LFC #9 NOUVEAU
MAI 2018
DOUBLE COVER 100% INDÉPENDANT
226 PAGES DE CULTURE
LE MAG DIGITAL
Et aussi Tina arena The Blind Suns Automat Le Roi Angus Aurélie Valognes Luca di Fulvio Agnès Ledig Patricia Mac Donald Didier Van Cauwelaert Daniel Prévost Agnès Martin-Lugand Héloïse d'Ormesson
RENCONTRE EXCLUSIVE
FRANCK THILLIEZ
Daniel Cole
LAFRINGALECULTURELLE.FR
ÉDITO
LA FRINGALE CULTURELLE, LE MAGAZINE DIGITAL LFC #9
Rédigé par CHRISTOPHE MANGELLE Salut les Fringants, Le numéro de mai est enfin en ligne, avec un peu de retard... En mai, on fait ce qui nous plaît. L'équipe vous a concocté un magazine encore plus gourmand : 226 pages pour LFC#9 contre 196 pour le numéro #8... Pas de panique, il y a un week-end de trois jours de prévu pour bientôt, vous pourrez vous poser au calme pour dévorer ce numéro. On ne change pas une formule qui gagne avec des sujets FAIT MAISON, comme au restaurant, à foison, c'est-à-dire une rencontre authentique avec l'artiste + photographies exclusives grâce à notre partenaire LEEXTRA. Nous remercions l'implication des photographes : Céline Nieszawer, Patrice Normand, Julien Faure, Julien Falsimagne, Franck Beloncle qui signe la cover de Franck Thilliez et Arnaud Meyer qui signe la cover de Tina Arena. Merci également à Ursula Sigon. Un grand MERCI à Franck Thilliez et Tina Arena de nous avoir fait confiance. Ainsi qu'à Marina de Van, Daniel Cole, Colin Harrison, Camilla Grebe, AJ Finn, Agnès Ledig, Aurélie Valognes, Luca Di Fulvio, Louisiane C. Dor, A.J. Pearce, Patricia Mac Donald, Natacha Calestrémé, Héloïse d'Ormesson, Louise Pasteau, Karin Slaughter, Agnès Martin-Lugand, Didier Van Cauwelaert, Daniel Prévost, Antoine Audouard, Franck Thilliez, Tina Arena, The Blind Suns, et le groupe Automat. Et MERCI chers lecteurs pour votre fidélité et vos partages sur les réseaux sociaux. Très bonne lecture les fringants,
ET SURTOUT...
LA REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TOUS LES ARTICLES, PHOTOS, ILLUSTRATIONS, PUBLIÉS DANS LFC MAGAZINE EST FORMELLEMENT INTERDITE. Ceci dit, il est obligatoire de partager le magazine avec votre mère, votre père, votre voisin, votre boulanger, votre femme de ménage, votre amour, votre ennemi, votre patron, votre chat, votre chien, votre psy, votre banquier, votre coiffeur, votre dentiste, votre président, votre grand-mère, votre belle-mère, votre libraire, votre collègue, vos enfants... Tout le monde en utilisant :
FRANCK THILLIEZ TINA ARENA
07
La sélection : livres, ciné...
10
Michaël Mention
23
Irvine Welsh
32
Alexandre & David R.
45
Louise Pasteau
51
Agnès Ledig
59
Aurélie Valognes
65
A.J. Pearce
71
Agnès Martin-Lugand
78
Marina de Van
85
Luca di Fulvio
93
Louisiane C. Dor
99
Didier Van Cauwelaert
106
Antoine Audouard
111
Daniel Prévost
117
Héloïse d'Ormesson
123
Natacha Calestrémé
130
A.J. Finn
136
Karin Slaughter
142
Daniel Cole
148
Camilla Grebe
154
Colin Harrison
160
Patricia Mac Donald
166
Franck Thilliez
173
Tina Arena
180
The Blind Suns
187
Automat
193
Seemone
198
Le Roi Angus
203
Astre
207
Théâtre
222
Séries TV
L'ÉQUIPE
Fondateur et rédacteur en chef Christophe Mangelle
Journalistes Quentin Haessig Christophe Mangelle Laurent Bettoni David Smadja
Coordinatrice Photographes Ursula Sigon LEEXTRA
Photographes Céline Nieszawer Patrice Normand Arnaud Meyer Julien Faure Julien Falsimagne Franck Beloncle Mathieu Genon LEEXTRA
Traducteur Quentin Haessig
Marina de Van, Daniel Cole, Colin Harrison, Camilla Grebe, AJ Finn, Agnès Ledig, Aurélie Valognes, Luca Di Fulvio, Louisiane C. Dor, A.J. Pearce, Patricia Mac Donald, Natacha Calestrémé, Héloïse d'Ormesson, Louise Pasteau, Karin Slaughter, Agnès Martin-Lugand, Didier Van Cauwelaert, Daniel Prévost, Antoine Audouard, Franck Thilliez, Tina Arena, The Blind Suns, Automat sont exclusivement photographiés par les photographes de l'agence LEEXTRA, notre partenaire. Des sujets tous 100% "fait maison".
Chroniqueurs Nathalie Gendreau (Théâtre) de Prestaplume David Smadja (Cinéma) de C'est contagieux Quentin Haessig (Série TV) de La Fringale Culturelle Muriel Leroy Alexandra de Broca Clarisse Sabard
LFC MAGAZINE
MAI 2018 | #9
10 La sélection
de la rédaction
Livres, série TV, films...
par Christophe Mangelle, David Smadja, Clarisse Sabard, Alexandra De Broca, Laurent Bettoni...
PAGE 07
PERDUS DANS L'ESPACE UNE SÉRIE SF QUI TIENT SES PROMESSES SÉRIE LFC MAGAZINE
01
ÉVASION, AVENTURE ET FUTUR
ACTUELLEMENT SUR NETFLIX COPYRIGHT NETFLIX MAI 2018
LA SAISON 2 VIENT D'ÊTRE CONFIRMÉ PAR NETFLIX. TOURNAGE EN DECORS RÉELS, EFFETS SPÉCIAUX AU TOP, SCÉNARIO ACCESSIBLE À TOUTE LA FAMILLE. UNE SÉRIE POUR TOUS À GRAND SPECTACLE !
L'AVIS EXPRESS DE LA RÉDACTION
PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTOS NETFLIX MAI 2018
ACTUELLEMENT SUR NETFLIX
MICHAËL MENTION
LIVRE LFC MAGAZINE
PAGE 10
PAR DAVID SMADJA / PHOTOS : © OLIVIER GAMAS
MICHAËL MENTION L ' E N T R E T I E N
U L T R A
F L E U V E
/
I N É D I T
Michaël Mention est l'invité de notre journaliste David Smadja. Il publie Power chez Stéphane Marsan, un roman puissant plus que jamais d'actualité . Entretien coup de poing.
02
LFC : Michael tu es un auteur caméléon, c'est-à-dire
plusieurs romans qui étaient basé sur des faits réels.
qu’aucun de tes romans ne ressemble au précédent.
J'ai eu envie pour une fois de m'émanciper, de me
Ton nouveau roman Power se passe aux États-Unis dans
lâcher un peu, de prendre pas mal de liberté, de faire
les seventies, le précédent La voix secrète se passe à
une vraie fiction. J'avais un challenge de ce côté-là
Paris en 1835, celui d'avant Cotton’s Warwick se situe de
parce que pas mal de lecteurs qui me suivent se
nos jours en Australie et celui d’avant avant, Jeudi Noir
demandait si j'étais capable d'écrire une pure fiction.
retrace la célèbre demi-finale France Allemagne de
Je me suis pas mal lâché dans l'écriture, dans le fond
1982. Tu as peur de t’ennuyer en fait ?
et dans la forme. Et parce que j'ai pris autant de liberté, j'ai eu besoin de revenir à quelque chose de
MM : Ce n'est pas une marque de fabrique, mais c'est vrai
très réel donc je suis d’abord passé par La voix
que quand je viens de passer six mois ou un an sur La voie
secrète. Mais Power, c’est mon livre basé sur des faits
secrète dans le XIXe siècle, une fois que le bouquin est fini,
réels et historiques qui est le plus imprégné de
j'ai envie de tout sauf d'y retourner. Pour tous les romans
quelque chose que je voulais traiter depuis
que j'écris, si j'ai une satisfaction à chaque fois, c'est de me
longtemps, c’est-à-dire le rapport au quotidien des
dire que j'y ai mis tout ce que m'évoquait le sujet.
américains de l'époque. Je voulais que l'histoire et la
Pour Jeudi noir, j'ai l'impression d'être allé au bout de ma
fiction se retrouvent au même plan, au premier, dans
vision du sport, du foot, de l'époque, de 1982. Une fois que
le quotidien des gens et des anonymes.
j'ai terminé cette immersion totale dans un sujet ou dans
une époque, j'ai envie de changer totalement. Par exemple,
LFC : Donc la rage que l'on retrouve dans Power est
Power, je n'aurais pas pu l'écrire si je n'avais pas écrit
né dans Cotton’s Warwick en fait ?
Cotton’s Warwick avant.
MM : Que tu écrives ou que tu n'écrives pas, tu
Chaque roman est à la fois indépendant et en même temps
évolues chaque jour. Toute la vie, on est en gestation,
il est lié au précédent et à celui qui arrivera. Je suis très
on est façonné par ce qui nous arrive, ça va être une
attaché à la notion de cohérence. Par exemple Cotton’s
vie familiale, ça va être le boulot, les galères, les
Warwick, je l'ai écrit parce que j'avais écrit précédemment
drames personnels, des voyages, des découvertes
PAGE 11
musicales et culturelles... À chaque roman, je prends
vive et ressente la réalité du ghetto de Charline,
un peu plus confiance en moi, je vois bien ce que je
et par extension la réalité de tous les afro-
suis capable de faire, ce que j'aimerais faire et ce que
américains de l’époque. Il faut que ce soit
je ne me sens pas capable de faire maintenant. Le
décrit par quelqu’un qui la vit au quotidien et
sentiment de fierté d'avoir fini un bouquin, je ne
donc j’ai passé beaucoup de temps sur ce
connais jamais ça, je ne suis jamais fier de finir un
passage et j’ai trouvé un procédé qui lui va très
bouquin. J'ai surtout un cafard, un gros cafard, quand
bien : je l’ai écrit comme un slam. Quand elle
je finis un bouquin. C'est un vrai deuil, c'est un vrai
descend de chez elle, ça passe par le son. Ce
déchirement qui va durer des semaines voire des
qu’elle décrit, c’est le bruit du ghetto, les gens
mois et que je vais panser en commençant un
qui parlent d’un balcon à l’autre, les gamins qui
nouveau bouquin. Mais juste avant ce cafard-là, j'ai
sautent sur les bagnoles, des gens qui crient,
une vraie satisfaction de me dire Ça y est, ça c'est fait.
des mecs qui se foutent sur la gueule ou qui se font poursuivre. Je voulais qu’il y ait un rapport
LFC : Certains lecteurs trouvent qu'on reconnaît
aux sons parce que moi j’ai grandi dans les
Michael Mention à son style. J'ai le sentiment
quartiers nord à Marseille et quand j’y repense
inverse, je trouve justement que ton style s'épure
les premiers trucs qui me reviennent avant les
de plus en plus depuis dix ans. As-tu le même
images de misère, c’est le son.
ressenti ? Je reviens sur la question du style, c’est clair DS : J'ai vraiment le sentiment que j’écris tous mes
que dans Power, c’était vraiment essentiel.
bouquins de la même manière parce que c'est ma
Lorsqu’on suit le personnage de Neil, dans
manière d'écrire et de penser les choses. Cette
tous les chapitres qui lui sont consacrés, les
écriture visuelle dont on me parle depuis dix ans, elle
phrases sont plus longues, plus riches, plus
est présente dans tous mes bouquins.
verbeuses. Quand il bascule, les phrases deviennent beaucoup plus courtes, il tourne en
Dans un livre comme Power, il fallait que la narration
rond, il y a beaucoup de répétitions. Donc
soit très vive, très orale, très funky. Les chapitres qui concernent Neil, Tyrone ou Charline sont racontés pour chacun à la première personne, il était donc hors de question que les chapitres soient trop longs parce que dans la vraie vie, quand on pense les choses, ça va très vite. Si on observe quelque chose dans la rue, on n’est pas là à se dire : tiens, je viens d'observer quelque chose, on pense par flash, par fulgurance. Dans le chapitre d’introduction de Charline, quand elle sort de chez elle, il faut qu’à travers elle le lecteur
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J'AI SURTOUT UN CAFARD, UN GROS CAFARD, QUAND JE FINIS UN BOUQUIN. C'EST UN VRAI DEUIL, C'EST UN VRAI DÉCHIREMENT QUI VA DURER DES SEMAINES VOIRE DES MOIS ET QUE JE VAIS PANSER EN COMMENÇANT UN NOUVEAU BOUQUIN.
effectivement, tu me parlais de mon style épuré, j’apprends au fil des romans à épurer de plus en plus surtout quand je traite un sujet aussi vaste et nébuleux que les années 70 aux États-Unis. Je me disais si je parle de tout, il faut qu’en contrepartie je sois le plus concis possible, qu’à chaque phrase il y ait une info ou une émotion. Hors de question qu’il y ait des fioritures. LFC : Pour préciser un petit peu les choses, Power est scindé en deux parties. La première est un peu l'état des lieux, écrite à la troisième personne, où tu y plantes le décor ; la seconde est plus longue, c'est là où démarre le roman choral qui fait intervenir trois personnages principaux (Charline,
J'AI VRAIMENT VOULU DONNER UNE PORTÉE UNIVERSELLE À CE MOMENT-LÀ, PARCE QU’AU FINAL QUE TU SOIS NOIR, BLANC, CHINOIS, JUIF, MUSULMAN, GAY, FEMME, TOUT CE QUE TU VEUX, CE QUE LES GENS VEULENT, C'EST QU'ON LES LAISSE TRANQUILLE ET QU'ON ARRÊTE DE LES EMMERDER ! C'EST ÇA LE VRAI SUJET. OUI, C'EST BIEN QUE LES NOIRS S’ORGANISENT, QUE LES GAYS S’ORGANISENT ET QUE LES FEMMES S'ORGANISENT MAIS AU FINAL, CE SERAIT PEUT-ÊTRE MIEUX QU'ON SOIT TOUS DERRIÈRE LA MÊME BANDEROLE PARCE QUE CE QUE LES GENS VEULENT C'EST LA TRANQUILLITÉ, LA LIBERTÉ ET L'ÉGALITÉ. VOILÀ.
Neil et Tyrone) et chacun va prendre la parole à
étaient plus repliés sur eux-mêmes et
tour de rôle, chapitre après chapitre. Pourquoi es-
beaucoup plus violents. Du coup, je me suis dit
tu parti sur ces trois personnages résolument
qu'il fallait vraiment définir des profils qui
différents ?
pouvaient résumer l'esprit de la ville et les perceptions que pouvaient en avoir le peuple
MM : Concernant la première partie, c'était essentiel
américain. Je suis parti sur une militante noire
pour moi de raconter l'émergence du parti et ça
des Black Panthers, sur un autre personnage
induisait d’évoquer les membres fondateurs qui ne
noir infiltré par le FBI qui serait chargé de
sont pas les personnages historiques les plus connus
noyauter les Panthers de l'intérieur, et sur un
par le français moyen. Cette première partie devait
flic blanc. Je me suis dit qu’à travers ces trois
être plus courte puisque je voulais traiter la
points de vue, je pourrais peut-être traiter tous
thématique des Black Panthers à travers les
les aspects des Panthers. A travers le
anonymes, de l'intérieur, à travers ces gens qui ont fait
personnage de Charline, je pouvais faire
ce mouvement au quotidien et qui ne sont pas
apparaître tous les aspects positifs, l'aspect
rentrés dans l'histoire.
social, les collectes de nourriture et de vêtements, le dépistage de maladies auprès
Le sujet des Black Panthers est tellement vaste, c'est
des prostituées et des drogués,
un phénomène national voire international puisque
l'accompagnement auprès des clochards, des
les panthères ont influencé d'autres pays. Au niveau
chômeurs, et ensuite les mauvais côtés, la
national, il y avait pas mal de villes où les Panthers
radicalisation, l'intrusion de la drogue... À
étaient installés et il y avait trop de nuances à
travers le personnage de Neil, le flic blanc de
exploiter : à Chicago, ils étaient plus dans le social et
Los Angeles, je pouvais aussi traiter le
la collaboration avec les blancs ; à Los Angeles ils
sentiment de perdition que l'on peut avoir face à ce groupe politique qui apparaît, parce que
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les Panthers n'étaient pas des tendres non plus. Je
à toute forme d’injustice qu’elle soit de masse ou
me suis dit, je peux traiter les deux aspects et comme
qu’elle soit universelle. On me dit souvent : c’est
ça le lecteur se fera sa propre opinion C'était très
dommage Michael qu’avec ta plume tu n’écrives
important pour moi.
pas sur la France aujourd’hui. Sauf que la France d’aujourd’hui, elle m’énerve tellement que je ne
LFC : Power, je pense que tu seras d'accord avec
vois pas le plaisir que j’aurais à écrire sur les
moi, est un roman social, un roman engagé. Quand
choses qui m’irritent, sur la déliquescence de la
tu le lis, c'est l'impression que tu en as avec ce
classe politique actuelle avec tous les
poing dressé sur la couverture. Mais c'est un
dégénérés que sont Valls, Macron et autres.
roman qui est aussi très actuel. Peut-on s'attendre
Quand je dis dégénérés, c’est au sens propre,
à ce qu'un Michael Mention écrive un roman aussi
c’est-à-dire les gens qui arrivent en bout de
engagé et social qui se passerait de nos jours ?
chaîne d’un processus politique qui se délite depuis 40 ou 50 ans, qui sont des espèces de
MM : En ce moment, on célèbre mai 68. On est quand
freaks qui sont le fruit de différents courants, qui
même en 2018 dans une grande période de fracture
sont pour la plupart des incultes - ce qui n’est
politique et sociale en France, en Europe et dans le
pas le cas de Macron, si on doit lui reconnaître
monde et moi je trouverais ça intéressant de voir ce
une chose c’est juste ça - des gens comme
qu'on peut en faire aujourd'hui de cet héritage. En
Nadine Morano ou Sarkozy, ce sont des incultes.
écrivant Power, je parle des afro-américains dans les années 60/70 mais j'ai vraiment voulu donner une
D’évoquer tout ça, je pourrais le faire car j’ai
portée universelle à ce moment-là, parce qu’au final
plein de choses à dire mais je ne vois pas le
que tu sois noir, blanc, chinois, juif, musulman, gay,
plaisir que je pourrais en tirer. Quel que soit le
femme, tout ce que tu veux, ce que les gens veulent,
sujet que j’aborde, même les sujets les plus
c'est qu'on les laisse tranquille et qu'on arrête de les
graves, j’ai toujours besoin qu’il y ait un peu de
emmerder ! C'est ça le vrai sujet. Oui, c'est bien que
légèreté, un peu d’humour. C’est ce que le
les noirs s’organisent, que les gays s’organisent et
roman noir permet.
que les femmes s'organisent mais au final, ce serait peut-être mieux qu'on soit tous derrière la même banderole parce que ce que les gens veulent c'est la tranquillité, la liberté et l'égalité. Voilà. Ce qui est clair, c'est que je ne me considère pas comme un auteur engagé. C'est souvent une question que l'on me pose. Je ne suis pas plus engagé dans mes romans que je ne le suis dans le quotidien. Je suis aussi scandalisé par la politique de Macron que par les gens qui me disent le Front National a changé. Je pense que je suis très sensible
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QUAND LES GENS SORTENT DE CHEZ EUX POUR METTRE 20 BALLES DANS TON BOUQUIN, TU AS UNE RESPONSABILITÉ, TU TE DOIS, SI TU TRAITES LE SUJET RÉEL, D'ÊTRE LE PLUS HONNÊTE POSSIBLE.
Quand je me suis lancé dans Power, je me suis dit ça
choses négatives qui ont été faites, j'en parle
c’est pour moi. Il y avait un gros aspect social et
aussi, c'est la moindre des choses. Quand les
politique, lourd et pesant et en même temps c’était
gens sortent de chez eux pour mettre 20 balles
une époque de grande légèreté où l’on fume des
dans ton bouquin, tu as une responsabilité, tu te
joints, on écoute de la musique, on déconne. La
dois, si tu traites le sujet réel, d'être le plus
tranche d’âge des Black Panthers, c’était 16/25 ans, ils
honnête possible.
avaient les mêmes discussions que les jeunes d’aujourd’hui. Ça parlait de nanas, ça parlait de cul, ça
C'est ce que je déplore aujourd'hui. Par exemple
parlait de concerts, ça parlait de se balader, de se
quand tu as un Finkielkraut qui te parle de
poser sur un banc et de refaire le monde toute la nuit.
français de souche de bon matin, tu allumes ta
On parlait politique et sujets de société en écoutant du
radio tu entends ça, moi je trouve ça malsain et
James Brown. Moi j’ai trouvé ça génial !
je trouve que la France actuelle est suffisamment divisée, pas besoin d'en rajouter.
LFC : C’est ça qui t’a poussé à écrire sur les
Ce serait peut-être bien aussi qu'on nous parle
Panthers ?
plus de ce qui peut nous rapprocher. J'aimerais aussi que des personnalités qui ont une
MM : Écoute, j'ai redécouvert un album de Miles Davis
audience beaucoup plus vaste que la mienne
sorti en 1972 qui s'appelle On the corner. C'est un
mettent l'accent sur les choses qui me semble
album qui est très électrique, très funk, très tribal aussi.
un peu plus importante que l’héritage de
Le premier morceau fait une vingtaine de minutes et
Johnny.
c'est un morceau de grande frénésie musicale. En écoutant cet album, j'ai pensé aux Black Panthers, ou
LFC : J'ai plutôt l'impression qu’en France les
du moins à l'image que je m’en faisais. Le peu que je
personnalités et les artistes évitent d’aborder
savais d’eux, c'est que c'était un groupe politique qui
ce genre de sujet par peur de se faire bâcher
avait voulu se réapproprier ses quartiers, qui était très
sur les réseaux sociaux, à l'inverse des États-
implanté dans les villes, très urbain et, en même
Unis où la parole des artistes est très
temps, il y avait tout ce truc de retour à l'Afrique, aux
engagée, politiquement et socialement.
racines. Et puis il y avait cette imagerie, le look, le béret, la veste en cuir…
MM : Cela dépend chez qui. Quand je vois des
Je me suis documenté et très vite j'ai eu accès à des
mecs comme Éric Zemmour, Alain Finkielkraut
infos incroyables sur tout l'aspect social qui a été
ou Alain Soral qui ne se privent pas pour
gommé et nié. Beaucoup de lecteurs m'ont dit c'est
balancer ce qu’ils veulent dire.
incroyable, j'ai appris plein de choses et ça me fait vraiment plaisir parce que ma démarche est de
LFC : Je te parlais des artistes.
réhabiliter la cause des Panthers sans en faire l'apologie ni faire leur pub, je ne suis pas là pour ça.
MM : Moi, je peux te dire que si j'avais plus de
Quand des choses nobles ont été faites, effectivement
micros qui m’étaient tendus, plus d'audience, je
j'ai à cœur d'en parler. Mais par contre, s'il y a des
dirais la même chose. Après ce qui est vrai, c'est
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que tu auras toujours quelqu'un pour te faire un
que je perçois et ressens au quotidien. Pour moi
procès d'intention. Par exemple on va me dire vous
il n'y a jamais de généralités. Le personnage de
avez critiqué Israël, vous êtes antisémite. Non pas du
Neil incarne tout un groupe de policiers qui sont
tout ! Je peux très clairement te dire que la politique
en France et auquel on ne donne jamais la
de Benyamin Netanyahou est une politique
parole, à savoir les flics qui déplorent la politique
dégueulasse qui à mon sens dessert le peuple
du chiffre et qui, si on leur en donnait les
israélien. D'ailleurs, la jeunesse israélienne est en
moyens, pourraient largement critiquer leur
grande partie contre cette politique mais ce n'est pas
corps de métier.
un truc qui est relayé par les médias ce que je trouve dommage.
LFC : Tu as appelé ton livre Power alors qu'on se serait attendu à ce que tu l'appelles
Si tu te dis bouleversé ou ému par la mort du
Panthers, pourquoi ce choix ?
gendarme Beltrame, il y aura toujours quelqu'un pour te dire mais chez les flics, il y a de plus en plus de
MM : La question du pouvoir pour moi est
violences policières, ce qui est une réalité mais voir
centrale dans la société dans laquelle on vit. Si
une bagnole de flics cramer, ça me choque autant
tu te mets à la place des noirs de l'époque, au
que de voir des juifs se faire taper dessus ou des
bout d'un moment quand tu es abandonné et
musulmans se faire emmerder à longueur de journée.
nié par ton gouvernement, que tu es méprisé par la police, que tu es harcelé et violenté qu'est-ce
Je ne fais pas de différence entre les corps de métier
qu'il te reste comme solution ? Bah la solution,
ni entre les populations. Je ne fais pas de hiérarchie
c'est de dire vous ne voulez pas de nous ? Ne
entre les souffrances que ce soit la souffrance des
vous inquiétez pas, on s'organise tout seul ! et
juifs, la souffrance des noirs par rapport à l'esclavage
c'est là que ça m'a séduit. Les Panthers ont
ou la souffrance des tziganes dont on ne parle jamais.
vachement travaillé sur l'émancipation des afro-
Tout est fait au quotidien pour nous diviser. On nous
américains. Ils ont tout fait pour leur rendre la
parle tout le temps des musulmans et du voile, on
dignité et la légitimité qu’on leur refusait.
oppose les chômeurs aux travailleurs, les hommes aux femmes. Mais ce que la plupart des gens veulent
Le pouvoir est à portée de main de tout le
aujourd’hui en France, c'est remplir leurs assiettes,
monde. C'est vrai que je me politise de plus en
nourrir leurs gamins, payer leur loyer et de temps en
plus, mais en même temps je ne suis pas là pour
temps s'acheter un CD ou se faire un cinéma. La
mener un combat, je ne suis pas là pour faire la
plupart des gens veulent la tranquillité. Et moi ce qui
leçon aux gens, je n’en ai pas envie. Par contre,
me choque, c'est quand je vois des gens comme Valls
j'ai des valeurs à défendre. J'ai écrit
ou Marine Le Pen qui en remettent une couche. Ça
Power pendant les manifs contre la loi travail
rajoute des tensions, c'est un poison au quotidien.
auxquelles j’ai participé. A chaque fois que je
Donc tu me parlais d'engagement dans l'écriture,
rentrais chez moi, je me disais il faut que j’arrive à
quand j'écris Power, je l'écris parce ce que le sujet et
insuffler dans mon roman l’énergie que l’on
l’époque m'intéressent mais j'y mets aussi tout ce
ressent dans ces manifs . C’était un gros enjeu
PAGE 16
littéraire. Il n'y a pas qu'une bonne énergie, il y a aussi
à la hauteur du roman.
des casseurs, des gens qui profitent du truc, qui sont des vendus, mais il y a aussi une grande majorité de
Je me suis dit que ça donnerait peut-être une
gens qui sont dans la rue pour des convictions. Le
impulsion supplémentaire au roman, que ça
pouvoir, il est là. Certaines manifs contribuent à faire
pourrait mettre en lumière un livre auquel je suis
reculer le gouvernement ou à faire sauter des lois et
très attaché pour de multiples raisons : pour des
parfois ça ne marche pas. La manif contre la loi travail
questions de valeurs personnelles, pour des
n'a pas marché et on en voit les conséquences, ce qui
raisons familiales parce que je viens d'une
se passe maintenant dans le pays en est la continuité.
famille très à gauche. Je pense que si ma grandmère était encore là, ça l'aurait touché que
LFC : Tu publies Power chez Stéphane Marsan qui
j'écrive sur le marxisme. Et parce que c'est un
lance une nouvelle collection. Considères-tu que
livre que j'ai dédié à ma fille.
c'est une aubaine d’être au lancement de cette collection ?
LFC : Beaucoup de tes romans se passent autour et dans les années 70 alors que tu es
MM : Ça fait un moment que l'on se connaît avec
né en 1979, pourquoi cette envie presque
l'équipe de Bragelonne et que Stéphane disait qu'il
obsessionnelle de traiter cette époque ?
voulait créer sa collection de littérature générale. Je lui ai dit : j’écris un livre sur les Black Panthers, est-ce
MM : Je baigne dans cette culture des années
que ça t’intéresse ? Stéphane était très motivé et très
70 depuis que j'ai dix ans. J’ai découvert David
impliqué. J'ai franchi un pas et je suis content de
Bowie, Deep Purple, AC/DC, Martin Scorsese.
l'avoir franchi avec Power à travers cette collection.
C'est la musique en fait qui m’a amené à traiter cette période. Ma mère écoutait beaucoup
LFC : Toi qui a publié chez beaucoup d'éditeurs
Polnareff, Gainsbourg et mon père c'était plutôt
différents, sens-tu la différence de participer à une
Pink Floyd et Led Zeppelin. J'ai eu les deux
collection qui se lance ?
versants. J’ai beaucoup écouté la variété française, Balavoine et Julien Clerc, et je
MM : Au début, ça m'a mis la pression parce que ça
continue d'en écouter aujourd'hui parce que
me met en avant et j'ai toujours du mal avec ça. Et
certaines chansons de Balavoine font parties de
puis je me suis dit : Power est mon 10eme roman, j'ai
mes influences. On a toujours coutume de citer
17 ans d'écriture, c'est bien aussi de s'assumer un peu
les grands auteurs - évidemment que j’ai des
plus dans la vie.
influences comme Céline, Camus, Giono, Ellroy
La couverture par exemple j'en suis très heureux. Au
et Thomas Bernhard - mais c’est avant tout la
début j'ai trouvé que c'était trop beau pour moi et puis
musique qui m’a influencé.
finalement l'éditrice, Aurélie Charron, avec laquelle j'ai travaillé le texte m'a dit : tu sais Michael, au bout d'un
LFC : Et quels sont tes projets pour le futur ?
moment il faut y aller. Ton livre, on y croit beaucoup c'est un super bouquin, il mérite d'avoir une couverture
PAGE 17
MM : Je viens de terminer un bouquin pour
10/18. Ça parle de Miles Davis, d’une période de sa
Floyd avec un son très lourd et ça passe super
vie qui est souvent décriée à savoir la période 68-75. Il
bien.
était décrié parce qu'à l’époque il était dans l'expérimentation. Il était conspué par les puristes du
Pour te reparler de la musique, par rapport au
Jazz et par les critiques musicaux sauf que les albums
roman que j'écris actuellement, je dois raconter
sortis à l'époque, dont l'album On the corner, sont
une réunion, il faut que beaucoup de choses
considérés aujourd'hui comme des albums cultes et
soient dites mais pas trop sinon tu vas emmerder le
fondateurs, comme des albums pionniers de la
lecteur. Il y a pas mal d'intervenants, il faut rendre
culture hip-hop. Ce roman sortira en 2019.
le truc punchy. C'est une réunion qui intervient après deux ou trois mois d'absence de réunions.
LFC : Et tu es déjà sur le suivant ?
J'ai eu beaucoup de mal à commencer le chapitre et je me suis dit comment suggérer le fait que ces
MM : Oui, le prochain roman pour la collection de
quelques mois soient passés ? Et je me suis dit je
Stéphane Marsan prévu pour 2020. C’est un sujet très
vais le faire en musique, je vais commencer par
vaste, un sujet de société qui se passe dans les
Time de Pink Floyd. Time signifie le temps en
années 2009, en France et en Europe. C’est un roman
français, donc je pars du morceau des Pink Floyd,
dans lequel il n'y aura pas d'action. L'action ne sera
je suggère des ellipses comme je l'ai déjà fait dans
que verbale. Le premier enjeu du roman sera de
d'autres romans, je reviens sur le solo de guitare et
rythmer le récit. Je ne peux pas te parler plus de son
hop, j'introduis par ce solo guitare le bla-bla des
contenu. Ce n'est pas pour faire des mystères mais les
mecs dans la réunion. Je ne sais pas si l'effet
journalistes que je consulte, qui bossent sur le sujet
marchera, mais c'est le seul moyen que j'ai trouvé.
m'ont vivement conseillé de ne pas communiquer
On verra ça en 2020 !
dessus.
dans des livres. On est en 2018, quel est ton coup
LA CHRONIQUE
de cœur actuel. Écoutes-tu des trucs récents ?
Mention n’est pas black mais son style l’est
LFC : La musique est une partie très importante
Black Panthers, Black Power, Black Writer ! Bon ok, assurément. Noir, rugueux, anguleux et sans
MM : Mon dernier coup de cœur, c'est Afghan Whigs.
concession.
Leur dernier album qui s'appelle In Spades est un très
Combinant une écriture journalistique et détaillée
bon album. D'une chanson à l'autre ça change, c'est
à une profondeur romanesque virevoltante, Power
très agréable. Quand tu tu veux du rock, tu en as,
transpire l’amour de son sujet et de ses
quand tu veux un truc plus lyrique, pop, tu en as.
personnages.
Sinon il y a un guitariste qui a repris avec son groupe
On dit souvent d’un roman qu’il ouvre la porte sur
Dark Side of The Moon et le joue en mode Stoner. Le
des mondes extraordinaires, qu’il a la faculté de te
disque s'appelle Doom Side of the Moon d'ailleurs. Il
transporter d’un endroit à l’autre, d’une époque à
est très bon, il y a une reprise de Time du groupe Pink
l’autre avec plus d’aisance que ne pourront
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jamais le faire des images et c’est si vrai. En pleine lecture de ce roman, si tu fermes les yeux, tu te retrouves plongé à la fin des sixties américaines, bravant le danger et l’injustice avec les Black Panthers, flingue à la main et béret sur la tête. Michael Mention a ce don si rare et si précieux de t’immerger dans cet univers contestataire et libertaire où l’odeur du cuir se mêle à celui de la transpiration, aux coups de feu qui claquent, aux déclarations chocs, aux couteaux qui transpercent les corps. C’est une vraie guerre contre l’état américain, adversaire redoutable et sans pitié, que les Black Panthers ont mené ; contre un Oncle Sam qui aurait tellement préféré qu’ils restent un Oncle Tom. Le roman se découpe en deux parties, la naissance du Black Panther Party racontée à la troisième personne, puis son ascension et sa chute (je spoile pas, c’est l’Histoire avec un grand H, man) sous le prisme de trois regards posés dessus crachant leur histoire à la première personne : L’ado black fascinée, le flic blanc désabusé et l’infiltré irradié de trouille. Chacun vivra les événements de son point de vue unique pour donner une consistance et une profondeur aux événements qui ont tant marqué l’époque. Passionnant de bout en bout, une fois entamé, ce livre ne se lâche plus. C’est comme la première cacahuète que tu prends délicatement du bout des doigts et que tu croques lentement. Tu la sens craquer sous ta dent, laissant sa saveur si particulière se diffuser et flatter tes papilles gustatives... et hop sans prévenir tu replonges illico ta main dans le récipient et te v’là en train de te bâfrer des mille suivantes. Addictif ! Et comme si ça ne suffisait pas, l’auteur perfuse son roman de morceaux de musique cultes et phares des années 65 à 71. Déluge de sensations sonores sollicités par ce bouquin. Brûlot incandescent, ode à la vie et à la liberté, ce roman te prend à la gorgedevant tant d’injustices. Car Power est un livre somme sur la condition humaine, pas uniquement sur les afro-américains, mais plutôt sur les exclus du système. Et c’est si actuel... Le plus rageant quand tu lis un roman de cette amplitude, c’est la même frustration que tu as en regardant Titanic d’ailleurs, tu connais la fin ! Tu n’as pas cette latitude à espérer que les faits se déroulent autrement. Sauf que quand c’est raconté avec le talent et l’énergie viscérale d’un Michael Mention, tu sais que le voyage va être une vraie régalade. Avec son écriture nerveuse racée et resserrée, l’homme arrive à faire passer toute une palette d’émotions contradictoires à travers sa plume, une certaine rage contre la machine terriblement communicative. Ce roman est puissant, ce roman est dangereux, ce roman (r)éveille les consciences sociales. Alors dresse la tête, serre les dents, lève le poing et FIGHT THE POWER !
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CINÉMA LFC MAGAZINE
03 AVENGERS INFINTY WAR
PAR DAVID SMADJA DE C'EST CONTAGIEUX PHOTOS : COPYRIGHT MARVEL STUDIOS 2018 MAI 2018
ATTENDU COMME LE LOUP BLANC (PARCE QUE LA PANTHÈRE NOIRE C’EST DÉJÀ PRIS !), CE NOUVEL OPUS DES AVENGERS A TOUT SUR LE PAPIER POUR OUVRIR LES BOUCHES EN O ET LAISSER LES LANGUES PENDANTES ! L ' A V I S D’AUTANT QUE LES FRÈRES RUSSO, ATTELÉS À LA RÉALISATION DE CE TROISIÈME ÉPISODE (ET DU QUATRIÈME ATTENDU L’ANNÉE PROCHAINE), NOUS AVAIENT DÉJÀ MIS LA BARRE HAUTE AVEC LEURS DEUX PRÉCÉDENTS FILMS « CAPTAIN AMERICA : LE SOLDAT DE L’HIVER » ET « CAPTAIN AMERICA CIVIL WAR ».
VÉRITABLE ODYSSÉE COSMIQUE, CE DÉPLACEMENT DES ENJEUX, À LA FOIS SUR NOTRE BONNE VIEILLE TERRE ET DANS LES CONFINS DE L'ESPACE, DONNE UNE AMPLEUR INÉDITE À LA MYTHOLOGIE MARVELESQUE ET SURTOUT CRÉE CHEZ LE SPECTATEUR UNE IMPRESSION DE MISE EN ABYME DE SES HÉROS. La force des frères Russo, à l’instar de leur « Civil War », est la gestion quasi-parfaite de leur panthéon super-héroïque. Chaque héros a son moment, ses scènes, sa punchline - Évidemment chacun trouvera que son perso préféré n’est pas assez mis en avant et que certains sont mieux servis que d’autres - Ils n'ont d'ailleurs pas boudé leur plaisir et sent bien ont D Eon LA RÉ D Aqu’ils CTIO N adoré jouer avec Les Gardiens de la Galaxie qui sont à la fois le centre névralgique et l’ossature du film, étant utilisés systématiquement pour faire avancer l’histoire ou retomber la pression à coups de vannes bien placées (NDLR : parfois un peu trop nombreuses, même s’il faut avouer que certaines punchlines sont à se tordre). Les frangins créent une tension quasi-permanente et retranscrivent parfaitement la situation critique vécue par chacun des héros ou groupe de héros.
RICHE EN INTRIGUES ET REBONDISSEMENTS Au niveau du climax, les deux garçons nous ont déjà montré leurs aptitudes. Ce nouvel Avengers ne déroge pas à la règle tant il est riche en intrigues et rebondissements. On pourra parler de générosité tant les frangins sont gourmands et nous distribuent des sucres d’orge acidulés tout le long de ces 2h36. De vrais maîtres-confiseurs ! Alternant les scènes d’exposition et les scènes d’action, le métrage regorge de moments épiques sans sacrifier à la construction de l'intrigue qui prend tout son temps pour s'installer (NDLR : n'évitant pas de petites longueurs si l’on veut être honnête).
ACTUELLEMENT AU CINÉMA
ENFIN, LE MARVEL CINEMATIC UNIVERSE (MCU) A TROUVÉ LE BAD GUY (LE MÉCHANT QUOI !) CHARISMATIQUE ET CRÉDIBLE QUI LUI FAISAIT DÉFAUT JUSQU’ALORS. Il aura fallu 6 années entre le premier volet des Avengers et celui-ci pour enfin installer le personnage de Thanos. Ne boudons pas notre plaisir, le supervilain valait l’attente ! D'ailleurs, dès la scène d’ouverture le ton est donné. Le Titan Thanos n’est pas là pour rigoler et ceux qui ne l’ont pas compris vont compter leur abattis.
L'AVIS DE LA RÉDACTION JOSH BROLIN ET KEVIN FEIGE Josh Brolin (que l’on retrouvera d’ailleurs le 16 mai dans « Deadpool 2 », un autre film de super-héros, où il interprète un personnage mythique du bestiaire mutant : Cable) incarne avec puissance, crédibilité et profondeur le géant pourpre aux motivations différentes du comics mais plus cohérentes, actuelles et intéressantes que dans le matériau d'origine. Kevin Feige (le patron du Cinematic Marvel Universe) réussit à faire avec les films Marvel ce que ni Georges Lucas ni Kathleen Kennedy ne sont arrivés à reproduire dans leurs derniers épisodes de Star Wars : insuffler une âme, créer des enjeux, prendre des risques, susciter de l’empathie pour leurs personnages, proposer des histoires qui même si elles ne sont pas toujours d'une originalité folle sont diablement excitantes ! Oui, on vibre, on tremble, on rit et on applaudit des 4 mains (avec celles de ta voisine par exemple, le plaisir c'est toujours contagieux !).
