voix propre “
Run Khmer Zombie, le type de production dont le public cambodgien raffole
le public s’aventure en-dehors des films purement domestiques. CM : La CFC accompagne et supporte des évènements tels que Le Cambodia International Film Festival diffusant au grand public un autre regard que celui du divertissement simple. Un autre cinéma a-t-il trouvé sa place dans la capitale ? Le Festival voit un succès public grandissant chaque année. Mille spectateurs en 2010, et sûrement plus de vingt mille en 2018, huit ans après. Il y a une jeunesse cambodgienne qui est avide et curieuse de diversité et de découvertes. Si ce public n’est pas encore assez important pour inciter les
salles à programmer d’avantage de films plus « risqués », cela donne une caisse de résonance à tous les festivals, événements, activités cinématographiques, ce qui est très motivant. Au Cambodge, les activités culturelles en général attirent beaucoup, l’an dernier, un spectacle de marionnettes traditionnelles avant la projection du CIFF a rassemblé près de 3 000 curieux sur Diamond Island. Le Festival a été créé pour donner de la visibilité aux films en lien avec le Cambodge mais s’est aussi fixé comme objectif de donner l’envie de voir toutes sortes de films sur grand écran et de promouvoir un tout nouveau projet de salle. Depuis 2011, selon les
managers de cinéma avec qui nous travaillons, chaque nouvelle salle ne fait pas perdre d’audience à une autre, cela signifie que l’audience est en expansion au fur et à mesure que les infrastructures s’ouvrent. C’est très encourageant. Ce n’est pas le cas dans d’autres pays de la région, les Cambodgiens aiment à priori le cinéma et cela fait partie du paysage culturel « traditionnel ». CM : Le cinéma d’auteur cambodgiens est présent dans de nombreux re n d ez - vo u s i n te r n a t i o n a u x (Cannes, Hollywood, Busan…), pourquoi, malgré cela, la majorité des productions cinématographiques cambodgiennes ne sortent pas de leur zone de confort ? Le marché est encore petit. Cela rend chaque production très fragile. Aujourd’hui si on fait un film avec 20 000 dollars et qu’il marche, on va récupérer 22 ou 25 000 dollars, et on en refait un. C’est le modèle actuel. Pour que le film marche, il faut mettre tout ce qui plait, des gags, de l’horreur, une histoire d’amour… et on ne peut pas se permettre du bon matériel, de préparation pour les acteurs, une équipe qui a les moyens de travailler… Les producteurs qui se jettent à l’eau en produisant un film qui met la barre technique et artistique plus haut, sont presque garantis de ne pas récupérer leur budget de production, ou alors seulement après plusieurs années. Certains l’ont fait, par envie, par courage, mais ce n’est pas un système durable dans une économie du cinéma qui doit être rotative. À partir du moment où le marché sera plus étendu (plus de salles, de VOD, de ventes internationales), on commencera à y arriver. Les producteurs pourront prendre d’avantage de risques et aller vers des projets plus ambitieux. Les distinctions internationales sont importantes pour la reconnaissance des capacités d’une industrie à fabriquer des films de qualité mais cela n'empêche pas que ces films artistiques restent difficiles à financer et à exploiter. Le cinéma est une industrie dont la diversité fait la vitalité, les uns ont besoin des autres. Il faut des films à petit, moyen et grand budget, des films divertissant et des films plus artistiques, des formes d’expressions différentes (courts, documentaires, animations…).
L’important pour que le secteur se développe, c’est aussi que les salles soient entretenues pour que les producteurs et réalisateurs puissent eux aussi faire avancer leurs ambitions. Et le Festival est là pour donner le goût de l’ailleurs, le goût de choses différentes, pour éveiller la curiosité et, aussi pour fédérer l’industrie. LIONEL DELPLANQUE, réalisateur, scénariste, actuellement au Cambodge pour son prochain film CM : Cédric Eloy affirme que le divertissement reste la motivation principale du spectateur au Cambodge et dans le monde. Quel est rôle du cinéma pour vous ?
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L’émotion et la surprise sont souvent la promesse de grands moments de cinéma, ceux qui vous marquent et qui parfois vous offrent une nouvelle vision du monde en changeant un peu le cours de votre vie “ Le public, d’une manière générale cherche à se divertir en allant voir un film, c’est l’un des rôles et des plaisirs du cinéma. L'enjeu du cinéma, c’est de mon point de vue l’émotion et la surprise. L'émotion faire rire, faire peur, faire pleurer - mais aussi l'émotion esthétique qui peut naître d’un choc visuel, sensoriel, une émotion qui vous hante bien au-delà du film. Et la surprise, car il n’y a rien de plus ennuyeux que de revoir sans cesse les mêmes histoires, les mêmes acteurs dans les mêmes rôles, les mêmes gammes d’effets spéciaux, dans des films commerciaux, formatés mis en scène par des réalisateurs interchangeables.
L'émotion et la surprise sont souvent la promesse de grands moments de cinéma, ceux qui vous marquent et qui parfois vous offrent une nouvelle vision du monde en changeant un peu le cours de votre vie. Certains de ces films sont des grands films, l’histoire du cinéma nous montre qu’ils sont toujours portés par la vision d’un auteur et par la foi de quelques producteurs. Ces grands films touchent tous les publics, indépendamment des cultures et des catégories sociales, car ils touchent à une forme d’universalité. Pardelà les frontières, ils permettent alors de s’évader du quotidien, de vivre des expériences que l’on s’interdirait dans la vraie vie, de nous apaiser, de nous révéler nous-même : les grands films de cinéma sont grands parce qu’ils remplissent aussi pleinement leur fonction de catharsis. CM : Le populaire réalisateur chinois Yimou Zhang justifie certains de ses choix artistiques par l'universalité des sentiments humains : « Tant que le film fait appel aux sentiments humains universels, tous les publics l'apprécieront », si les cinémas ne se cantonnent pas aux divertissement, y a-t-il un risque économique sur l'industrie du cinéma dans le royaume ? Je ne crois pas qu’il y ait un risque économique quand les films sont bons, car le public est toujours plus curieux que ne le pensent les professionnels du cinéma. Tous les ans, des films indépendants, inattendus, surprenants, triomphent d’ailleurs au box-office quand des films à très gros budget se transforment en accidents industriels. Etonnamment, c’est une leçon souvent oubliée d’une année sur l’autre par l’industrie du cinéma. CM : La culture du Cambodge est très appréciée par ses visiteurs mais aussi mondialement connue pour le génie de son Empire. Pensez-vous que le cinéma cambodgien puisse devenir un outil de promotion de la culture khmère ? Oui, je crois qu’un cinéma, qui trouve sa propre identité sans chercher à copier ce qui se fait ailleurs, est toujours un formidable outil de promotion pour sa propre culture. Surtout s’il s’agit de la culture Khmère : unique, surprenante et incroyablement émouvante. www.cambodgemag.com
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EM
D A N S L' AT E L I E R D E
GALLERY X-EM Design N ° 13 rue 178, Phnom Penh. Tel: +855 (0)23 72 22 52 H/P: +855 (0)92 76 48 36 E-mail: xemdesign@yahoo.com
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RIEM texte et photographie Christophe Gargiulo
M
il
est l’artiste caméléon le plus connu du Royaume. Peintre,
sculpteur, styliste, tisserand et créateur de meubles, Em Riem le Cambodgien qui a suivi l’Ecole des Beaux-Arts de Saint-Etienne (2006), et l'Ecole Nationale des Arts Décoratifs de Paris est retourné à Phnom Penh en 2008, où il a ouvert « Gallery X-em Design ». Depuis, l’artiste peint, expose, se montre beaucoup dans les vernissages de la capitale et partage, avec quelques rares artistes locaux, le privilège de vivre exclusivement de son art. Em Riem dans la galerie X-em Design « … en fait, je possède deux ateliers : Celui-ci, qui est un espace de vente et où je travaille mes créations textiles ou dessine, et l’autre situé à Orussey. Dans ce dernier, j’y peins, je sculpte, je prof ite de l’espace pour mes « grandes » créations… », explique l’artiste de 41 ans, vêtu d’un pantalon kaki et d’un simple polo blanc, entouré d’une de ses collections préférées : Kambuja, série de portraits noir et sépia peints sur de la jute et également série hommage à l’histoire du Cambodge. Em Riem a vécu dans la campagne cambodgienne jusqu’à l’âge de quinze ans, travaillant dans les rizières et chassant les grenouilles durant la nuit. Egalement marqué par la période khmère rouge avec sa famille, le Cambodgien a choisi cette technique, sobre mais originale, pour exprimer ses émotions marquées par un souvenir profond et un attachement qu’il décrit comme indéfectible pour sa terre natale et son histoire. Em Reim n’est pas seulement un artiste, il est aussi un papa, un hyperactif,
et un mondain. « Mes longues journées commencent d’ailleurs avec mon fils de cinq ans… je suis papa célibataire et je l’emmène au Lycée Descartes tous les matins avant de venir travailler. En général je suis à Orussey le matin et à la galerie l’après-midi… », explique l’artiste alors que deux touristes
franchissent timidement le seuil de la galerie pour visiter. « En général, lorsque je créée des pièces un peu difficiles ou que je peins, j’aime m’enfermer totalement dans mon local d’Orussey. Je reste seul avec ma création, sans bruit, sans personne, juste mon œuvre et moi…cela me permet de travailler relativement vite et d’être aussi prolifique », conclut-il. Quant aux mondanités, l’artiste indique vouloir gérer lui-même son image et son marketing : «…je ne souhaite pas déléguer, je préf ère sortir, aller aux vernissages, me montrer faire connaissance avec des amateurs d’art, avec de nouveaux talents, montrer Em Riem l ’artiste… », déclare le Cambodgien tout sourire, alors qu’il s’approche d’une longue robe noire qui trône au centre de la galerie. « Voilà une création originale qui ne sera portée que pour des évènements artistiques, des séances photographiques ou des compositions », ajoute Em Riem dont chacun connait le penchant pour les tenues assez hors du commun qu’il porte fréquemment en soirée. A ce sujet, il tient à préciser qu’il s’agit d’une démarche plus artistique et commerciale que d’une provocation : « …si je porte mes créations, je suis sûr que le public va s’en souvenir, c’est bénéf ique pour mon image. Et puis, imagines tu un petit gabarit porter mes talons de 40 cm ? Ce n’est pas si simple ». Artiste comblé, Em Riem montre un carnet de commandes plein toute l’année, il est aussi constamment à la recherche de nouvelles techniques, de nouvelles inspirations, ou tout simplement d’autres activités. « Je travaille aussi pour une boite de design de bijoux à Phnom Penh, et j’enseigne le dessin à PPIIA - Phnom Penh International Institute of Arts », confie-til en précisant que le salaire local est loin d’être une motivation. « C’est surtout pour le plaisir de partager mon expérience avec les jeunes », conclut-il. www.cambodgemag.com
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LIVRE
Couverture : détail d’une fresque sur le mont Sambok, Kratié
SOTH POLIN : Génial et Génital par Pascal Medeville
Le recueil avait été publié pour la première fois en khmer en 1969, c’est donc une œuvre de jeunesse.
pour
Les quatre nouvelles qui le composent (Communiquer, disent-ils, Ordonne-moi d’exister, La Mutation des êtres et C’est comme tu veux, Na) sont d’un réalisme poignant et ne peuvent pas laisser indifférent. Loin des récits à l’eau de rose qui forment une part importante de la littérature cambodgienne moderne, les récits que donne ici Soth Polin interpellent sans ménagement le lecteur en le faisant pénétrer dans un monde bien loin des clichés qui ont cours sur la société khmère. On découvre, de façon abrupte, que les personnages du romancier n’ont rien à voir avec l’image bêtifiante que l’on a donné parfois des descendants des bâtisseurs d’Angkor, mais sont avant tout des hommes, avec leurs passions et leurs travers, que rien ne distingue du reste de l’humanité.