PUISSANT, HOMÉRIQUE ET SHAKESPEARIEN, CE NOUVEL ÉPISODE MET LA BARRE HAUTE ET MÊME SI L’ON SAIT QU’UNE PREMIÈRE PARTIE D’UN DIPTYQUE NE PEUT ÊTRE JUGÉE QU’À L’AUNE DE LA SECONDE, LES GRAINES PLANTÉES LAISSENT SUPPOSER UNE FLORAISON LUXURIANTE. ÉVIDEMMENT ET CETTE FOIS ENCORE PLUS QUE D’HABITUDE, RESTEZ JUSQU’À LA FIN ! LA SCÈNE BONUS EST ÉNORME ET ANNONCE UN VOLUME 4 GALACTIQUE !
ACTUELLEMENT AU CINÉMA
L'INTERVIEW ÉCHEVELÉE DE LAURENT BETTONI LAURENT BETTONI EST ROMANCIER IL A PUBLIÉ LES REMORDS DE L’ASSASSIN (MARABOUT THRILLER) TOUJOURS DISPONIBLE EN LIBRAIRIE
LIVRE LFC MAGAZINE
IRVINE WELSH L'ARTISTE AU COUTEAU PAGE 23
PAR LAURENT BETTONI / PHOTOS : © AGENCE ANNE & ARNAUD
IRVINE WELSH L ' E N T R E T I E N
I N É D I T
04 En ce matin d’avril 2018, froid et pluvieux, un rayon de soleil brille tout de même, non pas au-dessus de ma tête, mais en moi, au plus profond de mon âme. Je vais interviewer Irvine Welsh, le créateur mythique de la saga Trainspotting. Je suis comme un gosse, à l’idée de rencontrer un auteur que j’admire. L’entrevue a lieu dans dix minutes, à l’Agence Anne & Arnaud. Et tandis que j’arrive devant l’entrée de l’immeuble, j’avise justement Anne, à quelques pas sur ma gauche. Deux petits bonjour de la main, deux petites bises, deux petits étages, ou plutôt trois, et me voici dans la salle de réunion, avec Anne qui me prépare gentiment un café. Je lui demande si la traductrice est déjà là. Elle rit de ma blague. Qui n’en est pas une. Je comprends soudainement que j’ai oublié de solliciter un service de traduction, tout chamboulé que j’étais par cette interview, que je vais me débrouiller tout seul avec mon anglais de collège et que je vais passer pour un Mickey auprès de Monsieur Irvine. Je jette un œil à la fenêtre. Sauter du deuxième, pourquoi pas ? J’ai encore le temps de m’enfuir, même à clochepied, avec une cheville foulée. Trop tard ! Avec une ponctualité toute britannique, le géant écossais sonne à la porte, et Anne va lui ouvrir. Je dégaine ma liste de questions, rédigées en français, et me dis que le dieu de la littérature ne peut pas m’abandonner ainsi, qu’il m’aidera forcément à les traduire en temps réel, au fur et à mesure. C’est parti pour un entretien échevelé (sans mauvais jeu de mot) sur le dernier opus d’Irvine Welsh publié en France (Au diable vauvert) et superbement traduit, lui, par Diniz Galhos – que j’aurais bien voulu avoir à mes côtés, pour l’occasion –, L’Artiste au couteau. LFC : Francis Begbie, le personnage principal de ce roman, est déjà l’un des protagonistes de Trainspotting. Pouvez-vous le replacer dans le groupe de personnages et dans le contexte de l’époque ? IW : Dans Trainspottitng, c’était un cinglé, un psychopathe, un type très violent qui passait le plus clair de son temps en prison. Pour tous les autres de la bande, c’était un ami, parce qu’il avait grandi avec eux, mais ils en avaient peur, ils PAGE 24
savaient que c’était un type instable. Pour moi, il allait mourir ou croupir en prison. Donc, scénaristiquement, il ne marchait plus, il n’apportait plus rien. Alors j’ai décidé de le rebooter. Après tout, quand les gens arrivent à la quarantaine, ils regardent un peu ce qu’ils ont fait de leur vie jusque-là, et ils se disent que c’est vraiment leur dernière chance, que c’est le moment de changer d’orientation, de faire quelque chose de différent.
Ce qui m’intéresse avec eux, et d’ailleurs avec la société d’aujourd’hui d’une manière générale, c’est comment les gens se débrouillent dans un monde où il n’y a pas de travail rémunéré, un monde qui se réindustrialise, qui passe d’une ère capitaliste à une ère consumériste, où l’on peut monétiser ce que l’on fait, on l’où on est remplacé par des machines, des robots.
Pour faire changer Begbie, ça devait passer par de
demandant ce qui va venir après. Et c’est surtout la
grandes choses comme l’art, l’amour. Je l’ai entouré
classe ouvrière qui a été en première ligne de tout ça,
d’art, je l’ai entouré d’amour et je l’ai mis dans un
ce sont les ouvriers qui ont été les premiers, il y a vingt-
environnement aimant. Et je me suis dit que c’était
cinq ans, à être affectés par ces changements qui
super de le voir changer, mais que de nouveau,
touchent à présent la classe moyenne et même les
scénaristiquement parlant, ce n’était pas très
classes les plus hautes, celles qui ont le pouvoir et qui
intéressant. Je me suis demandé : Que se passerait-il,
sont en train d’agoniser de tout ça.
s’il était toujours dingue et qu’il n’avait fait que prendre
C’est cette transformation de la société sur le long
l’apparence d’un homme civilisé, avec une morale, de
terme que j’aime étudier, ce passage à une ère post-
l’humanité, en restant quand même, au fond de lui, un
capitaliste. Je ne sais pas vraiment comment tout ça
monstre, et même un monstre encore plus glacial, pire
va fonctionner, mais toutes nos technologies, tous nos
que ce qu’il avait jamais été ? C’est comme ça que ce
modes de production sont en train de changer, très
personnage est devenu le héros de L’Artiste au
rapidement. Va-t-on se retrouver avec des structures
couteau.
autoritaristes ou plutôt des structures libertaires, comment va-t-on faire, que va-t-on devenir ? Voilà ce
LFC : Trainspotting se déroule dans les années
qui m’intéressait, à l’époque, et qui m’intéresse
1990, et L’Artiste au couteau vingt-cinq ans plus
toujours.
tard. Entre les deux, il y a eu Porno, et vous avez même écrit le préquelle, Skagboys, qui se passe donc avant les années 1990. Qu’avez-vous eu envie de raconter sur cette bande-là, sur ces gens, qu’est-ce qui vous a intéressé chez eux, durant
Il veut repartir, rentrer chez lui. Mais finalement, il décide de se laisser aller, jusqu’au bout, et il fait un véritable carnage dans la ville.
une aussi longue période ? LFC : Où en est Francis Begbie, quelle est sa vie, au IW : Ce qui m’intéresse avec eux, et d’ailleurs avec la
moment où démarre le roman ?
société d’aujourd’hui d’une manière générale, c’est comment les gens se débrouillent dans un monde où
IW : C’est un artiste qui vit en Californie, il est marié,
il n’y a pas de travail rémunéré, un monde qui se
père de deux petites filles, il mène une vie qui lui plaît,
réindustrialise, qui passe d’une ère capitaliste à une
et en fait, s’absorber dans son travail l’empêche d’être
ère consumériste, où l’on peut monétiser ce que l’on
violent. Quand il travaille, la violence ne l’obsède
fait, on l’où on est remplacé par des machines, des
plus, il n’est plus agité, il ne pense plus à comment il
robots.
va nourrir ses addictions, il se sublime en
On assiste à une crise existentielle, on se demande ce
s’immergeant dans le travail. Il mène donc une vie
qu’on fait là. Et tous nos systèmes politiques, tous les
plutôt heureuse. Puis il apprend que son fils aîné,
États, les nations, les gouvernements, les hiérarchies
qu’il a eu avec une ex-compagne, en Écosse, est
au sens large du terme ne sont pas vraiment servis
mort, qu’il a été assassiné. Il doit donc retourner là-
par ces changements économiques. On est en train
bas pour les obsèques.
de perdre un certain mode de vie, tout en se
Quand il arrive, tout le monde s’attend à ce qu’il se venge des assassins présumés, mais lui, ça ne
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PAR LAURENT BETTONI / PHOTOS : © AGENCE ANNE & ARNAUD
l’intéresse plus. Pourtant, il se rend compte que la
fils, au lieu de remonter dans le premier avion pour
violence lui procure un certain statut et il ne veut pas
Santa Barbara ?
que sa réputation lui soit usurpée par des petits nouveaux. Il a de nouveau des pulsions sanglantes. Il
IW : En fait, sa violence le motive, l’excite. Il se rend
est dans sa famille, il est en train de reprendre contact
compte qu’il est dans cette agitation, qu’il en a envie,
avec son ancienne personnalité. Et il essaie de se
il a envie de s’imposer et d’imposer sa volonté aux
battre contre ça, il veut repartir, rentrer chez lui. Mais
autres voyous, et il sent qu’il tient là l’opportunité de
finalement, il décide de se laisser aller, jusqu’au bout,
le faire. Ce livre représente son parcours, un voyage
et il fait un véritable carnage dans la ville.
qui va l’amener à comprendre que sa violence n’a jamais été liée aux circonstances, mais qu’elle est en
LFC : La peinture sociale que vous brossez, dans
lui, qu’il l’a internalisée et qu’il aime ça, qu’il est
ce quartier populaire de Leith où l’action se
violent juste pour le plaisir, que c’est ça qui le définit.
déroule, est encore pire que celle de Trainspotting, il y a un quart de siècle. Comment expliquez-vous cela ? Que s’est-il passé, au cours de ces années, pour que la situation se détériore ?
Et on commence à se rendre compte que nos sociétés, nos cultures, notre autonomie sont fondées sur quelque chose qui est en train de disparaître.
IW : Je crois qu’en fait la perception qu’a Begbie est biaisée. Lui, il vit en Californie et il aime ça. Avant, il
LFC : Begbie est devenu un artiste mondialement
aimait vivre en Écosse, mais maintenant, il préfère
reconnu en sculptant des bustes de personnes
Santa Barbara. Alors il voit les gens de Leith avec un
célèbres et en les mutilant atrocement ensuite.
regard très noir, très acerbe, et il ne perçoit que ce qui
Non seulement les people concernés sont
est mauvais, il ne voit que l’extrême pauvreté,
demandeurs de ces bustes torturés, mais les
l’obésité, les gens dans la rue, il ne voit pas les bars
œuvres se vendent à des prix exorbitants. Qu’est-
branchés, l’embourgeoisement, les réagencements
ce que cela révèle de notre société ?
urbains. Ça ne lui plaît pas, d’être là, il ne voit que le noir et veut rentrer chez lui, dans la lumière de la
IW : Cela montre que notre société a l’obsession de la
Californie.
célébrité, l’obsession de créer des idoles pour mieux les détruire après. Cela a quelque chose à voir avec
LFC : Alors qu’a priori Francis Begbie s’est sorti de
cette manie de se réjouir du malheur des autres, de
ce bourbier qu’était son passé, qu’il a connu la
les voir souffrir.
rédemption à travers l’art et l’amour, qu’il vit dans
C’est une mentalité malsaine, et les États-Unis ont élu
l’opulence et nage en plein bonheur californien,
un président – ils l’ont donc placé à l’un des postes
avec sa femme et ses deux petites filles blondes
les plus élevés du monde occidental – très
comme les blés, semblables à trois répliques de
représentatif de cela. Cet état d’esprit vicié est lié,
poupées Barbie, qu’est-ce qui le pousse à rester à
chez certains, à un instinct de contrôle des autres, et
Leith, à remettre les mains dans le cambouis et à
une de leurs grandes craintes existentielles est que ce
chercher à savoir coûte que coûte qui a tué son
pouvoir leur soit retiré. Les changements sociaux, économiques,
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technologiques ne vont pas dans le sens de la
LFC : Le second grand combat que vous montrez
hiérarchie, de l’autorité sur le long terme. L’industrie
est celui de l’homme contre ses dépendances ;
médiatique, la gloire soudaine et furtive, toutes ces
l’homme contre son addiction à l’alcool, l’homme
constructions superficielles, qui sont un peu comme
contre son addiction à la drogue, l’homme contre
la neige en haut d’un mur qui se met à fondre, tout ça
son addiction à la violence. Qu’est-ce qui vous
est en train de se faire aspirer. Et on commence à se
touche tant dans ce thème ?
rendre compte que nos sociétés, nos cultures, notre autonomie sont fondées sur quelque chose qui est en
IW : Encore une fois, c’est surtout le pourquoi de tout
train de disparaître.
ça qui est intéressant. Pourquoi il y a cette force qui nous pousse tous, pratiquement partout dans le
LFC : Il est question de deux grands combats, dans
monde, à avoir ces comportements compulsifs. Je
ce roman. Le premier, c’est celui de la seconde
crois que personne n’y échappe. Pour quelqu’un, ce
chance contre le déterminisme. Quelle est votre
sera trop de télé ; pour un autre, trop de
opinion ou votre vision des choses, à ce sujet ?
médicaments, trop de nourriture, trop d’alcool, trop de jeux d’argent, trop de shopping, trop de
IW : Le sociologue américain Peter Berger
dépenses ; pour d’autres encore, ce sera trop de
disait : Nous sommes un peu comme des marionnettes
relations sexuelles avec les mauvaises personnes ou
au bout de ficelles, nous sommes conditionnés,
pas assez avec les bonnes.
gouvernés par toutes les forces qui nous entourent,
Je crois que c’est une facette de la profonde
par la société dans laquelle nous vivons. Mais
déception du consumérisme, du capitalisme. Mais
contrairement aux marionnettes, nous, nous pouvons
tout ça ne peut pas tenir sur le long terme, on sait
regarder qui tient les ficelles, et nous pouvons essayer
qu’on va devoir changer ces comportements, mais on
de les couper.
ne sait pas comment s’y prendre. Tout part aux 1 %
Nous en sommes là, maintenant, au moment où nous
les plus riches de la planète, et il ne reste plus assez
devons choisir si nous voulons continuer ainsi ou si
d’argent aux autres 99 % pour faire perdurer cette
nous voulons couper les ficelles. Ce choix n’est pas
société de consommation. Et il semble qu’on n’arrive
aussi facile qu’on croit. On aime tous penser qu’on
pas à tirer profit de tout ce que les nouvelles
veut être libres, mais je crois qu’un grand nombre
technologies apportent. On a une vision quasi
d’entre nous choisiraient l’autorité, la structure, parce
moyenâgeuse de la technologie, du genre, de toutes
que, finalement, la liberté fait peur, elle implique des
ces questions.
responsabilités, et on a très envie de laisser ces responsabilités à d’autres, de laisser les autres choisir
LFC : Vous sentez-vous plus proche d’un
et décider à notre place ce qui est bon pour nous. Et
personnage en particulier, parmi tous ceux que
ça, c’est quand même la grande question : est-ce
nous croisons dans Skagboys, Trainspotting,
qu’on veut vraiment la liberté ?
Porno et L’Artiste au couteau ou bien quelquesuns représentent-ils votre propre évolution personnelle au fil du temps ?
Tout part aux 1 % les plus riches de la planète, et il ne reste plus assez d’argent aux autres 99 % pour faire perdurer cette société de consommation. PAGE 28
IW : Quand on veut parler de certaines choses, on choisit un héros, un personnage, et je crois qu’on se
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sent forcément proche du personnage qu’on a choisi
Alors je suis toujours ravi que tout cela
pour aborder la thématique. C’est une relation un peu
soit fait par d’autres que moi.
étrange en fait, c’est presque comme une relation
Et puis, écrire un livre, c’est un travail
intense, une relation amoureuse avec un partenaire,
solitaire, mais le cinéma, c’est un travail
on s’imagine que ça va durer toute la vie, et puis la
collaboratif. Si l’auteur veut rester trop
relation s’étiole, on en entame une autre avec une
proche de son texte original, le
nouvelle personne, et on en vient presque à oublier la
réalisateur, les acteurs et les scénaristes
relation qu’on a vécue avant, comme si elle n’avait
vont arriver chacun avec une vision
jamais existé.
différente de l’œuvre et vont tous vouloir y apporter leur touche. Il faut
À la télé ou au cinéma, il faut que tout le monde dise oui en même temps, et très souvent, c’est un pas en avant, trois pas en arrière. LFC : Trainspotting et Porno ont été adaptés au cinéma, mais vous n’avez pas participé à l’écriture du scénario. S’agit-il d’un choix personnel, et si oui, quelle en est la raison ? IW : Oui, c’est un choix. Je préfère que ce soit quelqu’un d’autre qui s’occupe des adaptations. J’aime écrire des scénarios originaux pour la télé ou le cinéma, mais adapter un livre, c’est différent. Il faut d’autres yeux, sinon on devient presque l’esclave du livre. Il faut pouvoir s’en éloigner, ne pas avoir une relation émotionnelle trop forte avec lui, ne s’en servir que pour le texte et le rendre cinématographique. Il s’agit plus de capturer l’essence de l’intrigue, l’essence des personnages, il ne faut pas rester trop proche du livre, il faut savoir le transformer, et ce recul, d’autres en sont évidemment bien plus capables. Le livre, je le connais, je veux être surpris, je ne veux pas qu’il soit comme un musée dont je serais le conservateur. Il faut qu’il devienne quelque chose de différent, que les changements soient mineurs ou importants, il faut que cela devienne une œuvre cinématographique. Il ne faut pas que ce soit une transposition basique de l’objet livre en objet film.
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accepter que ce soit un processus collaboratif. Alors autant faire les transformations correctement dès le début. LFC : D’autres de vos romans vont être adaptés en série télé. Lesquels ? IW : On parle de Skagboys, de Glu et de Crime. J’en suis très heureux. Mais vous savez, à la télé ou au cinéma, il faut que tout le monde dise oui en même temps, et très souvent, c’est un pas en avant, trois pas en arrière. Alors, rien n’est gravé dans le marbre… LFC : Prévoyez-vous une suite ou un spin-off à L’Artiste au couteau ? IW : Eh bien, mon dernier roman en date, Dead Men’s Trousers, qui vient d’être classé n° 1 par le Sunday Times luimême, reprend justement là où l’on s’en est arrêté dans L’Artiste au couteau !
LE LIVRE QUI FAIT DU BIEN PAR CLARISSE SABARD TOUS LES MOIS, CLARISSE SABARD REJOINT LA TEAM POUR VOUS PARLER DU LIVRE QUI FAIT DU BIEN. CE MOIS-CI, ELLE NOUS PARLE DU ROMAN DE JULIEN SANDREL "LA CHAMBRE DES MERVEILLES" (CALMANN-LEVY) ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE.
POURQUOI ON AIME ? La Chambre des merveilles est un roman touchant et plein de tendresse. Si vous avez envie d'une jolie lecture feel-good, tous les ingrédients sont réunis pour vous faire passer un agréable moment: une large palette d'émotions, allant du rire aux larmes, une galerie de personnages secondaires atypiques et résolument attachants, des moments déjantés (projetezvous en train d'interpréter du France Gall dans un karaoké à Tokyo, le ton est donné) mais aussi des thèmes plus sérieux: la recherche du moi profond, les relations parents-enfants, la monoparentalité, les choix de vie... Un roman auquel vous ne résisterez pas!
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ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE
QUI EST L'AUTEUR ?
Julien Sandrel est né en 1980 dans le L ' sud A V de I S laDFrance, E LA R estÉmarié D A C et T Ipère ON de deux enfants. Aujourd’hui, il réalise enfin son rêve d’enfant en publiant son premier roman, La chambre des merveilles.
ÇA PARLE DE QUOI ?
Thelma travaille pour l'industrie cosmétique et sacrifie tout à sa carrière. Elle élève seule son fils, Louis. Un matin, ce dernier se met en colère après avoir voulu se confier à sa mère qui, une fois encore, n'a pas voulu l'écouter. Le garçon bondit sur son skate board, dévale la rue et est percuté par un camion. Louis tombe dans le coma, Thelma est anéantie. Pourtant, elle tombe rapidement sur un cahier dans lequel son fils a scrupuleusement noté quelques uns de ses rêves. Prête à tout pour le sortir du coma, Thelma va réaliser un à un les vœux de Louis.
CLARISSE SABARD EST ROMANCIÈRE ELLE A PUBLIÉ LE JARDIN DE L'OUBLI (CHARLESTON) TOUJOURS DISPONIBLE EN LIBRAIRIE MAI 2018
L'INTERVIEW PANNE D'IMAGE DE LAURENT BETTONI
ALEXANDRE & DAVID ROUSSEAU DIVINE CORRUPTION, TOME 1 « DÉVIANCE »
LIVRE LFC MAGAZINE
PAR LAURENT BETTONI / PHOTOS : © DR
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LAURENT BETTONI EST ROMANCIER IL A PUBLIÉ LES REMORDS DE L’ASSASSIN (MARABOUT THRILLER) TOUJOURS DISPONIBLE EN LIBRAIRIE
ALEXANDRE ET DAVID ROUSSEAU
06 L ' E N T R E T I E N
I N É D I T
David et Alexandre Rousseau sont frères et viennent de faire paraître leur premier roman, écrit à quatre mains. Il s’agit de Déviance, le premier volume d’un cycle de fantasy intitulé Divine corruption. Nous avons prévu une visioconférence pour cette interview. Planté devant mon Skype, je reçois un message écrit d’Alexandre : Nous sommes prêts, c’est quand vous le sentez. Ma foi, je le sens bien maintenant, puisqu’il est 14 heures, l’horaire dont nous sommes convenus, et que je me suis brûlé le gosier en avalant cul sec mon expresso à peine sorti de la machine pour être ponctuel au rendez-vous. Je lance donc l’appel. Et, miracle de la technologie, si j’entends bien mes interlocuteurs, je ne les vois pas. Je leur signale aussitôt l’incident. David ou Alexandre – difficile des les identifier au son de leur voix, que je ne connais pas encore – me répond : Ah… Puis David ou Alexandre précise : Nous avons changé d’ordinateur, et celui avec lequel nous sommes connectés n’a pas de caméra intégrée. Puis une jeune femme, répète, en stress : Et en plus, on entend le bébé ! On entend le bébé ! J’aime bien l’ambiance, nous sommes en famille, et j’ai le sentiment que les gars sont cool, que l’entretien va être sympa. Mais j’ai beau tendre En comparant les l’oreille, je n’entends pas le bébé. David ou Alexandre me dit : Bon, on règle ça et on vous rappelle. Ils coupent la communication, et je pourcentages de me retrouve dans le silence de mon bureau à me demander droits d’auteur pourquoi je n’entendais pas le bébé, et pourquoi il pleure. Un rot d’un contrat coincé ? C’est souvent ça, le problème d’un bébé qui pleure. Il d’édition classique suffit de la tapoter tout doucement dans le dos pour que tout aille et ce que nous mieux. J’en suis là de mes réflexions, quand les Rousseau brothers, percevons dans comme ils se nomment eux-mêmes, me rappellent. Cette fois, j’ai l’autoédition, nous l’image en plus du son, et tout fonctionne à merveille. Je n’ose pas avons estimé que leur demander ce qu’ils ont fait du bébé. Ni de la femme, que je le meilleur moyen, n’entends plus. Au cours de l’entretien, les frangins se passent le pour nous, d’avoir casque-micro à tour de rôle. Ils se ressemblent comme deux une chance de gouttes d’eau, et il me reste difficile des les identifier en visuel. vivre de notre Alors plutôt que de préciser qui parle à chaque fois, nous plume était de désignerons l’entité Rousseau brothers par A&DR. nous autoéditer.
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LFC : Pour publier Déviance, vous avez recouru à
LFC : L’écriture à quatre mains n’est pas si fréquente,
un financement participatif, via une plate-forme
alors pouvez-vous nous expliquer de quelle manière
bien connue, celle qui imite le cri de la chouette.
cela fonctionne entre vous, qui fait quoi dans votre
Qu’est-ce qui a motivé cette démarche, plutôt que
duo fraternel ?
d’envoyer votre manuscrit à une maison d’édition traditionnelle ?
A&DR : David est le grand frère, c’est lui qui écrit le premier jet, et Alexandre intervient ensuite. David a
A&DR : Nous avons envoyé le manuscrit à des
senti que son récit pêchait un peu, au niveau de choses
maisons d’édition et nous avons reçu des retours
aussi triviales que la concordance des temps mais
positifs. Mais en lisant les contrats, nous avons
également au niveau de la stabilité de l’histoire, alors le
compris que les termes et les conditions ne nous
rôle d’Alexandre a été d’améliorer l’ensemble du texte,
permettraient jamais de conserver la maîtrise de notre
à tous les niveaux, il a joué le book doctor.
œuvre ni de vivre de nos ventes. Or c’est clairement notre but, vivre de nos livres, pouvoir en tirer des
LFC : Déviance, le roman dont il est question
produits dérivés – dont un jeu, sur lequel nous
aujourd’hui, s’inscrit dans un cycle plus vaste qui a
sommes en train de travailler –, n’avoir aucun compte
pour titre générique Divine corruption.
à rendre sur nos synopsis ou nos scénarios.
Succinctement, de quoi parle ce cycle ?
En comparant les pourcentages de droits d’auteur d’un contrat d’édition classique et ce que nous
A&DR : Le plan général de cette saga est
percevons dans l’autoédition, nous avons estimé que
l’établissement d’une armée de démons, qui va se
le meilleur moyen, pour nous, d’avoir une chance de
goupiller dans un multivers construit sur trois niveaux,
vivre de notre plume était de nous autoéditer. Nous
infernal, humain et divin. Une déité, que l’on ne nomme
avons donc décidé de passer par un financement
jamais autrement que par le divin ou mère, se fixe
participatif et d’impliquer dans l’aventure des
comme objectif de créer des soldats, pour une raison
personnes qui apprécient ce que nous faisons. Nous
qui restera longtemps inconnue.
avons ainsi pu soulever les fonds pour la correction du manuscrit, la composition de la couverture, la
numérique chez les libraires en ligne, existe aussi en
Tous les personnages forts de Divine Corruption sont des femmes. Cela repose peut-être sur une utopie de notre part, nous considérons les femmes comme moins corrompues que les hommes [rires].
format papier, grâce à l’impression à la demande.
Et elle souhaite monter cette armée avec ceux qu’elle
Avec ce procédé, un ouvrage n’est produit que s’il est
considère comme ses enfants, des êtres à qui elle a
commandé au préalable par un lecteur. Cela évite un
donné la vie et qu’elle a dotés d’une volonté. Elle les
gros tirage inutile dont la quasi-totalité risque d’être
laisse évoluer, en espérant qu’ils deviennent
pilonnée en cas d’invendus. Cette façon de concevoir
suffisamment puissants pour pouvoir, à terme, rejoindre
l’écosystème du livre correspond à nos valeurs et
son armée. Ses guerriers devront la protéger, elle.
contribue à la santé de la planète.
Avant cela, il n’existait rien de tel. Au moment où
communication, mais aussi l’élaboration du jeu dérivé de la saga Divine corruption, dont Déviance n’est que le premier tome. Par ailleurs, notre livre, que l’on trouve au format
démarre le cycle, l’enfer n’est peuplé que des
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charognards, d’humains corrompus qui s’apparentent
Naïmah doit le tuer avant qu’il parvienne à ses fins. Pour
davantage à des créatures animales qu’à des hommes, et la
cela, elle va devoir agir et décider seule, et nous allons
divinité crée pour la première fois des combattants pensants
voir à quelles conséquences prêterons ses décisions et
qui possèdent en outre un esprit de groupe, d’unité.
si elle opérera dans l’intérêt commun ou bien par
Le royaume des Célestes est en train de s’effondrer, en
orgueil. Auquel cas, dans quelle mesure ne mettra-t-elle
raison de luttes internes, politiques et de pouvoir. La
pas la mission en péril et sa vie en danger ?
question est de savoir quelle est la place des humains dans
En parallèle, nous suivons l’histoire de Tiamel, le
cet univers-là. Ne sont ils condamnés qu’à devenir
premier démon suprême, celui qui va générer l’armée
charognards de l’enfer, esclaves ou soldats d’entités
de démons.
supérieures ? LFC : Dans votre livre, les humains et les Célestes premier-nés appellent mère leur divinité. Donc vous avez tranché, pour vous, Dieu est une femme ? A&DR : Eh bien, c’est une femme en ce sens qu’elle est mère. Elle considère les démons, les Célestes et les hommes comme ses enfants. Et elle les aime, les aide, les pousse, les protège, les élève comme tel. Tous les personnages forts de Divine Corruption sont des femmes. Cela repose peut-être sur une utopie de notre part, nous considérons les femmes comme moins corrompues que les hommes [rires]. Plus sérieusement, dans l’univers de la saga, la puissance physique ne compte pas, mais la part belle est donnée au mental et à l’esprit. Cela offre plus de nuances et de choses intéressantes, y compris dans la palette des personnages. LFC : À présent que nous connaissons la trame complète du cycle, racontez-nous ce qu’il se passe précisément dans Déviance. A&DR : Dans ce premier opus, une guerrière, Naïmah, a pour mission d’éliminer un Céleste de haut rang, Thola, avant qu’il ne conduise le royaume à sa perte. Thola est un ange premier-né qui ambitionne de prendre la place de son frère pour s’arroger le pouvoir et devenir le régent de la Maison de la compassion, la deuxième puissance du royaume céleste.
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Avant tout, nous avons souhaité établir la comparaison avec notre société actuelle, notre monde de castes, d’oligarchies, et cette vision très américaine des choses qui est que, si vous bossez fort et que vous êtes patriote, vous avez une chance d’être riche un jour. LFC : Parlez-nous de votre héroïne, Naïmah. A&DR : C’est une jeune femme de 424 ans, une humaine intronisée Céleste, ce qui représente un privilège assez rare, dans ce multivers. Il faut avoir été un humain d’exception pour mériter d’être élevé à un tel rang. Il faut déjà avoir patienté au moins quatre cents ans. Naïmah est donc devenue Céleste, il y a un peu moins d’un quart de siècle. Il faut savoir que, lorsqu’un humain meurt, il gagne directement l’enfer. Et là, trois choses peuvent se produire : soit il se fait dévorer par une espèce de créature bestiale, soit il se transforme lui-même en ce genre de créature, soit un ange le sauve pour s’en servir de main-d’œuvre ou d’esclave. Le meilleur scénario reste encore celui-ci, et Naïmah a été récupérée, quatre cent vingt-quatre ans auparavant. L’intérêt de donner leur chance à certains humains, pour les Célestes, est que ces derniers sont devenus inféconds et qu’il faut bien repeupler les Cieux. Aux humains qu’ils ont choisi de privilégier, ils transfèrent donc leur culture, leur magie, leurs pouvoirs. Si bien
que Naïmah est devenue une magicienne, une Salvation. Elle maîtrise certains éléments comme l’eau, la glace, le feu, et pratique un peu la magie de soin. Mais alors qu’une voie royale, voire divine, s’ouvre devant elle, son ami Joseph meurt. Cela va avoir des répercussions
Actuellement, nous procédons à des tests, nous parcourons la France, avec ce jeu, et il a de très bons retours. Le prototype est presque finalisé.
psychologiques, chez Naïmah. Elle va se perdre de plus en plus dans sa partie sombre, agir de plus en plus stupidement et souffrir de
LFC : Pour finir, vous évoquiez un jeu dérivé de
plus en plus. Elle va peut-être ainsi arriver au
Divine corruption, de quoi s’agit-il ?
bout du rouleau, après quatre cent vingtquatre ans d’immortalité, et « Déviance »
A&DR : Il s’agit d’un jeu de plateau, qui s’appelle
raconte clairement la déconstruction d’un
L’Ordre de Veiel. Ce jeu, qui emprunte au jeu de
soldat. Naïmah n’est pas une héroïne parfaite,
rôle, ne reprend pas l’histoire de Divine Corruption
sans tache, sans défaut, elle apparaît plutôt
mais s’inspire de son univers, à travers une autre
comme une anti-héroïne.
voie narrative. Dans L’Ordre de Veiel, une équipe d’aventuriers doit affronter le maître du donjon
LFC : Votre saga interroge-t-elle sur le
dans le but de le déposséder de ce donjon.
devenir de l’humanité, sur la mort, sur
Quelqu’un qui n’a pas lu Divine Corruption peut
l’immortalité ou le désir d’immortalité ?
parfaitement jouer à L’Ordre de Veiel, sitôt qu’il a pris connaissance des règles. Chaque personnage
A&DR : Avant tout, nous avons souhaité établir
a sa caractérisation, ses armes, ses pouvoirs, etc., et
la comparaison avec notre société actuelle,
nous sommes là dans de la narration segmentée.
notre monde de castes, d’oligarchies, et cette
Actuellement, nous procédons à des tests, nous
vision très américaine des choses qui est que,
parcourons la France, avec ce jeu, et il a de très
si vous bossez fort et que vous êtes patriote,
bons retours. Le prototype est presque finalisé.
vous avez une chance d’être riche un jour. Et
Nous passerons probablement aussi par un
nous avons voulu montrer jusqu’où l’homme
financement participatif pour le lancer et le
était prêt à aller pour atteindre cet idéal
commercialiser. Idéalement, nous aimerions le
superficiel.
proposer au public pour les fêtes de fin d’année, ce
Ensuite, dans la mesure où avec la richesse
qui implique une campagne de financement
vient le pouvoir, nous nous sommes dit que le
participatif à partir de mai.
pouvoir ultime était de repousser la mort, et
Et puis, à terme, pourquoi ne pas imaginer un jeu
nous avons donc réfléchi sur le désir
vidéo qui compléterait la saga ? Nous sommes de
d’immortalité qu’éprouvent certaines
toute façon bien partis pour créer un univers cross-
personnes. Mais est-il souhaitable de ne pas
media. Ce que nous aimons, dans ce concept, c’est
mourir, quitte à connaître l’ennui ou la
que chaque media offre son propre schéma
souffrance éternels ?
narratif.
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L'INTERVIEW DE CLAIRE DO SERRO
LIVRE LFC MAGAZINE
ÉDITRICE CHEZ NIL PAGE 37
PAR CHRISTOPHE MANGELLE / PHOTOS : © DR
CLAIRE DO SERRO L ' E N T R E T I E N
I N É D I T
Audacieux, insolite, pétillant, impertinent, féminin, cosmopolite, féministe : voici les mots clés des éditions NiL qui ce Printemps 2018 décide de voguer vers de nouveaux horizons. Rencontre avec la capitaine-éditrice de bord : Claire Do Serro.
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LFC : Printemps 2018, c’est le grand retour des éditions
LFC : Que pouvons-nous lire en mai et juin 2018 ?
NiL. Racontez-nous !
CDS : Nous avons choisi de publier les deux premiers
CDS : L’idée des Éditions Nil est de défendre peu de titres
titres début mai. Un auteur français et un auteur étranger
par an avec passion. Cependant, nous voulons garder un
pour montrer cette diversité. Le premier roman français
esprit. Nous ne souhaitons pas faire quelque chose qui
est Les dix voeux d’Alfréd de Maude Mihami, une
n’avait rien à voir. Cette maison d’édition a toujours été
romancière qui a trente-sept ans et qui a été libraire
impertinente et elle a la capacité de ne pas être snob. Il y a
pendant dix ans. C’est un premier roman très drôle et très
toujours eu cette importance sur la qualité narrative des
tendre. Si vous cherchez un livre pour partager un
livres. Si l’on prend l’exemple du roman Le Cercle littéraire
moment tendre, rire et sourire, c’est le livre qu’il vous faut.
des amateurs d’épluchures de patates, ce sont toujours des
C’est l’histoire d’un petit garçon Alfréd. Il vit en Bretagne
livres qui sont capables de séduire un public plus large, car
et il est obsédé par son grand-père qui a deux passions :
il y a une vraie histoire, une réelle imagination avec une
les mots et la nourriture. Avant d’avoir dix ans, il décide
qualité d’écriture. C’est vraiment cela que j’ai envie de tenir.
d’accomplir dix vœux parmi lesquels il souhaite
Les mots clés seront l’impertinence, l’insolite et le fait de
rencontrer un cow-boy. Ce qui est génial dans ce livre,
créer la surprise. Les Éditions Nil appartiennent au groupe
c’est la fraicheur qui s’en dégage. L’auteur est déjà en
Robert Laffont qui a déjà de très belles collections. L’idée
train de travailler sur la suite.
est de créer une identité très forte en reprenant l’impertinence à la sauce XXIème siècle.
LFC : Combien de titres comptez-vous publier par an ?
CDS : Il y aura dix titres par an, français et étrangers. On ne sait pas encore comment ils seront divisés, ce n’est pas
quelque chose qui nous obsède. Tout cela va dépendre de ce qui va se passer.
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Pour la rentrée littéraire, nous avons choisi de mettre en avant une seule auteure. Comme nous sommes très impertinents chez NiL, c’est un premier roman américain d’une auteure française. Elle s’appelle Joy Raffin et elle a choisi comme sujet la ville d’Atlantic City.
Notre deuxième nouveauté, c’est un livre de la
LFC : Ce sont donc uniquement des premiers
romancière Eve Chase Un manoir en Cornouailles.
romans. Pourquoi ?
C’est un premier roman d’atmosphère, presque gothique et complètement différent du premier.
CDS : Car nous voulons une ligne éditoriale assez
L’auteur, qui a une quarantaine d’années, a
identifiée, cela passe par des nouveaux auteurs. Il y
souvent été comparée à Daphné du Maurier dans
aura peut-être des deuxièmes romans, des troisièmes
la presse. Le livre se passe à deux époques
romans, mais nous verrons cela au fur et à mesure.
différentes, à la fin des années soixante pour le premier personnage et de nos jours pour l’autre.
LFC : Pouvez-vous nous parler de la charte
Pour la première période, c’est l’histoire d’une
graphique des couvertures ?
famille assez parfaite à qui il arrive un drame qui va la bouleverser. Pour la deuxième époque, c’est
CDS : Un petit mot sur les couvertures. Il y aura
l’histoire d’une femme, la trentaine, qui va se
toujours deux pantones afin de créer une identité
marier et qui va chercher un endroit pour célébrer
assez forte. De nos jours, certaines maisons d’édition
ses noces. Elle est obsédée par ce manoir qu’elle
ont une identité très forte et lorsque l’on a décidé de
va visiter durant quelques jours et où elle va y
se concentrer sur dix titres, il était important d’unifier
découvrir plein de secrets. Les deux histoires vont
le format. La mise en page et la typographie sont
finalement se rejoindre et le lecteur va découvrir
également très soignées. Nous avons travaillé avec
ce qui s’est vraiment passé autour de ce drame.
une graphiste afin que la maquette reflète l’esprit des
C’est le type de roman que l’on envie de lire au
Éditions Nil. Le cadre blanc symbolise le côté littéraire
coin du feu.
et le fait que les éléments viennent déborder dessus signale l’impertinence et le côté accessible. C’était
En juin sortira L’irrésistible histoire du café myrtille
très important de se concentrer là dessus pour les
de Mary Simses, une comédie romantique qui a
trois premiers livres. Nous avons aussi eu l’idée de
été un phénomène en Allemagne avec 600 000
demander un petit mot du libraire Erik Fitoussi sur la
exemplaires vendus. C’est un livre pour toutes les
couverture de Maude Mihami qui dit « Mieux vaut lire
tradeuses qui finissent boulangères. C’est
ce livre plutôt que celui d’à côté, il est plus drôle ! ».
l’histoire d’Hélène, une jeune femme qui habite à
Nous trouvions cela amusant. Le logo est toujours en
New York, qui a tout pour elle. Un jour, sa grand-
haut à gauche et la typographie sera toujours
mère décède et avant de mourir elle lui remet une
adaptée aux différents livres. Il était important que les
lettre en lui disant qu’elle souhaiterait qu’elle la
livres ressortent bien en librairie.
remette à un homme vivant dans le Maine. Elle part sur les routes en pensant retrouver cet
LFC : À qui adressez-vous vos romans ?
homme sauf qu’il n’est plus de ce monde. C’est son neveu qu’elle va retrouver à la place… Il y a un
CDS : La cible des Éditions Nil est plutôt le public
côté complètement décalé et léger dans ce livre
féminin… Mais pas que. Nous aimerions avoir un
qui correspond parfaitement à la période estivale.
public de lecteurs et de non-lecteurs avec des titres
Il ressemble à Love Actually.
plus affinés. Nous allons tout faire pour toucher la
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jeune génération également. L’idée est de ne surtout pas perdre les lecteurs de ces dernières années. LFC : Quel(s) livre(s) prévoyez-vous pour la rentrée littéraire ? CDS : Pour la rentrée littéraire, nous avons choisi de mettre en avant une seule auteure. Comme nous sommes très impertinents chez NiL, c’est un premier roman américain d’une auteure française. Elle s’appelle Joy Raffin et elle a choisi comme sujet la ville d’Atlantic City. Elle a grandi à l’île d’Oléron et a toujours eu comme ligne imaginaire les États-Unis. Le jour où elle est allée à Atlantic City, elle a eu une espèce de choc. C’est un roman choral où l’on passe une journée dans cette ville pleine de contrastes. C’est un roman très accessible avec des personnages hauts en couleur. C’est son premier roman. Nous y croyons beaucoup.