La lecture des nouvelles de Soth Polin est indispensable non pas parce que ses textes sont khmers,
l'écrivain khmer contemporain Soth Polin est l’auteur d’une seule œuvre : L'Anarchiste, roman rédigé en français et publié aux éditions de La Table Ronde en 1980. Et pourtant, Soth Polin est un écrivain qui a publié en khmer nombre de nouvelles et de romans. Soth Polin est né en 1943 dans la province de Kampong Cham. Il est l’un des écrivains cambodgiens majeurs des années 1960 et 1970, période florissante pour la littérature khmère. Polémiste, nationaliste farouche, il est aussi un personnage controversé. Il a fui in extremis le régime de Lon Nol, qu’il avait d’abord soutenu, pour se réfugier en France. Il habite aujourd’hui aux États-Unis.
mais parce que, comme le reste de l’œuvre de cet écrivain, ils sont d’une qualité littéraire, d’une profondeur qui n’a rien à envier à la littérature contemporaine du reste du monde. La traduction française du recueil, haute en couleurs et tout aussi savoureuse que le texte original, est le fruit du travail minutieux de Christophe Macquet, ancien professeur de traduction à l’Institut des Langues Étrangères de l'Université Royale de Phnom Penh et connu notamment pour la traduction en khmer qu’il a réalisée avec ses élèves du Petit Prince de Saint-Exupéry. Excellent connaisseur de la langue khmère, doué d’un talent littéraire certain, Christophe Macquet nous présente une version française qui est un véritable bijou et qui rend brillamment justice au texte éblouissant de Soth Polin.
quatre nouvelles, intitulé Génial et Génital (ISBN : 9782-912528-23-0), vient partiellement combler un vide qui ne s’explique que par la difficulté de la traduction littéraire d’œuvres cambodgiennes et par la rareté des traducteurs littéraires capables de rendre honneur à la langue khmère.
À Phnom Penh, Génial et Génital est en vente à la libraire Carnets d'Asie à l'Institut français du Cambodge
le grand public francophone,
La parution en septembre 2017, chez les éditions Le Grand Os, de la traduction française d’un recueil de
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D E S T I N AT I O N
Crédit photo Steve Bernacki
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À la découverte de
L'AUTRE
KAMPOT par Jean-Benoît Lasselin
à
148 km de Phnom Penh, au sud-ouest du Cambodge, la ville de Kampot est traversée par la rivière Teuk Chhou, dominée par la montagne du Bokor et bordée par la mer. Sous l’administration coloniale française, Kampot était le port le plus important du Cambodge et l’un des plus grands centres commerciaux jusque dans les années 50. Kampot est aujourd’hui une ville de plus de 40 000 habitants, en plein développement, et pleine de surprises. Phnom Penh a peut-être trop perçu Kampot comme une ville endormie, une ville de tourisme à la gloire perdue, qui se résumerait à quelques balades en canoë-kayak, à une destination pour couchetôt curieux de marais salants et de plantations de poivres. Ça, c’était avant. Découvrons l’autre Kampot : En 2018, Kampot n’a plus rien à voir avec la destination coup de cœur du guide vendu en librairie. En 2018, à Kampot, ce sont de bonnes tables, des artistes, des bars stylés mais aussi du sport et du fun. Oubliez le sympathique week-end genre bon père de famille, bienvenue à Kampot, la nouvelle destination cool au Cambodge. Mattéo me tend sa main gauche : « Enchanté ». Accueillant, chaleureux, sincère, Kampot, c’est déjà génial. Je suis rapidement pris en charge par l’équipe du Green House pour mon séjour à Kampot. L'adresse m’a souvent été recommandée, surtout pour son restaurant, devenu l’une des meilleures tables de la province. Le personnel m’accompagne jusqu’à mon bungalow au bord de la rivière Preaek Teuk Chhu. Le cadre est unique. Je déballe mon sac : beaucoup de vêtements de sport, quelques affaires de jour et une tenue pour le soir. Je monte au restaurant, commande le menu « Découverte », je relis mon programme : Kampot, ça va être cool ! www.cambodgemag.com
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D E S T I N AT I O N
Activité escalade. Crédit photo www.climbodia.com
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LIMBODIA ESCALADE, VIA FERRATA, RAPPEL ET SPÉLÉO
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Tout est là : les rizières, les cocotiers, les maisons sur pilotis, les enfants qui jouent, les villageois et un doux soleil “
Couché de soleil sur Kampot. Crédit photo JBL
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« Tu vas voir, il est un peu spécial ». Voilà comment m’est présenté David Van Hulle, grimpeur depuis presque 20 ans. En effet, David est même un personnage très spécial, l’escalade est la moitié de sa vie. Le site est à cinq kilomètres de Kampot, sur la route de Kep. David est au pied de la montagne, il est un peu chez lui au bout de cette route de campagne. C’est lors d’un voyage dans les caves de Kbal Romeas en décembre 2013 qu’il a pris la décision de s’installer au Cambodge et de créer un site d’escalade équipé en plein air. Un an plus tard, Climbodia accueillait ses premiers groupes. Le cadre est magnifique. Nous sommes en plein milieu du Cambodge, celui que la télévision nous montre. Tout est là : les rizières, les cocotiers, les maisons sur pilotis, les enfants qui jouent, les villageois et un doux soleil. Bref, chez David, c’est vraiment stylé. Il me présente son équipe et l’équipement : « Il faut mettre un casque. Parfois, des grimpeurs indépendants ne veulent pas porter de casque, et ça m’énerve ». David prend cinq minutes pour m’expliquer son parcours. Il commencé au Népal où il a vécu cinq ans. Avant, il travaillait dans plusieurs salles d'escalade en
Installation accrobranche à River Park Crédit photo JBL
Belgique, dans la « construction en hauteur » notamment pour installer des voies d'escalade. « Le tour dure quatre heures », continue David en présentant les lieux. Je suis équipé, j’ai mon casque. Je commence l’ascension d’une première voie où « ça grimpe facile ». 30 mètres plus haut, je surplombe Kampot, le Bokor, les marais salants et toute cette campagne dont je ne me lasse jamais. L’équipe de Climbodia me répète à chaque minute que je devrais prendre une photo, je le fais car c’est vraiment spectaculaire. J’entre à présent dans la partie via ferrata : un câble en acier, nous nous accrochons « deux fois avec des slings et mousquetons » et nous traversons en direction de l’autre versant de la montagne. Après un petit quart d’heure de roche sèche et abrupte, l’équipe de David me propose de prendre une photo. Je suis plutôt concentré sur la descente en rappel de 30 mètres qui m’attend. Malgré mon expérience dans ce domaine, 30 mètres, c’est toujours impressionnant. Je m’encorde. Un guide me demande si je veux prendre une photo. Je suis déjà dans la cheminée, à la verticale dans les caves. En bas, le groupe se prépare à la partie spéléologie dans la montagne. David me demande de garder mon casque, son co-équipier m’indique qu’il y a de belles choses à prendre en photos. Nous entrons alors vers des kilomètres de cave. Le tour commence par une description
De retour à l’entrée de la montagne,
David me présente les différentes voies. Je m’encorde et je me lance. J’ai le choix : il y a 17 voies de différents niveaux. « Tout est en moulinette » me précise David, ce qui veut dire que toutes les cordes sont déjà installées au relais d’en haut, « You can take pictures if you want » me dit son guide. David continue : « Le plus jeune client que j’ai accueilli avait 5 ans et le plus vieux 76. Le plus lourd pesait 125 kg ». Cela me rassure, je suis dans la moyenne. La matinée se termine, j'ai les bras complètement bandés, les doigts figés, la tête remplie de nouveaux souvenirs et l’esprit toujours en haut. Merci David, j'ai passé un moment unique. ARCADIA PARC AQUATIQUE Le sol tremble. Ce sont sûrement les
des lieux et de son histoire. Je découvre des stalactites et des stalagmites, des petits temples bouddhistes, chinois et chams, une flore unique et quelques chauvessouris. L’immersion est passionnante, un autre Cambodge. Une heure et quelques kilomètres plus loin, nous retrouvons le ciel brûlant de la province de Kampot. Session de spéléo validée.
infrabasses. J’avance en direction de la source sonore. J’y suis presque. Quelques tuktuks attendent, c’est toujours bon signe. Je croise de jeunes voyageurs aux sourires larges, aux claquettes bruyantes et aux vêtements célébrants la bière, le Cambodge et une certaine culture populaire. Passons… L’hôtel est face à la rivière. Une adresse typique de jeune voyageur célibataire occidental dans ses dernières gesticulations identitaires. Je jette mes vêtements et m’approche de l’une des vitrines du parc : le blob. Le blobbing est une activité d'eau en plein air, issue de l’imagination fade des militaires américains qui s’amusaient à sauter sur des réservoirs d’essences mous flottants près des navires. Le coussin gonflable mesure environ cinq mètres de long sur 1,5 mètre de large, bref, un trampoline aquatique. Avec mes 56 kgs, j’ai tutoyé les cinq mètres… Tout excité, je sors de l’eau, le dos tout rouge après mon atterrissage côté pile. Je suis presque seul à courir avec deux Cambodgiens qui ont l’air d’avoir leurs habitudes dans ce parc. Je me dirige vers une petite zipline de 20m. Après une longue demi-heure à effectuer des allersretours, je nage vers une échelle de dix mètres flottant en plein milieu de l’eau. Pas de doute, nous sommes au paradis. J’enchaine les sauts. De retour dans le restaurant, le manager m’explique que
l’équipe ajoute régulièrement des petites activités comme des plateformes mobiles pour courir sur l’eau. Arcadia, une adresse stylée de plus. RIVER PARK ACCROBRANCHE
Pour cette dernière matinée à Kampot,
je rencontre Alexis, l’heureux propriétaire du River Park, un parcours d’accrobranche unique en son genre. Alexis a travaillé luimême sur ce projet durant six mois : il a construit entièrement conçu et construit l'installation qui, à chaque étape, propose un parcours fluide et sécurisé. « Chaque matin, j’effectue les contrôles de sécurité » assure le quadragénaire fraîchement installé. Le parc est impressionnant. Je monte d’abord dans un arbre qui en rejoint un second par un pont de cordes. Puis une seconde traversée, et une troisième. Tout en haut, la vue sur la rivière Teuk Chhou est imprenable. À son ouverture il y a deux ans, la Kampot Zipline a fait le buzz dans les médias locaux, ce qui lui a permis de devenir très rapidement une adresse incontournable au programme du weekend cool ou même familial. Alexis se lance sur une tyrolienne de plus de 50 mètres. C’est mon tour. Je me lance. Je vis alors ce que les connaisseurs de sport extrêmes appellent le « perfect moment – le moment parfait », cet instant où seule la sensation de glisse prédomine. Arrivé de l’autre côté de la rive, Alexis me désencorde, quêtant mon ressenti, une noix de coco fraîche à la main : « Tu sais, les Cambodgiens font jusqu’à deux heures de queue le week-end pour la zipline. Du coup, quelques restaurants se sont installés pour que les gens puissent patienter à l’ombre et grignoter ». Oui Alexis, ton River Park est super stylé. Autre expérience que propose le River Park : le bungyjump qui consiste en
un saut dans le vide de 19 mètres, retenu par un système de poulie magnétique. Alexis me précise que peu de gens le font car cela vraiment peur aux clients « alors qu’il n’y a qu’une seconde de chute » ajoute-t-il. « Cette épreuve est même passée dans des émissions de téléréalité locales ». Le River Park d’Alexis est incontournable pour tutoyer une nouvelle fois la gravité. Ne perdez pas de temps à faire un selfie durant la tyrolienne, profitez plutôt d’un moment intense, presque parfait. www.cambodgemag.com
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23, rue 57 Phnom Penh 50
CAMBODGEMAG | Mars 2018
P H OTO G R A P H I E
Les artistes du Cirque Phare
Pendant quatre jours, du 07 au 11 mars 2018, la ville des temples
a vécu au rythme de la France avec l’organisation de la première semaine française. Siem Reap a pu ainsi vivre au rythme des couleurs, des saveurs et des musiques françaises pour la plus grande joie des habitants de la ville qui sont venus nombreux découvrir ce petit coin d’hexagone installé sur l’esplanade de l’hôtel Raffles. Cambodge Mag vous propose quelques instantanés de cet évènement inoubliable.