Nous relancerons aussi la collection Les affranchis qui aura bientôt vingt-cinq ans. Nous aimerions aussi lancer une collection de poésie accessible à tous, nous sommes en train de nous pencher sur la question. Le but est de remettre la poésie contemporaine dans l’actualité. musique et partir à sa recherche. C’est une collection
LFC : Et pour finir, savez-vous ce que vous allez
que l’on veut cosmopolite. Nous relancerons aussi la
proposer aux lecteurs cet automne (2018) ?
collection Les affranchis qui aura bientôt vingt-cinq ans. Nous aimerions aussi lancer une collection de
CDS : En septembre, il y aura le premier livre traduit
poésie accessible à tous, nous sommes en train de
d’une auteur allemande Marylin Krugel « Pose tes
nous pencher sur la question. Le but est de remettre
yeux sur moi ». Un roman plutôt féminin. C’est
la poésie contemporaine dans l’actualité.
l’histoire d’une femme qui a des enfants et qui est professeur de musique, elle va apprendre du jour au lendemain qu’elle est atteinte d’un cancer. Elle va voir sa vie complètement différemment. C’est le portrait d’une femme contemporaine qui s’éveille. Un texte lumineux. Et en octobre, l’auteur Graeme Simsion, l’auteur de « The Rosie Project », sera de retour avec un livre très à la mode. L’histoire d’un musicien qui décide de faire un métier plus sérieux en se lançant dans l’informatique. Un jour, il croise une jeune femme dans un bar, ils se mettent à chanter puis elle disparait. Il va ensuite renouer avec sa passion de la
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LE LIVRE DU MOIS PAR DAVID SMADJA TOUT LE MONDE AIME BRUCE WILLIS DE DOMINIQUE MAISONS - LA CHRONIQUE QUI RÉHABILITE ENFIN LE MARCEL ! JE NE SAIS PAS SI TOUT LE MONDE AIME BRUCE WILLIS MAIS TOUT LE MONDE DEVRAIT AIMER DOMINIQUE MAISONS ! En effet l’auteur n’a pas son pareil pour nous conter des histoires passionnantes se renouvelant sans cesse en bon auteur-caméléon qu’il est. Caméléon car mais oui Léon, il change complètement d’univers avec son nouveau roman (NDLR : à chacun de ses romans en fait). Après nous avoir fait vivre une incroyable aventure dans le Paris du début du XXème siècle dans son précédent roman « Tout le monde se souvient du nom de l’assassin », c’est dans le clinquant Los Angeles de 2018 qu’il nous emmène nous promener. Du côté de Hollywood précisément. Construit en 3 parties, le roman est une cascade de petits kifs. Et c’est juste un pur délice de suivre les tribulations de Rose, jeune actrice au succès ascendant mais dont le subconscient lui cache bien des secrets, la rendant ingérable pour le plus grand plaisir du lecteur qui n’en demandait pas tant à l’auteur !
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ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE
MODERNE, BAROQUE, FÉMINISTE DANS SON PROPOS, « TOUT LE MONDE AIME BRUCE WILLIS » EST UN ROMAN INCLASSABLE. L'AVIS DE LA RÉDACTION C’est trash comme du « Closer » mais écrit comme du Camus, c’est dire si c’est beau ! Maisons possède l’une des plumes les plus brillantes du siècle. Ses mots enjolivent l’esprit et subjuguent l’imaginaire créant instantanément un monde qui se matérialise et s’anime dans votre esprit au fur et à mesure que ces dits mots défilent devant vos yeux. C’est si bien écrit qu’on ressent chaque joie, chaque malaise, chaque atermoiement de l’héroïne. Et puisqu’on parle des mots et des références, l’écriture et l’ambiance font penser à du Brett Easton Ellis moins la coke. Un Ellis où l’on comprendrait chaque mot et chaque chapitre, un joyeux mélange de « Glamorama » pour le name-dropping et le freakshow hollwoodien ; et de « Moins que Zéro » pour l’ambiance délétère de jeunes friqués en perdition.
Jouissif, jubilatoire, dans ce roman Maisons ne s’interdit rien. L’auteur s’éclate, l’auteur se lâche et le lecteur est en roue libre ne sachant à quel saint se vouer. On se laisse délicieusement guider, à l’aveugle, le foulard sur les yeux. Et un bouquin qui met Bruce Willis dans son titre - l’homme pour qui le mot coolitude a été inventé – n’a qu’une seule vocation : vous donner du bon temps.
POURQUOI ON AIME ?
D’ailleurs, vous ne bouderez pas votre plaisir en découvrant au fil de votre lecture d’étonnants voire très drôles « Easter Eggs », que je ne dévoilerai pas ici pour ne pas vous gâcher la surprise sinon vous dire que le roman contient la meilleure vanne du monde sur Johnny Depp (!). Jésus a dit à Pierre, un de ses 12 apôtres, « tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église » ; nous on a envie de dire « tu es Maisons, et sur cette maison je bâtirai mon plaisir. »
LA CHRONIQUE LIVRE D'ALEXANDRA DE BROCA
LIVRE LFC MAGAZINE
09 STÉPHANE GUILLON JOURNAL D'UN INFRÉQUENTABLE
ALEXANDRA DE BROCA EST ROMANCIÈRE ELLE A PUBLIÉ LA SŒUR DU ROI (ALBIN MICHEL) TOUJOURS DISPONIBLE EN LIBRAIRIE PHOTO : COUVERTURE DU LIVRE DE STÉPHANE GUILLON, JOURNAL D'UN INFRÉQUENTABLE (GRASSET). MAI 2018
VOUS ME DIREZ POURQUOI LIRE LE LIVRE D’UN HUMORISTE ALORS QU’ON PEUT RETROUVER SES MEILLEURES CHRONIQUES OU TRAITS D’HUMEUR SUR INTERNET ? POUR UNE RAISON SIMPLE, CET HOMME A UNE TRÈS JOLIE PLUME ET LIRE LE RÉCIT DE L’ANNÉE FOLLE DE FIN DE RÈGNE DE HOLLANDE ET DE L’ARRIVÉE DU JEUNE MACRON EST SALUTAIRE POUR NOTRE CERVEAU ENDORMI ET NOS ZYGOMATIQUES ASSOUPIS. L’HOMME PEUT AGACER, MAIS IL FAUT CONVENIR QU’IL EST INTELLIGENT ET QUE SON DESSEIN DE TRANSFORMER L’INDIGNATION EN RIRE NOUS EST NÉCESSAIRE. SON MENTOR GUY BEDOS L’A FORMULÉ MIEUX QUE PERSONNE AVEC CETTE CITATION : LE RIRE POUR CERTAINS EST UNE LANGUE ÉTRANGÈRE. ILS ONT BESOIN DE SOUS TITRES. MAIS POURQUOI S'EST-IL MIS DANS CETTE GALÈRE ? Entre mai 2015 et mai 2016, le monde politique a perdu tout sens commun devant l’approche de l’élection présidentielle et cela avec ou sans sous-titres… À Stéphane devenu chroniqueur à Canal Plus (propriété de Bolloré faut-il le rappeler) de prouver qu’en des temps difficiles sa plume et son talent sauront saisir sur le vif la chute de Fillon, la L'AVIS DE LA RÉDACTION décomposition de Hollande et la montée d’un insolent sans parti. Montée qu’il ressent jusque dans son foyer puisque sa femme est atteinte de Macronite aigüe. Et le tout sans agacer le patron de l’émission ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE soucieux de son audimat, et le propriétaire de la chaine soucieux de ses amis au pouvoir. Rester zen quand la télévision s’affole et quand vos traits d’humour, sortis de leurs contextes, déclenchent un tollé qui fera que votre participation à l’émission ne sera pas renouvelée la saison suivante, mais que votre patron, l’homme habillé de noir et accro à la télévision, n’aura jamais le courage de vous dire en face… Mais pourquoi s’est-il mis dans cette galère ? Pourquoi s’être moqué de gens hauts placés alors que le rire pouvait venir de situations ou de personnes qui n’allaient pas se plaindre au patron de la chaine ?
C’est là que Stéphane Guillon dans l’écriture de son année folle devient sincère en avouant sa détestation de l’injustice un peu pour lui, mais surtout pour les autres. Il se dévoile et ses hésitations, ses doutes, sa crainte de mal faire et sa volonté d‘être reconnu comme autre chose qu’un trait d’esprit fait sourire et attendrit. Passer du rire devant ses satires à la réflexion et même à la tendresse pour un homme qui a priori ne devrait pas faire pleurer dans le Landerneau est la gageure réussie de son livre. En achevant Journal d‘un infréquentable, on a envie de le connaître et même de le fréquenter et lui dire qu’il est nécessaire à notre bonne santé mentale, mais qu’on ne lui souhaite pas d’abîmer la sienne. Ce qu’hélas ont peut craindre pour lui quand on voit comment le patron en noir l’a viré… Aussi impropre que d’autres salariés de chez Bolloré ou de grands groupes ou d’autres inconnus qui n’ont pas la notoriété de Stéphane… Son livre nous permet de confirmer que son talent nous fait du bien et qu’on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui …merci monsieur Desproges.
LA CHRONIQUE LIVRE D'ALEXANDRA DE BROCA Joseph n’était pas destiné à être un héros de tragédie. Et encore moins d’avoir sa photo en couverture du bouleversant témoignage de sa mère. Fils ainé et aimé de parents « normaux », de parents ni trop sévères ni indulgents, il avait tout pour devenir un adulte. Sauf qu’il est parti sans avoir pu quitter le monde de l’adolescence. Sa mort le 28 décembre 2016 laisse une maman dévastée, un père et deux frères perdus et une grand-mère chez qui le drame a eu lieu, anéantie. Sans parler des amis qui ont accompagné sans relâche cette traversée du désert, sans issue possible. Mais de quoi estil mort pour entrainer un livre sur sa courte existence et alerter les pouvoirs publics ?
Joseph, comme tant d’autres jeunes, a fumé tôt des joints. Un geste banal, mais dévastateur qui a entrainé chez lui une dépendance immédiate. Une dépendance si forte qu’il en est mort. Pas de drogue. Joseph n’était pas un junkie, il est mort d’une dépendance aux antidépresseurs ! Vers 16 ans, Joseph ne parvient pas à dormir et déclenche des bouffées d’angoisse. Un médecin persuadé que « dormir c’est important » lui prescrit des anti anxiolytiques pour l’apaiser. La dépendance devient si forte et rapide chez lui qu’il lui est impossible de s’en passer. Les effets s’atténuant avec le temps, Joseph est obligé d’augmenter les doses. Et pour cela il faut voler, tricher, mentir, car chacun de nous a dans son armoire à pharmacie des comprimés censés nous aider à surmonter un coup de blues. Et Joseph ne pouvant contrôler cette abominable dépendance est prêt à tout. Sa quête de médicaments est rapidement sans limites. Il a beau promettre et jurer qu’il ne recommencera pas, il plonge, et met rapidement sa vie en danger. Très vite, Juliette reconnaît à son comportement, à son regard qu‘il est en manque…
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Des échecs pour le scolariser, des cures sans effets, des thérapies, des voyages et toujours des médecins différents qui ne suivent pas lorsque Joseph craque et abandonne. Ni l’amour des siens ni la conscience qu’il frôle l’overdose ne l’arrête. Un ado capable de mentir à la police, de sauter un mur pour trouver un vulgaire antidépresseur qu’il a appris bien vite à mélanger avec d’autres médicaments inoffensifs comme du sirop pour la toux. Connaissez-vous le Purple drank ? Un cocktail à base de codéine, de sirop pour la toux, d’antihistaminique et de Sprite ? Le dosage est sur internet et les produits licites faciles à trouver… Mais le bonheur est fugace et le mélange surtout avec l’alcool mortel !
Le témoignage de Juliette est édifiant. Dès les premières lignes, on sent que cette maman exemplaire va perdre la bataille. Elle le sait malade, mais ne le juge pas. Elle a beau se précipiter à chaque appel, se lever chaque nuit, lui faire des tests pour savoir ce qu’il a avalé, courir les médecins, la dépendance va gagner et ni son amour, ni ses efforts, ni l’envie de Joseph de s’en sortir n’y feront rien… À chaque échec scolaire ou de cure, le médecin changeait. Jamais un référent médical n’a suivi l’enfant qui a été balloté de mains en mains. Pire, devenu majeur, il pouvait quitter l’hôpital et refuser le traitement lorsque le manque devenait intolérable, et revenir vers son refuge : sa mère.
JULIETTE BOUDRE MAMAN, NE ME LAISSE PAS M'ENDORMIR (L'OBSERVATOIRE) ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE
Juliette décrit avec pudeur et avec une plume élégante, mais incisive la descente aux enfers de son couple et de sa famille. Elle a voulu y croire et ne confiait pas son calvaire pour que la société ne juge pas son fils. Elle avançait comme un vaillant petit soldat qui devait protéger son petit homme. Sauf qu’elle était seule ! Joseph avait peur de l’overdose médicamenteuse. Il avait raison. Il en est mort.
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MAI 2018
PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : CÉLINE NIESZAWER LEEXTRA STYLISME LES PETITES...PARIS
LOUISE PASTEAU PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
Louise Pasteau est actrice, auteur dramatique et enseigne aux adolescents du Cours Florent. C’est ainsi qu’elle est amenée à leur parler, à écouter leurs problèmes d’ados, et à leur faire prendre conscience de certaines choses sur la confiance en soi, l’acceptation son S E L I N A R Ide CHA R D Scorps… Elle publie une lettre qu'elle adresse aux adolescents "Ta putain de vie commence maintenant !" (Albin Michel) actuellement disponible en librairie. Séance photos avec Céline Nieszawer et entretien inédit avec Christophe Mangelle. LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie
de façon générale profondément rejetée. Que
de votre premier livre Ta putain de vie
ce soit les professeurs, les parents… J’ai donc
commence maintenant. Comment est née
souhaité les faire travailler de façon différente,
l’envie d’écrire ce livre ?
pas en tant que figure d’autorité, mais en tant que grande sœur cool. Pour ce faire, j’ai
LP : Je suis professeur de théâtre au Cours
commencé à parler en mettant des fuck dans
Florent. Je donne des cours aux adolescents
les phrases, à employer leur langage. Cela m’a
depuis presque dix ans et je me suis rendu
rendu plus cool, car il m’arrivait de parler
compte que je parvenais à les faire
encore plus mal qu’eux ! (Rires) Tout se passait
progresser sur différentes choses au fil du
bien et j’avais un respect absolu dans mes
temps. Je me suis dit que c’était une bonne
cours. Ils se mettaient dans une position où ils
occasion d’en faire un livre. L’idée était de
savaient que je n’étais pas là pour les ennuyer.
leur faire gagner du temps donc de l’argent et surtout du plaisir.
LFC : Vous avez trouvé le bon moyen pour les intéresser à la lecture. Était-ce important
LFC : C’est ce que vous marquez sur la
pour vous de faire prévaloir la notion de
quatrième de couverture. Est-ce comme
plaisir lorsqu’on lit un livre ?
cela que vous avez réussi à les attirer ? LP : Le message était de prendre du plaisir de
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LP : Je me suis aperçue que tout ce qui était
façon générale. Il faut apprécier chaque instant.
figure d’autorité pour les adolescents était
Je crois que le putain véhicule ce
positionnement-là. LFC : Il y a également une notion de bordel. Pouvez-vous nous en parler ? LP : Les mots putain et bordel sont des mots qui reviennent souvent dans le livre. C’est
SELINA
une façon de parler. Le gros bordel de la vie, c’est le monde dans lequel nous évoluons. Lorsque l’on est adolescent ou adulte, nous nous interrogeons toujours sur un million de choses, sur des points qui ne sont pas clairs. C’est de ce bazar que je voulais parler.
Les mots putain et bordel sont des mots qui reviennent souvent dans le livre. C’est une façon de parler. Le gros bordel de la vie, c’est le monde dans lequel nous évoluons. Lorsque l’on est adolescent ou adulte, nous nous RICHARDS interrogeons toujours sur un million de choses, sur des points qui ne sont pas clairs. C’est de ce bazar que je voulais parler. LP : On peut le voir de cette façon. Ce livre peut faire du bien à beaucoup de monde, jeune ou
LFC : Voulez-vous leur donner des outils
non.
afin qu’ils aient confiance en eux et qu’ils se rendent compte de leur potentiel ?
LFC : Pensez-vous qu’il est plus dur d’être jeune à notre époque ?
LP : Ils doivent arriver à être irremplaçables. Cynthia Fleury a d’ailleurs écrit un livre génial
LP : Je ne crois pas. Le jeune est intemporel et
Les irremplaçables (Gallimard, 2015) sur la
universel. Comme l’amour.
notion d’individuation. Le fait d’être en phrase avec soi-même permet de réaliser ses
LFC : Nous avons vu sur les réseaux sociaux
rêves et de se donner le maximum de chance
que Jacques Attali soutenait votre livre. Il dit
de réussir.
que c’est l’un des livres les plus positifs sur la jeunesse.
LFC : Vous abordez l’idée de ne pas écouter ce qu’il se dit autour de nous afin
LP : Jacques Attali avait écrit un ouvrage il y a
de maintenir son cap ?
quelques années intitulé Devenir soi (Fayard, 2014) qui visait ces objectifs
LP : Exactement. C’est le but de cette lettre.
d’épanouissement. Même si mon livre est traité
C’est une compilation de tout ce que j’ai pu
différemment, les valeurs restent les mêmes.
expliquer en cours. Je parle de l’individu à travers le corps et l’esprit qui ne forme qu’un
LFC : Votre livre est une sorte de
pour moi.
développement personnel pour les jeunes. C’est assez inédit, car ces livres ne sont
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LFC : Ce livre est-il un pied de nez pour aller
généralement pas destinés aux jeunes.
à l’encontre d’une certaine morosité ?
Pourquoi selon vous ?
Je pense que c’est intéressant de fréquenter des gens différents et de s’ouvrir aux autres. La vie va vite et il faut vraiment que les jeunes en profitent au maximum. SELINA RICHARDS LP : Il faut attaquer tôt pour que les gens se
LP : Je constate beaucoup de publications sur
sentent bien dans leur basket. C’était un
les réseaux sociaux. Notamment de la part de
créneau très important à prendre. C’est à
parents qui trouvent que ce livre est un lien
l’école que tout se joue. Le système à
entre eux et leurs enfants. Je reçois des
tendance à mettre les enfants en compétition
messages très touchants de jeunes
avec les notations et les classements. Nous
adolescents pour qui ce livre est d’une grande
sommes modélisés d’une certaine façon.
aide.
C’est intéressant de remettre les choses à leur place vite pour que les jeunes puissent
LFC : Allez-vous sur le terrain pour
s’épanouir tôt. Plus on attend, plus c’est
rencontrer vos lecteurs ?
compliqué. LP : Je vais y aller très prochainement. Des LFC : Actuellement, il existe une grogne
rencontres sont prévues dans des lycées. Pour
assez générale dans notre société dont les
l’instant, je me contente de mes élèves ! (Rires)
jeunes font partie. Pensez-vous que le livre fait écho à ce qui se passe en ce moment ?
LFC : Ce que vous faites au quotidien, est-il un moyen de garder votre part
LP : Oui, en quelque sorte. J’invite les jeunes
d’adolescence ?
à se responsabiliser et à faire leurs choix en fonction de cela. J’avais écrit un passage sur
LP : Étant donné que j’ai plus de cinquante
le système scolaire que j’ai finalement enlevé,
ans, oui ! (Rires) Je pense que c’est intéressant
car c’était un peu trop militant. Dans la vie, il y
de fréquenter des gens différents et de s’ouvrir
a deux catégories, des choses sur lesquelles
aux autres. La vie va vite et il faut vraiment que
on peut agir et d’autres non. Les choses sur
les jeunes en profitent au maximum.
lesquelles on ne peut pas agir, ça ne sert à rien de s’ennuyer avec.
LFC : Pour quelles raisons les adolescents doivent-ils lire ce livre ?
LFC : Le livre est sorti il y a quelques mois. Comment vivez-vous l’aventure ? 49
LP : Tout simplement pour ne pas vieillir.
L O U I S E
P A S T E A U
L'ENTRETIEN QUI FAIT DU BIEN
AGNÈS LEDIG PHOTOS EXCLUSIVES
pour LFC Magazine avec notre partenaire l'agence LEEXTRA, photographies de Julien Falsimagne
MAI 2018
INTERVIEW INÉDITE par Christophe Mangelle et Quentin Haessig
Agnès Ledig est une romancière que l'on soutient depuis ses débuts et que nous aimons particulièrement. Ses romans sont des succès en librairie, les lecteurs adorent la lire pour l'humanité qui émane de son écriture et son approche sincère de la nature. Son nouveau roman "Dans le murmure des feuilles qui dansent" nous a bouleversé profondément. Touché en plein cœur, nous sommes heureux de cet entretien inédit accompagné de très jolies photos exclusives signées Julien Falsimagne. Rencontre. LFC : Comment est née l’idée d’écrire ce livre ? AL : Ce livre s’est fait en deux temps. Il y a quatre ans, j’avais écrit l’échange épistolaire en un mois. Puis, je l’avais laissé reposer dans un tiroir. Depuis le début, je sentais que j’avais besoin de parler de la leucémie et de ce qu’était la vie à l’hôpital. Cependant, je n’avais pas trouvé d’angle pour en parler. J’ai mis cinq romans pour finalement trouver celui de la nature. LFC : Pourquoi tout ce temps a-t-il été nécessaire ? AL : Je crois que mes idées avaient besoin de mûrir dans mon esprit. J’ai aussi pris tout ce temps, car je ne voulais pas parler que de cela. J’ai donc repris l’échange épistolaire. Et j’ai croisé ces deux histoires. LFC : Ce livre est une sorte de roman choral. On suit la vie d’un jeune garçon avec sa maladie, la vie de ses parents et surtout celle de son frère. AL : Son frère est le personnage principal de cette partie. J’aimais le fait que ces deux histoires se rejoignent. Je LFC MAGAZINE #9 | 52
précise que cette histoire n’est pas autobiographique, on ne me retrouve pas dans le personnage de Thomas, ni même dans celui des parents. Les seules choses qui sont tirées de mon histoire personnelle, ce sont les choses médicales, le déroulement de la leucémie et de la greffe. Pour ne pas que l’on pense que c’est autobiographique, j’ai pris le pas de côté du grand frère pour montrer que c’est encore une autre forme d’amour par rapport à mes livres précédents. C’était aussi une manière de relativiser, notamment dans l’échange épistolaire entre Anaëlle et Hervé où la situation de Simon va beaucoup la faire réfléchir. LFC : On laissera le lecteur découvrir tout cela. Hervé a un métier assez important. Pouvez-vous nous parler de ce personnage ? AL : Il est procureur et il est très pris par son travail. Cependant, il s’ennuie beaucoup. C’est le personnage qui a tout pour lui : une femme, une belle maison, un bon salaire. Et pourtant, cela ne suffit pas. Il lui manque de la fantaisie dans sa vie. Anaëlle arrive avec ce grain de fantaisie qui va créer une respiration chez Hervé. LFC : Anaëlle a aussi ses secrets et c’est une façon pour vous d’aborder le thème du handicap.
Pourquoi ce thème vous tenaitil à cœur ? AL : Peut-être parce que je suis sage-femme et que je suis très touchée par les problèmes que les enfants ont dès la naissance. Notre société actuelle n’accepte pas le handicap. Par exemple, on ne peut pas prendre le métro lorsque l’on est en fauteuil roulant. J’ai également vu des parents qui refusent de mettre au monde des bébés avec des problèmes de santé. Je trouve assez choquant que notre société actuelle soit à ce point inadaptée. Les personnes handicapées ont du mal à trouver leur place. LFC : Vous abordez la leucémie et la chimiothérapie en rapport avec la nature et la forêt. Vous donnez des explications sur les arbres et la sève, vous la comparez au sang. AL : J’adore la nature. Plus je lis des livres qui parlent des arbres, plus je vois un lien évident avec les hommes. La sève est le sang, l’écorce est la peau, les feuilles sont les cheveux. Même si la nature n’a pas besoin de nous, nous avons besoin de la nature. Nous sommes complémentaires. C’est là que j’ai trouvé la clé pour aborder la leucémie. C’est la nature qui va aider mon personnage à tenir à l’hôpital. Son grand-frère, étant menuisier, va parvenir à ramener la nature dans la chambre d’hôpital. Je trouvais
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Notre société actuelle n’accepte pas le handicap. Par exemple, on ne peut pas prendre le métro lorsque l’on est en fauteuil roulant. J’ai également vu des parents qui refusent de mettre au monde des bébés avec des problèmes de santé. Je trouve assez choquant que notre société actuelle soit à ce point inadaptée. Les personnes handicapées ont du mal à trouver leur place. que c’était une façon de ne pas se focaliser sur la maladie. Les enfants ont la capacité extraordinaire à trouver une échappatoire et à transcender leur quotidien à travers le jeu ou la magie. LFC : Émotionnellement votre livre est très fort. Vous parvenez à nous sensibiliser et à nous intéresser à un sujet qui ne nous concerne pas tous directement. Tout cela grâce à votre écriture. AL : J’essaye d’aller au cœur des émotions de façon simple. Je veux que ce soit facile à comprendre et à intégrer dans les tripes du lecteur. Cela me fait plaisir que vous disiez cela car j’ai travaillé différemment sur ce livre. J’avais besoin qu’il soit percutant. Je veux vraiment m’améliorer de livre en livre. J’ai l’impression d’avoir bouclé une boucle. J’ai mis cinq livres à y parvenir. Mais dans ce sixième, je suis parvenue à clore un chapitre. LFC : Il y a une promesse de faite à votre fils dans ce livre (le fils d’Agnès Ledig est décédé d’une leucémie en 2006). Vous lui avez promis de faire de cet espace de vie, une joie. AL : J’ai promis à mon fils d’être joyeuse. Je ne dis pas
que cela est facile car il y a un gros travail d’acceptation. Seulement, j’ai une bonne réserve de joie de vivre au fond de moi. Et je ne m’imaginais pas vivre dans le noir pour le restant de mes jours. C’est lui ma lumière. Je lui dois ce livre. Ce qui est magnifique, c’est que cette lumière est contagieuse. LFC : Imaginez-vous une suite à ce livre ? AL : On me le demande souvent. Pour l’instant, ce n’est pas dans mes projets même si les personnages sont très ancrés en moi. Peut-être qu’un jour, ils auront quelque chose d’autre à vivre. Je suis vraiment heureuse de transmettre cette lumière aux gens. Quand j’ai vu les réactions des lecteurs ce week-end à Montaigu, j’ai été très touchée. LFC : L’écriture de ce livre est très cinématographique. L’adaptation de ce livre en film se niche-t-il dans un coin de votre tête ? AL : J’aimerais beaucoup. Il y a des plans magnifiques à faire, notamment celui avec la montgolfière. C’est un livre plein de poésie. On verra ce qui se passe. LFC : De manière générale, à qui adressez-vous ce livre ? AL : À tous ceux qui ont envie de comprendre que la fraternité, le don de soi et le non-jugement sont les valeurs les plus importantes dans nos vies. C’est récurrent dans mes romans. C’est pour cela que j’ai dépeint le personnage de Thomas comme quelqu’un qui est prêt à tout pour son petit frère. Je voulais montrer qu’il ne faut jamais juger quelqu’un car on ne sait pas de quoi sa vie est faite. Tout le monde juge et commente sans se poser de questions. Il fallait que je lève le voile sur cela. Si je prends l’exemple du don du sang, c’est très bien d’aller le donner après un attentat. Mais malheureusement, ce ne sont pas les seuls drames
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qui existent. Il y en a tous les jours. Les gens atteints de leucémie ont besoin de sang. Les accidentés de la route ont besoin de sang. Je n’arrive pas à comprendre que les consciences ne s’élèvent pas plus à ce niveaulà. S'il y avait un seul message à retenir de ce livre, c’est qu’il faut ouvrir son cœur et être généreux même si on ne connait pas les personnes qui sont en face de nous. Liberté, égalité et fraternité, ce sont des valeurs que l’on oublie trop souvent.
J’ai promis à mon fils d’être joyeuse. Je ne dis pasque cela est facile car il y a un gros travail d’acceptation. Seulement, j’ai une bonne réserve de joie de vivre au fond de moi. Et je ne m’imaginais pas vivre dans le noir pour le restant de mes jours. C’est lui ma lumière. Je lui dois ce livre. Ce qui est magnifique, c’est que cette lumière est contagieuse.
La sève est le sang, l’écorce est la peau, les feuilles sont les cheveux. Même si la nature n’a pas besoin de nous, nous avons besoin de la nature. Nous sommes complémentaires. C’est là que j’ai trouvé la clé pour aborder la leucémie. C’est la nature qui va aider mon personnage à tenir à l’hôpital.
Les enfants ont la capacité extraordinaire à trouver une échappatoire et à transcender leur quotidien à travers le jeu ou la magie.
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MAI 2018
AURÉLIE VALOGNES
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : ARNAUD MEYER LEEXTRA
Aurélie Valognes devient romancière à succès le jour où elle décide de tout plaquer par amour pour suivre son amoureux à l'étranger. Le grand saut dans le vide lui donne rendez-vous avec une foule d'incertitudes. Dans ce contexte, elle écrit et S E L "Mémé I N A R I C dans H A R D Sles orties", phénomène publie éditorial. Trois romans plus tard, "En voiture Simone !", "Minute papillon !"(Le livre de poche) et son nouveau en grand format "Au petit bonheur la chance !" (Mazarine), nous la rencontrons pour une séance de photos et un entretien inédit. LFC : Comme c’est la première fois que
quand même décidé de le suivre avec notre
nous nous rencontrons, nous aimerions
petit garçon. C’était le bon moment pour
revenir sur vos débuts en tant qu’écrivain.
commencer ce vieux rêve que j’avais en tête
Tout a commencé avec l’auto-édition.
dans un pays où personne ne vous juge et ne
Était-ce un choix ? Ou ne vouliez-vous pas
vous connaît. Je ne savais pas ce que je voulais.
envoyer vos livres dans une maison
Mais tous les matins, j’ai décidé d’écrire
d’édition traditionnelle ?
quelques pages.
AV : Écrire a toujours été un rêve de petite
LFC : Le fait d’être dans un pays étranger
fille. Seulement tout semblait tellement
vous a-t-il aidé ?
difficile que j’ai mis ce rêve de côté en étant
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simplement lectrice. Quand il a fallu choisir
AV : Si j’étais restée en France, j’aurais gardé la
une voie après le bac, j’ai hésité à prendre la
routine métro, boulot, dodo. Cela n’a pas été
filière littéraire, mais je trouvais cela un peu
facile de dire oui à mon mari. J’ai énormément
risqué. Je me suis donc orientée vers une
douté. Une fois que l’on est arrivé en Italie, j’ai
école de commerce où j’ai fait du marketing
commencé à regarder des tutoriels sur
et de la communication. J’ai travaillé
YouTube un peu au hasard. Et je suis tombée
pendant une quinzaine d’années jusqu’à ce
sur une vidéo de Bernard Werber qui donnait
que mon mari soit muté en Italie. J’ai
dix conseils pour écrire son premier roman. Puis
démissionné et je me suis posé beaucoup de
j’ai regardé une autre vidéo où il était question
questions. J’étais un peu perdue, mais j’ai
d’écrire son livre en cent jours. Au bout de
quatre mois, mon premier roman était prêt. J’ai trouvé le titre Mémé dans les orties par hasard. Je n’ai dit à personne que j’avais écrit ce roman. Et je me suis demandé ce que j’allais en faire. LFC : Qu’avez-vous donc fait ?
SELINA
AV : La première chose, je l’ai fait lire à mon mari et à ma meilleure amie qui ont trouvé cela génial. C’est à ce moment-là que je me suis dit : ce sont des menteurs ! (Rires) Je savais qu’en l’envoyant dans des maisons
Les personnes âgées ont un rôle important dans mes livres. Il ne R I C H A R D S faut pas s’encombrer du superflu et revenir à l’essentiel.
d’édition, j’allais avoir des réponses types
qu’il m’a repéré sur Amazon et qu’il veut
comme quoi ce n’était pas le genre de la
absolument éditer mon texte. Puis Albin Michel
maison. J’étais sûre que ce livre était bon.
surenchérit. Ils me disent qu’ils ont aussi adoré
C’est pour cela que je l’ai soumis aux lecteurs
mon texte et qu’ils souhaitent également le
par le biais Amazon. J’ai eu les premières
publier.
réactions de gens que je ne connaissais pas qui me mettaient la note de cinq sur cinq et
LFC : C’est le rêve d’une petite fille qui prend
qui me disaient bravo. Mon livre est ensuite
forme.
rentré dans le top cent de la plateforme. Au bout de six semaines, il rentre dans le top
AV : Exactement. Mais je suis quand même
vingt. Je remarque que je commence à
perdue. Michel Lafon a un discours plus
côtoyer les Prix Goncourt, les Prix Médicis…
commercial et Albin Michel recherche LA
J’avais accumulé plus d’une cinquantaine
pépite d’internet. On me fait comprendre que si
d’excellents avis. Ce qui m’a conforté dans le
je veux que cela fonctionne, il faudra
fait que mon livre était bon. J’ai imprimé
retravailler le texte. Je décide finalement de
quelques exemplaires que j’ai envoyés à des
m’engager avec Michel Lafon, mais à la
maisons d’édition qui faisaient des romans
condition que quelqu’un m’aide à retravailler
qui me ressemblaient. Je pense à Anna
mon livre. Il n’y avait pas tant de choses que
Gavalda chez Le Dilettante, Katherine Pancol
cela à modifier. Il s’agissait surtout de dire en
chez Albin Michel, Marc Levy chez Robert
deux phrases ce que je disais en trois.
Laffont et Agnès Martin-Lugand, inconnue au
61
bataillon à cette époque, chez Michel Lafon.
LFC : Vous passez de l’auto-édition à
Quasiment au même moment, je reçois un
l’édition avec Mémé dans les orties, et ce qui
appel du pied sur Facebook de Florian Lafani
est intéressant, c’est que le titre n’a pas
qui travaille chez Michel Lafon et qui me dit
changé.
A U R É L I E
V A L O G N E S
AV : C’est vrai. J’y tenais. Là où il y a eu une
qui vous tient à cœur ?
grosse bataille, c’était sur la couverture. Michel Lafon m’a proposé tout de suite d’en choisir une
AV : J’y tiens beaucoup. Ce sont mes
autre. Comme ils m’ont expliqué, ce n’était pas
racines. Il y a quelque temps, une
les codes du marché. Et peut-être que c’est à
chaîne de télévision a souhaité me
cause de cette couverture que le livre a marché.
rendre visite à Milan pour voir comment
Quand je l’ai écrit, j’ai pensé à mon grand-père
SELINA avec beaucoup de nostalgie. Et j’avais imaginé
je vivais. Je les ai prévenus en leur
R I C H A Rdisant D S qu’ils allaient s’ennuyer, car je
cette couverture en pensant à tous les souvenirs
suis une véritable tortue. Ma vie n’a
que j’avais de mon enfance. Je vais être honnête
aucun intérêt. Mais cela était important
avec vous, les propositions de couvertures de
pour les lecteurs pour qu’ils
Michel Lafon étaient horribles. J’ai été
comprennent que tout avait commencé
persévérante et cela a finalement payé.
à Milan. Et pour qu’ils puissent mettre un visage sur mon nom.
LFC : Aujourd’hui, vous publiez votre quatrième roman Au bonheur la chance !.
LFC : Nous ne savions pas qui nous
Vous accordez beaucoup d’importance au
allions rencontrer aujourd’hui et nous
graphisme, que ce soit dans l’image ou dans
remarquons que vous voulez avant
les titres. Selon vous, est-ce un atout ? Ou
tout être authentique. Qu’en pensez-
n’avez-vous pas peur qu’à un moment donné
vous ?
cela vous enferme ? AV : Tout à fait. Je suis toujours étonnée AV : Je me suis cherchée pendant un moment.
que les gens patientent dans une file
Le deuxième titre En voiture Simone ! était
d’attente pour faire dédicacer leurs
simplement le titre de mon document Word. Je
livres. Pour le Salon du Livre, c’est assez
tenais absolument à avoir une phrase dans la
bête de dire cela, mais j’avais peur qu’il
lignée du premier livre, j’aimais le côté
n’y ait personne sur mon stand. Je suis
révérencieux et humoristique. J’ai su, dès ce
consciente que tout va s’arrêter un jour.
moment-là, que les titres de mes prochains livres
Je sais que rien n’est acquis. Mon
seraient des expressions. Je ne me sens pas
entourage me le rappelle tous les jours.
vraiment enfermée, car à chacun de mes
J’ai l’impression que ce n’est même pas
chapitres, il y a des expressions. C’est quelque
moi qui ai écrit mes livres. Tous les
chose qui ne manque pas en France. Tout cela,
messages que je reçois de la part des
je le dois à ma famille. Mes grands-parents n’ont
lecteurs sont bouleversants. De pouvoir
cessé d’utiliser ces expressions tout au long de
créer ce sentiment chez eux, c’est
leur vie.
incroyable.
LFC : Le côté populaire est-il quelque chose 63
LFC : Pour quelles raisons tenez-vous tant
personnages. C’est dingue pour moi de
aux valeurs, très présentes dans vos
savoir que j’amène des gens à la lecture
romans ?
et qu’en plus ils lisent les quatre à la suite. J’ai enregistré il y a quelques jours
AV : La surconsommation est quelque chose
l’émission C à vous et il y avait quelques
qui m’énerve. C’est pour cela que mon
fans devant l’entrée du studio qui ont dit
dernier roman se passe dans les années
lorsque je suis arrivée : c’est l’écrivain
une orange à Noël, vous étiez très content.
prenez un poids de trois cents kilos sur
Quand je vois les Noël d’aujourd’hui où il y a
le dos, vous repensez à Victor Hugo, à
des dizaines et des dizaines de cadeaux dont
Balzac… Je ne pense pas représenter ces
on ne sait même plus quoi faire, c’est quelque
auteurs, car mes romans sont optimistes
chose de très angoissant. Les plus belles
et positifs. Mais cela me fait quelque
valeurs, ce sont celles que mes parents m’ont
chose. Je veux simplement démocratiser
inculquées. C’est aussi pour cela que les
la lecture.
S E L I N AAurélie RIC HARDS soixante. À cette époque, lorsque vous aviez Valognes. À ce moment-là, vous
personnes âgées ont un rôle important dans mes livres. Il ne faut pas s’encombrer du
LFC : Quatre livres sont disponibles
superflu et revenir à l’essentiel.
actuellement en librairie. Des adaptations pour la télévision ou le
LFC : Toutes vos couvertures expriment
cinéma sont-elles en cours ?
l’esprit provincial et minimaliste. Il faut se contenter du peu...
AV : Depuis janvier, on m’a positionné cinquième dans les meilleures ventes de
AV : Je suis une trentenaire, et pourtant, j’ai
livres en France alors qu’avant j’étais
une vie de grand-mère et je le revendique !
l’auteur cachée qui était la chouchoute
(Rires) Dans quelque temps, je vais quitter
des lecteurs. J’ai fait ma première
l’Italie pour partir vivre en Bretagne et je sais
télévision il y a quelques semaines avec
que j’aurais une vie tranquille. J’aime me
Laurent Delahousse, puis le plateau de C
rappeler qu’il est important de revenir aux
à Vous. L’engouement commence à
vraies choses et non à l’argent.
prendre, et notamment par rapport aux producteurs. Mon deuxième livre En
LFC : Quelle relation entretenez-vous avec
voiture en Simone, qui est certainement
vos lecteurs ?
le plus cinématographique, est en lice pour devenir un film. Plusieurs
AV : Ils sont incroyables. Tous les matins, je
producteurs sont sur le projet. Je
reçois presque quarante mails de
souhaite que ce roman ait une deuxième
remerciements, de témoignages, de petits
ou une troisième vie. C’est une bien
mots… Tout cela, je le dois à mes
belle aventure.