Instantanés français de Siem Reap texte et photographies Christophe Gargiulo
Tour Eiffel, sourire et soleil dans les allées du village
Le stand d'Éric Raisina, créateur de mode à Siem Reap
Un public qui à répondu présent pour cette première semaine française à Siem Reap
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SERVICES
Autobus public à Phnom Penh. Crédit photo Ros Puthineat
Transports publics à Phnom Penh par La Rédaction
Si
La circulation et les embouteillages dans Phnom Penh sont devenus l’un des défis majeurs de la capitale cambodgienne. Outre les désagréments liés à la perte de temps, au stress, à la pollution, une circulation difficile pose également de sérieux problèmes d’image pour la ville, alors même que le Cambodge connait un développement exponentiel, et attire de plus en plus d’investisseurs.
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l’encombrement des grands boulevards de Phnom Penh
aux heures de pointe n’est pas encore comparable à celui des grandes mégapoles d’Asie, la situation risque de susciter quelques inquiétudes supplémentaires avec un nombre croissant de berlines sur le marché, qui vient s’ajouter au nombre déjà impressionnant de motocyclettes et tuktuks. Sur une base hebdomadaire, il y a environ 1 200 voitures importées au Cambodge. Et, la plupart se retrouvent dans la grande région de Phnom Penh. Selon le Ministère des Travaux Publics et des Transports, il y aurait un peu plus de 60 000 nouvelles voitures particulières de plus en circulation chaque année. Cela porte à plus de 3,7 millions le nombre total de véhicules immatriculés sur les routes cambodgiennes aujourd’hui, avec (estimation) 540 000 voitures et 3 200 000 motos. Pour une ville de près de deux millions d'habitants, c'est assez important. Face à cette situation, le Ministère des Travaux Publics et des Transports, la municipalité de Phnom Penh, le gouvernement, des ONG partenaires et les pays donateurs, en particulier Chine et Japon, se sont concertés pour tenter d’améliorer la circulation dans la capitale, et de promouvoir ainsi les transports en commun.
LE RESEAU PUBLICS DE BUS Le réseau de bus public de Phnom Penh mis en place en septembre 2014
a récemment été étendu à douze itinéraires desservis par 150 bus, et offre un service bien utile aux résidents et aux visiteurs. C’est le premier projet de services de transports publics du royaume. Certainement plus lent que d'autres moyens de transport, l'autobus est toutefois un moyen beaucoup plus confortable d’affronter un embouteillage dans Phnom Penh. Le billet pour un seul voyage coûte 2 500 riels sur ces nouveaux autobus climatisés offerts par la Chine, et les services sont disponibles tous les jours de 5h30 à 20h30. Les abribus sont couverts, tous affichent la carte des itinéraires et il est possible de s’asseoir. Cependant, pour tirer le meilleur parti du système, il est possible de télécharger
l'application gratuite « Stops Near Me ». L’application, développée par une jeune enseignante cambodgienne, Malypoeur Plong, est disponible en anglais et en khmer, elle affiche la carte routière complète pour tous les bus et signale l’ensemble des arrêts. « Stops Near Me » permet également de suivre les trajets en bus afin de savoir quand le prochain arrive. Il est possible de télécharger l'application gratuitement depuis Google Play ou Apple App Store.
• Les plus des autobus C'est de loin l'option la moins chère, même pour de courts trajets. Un bus sur
la route 3 du marché de nuit à l'aéroport de Phnom Penh, par exemple, coûte seulement 2 500 riels, alors qu'un tuktuk demandera entre 8 et 10 dollars et un taxi près de 10 dollars US. Les bus présentent l’avantage de tarifs fixes, il n’est donc pas utile de négocier. Toutefois, il est prudent d’avoir la somme juste pour l’achat du ticket, les chauffeurs ont rarement la monnaie. Les nouveaux bus sont plus sûrs et plus confortables que les motos et les tuk-
tuks. Le risque de vol à l’arraché est nul et, pour les touristes, un trajet en bus permet de visiter la ville sans les inconvénients du bruit, de la chaleur et de la pollution. • Les moins des autobus Tout comme les autres véhicules,
ils doivent affronter la circulation des heures de pointe. Le bus ne dépose pas les usagers à la porte de leur domicile, il faut donc marcher un peu et cela peut être un petit inconvénient au retour de shopping avec des paquets encombrants.
sont en route pour le royaume depuis le Mexique, et devraient arriver en mars. Le service devrait être opérationnel avant la nouvelle année khmère à la mi-avril. Le nouveau train utilisera trois locomotives importées du Mexique pour le transport de passagers, chaque train pouvant transporter jusqu’à cent passagers. En décembre dernier, Sun Chanthol avait déclaré que le nouveau service de train serait gratuit pour tout le monde au cours des trois premiers mois. Si ce projet contribuera certainement à désengorger le tronçon Phnom Penh - Pochentong, il ne règlera, qu’une partie du problème. EN PROJET : LES BATEAUX TAXI Un service de bateaux taxis reliant Prêk Phnov dans la partie nord de
Phnom Penh à la ville de Takhmao dans la province de Kandal via le Tonlé Sap, le Mékong et le Bassac, devrait être lancé en avril 2018. Selon Va Simsorya, porteparole du Ministère des Travaux Publics et des Transports, six des quinze stationsservice - zones d’accostage prévues pour les bateaux taxis seront construites en avril. Les techniciens du ministère travaillent à présent sur les endroits appropriés pour bâtir ces stations. D’après le ministère, chaque bateau, qui fera 14m de long et 3,9 m de large, transportera au maximum 48 passagers. Le Ministre d’Etat Sun Chanthol, ministre des Travaux Publics et des Transports, a indiqué que le système de bateau taxi contribuerait à réduire les embouteillages dans les rues principales, et que pour la première étape, le service s’adresserait seulement aux passagers. Le ministère projette ensuite de construire des zones d’accostage le long des rivières pour le transport des produits agricoles. EN PROJET : TRAIN AUTOMATIQUE
Automated Guideway Transit (AGT) Tokyo, Japon. Crédit photo 掬茶
LE TRAIN Le Ministre des Travaux Publics et des Transports, Sun Chanthol, a annoncé en
février que la ligne de chemin de fer reliant Phnom Penh à l’aéroport était achevée à 50 %. Le ministre a ajouté que les trains
Bateau taxi sur Wang Lang Pier, Chao Phraya River, Bangkok. Crédit photo David McKelvey
L’Agence Japonaise de Coopération Internationale (JICA) mène actuellement
une étude de faisabilité pour la construction d’une voie ferrée à Phnom Penh, avec l’objectif global d’élaborer un plan directeur visant à réduire la congestion routière dans la capitale. L’étude préparatoire pour le projet Automated Guideway Transit (AGT)
devrait être terminée en mai 2018. L’AGT est un système de transport en commun à entraînement électrique avec des autocars pouvant transporter un maximum de trente passagers chacun et fonctionner à une vitesse de soixante kilomètres à l’heure. L’AGT nécessite moins d’espace et peut facilement être manœuvré dans les petites artères de la ville. Conçu pour être respectueux de l’environnement, l’AGT consomme moins de combustible fossile et s’avère donc moins polluant. Le projet fait partie de la préparation d’un système global de transports publics à Phnom Penh, indique Va
Simsorya : « …Le ministère a envisagé des projets semblables comme celui-ci depuis longtemps, et nous comprenons la nécessité de réduire les embouteillages dans la ville… ». Le porte-parole de l’hôtel de ville, Met Measpheakdey, a déclaré que le projet démarrerait du boulevard Samdech Monireth et irait au rondpoint de Chom Chao via le boulevard Veng Sreng. Selon la JICA, le projet de développement du métro de Phnom Penh coûtera environ 800 millions de dollars. Hideaki Iwase, conseiller pour l’étude de projets de la JICA, indique que l’AGT implique la construction d’un chemin de fer urbain à Phnom Penh susceptible d’aider à limiter les embouteillages : « …Le rapport f inal de l’étude de faisabilité sera bientôt soumis au gouvernement cambodgien. Il prendra alors la décision de lancer ou non le projet… ». www.cambodgemag.com
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N AT U R E
LES OURS du Cambodge, espèce en
danger
texte Christophe Gargiulo crédit photos Asian Animal Protection Network - Shanaka Aravinda - Tambako The Jaguar (cc) – CG
L'OURS MALAIS, LE PLUS PETIT OURS DU MONDE
L'ours malais (Helarctos malayanus)
L'ours malais est la plus petite et la plus rare des huit espèces d'ours vivants dans le monde
Il existe deux variétés d’ours dans les forêts d’Asie et du Cambodge. L’ours noir et le fameux sunbear communément appelé ours malais. Tous deux sont inscrits sur la liste des espèces en danger de l’IUCN (International Union for Conservation of Nature – Union Internationale Pour La Protection de la Nature).
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est la plus petite et la plus rare des huit espèces d'ours vivants du monde. Son nom anglais, sunbear, c'est-à-dire « ours soleil » , évoque la tache jaune en forme de croissant qu'il porte sur la poitrine, symbole du soleil levant dans le folklore asiatique. Cette marque change de taille et d'allure d'un individu à l'autre et peut, parfois, être absente. Il est aussi connu sous le nom d'ours à miel, nourriture qu'il affectionne tout particulièrement ou encore d’ours des cocotiers. Contrairement aux autres ours, son poil est court, ce qui permet de le différencier parmi les autres espèces d’ours. Un mâle mesure au maximum 1,40 mètre de long pour un poids pouvant atteindre 90kg. Malgré son allure pataude, cet ours est un excellent grimpeur grâce à ses longues griffes incurvées lui permettant de monter aisément aux arbres, où il passe beaucoup de temps pour se nourrir de fruits, de petits rongeurs, d'oiseaux, de termites et autres insectes, et de miel. L'ours malais était autrefois très répandu dans les forêts de basse altitude de l'Asie du Sud-Est, mais a disparu de la majeure partie de
son ancienne aire de répartition au cours des dernières décennies. Au Cambodge, on le trouve encore dans quelques zones protégées des provinces du Ratanakiri et du Mondulkiri. Sur les trente dernières années, cette espèce aurait perdu plus de 30% de sa population. Ses mœurs sont plutôt nocturnes,
surtout dans les zones où il se sent menacé. L’ ours malais est d’un naturel peu agressif et n’est pas considéré comme dangereux pour l’homme. L’ours noir d'Asie (Ursus thibetanus) est souvent nommé « ours à collier » à cause du croissant blanc qui orne sa poitrine. Cette marque peut être plus ou moins accentuée, parfois complètement absente. Sa fourrure épaisse très distinctive est le plus souvent complètement noire ou brun foncé. L’ ours noir d'Asie peuple les forêts de zones montagneuses. L'ours à collier est surtout nocturne; la journée, il dort dans les arbres ou dans les cavernes. L’OURS NOIR D’ASIE, CHASSÉ ET TORTURÉ POUR SA BILE Cette espèce se nourrit de fruits, de
nids d'abeilles, d’insectes, de reptiles et petits vertébrés, parfois de charognes. Il peut aussi attaquer les petits des chèvres, des brebis ou des buffles. Son gabarit se situe entre 120 et 180 cm pour 65 à 150 kg. Il grimpe aux arbres avec une grande aisance. Comme l’ours malais, l’ours noir est menacé. Victime du braconnage et de la déforestation, l'ours noir d’Asie a un avenir plutôt incertain à l’état sauvage. Dans les zones protégées du Cambodge, Cardamomes, Mondolkiri et Ratanakiri, des ours noirs et malais ont été observés mais cela devient de plus en plus rare. Il resterait quelques centaines, à peine, de ces deux espèces reparties dans ces trois zones. Dans un petit village des Cardamomes, les villageois nous ont raconté que quelques ours noirs ont fait des dégâts dans leurs plantations. En effet, si les ours ne trouvent plus d’arbres pour leur nourriture, ils s’aventurent dans les plantations de maïs ou les vergers pour trouver de la nourriture. Il peut y avoir confrontation entre l’ours et l’homme mais celle-ci tourne rarement au bénéfice de l’animal.
Plus grave, l’ours noir d’Asie est victime d’un braconnage intensif car sa bile
est extraite pour en faire des médicaments traditionnels. Les animaux sont alors utilisés dans des fermes d’élevage ou on leur extrait la bile, vivants, cloitrés dans des cages leur interdisant tout mouvement. Selon les croyances asiatiques, sa bile permettrait de stimuler la virilité, résorber les hémorroïdes et soigner les infections des yeux. Ces techniques inhumaines sont interdites au Cambodge et dans les pays environnants, mais le marché clandestin est florissant, bien que la molécule extraite de sa bile ait pu être reconstituée en laboratoire. Les associations de protections des ours estiment qu’il existe soixante fermes abritant un total de 10 000 ours uniquement en Chine. Au Vietnam, 2 400 ours seraient utilisés aux mêmes fins dans les mêmes conditions. Au Cambodge, plusieurs guérisseurs utilisent leur bile mais tuent les ours une fois celle-ci utilisée. Les oursons sont aussi parfois kidnappés pour en faire des animaux de compagnie, ou pire, pour les empailler. Comme beaucoup d’autres animaux, les ours du Cambodge ont souffert de la destruction de leur habitat. Mais des efforts de conservation importants sont entrepris au Cambodge pour que l’avenir de l’ours noir et du malais s’annonce moins sombre.
“
[…] l’ours noir d’Asie est victime d’un braconnage intensif car sa bile est extraite pour en faire des médicaments traditionnels ”
L’ours noir d'Asie est souvent nommé ours à collier
Le centre de secours de Phnom Tamao
accueille plus de 85 ours. En partenariat avec l’ONG « Free The Bears », seize espaces naturels de plusieurs hectares sont réservés aux ours. L'environnement naturel a été recréé pour que les ours se sentent comme chez eux. Des portiques, des piscines et autres installations permettent aux ours d’être entrainés, rééduqués et remis en forme pour une éventuelle remise en liberté. Les ours de Phnom Tamao sont des rescapés du braconnage, de fermes d’élevage ou encore des animaux abandonnés après que leurs parents aient été tués. « Free The Bears » est une ONG très active au Cambodge, et sans qui la population d’ours aurait probablement totalement disparu du royaume.
Ours enfermé dans une cage d’où on lui extrait la bile en permanence. Ce commerce est florissant : un gramme de bile séchée coûterait en moyenne 170 euros.
Il est possible de visiter leur centre à Phnom Tamao en appelant le +855 (0)92 434 597 ou en les contactant au : bearcaretours@freethebears.org. Site web : http://www.freethebears.org/index.php/ help-the-bears/bear-care-tour
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CHRONIQUE
Je suis un belge
fan
de cuisine khmère
texte Thierry Descamps photographie Sodanie Chea
Je sais que je vais en faire hurler plus d’un mais je suis un fan de la cuisine
On achète quoi à Phnom Penh et où ?
Je ne peux me prévaloir que de ma courte expérience et chacun va où il veut selon ses petites habitudes ou la proximité géographique des marchés. En ce qui me concerne, après différents essais et sans que mon choix soit meilleur qu’un autre, j’ai mon petit circuit. Les légumes et les fruits au marché Boeung Keng Kang à deux pas de chez moi, les coquillages et les fruits de mer au marché russe, le poisson au marché de Takmao et les ustensiles de cuisine à O’Russey. Pour la viande j’ai
khmère. À la différence de la cuisine thaï souvent trop épicée, de la vietnamienne trop chichiteuse à mon goût ou des brouets chinois, la cuisine khmère est simple et centrée sur le produit. On identifie mieux les différentes saveurs qui ne sont pas noyées dans les sauces ou les amoncellements de parfums. Seule la cuisine laotienne supporte la comparaison. Mais ce n’est que mon avis. J’ai découvert des choses délectables chez des amis à Phnom Penh, Battambang et Siem Reap. Le pleah de Oeun est un pur délice. C’est un assortiment de poissons crus légèrement rehaussé par un accompagnement d’huile d’olives et citron vert, du poivre (de Kampot bien sûr) et deux ou trois autres trucs. Ses grillons cuits au miel en saison sont à tomber raide de contentement. Ma première visite au marché pour acheter de la viande avec mon ami « le Maître des poulets » (il se reconnaîtra) m’avait laissé songeur. Il est vrai qu’en Europe on n’est pas habitués aux étals de rayon boucherie où un commis Plat khmer : Amok de Poisson agite un éventail pour chasser les mouches (bein oui, il fait chaud). L’astuce un faible pour le supermarché Bayon sur c’est que les khmers ont l’habitude de « Fédération de Russie ». Un truc me stupéfie. consommer la viande tout de suite comme Vous pouvez avoir acheté un jour des quand les frigos faisaient défaut il y quelques légumes à un marchand et si vous revenez années. Si on la laisse reposer deux jours, deux semaines après il vous demandera si elle devient exceptionnellement tendre et vous voulez « comme la dernière fois » sans se savoureuse. Si on y ajoute un peu de praok tromper. Faut dire qu’un barang à lunettes (un jus de poisson longuement fermenté de 1.90 m, ça ne passe pas nécessairement délicieux si on dispose d’une « première inaperçu dans les halles surchauffées ou aux pression ») ça vaut tous les pork tenderloins étals inondés en saison des pluies. des « steak houses » du monde en beaucoup Mes « bonnes adresses » ? Je ne suis pas mieux ! Et que dire de la cuisine de Thida, guide culinaire et mes choix personnels mon employée maison : Magique ! sont parfois un peu extravagants. Je me
garderais donc bien d’empiéter sur les platebandes de gens plus compétents que moi. En plus, je n’y connais absolument rien en vins ce qui fait de moi une sorte de bipède en voie d’extinction au Cambodge. Je me laisse guider par mon inspiration du moment. Je peux me délecter d’un « truc » dont j’ignore le nom et la composition dans un relais routier (du moins ce qui pourrait y ressembler vaguement) et me poser des questions sur ma santé mentale quand j’entreprends d’essayer une soupe aux fleurs de bananier à Kratie. Au marché je « tape » au hasard, découvrant des fruits qui me sont inconnus comme la pomme cannelle (ptea khmer, je crois), le phley teukdoko (pomme de lait au jus suave), des avocats comme des melons ou des herbes et condiments dont je ne sais pas exactement ce que je vais faire. Point important pour un belge !
Les patates (domlong barang) à la peau fine font des frites exceptionnelles et mélangées à des patates douces (domlong chvea), une purée fabuleuse (avec une amie de passage, nous avons même dégusté une purée à la purée pas franchement diététique mais mémorable). Une seule chose me consterne dans la cuisine cambodgienne : les gâteaux et les desserts ! Même les anglais n’auraient pas osé inventer des trucs pareils. On a toujours le loisir d’opter pour une glace de chez « Karem ». C’est du bon, c’est du belge ! Simple échantillon sans prétention de ce que j’aime bien. Après, on pourra toujours argumenter qu’un belge n’y connaît rien en cuisine en dehors des moules frites… Bon appétit ! www.cambodgemag.com
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TO U R D E TA B L E
Petits coins exotiques et gourmands autour du Marché Russe texte et photographies Pascal Medeville
Le Mekong Elephants Riz sauté au kapik
L
e Mekong Elephants est l’un des innombrables restaurants cambodgiens populaires qui
constellent la carte de Phnom Penh. Situé à l’angle des rues 430 et 506, il est un peu éloigné du Marché Russe, mais peut constituer une excellente base de départ pour qui veut explorer ce quartier de la capitale. Il s’agit d’un établissement fréquenté surtout le matin, majoritairement par des Khmers. L’établissement comporte une vaste terrasse ombragée, fort agréable. La
Mekong Elephants, 13 rue 430, Phnom Penh, ouvert de 7h à 21h
circulation matinale sur la rue 430 est des plus chaotiques, mais Mekong Elephants n’en reste pas moins un havre de paix. Il est également possible de se restaurer à l’intérieur du bâtiment ; une petite salle climatisée a même été aménagée. La carte du petit-déjeuner propose une belle variété des mets avec lesquels les
Cambodgiens ont l’habitude de commencer leurs journées : plus de dix sortes de « kuy teav », ces nouilles de riz au bouillon qui font le régal des Phnompenhois ; les pâtes de farine de blé, en soupe ou sautées, sont proposées sous huit formes différentes ; Mekong Elephants propose aussi de nombreux « bâbâr » (bouillies de riz, ou 58
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congees) ; mais ce sont les différents riz sautés qui ont ma préférence. Le riz sauté de Yangzhou (connu en France sous le nom générique de « riz cantonais ») est riche en ingrédients et en saveurs, le riz sauté au crabe, malgré sa simplicité apparente, est un délice. La fréquentation à l’heure du déjeuner est beaucoup moindre. Le chef du Mekong
Elephants propose pourtant quelques mets fort intéressants, dont un « riz sauté au kapik », que l’on ne rencontre pas souvent. Le kapik (ou « kapi ») est cette pâte de crevettes fermentées, connue sous des noms divers dans de nombreux pays d’Asie du Sud-Est ; la saveur de ce condiment, qui entre dans la composition de différents plats khmers aux effluves prononcées, est au moins aussi puissante que celle du prahok. Dans le riz sauté au kapik, le maître-queux use de cette pâte brunâtre avec parcimonie, si bien que la saveur du plat reste modérée. Le riz est servi enveloppé dans une fine omelette, et il est accompagné de porc grillé, de petites crevettes séchées et de crudités diverses (papaye verte émincée, tomate rouge débitée en rondelles, quelques feuilles de laitue). Ce plat constitue à lui seul un copieux déjeuner.
Cuisine des minorités (Phteah Bay Chuncheat Daeum)
P
armi les restaurants khmers de la capitale, il en est un qui se
distingue par l’originalité de sa carte, puisqu’il propose des mets que l’on ne trouve nulle part ailleurs à Phnom Penh : la Cuisine des minorités (Phteah Bay Chuncheat Daeum). Comme son nom le laisse deviner,
cet établissement fait découvrir à une clientèle phnompenhoise de plus en plus nombreuse, qu’elle soit khmère ou expatriée, des préparations tout à fait uniques. La propriétaire du restaurant, Madame Yun Mane, est elle-même originaire d’un village Pnong du Mondolkiri. Avant d’ouvrir ce restaurant, Yun Mane, après avoir officié comme institutrice, a travaillé pour diverses ONG, et a même occupé les fonctions de responsable de l’Organisation des peuples autochtones du Cambodge. En ouvrant son restaurant, elle a voulu promouvoir la cuisine de son ethnie, mais aussi celle des autres minorités des plateaux du nord-est du royaume. Le chef qui veille aux fourneaux est lui-même d’ethnie Tampuan. La carte
propose un large choix de préparations populaires chez les diverses minorités : ainsi, le gourmet curieux pourra déguster la délicieuse soupe « Pipea », une soupe riche en abats de bœuf, parfumée à la citronnelle et au panicaut fétide, ou encore le « sésame pilonné », plat Kuy qui se compose principalement de graines de sésame noir finement pilonnées et agrémentées de chair de poisson « deap » (Channa micropeltes), l’un des poissons d’eau douce les plus populaires du Cambodge ; la soupe épaisse au riz grillé, plat Tampuan, doit sa texture veloutée à l’ajout de riz qui, après avoir été grillé, est pilonné et sert d’épaississant au liquide ; parmi les plats les plus populaires du restaurant, on peut encore citer le « janang », mets commun aux ethnies Kreung et Tanpuan, comportant entre autres ingrédients de la poitrine de porc, des pousses de bambou et des tiges de taro. De nombreuses autres préparations sont encore à découvrir, et cela d’autant plus que la carte n’est pas figée. Les prix pratiqués sont en outre très raisonnables.
Janang
La Cuisine des Minorités se trouve au 68A de la rue 456, près du carrefour de la rue 123, dans le quartier de Tuol Tompong I ; le restaurant est ouvert dès 7h du matin, et ferme ses portes à 21h.
Le Cafe Yejj Poisson grillé
A
ux abords du Marché Russe,
nombreux sont les restaurants créés pour permettre aux amateurs venus dans ce quartier à la recherche d’objets originaux, de souvenirs de l’artisanat khmer ou de vêtements bon marché, de se restaurer. Parmi ces établissements, aux portes du marché, on trouve le Cafe Yejj, qui
occupe un compartiment chinois situé au 170 de la rue 450, tout près de la rue 155. La carte du Cafe Yejj est des plus conventionnelles, proposant quelques
Cafe Yejj, rue 450, Phnom Penh, ouvert de 7h30 à 21h30
mets cambodgiens classiques (curry, poisson d’eau douce grillé, blanc de volaille grillé aux épices khmères), ainsi que quelques plats « internationaux » (salades, pâtes italiennes). Le Cafe Yejj ne se distingue donc pas par l’originalité de son offre.