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AJ PEARCE PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOS : FRANCK BELONCLE LEEXTRA
Née dans le sud de l’Angleterre, titulaire d’un diplôme en histoire américaine, AJ Pearce travaille dans le marketing. Elle cultive une passion pour la presse magazine depuis l’enfance et collectionne les revues publiées pendant la Seconde S E Guerre L I N A R I mondiale. CHARDS C’est d’ailleurs en découvrant un exemplaire de Woman’s Own daté de 1939 que lui est venue l’idée de son premier roman, "Chère Mrs Bird" (Belfond). Rencontre avec la romancière lors de son passage à Paris pour quelques photos et un entretien inédit. LFC : Nous nous rencontrons pour parler
C’est anglais dans le langage, mais ça l’est
de votre fiction Chère Mrs. Bird disponible
également dans les thèmes que j’ai voulu
aux Éditions Belfond depuis quelques
aborder. C’est une histoire sur l’amitié et
semaines. C’est votre tout premier roman,
j’espère que tout le monde saisira le message
quel est votre sentiment ?
que j’ai voulu faire passer. Si vous avez déjà eu une meilleure amie, vous comprendrez ce que
AJP : Je suis très heureuse. C’est un livre très
j’ai voulu exprimer.
anglais, très drôle et très profond. J’espère que les thèmes plairont aux lecteurs, car ce
LFC : L’histoire se passe à Londres en 1941.
sont des thèmes universels. C’est un livre sur
Votre héroïne Emmy n’a qu’un rêve : devenir
l’amitié et sur le fait de croire en quelque
reporter de guerre. Un rêve qui semble sur le
chose même lorsqu’on croît que tout est fini.
point de se réaliser lorsque la jeune femme décroche un poste au London Evening
LFC : Pourquoi dîtes-vous que c’est un
Chronicles. Mais elle va rapidement
livre anglais ?
déchanter puisque c’est un poste d’assistante à la rédaction du magazine
AJP : C’est un livre anglais au niveau du
féminin Women’s Day qui lui est offert. Et
langage. Le traducteur a parfaitement utilisé
non, un poste de reporter.
le style que j’avais donné au livre, un style
66
old fashioned. Il rappellera sûrement de
AJP : Emmy veut que les choses aillent vite. Elle
vieux films d’époque à certains des lecteurs.
n’a pas encore de job dans une rédaction
A J
P E A R C E
qu’elle veut déjà partir et être reporter de guerre. Elle ne comprend pas qu’il y a d’autres postes aussi importants qui existent au sein d’une rédaction. Elle va devenir assistante, mais beaucoup de surprises l’attendent, notamment avec les lettres des lecteurs.
SELINA
LFC : Comment est née l’idée d’écrire ce livre ? AJP : Je me promenais sur eBay et j’ai trouvé par chance un magazine datant de 1939. Je l’ai acheté. C’était une porte d’entrée vers
C’est un livre très anglais, très drôle et très profond. J’espère que les thèmes plairont aux lecteurs, car ce sont des thèmes R universels. ICHARDS C’est un livre sur l’amitié et sur le fait de croire en quelque chose même lorsqu’on croit que tout est fini.
l’époque de la Seconde Guerre mondiale qui
devons un grand respect. Ce sont des histoires
m’intéressait beaucoup. Les magazines n’ont
auxquelles nous pouvons nous identifier.
pas beaucoup changé depuis cette époque. Vous remarquerez toujours la même chose à
LFC : Emmy lit le courrier des lecteurs et
l’intérieur : de la fiction, de la mode, de la
tombe sur certains témoignages très forts…
publicité, des conseils… Le fait d’acheter ce magazine était une manière de comprendre
AJP : C’est une tâche difficile qu’elle a à faire.
la guerre avec quelque chose qui m’était
Les lettres qu’elle reçoit sont parfois celles de
familier.
parents qui doivent envoyer leur fils à la guerre ou des lettres de leur mari qui disent ne pas
LFC : La configuration de ce roman est
pouvoir les rejoindre. Chaque lettre est un
pleine de légèreté et pourtant le lecteur est
cadeau. C’est fascinant, admirable et
au cœur de la Seconde Guerre mondiale.
émouvant.
AJP : Ce que je voulais montrer, c’est que les
LFC : Était-ce important pour vous d’utiliser
femmes de l’époque avaient les mêmes
l’humour ?
problèmes que les femmes d’aujourd’hui.
68
Que ce soit avec leur mari, leurs enfants, leur
AJP : J’aime écrire des choses sous le ton de
argent, leur travail… Sauf qu’à l’époque,
l’humour. Lorsque je vois les premières
comme vous le dîtes, nous étions en guerre.
critiques du livre, elles sont très bonnes et
Dans les années quarante, les femmes
pleines d’espoir. Certains lecteurs ont ri,
essayaient juste d’agir normalement en
d’autres ont pleuré, les réactions sont vraiment
travaillant, en élevant leurs enfants pendant
diverses. Je crois que mon livre, au-delà d’être
que leur mari était à la guerre. Nous leur
drôle, est très profond et plein de sens.
Il y a eu beaucoup de livres et de témoignages sur les hommes durant la guerre. Très peu sur le destin des femmes. Je ne l’ai pas fait comme un hommage, mais plutôt comme quelque chose que je connaissais. Je m’étais beaucoup renseigné et j’avais fait beaucoup de recherches sur E L I N A R I C H eu A R D Sénormément le sujet. J’ai Stoujours d’admiration pour mon arrière-grandmère et pour tous ces gens qui ont joué un rôle crucial durant la guerre. Ce livre célèbre les femmes qu’elles étaient. LFC : Ce livre est-il un hommage aux
une famille. L’amitié est
femmes ?
quelque chose de volontaire que personne ne vous oblige
AJP : C’est une bonne question. Vous
à faire. C’est pour cela que
savez, il y a eu beaucoup de livres et de
c’est un sentiment très fort.
témoignages sur les hommes durant la guerre. Très peu sur le destin des femmes.
LFC : Ces femmes ont
Je ne l’ai pas fait comme un hommage,
survécu grâce à
mais plutôt comme quelque chose que je
l'expression d'une amitié
connaissais. Je m’étais beaucoup
très forte.
renseigné et j’avais fait beaucoup de recherches sur le sujet. J’ai toujours eu
AJP : Elles n’auraient jamais
énormément d’admiration pour mon
pu faire tout cela si elles
arrière-grand-mère et pour tous ces gens
n’avaient pas été unies
qui ont joué un rôle crucial durant la guerre.
comme elles l’ont été. Elles
Ce livre célèbre les femmes qu’elles étaient.
avaient besoin l’une de l’autre. La guerre était la
LFC : Pensez-vous qu’il y ait une
chose qui les reliait. L’amitié
différence entre l’amour et l’amitié ?
est plus forte que tout. Si vous avez des amis très
70
AJP : Il y en a beaucoup. L’amitié, ce n’est
proches, gardez-les ! Ce sont
pas de la passion. Ce n’est pas quelque
eux qui seront là dans chacun
chose de compliqué comme l’amour dans
des moments de votre vie.
LFC MAGAZINE
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#9
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MAI 2018
AGNÈS MARTIN-LUGAND PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : PATRICE NORMAND LEEXTRA
De l'autoédition au phénomène d'édition, Agnès Martin-Lugand est depuis cinq ans l'une des romancières françaises les plus aimées des Français. Printemps 2018, elle publie son sixième roman "À la lumière du S E petit L I N A Rmatin" I C H A R D S(Michel Lafon). De passage à Paris, nous en profitons pour réaliser une séance de photos signées Patrice Normand et un entretien inédit avec Christophe Mangelle. Rencontre... LFC : Votre sixième roman À la lumière du
histoire d’amour avec votre public.
petit matin vient tout juste de sortir.
Comment expliquez-vous cette longévité ?
Lorsque vous avez commencé votre carrière d’écrivain, pensiez-vous en arriver
AML : Je ne l’explique pas. De plus, je ne veux
là ?
pas chercher à l’expliquer, car si l’on commence à intellectualiser la chose, cela
AML : Non. (Rires) En fin d’année dernière,
perdra de sa sincérité et de sa spontanéité. Ce
j’ai réalisé que cela faisait maintenant cinq
que je trouve intéressant, c’est que les lecteurs
ans que cette histoire avait commencé. C’est
ne me découvrent jamais avec le même livre.
toujours aussi fou surtout lorsque les livres
C’est toujours un plaisir de les rencontrer dans
sortent. Mon mari et moi avons toujours du
les salons, c’est le moment où l’on sort du
mal à y croire. Les cinq dernières années
virtuel. Je me sens toujours très petite lorsqu’ils
sont passées très vite. Je suis prise dans une
me racontent leurs histoires. Il se passe toujours
sorte de belle spirale. Les lecteurs sont
quelque chose : il y a beaucoup d’émotion, de
toujours aussi nombreux. Ils attendent mes
larmes, de bienveillance.
personnages et me demandent de leurs
72
nouvelles. Il y a un côté où je réalise ce qui
LFC : Était-ce difficile de trouver votre
m’arrive, mais cela reste toujours de l’ordre
équilibre entre votre vie professionnelle et
du merveilleux.
votre vie de famille ?
LFC : On sent que vous construisez une
AML : Cette année, au Salon du livre de Paris,
j’ai embarqué avec moi mon mari et mes deux petits garçons. Je voulais qu’ils voient à quoi cela ressemblait la vie d’écrivain. Ils n’en avaient aucune idée. Cette expérience a été très étrange. Mon plus grand garçon se demandait pourquoi j’étais si gentille avec des gens que je ne connaissais pas.
SELINA Pour moi, c’était très important qu’ils réalisent comment mon métier fonctionnait. Il fallait que ces deux mondes se rencontrent pour que je trouve mon équilibre.
Je pars du principe qu’il y a toujours un espoir quelque part. La lumière est toujours au bout du tunnel, même lorsque l’on traverse des épreuves extrêmement RICHARDS compliquées. Il existe toujours un moment où l’on se dit que notre situation ne peut pas être pire. AML : Je pars du principe qu’il y a toujours un
LFC : Si vous êtes la femme et l’écrivain
espoir quelque part. La lumière est toujours au
que vous êtes aujourd’hui, peut-on dire
bout du tunnel, même lorsque l’on traverse des
que c’est grâce à ce socle familial ?
épreuves extrêmement compliquées. Il existe toujours un moment où l’on se dit que notre
AML : C’est certain. Si je n’avais pas mes
situation ne peut pas être pire. Parfois,
trois hommes, je n’en serais pas là
certaines épreuves prennent plus de temps
aujourd’hui. Ils me soutiennent, ils m’aiment,
que d’autres, mais il y a toujours des choses à
ils me bousculent. Mon mari est mon
en tirer. On grandit lors de ces épreuves. Et on
premier lecteur. Et il a un rôle très important
porte un regard nouveau sur la vie. Je ne veux
à jouer. C’est lui qui me connaît le mieux et il
surtout pas m’interdire de raconter le joli.
peut jouer le rôle d’écran entre nous. LFC : On a le sentiment que toutes vos LFC : Votre mari fait-il partie du milieu de
histoires sont faites de personnages
l’édition ?
ordinaires dont la vie bascule à cause d’évènements souvent liés à l’amour.
AML : Pas du tout. Et heureusement. C’est
Pourquoi ce thème est-il si cher à vos yeux ?
un lecteur comme un autre. Il me connait parfaitement. Et il n’a pas peur de me dire
AML : Ce qui est drôle, c’est lorsque je
les choses et il m’incite parfois à prendre du
commence à réfléchir aux personnages avec
recul.
qui je vais passer mon année, je me fais piéger. Inconsciemment, je dois avoir quelques
74
LFC : Sans rentrer dans votre intimité, on
obsessions, comme tout le monde. L’amour, la
sent que vous vivez une belle histoire
quête de soi, les enfants… Ce sont des thèmes
d’amour. Et cela se traduit dans vos livres
qui me touchent. Quand globalement tout va
où ce thème est très présent.
bien dans votre vie, vous évitez de vous poser
Dans tous mes romans, mes personnages sont des personnages de fiction. Ce ne sont jamais des amis ou des connaissances. C’est quelque chose que je ne me vois pas faire, car j’aime profondément créer des personnages en ne partant de rien. des questions, de chercher des soucis où il n’y
véritable moyen d’expression. Ce qui occupe la
E Lchoses INA RIC H A R part D S de la vie d’Hortense, c’est la danse et en a pas. Parfois, il est bien de vivre Sdes grande terribles et de faire un état des lieux pour
également sa liaison avec un homme marié
pouvoir repartir de l’avant. Cependant, il
qu’elle entretient depuis trois ans. Cet homme ne
m’arrive de changer ma manière d’écrire
lui a jamais dit qu’il quitterait femme et enfants
comme dans J’ai toujours cette musique dans
pour elle. Mais grâce à lui, elle a le sentiment
ma tête où je parlais du point de vue d’un
d’être aimée. Ce livre parle de la complexité de la
homme et de l’histoire d’un couple. Ce n’était
vie, d’un deuil qu’elle n’arrive pas à faire. Sa vie
pas la recherche de l’amour comme dans mes
est animée par la danse jusqu’au jour où elle va se
autres livres. Je croyais que j’allais faire autre
blesser. C’est le point de départ du livre.
chose jusqu’à ce que mes thématiques me reviennent en pleine poire, sans que je m’en
LFC : Un de vos livres devait être adapté au
rende compte.
cinéma par le producteur Harvey Weinstein. Qu’en est-il aujourd’hui ?
LFC : Nous informons nos lecteurs que ce cinquième roman dont vous parlez est sorti
AML : Nous avons tout arrêté. J’espère que ce
chez Pocket le 19 avril 2018 et donc est
projet se fera avec quelqu’un d’autre. D’autres
actuellement en librairie. Dans votre
événements peuvent se passer. C’est peut-être un
nouveau roman À la lumière du petit matin
mal pour un bien. Je suis assez fataliste. Peut-être
(Michel Lafon), le personnage d’Hortense
que cela devait se passer ainsi.
vous ressemble-t-il ou doit-on en conclure que c’est un personnage de fiction ?
LFC : Il y a un phénomène de bascule dans vos livres, mais aussi dans la réalité avec cette
AML : Dans tous mes romans, mes personnages
histoire.
sont des personnages de fiction. Ce ne sont
76
jamais des amis ou des connaissances. C’est
AML : Complètement. C’est quelque chose qui
quelque chose que je ne me vois pas faire, car
nous dépasse et que l’on ne contrôle pas. C’est
j’aime profondément créer des personnages en
peut-être l’occasion de trouver un autre projet
ne partant de rien. Hortense a trente-neuf
avec d’autres gens. Cela n’a pas été un coup de
ans, comme moi. J’aime grandir en même
massue et je ne l’ai pas mal vécu. Le cinéma
temps que mes personnages, cela coule de
n’était pas une fatalité en soi. Tout ce que je
source plus naturellement. Dans ce livre, j’avais
demande, c’est de continuer à écrire mes romans.
envie de parler du rapport au corps qui est un
C’est tout ce qui compte pour moi.
LFC MAGAZINE
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#9
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MAI 2018
SÉLECTION DU PRIX FRANÇOISE SAGAN
MARINA DE VAN
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : PATRICE NORMAND LEEXTRA
Avril 2018, nous avons rendez-vous au cœur de Paris avec Marina de Van réalisatrice (Dans ma peau, Ne te retourne pas, sélection officielle du festival de Cannes, avec Sophie Marceau et Monica Bellucci), scénariste S Ede L I Nses A Rpropres I C H A R D S longs-métrages et pour d’autres cinéastes (Sous le sable et Huit femmes de François Ozon, Je pense à vous de Pascal Bonitzer), comédienne, mais aussi l’auteur de romans, unanimement salués par la presse. Rencontre avec la romancière qui publie "Betty la nuit" chez Albin Michel. LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie
Blue Jasmine de Woody Allen. Une femme
de votre quatrième roman Betty la nuit
complètement électrique entre champagne et
disponible aux Éditions Albin Michel.
valium, toujours sur le fil du rasoir. J’ai toujours eu cette idée de grande bourgeoise déjantée
MDV : Mes deux premiers livres étaient des
très à fleur de peau.
récits autobiographiques. C’était un exercice vraiment différent. Mon troisième livre était un
LFC : Comment le personnage de Betty est-il
roman bien qu’il soit inspiré en grande partie
né dans votre esprit ?
de mon expérience personnelle. Betty la nuit est donc mon deuxième roman, le plus ouvert
MDV : Il est né de mon expérience de vie
et le plus accessible, contrairement aux
parisienne qui n’est pas toujours si facile.
autres qui étaient plus âpres.
Lorsque vous êtes seule, c’est une vie compliquée, surtout quand vous sortez d’une
LFC : Vous avez quand même gardé cette
rupture où l’on a tendance à être mise de côté.
âpreté dans ce roman et c’est quelque
De plus, quand vous approchez la
chose qui nous a beaucoup plu. Votre
cinquantaine, vous avez le sentiment que cela
héroïne, ou anti-héroïne est un personnage
se dégrade et qu’il est difficile de s’intégrer
assez fascinant.
socialement. Je me suis inspirée d’une sorte de drame social.
MDV : Ce personnage me fait penser au personnage de Cate Blanchett dans le film
79
LFC : Nous avons le sentiment que Betty n’a
M A R I N A
D E
V A N
LA REMISE DU PRIX FRANÇOISE SAGAN A LIEU ENTRE LA PREMIÈRE ET LA DEUXIÈME SEMAINE DE JUIN, AU CŒUR DE SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS, LORS D'UNE SOIRÉE OÙ SE RENCONTRE LE MONDE DES LETTRES, DES ARTS, DE LA MODE, DU SPECTACLE ET DE LA PRESSE.
pas peur de ces faiblesses et qu’elle est en recherche d’authenticité. MDV : C’est quelque chose qui vient certainement de ma propre personnalité. J’aime dire ce que je pense et ce que je dis dépend beaucoup de l’état intérieur dans lequelSjeEme LINA trouve. Betty fait la même chose, elle n’essaye pas de se prendre pour quelqu’un qu’elle n’est pas. Si on prend l’exemple du repas auquel elle se trouve où tout le monde parle de politique, elle essaye à un moment donné d’intervenir. Mais
Lorsque je ne me sens pas lucide, je suis malheureuse. René Char a dit : la lucidité est la blessure la plus proche du soleil. Je trouve que c’est une très belle phrase qui la douleur que R I C Hsouligne ARDS peut causer la lucidité. Cependant, je préfère la douleur et la lumière au confort et l’ombre.
cela ne marche pas du tout, car il y a des codes
LFC : Nous notons à la lecture de votre roman un
qu’elle ne connait pas. C’est un personnage qui
côté très drôle. D’où vous viennent toutes ces
n’est pas dans la représentation.
idées ?
LFC : Le personnage de Betty est-il né avant ou
MDV : J’ai beaucoup ri en l’écrivant. C’est un humour
après avoir voulu raconter cette histoire ?
assez cruel, c’est vrai, mais j’ai simplement suivi mon intuition. Je n’analyse pas ce que je fais. J’ai un
MDV : L’histoire n’existe pas sans ce personnage
modus operandi assez naturel.
et vice-versa, les deux sont identiques. J’ai une imagination où les personnages se révèlent dans
LFC : Ce livre parle également de solitude. Pouvez-
des situations. Ce qui vient sans doute du
vous nous en dire quelques mots ?
cinéma. MDV : Je travaille beaucoup sur ce thème en ce LFC : Pour le lecteur, ce qui frappe dans ce
moment, car je monte un film documentaire qui
roman, c’est la lucidité du personnage. Parfois,
s’appelle Ma nudité ne sert à rien et qui parle d’une
n’est-ce pas dangereux de voir le monde de
femme de quarante-sept ans qui est seule et nue
manière aussi lucide ?
chez elle. C’est une nudité qui n’est pas dans l’interaction. Je ne trouve pas que la solitude soit
81
MDV : Ce n’est pas la première fois que l’on me
douloureuse, mais plutôt pesante et qui a tendance à
pose cette question. Lorsque je ne me sens pas
enfler. Plus vous êtes seule, plus tout devient difficile.
lucide, je suis malheureuse. René Char a dit : la
Si l’on prend l’exemple de Betty, plus elle est seule,
lucidité est la blessure la plus proche du soleil. Je
plus elle dit des conneries, car sa vie intérieure
trouve que c’est une très belle phrase qui
devient déconnectée de la réalité. J’ai une vie assez
souligne la douleur que peut causer la lucidité.
solitaire même si j’ai beaucoup d’amis. Mais il
Cependant, je préfère la douleur et la lumière au
m’arrive durant l’été de rester trois semaines toute
confort et l’ombre.
seule. Il y a une sorte d’hypnose qui se crée au point
M A R I N A
D E
V A N
que lorsque vous revoyez des gens, vous
LFC : Vous n’êtes pas seulement
êtes déconnectée de leur réalité.
écrivain, vous travaillez également dans le cinéma. Quels sont vos
LFC : C’est au moment où son couple s’arrête que la vie de Betty se complique.
SELINA
prochains projets ?
RICHARD S MDV : Je termine le montage de ce documentaire sur la solitude qui
MDV : Sa vie de couple s’arrête. Mais sa
sortira l’hiver ou le printemps
vie sociale également. C’est la première
prochain. J’ai également deux films
fois où elle se retrouve face à elle-même
qui attendent un financement. Un
et où elle va essayer d’exister seule. Cette
avec Charles Berling qui est une
période va être un échec retentissant.
histoire de huis clos sur la jalousie et
Mais à ce moment-là, elle ne le sait pas.
les sentiments. Un autre avec Ana
Quand elle décide de venir à la capitale,
Girardot et Felix Moatti sur le drame du
c’est comme si elle partait à la conquête
Heysel qui sera un film sur la résilience
de quelque chose de nouveau. Il y a une
que je n’ai pas écrit, mais que l’on m’a
force de vie et Betty croit beaucoup en
proposé. Tout est incertain tant que
elle. Ce n’est pas une fille qui se sous-
nous n’avons pas trouvé de
estime.
financement. Mais je travaille activement sur tous ces projets.
LFC : Le style de votre livre est très fort, avec des punchlines qui font mouche et cela incite vraiment à continuer la lecture. MDV : Certains m’ont dit qu’ils avaient lu mon livre comme un polar. J’ai une écriture assez naturelle. J’écris un premier jet que je ne corrige pas et que j’envoie directement à mon éditeur. Il me répond en me disant quels aspects sont intéressants et quels aspects ne le sont pas. Cela me donne du recul. Et je peux ensuite revoir ma copie quatre à cinq fois, puis finaliser mon livre.
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Certains m’ont dit qu’ils avaient lu mon livre comme un polar.
M A R I N A
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PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG RAPHAËL DEMARET LEEXTRA
LUCA DI FULVIO LFC MAGAZINE
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#9
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MAI 2018
C'est avec "Le Gang des rêves" qui se déroule dans le New York des années vingt que Luca Di Fulvio touche notre cœur. Véritable page-tuner de 700 pages, grand succès en Italie, mais aussi en Allemagne où le livre s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires, il est publié en France en juin 2016 chez Slatkine & Cie, et s'impose rapidement S E L I N A Rcomme I C H A R Dun S succès continu de boucheà-oreille avec la version poche publiée l'été dernier (2017) chez Pocket. Après "Les enfants de Venise" (actuellement chez Pocket), il marque son grand retour en librairie avec "Le soleil des rebelles" que vous allez dévorer d'une traite. Photos exclusives et entretien inédit lors de son passage exceptionnel à Paris. Rencontre.
LFC : Nous nous étions rencontrés pour Le
êtes prêt, c’est une question de maturité.
gang des rêves en 2016, un livre qui a connu un succès incroyable en France.
LDF : Je suis un ami d’Andrea Camilleri, un
Comment l’avez-vous vécu ?
auteur à succès en Italie, qui lui a connu le succès à soixante-dix ans. Je suis donc assez
LDF : Ce qui est amusant, c’est que j’ai été
précoce ! (Rires)
invité au Salon Quais du Polar à Lyon alors que je n’écris pas de polars. J’étais très
LFC : Cela donne de l’espoir pour les jeunes
heureux, car beaucoup de lecteurs très
écrivains… Il faut simplement qu’ils
souriants et très accueillants sont venus me
persévèrent…
demander des dédicaces. Vous savez, il y a deux choses fondamentales. La première,
LDF : On trouve son chemin lorsque l’on a
c’est que j’ai compris que les Français aiment
plus de liberté. J’ai écrit deux polars qui ont
la culture. On peut le remarquer dans l’hôtel
été traduits dans la série noire Gallimard. Et je
où nous sommes puisqu’il y a des photos
n’ai pas été traduit parce que mon livre était
d’Oscar Wilde et d’autres personnages
bon. Mais simplement parce que Fanny
influents de notre époque. La seconde
Ardant était mon amie. (Rires) Il y a une
chose, c’est que je n’ai plus vingt ans et qu’il
période où le cinéma italien était très
est plus facile de gérer le succès.
intéressé par mon écriture. Et je me suis trop focalisé sur cela. Je ne pensais plus assez à
LFC : Le succès arrive une fois que vous
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écrire pour moi.
L U C A
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LFC : Le gang des rêves ferait d’ailleurs un très bon film. Qu’en pensez-vous ? LDF : Les livres se sont bien vendus en France, en Allemagne également où j’ai vendu un million et demi d’exemplaires. Il y a eu beaucoup de propositions, mais très peu
SELINA
qui me plaisaient d’un point de vue artistique. Il a été annoncé hier à Cannes que Le gang des rêves allait être une série en huit ou dix épisodes. La télévision devient plus intéressante et moins politiquement correcte
"Le gang des rêves" va devenir une série en huit ou dix épisodes. La télévision devient plus intéressante et moins R I politiquement CHARDS correcte surtout avec des plateformes comme Netflix.
surtout avec des plateformes comme Netflix. Désormais, il faut trouver les financements.
LFC : Comment réussissez-vous à emporter le lecteur de cette façon dans vos histoires ?
LFC : Avez-vous déjà écrit le script ? LDF : J’ai décidé d’écrire lorsque j’étais petit LDF : Oui, nous avons déjà écrit la première
garçon. Ma grand-mère me racontait des
version avec Giacomo Bendotti, un jeune
histoires le soir et j’étais sans cesse bouche
italien plein de talent. Nous garderons un
bée. J’ai toujours pensé que c’était la plus belle
contrôle sur le scénario, ce qui est une bonne
chose que de pouvoir écouter une histoire de
nouvelle. Nous essayons de trouver des
cette façon. Aujourd’hui, j’essaye de mettre les
situations différentes de celles du livre. Dans
lecteurs dans cet état.
le livre, l’histoire parle de deux enfants qui deviennent adultes. Dans le scénario, nous
LFC : Pourquoi est-ce si important pour vous
essayons de mélanger ces deux périodes.
de raconter des histoires et de les écrire ?
LFC : Le soleil des rebelles, c’est votre
LDF : Parce que je les sens, je les vois, je les vis.
nouveau roman, un livre que l’on n’a pas
Je me les raconte à moi-même.
envie de finir. LFC : Vous écrivez toujours de gros livres. À
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LDF : C’est la plus belle chose que vous
titre d’exemple, Le gang des rêves compte
pouvez dire à un écrivain. Votre métier de
environ sept cents pages. C’est quelque
journaliste vous demande de lire le livre
chose qui fait peur au début, mais
entièrement et de savoir les moindres détails
finalement, le lecteur remarque que vous
du roman, de ce fait le lecteur qui est en vous
prenez le temps de nous raconter les
est sacrifié. J’aime que vous vous
choses. C’est une lecture fluide et
positionniez en tant que lecteur.
agrippante.
L U C A
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F U L V I O
Parler d'un jeune garçon, c’est comme avoir une feuille blanche devant soi et regarder vers l’avenir. Chacun d’entre nous est ce garçon. Quand je vais me laver les dents le soir, je prends un coup au moral, car je m’aperçois que je SELINA RICHARDS ne suis plus ce petit garçon. LDF : C’est exactement ma démarche. Et
LDF : J’avais lu un essai sur
comme vous voyez, je parle aussi
l’humanisme que j’avais trouvé
beaucoup dans la vie ! (Rires, car Luca Di
très intéressant. Au Moyen-Âge,
Fulvio est très bavard)
Dieu était au-dessus de tout. Puis, il y a eu la Renaissance où
LFC : Comme dans Le gang des rêves,
l’homme est devenu le centre du
certains personnages sont des enfants et
monde. L’humanisme est le pont
ils tiennent une place conséquente. Ils
entre les deux. Ce livre raconte
ont une résonance avec les adultes qui
l’histoire d’un Prince, Dieu, qui
sont à côté d’eux.
doit recommencer sa vie à zéro en vivant avec les cerfs.
LDF : Je cherche encore à analyser ce phénomène une fois par semaine. (Rires) Si
LFC : Comment est née cette
le héros de ce livre avait mon âge, il
histoire ?
n’arrêterait pas de regarder dans le passé. Parler de jeune, c’est comme avoir une
LDF : J’admire mes collègues qui
feuille blanche devant soi et regarder vers
savent répondre à cette question.
l’avenir. Chacun d’entre nous est ce
Moi, je ne sais pas vous répondre.
garçon. Quand je vais me laver les dents le
Je pourrais vous donner une
soir, je prends un coup au moral, car je
réponse très intelligente et
m’aperçois que je ne suis plus ce petit
cultivée. Mais je ne peux pas. Les
garçon.
choses arrivent comme ça. Il y a une image dans le bouddhisme
90
LFC : Dans tous vos livres, vous
qui me plaît beaucoup. C’est une
choisissez un moment de l’histoire.
lumière qui arrive droit au centre
Pourquoi avez-vous écrit sur le
du crâne, puis dix petites
quatorzième siècle ?
lumières qui sortent des dix
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Il y a une image dans le bouddhisme qui me plaît beaucoup. C’est une lumière qui arrive droit au centre du crâne, puis dix petites lumières qui sortent des dix doigts. Mon seul mérite, c’est tous les S E Lde I N A me R I C H Alever RDS matins et d’utiliser ces dix lumières. doigts. Mon seul mérite, c’est de me lever
LDF : Merci pour ce compliment.
tous les matins et d’utiliser ces dix
J’ai déjà rencontré des gens que
lumières.
j’admirais qui m’ont beaucoup déçus. J’apprécie votre remarque.
LFC : Dans la première partie du livre, le prince, qui n’est plus prince, doit dompter sa peur. C’est une thématique qui s’applique à nous tous, cela nous rappelle l’enfant que nous étions. LDF : Je suis convaincu que tous ceux qui écrivent ont peur. Écrire, c’est remettre la vie en ordre et retirer le KO qui nous fait peur. D’après moi, celui qui écrit a plus peur que les autres. LFC : Vous sentez-vous chanceux ? LDF : Nous avons tous une vie. Et moi, j’en ai plusieurs à travers mes livres. C’est une grande chance. LFC : Nous sommes très heureux de cette rencontre, car nous ne sommes pas déçus du livre et de l’auteur. C’est quelque chose de rare.
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Je veux être quelqu’un de vrai.
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MAI 2018
LOUISIANE C.DOR
PHOTOS EXCLUSIVES PAR CHRISTOPHE ET INTERVIEW MANGELLE
ET QUENTIN HAESSIG ARNAUD MEYER LEEXTRA
Louisiane C. Dor écrit des livres concis et précis, avec des chutes parfois incisives parfois drôles. Elle réside actuellement dans le sud de la France après avoir vécu deux ans au Brésil. Elle est l’auteure de sommeil ?", chez S"Les E L I Nméduses A R I C H A R ont-elles DS Gallimard, dont l’édition de poche (Folio) a reçu le prix Renaudot Poche 2017. Chroniqueuse à Technikart, elle prend le temps d'une pause photo et d'un entretien inédit pour nous parler de son recueil "Ceci est mon cœur" (Robert Laffont). Rencontre. LFC : Nous nous rencontrons pour parler
LFC : Votre premier livre Les méduses ont-
de votre deuxième livre, un recueil de
elles sommeil ? (Folio) a obtenu le Prix
nouvelles aux Éditions Robert Laffont
Renaudot Poche 2017. Quelle a été votre
intitulé Ceci est mon cœur. Pourquoi avoir
réaction ?
choisi ce format ? LCD : On me l’a annoncé à la télévision. Je LCD : C’est un format que j’apprécie et que je
n’étais pas du tout au courant. Je savais que
trouve très efficace. Je n’aime pas m’étaler
j’avais ma chance, mais jamais je ne pensais
sur des détails qui n’ont pas d’intérêt. Je
que je pouvais gagner. De plus, c’est Frédéric
préfère donner un détail qui permettra aux
Beigbeder qui a annoncé mon nom, un des
lecteurs de comprendre le décor
auteurs qui m’a fait aimer la lecture. C’était
instinctivement plutôt que de m’étendre sur
absolument formidable. J’ai mis un moment à
la couleur des rideaux ! (Rires) Je n’aime pas
m’en remettre.
écrire des gros pavés. LFC : Vous n’imaginiez pas que ce texte LFC : Et en tant que lectrice, que préférez-
pouvait vous amener jusqu’ici ?
vous ? LCD : J’ai écrit mon premier livre au Brésil.
94
LCD : C’est la même chose. Des histoires
J’étais recluse de tout. Je me revois en train de
courtes et bien écrites. Je privilégie la forme
l’écrire dans ma petite maison au bord de la
plutôt que le fond.
plage, complètement isolée. J’étais loin de
L O U I S I A N E
C . D O R
m’imaginer tout ce qui allait se passer. LFC : Le texte vous a appartenu pendant le temps de l’écriture, puis il vous a échappé. LCD : Exactement. D’autant plus que c’est un récit autobiographique. Ce n’est pas
SELINA
forcément évident de partager son histoire. LFC : Pouvez-vous nous résumer ce premier livre ? LCD : C’est l’histoire d’une jeune fille
provinciale qui monte à Paris dans l’espoir de
J’ai écrit mon premier livre au Brésil. J’étais recluse de tout. Je me revois en train de l’écrire dans ma petite maison au R I C H A bord RDS de la plage, complètement isolée. J’étais loin de m’imaginer tout ce qui allait se passer.
devenir quelqu’un… Sauf qu’au lieu de cela, elle se perd et elle n’est plus personne. Elle
avec une personne que j’aimais énormément et j’ai
tombe dans les méandres de la drogue, de la
compris ce qu’était l’amour. La passion n’est pas
nuit et de la fête à outrance.
forcément sainte.
LFC : Votre deuxième livre Ceci est mon
LFC : La passion dont vous parlez n’est pas
cœur vient juste de sortir et la première
raisonnable. C’est ce que l’on sent dans vos histoires.
chose qui a attiré notre œil, c’est le titre. Quelle est la thématique de vos nouvelles ?
LCD : J’imagine qu’il y a des passions qui sont raisonnables à partir du moment où il y a de l’amour.
LCD : C’est la passion amoureuse et son
D’autres passions, quant à elles, émanent de
mauvais côté. La passion peut être
frustrations. On peut par exemple éprouver de la
réciproque. Mais peut aussi ne pas l’être. Elle
passion pour quelqu’un qui ne veut pas de nous, mais
peut être raisonnable ou non. Dans ce recueil,
que l’on s’obstine à poursuivre. La passion peut nous
il y a onze nouvelles déraisonnables dont les
faire du mal. L’amour est censé nous faire du bien, là est
trois quarts ne concluent absolument à rien.
toute la différence.
Et d’autres qui auraient mieux fait de ne pas aboutir.
LFC : Comment sont nées ces onze histoires dans votre esprit ?
LFC : Ces nouvelles parlent-elles aussi d’amour ?
LCD : Elles m’ont été inspirées par des situations et par ce que j’avais en tête. Je vivais une histoire d’amour très
96
LCD : Non. J’ai voulu faire la différence entre
stable. Et pourtant, je sentais que j’avais un manque de
l’amour et la passion. Je suis restée cinq ans
passion cruelle et déraisonnable. J’ai pu observer la vie
On peut par exemple éprouver de la passion pour quelqu’un qui ne veut pas de nous, mais que l’on s’obstine à poursuivre. La passion peut nous faire du mal. L’amour est censé nous faire S E L I Ntoute A R I C H A Rla D S différence. du bien, là est des autres. Et également la vie que j’avais
Comme ces gens qui s’ennuient en soirée, mais qui prennent
auparavant pour faire la différence entre
quand même un selfie en montrant qu’ils sont heureux et souriants.
l’amour et la passion. J’ai compris que c’était
Une personne a dit un jour que pour qu’un moment de vie soit
deux choses qui n’avaient rien à voir.
vécu, il faut le prouver avec une photo. Étaler sa vie pour faire croire aux autres que l’on a une vie passionnante, je trouve que c’est pour
LFC : Vous parlez de la télé-réalité dans ce
combler un vide.
recueil. Pouvez-vous nous en dire plus ? LFC : La première nouvelle est une histoire sur les apparences. LCD : Cette nouvelle est très symptomatique de notre société. J’ai fréquenté quelques
LCD : C’est une fille qui est dans l’illusion totale. Elle a l’impression
personnes qui avaient fait de la télé-réalité et
de vivre quelque chose d’extraordinaire alors que ce n’est pas du
j’ai senti qu’en faisant ces émissions, ils
tout le cas. On a tous rencontré quelqu’un comme cela. C’est une
avaient un besoin de reconnaissance. Ce
manière une nouvelle fois de combler un vide et de se voiler la face.
besoin ne vient pas de nulle part. Il vient d’un vide qui ne peut pas être comblé par
LFC : À qui adressez-vous ce livre ?
des téléspectateurs qui ne vous connaissent même pas. C’est une nouvelle différente des
LCD : À moi-même déjà. C’est comme si j’avais répondu à des
autres que j’avais envie d’écrire.
questions que je me posais. J’ai écrit le livre que j’aurais aimé lire. Et j’adresse également ce livre aux autres afin qu’ils se sentent moins
LFC : Dans une autre nouvelle, vous parlez
seuls et qu’ils comprennent la différence entre la passion et l’amour.
également des réseaux sociaux qui occupent une place importante dans
LFC : Pensez-vous avoir tout dit sur ce thème ?
notre société. Quel est votre avis sur ce sujet ?
LCD : Non. Le troisième livre que je suis en train d’écrire parle encore une fois d’une histoire d’amour foireuse. C’est un thème qui
LCD : Certaines situations qui se passent sur
va me travailler tout au long de ma vie. L’amour est un thème que
les réseaux sociaux sont assez étranges.
nous avons tous en commun.
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LFC MAGAZINE
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#9
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MAI 2018
DIDIER VAN CAUWELAERT PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : RAPHAËL DEMARET LEEXTRA
Prix Goncourt pour "Un aller simple" en 1994, Didier van Cauwelaert cumule prix littéraire et succès depuis ses débuts. Plus récemment, il a publié deux comédies "Jules" et "Le retour de Jules", exceptionnels de librairie. En tant S E L I N A R I C H A succès RDS que metteur en scène, il vient de réaliser pour le cinéma "J’ai perdu Albert" (sortie dans les salles cet automne avec Stéphane Plaza et Julie Ferrier) dont le livre vient de paraître ce Printemps 2018. Séance de photos et entretien inédit. LFC : Nous nous rencontrons pour votre
LFC : Depuis combien de temps travaillez-
nouvelle comédie J’ai perdu Albert (Albin
vous sur ce projet ?
Michel) actuellement en librairie. Depuis quelques années, le mois de mai
DVC : Cela fait plus de dix ans que je l’ai dans la
symbolise très souvent la sortie de vos
tête. Je l’ai peaufiné, je l’ai décliné jusqu’à en
livres. Est-ce sur ce créneau que vous avez
trouver la bonne direction. À l’époque, c’était
décidé de vous positionner ?
un peu tôt pour le faire. Einstein était passé de mode et même lorsque je parlais d’adaptation
DVC : C’est vrai, mais à vrai dire, je ne choisis
cinématographique, cela ne passionnait pas
pas. Ce sont mes personnages et mes
grand monde. Cependant, depuis quelques
situations qui prennent le contrôle et qui me
années, Einstein est revenu sur le devant de la
disent maintenant c’est nous. Cela
scène avec de nouvelles découvertes qui lui
correspond à une nécessité intérieure. Cela
ont donné raison, une fois de plus. Dès que j’ai
traduit-il mon état d’esprit ? Certainement.
parlé d’adaptation, cette fois-ci on m’a dit oui
Les comédies que je conçois sont toujours
tout de suite. J’ai compris une chose. Lorsque
basées sur un accident ou une perturbation
vous sentez une résistance, cela signifie que les
qui va agir comme une sorte de révélateur.
mentalités ne sont pas tout à fait prêtes. Je ne
Au départ, cela bousille la vie des gens, mais
regrette pas d’avoir attendu.
c’est aussi ce qui fait rire le lecteur. Ce
100
chemin qu’ils font à travers mes personnages
LFC : Est-ce votre passion pour Albert
est un chemin qui me dirige.
Einstein qui vous a poussé à faire ce projet ?
DVC : Je dirais que c’est même bien avant. Il y a vingt ans, j’imaginais l’histoire d’une voyante très populaire et très à la mode, qui du jour au lendemain n’avait plus d’informations à donner. Au même moment, son don était passé chez quelqu’un d’autre qui n’était pas du tout prêt à cela et n’avait
SELINA
aucun mode d’emploi. Cette idée de ce
transfert de pouvoir de l’un à l’autre était présente dans ma tête. J’ai commencé à écrire cette histoire, mais je sentais que
C’est surtout aux lecteurs de ressentir ce qui va leur parler davantage. Les réactions sont d’ailleurs variées. Certains ont beaucoup ri. D’autres ont été très touchés. Ce qui RICHARDS m’intéresse dans la comédie, c’est d’aborder des sujets graves.
quelque chose me manquait. J’ai mis le projet de côté. Dans ces cas-là, souvent, d’autres
LFC : Vous parlez également de la cause
personnages s’emparent de moi, même si
animale, un thème qui est de plus en plus
l’histoire de base reste dans ma tête. Un jour,
présent dans vos livres. Pouvez-vous nous
j’ai fait connaissance avec Einstein dans un
en parler ?
roman où j’avais besoin de lui, c’était dans La femme de nos vies. Et je me suis dit, et si
DVC : Encore une fois ce n’est pas moi qui
Einstein s’invitait dans cette histoire avec
décide. Je me laisse guider par mon esprit.