Les plats que nous avons eu l’occasion de déguster sont cependant
riches en saveur. Le curry vert au poulet (le chef du restaurant utilise de la cuisse de poulet désossée) est savoureux, économe en piments, et sa sauce est d’une onctuosité fort appréciable (conférée notamment par la patate douce) ; elle accompagne superbement le riz blanc. Le poisson d’eau douce grillé est d’une tendreté appréciable et s’accommode fort bien des légumes (poivrons, tomates) qui l’accompagnent. Pour ne rien gâcher, les places en terrasse offrent enfin une assise agréable. Cafe Yejj fait partie des établissements phnompenhois signalés par le guide Lonely
Planet et bénéficie de bons commentaires sur les réseaux sociaux. www.cambodgemag.com
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PRODUIT DU CAMBODGE
Moringa,
un végétal aux multiples vertus texte et photographies Pascal Medeville
Feuilles de moringa
Le moringa est connu en français sous des noms divers : ben ailé, ben oléifère,
le
moringa (Moringa oleifera), appelé en khmer « mrum », est
un végétal à la mode. Depuis quelques années, il bénéficie de l’attention soutenue de nombreux adeptes de la phytothérapie, qui sont sensibles à la tradition de la médecine ayurvédique selon laquelle cette plante serait capable de soigner plus de 300 maladies.
néverdier… Ses graines sont appelées « noix de ben ». La plante est originaire d’Inde et du Pakistan, mais elle est largement diffusée dans d’autres régions de l’Asie du Sud-Est. On le retrouve même dans le sud de la Chine, notamment dans les provinces du Yunnan et du Guangdong, ainsi qu’à Taiwan. Le moringa a également été transplanté en Afrique. Presque toutes les parties de la plante sont utiles : feuilles, fleurs, gousses, graines
peuvent être consommées directement. Au Cambodge, les jeunes feuilles sont utilisées dans diverses soupes : sâmlâ koko, sâmlâ srâlâk ; les gousses peuvent être ajoutées aux « soupes aigres » (sâmlâ mchu). Les graines, enfermées dans une enveloppe souple, peuvent être grignotées à la manière des arachides. La plante elle-même est parfois utilisée comme ornementale. En phytothérapie, la poudre de feuilles de moringa est indiquée pour stimuler le
Graines de moringa en vente dans une boutique en Chine
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système immunitaire, réduire la fatigue, abaisser la pression artérielle, améliorer la digestion et le transit, renforcer les capacités cognitives… Les formules des compléments alimentaires proposent soit de la poudre de feuilles de moringa seule, soit en association avec d'autres ingrédients. Le qualificatif d’oleifera qui entre dans
la composition du nom latin du moringa indique que ce végétal produit une huile, qui est extraite des graines. Elle peut être utilisée comme huile alimentaire, mais elle est surtout employée en parfumerie car elle possède la propriété de bien fixer les arômes. Les feuilles du moringa sont riches en nutriments, mais elles contiennent
également des composants qui ne sont pas anodins pour la santé, notamment des alcaloïdes et des flavonoïdes. Aussi leur consommation est-elle déconseillée aux femmes enceintes, aux personnes souffrant d’hypertension et d’asthme, ainsi qu’aux bébés de moins de six mois. Le moringa est également une plante recommandée aux diabétiques. Les
feuilles sont riches de nombreux nutriments (fer, protéines, vitamine C, vitamine A), mais surtout, elles aident à réguler le niveau de glucose dans le sang. Les vertus du moringa sont telles que l’OMS en a fait la promotion active en Afrique, où la poudre de feuille de moringa est destinée à la supplémentation nutritionnelle notamment des enfants malnutris, des mères qui allaitent et qui souffrent d’anémie ainsi que des personnes qui vivent avec le VIH. Notons enfin pour l’anecdote que les extraits de la graine de moringa sont également largement utilisés par l’industrie cosmétique.
GASTRONOMIE
Le
Saint Georges, cuisine du Sud-Ouest
texte Pascal Medeville photographie Le Saint Georges
Parmi les nombreux restaurants français que compte la capitale khmère, Le Saint
Georges, blotti dans un compartiment chinois de la rue 136 (entre les rues 19 et 15) se distingue par sa spécialisation : c’est en effet le seul établissement dont la carte propose exclusivement des plats issus de la cuisine du Sud-Ouest. Le propriétaire, Nicolas Smallwood, lorsqu’il a décidé de s’installer au Cambodge et d’y ouvrir un restaurant, a cherché une idée lui permettant de distinguer son établissement. Gourmet affirmé, il a pensé que la voie qui consistait à proposer une gastronomie typée était la bonne. S’il n’est pas né à Toulouse, Nicolas
y a cependant séjourné pendant vingtcinq ans et s’est pris d’affection pour la cuisine du sud-ouest de la France. Avant d’inaugurer le Saint Georges, cet ancien professeur de gestion d’entreprise n’avait pas d’expérience directe de la restauration. Son épouse cambodgienne, Oeurn Puthea (connue de tous sous le surnom de « Lida ») avait cependant travaillé dans ce secteur, aussi bien en cuisine qu’en salle. Nicolas et Lida ont œuvré ensemble pour mettre au point les recettes de plats que Nicolas avait eu l’occasion d’apprécier à de nombreuses reprises et dont il conservait le souvenir ému. C’est ainsi qu’ils ont sélectionné pour leur carte quelques plats emblématiques : foie gras, confit de canard, cassoulet, filet de porc mijoté… Alors que je lui faisais remarquer que sa carte semblait figée, il m’a répondu avec un franc sourire que ce choix était volontaire : « Lorsque j’étais à Toulouse, j’allais dans certains restaurants qui étaient connus pour une spécialité donnée, dont ils ne dérogeaient pas. C’est sur cette idée que nous avons composé notre carte». Mais que les gastronomes versatiles se rassurent : tous les mois, le Saint Georges propose une spécialité différente, pour permettre à la clientèle de découvrir de nouveaux plats.
Cette clientèle se compose pour l’essentiel d’expatriés, dont environ
la moitié d’anglophones et un tiers de francophones ; certains résident dans l’un des pays voisins : lorsqu’ils viennent en escapade à Phnom Penh, ils profitent de l’occasion pour se régaler des plats traditionnels du Saint Georges. Les clients asiatiques forment néanmoins un cinquième environ de la clientèle de l’établissement. Il s’agit le plus souvent de Japonais, mais les autres nationalités (Chinois, du continent ou Taiwanais, Singapouriens) sont également représentées. Les Khmers sont moins nombreux et il s’agit le plus souvent de Cambodgiens de France ou des États-Unis. Le Saint Georges est également remarquable par sa carte des vins. Nicolas pense, ce en quoi il a me semble-t-il raison, que les mets d’une région ne sont jamais mieux servis que par les vins de leur terroir. Les nectars proposés sont donc pour l’essentiel des vins du Sud-Ouest. Sur la carte des vins, l’amateur éclairé pourra par exemple noter la présence de quelques superbes flacons de Madiran et autres bouteilles appréciées des disciples de Bacchus. Tous les mois, Nicolas fait aussi découvrir aux aficionados un nouveau vin. www.cambodgemag.com
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V I V R E A U C A M B O D G E – P R AT I Q U E
Si par La Rédaction
Crédit photo Flickr (cc)
Ministère des Travaux publics et des Transports 106 Preah Boulevard Norodom, Phnom Penh Tel : +855 (0)23 427 845 +855 (0)23 427 862
OBTENIR UN PERMIS DE CONDUIRE CAMBODGIEN vous envisagez de conduire une moto ou une voiture au Cambodge, il est
maintenant obligatoire d’obtenir un permis de conduire cambodgien. Les lois du pays ont changé depuis le 1er janvier 2016 et ceux qui conduisent des motos de 125cc ou moins n’ont pas besoin de permis. Le permis de conduire international n’est pas reconnu au Cambodge et, en cas d’accident sans permis cambodgien valide, il est probable que votre compagnie d’assurance refuse de vous couvrir et, pour les plus professionnelles, de vous laisser souscrire une assurance accident tout court. En cas de contrôle policier, il faut s’attendre à une forte amende si votre permis n’est pas validé. Il existe plusieurs types de permis de conduire au Cambodge : • A1 : Pour les motos et scooters entre
49-125cc mais depuis décembre 2016, ce permis de conduire n’est plus nécessaire. • A2 : Pour les motos de plus de 125 cm3. • B : Pour les voitures de tourisme (moins de neuf passagers). Le permis de catégorie B permet également à son détenteur de conduire des motocyclettes de moins de 125 cm3, mais un permis A2 est toujours requis pour les motocyclettes de plus grosse cylindrée. Il existe deux façons d’obtenir un permis cambodgien, soit le passer localement, soit transformer votre permis délivré dans votre pays d’origine en permis cambodgien. Ceux qui n'ont pas de permis français ou international peuvent passer le permis
cambodgien, mais seulement après une présence de six mois au Cambodge. On trouve des auto-écoles dans les grandes villes, mais il vaut mieux passer son permis en province, la circulation y étant 62
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bien moins dense et moins difficile qu'à Phnom Penh. Les questions sont rédigées uniquement en langue Khmère et, si vous ne parlez pas la langue, il vous faudra payer un traducteur. Cette option est toutefois la moins commune, la plupart des nouveaux arrivés au Cambodge ayant déjà un permis de conduire. Alors qu’il était auparavant possible de passer par une agence, les demandes de transformation de permis de conduire doivent être effectuées directement auprès du Ministère des Travaux Publics et des Transports. Attention, votre visa doit être valide pour une période de six mois lors de la demande. Il faut vous munir : • De cinq photographies d’identité format passeport • De votre passeport • Du permis de conduire valide de votre pays d’origine • D’un certificat de résidence ou copie de votre bail de location Si votre permis n’est pas en anglais ou en français, il faudra fournir une copie
traduite notariée par votre ambassade. Concernant les frais de permis, pour le permis A2. Il vous en coûtera 22,5 dollars US pour un nouveau permis, 10 dollars US pour un transfert, et 7,5 dollars US pour un renouvellement. Pour le permis B, les tarifs sont les mêmes sauf pour le renouvellement, facturé 10 dollars US. Il est aujourd’hui possible de renouveler son permis en ligne, mais le formulaire est en langue khmère. Les délais d’obtention du nouveau permis sont de quelques semaines et la durée de validité de votre permis sera de un an, contre cinq auparavant.
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A R T I S A N AT
Poterie modelée
“ à Kampong Chhnang
Cette technique primitive de façonnage […] a survécu jusqu'à nos jours “
texte et photographies par Pascal Medeville
LA poterie a permis aux hommes sédentarisés
de stocker les aliments et de les cuisiner. Elle constitue l’un des fondements de la civilisation du néolithique, dans toutes les régions que l’homme a colonisées. En Asie orientale, c’est apparemment en Chine que les premières poteries seraient apparues, vers 20 000 ans avant l’ère chrétienne. Avant l’invention, relativement tardive, du tour de potier entre 3 500 et 3 450
av. J.-C, il existait diverses techniques permettant de façonner les pots avant de les cuire : la plus connue, la technique de montage au colombin, consistait à empiler les uns sur les autres des boudins d’argile (les colombins) en les façonnant au fur et à mesure que le récipient était façonné. Il fallait lisser les aspérités produites par l’empilement des colombins de façon à avoir une surface extérieure bien lisse. Une autre technique, qualifiée d’estampage, 64
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consistait à appliquer de petites portions de terre sur ou à l’intérieur d’un objet existant. Mais avant cela, la technique la plus primitive consistait à mettre en forme une boule de terre posée sur un support en la modelant entre ses doigts, technique que l’on appelle poterie modelée. Cette technique primitive de façonnage de la poterie a survécu jusqu’à nos jours dans de nombreuses régions du monde, par exemple en Afrique du Nord, ainsi qu’au Cambodge, notamment dans la province de Kampong Chhnang, à deux heures à peine de voiture de Phnom Penh. Cette province, dont le nom signifie « port des marmites », est d’ailleurs réputée au Cambodge pour sa poterie. C’est dans le petit village de potiers d’Andong Russey, proche de la capitale
provinciale, qu’il est possible de visiter des ateliers rudimentaires qui fabriquent à la commande divers types de récipients en terre cuite avec la technique de la poterie modelée. Cette technique consiste à placer la matière première, de l’argile ou de la terre spécialement préparée, sur un support dont la hauteur permet de travailler confortablement la boule de terre. Dans l’atelier visité, le support était constitué d’un tronc d’arbre coupé à hauteur du bassin. Le potier commence à donner une forme cylindrique grossière au pot qu’il veut fabriquer, en travaillant de ses mains nues. Comme le potier ne dispose pas de tour, c’est lui-même qui tourne autour de la boule de terre pour essayer d’obtenir un objet dont les parois ont une épaisseur régulière (d’autres potiers du même village fabriquent des récipients à l’aide d’un tour rudimentaire, actionné à l’aide d’une pédale). Vient ensuite une opération délicate : celle qui consiste à élargir la partie centrale du récipient et à lui donner une « panse » aux courbes régulières et harmonieuses. Il faut pour cela amincir les parois tout en leur donnant de l’« embonpoint ». Pour ce travail, le potier a recours à une planchette de bois, que les spécialistes appellent « batte », (en khmer « tronéah ») avec laquelle il vient battre la face externe du récipient, tandis qu’une sorte de galet en terre cuite, appelée « contrebatte » (« kôn kleung »), vient appuyer
sur la paroi intérieure pour la faire « enfler » et donner son embonpoint au pot. Des poteries ont été retrouvées sur des sites préhistoriques au Cambodge, à Kampong Cham, bien sûr, mais aussi à Takeo, à Banteay Meanchey et jusqu’à Préah Vihear, un nombre conséquent de ces contrebattes qui témoignent de l’ancienneté de la technique de poterie modelée dans le pays. La plupart de ces objets sont en terre cuite, quelques exemplaires ont, plus rarement, été taillés dans le grès. La majorité des contrebattes préhistoriques avaient une forme similaire à celle de champignons, d’autres à celle d’un poids de balance. Le façonnage de la panse du récipient est une opération difficile, car il est nécessaire d’assurer une forme régulière et de ne pas casser l’argile encore malléable. Si toutefois un accident se produit et que le récipient est troué, il est relativement aisé de réparer l’objet pendant que la terre est encore humide. Pendant le processus de mise en forme, le potier continue à tourner autour du support sur lequel le pot en cours de fabrication repose. Une fois obtenus la forme et le volume recherchés, c’est l’ouverture de l’objet qui est travaillée. Pour ce faire, le potier prend un petit morceau de carton plié en deux, l’humecte d’eau et l’applique sur les bords de l’ouverture, tout en tournant autour du support, de façon à obtenir une ouverture bien ronde et régulière. C’est aussi à ce moment que le col de l’objet est décoré de striures simples. Une fois le récipient terminé, il convient de le laisser sécher quelques heures au soleil, avant d’entamer la cuisson dans un four à bois. Cette cuisson dure plusieurs heures et donne au récipient sa jolie couleur ocre. Pour certains objets que l’artisan veut colorer en noir, un second passage au four est nécessaire. Il est également possible, après cuisson, d’appliquer un vernis à l’objet pour lui conférer une surface brillante. Malgré les progrès technologiques, de nombreux potiers khmers restent attachés aux techniques ancestrales, et produisent une multitude d’objets en terre cuite qui conservent un cachet indéniable et un charme suranné que n’ont pas les récipients de métal ou de plastique dont nous inonde l’industrie moderne.
Utilisation de la batte
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V I E C U LT U R E L L E - P R AT I Q U E
L’Institut français du Cambodge : Au fil des livres, une médiathèque d’exception texte et photographies l’équipe de l’Institut français du Cambodge
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n se laissant porter avec plaisir et curiosité au fil de l’eau au Cambodge, nous pourrions avec autant de plaisir et de curiosité nous laisser porter « au f il des livres » à la médiathèque de l’Institut français du Cambodge. Une invitation au voyage au gré des courants, des escales et des rencontres, parfois inattendues. Q ui devinerait en entrant dans cette médiathèque qu’un livre sur cinq porte sur l’Asie du Sud-Est, le Cambodge, sur leurs histoires, patrimoines, architectures ou littératures, entre mille autres sujets ? Mais aussi sur les rencontres entre le Cambodge et la France, les rencontres des artistes, des savants et des hommes politiques. En poussant la porte de la médiathèque, vous pourriez alors oublier le temps en vous plongeant dans ce fonds francophone spécialisé consacré à l’Asie du Sud-Est, au Cambodge en particulier. 66
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Chroniques, récits et annales : la mémoire des textes Au fil de l’eau, au fil du temps. Que
l’on évoque les célèbres « Chroniques royales du Cambodge » éditées par Mak Phoeun et KhinSok, le XVIIe siècle avec « Un manuscrit inédit de Pierre Poivre : les mémoires d ’un voyageur » ou la description faite aux XIII e -XIVe siècles d’Angkor dans les « Mémoires sur les coutumes du Cambodge de Tcheou Ta-Kouan » (œuvres posthumes de Paul Pelliot) ou encore « Eaux et lumières : journal du Mékong cambodgien », promenades au fil de l’eau en saison sèche et humide, de Georges Groslier, alors Conservateur du Musée National. Autrement émouvant, le numéro 01 des Annales de l’Université Royale des Beaux-Arts datant de 1967, dont la préface s’ouvrait par ces mots : « Voici donc la première publication des Annales de l’Université Royale des Beaux-Arts. Ce bulletin a été créé pour répondre aux
vœux de nombreuses personnes qui s’étonnent de trouver fort peu de publications sur les différents arts traditionnels ainsi que sur les traditions et les coutumes des Khmers » et se terminait par : « Nous aimerions que ces Annales servent de bulletin de liaison avec les Universités, les Musées et les Sociétés Savantes des pays étrangers. Ainsi notre but sera-t-il atteint, qui est de contribuer au progrès des études cambodgiennes ». Rencontres : d’un regard à l’autre Au fil de l’eau, jeux de miroirs. Si la visite officielle du roi du Cambodge Sisowath a laissé un texte rédigé par son ministre, Oknaa Veang Thiounn, traduit et édité par Olivier de Bernon sous le titre de « Voyage en France du roi Sisowath [en l’année du Cheval, huitième de la Décade, correspondant à l’année occidentale 1906, Royaume du Cambodge] », cette année a aussi laissé ses marques dans l’histoire de l’art occidental. À l’occasion de cette
recherches ? Puis découvrir des trésors du patrimoine oral et littéraire. Avec l’histoire de Thmeng Chey, connue de tous au Cambodge, petits et grands : « Cependant, sa nature perfide et jalouse la poussa à prédire le contraire. En effet, comment avouer, et s’avouer, que cette femme de pêcheur portait en son sein un fils au destin royal ? » Enfin, un détour par les œuvres du XXe siècle, avec « La rose de Païlin » de GnokThaém et « Ma guirlande, mon amour » de Nou Hach, tous deux traduits en français. De la page à l’écran : l’Asie du Sud-Est sur Culturethèque Les danseuses royales cambodgiennes de la cour de S. M. Sisowath - « La musique cambodgienne ». Revue Musica. Août 1906, n°47, p. 125-126 | Agorha (INHA)
Fond « Asie-Cambodge », des milliers de documents à portée de main
visite royale, Rodin assiste au spectacle du ballet cambodgien et, fasciné, suit la troupe jusqu’à Marseille afin de pouvoir la dessiner. « Je les ai contemplées en extase… Quel vide elles m’ont laissé ! Quand elles partirent, je fus dans l’ombre et le froid, je crus qu’elles emportaient la beauté du monde ». (« Rodin et les danseuses cambodgiennes : sa dernière passion », catalogue de l’exposition au Musée Rodin, 2006). Arts sacrés et populaires : la pierre, l’image, l’écrit Au fil de l’eau, au fil des mots.
Les bulletins de l’Ecole Française d’Extrême-Orient (BEFEO), publiés depuis plus d’un siècle, couvrent un large champ de recherches : édition de textes, recherches archéologiques, ethnologie et histoire, art, lexicologie… Pourquoi ne pas se plonger dans l’un des deux volumes d’ « Articles sur le pays khmer » de Georges Coedès pour mesurer l’ampleur d’une vie de
“
Tradition et modernité caractérisent profondément ce fonds sur le Cambodge et l’Asie du Sud-Est “
Au fil de l’eau, navigations plurielles.
Avec les ressources multimédia de la bibliothèque numérique francophone Culturethèque, le voyage se prolonge à travers le temps et l'espace de la péninsule, ici et chez vous, à la médiathèque et au café… Envie d’une conférence sur la « restauration des temples khmers », de musique traditionnelle du Laos (« Lam saravane, musique pour le khene », orgue à bouche) ou de « musiques khmères royales et populaires » du Cambodge, d’un web documentaire sur les « scènes musicales d ’aujourd ’hui au Vietnam », ou encore de travaux de l’Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine (Irasec), l’escale sera alors numérique. L'escale se fera peut-être elle-même voyage d’un clic à l’autre et au gré des mots-clés saisis : Angkor, khmer, Bouddha, Cambodge… Ainsi, au fil de ces documents,
vous découvrirez un des visages de la médiathèque de l’Institut français du Cambodge. Tradition et modernité caractérisent profondément ce fonds sur le Cambodge et l’Asie du Sud-Est. Avec des achats réguliers, qui vont du roman au guide de voyage, du livre de recettes à la réédition d’ouvrages anciens, oubliés, chez Kailash ou Olizane, du catalogue d’exposition à un DVD sur le Cambodge… Collections à découvrir dans une médiathèque ouverte à tous, du mardi au samedi, de 10h à 18h30. Passionnés, étudiants, curieux, touristes…, soyez les bienvenus à l’Institut français du Cambodge ! Avec ces mots : la culture en partage. Plateforme Culturethèque : www.culturetheque.com Catalogue de la médiathèque de l’IFC : http://media-ifc.com/
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V I E C U LT U R E L L E - P O R T R A I T
Stéphane Poulet, le chef discret du Bistrot de l’Institut Français texte et photographie Christophe Gargiulo
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uelques-uns de ses pairs le désignent comme l’une des révélations de ces deux dernières années. « …Cela fait plaisir, je suis flatté et surpris… », déclare l’homme discret du Jura, qui avoue ensuite ne pas trop aimer les projecteurs. Arrivé au Cambodge en 2009, Stéphane Poulet est le type même du chef autodidacte, passionné par son métier et discret. « …J’ai toujours travaillé dans le secteur de la restauration. Ma mère était une très bonne cuisinière, elle tenait un restaurant dans le Jura. Elle est d’origine portugaise et préparait des plats très mixtes. A la maison, nous étions donc habitués à la bonne cuisine et nous ne connaissions ni les surgelés ni boites de conserves. Nous avons été habitués à du frais, à des plats mijotés… », explique le quadragénaire, installé à une table du Bistrot de l’Institut français de Phnom Penh. CM : C’est de la cuisine familiale qu’est venue votre vocation ? Absolument, j’ai toujours été intéressé par la nourriture, j’observais ma mère travailler en cuisine. J’ai fait mes premiers pas dans le restaurant de ma maman. Pour moi, c’était d’abord une passion. J’ai décidé d’en faire mon métier à 18 ans, à l’école de la vie… J’ai fait mes premiers pas en travaillant en saisons, en passant par la petite porte. J’ai commencé par la plonge, puis les salades, et les plats chauds. De travailler durant les saisons vous met dans le bain de la restauration tout de suite, beaucoup d’heures, beaucoup de travail, très peu de congés. CM : Que s’est-il passé ensuite, après les saisons ? Après cinq ans de saisons, je suis parti vivre à Toulouse. Là, je travaillais d’abord comme second de cuisine. Puis, je suis devenu chef cuisinier à La Table du Boucher, un petit restaurant traditionnel avec une vingtaine de tables. Je suis resté douze ans à Toulouse, j’ai travaillé dans quatre différents restaurants. Cela m’a permis d’apprendre, d’aller plus loin. CM : Comment êtes-vous arrivé au Cambodge ? En 2009, deux franco-khmers sont venus me démarcher pour monter un restaurant au Cambodge, le Saint-Tropez. Ils étaient venus à Toulouse et avaient apprécié mon travail. Après le Saint-Tropez, je me suis vendu comme consultant de cuisine. C’est un travail
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qui consiste à créer des cuisines dans des établissements, les dessiner, les équiper et former les cuisiniers ensuite. J’ai travaillé pour K-West, Gloria Jeans Cafe, la Gasolina et d’autres. CM : Et le Bistrot de l’Institut français ? Le Bistrot est arrivé en 2014. À ce moment je travaillais pour Le Vôtre, qui m’a envoyé ici comme consultant. En août 2014, le directeur de l’Institut est venu me voir pour me proposer un poste à plein temps et prendre la direction du restaurant. CM : Comment s’est passé votre contact avec le Cambodge ? Le premier contact avec le Cambodge était parfait car j’étais sous l’aile de deux Cambodgiens qui m’ont fait visiter le pays. Ce qui m’a plu le plus ? Le beau temps toute l’année, le charme de l’Asie, tout est diffèrent, cela m’a accroché. CM : Et la cuisine cambodgienne ? Je ne cuisine pas de plats cambodgiens. Travaillant pour l’Institut Français, je représente l’art de la table à la française. J’utilise les produits cambodgiens, bien sûr, mais ma cuisine est bien française. Je n’en suis pas à la cuisine fusion. Par contre, je mets une petite touche d’Asie de temps en temps. Et, l'Institut français me laisse beaucoup de liberté, je suis maître de mes menus tant que je reste dans le cadre de la promotion de la cuisine française. Cela se passe très bien en cuisine, j’ai les mêmes cuisiniers depuis 2014. CM : Quel type de clientèle avez-vous à l’Institut français ? Je travaille beaucoup avec les ambassades, les expatriés, les étudiants de l’Institut bien sûr, un peu de touristes, et beaucoup de Japonais. Ces derniers étaient venus ici en 2015 pour un diner d’ambassade. Trois magazines japonais ont relayé l’information et cela a bien porté. CM : Un peu de vie privée ? Je travaille beaucoup, je consacre mon temps à ma famille. Je vis avec une Cambodgienne depuis sept ans, une très bonne cuisinière d’ailleurs… Pour le reste, je fais partie de l’équipe de football de l’Institut français. Depuis 2009, je ne suis pas sorti du Cambodge, je suis rentré une fois en France en 2016 pour me marier. CM : Finirez-vous votre vie au Cambodge ? Je ne sais pas, j’ai du mal à m’enraciner. Je ne m’imagine pas non plus rentrer en France, quand je serais très vieux dans ma montagne… peut-être (sourire).