Chloé et Zac, cela donnerait une dimension
L’histoire avec le chien guide d’aveugle est
géniale. C’est ce qui s’est passé, j’ai donc écrit
présente dans ma tête depuis l’enfance. Pour
J’ai perdu Albert.
les abeilles, l’idée m’est venue grâce au professeur Rémy Chauvin qui m’a fait
LFC : L’idée fonctionne très bien. Pourtant,
découvrir des choses incroyables. J’ai
sur la quatrième couverture il est indiqué
également découvert que la dernière grande
que c’est un roman et non une comédie.
passion d’Einstein, c’était les abeilles.
Nous imaginons que c’est une discussion avec l’éditeur pour ne pas enfermer le
LFC : Votre personnage Chloé est squatté
lecteur.
par Albert Einstein pendant plus de vingtcinq ans. Comment se manifeste-t-il ?
DVC : La comédie était mise en avant dans
102
mes derniers livres. C’est certain qu’il y a un
DVC : C’est une voix intérieure, un renfort de
rappel dans ce livre. Mais je crois que c’est
sensibilité et un compagnon de route. C’est
surtout aux lecteurs de ressentir ce qui va leur
son point d’appui. Dès son enfance, sa mère lui
parler davantage. Les réactions sont d’ailleurs
a dit qu’elle était l’arrière-petite-fille d’Albert
variées. Certains ont beaucoup ri. D’autres
Einstein, illégitime hélas. L’un des renforts de
ont été très touchés. Ce qui m’intéresse dans
ce livre, c’est une citation d’Einstein qui a dit :
la comédie, c’est d’aborder des sujets graves.
Je crois en une vie après la mort, car l’énergie
J’ai tourné le film cet automne. Ce n’est pas du tout la structure du livre. J’avais besoin de ces deux manières de raconter cette histoire. Il n’y a aucune voix off dans le film. Cette forme romanesque est très présente dans le livre, mais parce que cela permet de voir le regard que les personnages portent l’un sur l’autre. Dans le SELINA RICHARDS film, il y a plusieurs époques. C’est un langage cinématographique différent du style du roman, mais l’esprit reste le même. ne peut pas mourir. Elle se transforme, elle
Il avait arrêté toutes ses
circule et ne s’arrête jamais. Cette phrase
émissions pour se concentrer sur
est vraiment le diapason du livre.
ce projet et il a été absolument formidable dans ce rôle de loser
LFC : Ce livre est très cinématographique
dynamique. Il arrive d’ailleurs à
et ce n’est pas un hasard…
une conclusion en se demandant à quoi cela sert-il de connaître
DVC : Exactement. J’ai tourné le film cet
l’avenir si ce n’est pour gâcher le
automne. Ce n’est pas du tout la structure
présent. Ce personnage a un
du livre. J’avais besoin de ces deux
côté pessimiste revendicatif, puis
manières de raconter cette histoire. Il n’y a
soudain un côté idéaliste qui
aucune voix off dans le film. Cette forme
reprend le pouvoir. Julie Ferrier
romanesque est très présente dans le livre,
joue le personnage de Chloé.
mais parce que cela permet de voir le
J’avais besoin d’un personnage
regard que les personnages portent l’un
où l’on capte directement le
sur l’autre. Dans le film, il y a plusieurs
naturel avec lequel elle cohabite
époques. C’est un langage
avec Einstein. Il y a très peu
cinématographique différent du style du
d’actrices qui pouvaient jouer ce
roman, mais l’esprit reste le même.
rôle avec autant de justesse et d’énergie. Elle a un côté punchy
LFC : Nous avions rencontré Stéphane
et une grande sensibilité au
Plaza en décembre dernier (LFC #5) qui
niveau du tempo. Tous les deux
nous avait parlé de son rôle dans le film.
forment un couple impossible. Au
Quels sont les autres comédiens ?
casting, il y aura également Josiane Balasko, Virginie
104
DVC : Zac est donc incarné par Stéphane
Visconti, Bernard Le Coq, Alex
Plaza qui joue son premier rôle au cinéma.
Vizorek, Etienne Draber…
LFC : Ce qui est assez inédit, c’est que vous êtes à la fois l’auteur du livre et le réalisateur du film. C’est assez fou vous ne trouvez pas ? DVC : En toute modestie, j’ai ce point en commun avec Einstein, je suis très rigoureux, mais aussi complètement barré. C’est pour
SELINA
cela que ce projet me plaisait. Le principe de précaution, je ne connais pas. Seulement l’énergie compte. C’est ce qui nous permet d’aller vers les autres. Sur le tournage, tous les techniciens que j’avais choisis pour leurs qualités professionnelles étaient des gens avec une humanité très forte. Je ne me suis pas trompé et eux non plus. Il y a eu une
Stéphane Plaza est l’un des hommes les plus connus et les plus appréciés en France, mais on ne comprenait pas pourquoi je le mettais dans le premier rôle de mon film. Il a également fait la meilleure recette de Paris au théâtre pendant deux ans avec RICHARDS Fabrice Luchini. Ce sont les seuls spectacles qui n’ont eu aucune annulation après les attentats de Paris, cela signifie quelque chose. Chez Stéphane, il y a quelque chose d’humain et de fraternel. LFC : Le livre vient de sortir et le film sortira à
l’automne. Comment abordez-vous ces échéances ?
osmose et une énergie incroyable tout au long du tournage. Les comédiens étaient
DVC : C’était quelque chose dont j’avais très envie,
dans un écrin qui était fait pour eux. Je ne
mais je ne maîtrisais rien du tout. Tout s’est bien
peux pas travailler avec un rapport de force, il
articulé, mais au départ, ce n’était pas forcément le cas.
faut qu’il y ait du bonheur et une énergie
Les adaptations de livres en films prennent souvent
communicative.
beaucoup de temps. Si vous prenez l’exemple du film Sans identité, il est sorti presque dix ans après mon livre
LFC : Votre livre est drôle, il parle d’amour
Hors de moi. Avec J’ai perdu Albert, nous avons trouvé
et de sujets sérieux. Vous parvenez à
cette période de six mois afin de préparer les gens au
rendre votre écriture accessible à tout le
film. Ce n’est pas une stratégie commerciale, car je les
monde. Est-ce important d’être lu par un
ai mis sur le fait accompli. Je prends ces échéances
lecteur qui n’a jamais pris un livre ?
positivement et avec modestie. Le plus difficile était de les convaincre. Stéphane Plaza est l’un des hommes les
105
DVC : Une des choses que j’aime entendre,
plus connus et les plus appréciés en France, mais on ne
c’est lorsque des lecteurs qui ne lisent pas
comprenait pas pourquoi je le mettais dans le premier
beaucoup sont allés au bout de mon livre, car
rôle de mon film. Il a également fait la meilleure recette
ils étaient pris dedans. Ou d’autres qui me
de Paris au théâtre pendant deux ans avec Fabrice
disent s’être réconciliés avec la lecture grâce
Luchini. Ce sont les seuls spectacles qui n’ont eu
à mon livre. Il n’y a pas mieux comme
aucune annulation après les attentats de Paris, cela
compliment. Il n’y a rien de plus dur pour un
signifie quelque chose. Chez Stéphane, il y a quelque
écrivain que d’écrire quelque chose de
chose d’humain et de fraternel. Je ne l’ai pas choisi
compliqué et souvent, un livre compliqué ce
pour le côté commercial, mais plutôt pour son jeu et
n’est pas un bon livre.
son énergie au théâtre.
LFC MAGAZINE
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#9
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MAI 2018
ANTOINE AUDOUARD
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOS : CÉLINE NIESZAWER LEEXTRA
Antoine Audouard est écrivain. Il a notamment publié "Adieu mon unique" et dernièrement, "La Peau à l’envers" (Gallimard). Aujourd'hui, nous le rencontrons S dans E L I N A un R I Cpalace HARDS parisien pour une séance de photos exclusives et pour recueillir son témoignage suite à un AVC qu'il raconte dans "Partie Gratuite" (Robert Laffont).
LFC : Vous publiez aujourd’hui Partie
une loupe, mais je ne voyais rien. Désormais,
gratuite où vous racontez l’AVC dont vous
j’écris à un doigt sur mon ordinateur. Au départ,
avez été victime en 2012. Comment est
je voulais simplement écrire quelques histoires
née l’idée d’écrire ce livre ?
pour en faire un petit livre. Mais quand je me suis retrouvé avec six cents pages, il a fallu que
AA : D’une certaine façon, je ne me suis
je change mes plans.
jamais dit que j’allais raconter cette histoire. La première chose que j’ai demandée à ma
LFC : Aviez-vous beaucoup de choses à dire ?
femme lorsque j’étais entre la vie et la mort, c’était mon stylo, mes lunettes et mon cahier.
AA : Trop. J’ai commencé à couper ce qui ne
J’ai commencé à écrire, car je m’ennuyais
me plaisait pas. Cela devient intéressant
beaucoup à l’hôpital. Quand vous voyez ce
lorsque vous coupez des choses que vous
qui passe à la télévision, autant prendre son
aimez bien. J’ai été aidé par des éditeurs
cahier et écrire.
épatants qui ont eu une attention et une amitié sans relâche.
LFC : Ce premier travail d’écriture vous a til servit pour votre livre ?
LFC : C’est la deuxième fois que vous parlez de vous dans un livre. Était-ce difficile de le
AA : Tout ce que j’ai écrit à cette époque était
faire ?
quasiment illisible, car il me manquait toute la partie gauche du monde. J’ai essayé avec
107
AA : Non. Je pense que pour écrire, il faut être
bête. Il ne faut surtout pas commencer à réfléchir. Je ne savais pas où j’allais. Mais lorsque j’ai eu fini, je me suis dit qu’en mettant les choses dans l’ordre, cela aurait peut-être du sens. Mes premiers lecteurs ont trouvé que cela en avait. Lorsque j’ai eu les premiers avis de personnes que je ne connaissais pas,
SELINA
ils me disaient qu’ils avaient trouvé du sens
dans des passages où je pensais qu’il n’y en avait pas. Je suis content que cela serve à quelque chose.
Une soignante a lu le livre et m’a demandé ce qui se cachait derrière cet humour. La réponse : rien. C’est R I C H A R Dest S simplement ma manière de voir les choses.
LFC : Vous proposez un livre très optimiste
perdiez votre boule et vous pensiez que votre
avec beaucoup d’humour.
partie est finie. Mais tout d’un coup, la bille resurgissait. C’est un peu ce qui m’est arrivé, je
AA : Je me suis rendu compte que je
suis en train de jouer ma partie gratuite. Alors
réussissais à avoir de l’humour malgré ma
j’en profite.
situation. Se moquer de quelqu’un qui souffre, c’est intolérable. Mais lorsque l’on se
LFC : Ce qui nous a plu, c’est que l’on peut
moque de soi-même, tout est permis.
lire chaque chapitre de votre livre
D’ailleurs, mes enfants se moquent de moi
indépendamment.
sans arrêt ! (Rires) Une soignante a lu le livre et m’a demandé ce qui se cachait derrière cet
AA : Comme m’a dit une copine à moi, c’est un
humour. La réponse est : rien. C’est
bon livre pour les toilettes ! (Rires) J’ai pris cela
simplement ma manière de voir les choses.
comme un compliment.
LFC : Comment le vivez-vous ?
LFC : Vous abordez le thème du handicap dans ce livre. Était-ce important d’en parler ?
AA : Très bien. Un proverbe que j’aime beaucoup dit que lorsqu’il n’y a plus
AA : Très important. J’ai fait cela sans effort,
personne pour se moquer de vous, cela
sans réfléchir et de manière très naturelle.
signifie que vous êtes mort. LFC : Combien de temps avez-vous mis à LFC : Votre livre s’appelle Partie gratuite.
écrire ce livre ?
Pourquoi ? AA : J’ai mis dix-huit mois à l’écrire et autant de
109
AA : Je suis un enfant des années soixante qui
temps pour couper des passages. C’est une
a grandi avec des flippers. Parfois, vous
étape importante.
Je suis un enfant des années soixante qui a grandi avec des flippers. Parfois, vous perdiez votre boule et vous pensiez que votre partie est finie. Mais tout d’un coup, la bille resurgissait. C’est un peu ce qui E L I suis N A R I C en H A R D train S m’est arrivé, Sje de jouer ma partie gratuite. Alors j’en profite. LFC : À qui adressez-vous ce livre ?
sens que je commence à m’énerver pour des choses
AA : Je l’adresse aux gens qui m’ont aidé,
qui énervent tout le monde !
aux rencontres merveilleuses que j’ai faites,
(Rires) C’est plutôt bon
dont celle de mon compagnon de chambre
signe.
africain qui était avec moi pendant trois mois. J’ai d’ailleurs appris il y a peu de
LFC : Continuez-vous
temps qu’il eût fait son AVC le même jour
d’écrire ?
que moi. Je l’adresse aussi au personnel hospitalier qui, pour la plupart, ils ont une
AA : J’ai des projets pour les
vie extrêmement difficile. On sait qu’ils ne
soixante prochaines années
font pas cela pour l’argent. C’était
(Rires) La raison de mon AVC
important pour moi de retourner à l’hôpital
était un état de fatigue
pour leur offrir mon livre et leur dire merci.
conséquent. C’est pour cela
Ce n’est pas quelque chose qui arrive tous
qu’aujourd’hui je prends
les jours. Il faudrait que l’on arrive à bien
mon temps. Je n’écris plus la
soigner nos soignants.
nuit comme je le faisais. Je me dis que les idées seront
LFC : Comment allez-vous aujourd’hui ?
toujours là le lendemain à mon réveil. Je prends soin
AA : Comme disait l’excellent Docteur
de moi. Et je fais attention à
Coué, chaque jour de mieux en mieux. Je
mon hygiène de vie.
Je sens que je commence à m’énerver pour des choses qui énervent tout le monde ! (Rires) C’est plutôt bon signe. 110
LFC MAGAZINE
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#9
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MAI 2018
DANIEL PRÉVOST PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG - PHOTOS : CÉLINE NIESZAWER LEEXTRA
Un jour de Printemps 2018, nous avons rendez-vous avec l'humoriste et comédien Daniel Prévost dans un hôtel chic de la capitale pour une séance de photos exclusives et un SELINA RICHARDS entretien inédit au sujet de son nouveau livre "Tu ne sauras jamais combien je t'aime"(Cherche Midi Éditeur). Un échange touchant et surtout...sincère. Rencontre.
LFC : Daniel Prévost, votre livre s’intitule
LFC : Le public vous connaît pour votre joie,
Tu ne sauras jamais combien je t’aime
votre rire. Pourtant, dans ce livre, le lecteur
(Cherche Midi Éditeur). À quel moment
va faire connaissance avec un homme plus
avez-vous su que vous vouliez écrire ce
sombre et surtout très touchant. Vous parlez
livre ?
de la personne que vous aimiez le plus. Étaitce important pour vous ?
DP : Écrire a toujours été l’une de mes passions. Lorsque j’étais enfant, j’écrivais
DP : Ce sont des choses qui sont en vous et qui
déjà des poèmes en vers libres. Je suis de
murissent avec le temps. Je ne pense pas que
ceux qui ont grandi avec Jacques Prévert.
l’on puisse se débarrasser d’un deuil. Ce n’est
Il m’a beaucoup influencé. Petit à petit,
pas vrai. Je devais exhumer cela de moi.
l’envie d’écrire sérieusement m’est venue
Lorsque j’ai écrit ces mots, je n’ai pas voulu me
à l’âge de quarante ans environ. Je croyais
donner de contraintes. J’en avais tellement
que j’avais seulement une histoire à
marre de garder tout cela pour moi que je me
raconter, ce que j’ai fait dans le premier
suis lâché.
livre. Mais finalement quelqu’un m’a dit un jour que mon livre était bien. Et il espérait
LFC : C’est un récit autobiographique où
que j’en écrive un autre. Cela m’a fait
vous avez décidé de changer le nom des
réfléchir. Puis, j’ai commencé à en écrire
vraies personnes. Pourquoi ?
un deuxième, un troisième et aujourd’hui, c’est mon quinzième.
112
DP : Je sais que c’est de cette manière qu’il faut
fonctionner. Si on en décrit un moins bien qu’un autre, cela crée des difficultés, des conflits… C’est pour cela qu’il fallait changer les noms. C’était mieux. Les gens se reconnaîtront. LFC : Vous dites que ce sujet était en vous
SELINA
et que vous avez eu besoin de vous en libérer. Maintenant que c’est sorti, comment vous sentez-vous ?
DP : Pas bien. (Rires), Mais il fallait que je le
Ce sont des choses qui sont en vous et qui murissent avec le temps. Je ne pense pas que l’on puisse se débarrasser d’un deuil. Ce n’est pas vrai. Je devais exhumer cela de moi. Lorsque j’ai écrit ces mots, je n’ai RICHARDS pas voulu me donner de contraintes. J’en avais tellement marre de garder tout cela pour moi que je me suis lâché.
fasse. C’était un long chemin de croix. Je
tellement aimé lui dire que… Il y a une volonté
disais récemment que ma vie était faite
de construire une sorte de distance avec
d’aspérités et que ce livre n’en était qu’une
l’argument.
de plus. Je suis content que ce livre plaise aux gens et qu’il leur en fiche plein la figure.
LFC : Dans ce livre, vous n’endossez pas le bon rôle. Vous auriez pu vous magnifier,
LFC : Vous n’avez pas ménagé le lecteur,
mais ce n’est pas du tout le cas.
mais vous avez raison, car la vie est faite ainsi.
DP : Je suis quelqu’un de modeste. J’accepte que l’on me prenne pour un ringard ou pour un
DP : C’est la vérité. La chose la plus
génie. Vous pouvez d’ailleurs trouver sur
importante que je veux dire, c’est que j’ai été
internet un article de vingt pages titré Daniel
très sincère dans ce livre. Bien sûr, j’ai inventé
Prévost, génie ou ringard ? (Rires) Je suis
des choses, mais c’est le travail de l’écrivain. Il
content. Car au moins on parle de moi. Il y a
faut faire travailler son imagination. Ces
quelques années, peut-être que j’aurais réagi
situations qui sont décrites dans le livre
différemment. Mais là, je m’en fiche
touchent les gens, car certains d’entre eux les
complètement. Les gens m’aiment pour ce que
ont déjà vécus.
je représente. On peut décrire quelqu’un de façon méchante ou extraordinaire, c’est la vie,
LFC : Ce livre était-il un moyen de dire ce
c’est un immense bordel.
que vous n’avez pas pu dire à votre fils, par exemple ?
LFC : Ce qui ressort de ce livre, c’est votre sincérité.
DP : C’est un peu cela. Dans un livre, vous
114
parlez à une personne qui n’est plus là. Vous
DP : Je suis sincère et je le suis autant dans la
pouvez dire des choses comme j’aurais
débilité que dans l’intelligence profonde.
Je suis sincère et je le suis autant dans la débilité que dans l’intelligence profonde. SELINA
RICHARDS
LFC : Vous abordez plusieurs thèmes dans
DP : Lorsque j’ai publié mes
votre livre, notamment le fait de savoir si nous
livres précédents, j’en avais
pouvons aimer une seconde fois. Qu’en
vraiment l’envie. Aujourd’hui,
pensez-vous ?
j’ai pris de la distance, j’ai soixante-dix-huit ans, que
DP : Même si j’en parle, je n’ai pas la réponse. Je
voulez-vous qui m’arrive ? Ce
ne sais pas répondre aux choses ésotériques. Je
n’est pas la sensation du temps
sais simplement qu’il arrive des choses
qui passe, c’est simplement
épouvantables. Puis une main tendue. On ne
que j’assume ce que je dis.
peut pas l’expliquer, c’est de l’incohérence. LFC : Le livre parle de la mort, LFC : Le fait de le raconter était-il une façon de
mais aussi de la naissance.
déculpabiliser les gens ? DP : Absolument. À la fin du DP : Tout à fait. Je ne suis pas le seul à vivre ces
livre, je me pose la question de
situations.
savoir si je vais oublier ou non. Si j’oublie, cela signifie que
LFC : Pensez-vous que c’est un acte
j’aurais pardonné. Le reste est
courageux de publier et de partager ce livre
ouvert et c’est une autre
avec le public ?
histoire.
Lorsque j’ai publié mes livres précédents, j’en avais vraiment l’envie. Aujourd’hui, j’ai pris de la distance, j’ai soixante-dix-huit ans, que voulez-vous qui m’arrive ? Ce n’est pas la sensation du temps qui passe, c’est simplement que j’assume ce que je dis. 116
LFC MAGAZINE
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MAI 2018
HÉLOÏSE D'ORMESSON
PHOTOS EXCLUSIVES CHRISTOPHE ET INTERVIEW PAR MANGELLE
ET QUENTIN HAESSIG CÉLINE NIESZAWER LEEXTRA
LFC : Racontez-nous pour quelles raisons vous avez décidé de créer le Prix Jean d’Ormesson… HO : Mon père a dit : J’ai toujours défendu l’idée qu’il n’y a pas de devoir de culture et que la littérature est d’abord un plaisir. C’est
SELINA
sous ce signe que l’on a placé le Prix Jean
d’Ormesson, c’est un prix du bonheur de lire et du plaisir de découvrir de nouvelles lectures. Le jury de ce nouveau prix littéraire, placé sous le signe de l’amitié et de l’amour des livres , est présidé par Françoise d’Ormesson et onze autres personnes, dont cinq académiciens : Dominique Bona, Marc Fumaroli, Dany Laferrière, Erik Orsenna et
L'éditrice Héloïse d'Ormesson, fille de l'académicien Jean d'Ormesson décédé en décembre 2017, a annoncé en mars 2018 la création RICHARDS d'un nouveau prix littéraire baptisé "prix Jean d'Ormesson" qui sera décerné le 6 juin. Fin avril 2018, Héloïse d'Ormesson nous reçoit dans son bureau pour une séance de photos et un entretien inédit.
Jean-Marie Rouart. Ce cercle illustre toutes les facettes de la vie de mon père. C’est un
son coup de cœur. Ces derniers se sont révélés être
jury très atypique et très ouvert. Plus
des classiques méconnus pour la plupart. Les
confidentiellement, nous avons d’abord créé
classiques consacrés ou étudiés ne pouvaient pas
ce prix pour perpétuer la mémoire de mon
figurer dans cette liste. Nous voulions avant tout
père, mais également pour soutenir et aider
des classiques oubliés ou négligés. Voici la liste des
ma mère qui traverse une période très
douze livres sélectionnés : Tchinguiz Aitmatov,
difficile. Nous nous sommes dit que ce prix
Djamilia (Denoël, Folio), Jacques Stephen Alexis,
lui permettrait de retrouver mon père dans
L’Espace d’un cillement (Gallimard), L’imaginaire,
des circonstances beaucoup plus festives et
Jean-Paul Delfino, Les Pêcheurs d'étoiles (Le
joyeuses. En partant de ce principe, rien n’est
Passage), Gerald Durell, Ma famille et autres animaux
classique dans ce prix puisqu’il ne ressemble
(La Table ronde), Yasushi Inoue, Le Fusil de chasse
à aucun autre. On ne s’interdit rien.
(Stock, Le Livre de Poche), Patrick Leigh Fermor, Un temps pour se taire (Nevicata), Claudio Magris,
LFC : Comment avez-vous procédé pour le
Danube (Gallimard, Folio), Robert Margerit, Mont-
choix des livres ?
Dragon (La Table Ronde), Eric Newby, Un petit tour dans l'Hindu Kouch (Payot, Petite bibliothèque
118
HO : Nous sommes douze. Nous venons
Payot), Odile d’Oultremont, Les Déraisons
d’horizons très différents. Et nous sommes
(L’Observatoire), William Styron, La Proie des
des amoureux des livres. Pour la première
flammes (Gallimard, Folio), Gladys Huntington,
sélection, chaque membre du jury a choisi
Madame Solario (Les Belles Lettres).
H É L O Ï S E
D ' O R M E S S O N
LFC : Cinq livres de cette liste ont été retenus pour la deuxième sélection. Pouvez-vous nous les citer ? HO : Oui. Ces cinq livres sont : Gladys Huntington, Madame Solario (Les Belles Lettres), Tchinguiz Aitmatov, Djamilia (Denoël, Folio), Jacques Stephen
SELINA
Alexis, L’Espace d’un cillement (Gallimard), Gerald Durell, Ma famille et autres animaux (La Table ronde) et Danube de Claudio Magris (Gallimard,
L’idée de ce prix était la lecture bonheur et plaisir. Ce sont les deux maîtres-mots de ce prix. L’ambition est de faire découvrir des livres aux lecteurs et de leur offrir un bouquet de livres. R IComme C H A R D S dans un bouquet, il y a des fleurs qui sont plus capiteuses et d’autres, un peu plus rares. Il n’y a aucune fleur plus belle que les autres.
Folio). Le prix sera remis le 6 juin 2018 au
LFC : La période estivale est-elle pour vous le
Centre National du Livre. Nous avons eu
meilleur moment pour les lecteurs d’avoir le
l’idée de ce prix assez rapidement après la
temps de lire ?
mort de mon père. Et lorsque nous nous sommes réunis la première fois, nous ne
HO : Exactement. L’idée de ce prix était la
savions pas vraiment ce que nous
lecture bonheur et plaisir. Ce sont les deux
voulions faire. Les enjeux et l’ambition de
maîtres-mots de ce prix. L’ambition est de faire
ce prix, ont été déterminés au fil de l’eau.
découvrir des livres aux lecteurs et de leur offrir
Après l’annonce de cette première liste, je
un bouquet de livres. Comme dans un
me suis rendu compte que finalement, ce
bouquet, il y a des fleurs qui sont plus
que l’on retient, c’est que mon père était
capiteuses et d’autres, un peu plus rares. Il n’y a
un découvreur, quelqu’un de très curieux.
aucune fleur plus belle que les autres.
Il aimait partager ses coups de cœur et ses plaisirs de lecture qui allait de Pascal à
LFC : Vous considérez qu’il est nécessaire de
Montaigne en passant par Jeanne Hersch.
travailler avec les libraires, comme vous
Si on arrive à faire rayonner ce prix comme
venez de nous le dire. Pouvez-vous
nous le souhaitons, je suis sûre que les
développer ?
libraires joueront le jeu. Dans cette
120
démarche, être lauréat de ce prix, c’est
HO : Le but est de s’inscrire dans la durée. Dans
très bien. Mais je pense que faire partie de
dix ans, lorsque l’on se retournera sur les
la sélection est tout aussi important. Cela
différentes éditions du prix, il y aura de très
permet aux lecteurs d’avoir le choix entre
grands livres, c’est certain. Mais à titre
cinq livres très bons et très différents.
personnel, étant tourné plus vers le métier du
Certains sont résistants et pointus.
livre, le travail avec les libraires est quelque
D’autres sont plus accessibles et
chose de très important. Comme ce prix a peu
divertissants.
de chance d’être attribué à un auteur vivant,
Nous avons tous découvert des ouvrages. Tous ces livres sont des plaisirs de lecture. Et c’est tout l’objectif de ce prix : faire découvrir aux S E L I Ndes A R I C Hlivres ARDS lecteurs. Et aux auteurs ! nous nous sommes dit que la dotation pourrait
libraires très riche et cela est très appréciable.
être des affiches ou du matériel que l’on offrira aux libraires afin de promouvoir les livres de la
LFC : Le résultat sera donné le 6 juin 2018.
dernière sélection.
Même si le gagnant n’est pas le plus important, comment allez-vous mettre le
LFC : Avec l’idée de ce prix, vous offrez une
livre en avant ?
seconde chance pour le livre dans une période où les livres sont parfois noyés parmi
HO : Maintenant que la liste est réduite, nous
les nouveautés…
sommes déjà en contact avec les éditeurs afin qu’ils s’engagent à remettre le livre en avant
HO : Une nouveauté chasse l’autre en effet.
grâce à un bandeau. Nous nous sommes dit
Aussi bien pour les libraires que pour les
que si le livre était disponible en version
éditeurs ou les journalistes. Nous sommes
poche. Nous privilégierons cette version, car
nombreux à vouloir que des livres importants
elle est plus accessible. C’est pour cela que
demeurent, qu’ils soient visibles le plus
nous avons plus approché des éditeurs
possible, mais la réalité du marché, c’est que
comme Folio ou Le Livre de Poche.
cela ne se passe pas ainsi. Il est important de dire que tous les livres de la sélection sont
LFC : Ce prix a-t-il permis aux membres du
disponibles. Nous avons été obligés d’en retirer
jury de découvrir des livres ?
certains de la première sélection, car ils n’étaient plus publiés. Cependant, cela ne nous
HO : Absolument. Nous avons tous découvert
empêchera pas de faire les démarches auprès
des ouvrages. Tous ces livres sont des plaisirs
des éditeurs pour les rééditions. Ces livres,
de lecture. Et c’est tout l’objectif de ce prix :
nous les avons quand même assez facilement
faire découvrir des livres aux lecteurs. Et aux
trouvés, ce qui est une bonne surprise et
auteurs !
quelque chose de réjouissant vis-à-vis des libraires français. Nous avons un réseau de
122
NATACHA CALESTRÉMÉ
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FAURE LEEXTRA
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MAI 2018
Journaliste et réalisatrice d'une trentaine de documentaires sur le thème de la santé et de l’environnement, Natacha Calestrémé a publié plusieurs essais et trois thrillers psychologiques "Le Testament des abeilles", "Le Voile des apparences" et "Les Racines du SELINA RICHARDS sang" aux éditions Albin Michel. Aujourd'hui, elle nous présente son nouveau roman "Les blessures du silence", un livre comme une évidence pour la romancière. Séance de photos avec Julien Faure et échange chargé d'émotion avec Christophe Mangelle. LFC : Nous nous rencontrons pour la
NC : Je suis très attachée à lui. C’est un
sortie de votre livre Les blessures du
personnage qui a une histoire. Au fil de mes
silence aux Éditions Albin Michel. Il est
livres, on apprend différentes choses sur sa vie
écrit que c’est un roman même s’il y a
privée et également sur sa vie amoureuse qui a
certains codes qui appartiennent au
commencé avec Le testament des abeilles.
thriller. Avez-vous eu une discussion
Dans Les blessures du silence, son histoire
avec votre éditeur pour le choix du
d’amour prend une tournure plutôt positive.
genre ?
C’est mon personnage chouchou que j’ai toujours plaisir à retrouver. C’est quelqu’un qui
NC : Nous nous sommes interrogés en
m’aide beaucoup dans mon écriture.
effet. Finalement, Francis Esménard, le patron des Éditions Albin Michel, a tranché
LFC : On découvre un pan différent à chaque
pour que ce soit un roman, bien qu’il y ait
aventure. Est-ce voulu de votre part ?
une enquête et une disparition. Mais vous savez, aux Éditions Albin Michel, même
NC : Effectivement. Sur le plan personnel, le
lorsque c’est un thriller, il est indiqué
héros évolue à chaque livre. Mais chaque
roman sur la couverture du livre.
roman fait l’objet d’une thématique que je développe. Je suis journaliste, ce qui signifie
124
LFC : On retrouve le Major Clivel dans
que j’approfondis beaucoup les domaines sur
cette nouvelle histoire. Pourquoi tenez-
lesquels je travaille. Sur celui-ci dont les thèmes
vous autant à ce personnage ?
sont le harcèlement conjugal, l’emprise et la
peur d’une vengeance. Après avoir étudié le
Chacun de mes livres doit apporter une aide aux lecteurs même si c’est subtil. "Les blessures du silence" a RICHARDS encore plus de sens par rapport aux précédents.
sujet, je me suis rendu compte que ce n’était
un polar ou une histoire. Ce qui est important,
aucun de ces phénomènes.
c’est le sens que j’y mets. Chacun de mes livres
manipulation. J’ai été impliqué, car une de mes amies proches en est morte. Pour ce livre, j’ai passé plusieurs années à faire des recherches sur la question. Et surtout, je me suis demandé pourquoi je n’ai pas pu l’aider, pourquoi je suis tombée dans tous les pièges dans lesquels tombe l’entourage. Lorsque
SELINA
l’on voit les souffrances, on ne les comprend pas. On traite les gens de faibles. On se dit que finalement elles sont un peu
masochistes. On se dit aussi qu’ils restent par
doit apporter une aide aux lecteurs même si LFC : Quels types de recherches avez-vous
c’est subtil. Les blessures du silence a encore
faites ?
plus de sens par rapport aux précédents. Les Éditions Albin Michel ont décidé que ce livre
NC : J’ai lu beaucoup de rapports médicaux
devait se positionner comme un polar
et psychologiques. Pour ceux qui me
guérisseur. Je n’ai pas pu aider mon amie dont
connaissent un peu mieux, j’ai réalisé des
j’étais très proche. Mais j’espère que ce livre
Enquêtes extraordinaires sur M6. Cela fait
pourra aider d’autres personnes. Ce livre pose
quinze ans que je travaille sur ce que ne nous
des mots sur un fléau invisible qui est au cœur
explique pas la science. Je me suis
de notre société.
rapprochée aussi de médiums et de guérisseurs pour essayer de comprendre
LFC : Vous parlez avec beaucoup de détails
pourquoi les personnes n‘arrivent jamais à
et de précisions des pervers narcissiques.
partir. J’avais besoin de savoir précisément ce
Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
qui pouvait expliquer cela et ce qui pouvait me permettre de comprendre mes erreurs.
NC : Généralement, ce sont des personnes qui appartiennent à une catégorie sociale élevée.
LFC : Avec ce livre et en tant que
Ce sont des gens qui prennent soin des autres
romancière, vous avez décidé de rentrer
comme des médecins, des journalistes, des
dans un mécanisme que vous n’avez pas
professeurs… Nous n’attendons pas de ces
réussi à comprendre dans la réalité ?
gens qu’ils se comportent de cette manière. Le plus souvent, l’entourage va remettre la faute
125
NC : Mes livres ont toujours un objectif.
sur la victime et pas sur le pervers narcissique.
Jamais je n’écrirais de livre juste pour écrire
C’est une double injustice. Ce livre a pour
L’âme véhicule l’estime de soi, la lumière, la façon de penser et tout cela est pris par le pervers narcissique. La raison pour laquelle la personne ne part pas, c’est tout simplement, car la personne en S face de vous a quelque ELINA RICHARDS chose qui vous appartient. mission d’expliquer ce processus
NC : Sans coups et sans élever la voix.
d’emprise qui est diabolique. Je le décris,
C’est terrible. Le pervers narcissique va
petit à petit. Le pervers souffle le chaud et
avoir une attitude différente par rapport
le froid. Il isole la personne de ses proches.
aux gens qu’il a autour de lui. Il est
Il enlève de l’autonomie financière. Il
insoupçonnable. La question
critique son travail, l’humilie. Puis, il y a
fondamentale que je me suis posée avant
ensuite des injonctions paradoxales où il
d’écrire ce livre, c’était de savoir pourquoi
donne deux informations contradictoires
les personnes ne partaient pas. Je vais
où vous ne savez plus quoi faire. Le silence
vous donner un exemple. Imaginons que
est une arme pour eux. Cette situation
vous êtes amputé d’un bras à cause d’un
d’inconfort met les personnes touchées en
accident. Le corps va créer des
situation de stress. Un des critères pour
endorphines pour éviter que vous
l’entourage, c’est le syndrome post-
souffriez pendant une heure, car c’est un
traumatique. On peut dire tout ce que l’on
accident qui est très brutal. Il faut créer
veut. Seulement le corps ne ment pas.
des choses positives. Dans le cas de
Quand le pervers narcissique remarque
violences psychologiques et mentales,
qu’il est allé trop loin, il y a une période où il
c’est exactement la même chose. Il y a
va s’excuser et où parfois même, il peut y
une partie de nous, de notre mental qui va
avoir des chantages au suicide. Et
s’échapper pour se protéger, comme si
finalement, dès que la personne s’est
vous perdiez une partie de votre âme.
relâchée, la sanction est encore plus lourde
L’âme véhicule l’estime de soi, la lumière,
par la suite.
la façon de penser et tout cela est pris par le pervers narcissique. La raison pour
127
LFC : On remarque une chose dans tout
laquelle la personne ne part pas, c’est tout
ce que vous venez de nous dire, c’est que
simplement, car la personne en face de
tout cela peut se faire sans coups.
vous a quelque chose qui vous appartient.
LFC : Ce n’est donc pas simplement une
mettre de la distance avec cette expérience
histoire de faiblesses… Comme certains
personnelle ?
peuvent le penser… NC : Je suis professeure de scénario à la Cité du NC : Ces personnes ne peuvent pas partir
Cinéma. Les scénarios sont capitaux pour moi.
d’elles-mêmes. Très souvent, la manipulation
Savoir raconter une histoire, c’est très important.
et la perversion sont des choses qui sont
SELINA arrivées durant la période de l’enfance. Le
J’aurais très bien pu écrire un guide manuel sur
RI CHARDS comment sortir de l’emprise, mais ce n’était pas
pervers, inconsciemment, va comprendre
mon objectif. Raconter des histoires, c’est tout ce
qu’il va pouvoir vous manipuler. C’est pour
que j’aime. J’ai aussi la chance d’avoir pu
cela qu’il tombe amoureux de vous, qu’il va
rencontrer certains gendarmes lors d’un salon du
chercher dans l’autre ce qu’il lui manque. Il se
livre où ils avaient construit une scène de crime. En
sent bien lorsqu’il a complètement détruit
parlant avec eux, je leur disais que j’avais des
l’autre.
difficultés dans l’écriture de mon livre Les blessures du silence où il y a une scène dans laquelle je
LFC : Ce qui est plus compliqué, c’est que le
cherchais un retournement de situation que je ne
pervers n’est pas conscient de tout cela.
trouvais pas. Ils m’ont dit que grâce à un procédé, ils avaient réussi à remonter dans le temps pour
NC : Exactement. Il ne se soignera jamais et il
trouver de nouveaux indices dans une de leurs
ne peut pas se remettre en question. Ce sont
enquêtes. J’ai utilisé cette technique dans le
les victimes qui se remettent en question. À
roman, mais je ne vous en dirais pas plus ! (Rires)
partir du moment où vous vous posez la question, cela signifie que vous n’êtes pas
LFC : Vous avez dit que ce livre était fait aussi
fautif.
pour faire du bien aux gens.
LFC : Au-delà de tout ce dont nous avons
NC : Lorsque l’on est sous l’emprise de quelqu’un,
parlé, c’est un livre très divertissant. Il est
très souvent on ne le sait pas. Une dame m’a dit
important de le dire à nos lecteurs.
qu’elle savait qu’elle était sous l’emprise de sa mère et de son premier mari. Et elle venait juste de
NC : Vous avez raison. Même si l’on n’est pas
découvrir qu’elle était sous l’emprise de son
concerné par ce thème, c’est un livre
conjoint actuel. Elle ne l’avait pas découvert alors
passionnant avec beaucoup de suspense.
qu’elle avait vécu cette expérience par le passé.
Certains liront ce livre avec plus de
Parfois, trop d’amour peut faire des ravages. J’ai
profondeur, tandis que d’autres le liront avec
également des personnes qui m’ont dit qu’ils
plus de légèreté. C’est tout ce que je
allaient l’offrir à leurs amis afin qu’ils comprennent
souhaitais en l’écrivant.
ce qu’ils vivent et qu’ils voient qu’ils ne sont pas nuls. La plupart des victimes sont des gens brillants
LFC : Comment êtes-vous parvenue à 128
avec du caractère. C’est un livre à part pour moi.
N A T A C H A
C A L E S T R É M É -
L F C
M A G A Z I N E
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MAI 2018
A.J. FINN
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : ARNAUD MEYER LEEXTRA
A. J. Finn, de son vrai nom Daniel Mallory, est journaliste, auteur et aussi éditeur. Cette année, avec son premier roman "La femme à la fenêtre", il a fait une entrée fracassante dans le monde du thriller avec 1 million d'exemplaires vendus aux États-Unis. Traduit dans plus de trente-huit pays en un temps SELINA RICHARDS record, "La Femme à la fenêtre" s'annonce comme le phénomène éditorial de 2018. La Fox est déjà en train de l'adapter pour le grand écran avec Amy Adams dans le rôle principal. Rencontre à Paris avec A.J. Fin pour une séance de photos exclusives à l'hôtel de l'Abbaye et un entretien inédit. LFC : Nous sommes ravis de vous
du succès. Vous savez, c’est pareil pour
rencontrer pour parler de votre livre La
Cinquante nuances de Grey ou La fille du train,
femme à la fenêtre (Presses de la Cité).
c’est le genre de chose impossible à prédire. Je
Comment est-il né ?
suis très heureux que le livre marche dans le monde entier.