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P L U M E AU X L E C T E U R S
Cambodge Mag donne la plume à ses lecteurs sur le thème « aimer le Cambodge », le but étant de recueillir les impressions de ceux qui visitent régulièrement le Cambodge, qui y sont nés ou qui s’y sont installés durablement. Aujourd'hui, rencontre avec Jean-Pierre Fréneau…
Jean-Pierre Freneau : Une réelle sensation de liberté au Cambodge
Crédit photo CG
CM : Comment êtes-vous arrivé au Cambodge ? Je suis arrivé au Cambodge pour la première fois il y a 18 ans, je ne connaissais pas l'Asie et c'est en venant rendre visite à un de mes amis (Franck Touch) que le virus a été immédiat. Depuis, nous sommes revenus tous les ans, pour découvrir les autres pays d'Asie du Sud-est aussi, mais à chaque fois, tout nous ramenait au Cambodge. CM : Depuis quand vivez-vous au Cambodge ? Il y a quatre ans, nous avons pris la décision de venir nous installer avec Géraldine mon épouse ainsi que les deux enfants les plus jeunes. CM : Quelle est votre activité professionnelle ? Je suis d’abord venu seul chercher une opportunité de business à racheter ou à créer en Décembre 2013 et après plusieurs recherches décevantes, j'ai trouvé la « perle » : Un Catamaran de 25 mètres - le Kanika -, parfait pour le voileux passionné que j'étais. Comme une reconversion en douceur… La petite famille a attendu un an le temps que je trouve une maison, et que les affaires se mettent en place. Le Kanika est sur Phnom Penh et navigue toute l'année pour les couchers de soleil, dîners et soirées privées. Un deuxième bateau est venu grossir la flotte il y a un an pour élargir notre offre, lever de soleil, tour de la soie, promenade à Oudong et soirées privées
Pour ceux qui souhaitent faire une première découverte, le « Phnom Penh Heritage Tour » coûte 22 $. Il est possible de réserver via Kanika Boat, ou par la plupart des agences de voyage à Phnom Penh. Il est également possible de les contacter directement par email : 70
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pour moins de vingt personnes. Tout roulait, mais il me manquait quelque chose. Depuis des années que je déambule dans les rues de Phnom Penh (je suis aussi passionné d'histoire), j'ai eu l'idée, il y a deux ans, de créer un tour historique un peu inédit : un tour avec tablette et écouteurs, à bord d’un tuktuk, qui va raconter l'histoire de la ville en huit langues, dont le français, avec des photos inédites et anciennes, des vues à 360 degrés, et même des endroits interdits au public. « Phnom Penh Héritage » était né. Le service est désormais opérationnel depuis deux mois et demi. CM : Pour quelles raisons aimez-vous le Cambodge ? Pour les Cambodgiens d'abord, l'atmosphère amicale, chaleureuse et fraternelle aussi, le climat, et cette réelle sensation de liberté. Je m'imagine ici comme dans la France des années 40-50, ou la vie, le commerce, les petits métiers étaient encore dans la rue comme c'est le cas au Cambodge, où les gens se parlent, échangent, vivent ensemble sans difficultés, et c'est ça que je suis venu chercher en fait. CM : Quels sont vos loisirs ? Ce qui me plait par-dessus tout c'est faire découvrir la richesse et la beauté de Phnom Penh sur la rivière ou sur la terre ferme. CM : Que souhaitez-vous pour l’avenir du pays ? Mon objectif en créant ces différentes activités est de développer le tourisme à Phnom Penh. Les touristes ne restent en moyenne qu'une nuit et partent trop souvent frustrés, alors qu’un séjour de trois jours leur permettrait d'apprécier Phnom Penh comme il se doit. CM : Une anecdote à raconter ? Une anecdote qui n'en est pas une : ma plus belle réussite aura été de faire découvrir à nos enfants la réalité d’un pays magique et fraternel. Maintenant qu’ils sont en France, le Cambodge leur manque…
kanikaboat@gmail.com, ou en appelant au : (017) 496 213 (français et anglais), ou (089) 848 959 (khmer et anglais). Les départs programmés partent chaque jour à 7h15, 10h15 et 13h30 du Khéma La Poste, mais des visites privées peuvent également être organisées sur demande.
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COMMUNAUTÉ
Siem Reap, Les bonnes volontés de la semaine française texte et photographies Christophe Gargiulo
FLORIAN BOHÊME Derrière la Semaine Française de Siem Reap, il y a des bonnes volontés, des Français désireux de mettre en valeur leur communauté. Cambodge Mag a interrogé huit des membres du comité organisateur qui, avec Eric Stocker, Aurélien Cantinolle et Vanessa Voukotitch, travaillent depuis de longs mois sur cet évènement. Nous leur avons posé trois questions, sur leur activité à Siem Reap, sur leur implication dans cette semaine française, et sur les raisons de cette implication.
Je vis à Siem Reap depuis trois ans. Je suis en train de lancer ma société qui s’appelle B Consulting, une startup qui inter vient dans le secteur de l’hôtellerie, dans la formation au sein des établissements cambodgiens, mais aussi dans tout le cycle hôtelier et touristique, depuis la conception de projets jusqu’au suivi qualité. C'est une réalité économique, il y a aujourd’hui beaucoup de Français à Siem Reap mais, à l’inverse, la place de la France s’est amoindrie. L’Institut Français a fermé il y a plus de deux ans. Et à côté de cela, d’autres pays prennent de plus en plus de place, citons les Chinois par exemple, mais ils ne sont peut-être pas les seuls. La relation entre la France et le Cambodge est déjà une relation historique, qui est aujourd’hui totalement dépassionnée. Je trouve qu’il est bien de montrer, à Siem Reap, que les Français sont actifs et économiquement présents. Nous sommes actuellement 500 Français à Siem Reap et il y a une centaine d’entreprises. L’idée de cette semaine française
est de faire en sorte que ces entreprises françaises puissent se montrer. Nous avons 72
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besoin du soutien de grandes entreprises et l’un de nos partenaires est Cambodia Airports. Ils ont compris l’intérêt de cette manifestation et participent à cette semaine française. C’est cela qu’on peut attendre d’un réseau économique, que les plus grands aident les plus petits qui ont parfois un savoir-faire. C’est donc l’idée : que tout le monde puisse se connaitre et avancer ensemble. Cet évènement est aussi, en quelques sorte un pont avec les autres communautés. Nous avons invité plus de mille chefs d’entreprise cambodgiens pour l’inauguration.
LOÏC DUMAS Cela fait huit ans que je suis à Siem Reap. J’ai rencontré mon épouse Sirivan en France. Je l’ai suivie lorsqu’elle est revenue dans son pays. Nous avons construit une activité autour de son savoir-faire de styliste de mode. Cette année, nous créons la structure Maison Sirivan, un concept-store autour des projets de Sirivan et aussi en partenariat avec d’autres projets d’innovation, tout en continuant à développer notre activité de fabrication, Sirivan Atelier.
En fait, mon implication dans la communauté française a été un point
de départ. La communauté d’affaires m’intéressait, pour pouvoir échanger de l’information. Quand vous êtes entrepreneur ici, il est utile d’avoir accès aux bonnes informations, les statistiques en particulier. Il est aussi utile de comprendre les lois du pays, de mieux comprendre le fonctionnement du Cambodge. La semaine française est un projet intéressant, l’idée est venue avec les
fréquentes visites de la CCIFC à Siem Reap. Et chacune des visites se concluait par : « …Bon, il faudrait que quelque chose d ’intéressant se fasse à Siem Reap maintenant… ». Notre tissu économique est constitué de toutes petites entreprises, et une telle initiative nécessite des efforts importants. Et, la semaine française à Siem Reap a été un premier projet concret. Cela a permis de créer un noyau dynamique puis, le projet s’est étoffé. L’implication, c’est cela : attirer un maximum de monde autour d’une initiative. Depuis quelques semaines, la CCIFC compte une section Siem Reap, officiellement validée lors du dernier conseil d’administration de la chambre de commerce. Éric Stoker en est le représentant élu. Le premier projet est la semaine française, nous proposerons ensuite d’autres évènements. C’est un partenariat intéressant et notre communauté de Siem Reap a besoin de supports comme la CCIFC et Eurocham, en particulier pour la formation, il y a beaucoup de gens bien formés aux métiers de l’hôtellerie ici, beaucoup moins dans le secteur de la vente qui, pourtant, se développe. Nous sommes heureux également d’avoir une voix « consulaire », car nous avons aussi des expériences à apporter et des choses à dire.
ERIC RAISINA Je vis à Siem Reap depuis 16 ans. Je m’y
sens vraiment bien, j’y suis très heureux. Cette idée de la semaine française m’a beaucoup intéressé. Je suis ici depuis très
longtemps, j’ai eu la chance de pouvoir développer et partager ma passion… c’est pour moi un succès personnel. Lorsque cette idée de la semaine française est apparue, cela m’a plu car
je pense que les touristes perçoivent un peu de cette influence française dans cette ville, mais ce n’est pas forcement quelque chose qu’ils comprennent très facilement. Cet évènement sera l’occasion de dire aux touristes « Oui, nous existons…et nous avons un savoir-faire intéressant… et pas seulement parmi les artistes ». Je trouve que cette initiative arrive au bon moment car beaucoup de gens font des choses intéressantes mais chacun reste parfois un peu de son côté. Il faut travailler ensemble, mais aussi s’ouvrir vers les autres, et pas seulement vers les touristes. Je crois que c’est la première fois qu’il y a à Siem Reap un évènement qui mette en avant cette force française. Je pense que de savoir que le savoir-faire français existe et se transmet aux Cambodgiens est un concept très vendeur. À travers ce beau projet, nous allons enfin pouvoir donner de la visibilité à notre communauté, j’en suis très heureux.
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C’est donc l’idée : que tout le monde puisse se connaitre et avancer ensemble “
CHLOÉ MARTY Cela fait deux ans et demi que je suis à Siem Reap. Je travaille pour l’école du
Je travaille pour le désarmement au Cambodge, nous procédons à l’enlèvement des mines anti-personnel, j’ai été muté ici il y a un an.
Bayon. C’est un projet qui soutient une école primaire dans les temples, nous avons 400 enfants scolarisés. Ce projet a été créé en 1993, et depuis 2014, nous proposons une formation professionnelle en pâtisserie. Nous formons chaque année entre 15 et 20 jeunes filles aux métiers de la pâtisserie. Nos financements viennent essentiellement de subventions françaises et d’entreprises privées. Pour aller vers plus d’autonomie, nous avons créé un café au sein de l’école qui fonctionne de mieux en mieux, nous travaillons également pas mal avec des entreprises locales qui achètent nos produits.
rencontré plus de Français et lorsqu’on m’a proposé de faire partie du comité, j’ai accepté car je trouvais qu’il était bien de montrer qu’il y a une communauté française active à Siem Reap. Dans mon travail, je n’ai aucune connexion avec la France, je suis d’ailleurs le seul Français de toute mon organisation. Mais, je trouve que c’est important de participer à cette semaine française, de montrer qu’il y a une solidarité, et que la communauté française souhaite s’associer à l’animation de la ville.
arrivée à Siem Reap, je ne m’attendais pas à trouver une communauté française aussi importante. Et, même si je cherchais autre chose en venant au Cambodge, de pouvoir retrouver un peu de France, un peu de chez nous à Siem Reap, m’aide à garder un équilibre. De pouvoir se retrouver au sein d’un évènement qui promeut notre culture est assez motivant. De surcroit, notre école travaille sur des saveurs locales, mais avec des recettes et un savoir-faire français. Il était donc évident pour nous de participer à cet évènement.
BENJAMIN CARRICHON
Au début, je ne connaissais pas trop la communauté francophone, puis j’ai
Je suis très présente dans la communauté française. Lorsque je suis
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COMMUNAUTÉ
Cela fait deux ans et demi que je suis au Cambodge, je travaillais auparavant pour
ANNE-LAURE BARTENAY
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[…] quand vous êtes entrepreneur ici, il est utile d’avoir accès aux bonnes informations, les statistiques en particulier. Il est aussi utile de comprendre les lois du pays, de mieux comprendre le fonctionnement du Cambodge “
l'école hôtelière de Sala Baï et je m’occupe à présent du développement de l’entreprise solidaire Soieries du Mékong. Soieries du Mékong fournit du travail aux communautés de femmes défavorisées de Bantaey Chhmar. C’est un programme d’Enfants du Mékong, une ONG française qui a des programmes de développement un peu partout en Asie. Je me suis impliquée dans la communauté française depuis mon arrivée. J’ai monté un réseau qui met en valeur les artistes et l’art en général au Cambodge. Cela m’intéresse de réunir les Français, pas seulement pour aller boire un verre… mais aussi pour mettre en valeur notre savoir-faire. Avec le réseau d’artistes, je me suis aperçue qu’il y avait un manque de communication, un besoin de se mettre en valeur. J’avais donc envie de mettre en avant ces gens-là. Avec la semaine française, c’est pour moi le même type de démarche. J’ai envie de connecter les gens entre eux car on se connait, mais il manquait une synergie entre les Français de Siem Reap. De se rapprocher permet de mieux travailler, pas seulement au travers de projets, mais aussi dans le partage des problématiques que nous pouvons rencontrer. Je crois aussi que l’image des Français est un peu trop associée aux ONG, je l’entends souvent. Il est intéressant de montrer qu’il y a aussi des entrepreneurs, des artistes et des artisans.
BÉNÉDICTE RAVEL Je suis au Cambodge depuis 7 ans et à Siem Reap depuis un an. J’ai rejoint
les Artisans d’Angkor, qui existent depuis 1992. C’est une entreprise sociale, dont l’actionnaire principal est Vinci, et qui s’emploie à redonner les techniques de création artisanale aux jeunes Cambodgiens. Beaucoup d’intervenants, de consultants, d’artistes et de créateurs dans les programmes et chantiers-écoles de 74
CAMBODGEMAG | Mars 2018
notre entreprise sociale sont des Français. La France a donc un lien très fort avec Artisans d’Angkor. Il est donc normal que nous soyons présents à cette semaine française. Quand on est Français, on a envie de rencontrer des compatriotes. Dès mon arrivée au Cambodge, j’ai fréquenté la communauté française et entendue parler de leur expérience dans le pays. Nous faisons des choses ensemble, mais cela ne veut pas dire qu’il faille totalement rester entre Français. Nous impulsons des choses, et pouvons le faire avec des Cambodgiens, des Australiens, des Anglais etc. À Siem Reap, il est intéressant de voir la vitalité de création de la communauté française. Il y a aussi une vraie envie de s’ouvrir, de partager, de faire des choses ensemble.
FRANÇOISE GOUÉZOU Je suis ici depuis 2013, je venais de
passer neuf ans au Laos. Je suis conseillère en communication et marketing. En arrivant, un hôtel m’a recrutée pour faire du coaching. Cette année, j’exerce mon métier au sein d’une entreprise cambodgienne. Cette année, j’ai créé une activité qui s’appelle Biniky Chic Nomad, en partenariat avec Sirivan. C’est une entreprise qui importe des objets innovants qui s’adressent aux voyageurs. La valorisation du savoir-faire et l’aspect projet communautaire sont les deux aspects qui me plaisent pour cette semaine française. Le côté transmission du savoir m’intéresse également beaucoup. Il reste un gros travail à faire en ce qui concerne la présentation du savoir-faire de la communauté française. C’est dans cet esprit que nous avons créé Kandal Village dans Siem Reap. C’est un endroit qui propose un autre genre de tourisme en complément des activités traditionnelles de Siem Reap. C’est bien de proposer nos produits, mais aussi d’apprendre aux Cambodgiens des techniques de tourisme assez originales.
I N F OS P R AT I Q U E S
Pour vous déplacer dans la ville, consultez notre
VISA
version en ligne : http://www.cambodgemag.
Le visa d’entrée est obligatoire. Il peut être délivré
com/2017/07/cambodge-transports-choisir-
aux aéroports internationaux de Phnom Penh et
entre.html. Les autres destinations touristiques
de Siem Reap par les services de l’immigration,
du pays sont bien desservies, par route, air,
sous trois conditions : paiement d’une taxe de
et même train, renseignez-vous auprès de
35 $ pour un visa de tourisme (valable 30 jours),
votre agence de voyages ou votre hôtel. Pour
une photo d’identité (de format 4 x 6 cm), un
se déplacer, dans la capitale, en sécurité et
passeport d’une durée de validité suffisante (six
ALIMENTATION
à des tarifs raisonnables, il existe à présent
mois au minimum). Il est possible d’obtenir un visa
Ne boire que de l’eau en bouteilles et éviter
plusieurs services de covoiturage disponibles qui
de tourisme électronique (e-visa) à l’adresse :
les fruits et légumes crus. Il y a beaucoup de
fonctionnent très bien : GRAB et UBER
http://evisa.mfaic.gov.kh. Dans ce cas, le
Pour ceux qui se rendent pour la première fois au royaume du Cambodge, il est recommandé de prendre quelques précautions pour rendre le séjour plus agréable et aussi éviter d’éventuelles déconvenues.
restaurants de rue et de marché au Cambodge,
visa est de 40 dollars US. Attention de ne pas
si vous souhaitez tenter l’expérience, il est
ÉLECTRICITÉ AU CAMBODGE
dépasser la limite de séjour autorisée. En cas de
préférable d’inspecter rapidement l’hygiène
230V, 50Hz. Prises de type A (2 fiches) et C
dépassement, il vous sera demander de payer
des lieux et la fréquentation, s’il y a beaucoup
(comme en France, sans prise de terre). Par
dix dollars par journée de séjour supplémentaire
de monde, cela veut dire que le restaurant est
précaution, mieux vaut se munir d’un adaptateur.
et, s’il s’agit d’une situation irrégulière prolongée
populaire, que les clients sont satisfaits et en bonne santé.
sans motif valable, les sanctions peuvent être
LANGUES PARLÉES
bien plus lourdes et aller jusqu’à l’expulsion et
Le Khmer. L’anglais est parlé dans les grandes
l’interdiction de revenir dans le pays.
CLIMAT
villes et la plupart des hôtels. Beaucoup de
Le Cambodge est sous l’influence d’un
Cambodgiens de la génération d’avant-
climat tropical à saisons alternées. Les pluies
guerre parlent le français.
CONTACTS UTILES
des précipitations de l’année tombent durant la
MONNAIE
Ambassade de France
saison des pluies, causant d’importantes crues
La monnaie officielle du Cambodge est le riel
+855 (0)23 260 010
du Mékong. Les températures s’échelonnent de
même si le dollar américain est encore très
Police
25-30° en saison sèche à plus de 35° en saison
présent. Les riels sont utilisés pour les petits
117 ou 118
des pluies. Les mois d’avril et mai, cumulant
achats, le reste se paie généralement en
Police Secours
chaleur et humidité peuvent être assez difficiles,
dollars américains. Il est possible de changer
+855 (0)23 366 841 / +855 (0)23 720 235
pensez à vous hydrater et éviter les heures trop
les dollars et euros en riels dans les banques,
Police du trafic routier
chaudes, de 11h à 15h. La meilleure période pour
dans les bureaux de change (meilleurs taux)
+855 (0)23 722 06
voyager est de novembre à mars.
et dans quelques hôtels... Les cartes de crédit
Samu
sont acceptées dans les grands hôtels, les
119
centres commerciaux et les restaurants de luxe.
s’échelonnent de mai à novembre. Près de 80%
COMPORTEMENT se conformer aux
Il existe maintenant de nombreux distributeurs
Bureau des Passeports pour les étrangers (24/24)
recommandations des agences de voyages
automatiques où il est possible de retirer de
+855 012 854 874
locales. Le Cambodge a aussi ses exigences :
l’argent en monnaie locale ou devises étrangères.
Bureau de l’immigration (24/24)
Les touristes doivent
+855 012 826 025
se déchausser à l'entrée des pagodes, éviter de toucher la tête des enfants, ne pas s'énerver en
TÉLÉPHONE
public ou se promener torse nu. S’il y avait une
De la France vers le Cambodge, composez le
+855 (0)23 42 69 48
certaine tolérance vis-à-vis de la consommation
00 855 + le numéro à 8 chiffres.
Institut Pasteur du Cambodge
de drogues douces, la répression s’est fortement
Du Cambodge vers la France composez le
+855 (0)23 42 60 09
accentuée puis 2017 et, les peines peuvent être
00 33 + numéro (sans le 0 initial).
Samu de l’hôpital Provincial de Siem Reap
loi sur le délit de lèse-majesté est en vigueur. Il
VACCINATIONS - SANTÉ
+855 (0)63 76 11 19
est donc interdit d’insulter le roi ou la famille
Un traitement antipaludique est conseillé. La
Naga Clinic (médecin francophone)
royale, les peines peuvent aller jusqu’à cinq
dengue est présente au Cambodge. Il est donc
ans de prison.
recommandé aux voyageurs de se prémunir
+855 (0)23 211 300 +855 11 811 175 (urgences)
très lourdes. A savoir que depuis février 2018, une
Hôpital Calmette (Phnom Penh)
contre les piqûres de moustiques. Il est également
Cabinet Médical Français
DÉCALAGE HORAIRE
conseillé d’être à jour des vaccinations usuelles
+855 (0)12 634 115
+ 6h en été par rapport à la France.
en Europe (tétanos, typhoïde, hépatites...). Le
Cabinet Médical Procare
+ 5h en hiver par rapport à la France.
vaccin de la fièvre jaune n’est pas obligatoire
+855 (0)61 828 410
pour les touristes venant d’Europe, d’Amérique du
Consul honoraire à Siem Reap
SE DÉPLACER
Nord ou d’Océanie, mais il sera exigé si vous avez
+855 (0)63 964 099 / +855 (0)12 634 906
La circulation dans Phnom Penh est un challenge
effectué un séjour préalable en Afrique ou en
Consul honoraire à Sihanoukville
fortement déconseillé sauf à être un excellent
Amérique du Sud. Il est très fortement conseillé
+855 (0)92 440 069
conducteur et un habitué des rues de la capitale.
d’être vacciné contre la rage.
www.cambodgemag.com
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