AJF : J’ai travaillé dans le milieu de l’édition pendant près de dix ans. J’étais spécialisé
LFC : Dans La femme à la fenêtre, vous partez
dans l’édition de thrillers très précisément.
d’une idée très simple : votre héroïne est
J’ai vu passer les livres de J.K. Rowling,
témoin d’un crime, mais elle ne sait pas
Dennis Lehane ou Agatha Christie, et j’ai
comment convaincre la police, car elle doute
appris comment construire une histoire. Cela
de ce qu’elle a vu. Et pourtant, malgré une
faisait longtemps que je voulais passer à
idée peu originale, vous avez réussi à faire de
l’écriture. Seulement, je ne savais pas
ce livre quelque chose d’inédit.
comment m’y prendre. AJF : J’ai écrit ce livre en hommage à Alfred LFC : Votre livre rencontre un franc succès
Hitchcock et au film Fenêtre sur cour qui est
dans le monde entier. Comment
l’un de mes films préférés. Hitchcock a la
expliquez-vous ce succès ?
particularité de placer ses intrigues dans des huis clos. C’est ce que j’ai voulu faire. Mais je
131
AJF : Malheureusement, je ne saurais pas
me suis aperçu très vite que c’était très
vous l’expliquer. Je ne connais pas la recette
compliqué. C’est quelque chose qui demande
beaucoup d’ingéniosité, car il ne faut pas lasser le lecteur. C’est vrai que le pitch de Fenêtre sur cour a déjà été utilisé maintes fois. Mais tout dépend de la manière personnelle de raconter l’histoire. LFC : Vous vous êtes inspiré d’une
SELINA
douloureuse expérience, car c’est à la
suite d’un burn-out que vous avez inventé le personnage d’Anna. Racontez-nous. AJF : C’est de là que tout est parti.
J’ai écrit ce livre en hommage à Alfred Hitchcock et au film "Fenêtre sur cour" qui est l’un de mes films Rpréférés. ICHARDS Hitchcock a la particularité de placer ses intrigues dans des huis clos.
Cependant, je ne voulais pas explorer ce que j’avais subi. Et je ne voulais pas écrire
LFC : Avez-vous fait beaucoup de
un livre sur la dépression. Ce que j’aime
recherches pour ce livre ?
dans les polars, c’est le fait qu’une histoire puisse être expérimentée de plusieurs
AJF : J’ai eu la chance d’étudier à Oxford, je
façons. Par exemple, Gone Girl de Gillian
savais de quoi je parlais. Au départ, je savais
Flynn a un côté très provocateur, c’est le
que je voulais écrire. Mais je n’avais pas
genre de livre que j’aime lire. J’ai aussi
d’histoire à raconter. Ce que j’ai appris durant
beaucoup travaillé sur les personnages. J’y
toutes ces années, c’est qu’il est très important
ai mis de moi à l’intérieur. Quand vous lisez,
d’être authentique et honnête lorsque vous
vous devez vous sentir en empathie avec
êtes écrivain. J’ai attendu mon heure. Et elle
eux.
est venue.
LFC : Le sentiment qui prédomine dans ce
LFC : Comment vivez-vous ce succès ?
livre est l’honnêteté. Êtes-vous d’accord ? AJF : J’aimerais avoir écrit ce livre plus tôt ! AJF : Oui, c’est vrai et merci de le souligner.
(Rires) La première chose que je voulais en me
On me pose souvent une question très
lançant dans ce projet, c’était d’écrire le mot
ennuyante en me disant que mon livre est
The end. Juste cette étape aurait été un
une suite de Gone girl ou de La fille du train.
accomplissement majeur. À vrai dire, je ne
Beaucoup de livres sont des copies, mais
pensais même pas que ce livre allait être
pas le mien. Certains écrivains se servent
publié. Le fait d’avoir travaillé dans l’édition
d’un livre à succès pour en faire une
m’a beaucoup aidé.
imitation. Gone Girl a influencé beaucoup
132
d’auteurs, tout comme Le silence des
LFC : Comment votre travail d’éditeur a-t-il
agneaux l’avait fait à l’époque.
influencé votre écriture ?
A J
L F C
F I N N
M A G A Z I N E
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Je suis très heureux. Le roman sera adapté par le réalisateur Joe Wright qui vient tout juste de réaliser le film "Les Heures sombres" avec Gary Oldman dans le rôle de Winston Churchill. Je ne peux pas encore rien vous dire pour le rôle d’Anna*, mais aux dernières nouvelles, le studio a choisi Smon premier avis. C’est un ELINA RICHARDS grand privilège et une grande chance. AJF : Je crois que désormais je serai moins
droits. D’ailleurs, c’est la même chose pour le cinéma, je fais
sympathique avec les auteurs. (Rires)
entièrement confiance au studio. Chacun son rôle pour que
Certains ne se rendent pas compte de la
le projet marche au mieux.
chance qu’ils ont d’avoir une équipe autour d’eux. Ils sont souvent en train de se
LFC : Ce livre a-t-il changé votre vie ?
plaindre. Et je ne comprends pas pourquoi. J’ai travaillé dix ans dans l’édition et je
AJF : Oui, j’ai gagné ma liberté et j’ai gagné beaucoup
crois qu’ils n'ont pas conscience à quel
d’argent ! (Rires) Cinq jours avant la sortie du livre, j’ai arrêté
point un livre peut être puissant. En tant
mon métier d’éditeur. Je peux désormais vivre de ce que
qu’auteur, vous ne pouvez pas dire à votre
j’aime faire. C’est un grand privilège de promouvoir ce livre.
éditeur que vous voulez toucher seulement un petit cercle de lecteurs. C’est
LFC : Travaillez-vous sur d’autres projets ?
irrespectueux pour tous les gens qui sont autour de vous. Le marché du livre est un
AJF : Je suis dans l’écriture de mon deuxième livre. Ce sera
business. Et il faut respecter cela. Prenez
un thriller. Mais cette fois-ci, ce ne sera pas un huis clos. Je
l’exemple du film Call me by your name qui
ne peux pas vous en dire plus pour le moment.
est adapté d’un livre, c’est un vrai chefd’œuvre qui a eu un succès mondial.
LFC : Vous nous l’avez confié, les droits ont été achetés par la FOX. Quel est votre sentiment ?
LFC : Aviez-vous cela en tête dès le départ ?
AJF : Je suis très heureux. Il sera adapté par le réalisateur Joe Wright qui vient tout juste de réaliser le film Les Heures
AJF : Bien sûr. Lorsque le livre est sorti, je
sombres avec Gary Oldman dans le rôle de Winston
voulais qu’il y ait un maximum de
Churchill. Je ne peux pas encore rien vous dire pour le rôle
personnes qui puissent le lire, dans le
d’Anna*, mais aux dernières nouvelles, le studio a choisi
monde entier. La cerise sur le gâteau, bien
mon premier avis. C’est un grand privilège et une grande
sûr, c’est que la FOX en ait acquis les
chance. * La comédienne Amy Adams jouera le rôle d’Anna.
134
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KARIN SLAUGHTER
PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : PATRICE NORMAND LEEXTRA
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
Avril 2018, nous avons rendez-vous dans la suite d'un palace parisien avec Karin Slaughter, N°1 sur les listes internationales de best-sellers, l’un des auteurs les plus populaires et les plus plébiscités dans le monde. Publiée en 36 langues et vendue à SELINA RICHARDS plus de 35 millions d’exemplaires, elle est l’auteur de 16 romans, parmi lesquels figurent les séries Grant County et Will Trent. Maquillage, photos, entretien inédit pour nous parler de son nouveau roman "Une fille modèle" (Harper Collins) en librairie depuis mars 2018. LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie
continuent d’exister. C’est vrai, elle est encore
de votre livre Une fille modèle (Harper
très présente dans mon esprit. Pour les
Collins). Comment est née cette histoire ?
personnages de Sam et Charlie, je voulais montrer que la perte d’une mère laissait une
KS : Je souhaitais écrire une histoire à propos
empreinte forte, y compris plus tard dans leur
d’une famille et plus précisément d’une mère
vie.
et de ces deux filles. Ces deux filles sont définies par la relation qu’elles entretiennent
LFC : Pour quelles raisons les lecteurs
avec leur mère. Ce livre parle de leur vie après
français devraient-ils lire ce roman ?
la mort de leur mère. KS : Car les Français sont des personnes très LFC : Pourquoi avoir choisi cette relation
intelligentes et très séduisantes. (Rires) La
entre une mère et ses enfants ?
plupart des lecteurs aiment la psychologie d’un thriller et aiment comprendre ce qui motive les
137
KS : Le personnage de la mère ressemble
gens qui sont différents d’eux. Cela permet
beaucoup à l’une de mes professeurs
également d’espérer que certaines épreuves ne
d’anglais lorsque j’avais douze ans. Je suis
nous arrivent pas dans notre propre vie. Un bon
restée très proche d’elle toute ma vie. Elle est
roman peut vous donner une compréhension
devenue une sorte de mentor et m’a
plus ample de la condition humaine. C’est ce
beaucoup inspiré. Elle est décédée d’un
que j’essaye de faire dans mes livres. Je ne veux
cancer il y a quelques années. Un ami m’a dit :
pas seulement vous montrer qui sont les gens,
lorsque quelqu’un décède, les relations
mais plutôt pourquoi ils sont de cette façon
et pourquoi ils prennent ces décisions. LFC : Comment faites-vous pour être au plus près de la psychologie de vos personnages ? Enquêtez-vous ? Faitesvous des recherches ?
SELINA KS : Chaque livre est différent. Premièrement, j’ai rencontré beaucoup d’avocats. La formation d’avocat donne une perception beaucoup plus poussée que celle que nous avons en tant que personne lambda. Les
Un bon roman peut vous donner une compréhension plus ample de la condition humaine. C’est ce que j’essaye de faire dans mes livres. Je ne veux pas R I C seulement HARDS vous montrer qui sont les gens, mais plutôt pourquoi ils sont de cette façon et pourquoi ils prennent ces décisions.
avocats américains ont une particularité, c’est
situations, je veux montrer aux lecteurs que l’on
qu’ils se demandent toujours pourquoi en
peut toujours s’en sortir.
premier lieu. Ils veulent comprendre et protéger les gens. Deuxièmement, je suis
LFC : Quels conseils donneriez-vous à de jeunes
sœur d’une fratrie et je suis très au fait des
auteurs qui souhaiteraient se lancer dans
histoires familiales. Une sœur est la personne
l’écriture ?
que vous aimez et que vous détestez le plus au monde.
KS : Il faut tout d’abord comprendre ce que le succès signifie. Si la notion de succès est celle
LFC : Vos livres ont la particularité de se lire
d’être numéro un des ventes, vous n’y arriverez
très vite. Est-ce votre manière
pas. Si la notion de succès est celle d’être fier de
d’accompagner au mieux les lecteurs ?
ce que l’on a écrit, alors il y a une possibilité de réussir. Puisque cette réussite est entièrement
KS : Je relis plusieurs fois mes romans. La
entre vos mains. Personnellement, si je me rends
première lecture n’a souvent pas beaucoup
compte que les objectifs que je me fixe ne sont
de sens. La deuxième lecture est faite pour
pas réalistes, alors je vais sombrer dans une
lire les intrigues du point de vue de mes
déprime. Je veux toujours écrire le meilleur livre
personnages. Je vérifie que tout a un sens et
possible.
une continuité. Je m’assure également que la
138
tension dramatique soit toujours présente. Un
LFC : Vous avez beaucoup de succès dans le
bon livre est une sorte de grand huit. Même
monde entier. Ce succès vous donne-t-il une
quand j’aborde des sujets très sombres, je
certaine liberté pour continuer d’écrire ou au
m’arrange toujours pour que ces moments
contraire complique-t-il, car les lecteurs
soient toujours suivis par des moments de
s’attendent à ce que vous écriviez toujours la
lumière et d’espoir. Quelles que soient les
même chose ?
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J’ai monté une association caritative qui s’occupe de lever des fonds pour aider les bibliothèques. Ils montent des programmes de lectures pour les enfants, des séances de lectures après l’école. Beaucoup de bibliothèques pâtissent du manque d’investissement du gouvernement fédéral et local. De ce fait, certaines ne peuvent ouvrir que trois heures par jour. Nous essayons de les financer S E L I N A plus R I C Hlongtemps. ARDS pour qu’elles ouvrent C’est un long travail, mais c’est une très belle aventure. KS : Je n’écris pas toujours la même chose. D’un
KS : J’ai monté une association caritative qui
côté il y a mes séries et de l’autre côté il y a des
s’occupe de lever des fonds pour aider les
livres plus indépendants. Si l’on prend Une fille
bibliothèques. Ils montent des programmes de
modèle et mon prochain livre qui va sortir aux
lectures pour les enfants, des séances de
États-Unis, les intrigues sont très différentes. Le
lectures après l’école. Beaucoup de
rythme, les éléments de l’enquête,
bibliothèques pâtissent du manque
l’environnement ne sont pas les mêmes. J’ai la
d’investissement du gouvernement fédéral et
chance d’avoir un éditeur qui me soutient. Et ce
local. De ce fait, certaines ne peuvent ouvrir
n’est pas seulement parce que je vends beaucoup
que trois heures par jour. Nous essayons de
de livres. Aujourd’hui, je pourrais arrêter ma
les financer pour qu’elles ouvrent plus
carrière d’écrivain. Mais j’aime ce que m’apprend
longtemps. C’est un long travail, mais c’est
l’écriture. À chaque livre, je veux faire mieux.
une très belle aventure.
LFC : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur
LFC : Que représentent les bibliothèques
le prochain livre qui va sortir aux États-Unis ?
pour vous ?
KS : Dans Une fille modèle et le précédent, j’ai écrit
KS : Quand j’étais jeune, les bibliothèques
sur la relation d’un père avec sa fille. Dans le
étaient des endroits où l’on pouvait se
prochain, je souhaitais écrire sur la relation entre
retrouver seul en tête à tête avec une histoire.
une mère et sa fille. C’est l’histoire d’une femme
Je suis la plus jeune de la famille et parfois
trentenaire qui a du mal à démarrer dans la vie aux
mes sœurs ne voulaient pas jouer avec moi,
États-Unis à cause de sa situation. Elle se rend
alors je décidais d’aller à la bibliothèque.
compte que sa mère a un secret et se lance dans
C’était un lieu de refuge et de découverte. En
une enquête pour découvrir qui elle est
grandissant, je me suis rendu compte que tout
véritablement.
ce qui me passionnait venait de ces moments passés à la bibliothèque. Il était donc
140
LFC : Pouvez-vous nous parler de votre
important pour moi de renvoyer l’ascenseur en
investissement dans les bibliothèques aux
essayant de favoriser le bourgeonnement et la
États-Unis ?
naissance de nouveaux auteurs.
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MAI 2018
DANIEL COLE
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : CÉLINE NIESZAWER LEEXTRA
Avril 2018, nous rencontrons Daniel Cole à Paris chez son éditeur, Place d'Italie. Auteur du best-seller "Ragdoll", notre coup de cœur de l'été dernier (2017), le romancier nous fait S E L I Nl'honneur A R I C H A R D Sde nous parler de "L'appât", un page turner encore plus efficace. La barre était déjà haute avec "Ragdoll". Avec "L'appât", c'est un cran au-dessus. Indispensable ! LFC : Vous êtes l’auteur de Ragdoll, notre
LFC : Ce métier d’ambulancier a-t-il
coup de cœur de l’été 2017. L’idée de
influencé votre travail d’écrivain ?
départ du livre : c’est que la police découvre un cadavre recomposé à partir de
DC : Je crois que cela m’a beaucoup influencé.
six victimes démembrées et assemblées
Je n’ai jamais vu de choses aussi horribles de
par des points de suture. Comment cette
ma vie. Tous les jours, vous développez votre
idée assez loufoque est-elle née dans votre
sens de l’observation et cela devient une sorte
tête ?
de mécanisme. Vous passez du rire aux larmes sans jamais savoir à quoi vous attendre. Cette
DC : C’est vrai que l’idée était assez folle. Mais
expérience a été longue et difficile.
j’aimais cela. C’est une manière assez choquante de commencer le roman, je
LFC : On le sent dans le livre, il y a un côté
l’avoue, mais dès les premières pages, je
très humain. Notamment à travers vos
souhaitais capter l’attention de mes lecteurs.
personnages.
LFC : Nous avons lu que vous avez été
DC : Dans un livre, je pense que les
ambulancier pendant plusieurs années.
personnages sont le squelette de l’histoire.
L’êtes-vous toujours ?
Peu importe si vous avez la meilleure intrigue qui soit, si vos personnages ne sont pas bien
143
DC : Oui c’est vrai, j’ai été ambulancier
construits, cela ne fonctionne pas. Dès le
pendant quelques années, mais je ne le suis
début, j’ai travaillé sur leur physionomie et
plus depuis cinq ans. Désormais, je me
leurs traits de caractère. J’aimais le fait qu’il y
consacre entièrement à l’écriture.
en ait beaucoup afin que l’on puisse les suivre
tout au long de l’histoire. LFC : Des influences cinématographiques nourrissent Ragdoll… Ce roman nous rappelle un film…
SELINA
DC : Je suppose que vous parlez du film Seven de David Fincher. C’est vrai que ce film s’en rapproche. C’était une de mes
J’ai été ambulancier pendant quelques années, mais je ne le suis plus depuis cinq Rans. I C H A R DDésormais, S je me consacre entièrement à l’écriture.
influences majeures. Si je devais définir mon livre, je dirais que c’est Seven, mais en plus marrant. (Rires)
J’ai changé quelques perspectives par rapport au premier livre, c’était important
LFC : Comme vous nous l’avez dit, vous
pour moi. Cependant, je ne voulais pas
avez été ambulancier. Vous avez
tout changer en créant de nouveaux
également été sauveteur en mer pour la
personnages. Baxter est inspirée de ma
National Lifeboat Institution. Bref, vous
petite sœur. C’est une fille très drôle,
êtes au service des gens, seulement dans
parfois impolie, mais qui me fait
votre livre… Vous aimez les tuer ! (Rires)
énormément rire avec son franc-parler. C’est une personne incroyable.
DC : Je me suis déjà demandé d’où me venaient ces idées macabres. En cherchant
LFC : Est-ce un hommage ou une
bien, je crois que cela vient de ma jeunesse.
vengeance vis-à-vis de votre sœur ?
Avec mon meilleur ami, nous allions très souvent au cinéma et nous regardions tous
DC : Un peu des deux ! (Rires) Elle a lu le
les films les plus horribles.
livre et elle est très fière de savoir qu’elle m’a inspiré ce personnage. Elle ne m’en
LFC : Dans votre nouveau livre L’appât, on
veut en aucun cas.
retrouve le personnage de Baxter,
144
inspecteur principale, dans une nouvelle
LFC : L’appât est-il une suite logique de
enquête.
Ragdoll ?
DC : Pour moi, Baxter a toujours été le
DC : J’aime l’idée de conséquences. Je
personnage principal de mes livres, même
ne voulais pas tout recommencer à zéro.
s’il y avait l’inspecteur Wolf dans Ragdoll.
C’était important qu’il y ait des références
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au premier tome. J’ai voulu faire évoluer mes personnages de manière naturelle. LFC : Dans ce deuxième livre, la pièce découvre le corps de William Fawkes
SELINA en dessous du pont de Brooklyn avec un mot gravé sur ton torse mutilé : L’appât. D’où vous vient cette idée ? DC : C’est difficile de vous dire dire d’où cette idée m’est venue. J’aime l’idée des meurtres où l’on pense qu’il s’agit d’un suicide. Dans cette histoire, l’inspecteur est mort et la police n’a aucune idée de ce qui a pu se passer. C’est un bon début d’histoire, n’est-ce pas ? LFC : Il y a beaucoup d’action dans ce
Baxter est inspirée de ma petite sœur. RICHARDS C’est une fille très drôle, parfois impolie, mais qui me fait énormément rire avec son francparler. C’est une personne incroyable.
livre, votre style est dynamique. Estce important pour vous d’écrire de cette manière ? DC : C’est la problématique d’écrire une suite. Il ne faut pas tomber dans le piège de se répéter. Le premier tome était construit de la même façon. J’aime les scènes d’actions, J’aime que ce soit dynamique et fluide. C’est important pour les lecteurs. En ce moment, j’écris le troisième livre de la trilogie et j’ai un peu plus de mal. LFC : Était-ce évident dès le départ que vous alliez écrire une trilogie ?
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Ragdoll est disponible en version poche chez Pocket et L'appât en version grand format chez Robert Laffont / La Bête Noire
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DC : Oui. Je le savais depuis le départ et cela
DC : Je le pense. Nous avons vendu les droits à
m’a permis de suivre les règles classiques
une société de production en qui j’ai vraiment
d’une trilogie afin de ne pas m’égarer. Mon
confiance. Pour l’anecdote, ils ont engagé un
éditeur souhaitait que j’en écrive plusieurs,
scénariste qui vient de la comédie plutôt que
mais j’ai préféré rester sur mon idée de base.
du thriller, ce qui promet d’être génial. J’ai eu
Je ne voulais pas tomber dans le cliché.
la chance de lire quelques pages du scénario. Il est très talentueux. Et surtout il a
LFC : Pensez-vous que vos livres feraient une bonne série ou un bon film ?
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parfaitement capté le ton du livre.
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CAMILLA GREBE
PHOTOS EXCLUSIVES PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET INTERVIEW ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : FRANCK BELONCLE LEEXTRA
Camilla Grebe est une romancière suédoise. En 2009, elle écrit, en collaboration avec sa sœur Åsa Träff (1970), psychiatre spécialisée dans les troubles neuropsychiatriques et de l'anxiété, "Ça aurait pu être le paradis", un romanS policier qui se déroule dans le milieu des ELINA RICHARDS cliniques psychiatriques. Aujourd'hui, elle publie "Le journal de ma disparition" (Calmann-Levy), Prix du meilleur polar suédois et "Un cri sous la glace" en version poche (Le livre de poche). Rencontre avec la romancière pour une séance photos exclusives et un entretien passionnant.
LFC : Camilla Grebe, nous nous
CG : J’ai écrit trois livres dans la série Moskva
rencontrons pour deux actualités : la
Noir avec Paul Leander-Engström. Ce sont des
sortie de Le journal de ma disparition
thrillers qui se passent à Moscou. Paul a vécu
(Calmann-Levy) et Un cri sous la glace
là-bas pendant quinze ans et a travaillé pour le
(Le Livre de Poche). Revenons à vos
département de La Défense. C’était une
débuts, comment êtes-vous venue à
expérience très enrichissante.
l’écriture ? LFC : Vous avez travaillé en duo pendant CG : En 2004, j’ai écrit le premier chapitre
plusieurs années. Et désormais, vous êtes
d’un livre. Puis je l’ai envoyé à ma petite
seule. Comment le vivez-vous ?
sœur en lui disant qu’elle devait en écrire le deuxième. Nous avons commencé de cette
CG : C’était étrange au départ, mais finalement
façon au départ, comme un hobby. Puis à
tout se passe bien. Beaucoup de mes ami(e)s
un moment donné, nous nous sommes
auteurs n’auraient pas pu travailler avec une
retrouvés avec des manuscrits complets. Et
autre personne. Je trouve que c’est un travail
nous avons senti qu’il y avait quelque
plus difficile, mais qui était logique pour
chose à faire.
commencer ma carrière. En duo, vous pouvez résoudre les problèmes ensemble. C’est
LFC : Vous avez écrit plusieurs livres par
simplement un équilibre à trouver.
la suite. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
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LFC : Qui est votre acolyte désormais ? Votre
éditeur ? CG : On peut voir les choses de cette manière. Nous discutons souvent du texte, et nous sommes constamment en train d’essayer de créer le meilleur livre possible.
SELINA
LFC : Ce livre se déroule en Suède. Était-ce
une évidence pour vous de placer l’intrigue dans ce pays ? CG : C’est certain qu’il était plus facile de placer l’intrigue en Suède, car je suis née là-
J’ai aimé écrire ce genre de narration. Le fait d’écrire à la première personne crée une intimité avec les lecteurs. De plus, comme le livre se passe en Suède, je n’ai pas eu besoin de faire beaucoup de RICHARDS recherches. C’était naturel. J’ai eu plus de facilités à créer le personnage d’Anna que celui de Peter. loin des clichés avec ces personnages.
bas. Lorsque nous avons fait la série Moskva Noir, cela nous a demandé énormément de
LFC : Ce livre à trois voix rend le livre plus
recherches. Dans Un cri sur la glace, l’héroïne
fort, notamment au niveau de la
Emma aurait pu être française ou allemande,
psychologie. Qu’en pensez-vous ?
mais le lieu serait resté le même. J’y tenais. CG : En effet. J’ai aimé écrire ce genre de LFC : Votre héroïne Emma est une jeune
narration. Le fait d’écrire à la première
Suédoise qui a un secret : son patron
personne crée une intimité avec les lecteurs.
Jesper, qui dirige un empire de mode, lui a
De plus, comme le livre se passe en Suède, je
demandé sa main, mais il ne veut surtout
n’ai pas eu besoin de faire beaucoup de
pas qu'elle ébruite la nouvelle. Deux mois
recherches. C’était naturel. J’ai eu plus de
plus tard, son fiancé disparaît sans laisser
facilités à créer le personnage d’Anna que celui
de traces et l'on retrouve dans sa superbe
de Peter.
maison le cadavre d'une femme, la tête tranchée…
LFC : Le journal de ma disparition est votre nouveau livre. Vous proposez au lecteur une
CG : Ce qui est intéressant, c’est
nouvelle enquête fascinante avec toujours
qu’initialement, il n’y avait qu’Emma dans le
au casting Hanne et Peter. Pourquoi avoir
rôle du narrateur. Mais, mon éditeur sentait
voulu garder ces personnages ?
qu’il fallait quelque chose de plus complexe.
150
C’était bien d’avoir un personnage plus jeune
CG : Au début, je ne pensais écrire qu’un seul
et un autre plus âgé, cela donnait une
livre, mais les gens sont tellement tombés
dimension intéressante et plus de possibilités
amoureux d’Hanne que j’ai été obligée de
pour dramatiser l’histoire. Emma, Peter et
l’inclure dans le deuxième. Petite précision
Hanne forment un beau trio. Je voulais rester
pour les lecteurs, vous pouvez lire le deuxième
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Je suis dans l’écriture du troisième, les personnages centraux ne seront pas les mêmes, mais Hanne S E L I N A R I là. CHARDS sera toujours livre indépendamment du premier.
finir avec Eddy Bellegueule d’Edouard Louis que j’ai beaucoup aimé. Quand j’ai écrit mon deuxième livre, il
LFC : Travaillez-vous sur un troisième
m’a beaucoup inspiré.
livre ? LFC : Comment expliquez-vous que les Scandinaves CG : Effectivement. Je suis dans l’écriture
dominent le genre du polar depuis maintenant très
du troisième, les personnages centraux ne
longtemps ?
seront pas les mêmes, mais Hanne sera toujours là.
CG : Tout le monde me demande cela. Mais à vrai dire, je ne sais pas vraiment. C’est vrai que nous avons
LFC : Vous avez obtenu le Prix du Polar
beaucoup de bons auteurs. C’est peut-être parce qu’il
en Suède, le public est nombreux à vous
fait souvent noir et froid dans notre pays, ce qui
suivre. Quel est votre sentiment ?
constitue un bel environnement pour créer une histoire ! (Rires) Nous avons un modèle de société qui est très
CG : Je vais utiliser une phrase d’une de
propre et qui fonctionne bien. Nous voulons peut-être
mes amis qui m’a dit un jour : Je me fiche
trouver quelque chose qui nous sorte de notre ordinaire.
des prix jusqu’à ce que j’en gagne un ! (Rires) Je trouve cela amusant. Plus
LFC : Vous allez avoir la chance de rencontrer vos
sérieusement, c’est une grande joie d’avoir
lecteurs lors de votre passage en France. Êtes-vous
obtenu ce prix. De plus, le jury est excellent.
excitée ?
Cela m’a permis d’avoir plus de visibilité. CG : Je suis très excitée et très heureuse à l’idée de les LFC : Quels genres de livres lisez-vous ?
rencontrer. Pour un écrivain, la meilleure chose, c’est de pouvoir rencontrer ses lecteurs. Lorsque l’on écrit un
152
CG : Je lis beaucoup de polars, de
livre, on est seul pendant longtemps. Et lors de la
nouvelles, de romans du monde entier. Je
promotion, c’est enfin le moment où l’on peut parler. J’ai
suis assez ouverte. J’ai lu récemment En
hâte.
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MAI 2018
COLIN HARRISON
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : CÉLINE NIESZAWER LEEXTRA
Colin Harrison a plusieurs casquettes : il est un écrivain américain, mais aussi éditeur chez Scribner en 2000. Diplômé d'anglais du Haverford College, il obtient par la suite un Master de S E L I N A Rlittéraire I C H A R D S à l'université de l'Iowa. création Aujourd'hui, de passage à Paris, dans un hôtel parisien, il nous reçoit pour quelques photos avec Céline Nieszawer et nous parler de son nouveau roman "Manhattan Vertigo" (Belfond) LFC : Nous nous rencontrons pour parler
mon travail d’éditeur et vice-versa. Être éditeur
de votre livre Manhattan Vertigo
m’a aussi aidé en tant qu’écrivain. Ils sont
disponible aux Éditions Belfond. Vous êtes
désormais indivisibles et font partie du même
également éditeur. Écrire des livres, est-ce
cerveau, le mien.
une sorte de récréation pour vous ? LFC : Écrivez-vous les livres que vous CH : À vrai dire, j’écris des livres depuis que
souhaiteriez lire ?
j’ai l’âge de vingt ans. Je travaille comme éditeur depuis plus de trente ans, mais je suis
CH : C’est une très bonne question. En tant
écrivain depuis aussi longtemps. Je prends
qu’éditeur, je vois passer beaucoup de livres
cela très au sérieux.
que j’admire beaucoup. Je me rends compte qu’il y a des livres que je serai incapable
LFC : En tant qu’éditeur, vous voyez
d’écrire. Je me pose toujours la question de
passer beaucoup de textes. Vous mettez
savoir si j’aime un livre en tant qu’écrivain ou en
des auteurs en avant. Par moment, vous
tant qu’auteur. C’est souvent un bon indicateur
êtes-vous dit : pourquoi pas moi ?
lorsque je me place du côté de l’écrivain.
CH : J’ai commencé à écrire avant même
LFC : Avez-vous mis longtemps à écrire ce
d’être éditeur. Et ces deux passions se sont
livre ?
rencontrées à un moment donné de ma vie. Je pense que le fait d’écrire m’a aidé dans
155
CH : Oui. Il y a plusieurs raisons à cela. En tant
qu’éditeur, je suis quelqu’un de très occupé. J’ai également trois enfants dont je dois m’occuper. J’ai ensuite passé beaucoup de temps à étudier les cartes, que je collectionne aussi personnellement. Je cherchais une raison pour amener ces cartes dans mes livres. C’est pour cela que j’ai voulu prendre mon temps pour l’écrire.
SELINA
LFC : Votre héroïne Jennifer ne sait plus à quel homme se vouer. D’un côté, son mari, Ahmed Mehraz, businessman iranien à l’ascension irrésistible. De l’autre, Bill, son amour de jeunesse, gentil GI texan qui souhaite la ramener au pays. Pouvez-vous
On ne sait pas qui va sortir gagnant de ce triangle. Nous sommes tous en quelque sorte sur une carte. Parfois, nous sur une carte où R I C sommes HARDS nous sommes heureux et parfois non. Il y a une toujours une carte que ce soit dans le temps ou dans l’espace. C’est ce que vous verrez en lisant ce livre.
nous parler de ce triangle amoureux ? personnage à part entière dans ce livre. CH : On ne sait pas qui va sortir gagnant de ce
Qu’en pensez-vous ?
triangle. Nous sommes tous en quelque sorte sur une carte. Parfois, nous sommes sur une
CH : C’est absolument vrai. La ville est en trois
carte où nous sommes heureux et parfois
dimensions avec des gens qui vont vers le haut
non. Il y a une toujours une carte que ce soit
et vers le bas, d’autres qui tournent autour des
dans le temps ou dans l’espace. C’est ce que
uns et des autres. Tout le monde a peur de
vous verrez en lisant ce livre.
tomber dans cette ville, d’où le terme Vertigo. Les grandes villes sont remplies de relations,
LFC : Pourquoi les thématiques du pouvoir,
d’institutions qui créaient des drames
de l’argent, de l’art vous fascinent-elles
tragiques. Chacun vient chercher quelque
tant ?
chose à New York. Il faut toujours garder la foi.
CH : Elles sont importantes pour chacun
LFC : Votre écriture bien précise dans ce
d’entre nous. Je pense que c’est parce que
livre a parfaitement été retranscrite par le
j’aime observer la façon dont se comporte
traducteur.
notre société. New York en particulier. Vous pourriez écrire un million de livres à propos
CH : J’ai dîné avec le traducteur hier soir. Bien
de cette ville, vous aurez encore de la matière.
que je ne puisse pas lire la traduction, j’ai eu
Cela doit être la même chose pour Paris.
une longue conversation avec lui. Et j’ai senti qu’il avait parfaitement compris là où je
LFC : La ville de New York est un 156
souhaitais aller. Il a fait du très bon travail.
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Vous pourriez écrire un million de livres à propos de New York, vous aurez encore de la matière. Cela doit être la même chose pour Paris. SELINA
RICHARDS
LFC : Comment définiriez-vous
À la fin de l’histoire, tout se
votre style ?
casse la figure et fait sens. J’aimerais qu’il comprenne
CH : Je dirais que c’est un style
cela. Durant la lecture, je crois
multidimensionnel. Il peut être
qu’il y aura des larmes et des
rapide, profond, conceptuel, ou
rires. Mais je pense que leur
intellectuel. J’aime à penser que je
esprit sera plus ouvert.
peux aborder les choses de différentes manières.
LFC : Aimeriez-vous que ce film devienne un film ?
LFC : Une fois que le lecteur termine ce livre, quelle idée
CH : Bien sûr. C’est un livre
aimeriez-vous qu’il retienne ?
difficile à adapter au cinéma car il y a beaucoup de perspectives
CH : J’aimerais que le lecteur
différentes. Il faut trouver le bon
referme le livre en se disant qu’il ne
réalisateur pour le projet. Peut-
s’attendait pas du tout à vivre cela.
être pouvez-vous m’aider ?
J’aimerais que le lecteur referme le livre en se disant qu’il ne s’attendait pas du tout à vivre cela. À la fin de l’histoire, tout se casse la figure et fait sens. 158
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PATRICIA MACDONALD PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : FRANCK BELONCLE LEEXTRA
De passage à Paris, Patricia MacDonald nous consacre toujours un peu de temps pour nous rencontrer. Auteur de nombreux best-sellers, d’"Un étranger dans la maison" à "Message sans réponse", chez Albin Michel, S E L I N A R Itous C H A Rpubliés DS Patricia MacDonald s’est imposée comme l’une des reines du suspense familial et psychologique. Elle publie aujourd'hui "La fille dans les bois" (Albin Michel). Rencontre.
LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie
coupable. Pourquoi avoir choisi ce thème ?
de votre roman La fille dans les bois (Éditions Albin Michel). Comment est née
PMD: J’ai voulu parler de ce thème, car la
l’idée d’écrire ce livre ?
plupart du temps, mes héroïnes enquêtent sur des affaires qui n’intéressent plus les policiers…
PMD : J’aime placer la famille au cœur de
Je trouvais cela intéressant de partir de ce point
mes livres. Dans ce roman, il y a plusieurs
de départ.
idées que j’ai mélangées. Premièrement, j’ai voulu écrire un roman qui commençait avec
LFC : Pourquoi êtes-vous tant fascinée par
cet aveu de Céleste sur son lit de mort. Cela a
les crimes ?
été le point de départ. Deuxièmement, j’ai voulu écrire sur le désastre qu’est la politique
PMD : Les faits divers sont ma principale source
dans notre pays avec Donald Trump et enfin
d’inspiration. Au-delà des crimes, ce qui
troisièmement, j’ai imaginé ce crime que les
m’intéresse le plus ce sont les relations entre
lecteurs découvriront…
les individus. À travers l’enquête, j’ai essayé de créer une situation où la solution n’est pas
LFC : Votre livre parle de deux sœurs :
évidente à trouver pour l’héroïne. Il ne faut pas
Céleste qui est atteinte d’un cancer et
que ce soit trop simple. Si c’est trop simple pour
Blair. Avant de partir, Céleste fait une
moi, ce sera trop simple pour mes lecteurs.
confession à sa sœur en lui disant que le
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meurtrier de sa meilleure amie Molly,
LFC : Était-ce important pour vous que la
actuellement en prison, n'est pas le
personne qui mène l’enquête soit une
femme ? PMD : Je choisis toujours des personnages féminins, tout simplement, car je suis une femme. Je pense comme une femme. C’est une zone de confort. On m’a plusieurs fois demandé pourquoi je choisissais un
SELINA personnage féminin en tant que personnage principal. Mais pourquoi pas ? LFC : L’oncle Ellis est un autre personnage du livre. Il a la gentillesse de s’occuper de ses deux nièces au début de l’histoire, puis
J’ai essayé de créer une héroïne avec une vie limitée par son ambition. C’est un personnage compliqué qui n’a pas envie d’avoir d’enfants. Je crois que la plupart du les héroïnes R I C H A Rtemps, DS dégagent quelque chose de positif. Mais là, ce n’est pas le cas. Elle me semble assez réelle dans un sens. d'une femme. Pouvez-vous nous en parler ?
il commence à boire et rentre dans une spirale négative.
PMD : Il s’adoucit, mais c’est surtout grâce au personnage du neveu qui aime les passions de
PMD : Ce n’est pas ce qu’il voulait au départ.
l’oncle Ellis comme la chasse ou la pêche. C’est
Tout cela, c’est à cause de sa femme qui
très agréable pour lui. La femme dont il tombe
n’avait pas du tout envie d’élever ces deux
amoureux était l’infirmière de sa nièce.
nièces. Il y a quelque chose de bon et de très mauvais en lui.
LFC : Qu’est-ce qui vous a plu lors de l’écriture de ce livre ?
LFC : Le très mauvais, c’est qu’il a une collection d’objets nazis chez lui. Comment
PMD : J’ai essayé de créer une héroïne avec
expliquez-vous que l’on puisse avoir deux
une vie limitée par son ambition. C’est un
facettes si différentes ?
personnage compliqué qui n’a pas envie d’avoir d’enfants. Je crois que la plupart du
PMD : C’est quelque chose qui existe. L’oncle
temps, les héroïnes dégagent quelque chose
Ellis n’est pas plus terrible que d’autres
de positif. Mais là, ce n’est pas le cas. Elle me
personnes. Il a des idées dégoûtantes et c’est
semble assez réelle dans un sens.
une situation difficile pour ses nièces. Cependant, malgré ses mauvais côtés, il
LFC : Votre style d’écriture est très fluide et
continue de s’en occuper du mieux qu’il peut.
agréable pour le lecteur. Est-ce un exercice
C’est une personne compliquée, mais comme
difficile en tant qu’écrivain ?
nous tous. PMD : C’est dur de trouver une solution à mon
162
LFC : Quelques années plus tard, l’oncle
intrigue. Je ne veux pas que ce qui se passe
Ellis est plus calme et tombe amoureux
dans mon livre soit une évidence pour le
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Beaucoup de jeunes écrivains ont besoin d’être lus et ont besoin de reconnaissance. Il faut toujours rester humble et ne pas sans cesse chercher l’approbation de tout le monde. Tout ce dont vous avez SELINA RICHARDS besoin, c’est d’avoir confiance en quelques lecteurs qui sauront vous dire les mots justes. lecteur. J’ai imaginé ce crime à la fin du
écrits. Je ne suis pas constamment en
livre en me demandant pourquoi l’on fait ce
train de penser à mon œuvre. Le plus
genre de choses. Si quelque chose est
important, c’est toujours le prochain.
difficile, c’est forcément intéressant. LFC : Continuez-vous d’écrire ? LFC : Vous avez écrit de nombreux romans. Avez-vous le sentiment d’avoir
PMD : Je prends une petite pause en
encore beaucoup de choses à raconter ?
ce moment. Je n’ai pas encore trouvé l’idée qui m’intéresse suffisamment
PMD : C’est de plus en plus difficile pour
pour le prochain. C’est de plus en
être honnête. Mes lecteurs dépensent leur
plus difficile de créer quelque chose
argent pour acheter mes livres et je ne veux
qui plaira aux lecteurs. Chaque livre
pas leur donner quelque chose de
est un nouveau défi.
réchauffé. Après une vingtaine de livres, c’est difficile de trouver un sujet nouveau et
LFC : Quels conseils donneriez-
original. Aux États-Unis, certains lecteurs
vous à un jeune écrivain ?
m’ont reproché que la fin du livre fût la même que le film Room, alors que je ne l’ai
PMD : Beaucoup de jeunes écrivains
jamais vu.
ont besoin d’être lus et ont besoin de reconnaissance. Il faut toujours rester
LFC : Quel bilan tirez-vous de tous vos
humble et ne pas sans cesse
livres ?
chercher l’approbation de tout le monde. Tout ce dont vous avez
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PMD : Tout d’abord, vingt livres, c’est un
besoin, c’est d’avoir confiance en
bon numéro. (Rires) Honnêtement, je ne me
quelques lecteurs qui sauront vous
souviens pas de tous les livres que j’ai
dire les mots justes.
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L F C
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L'ENTRETIEN DE LA COVER
MAI 2018
PHOTOS EXCLUSIVES pour LFC Magazine avec notre partenaire l'agence LEEXTRA, photographies de Franck Beloncle
INTERVIEW INÉDITE
FRANCK THILLIEZ
par Christophe Mangelle et Quentin Haessig
Franck Thilliez, c'est le BOSS du thriller en France sur le rythme d'un polar par an avec un zeste de notion scientifique. ll fait aujourd'hui partie des dix auteurs les plus lus en France. Franck Thilliez a accepté l'invitation de LFC Magazine pour une séance de photos avec Franck Beloncle, et un entretien inédit dans lequel il nous parle pour la première fois de son métier d'écrivain et de son nouveau roman "Le manuscrit inachevé". LFC : Nous nous rencontrons pour la sortie de votre roman "Le manuscrit inachevé". Dès le titre, nous remarquons l’effet miroir entre l’auteur et le personnage. Pouvez-vous nous en parler ? FT : Quand j’écris des romans qui sont en dehors de ma série, j’aime bien m’amuser. À la fois dans l’histoire que je veux raconter et dans la manière dont je construis le livre. Cela me permet de faire des extravagances, de le construire différemment. L’idée était de trouver quelque chose en plus de l’histoire, une dimension supplémentaire. Il existe plusieurs mises en abyme dans ce livre, plusieurs couches intérieures afin que le lecteur puisse se plonger dans la tête du romancier. LFC : Ainsi,vous pouvez parler de votre métier… FT : C’était l’occasion de parler de mon métier, mais d’une manière un peu plus personnelle. Dans mon nouveau roman, ce n’est pas un écrivain comme les autres. C’est une romancière qui écrit des thrillers comme les miens. Elle a les mêmes obsessions que moi et reste un vrai
LFC MAGAZINE #9 | 167
personnage de roman, bien qu’elle soit très proche de moi. Il y a toujours cette frustration lorsque l’on est romancier, car on raconte des histoires. Bien entendu, nous ne pouvons pas expliquer aux gens tous les écueils que nous rencontrons, la manière dont nous les construisons, ce que l’on ressent. Le fait de prendre un personnage qui me ressemble me permet de parler de ce métier. LFC : Au bout de dix-huit romans, avez-vous encore autant de choses à dire ? FT : Oh oui ! J’ai encore beaucoup d’histoires à raconter. (Rires) Ce personnage est un vrai personnage de thriller. Elle dit même qu’elle écrit des thrillers et que ce qu’elle vit dans le livre est quelque chose qui pourrait arriver à l’un de ses personnages. Sa vie va devenir un enfer. Et c’est très amusant, car elle a l’impression d’être un personnage de roman, ce qu’elle est ! (Rires) Je m’interroge moi-même làdessus. Peut-être qu’à l’heure où l’on se parle, je suis un personnage de roman. Seulement, je ne le sais pas. L’objectif de ce livre était de se plonger dans l’esprit du romancier qui raconte une histoire. LFC : Comment cette idée est-elle venue dans votre tête ?
FT : Elle me vient d’une idée assez obsessionnelle. Au début du livre, la fille de mon personnage disparaît et je me suis demandé ce qui se passerait si j’attrapais l’assassin présumé de ma fille. C’est une idée que je trouvais dramatiquement très forte sur la culpabilité : que ferait-on si l’on vivait avec une personne dont on sait qu’elle a fait du mal à nos enfants, sans savoir exactement si cela est vrai ? Pour rendre l’idée encore plus intéressante, j’ai rajouté le thème de l’amnésie. C’était le nœud initial du livre. LFC : L’idée du miroir de l’écrivain est-elle venue après ? FT : Mon idée de départ, comme je vous l’ai dit, était que je me retrouvais face à l’assassin de ma fille, mais je ne savais pas si ce devait être un policier, un personnage lambda… Finalement j’en suis venu à l’écrivain. Je trouvais intéressant que l’un des personnages vive le drame de ses livres. On se pose toujours des questions. Même moi, j’écris des choses terribles à propos de mes personnages et je sais que je pourrais être l’un d’entre eux. Ce livre est une manière de parler du métier d’écrivain de manière frontale. LFC : Comme dans tous vos livres, il y a une dimension scientifique. Ici, vous parlez de l’amnésie. Pourquoi ? FT : Tout ce qui concerne la mémoire m’intéresse beaucoup.
LFC MAGAZINE #9 | 168
Nous ne pouvons pas expliquer aux gens tous les écueils que nous rencontrons, la manière dont nous les construisons, ce que l’on ressent. Le fait de prendre un personnage qui me ressemble me permet de parler de ce métier. Il y a trois formes que je traite dans ce livre : l’amnésie, avec le personnage du mari, l’hypermnésie, avec un des policiers dont l’arme est sa mémoire, et la cryptomnésie. Cette troisième forme est propre aux écrivains. Ce phénomène, c’est de croire que l’on est soi-même et que l’on est à l’origine d’une idée, alors que finalement, c’est quelque chose que l’on a assimilé un jour en pensant vraiment que ça nous appartenait. Ce livre parle aussi du plagiat. C’est une question que l’on se pose tous lorsque l’on finit un livre : est-on bien à l’origine de l’idée de départ ? LFC : Une angoisse d’écrivain ? FT : Moins maintenant. Je me dis que mes histoires sont tellement complexes et personnelles avec un traitement parfois irréaliste que même si j’utilise des thèmes comme l’amnésie, je sais que je suis dans mon univers. Mon traitement est vraiment particulier. Tout le monde sait que les grands sujets ont déjà été traités. Nous sommes les derniers à passer en quelque sorte. Nous ne pouvons plus rien inventer. Les thèmes de la vengeance, le triangle amoureux, la trahison, le mensonge… Il faut simplement trouver l’angle. LFC : Connaissez-vous le thème de votre prochain livre ?
FRANCK THILLIEZ - LFC MAGAZINE #9
FT : Oui, je le connais. Au moment où sort ce livre, je suis déjà plongé dans le prochain depuis le mois de janvier environ. Il parlera de toutes les données que l’on donne aux machines. Ce sera un livre sur l’intelligence artificielle. Je me suis aussi demandé vers quoi avance l’homme en abordant le thème du transhumanisme. Le progrès va-t-il nous être bénéfique ? Ce sont les grandes questions du moment. Je parle également des objets connectés. LFC : Cette thématique est très intéressante puisqu’elle stimule les peurs. FT : Tout va très vite. De plus, personne ne sait vraiment comment cela fonctionne. Cent mille milliards de données par jour remplissent ce qu’on appelle le big data, mais on ne sait pas où cela va. J’ai regardé beaucoup de choses sur l’intelligence artificielle qui sont assez effrayantes. Même si, in fine, c’est l’homme qui conçoit ces machines, il en reste le maître. Tous les plus grands groupes comme Amazon, Google, Facebook et Apple investissent des millions de dollars dans la recherche sur l’immortalité, sur les robots… Tout cela fait très peur et bouscule la science traditionnelle qui est beaucoup plus lente. LFC : Avez-vous des livres en cours d’adaptation au cinéma ou à la télévision ? FT : Pas mal des droits de mes livres sont dans les mains de boîtes de production. Le gros chantier, ce sont les romans où l’on retrouve mon personnage de flic, il y a cinq romans. Avec Escazal Films, nous sommes en train de créer un document d’adaptation que l’on va remettre à des diffuseurs et des chaînes. Il faut que ce soit un document solide. S’ils sont partants, ils lancent le projet. C’est plutôt bon signe, ça bouge bien. Puzzle a été adapté en film, pour le cinéma. Le tournage vient de se terminer. C’est un film de genre. J’aime ce type de film, car s’il marche, vous pouvez les retrouver en Corée, à Taïwan… À suivre. Il y a d’autres livres en cours d’adaptation, mais le cinéma est quelque chose qui prend du temps. Contrairement aux plateformes comme Netflix où tout va très vite.
LFC MAGAZINE #9 | 170
Je crois qu’ils se sont rendu compte que si des adaptations sortaient dix ans après, cela n’avait plus de sens. LFC : Continuez-vous votre métier de scénariste ? FT : Oui. Je suis toujours sur la série Alex Hugo que j’ai écrite avec Nico Tackian, qui est d’ailleurs devenu auteur de polar (Calmann Levy). Nous prenons toujours autant de plaisir et la série plait puisque les épisodes font partie des meilleures audiences de France 2. C’est notre bébé et c’est pour cela que l’on ne veut pas le lâcher. Quand quelque chose marche au bout de dix épisodes et que l’on nous fait confiance, cela nous donne une certaine liberté. Le seul hic, ce sont les budgets qui baissent chaque
Niko Tackian et moi-même prenons toujours autant de plaisir et la série "Alex Hugo" plait puisque les épisodes font partie des meilleures audiences de France 2.
année. Avec un peu moins d’argent, on nous demande d’imaginer des films toujours aussi beaux. Ce sont de vrais défis, mais c’est très stimulant. LFC : Vous vous êtes également mis à la bande dessinée ! FT : Nous avons créé La brigade des cauchemars avec YomGui, le premier tome est sorti en octobre 2017 et les jeunes lui ont réservé un bel accueil. C’est une bande dessinée qui s’adresse aux jeunes de huit à quatorze ans. Le deuxième tome sortira prochainement. LFC : Vous écrivez des romans, des BD, des scénarios… Ce sont des formes d’écriture différentes, mais complémentaires. Les librairies vous soutiennent, les lecteurs vous lisent, les médias vous encensent : vous sentezvous privilégié ? FT : Chaque matin lorsque je m’assois à mon bureau, je me dis que j’ai de la chance. De voir le bonheur que l’on procure aux lecteurs, c’est très gratifiant. Cependant, c’est quelque chose qui s’entretient. C’est un travail intense avec de grosses journées au bureau. Mais également dans les salons où il faut se rendre disponible pour les lecteurs. Il faut leur rendre ce qu’ils nous ont apporté. Je suis très redevable de tout cela.
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LFC : Nous avons lu dans une interview que lorsque vous échangez avec vos lecteurs sur vos bouquins, vous en apprenez beaucoup sur vous. FT : Oui tout à fait. Il y a une partie subconsciente dans mes livres dont je ne me rends pas compte. Les gens sont vraiment extraordinaires et bienveillants. Ils ont envie de partager la joie qu’ils ont eue en lisant mes livres. J’en apprends sur moi-même et il me donne aussi des idées.
Chaque matin lorsque je m’assois à mon bureau, je me dis que j’ai de la chance. De voir le bonheur que l’on procure aux lecteurs, c’est très gratifiant. Cependant, c’est quelque chose qui s’entretient. C’est un travail intense avec de grosses journées au bureau. Mais également dans les salons où il faut se rendre disponible pour les lecteurs. Il faut leur rendre ce qu’ils nous ont apporté. Je suis très redevable de tout cela.
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L'ENTRETIEN DE LA COVER - MUSIQUE
INTERVIEW INÉDITE par Christophe Mangelle et Quentin Haessig
TINA ARENA MAI 2018 PHOTOS EXCLUSIVES pour LFC Magazine avec notre partenaire l'agence LEEXTRA, photographies de Arnaud Meyer
Avril 2018, nous avons rendez-vous avec Tina Arena à 10h dans un très bel hôtel au cœur de Paris. Après dix ans d'absence en France, la chanteuse revient nous présenter son nouveau disque "Quand tout recommence", onze titres en français. Séance de photos exclusives et entretien inédit avec l'interprète des tubes de la belle époque "Aller plus haut", "Aimer jusqu'à l'impossible" ou "Je m'appelle Bagdad". Rencontre.
LFC : Comment allez-vous Tina ? TA : Je vais bien, merci. Comme toutes mes promotions de disque, c’est un marathon. Mais c’est très agréable. J’ai reçu un très bel accueil de la part du public français. Cela m’enchante. LFC : Étiez-vous anxieuse de la réaction du public français après dix ans d’absence ? TA : Il ne faut pas se laisser porter par ses peurs. Il arrivera ce qu’il devra arriver. Le destin, c’est le destin. Je ne sais pas comment cela se manifestera, mais je m’accroche. LFC : Comment expliquez-vous cette si longue période d’absence ? TA : Parce que la vie continue. J’ai énormément travaillé durant ces dix dernières en me concentrant sur mes objectifs. Je pense que je ne m’étais pas assez impliquée dans mon pays d’origine. J’avais besoin de passer du temps là-bas, de me reconnecter, après des années d’absence. Et
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j’avais aussi besoin de m’occuper de mon fils, de prendre le temps de le voir grandir. Ce sont des moments très précieux. LFC : Votre dernier album est intitulé "Quand tout recommence". On sent l’idée d’un cycle et ce n’est pas un hasard de vous revoir à ce moment-là. Qu’en pensezvous ? TA : Je suis d’accord. Le timing est quelque chose de crucial. Le temps est quelque chose qui est bien plus fort que nous. On peut planifier beaucoup de choses, mais quand le moment est bon, cela se manifeste tout seul. C’est complément le cas avec ce projet. En quarante ans de carrière, j’ai beaucoup grandi et j’avais besoin de vivre d’autres aventures pour mieux revenir. LFC : Vous avez commencé votre carrière à l’âge de sept ans, on comprend mieux pourquoi vous aviez besoin de faire une pause. TA : Nous vivons dans un monde où il est très important de prendre du recul. C’est ce qui vous maintient. Je ne peux pas constamment vivre dans la lumière, sur les réseaux sociaux, dans le monde de la célébrité… Je suis une battante, je fais mon travail, je m’accroche et je sais ce que cela veut dire que de travailler. Une fois mon travail terminé, j’ai besoin de
TINA ARENA - LFC MAGAZINE #9
me retirer et de vivre ma vie ! LFC : Se retirer, c’est une manière de revenir dans le monde réel… TA : Le monde réel est la chose la plus importante et il ne faut pas l’oublier. Il était important pour moi de continuer à vivre une vie normale. LFC : Le premier single "Tant que tu es là" parle des proches qui vous entourent. C’est une thématique très importante pour vous. TA : Je ne peux pas faire correctement mon métier sans être bien accompagnée. Ce n’est pas possible. Il y a tellement de choses à gérer. Je serai incapable de le faire seule. LFC : C’est un album très mature. Expliquez-nous cette volonté de proposer uniquement des textes en français ? TA : Il fallait assumer le projet jusqu’au bout. Le français est un angle qui me correspond tellement bien. Je prends de plus en plus de plaisir à chanter dans cette langue. J’ai senti que c’était le bon moment pour partager des idées avec le recul que j’avais pris. La France a beaucoup changé ces dix dernières années, je voulais en parler à travers cet album. LFC : Vous êtes auteur, compositeur, interprète. Vous êtes une artiste complète. Vous maitrisez tout artistiquement.
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Il fallait assumer le projet jusqu’au bout. Le français est un angle qui me correspond tellement bien. Je prends de plus en plus de plaisir à chanter dans cette langue.La France a beaucoup changé ces dix dernières années, je voulais en parler à travers cet album. TA : C’est très important, surtout l’écriture. C’est quelque chose que je fais depuis que j’ai vingt ans. C’est mon moyen d’expression et j’y tiens beaucoup. LFC : Beaucoup d’artistes ont participé à votre album. Comment cela s’est-il articulé ? TA : Il y a eu un intermédiaire qui m’a présenté les textes, les auteurs. J’ai écouté ensuite les chansons. Puis je sélectionnais celles qui me parlaient le plus. J’écoute des chansons qui sont écrites par des personnes qui sont bien installées dans le milieu, mais pas seulement. J’aimais l’idée d’élargir ma vision artistique en faisant rentrer les petits nouveaux dans l’équation. Je veux jouer ce rôle de véhicule pour que ces compositeurs soient entendus. LFC : Considérez-vous le milieu trop fermé ? TA : Il faut ouvrir le marché. Je trouve absolument normal de fonctionner de cette manière. Il faut laisser la place à la nouvelle génération. Si j’en ai l’opportunité, c’est avec plaisir que je le fais. LFC : Les thèmes que vous abordez dans cet album
TINA ARENA LFC MAGAZINE #9
vous sont-ils chers ? TA : Ce sont des thèmes que j’ai choisis avec précaution. Le titre Parfait parle du perfectionnisme qui est quelque chose que nous souhaitons tous, mais qui ne peut pas exister. Nous avons besoin de diversification dans ce monde. Quand tout recommence parle du changement, de l’étonnement et du fait que rien n’est acquis. J’avais besoin de parler de tout cela, je ne suis pas seulement une artiste dont la France a entendu parler il y a vingt ans. LFC : Vous avez eu un destin incroyable dans un pays où il est difficile de se faire un nom. TA : Qu’une chanteuse australienne parvienne à rentrer dans le patrimoine français, c’est quelque chose d’assez incroyable, en effet. Je me suis beaucoup impliquée. J’ai fait tout ce qu’il fallait pour y arriver et je me sens complètement à l’aise dans cette configuration.
TA : Peut-être que grâce à cet album, le public parviendra à faire connaissance avec l’être humain que je suis, et non seulement la chanteuse. Il y a une grande part de sensibilité dans ce projet. Je ne suis pas seulement une chanteuse à voix. Derrière tout cela, il y a un discours et un tout qui ne doivent pas être dissociés. LFC : Vous avez mis beaucoup de douceur dans cet album. TA : Je crois que les français en ont besoin. Je ne veux pas les agresser. LFC : Allez-vous partir en tournée ? TA : Il y aura une tournée en 2019. La fin de l’année 2018 va être consacrée au théâtre. Je vais jouer le rôle d’Eva Perón dans la pièce Evita. Ce projet commencera à l’Opéra de Sydney cet été. Je me sens très chanceuse et je n’oublie jamais d’où je viens.
LFC : Encore aujourd’hui, vous vous impliquez beaucoup. TA : Je ne suis pas quelqu’un qui vient à l’improviste pour faire une sorte de lavage de cerveau. Je suis une femme passionnée et investie. LFC : Quel lien avez-vous avec le public français ? TA : À chaque fois, ce sont de belles retrouvailles. C’est un public particulier avec qui j’ai grandi. Tous les jours, j’ai des inconnus qui me disent que j’ai bercé leur enfance. Je me sens privilégiée, c’est magnifique comme concept. La France est un pays extraordinaire. LFC : Que voudriez-vous que le public retienne de cet album ?
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Je vais jouer le rôle d’Eva Perón dans la pièce Evita. Ce projet commencera à l’Opéra de Sydney cet été. Je me sens très chanceuse et je n’oublie jamais d’où je viens.
Le nouveau disque de onze titres de Tina Arena, Quand tout recommence, disponible en magasin et sur toutes les plateformes digitales.
TINA ARENA LFC MAGAZINE #9
Peut-être que grâce à cet album, le public parviendra à faire connaissance avec l’être humain que je suis, et non seulement la chanteuse. Il y a une grande part de sensibilité dans ce projet. Je ne suis pas seulement une chanteuse à voix. Derrière tout cela, il y a un discours et un tout qui ne doivent pas être dissociés.
Musique LFC MAGAZINE #9 • MAI 2018
THE BLIND SUNS SONT NOS INVITÉS
Et aussi... AUTOMAT SEEMONE LE ROI ANGUS ASTRE
The Blind Suns, le groupe de rock psyché qui va pulser ton été ! Les trois membres du groupe The Blind Suns nous ont fait l'amitié de nous rejoindre au cœur de Paris pour une séance de photos. Nous sommes très heureux de les recevoir dans nos colonnes dans le but de vous présenter leur nouvel album Offshore, avec comme extrait Ride soutenu par un clip inspiré par le cinéma fantastique et la SF et Brand New Start leur deuxième single dévoilé miavril. Actuellement en tournée américaine et française, vous devez absolument les voir sur scène. Entretien inédit. LFC : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
ans et c’est à ce moment-là que j’ai rencontré Romain, suite à un
Dorota Kuszewska : Nous sommes The Blind Suns ce qui signifie Les
échange scolaire. Cela a été un
soleils aveugles pour ceux qui ne parleraient pas anglais. Le groupe est
déclic pour moi, j’avais un besoin
composé de Romain Lejeune (guitare et chant), Jérémy Mondolfo
d’aventure immédiat.
(batterie et arrangements) et moi-même (guitare et chant). Chacun a un double rôle dans le groupe.
Romain Lejeune : C’était un coup de foudre musical. Aujourd’hui,
Romain Lejeune : C’est un nom assez contradictoire. Notre musique est
cela fait dix ans que l’on est
à la fois sombre et pleine de lumière. Nous voulions quelque chose qui
ensemble et nous sommes basés
nous ressemble.
à Angers. C’est d’ailleurs dans cette ville que Dorota et moi
Jérémy Mondolfo : Si on devait définir notre musique, je dirais que nous
avons rencontré Jérémy.
faisons de la musique dream pop / psyché. Sur scène, il y a beaucoup d’énergie.
Jérémy Mondolfo : J’ai fait beaucoup de projets auparavant,
LFC : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
mais je sentais qu’il me manquait quelque chose. Lorsque j’ai
Dorota Kuszewska : Je suis venue de Pologne lorsque j’avais dix-neuf
LFC MAGAZINE #9 181
rencontré Dorota et Romain,
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS JULIEN FAURE LEEXTRA
L’album s’appelle Offshore. Les thèmes de cet album sont le voyage, l’évasion… Nous aimons parler du fait de rompre la routine. C’est une sorte de road album. j’ai décidé de m’investir à 100%, car humainement et
Dorota Kuszewska : Romain et Jérémy composent
professionnellement, c’était parfait.
la musique. Pour les textes, c’est plus moi, même si parfois nous nous y mettons tous ensemble.
LFC : Dorota, pourquoi avez-vous décidé de quitter la Pologne ?
Jérémy Mondolfo : Il n’y a pas forcément de règles au sein du groupe, nous nous adaptons. Les
Dorota Kuszewska : Cela s’est fait instinctivement.
collaborations sont toujours intéressantes et
J’avais déjà un groupe en Pologne. Mais lorsque j’ai
enrichissantes.
rencontré Romain, c’était une évidence de partir vers de nouveaux horizons. Je ne connaissais pas
Romain Lejeune : Avec Dorotha, nous avons
beaucoup la France, mais j’aimais le fait de partir
l’habitude de travailler ensemble au niveau des
vers l’inconnu. J’avais envie d’essayer. Et cela a
textes, cela fait plus de dix ans que l’on se connait.
fonctionné.
Nous savons où nous voulons aller. En général, c’est assez efficace.
LFC : Partagez-vous l’idée que la musique n’a pas de frontières ?
LFC : Votre album est sorti le 20 avril 2018. Pouvez-vous nous le présenter ?
Jérémy Mondolfo : La musique est un voyage. Elle permet de s’évader et de ne pas rester dans une
Dorota Kuszewska : L’album s’appelle Offshore. Les
routine quotidienne.
thèmes de cet album sont le voyage, l’évasion… Nous aimons parler du fait de rompre la routine.
Romain Lejeune : De plus, elle permet de s’évader
C’est une sorte de road album.
physiquement lors des tournées. Romain Lejeune : Cela fait quatre ans que l’on part LFC : Comme vous nous l’avez dit, vous êtes très
en tournée aux États-Unis et tous ces voyages nous
complémentaires. Vous composez, vous arrangez,
ont beaucoup influencés.
vous écrivez. Racontez-nous qui fait quoi ! LFC : Comment avez-vous été accueilli aux
183 LFC MAGAZINE #9
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS JULIEN FAURE LEEXTRA
Une des valeurs du groupe, c’est le partage. L’exemple de Dorota est très inspirant. Elle a quitté son pays pour rencontrer d’autres gens et faire de la musique. C’est cette image-là que nous aimons véhiculer. États-Unis ?
jouer et il nous a proposé de travailler avec nous sur notre album.
Jérémy Mondolfo : Très bien. On sent une ambiance amicale à chaque fois que l’on joue
LFC : Quelles sont vos prochaines dates de concert ?
devant ce public. Romain Lejeune : Nous serons le 2 mai au FGO Romain Lejeune : Notre genre musical
Barbara à Paris et le 30 mai au Ferrailleur à Nantes
correspond plus à ce qui se fait aux États-Unis.
pour la release party de l’album.
C’est une musique qui leur parle. Dorota Kuszewska : Nous partons ensuite en tournée LFC : N’est-ce pas compliqué de promouvoir
jusqu’à fin septembre dans toute la France. La scène
une musique anglophone en France ?
est quelque chose de très important pour nous, il se passe des choses que l’on ne peut pas vivre lors des
Dorota Kuszewska : C’est toute notre difficulté.
enregistrements.
Mais c’est un défi que de convaincre le public français de nous écouter. Certes nous sommes
Jérémy Mondolfo : Il y a toujours beaucoup d’énergie
français, mais nous faisons avant tout de la
et c’est différent chaque soir, tout dépend du public
musique qui nous inspire.
que nous avons en face.
LFC : Quels sont les groupes qui vous ont
LFC : Si l’on devait retenir une phrase qui définisse le
influencé ?
groupe, laquelle choisiriez-vous ?
Jérémy Mondolfo : Déjà, j’aimerais faire un clin
Romain Lejeune : Une des valeurs du groupe, c’est le
d’œil au producteur de l’album qui s’appelle
partage. L’exemple de Dorota est très inspirant. Elle a
Charles Rowell et qui joue dans le groupe
quitté son pays pour rencontrer d’autres gens et faire
californien Crocodiles. Nous l’avons vu en
de la musique. C’est cette image-là que nous aimons
concert il y a cinq ou six ans et cela a été une
véhiculer.
révélation pour nous. Nous avons ensuite joué avec ce groupe à Austin (USA) l’an dernier. Et
Dorota Kuszewska : Cela n’a jamais été facile, mais
nous avons sympathisé avec lui. Il nous a vu
c’est excitant. Il ne faut jamais rester sur ses acquis.
185 LFC MAGAZINE #9
THE BLIND SUNS joueront le 19 et 20 mai 2018 à la 32ème édition du Festival International de Musique Universitaire à Belfort. Ce festival gratuit réunit chaque année 100 000 spectateurs autour d’une centaine de groupes. Vous allez vous régaler !
AUTOMAT
LFC MAGAZINE #9 187
Les quatre membres du groupe Automat nous ont fait l'amitié de nous rejoindre au cœur de Paris pour une séance de photos. Nous sommes très heureux de les recevoir dans nos colonnes dans le but de vous présenter leur nouvel album Pandora. Bonne humeur, rire, passion et musique sont les mots-clés de cette première rencontre fort sympathique. Entretien inédit. LFC MAGAZINE #9 188
LFC : Comment vous êtes-vous rencontrés tous les quatre ? Maxime : Nous sommes des amis de longue date. Nous nous sommes rencontrés au début de l’adolescence vers treize ans. Samuel : Il y a eu un concert à notre première journée d’école au collège et c’est un peu cela qui nous a rapprochés. Le courant est passé tout de suite entre nous.
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS CÉLINE NIESZAWER LEEXTRA
Plusieurs groupes ont fait cette démarche de venir en France, comme les Cowboys Fringants. Et c’est ce genre de succès qui nous motive. Mathieu : Par la suite, nous avons joué dans des
contrat en maison de disque, nous étions prêts à
groupes différents. Et le destin a fait que nous
faire tout ce qu’ils nous demandaient sans même
nous sommes retrouvés à jouer dans le même
prendre le temps de réfléchir. En vieillissant, nous ne
groupe Automat.
faisons plus ce genre de compromis, nous cherchons à faire ce qui nous rend meilleurs.
LFC : Pouvez-vous nous expliquer la signification de Automat ?
LFC : L’industrie musicale change, car elle fait écho au monde dans lequel on vit. Qu’en pensez-vous ?
Max-Antoine : Il n’y a pas forcément de signification. On trouvait que le nom sonnait
Maxime : Oui, surtout avec l’arrivée d’internet. Cet
assez bien et de toute façon, il fallait que l’on se
outil est formidable pour nous, car il nous permet de
trouve un nom. C’est chose faite ! (Rires)
nous exporter et de faire découvrir notre musique à beaucoup plus de monde. Les changements dans
LFC : Vos débuts sont intéressants, car l’idée de
l’industrie sont vraiment positifs.
départ remonte à votre jeunesse. Vous avez fait mûrir cette idée dans vos têtes. Et aujourd’hui
LFC : Vous avez déjà une belle carrière au Canada.
vous êtes devenus professionnels. Pensiez-vous
Vos disques marchent bien. Pourquoi le marché
un jour en arriver là ? Quel regard portez-vous sur
français vous intéresse-t-il ?
votre parcours ? Max-Antoine : On trouve les Français sympathiques Samuel : C’est une bonne question. Nous nous
tout d’abord. Et même si nous avons notre propre
sommes vus évolués ensemble, non seulement en
culture au Canada, nous vivons un peu comme vous.
tant que musiciens, mais aussi en tant
Cette démarche est naturelle.
qu’humains. Le fait de voyager, de vivre de notre passion est quelque chose d’un peu irréel. On
Samuel : Nous aimons aussi beaucoup le vin !
rêvait de tout cela lorsque l’on était enfant. Et
(Rires)
maintenant c’est devenu réalité. Mathieu : Plusieurs groupes ont fait cette démarche Mathieu : Le regard que l’on porte sur l’industrie
comme les Cowboys Fringants. Et c’est ce genre de
musicale a changé au fil des années. Par
succès qui nous motive.
exemple, lorsque nous avons signé notre premier
189 LFC MAGAZINE #9
LFC : De plus en plus d’artistes canadiens ont du
Mathieu : Nos textes et notre
succès en France.
direction musicale nous représentent bien. Nous sommes
Maxime : Au Québec, c’est un petit marché dans un
des gars heureux et positifs. Même
très grand pays. Nous sommes venus en France,
quand nous n’allons pas bien, il y en
car on sentait qu’il y avait un plus gros potentiel. Et
a toujours un dans le groupe pour
c’est la même chose en Suisse ou en Belgique.
nous remonter le moral. Notre
C’est un challenge pour nous.
musique c’est une sorte de thérapie.
LFC : Vous êtes à Paris pour défendre votre album.
LFC : Le fait d’être ensemble est-il
Déjà un de vos titres tourne en boucle sur une radio
une force ?
nationale. Êtes-vous heureux ? Max-Antoine : Tout à fait. Le groupe Samuel : Très heureux. Pour nous, c’est une
Automat, c’est avant tout une
manière de recommencer de zéro. Nous revivons
grande histoire d’amitié. Samuel :
toutes les étapes que nous avons vécues au début
C’est même étonnant après toutes
de notre carrière au Québec. Et le fait de voir que
ces années que l’on s’entende
cela fonctionne en France est quelque chose
toujours aussi bien.
d’extraordinaire. LFC : Il y aura bientôt de la scène au LFC : Pouvez-vous nous parler du titre S’enfuir en
programme. Comment abordez-
duo avec la chanteuse Alexe ?
vous cette aventure ?
Max-Antoine : C’est la deuxième version de la
Mathieu : Sur scène, c’est une
chanson. Alexe amène vraiment quelque chose de
complicité entre quatre garçons qui
spécial. C’est une chanson qui parle d’émotion,
sont heureux. Il y a des rires, de la
d’amour et d’évasion entre un homme et une
folie et une grosse dose d’énergie.
femme. Maxime : Nous avons hâte de jouer Samuel : C’était important pour nous d’avoir Alexe
en France et de montrer au public
sur ce titre. C’est une collaboration gagnant-
français à quoi ressemble un show
gagnant qui s’est très bien passée.
d’Automat.
LFC : Comment définiriez-vous votre musique ?
Max-Antoine : Nous venons juste de terminer notre tournée canadienne.
Maxime : Je dirais que c’est de la musique positive.
Les choses se mettent en place
Nos textes sont remplis d’espoir. Et nous avons
doucement en Europe. Nous
d’ailleurs eu la chance de faire une tournée de deux
espérons déjà que l’album aura un
mois dans des écoles. Pour les jeunes, c’est bien
bon écho ici.
d’avoir ce genre de discours.
LFC : Avez-vous une appréhension par rapport à l’album ? Samuel : Nous avons été un peu naïfs par rapport à cela. Nous étions surtout très contents de venir à Paris ! (Rires) Nous sommes sur notre petit nuage. Maxime : Nous n’avons aucune appréhension. Nous sommes très confiants. Peu importe ce qui se passe, l’aventure continue. De plus, nous avons une super équipe autour de nous. Mathieu : Nous faisons confiance à la vie. Nous proposons des chansons. Puis, nous les laissons vivre par elles-mêmes.
Seemone
Mars 2018, nous avons rendez-vous avec Seemone pour nous parler de ses débuts prometteurs de chanteuse. Après deux reprises et un morceau inédit Que reste-t-il de nous ? paru à la mi-octobre 2017, Seemone dévoile enfin le clip de son tout premier single Nightbird. Interview découverte. LFC MAGAZINE #9 193
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS DR
Mes influences sont principalement américaines. Mais plus j’ai grandi et plus je me suis mise à écouter de la variété française. Aujourd’hui, je pense que c’est une force pour un artiste de ne pas se mettre de limites. J’aimerais beaucoup faire une chanson en espagnol par exemple. LFC : Pouvez-vous nous expliquer votre
rendre compte que nos différences c’est ce qui
pseudonyme ? Est-ce un hommage à Nina Simone
fait notre force. J’ai mis du temps à le
?
comprendre et à l’accepter. Mais comme j’étais très bien entourée, tout s’est bien passé.
Seemone : Au lycée, tout le monde se donnait des surnoms et mes amis m’appelaient Simone.
LFC : Avez-vous grandi dans un environnement
J’aimais beaucoup que l’on m’appelle de cette
artistique ?
façon, car je suis une grande fan de Nina Simone. J’ai simplement changé le i en ee pour ne pas que
S : Non, pas du tout. Ma mère fait de la
cela fasse trop copié/collé. Le résultat donne un
décoration d’intérieur, ce qui m’a permis d’avoir
nom mi-français, mi-anglais.
le goût des belles choses. Mais mes parents n’écoutaient pas forcément de musique. Pour
LFC : Comment êtes-vous arrivée dans la musique
ma part, j’ai toujours su que c’est ce que je
?
voulais faire.
S : J’ai toujours voulu devenir comédienne.
LFC : Il y a eu un premier titre à l’été 2017 Que
Comme j’avais une voix assez rauque, il était
reste-t-il de nous ? puis Nightbird qui est sorti en
difficile pour moi de porter ma voix sans qu’elle
fin d’année. Ce sont deux titres complètement
casse., Cela a été une période assez compliquée,
différents.
car je me sentais discriminée. On m’a conseillé de prendre des cours de chant. Ce que j’ai fait. J’ai
S : Je suis une artiste très entière et je n’avais
eu la chance de rencontrer Fabrice Mantegna qui
pas envie de me limiter à un seul type de
est devenu une sorte de mentor. Au bout de trois
musique. J’avais besoin de me découvrir et de
semaines, il m’a dit qu’il fallait que je pense
voir où étaient mes limites. J’étais très réticente
sérieusement à me tourner vers la musique plutôt
à l’idée de chanter en français. Finalement, je
que le cinéma.
me suis découvert très à l’aise dans cette langue. Avec Nightbird, j’ai pu me créer un
LFC : Vous avez fait de votre voix une force. Qu’en
univers et utiliser différentes facettes de ma
pensez-vous ?
personnalité. Comme je n’ai pas grandi dans un milieu musical, je n’ai pas d’œillères. Je suis
S : Complètement. Il faut être mature pour se
195 LFC MAGAZINE #9
ouverte à tout. Je suis très éclectique.
Une fois que l’EP sera terminé, je veux le chanter partout en France et ailleurs. Au Japon s’il le faut ! (Rires) J’ai besoin de me confronter à un public et faire passer des émotions. Je ne demande qu’une chose, c’est découvrir tout cela. LFC : Préférez-vous chanter en anglais ou en
LFC : Nous avons beaucoup aimé le clip de « Nightbird » qui
français ?
a un côté très esthétique. Votre expérience dans le théâtre vous a-t-elle été utile ?
S : C’est impossible de choisir, car j’aime les deux langues. Je suis très admirative de ce
S : Absolument. Cela donne une valeur ajoutée à la chanson.
que l’on peut faire avec la langue française. Il
J’ai été guidée par des gens formidables tout au long de ce
y a tellement d’artistes qui écrivent des textes
clip. Il fallait simplement que je sois moi-même et ce n’est
somptueux. J’adorerais chanter sur l’un d’eux.
pas toujours facile. Toute l’équipe a été extraordinaire.
La langue française est trop belle pour ne pas être chantée.
LFC : Vous parliez de Fabrice Mantegna en début d’interview, mais vous travaillez également avec un autre compositeur :
LFC : C’est une idée assez originale de chanter
Alexandre Mazarguil. Pouvez-vous nous parler de ce trio ?
dans les deux langues. S : J’ai rencontré Fabrice en premier. Avec lui, il y a tout de S : Mes influences sont principalement
suite eu une sorte de connexion artistique. Nous avions
américaines. Mais plus j’ai grandi et plus je
l’impression de nous connaître depuis longtemps. Quand il
me suis mise à écouter de la variété française.
m’a dit qu’il voulait que je rencontre Alexandre, c’était une
Aujourd’hui, je pense que c’est une force pour
évidence pour moi. Je savais que la rencontre allait bien se
un artiste de ne pas se mettre de limites.
passer et ce fut le cas. Avec le savoir-faire d’Alexandre au
J’aimerais beaucoup faire une chanson en
niveau des arrangements, la rigueur de Fabrice et ma
espagnol par exemple.
personnalité, nous formons un beau trio. C’est une chance inouïe d’avoir ces gens-là à mes côtés.
LFC : Vous avez également fait des reprises. Matthieu Chedid ou Matt Simons pour ne citer
LFC : Préparez-vous un EP ?
qu’eux. Que vous inspirent ces artistes ? S : Oui. Il n’y a pas encore de date de sortie, car nous S : J’ai choisi de reprendre la chanson de Matt
sommes très méticuleux, mais il devrait sortir avant l’été.
Simons, car j’aimais beaucoup ce titre à cette époque. J’aimais beaucoup le côté doux et
LFC : Avez-vous des envies de scène ?
électro à la fois. Pour la chanson de Matthieu Chedid, « La bonne étoile », c’est une chanson
S : Je fais de la musique pour la scène. Une fois que l’EP sera
qui me touche énormément. J’ai eu la chance
terminé, je veux le chanter partout en France et ailleurs. Au
de le rencontrer dans un bar à Paris où il a
Japon s’il le faut ! (Rires) J’ai besoin de me confronter à un
chanté cette chanson. J’en ai eu des frissons,
public et faire passer des émotions. Je ne demande qu’une
c’était bouleversant. Ce sont de grands
chose, c’est découvrir tout cela.
artistes, très inspirants.
LFC MAGAZINE #9 • MAI 2018
Le Roi Angus
L'INTERVIEW
Le Roi Angus Le grand retour du groupe Le Roi Angus se manifeste avec un nouvel album Est-ce que tu vois le tigre ? composé de chansons pleines de groove et de poésie. Entretien inédit avec Martin, membre du groupe.
LFC MAGAZINE #9 199
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE
PHOTOS FRANCESCA PALLAZI
Il y a un grand respect mutuel entre nous qui fait qu’on est à l’écoute les uns des autres parce que chacun est le plus pertinent dans son rôle, et cela crée une identité en cela que nous ne cherchons pas à imiter des modèles, mais au contraire à développer une singularité. LFC : Pouvez-vous vous présenter ? Pourquoi le
ciel, comme lorsque la pluie passe devant le soleil.
groupe s’appelle-t-il Le Roi Angus ?
L’album est le reflet du groupe, entre naïveté lumineuse des premiers jours et questionnements
Martin (Le Roi Angus) : On est de vrais-faux
plus intimes qui remontent inévitablement en
Suisses de Genève, avec un peu de France, de
surface lorsqu’on joue son propre rôle. Lorsque
Canada, d’Italie et de Colombie dans les veines.
l’album a été composé et enregistré, il y avait
Les premières répétitions du groupe ont eu lieu
beaucoup de fraîcheur et de lumière dans nos
à l’Épiphanie, et Augustin qu’on appelait Angus
esprits, on écoutait de la psyché californienne, ce
a tiré la fève. Ensuite, Angus est devenu un nom
qui se ressent dans le son. Cette pulsion
pour s’interpeller, et nous avons constaté que
lumineuse s’est mélangée à une sorte de
derrière la fève se cachait un royaume,
mélancolie du temps qui fuit et a commencé à
symbolique et inspirant.
façonner l’univers vaporeux et tout en clair-obscur du Roi Angus.
LFC : Comment vous êtes-vous rencontrés ? LFC : Avis d’auditeur, chez Le Roi Angus, il y a de M : Une rencontre un peu particulière ! Au
l’élégance, une véritable identité musicale, des
départ, je travaillais avec la mère de notre
textes matures. Qu’en pensez-vous ?
batteur Augustin et j’organisais des concerts dans mon appartement, juste au-dessus d’un
M : Merci beaucoup, ça sonne comme un
central téléphonique. Je l’ai invité à faire des
compliment ! La composition du groupe amène
concerts avec ses groupes et ceux de ses potes.
certainement une identité particulière au projet, on
Et finalement, nous avons décidé de faire un
tire parti de notre étrangeté d’origine, avec un
projet ensemble, en français, sans savoir
vieux entouré de quatre jeunes qui fusionnent leurs
exactement ce que ça allait donner.
expériences pour essayer de porter une voix singulière. Il y a un grand respect mutuel entre
LFC : Vous proposez votre deuxième album Est-
nous qui fait qu’on est à l’écoute les uns des
ce que tu vois le tigre ? Que retenez-vous de
autres parce que chacun est le plus pertinent dans
votre premier opus Îles Essentiel ?
son rôle, et cela crée une identité en cela que nous ne cherchons pas à imiter des modèles, mais au
M : Îles Essentiel a la mélancolie des arcs-en-
200 LFC MAGAZINE #9
contraire à développer une singularité.
On adore la scène, les scènes, chaque concert est différent, chaque espace, chaque public. LFC : Une tournée de trois semaines en
LFC : Quel rapport entretenez-vous avec la scène ?
Chine, pensiez-vous que votre passion de la musique vous permettrait de vous
M : On adore la scène, les scènes, chaque concert est
produire si loin ?
différent, chaque espace, chaque public. On arrive avec le cheptel de morceaux qu’on a imaginé pour l'occasion, avec
M : À vrai dire, nous pensions simplement
une histoire préconçue qu’on raconte un peu différemment
enregistrer un album ensemble quand on a
en fonction d’une multitude d’a priori et de sensations. Il y
commencé, donc au départ la Chine nous
a une part de narcissisme dans le fait de se produire sur
aurait vraiment semblé à l’Ouest ! Par
scène et une part évidente d’altruisme. Le public renvoie
contre, nous avons eu très vite des envies
des impulsions essentielles dont on se sert pour renforcer
d’ailleurs. Voyager grâce à la musique est
l’expérience commune. En fait, le terme concert est bien
une chance dont on souhaite profiter au
plus puissant que le mot show.
maximum. En Chine comme souvent ailleurs, c’est toujours très agréable et
LFC : Quelles sont vos prochaines dates de concert ? Vos
rassurant de constater que le français
projets ?
véhicule une culture (et un exotisme) que le public respecte et apprécie, de la même
M : Nous allons nous produire dans les festivals régionaux
façon qu’on est heureux en Europe de
jusqu’à la mi-juillet, particulièrement en Suisse, et il est
voir arriver des groupes américains qui
encore un peu tôt pour évoquer les projets futurs avec la
chantent en anglais et des groupes
sortie récente de notre deuxième album, nous sommes un
japonais qui ne chantent pas en chinois.
peu avares sur ce point !
LFC MAGAZINE #9 • MAI 2018
Astre
L'INTERVIEW NOUVEAU TALENT
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE
PHOTOS © MARIE-AMÉLIE JOURNEL
Astre publie son troisième EP Erase Everything. Ambiance pop, électro, moderne et cinématique. Entretien inédit avec un jeune talent à l'univers élégant et subtil. LFC : Qui êtes-vous Astre ?
je ne désire que m’enrichir et me donner les capacités techniques de créer ce que j’imagine.
A : Je m’appelle Enzo, j’ai vingt-et-un ans, je viens d’un petit village nommé Alixan à côté de Valence, et
LFC : Dans ce nouvel EP Erase Everything, vous parlez
je suis musicien sous le nom de Astre depuis cinq
d’une entrée dans le monde adulte, le témoignage d’une
ans environ. Ma musique se situe entre l’indie, la pop
jeunesse, la fin d’une ère et le début d’une nouvelle.
et l’electro, et puise principalement ses influences
Dites-nous en plus !
dans le cinéma. A : Erase Everything est un nom évocateur, cela parle en LFC : Pourquoi vous appelez-vous Astre ?
effet de souvenirs qu’on veut oublier, d’une réalité à laquelle on se confronte, et donc d’un cap à passer. En
A : J’avais quinze ans quand j’ai choisi ce
réalité, c’est un cercle vicieux dans lequel on est
pseudonyme. À l’origine une fascination pour
perpétuellement, je crois. Le fait de grandir, de se sentir
l’espace, mais aussi un désir de porter un nom
plus conscient qu’hier. J’aime à penser que j’ai donné
français, court, évocateur. Astre est venu
ce titre pour tromper mon cerveau et inscrire ce cap, qui
instinctivement.
se renouvelle constamment, dans le temps. Mais il n’est jamais réellement figé, il a déjà changé, et c’est surtout
LFC : Vous avez composé votre premier EP, Dreams
symbolique. J’en avais besoin à ce moment-là.
of Gold, à dix-sept ans. Comment est né ce premier disque ? Quel regard portez-vous sur vos premiers
LFC : Vos influences pour cet EP sont le jazz et le
pas dans la musique ?
cinéma des années 70. Une époque que vous n’avez pas connue. Pourquoi cet intérêt ?
A : Je suis en perpétuel apprentissage et pour moi Dreams of Gold a été le premier pas vers l’univers que
A : Mes inspirations sont en réalité multiples et pas
je souhaitais créer. J’ai un regard très critique sur
limitées par un cadre défini. Mais c’est vrai que cet EP
mes travaux passés. D’ailleurs, la réflexion autour du
en particulier parle d’un passé contemplé, de ses
titre de mon EP Erase Everything est en partie venue
fantasmes, d’une époque révolue. Je suis passionné par
de là. Mais j’ai aussi beaucoup de nostalgie face à
l’argentique et la pellicule, le processus qui permet aux
mes premières idées. Aujourd’hui,
images d’exister, des images plus touchantes,
204 LFC MAGAZINE #9
LFC MAGAZINE #9 • MAI 2018
Astre
DES COMPOSITIONS ORGANIQUES ÉLÉGANTES ET SUBTILES
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE
PHOTOS © MARIE-AMÉLIE JOURNEL
Je viens du monde de l’image à l’origine, par le dessin puis la création numérique. J’aime imaginer, diriger, et créer. plus vibrantes. C’est l’instinct qui prime. Et
A : Le concert était complet. Et
l’accident ou l’erreur a une place particulière
c’était la première fois que je
lorsqu’on filme de cette façon. Je crois que
jouais devant mes parents, ce qui
cette transposition en musique était cohérente
en fit une expérience formidable.
avec ce que je souhaitais transmettre dans cet
Se confronter à autant de gens,
EP.
cela fait aussi réfléchir et reconsidérer sa musique. Elle
LFC : Au-delà de la musique, vous créez vos
prend une tout autre dimension
propres visuels et artworks. L’envie de tout
lorsque des personnes réelles sont
faire ?
là pour l’écouter devant vous. On sort du carcan de sa chambre pour
A : C’est vrai, je viens du monde de l’image à
faire une proposition au monde,
l’origine, par le dessin puis la création
c’était une expérience super
numérique. J’aime imaginer, diriger, et créer. On
bénéfique.
n’est jamais mieux servi que par soi-même est un proverbe qui me plaît beaucoup. J’ai
LFC : Quelles sont vos prochaines
toujours plus ou moins naturellement assimilé
dates ? Vos projets ?
le fait que la personne la mieux à même de répondre à mes attentes serait moi-même.
A : Je compte de nouveau jouer
Cependant, et plus récemment, j’ai souhaité
dans la capitale prochainement,
collaborer avec d’autres artistes, m’ouvrir à
avec un tout nouveau live ! Je suis
d’autres univers, d’autres sensibilités qui me
aussi en pleine création de mon
touchent et me correspondent, qui m’aident à
premier album, ce qui prendra le
construire ma vision.
temps nécessaire. J’aimerais qu’il soit la consécration de mon
LFC : Quel souvenir gardez-vous des premières
apprentissage et qu’il apporte des
parties de Darius et Synapson ?
réponses à certaines questions.
206 LFC MAGAZINE #9
Spectacle MAI 2018 • LFC #9
LES
5
PIÈCES
DU
MOIS
À
VOIR
Et pendant ce temps Simone veille PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : FABIENNE RAPPENEAU Au Théâtre de la Contrescarpe, on rit à gorge déployée
La mise en scène est originale, dynamique et
dans une salle bondée. Un public largement féminin
imaginative. On y brosse le portrait de trois épouses et
vibre en accord majeur avec les quatre comédiennes. Il
de leurs descendantes depuis 1940 à 2016. Une
y a comme une entente tacite, instinctive, une
fresque de quatre générations qui ne manque pas
communion solidaire, des expériences partagées qui
tantôt d’ébouriffer tantôt de dépoussiérer le passé
résonnent de concert entre toutes les femmes. D’où
depuis le balcon de la femme instruite et libérée du
vient cette magie ? Du thème proposé, pardi ! « Et
XXIesiècle. La première génération est composée de
pendant ce temps, Simone veille » est une comédie
Marcelle, France et Jeanne. Des conditions de vie
déjantée sur l’évolution de la condition féminine en
différentes, des aspirations différentes, mais un même
France depuis les années 50 jusqu’à nos jours. Un vaste
destin tracé par l’histoire écrite par les hommes qui
programme rétrospectif qui peut freiner l’élan tant le
assujettissaient la femme. Intervient alors Simone, la
sujet est rebattu. Mais c’est sans compter la magnifique
narratrice. Bon chic bon genre, elle adore tomber la
énergie des comédiennes, campant une bourgeoise, une
façade sans se départir d’une extravagante humeur
ouvrière et une femme de classe moyenne. Elles outrent
contagieuse et d’une ironie toujours saillante. Elle
le trait, provoquant des situations drolatiques voisinant
pointe les éléments de contexte, les textes de loi, les
avec le burlesque, volontairement, qui laissent
ratés à l’allumage des politiques, contient les
cependant percer un certain dépit vis-à-vis des mœurs
débordements des trois copines qui se disputent, et
qui n’avancent pas aussi vite que les idées et les
s’emberlificote joyeusement la langue pour sortir des
bonnes volontés.
contrepèteries délicieusement salaces.
LFC MAGAZINE #9 208
Quatre tableaux, quatre générations. Des femmes malmenées par les aléas de la vie qui se retrouvent entre copines et parlent de ce qu’elles vivent avec la liberté de ton propre aux confidences. Certaines se résignent ou se débattent, d’autres luttent encore. Mais, finalement, toujours mal dans leur peau malgré les droits durement acquis de génération en génération (se dispenser de l’accord du mari pour travailler et avoir un compte en banque, avorter et choisir une contraception sans être hors la loi, divorcer par consentement mutuel, etc.). En cause : l’homme, celui par qui les malheurs arrivent. Le salaud qui trompe sa femme, qui viole, qui fait un bébé et se défile, qui bat, qui injurie… Le patron qui n’admet pas qu’à travail égal, salaire égal. Combien sont ces femmes enchaînées à leur carrière qui choisissent, l’horloge interne s’emballant, l’insémination artificielle pour faire un bébé toutes seules… en Espagne ! Les thèmes de société d’aujourd’hui sont traités avec la même verve satirique, comme le port du voile et le diktat de la mode.
Chapeau bas pour les quatre comédiennes de la troupe du Pompon (Hélène Serres, Vanina Sicurani, Nathalie Portal et Marie Montoya) qui incarnent avec détermination et passion leurs différents rôles, s’amusant avec le public, dansant des pantomimes hilarantes, chantant au fil des époques des parodies de chansons très connues. Très jolis moments ces voix harmonieuses et ces textes léchés. Bref, de l’engagement incontestable pour le jeu et le sujet. Un sujet guère anodin traité avec force de conviction par l’autodérision et des réparties bien senties. Mais peut-on rire librement, avec éclats et légèreté, sur un sujet traité gravement par le divertissement et avec autant d’investissement personnel ? Il semble que oui ! Pour ma part, le rire s’émancipait par intermittence, peut-être en raison de cet entre-deux indécis entre la gravité et l’humour. « Une femme violée toutes les sept minutes en France… et ce n’est pas la même !». Si la plaisanterie est amusante, la sentence glace le sang. Ce voyage rétrospectif mené avec entrain et un humour virevoltant est en prolongation jusqu’au jusqu'au 2 septembre 2018. Et, il est à parier avec la même énergie libératrice et jubilatoire ! Un très bel hommage à Simone Veil.
Distribution Auteurs : Corinne Berron, Bonbon, Hélène Serres, Vanina Sicurani, Trinidad Artistes : Hélène Serres, Vanina Sicurani, Nathalie Portal et Marie
A
Montoya Co-Production : Le Pompon et Gosset Au théâtre de la Contrescarpe, 5 rue Blainville, Paris Ve. Du jeudi au samedi à 20h et samedis à 17h jusqu'au 30 juin 2018. Du mardi au jeudi, du 3 au 26 juillet 2018 Séances à 16h (au lieu de 17h) Les samedis 26 mai et 23 juin sont suivis d'un débat avec Femmes Solidaires Durée : 1h20 LFC MAGAZINE #9 209
MAI 2018 • LFC #9
Le monte-plats LES 5 PIÈCES DU MOIS À VOIR
Le monte-plats
PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME ©Pierre-Louis Laugérias ©Mayliss Ghorra Œuvre de jeunesse d’Harold Pinter (1957), Le monte-plats
Ben et Gus rongent leur frein dans le sous-sol d’un
convoque l’ennui extrême et dérangeant, dans un huis-clos
restaurant désaffecté. Sans fenêtre ni distraction. Juste
générateur de tensions et d’angoisses. Dramaturge de
une cuisine avec une bouilloire, mais sans allumette ni gaz.
l’absurde, l’auteur poursuit ici la volonté de renvoyer en
Deux tabourets, deux lits de camp. Du spartiate frisant du
boomerang les questions métaphysiques que pose l’un
carcéral ! Ils attendent leur contrat. Ben est le meneur,
des deux personnages : doit-on obéir aveuglément face à
tantôt en gros bras en Marcel laissant apparaître un flingue
l’autorité ? Gus est loin d’être le plus intelligent ou le plus
tantôt en chemise hawaïenne aux fleurs luxuriantes. Il
courageux, et pourtant c’est à travers lui que la
mâchouille un cure-dent en lisant les faits divers. Gus est
conscience se manifeste. Mais s’interroger ainsi lorsqu’on
un grand échalas qui ne sait pas quoi faire de sa peau. Il
est tueur à gages peut faire mal au matricule ! Cocasse,
s’ennuie d’autant plus qu’il ne peut pas se préparer un thé :
pourrait-on dire ? Audacieux plutôt de la part de l’auteur !
or, il ne tue jamais sans un bon thé réconfortant. Cette
Une audace qui estompe la fadeur d’un texte en apparence
impossibilité l’obsède et exacerbe son ennui. À l’affût de
anodin, truffé d’onomatopées, de mots grossiers et
cette vacance inespérée, sa conscience déferle, l’emporte
d’éloquents silences, où transpirent la colère contenue et
dans un torrent de mots, faisant déborder la patience de
la pression brutale des forces qui s’opposent. Tout est
Gus, à la tolérance relativement limitée. Un bon tueur doit
dans le non-dit ou le suggéré, renforcé par l’astuce
laisser les questions aux autres, à ceux qui réfléchissent,
scénique d’Étienne Launay qui en joue avec originalité.
ordonnent et payent. Ce jour-là, le monte-plats est le seul
Quant aux quatre comédiens, ils sont armés d’une belle
moyen de communiquer avec leur mystérieux
gueule de truand, à faire changer de trottoir tout innocent.
commanditaire qui, au lieu de leur indiquer la personne à
Leurs munitions ? Un jeu intense, des regards glaçants et
abattre, leur passe une commande. Le monte-plats va se
des silences écrasants.
révéler un piège aussi ingénieux qu’oppressant pour détecter le maillon faible !
LFC MAGAZINE #9 211
La scène au Lucernaire est définitivement séparée en deux, qu’on vous le dise ! Et au milieu, s’érige une frontière en miroir. Les quatre comédiens (Benjamin kühn, Simon Larvaron, Bob Levasseur et Mathias Minne) jouent simultanément les deux rôles, celui de Gus et celui de Ben. Les personnages dédoublés entrent côté cour et sortent côté jardin dans un ballet infatigable, se passant le relais dans un rythme effréné, que permet une évidente et nécessaire complicité. L’immense travail des comédiens se sent, se palpe et s’entend comme ce silence à couper au couteau. Si l’astuce scénique de la duplication, de prime abord, peut déconcerter, elle n’est certes pas gratuite. Elle multiplie par deux l’ennui, condensant la touffeur de l’atmosphère, tout en le sublimant par la nervosité qui s’en dégage, fouettant un texte banal jusqu’au dénouement. Les comédiens les habillent de cet ennuià la fois lourd et hyperactif, qu’ilsportent à fleur de peau.Quant à leurs dégaines, différentes dans la menace, l’une tirant sur les années 70 et l’autre sur les années 80, elles donnent le sentiment qu’une même action se prolonge, se répète ou s’éternise, comme pour exhorter l’immuabilité du débat entre le rapport avec l’autorité et le libre arbitre. Avec : Benjamin kühn, Simon Larvaron, Bob Levasseur, Mathias Minne Créateurs Auteur : Harold Pinter Traduction: Mitch Hooper, Anatole de Bodinat et Alexis Victor Mise en scène : Étienne Launay Assistant de Metteur en scène : Pierre-Louis Laugérias Production : Coq Héron Productions et la Compagnie La Boîte aux lettres Du mardi au samedi à 18h30 et le dimanche à 15h, jusqu'au 20 mai 2018. Au Lucernaire, 53, rue Notre-Dame-des-Champs, Paris 75006. Durée : 1h05. LFC MAGAZINE #9 212
A
MAI 2018 • LFC #9
Adieu Monsieur Haffmann
LES 5 PIÈCES DU MOIS À VOIR
Adieu Monsieur Haffmann
PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : ©Evelyne Desaux Dans une atmosphère bleu nuit dépouillée d’artifice, le
réussite de cette création bouleversante, qui est très bien
drame se devine sur la scène du Petit Montparnasse.
servie par les cinq comédiens impliqués, complices et
Adieu Monsieur Haffmann nous projette à l’époque sombre
terriblement présents. Une pièce qui pourrait se voir
de l’Occupation allemande et de la collaboration, des
consacrée, le 28 mai prochain, lors de la remise des
propos antisémites diffusés à la radio TSF et des
Molières 2018, où elle est en lice dans six catégories, dont
privations. L’étoile jaune qui ponctue le « i » de « Adieu »
le « Meilleur spectacle du théâtre privé ».
sur l’affiche éclaire les escaliers qui mènent à la cave de la demeure de Monsieur Haffmann. L’histoire commence au
Paris, 1942. L’étoile jaune et la spoliation frappent les
lendemain de la rafle du Vél’ d’Hiv’. Joseph Haffmann ne
citoyens de confession juive. L’étau de la machine nazie se
peut plus fuir afin de rejoindre sa femme et ses quatre
resserre avec le zèle du gouvernement de Vichy. Joseph
enfants réfugiés en Suisse. Aussi il propose à Pierre
Haffmann ne peut plus gérer sa boutique, il ne peut plus
Vigneau, son talentueux tailleur de pierre, de lui confier la
fuir, il est pris au piège… comme un rat. Il est contraint de
gestion de sa bijouterie s’il accepte de le cacher. Si la
demander à son employé de le cacher jusqu’à ce que la
gravité du sujet promet de l’émotion et de la tension, la
situation s’améliore. Pierre connaît le risque d’héberger
pièce de Jean-Philippe Daguerre surprend par cette brise
clandestinement un Juif. Le prendra-t-il ? Et comment
comique qui décuple la force des sentiments ressentis.
convaincre Isabelle, sa femme ? Une idée fait son chemin,
Son écriture vibrionne de décalages qui conduisent la
une idée folle, immorale et délicate à mettre en œuvre. Et
pesante gravité à valser avec un humour souvent satirique.
si, en retour, il exigeait de son ex-patron qu’il couche
Cette union inattendue est le socle de la
avec sa femme jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte.
LFC MAGAZINE #9 214
Ainsi, « face au destin, nous serons quittes ! » conclut
Avec Adieu Monsieur Haffmann, le spectateur
l’homme stérile. Au fil des semaines, Pierre Vigneau se
sonde le cœur des hommes et des femmes
plonge dans le travail et fait fructifier les affaires de la
chahutés par la grande histoire, mais aussi par la
bijouterie grâce à la clientèle nazie, comme l’ambassadeur
leur, cette vie du quotidien qui louvoie entre le
d’Allemagne Otto Abetz. L’appât du gain aurait-il étouffé
chaos collectif et les besoins individuels.
toute prudence ?
L’auteur Jean-Philippe Daguerre réussit à nous
L’argument de la pièce peut paraître un tantinet facétieux
faire entrer dans son histoire d’une grande
face à l’horreur historique qui se rejoue. Là réside toute la
humanité qui entremêle les sentiments (amour,
force d’écriture de Jean-Philippe Daguerre qui installe une
courage, lâcheté, peur). Sa mise en scène est
situation qui appelle le comique sur le lit du drame
d’une sobriété exemplaire et astucieuse, la cave
historique. Écrit d’un jet en sept jours, le scénario est une
et la cuisine occupant les deux parties de la
fulgurance d’intelligence, de rythme et d’intensité. Ce «
scène. Elle est mise en valeur par des effets de
chantage » au bébé vient dédramatiser la position
lumière signifiants qui soulignent l’intensité des
humiliante d’un homme devant se terrer pour échapper à la
échanges et l’introspection des personnages.
mort. Mais cet accord n’est-il pas une autre forme
Dans le jeu des cinq comédiens, c’est encore
d’emprisonnement qui le réduit à un objet reproducteur ?
l’économie qui frappe. L’économie des gestes et
Certes, donner la vie en temps de guerre est un message
des mots. Pas d’effets de manche ni de
optimiste. Le demander à un homme issu d’un peuple
démonstrations larmoyantes. Tout est retenu,
proscrit renverse magistralement la vapeur de ces trains de
comprimé en soi, prêt à imploser. Les regards
la mort. Cette situation n’est confortable pour personne.
habillent les mots de lumière et créent de vives
Par obligation, Joseph s’y astreint. Par besoin, la femme y
émotions. Ce soir-là, Alexandre Bonstein (Joseph
consent. Par amour, le mari met son orgueil et sa virilité
Haffmann), Charles Lelaure (Pierre Vigneau),
dans sa poche, et pour taire la jalousie qui enfle, il va
Julie Cavanna (Isabelle Vigneau), Franck
apprendre les claquettes et travailler comme un fou, sans
Desmedt (Otto Abetz) et Charlotte Matzneff (son
discernement éthique. En filigrane de cette pièce s’invite
épouse) ont endossé leur rôle à la perfection,
ainsi le thème de la collaboration, et la facilité avec laquelle
dans une belle osmose, donnant vie à leur
les bonnes excuses viennent museler la mauvaise
personnage au point de nous faire croire à la
conscience, mais aussi défaire les liens pour s’en libérer.
suprématie du cœur sur la déraison collective.
Avec : Grégori Baquet ou Charles Lelaure, Alexandre Bonstein, Julie Cavanna, Franck Desmedt ou Jean-Philippe Daguerre, Charlotte Matzneff ou Salomé Villiers. Auteur : Jean-Philippe Daguerre
A
Mise en scène : Jean-Philippe Daguerre Assistant à la mise en scène : Hervé Haine Collaboration artistique : Laurence Pollet-Villard Lumières : Aurélien Amsellem Musique : Hervé Haine Décors : Caroline Mexme Costumes : Virginie H Du mardi au samedi à 21 h et le dimanche à 15 h, jusqu’au 3 juin 2018, excepté le 1er mai et le 25 mai. Au Théâtre du Petit Montparnasse, 31 rue de la gaîté, Paris 7501. Durée : 1h30.
LFC MAGAZINE #9 215
MAI 2018 • LFC #9
Horowitz, le pianiste du siècle LES
5
PIÈCES
DU
MOIS
À
VOIR
PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : NATHALIE GENDREAU
Impensable, ambitieux, fou, périlleux. Sur le papier, tous
La Salle Gaveau bruisse de murmures et d’impatience.
ces qualificatifs sur le spectacle Horowitz, le pianiste du
Bientôt, le rideau va se lever sur Claire-Marie Le Guay et
siècle battent la démesure. Sur scène, ce 3 février 2018
Francis Huster qui vont raviver l’âme de Vladimir
à la Salle Gaveau, à Paris, ils s’inclinent devant la
Horowitz, un artiste admiré de son vivant et de nos jours,
simplicité des talents réunis et la pureté des
autant par le public que par ses pairs. Au cours de ses
interprétations, au premier rang duquel Vladimir
récitals, il aura fait moisson de surnoms qui font échos à
Horowitz. Le virtuose à la vie tourmentée, l’explorateur
sa puissance de jeu et ses prouesses techniques : Roi
de l’ombre et de la lumière. L’aventurier ardent défenseur
des rois parmi les pianistes, L’ouragan des steppes ou
de sa différence. Un homme qui a traversé le XXe siècle
encore Le dernier romantique. Le souffle semble comme
avec la musique comme seul guide. Pour restituer le jeu
suspendu à l’idée d’assister à l’apparition d’un monstre
de ce pianiste disparu en 1989, Claire-Marie Le Guay
sacré réincarné dans la modernité de l’instant. Le
incarne ce même cœur qui bat le tempo avec fougue et
rassembler autour des mots qui relayent une existence
dextérité. Pour soutenir cette âme forte, Francis Huster
hors du commun, des musiques que le pianiste aimait
offre son timbre sans nul autre pareil, qui fait remonter
jouer et de l’album photo de ses souvenirs cristallise
des profondeurs de l’oubli une histoire passionnante et
l’ardent désir de Francis Huster d’expliquer l’homme en
singulière. Après avoir accordé le pianiste à sa musique
miroir de sa carrière retentissante entrecoupée de tristes
et à son parcours, le metteur en scène Steve Suissa lui
pauses. Il restait à associer un cœur animé de justice et
insuffle la vie grâce à un mur d’images et de séquences
dix doigts fuselés exaltés de beauté pour restituer la
filmées. Des souvenirs d’un monde sépia, des
grandeur d’un musicien à l’aune d’une personnalité
instantanés de drames et des éclats de notes. La trinité
complexe et fascinante.
indivise d’un destin glorieux. LFC MAGAZINE #9 217
Soudain, le silence et des flots de lumière se concentrent sur un piano
Le tourbillon de la musique
Steinway & Sons et un confident, siège en forme de S. Puis les mots, les
s’impose-t-il à Vladimir Horowitz
notes et les images conjugués font irruption, donnant l’illusion de l’entrée
pour conjurer le malheur,
en scène du virtuose. D’un côté Claire-Marie Le Guay prête ses mains
transcender la douleur ou
légères et fougueuses aux airs préférés du Roi des rois parmi les
l’entourer de douceur ? En
pianistes. De l’autre, l’hôte de l’âme d’Horowitz, Francis Huster porte
signant un texte d’une
l’élégance jusqu’à l’économie de gestes, jusqu’au velours de la voix,
musicalité et d’une délicatesse
jusqu’aux emportements du cœur. En fond de scène, deux écrans en
inouïe, Francis Huster propose
quinconce donnent corps à l’homme né en 1903 en Ukraine qui aura
un livret à la mesure des
approché de nombreuses fois la mort, traversant des régimes
partitions interprétées pour
autoritaires et la révolution bolchevique, fuyant les conflits mondiaux et
réunifier sans fioritures l’homme
combattant la dépression chronique avec le même courage. Sont aussi
et le virtuose. Alternant fermeté
évoqués ses parents aimants, son envie d’apprendre le piano à cinq ans,
et légèreté, intensité et fragilité,
son entrée au conservatoire de Kiev, sa passion pour la musique, ses
truculence et simplicité, les
premiers récitals à Berlin et Hambourg, Paris et les États-Unis, ses
mots résonnent par leur
rencontres décisives (son professeur Alexandre Scriabin ou le chef
évidence et les idées par leur
d’orchestre italien Arturo Toscanini), les disparitions tragiques de ses
justesse. Ils bouleversent et
parents, de ses sœurs et frères et surtout de sa fille Sonia à 40 ans. Pour
marquent les esprits. L’écriture
rapporter cette existence blessée, les grands airs des compositeurs
factuelle embellie de poésie et
comme Mozart, Liszt, Chopin, Schumann, Rachmaninov, Bizet, Ravel…
d’humour parle à tous les
accompagnent tous ses moments de vie, aussi bien dans la peine que
cœurs, qu’ils aient été bercés ou
dans la joie.
non par le Concerto n° 1 de Tchaïkovski. En apportant ce souffle épique artistique au parcours incroyable d’un homme seul sans papiers sans argent parvenu au faîte de la reconnaissance, les deux artistes et le metteur en scène réussissent leur pari d’un spectacle exceptionnel vibrant au diapason d’Horowitz, lequel n’aimait que l’inaccessible. De là à croire que l’inaccessible Avec Francis Huster et
pousse à l’atteindre !
Claire-Marie Le Guay au piano. Créateurs Auteur : Francis Huster Mise en scène : Steve Suissa Production : Jean-Marc Dumontet Productions En tournée en 2019 pour une soixantaine de dates. Durée : 1h30. LFC MAGAZINE #9 218
A
MAI 2018 • LFC #9
En attendant Bojangles LES
5
PIÈCES
DU
MOIS
À
VOIR
En attendant Bojangles
PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME Crédits photos : ©Evelyne Desaux Pour ceux qui ont dévoré le livre, la fidélité est
D’aucuns pourraient dire que la folie assiège la raison de
l’impression qui prédomine en découvrant la pièce de
ce couple qui n’a qu’une règle : respirer l’air de
théâtre, au théâtre de la Pépinière. La fidélité au texte
l’extravagance, de la joie sans limites et de la fête
brillant, la fidélité aux émotions suscitées, la fidélité à
ininterrompue. Faire comme s’ils vivaient le dernier jour. Et
l’intensité des personnages. En attendant Bojangles
comme l’ordinaire ne fait pas partie de leur quotidien,
vous invite à entrer dans la danse entraînante de
mission est donnée au fils d’imaginer ses journées d’école
l’auteur Olivier Bourdeaut, adaptée et mise en scène
et de les raconter avec une seule contrainte : mentir beau !
avec talent et respect par Victoire Berger-Perrin. Il faut
Le mari aime sa femme et celles qui s’éveillent en elle tant
être mû par une grande humilité pour ne pas essayer
et si bien que naît avec l’aube un nouveau prénom. Elle,
d’imposer son tempo, mais au contraire de mettre en
elle en rit de bonheur et danse le cœur si plein d’amour
musique des mots qui contiennent l’essence de la vie !
que la contrariété s’effarouche et n’ose entrer dans ce
Quant aux trois acteurs, ils donnent aux personnages
foyer chauffé au feu de la tendresse. Mais, un funeste jour,
une consistance bouleversante et une force
c’est le choc fiscal. Les impôts vont tout leur prendre,
remarquable. Le père (Didier Brice), la mère (Anne
jusqu’à menacer l’équilibre de cette magie qui les unit. À
Charrier) et l’enfant (Victor Boulenger) évoluent sous
force de lui avoir « botté le cul », le peu de raison qui
l’air de Nina Simone et tourbillonnent avec élégance
restait déclare alors forfait. Heureusement, ils ont cette
sous le souffle dramatique. Le panache est tel que l’on
richesse inaliénable qu’est l’amour absolu, irradiant,
s’identifie aux personnages divinement fous et
joyeux. Mais cela suffira-t-il pour vivre heureux jusqu’à la
follement divins !
fin des temps ? LFC MAGAZINE #9 220
En attendant Bojangles était déjà un bijou de
Anne Charrier est une épouse langoureuse et sublime, et
littérature. Avec l’intelligence de cœur de la
une mère tendre et espiègle. Elle dose avec grâce et
scénariste et metteuse en scène, c’est aujourd’hui
conscience les excès d’émotions de son personnage.
un joyau théâtral. Victoire Berger-Perrin lui
L’extravagance est juste, la déraison si logique et l’amour
insuffle la vie sur les planches avec une grande
si vivant qu’elle nous fait facilement entrer dans sa
force et délicatesse. Les impressions du livre
danse. L’air de Nina Simone favorisant l’envoûtement, la
s’estompent, la comparaison s’efface – ne venant
comédienne captive et rayonne, elle est un soleil qui
qu’a posteriori – pour offrir le tableau original
dispense lumière et chaleur. Didier Brice est un mari
d’une histoire connue. Original par le traitement
attendrissant qui sacrifie sans crainte la normalité à
qu’elle en fait, où la légèreté et la gravité sont des
l’autel de la passion. Mené par ce désir rare d’absolu, le
sœurs jumelles qui ne souffrent pas de se quitter.
comédien joue en finesse et en intensité. L’amour l’inspire
Chacune se rejoignant dans l’extrême. Les deux
et le transfigure. Il devient l’amour, la beauté l’habille de
hommes narrateurs évoquent par alternance vive
pied en cap. Entre ces deux comédiens au jeu
et rythmée la naissance de ce couple, la vie de
éblouissant, Victor Boulenger campe un enfant
cette femme hors-norme et si attachante, au point
raisonnable pour trois, qui considère ses parents avec
d’oublier sa propre raison. Est évoqué un amour
l’amour inconditionnel d’un enfant et l’amour bienveillant
qui grandit en caracolant sur la crête des
d’un adulte. Cette impression qui ressort aussi du livre est
émotions, où le moindre faux pas pourrait lui être
accentuée par le choix d’un comédien adulte. On y adhère
fatal.
d’autant plus qu’il fait croire au drame qui se noue, et à la fatalité qui va lui ravir ses parents et les jours heureux. Le courage de l’enfant serre le cœur, et le talent du comédien éblouit. À la fin, on se surprend à ne pas vouloir dissocier les comédiens de leur personnage. Ils ne font qu’un,
Du mardi au samedi à 19 heures,
inséparables dans le sacre de la sincérité. Les larmes
jusqu’au 5 mai 2018.
sont les applaudissements du cœur et appellent à un
Au théâtre de la Pépinière, 7 rue
sacre plus grand, celui des Molières. Pourquoi pas le
Louis le Grand, Paris 75002.
“Molière de la comédienne dans un spectacle de théâtre
Durée : 1h20.
privé” pour Anne Charrier ? On le lui souhaite ! Distribution Avec : Anne Charrier,
A
Didier Brice et Victor Boulenger. Auteur : Olivier Bourdeaut Adaptation et mise en scène : Victoire Berger-Perrin Assistante de mise en scène : Philippine Bataille Chorégraphie : Cécile Bon Collaboration artistique : Grégori Baquet Lumières : Stéphane Baquet Musique : Pierre-Antoine Durand Décor : Caroline Mexme Costumes : Virginie H LFC MAGAZINE #9 221
LA SÉLECTION SÉRIE/DOC DE LFC MAGAZINE
PAR QUENTIN HAESSIG
VOTRE PLATEAU TV
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TRUMP,UNRÊVEAMÉRICAIN C
FARY IS THE NEW BLACK
omment Donald Trump est parvenu à devenir l’homme le plus puissant du monde ? Ce documentaire en quatre
parties retrace le parcours du milliardaire américain devenu
U
président. Tout commence en 1971 lorsqu’il reprend
ne scène à 360°. Un style
l’entreprise familiale, de l’immobilier au casino en passant par
inimitable. Fary enchaîne sujets légers et
la bourse et la télé-réalité, l’homme d’affaire new-yorkais se
thèmes sensibles avec une élégante
bâti un empire colossal et parvient au poste suprême,
arrogance. Le stand-up à l'américaine a trouvé son Français.
président des États-Unis. Oui, aux États-Unis, tout est possible. Trump, un rêve américain tous les épisodes disponibles sur Netflix.
À seulement vingt-six ans, Fary s’est imposé comme l’un des leaders du stand up en France. Découvert dans le Jamel Comedy Club en 2014, l’humoriste originaire du Cap-Vert ne cesse de grimper depuis quelques années. Ses passages remarqués dans l’émission « On n’est pas couché » de Laurent Ruquier lui ont permis également d’accroître sa popularité. Quelques jours après l’arrivée du spectacle
Madame de Maintenon, le roi Louis se
de Gad Elmaleh, nous sommes heureux de voir débarquer un nouveau frenchy sur la plateforme. Petit bonus, si vous aimez Fary et La Casa de Papel, rendez-vous sur la chaîne YouTube de Netflix France pour une vidéo… un peu spéciale !
retrouvera menacé par un mystérieux
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prisonnier… Après un an d’absence, la série Française est de retour pour une troisième saison. « La fin d’un règne… Le début d’une légende », un titre qui
ans cette nouvelle saison, le roi Louis XIV, annonce la couleur pour ce qui s’annonce être Fary is the new black, le spectacle disponible sur Netflix.
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la dernière saison de la série créé en 2015 par
contrecarrer ses ambitions depuis qu'il a vaincu Simon Mirren et David Wolstencroft. la Hollande, envisagera d'étendre son royaume et son pouvoir dans tout le continent.
Dix épisodes constitueront cette dernière saison avec au casting George Blagden, Alexander
C'est sans compter sur la colère du peuple
Vlahos, Tygh Runyan, Stuart Bowman, Anna
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Brewster, Maddison Jaizani, Jessica Clark… Petit
leur Roi Soleil. Désormais épaulé par une
bonus, pour gagner deux invitations pour le
nouvelle favorite, répondant au nom de
Grand Bal Masqué de Versailles, rendez-vous sur
la page Facebook de la série. Versailles, la saison 3 disponible le 23 avril 2018 sur Canal+. LFC MAGAZINE | #9 | 222
LA SÉLECTION SÉRIE/DOC DE LFC MAGAZINE
DU MOIS DE MAI 2018 THE CW/NETFLIX
THE 100 C
ela fait 6 ans que la vague mortelle a détruit tout sur son passage, laissant derrière elle une Clarke, seule, essayant tout pour survivre, tandis que ses amis sont éparpillés dans le bunker et dans l’espace. Mais une nouvelle menace fait
HULU
son apparition: un vaisseau d'anciens prisonniers cryogénisés débarque sur
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Terre afin de reconquérir le seul endroit viable de la Terre: Shadow Valley. Un trailer inédit de presque quatre minutes, un générique revisité en guise
CHEF'S TABLE P
THE HANDMAID'S TALE
A
près l’énorme succès de la première saison, l’oeuvre de Margaret Atwood, très
de cadeau pour les fans… Tous les
our tous les amoureux de la nourriture,
impliquée dans cette suite, est de retour
ingrédients sont parfaits pour nous faire
la quatrième saison de Chef’s Table -
pour une deuxième saison qui sera diffusée
patienter avant la cinquième saison du
Spéciale Pâtisserie est disponible en
sur HULU et OCS Max dès le 26 avril 2018.
show de Jason Rothenberg.
intégralité sur Netflix. Cette saison explorera les différents
Clarke, Bellamy, Echo et Octavia seront de
Dans cette saison se succèderont Christina
évènements qui ont conduit à l’avènement
retour le 24 avril pour une saison qui
Tosi (« Milk Bar » à New York), Will Goldfarb («
du régime totalitaire. Au casting, Elisabeth
s’annonce explosive.
Room 4 Dessert » à Bali), Corrado Assenza («
Moss, récompensée par un deuxième
Caffé Sicilia Noto » en Sicile) et Jordi Roca («
Golden Globe (le premier pour la série Top
El Celler de Can Roca » en Espagne).
of the Lake en 2014) sera toujours de la
The 100 disponible le 24 avril 2018 sur The CW puis sur Netflix.
partie. Cette deuxième saison sera Après trois saisons uniquement dédiées à la
constituée de treize épisodes que l’on
nourriture salées, nous aurons cette fois-ci le
attend avec énormément d’impatience !
plaisir de découvrir du lait au goût de céréales, de la gelato et du chocolat… Miam ! Petit bonus, la série a consacré également une saison entière à quatre chefs français. Disponible également sur Netflix. Bon appétit !
Chef’s table, l’intégralité des saisons disponibles sur Netflix.
LFC MAGAZINE | #9 | 223
The Handmaid’s tale, la saison 2 disponible sur HULU et OCS Max dès le 26 avril 2018.
LFC LE MAG :
RENDEZ-VOUS ENTRE LE 2 JUIN ET LE 10 JUIN 2018 POUR LFC #10 Cela semble impossible jusqu'Ã ce qu'on le fasse. NELSON MANDELA
DANS LE PROCHAIN NUMÉRO
À NE PAS MANQUER
PHOTO : MATHIEU GENON // LEEXTRA
MAXIME CHATTAM / JEAN-CHRISTOPHE GRANGÉ / LEJ VIRGINIE GRIMALDI / JOSÉ RODRIGUEZ DOS SANTOS / LOUIS DELORT / ET DES SURPRISES...
JUIN 2018 | #10 | BIENTÔT