LFC #7 NOUVEAU
MARS 2018 DOUBLE COVER
100% INDÉPENDANT
180 PAGES DE CULTURE
LE MAG DIGITAL
Et aussi Ovidie Grégoire Delacourt Pauline Croze Karen Cleveland Sofi Tukker Diane Ducret et d'autres invités...
ARNAUD VALOIS LA RÉVÉLATION DU FILM CHOC 120 BPM
LAFRINGALECULTURELLE.FR
NOUVEAU // LFC MAGAZINE #1 #2 #3 #4 #5 #6
VOTRE RENDEZVOUS CULTUREL 100% gratuit, indépendant et généreux, Mensuel et uniquement digital, Des entretiens exclusifs dans une maquette fashion, Des photos exclusives avec LEEXTRA, Une double cover avec des artistes prestigieux, Des livres, de la musique, du spectacle, des séries TV.
DÉJÀ 100 000 LECTEURS
Merci !
ÉDITO
LA FRINGALE CULTURELLE, LE MAGAZINE DIGITAL LFC #7
Rédigé par CHRISTOPHE MANGELLE Salut les Fringants, Le deuxième numéro de l'année 2018 propose à 80% des sujets FAIT MAISON, comme au restaurant, c'est-à-dire une rencontre authentique avec l'artiste + photographies exclusives grâce à notre partenaire LEEXTRA. Nous remercions l'implication des photographes : Patrice Normand, Arnaud Meyer, Julien Faure, Julien Falsimagne, Franck Beloncle, et - honneur aux femmes - à Céline Nieszawer qui signe nos deux covers. Merci aussi à Ursula sigon. Un grand MERCI à Ovidie et Arnaud Valois de nous avoir fait confiance. Ainsi qu'à Grégoire Delacourt, Karen Cleveland, Lukas Bärfuss, Alexander Maksik, Marie-Laure de Cazotte, Saïdeh Pakravan, Héloïse Guay de Bellissen, Laurent Lamarca, Diane Ducret et Julien Dufresne Lamy. Vous êtes plus de 100 000 personnes à consulter le magazine depuis son lancement. MERCI pour votre fidélité et vos partages sur les réseaux sociaux. Très bonne lecture les fringants, Rendez-vous fin mars, début avril, pour le numéro #8 de LFC magazine.
ET SURTOUT... LA REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TOUS LES ARTICLES, PHOTOS, ILLUSTRATIONS, PUBLIÉS DANS LFC MAGAZINE EST FORMELLEMENT INTERDITE. Ceci dit, il est obligatoire de partager le magazine avec votre mère, votre père, votre voisin, votre boulanger, votre femme de ménage, votre amour, votre ennemi, votre patron, votre chat, votre chien, votre psy, votre banquier, votre coiffeur, votre dentiste, votre président, votre grand-mère, votre belle-mère, votre libraire, votre collègue, vos enfants... Tout le monde en utilisant :
ARNAUD VALOIS OVIDIE
08
Marseille
10
Cécilia Dutter
18
La Forme de l'Eau
22
Colombe Schneck
24
Le lauréat
26
Henri Demarquette
29
Carole Serrat
33
Nathalie Migeot / Sofiane
37
Zanna Sloniowska
41
Lukas Bärfuss
46
Alexander Maksik
51
Marie-Laure de Cazotte
57
Héloïse G.de Bellissen
62
Saïdeh Pakravan
67
Diane Ducret
72
Julien Dufresne Lamy
78
Sara Lövestam
82
Cédric Lalaury
85
Karen Cleveland
90
Guillaume Richez
94
Dossier Marabout
106
Ovidie
113
Arnaud Valois
123
Grégoire Delacourt
130
Nemo Schiffman / Nilusi
135
Lou
140
Schérazade
146
Pauline Croze
152
Laurent Lamarca
157
Sofi Tukker
163
Les 5 pièces du mois
178
La sélection séries TV
L'ÉQUIPE
Fondateur et rédacteur en chef Christophe Mangelle
Journalistes Quentin Haessig Christophe Mangelle Laurent Bettoni
Coordinatrice Photographes Ursula Sigon LEEXTRA
Photographes Céline Nieszawer Patrice Normand Arnaud Meyer Julien Faure Julien Falsimagne Franck Beloncle LEEXTRA
Traducteur Quentin Haessig
Ovidie, Arnaud Valois, Grégoire Delacourt, Karen Cleveland, Lukas Bärfuss, Alexander Maksik, Marie-Laure de Cazotte, Saïdeh Pakravan, Héloïse Guay de Bellissen, Laurent Lamarca, Diane Ducret et Julien Dufresne Lamy sont exclusivement photographiés par les photographes de l'agence LEEXTRA, notre partenaire. Des sujets tous 100% "fait maison".
Chroniqueurs Nathalie Gendreau (Théâtre) de Prestaplume David Smadja (Cinéma) de C'est contagieux Quentin Haessig (Série TV) de La Fringale Culturelle Muriel Leroy Alexandra de Broca Clarisse Sabard
LFC MAGAZINE
MARS 2018 | #7
5
La sélection
de la rédaction
Livres, série TV, film, pièce de théâtre...
par Christophe Mangelle, Laurent Bettoni, David Smadja, Alexandra de Broca...
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MARSEILLE SAISON 2 LA SÉRIE S'OFFRE UNE SECONDE CHANCE SÉRIE LFC MAGAZINE
01
UN CASTING QUATRE ÉTOILES
ACTUELLEMENT SUR NETFLIX MARS 2018
DES ACTEURS EN GRANDE FORME. UNE SÉRIE TRÈS BIEN FILMÉE AVEC UNE INTRIGUE FAITES DE HAUTS ET DE BAS. C'EST ASSEZ INÉGAL, ON REGARDE EN PENSANT À HOUSE OF CARDS. CE SERAIT UNE TRÈS BONNE SÉRIE POUR LE PUBLIC TF1. MOYEN POUR CELUI DE NETFLIX.
L'AVIS EXPRESS DE LA RÉDACTION
PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTOS NETFLIX MARS 2018
ACTUELLEMENT SUR NETFLIX
CÉCILIA DUTTER
LIVRE LFC MAGAZINE
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PAR LAURENT BETTONI / PHOTOS : © ÉRIC GARAULT ET NATACHA SIBELLAS
CÉCILIA DUTTER VIVRE
LIBRE
AVEC
ET T Y
HILLESUM
À l’occasion de la sortie de son nouveau livre, Vivre libre avec Etty Hillesum (éditions Tallandier), Cécilia Dutter nous ouvre les portes de sa demeure parisienne et nous parle de la littérature, de la spiritualité, de la foi, des hommes et des femmes ainsi que de son inoxydable amour de la vie. Entretien.
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LFC : Vous êtes à la fois romancière et essayiste, mais
travers le roman, l’auteur essaie de tendre des fils
c’est bien par le roman que vous avez fait votre entrée
pour que d’autres s’en emparent et prolongent sa
en littérature. Qu’est-ce qui vous a conduit alors à écrire
réflexion.
des essais, et quel lien existe-t-il entre eux et vos œuvres de fiction ?
Dans un essai, on traite directement d’un thème ou, s’il s’agit d’un essai biographique, on met en lumière
CD : Vous avez raison, j’ai commencé mon parcours
une personnalité. Dans tous les cas, on ne les choisit
littéraire par deux romans : Une présence incertaine (Thélès,
jamais par hasard mais parce qu’à travers ce sujet ou
2005), puis La Dame de ses pensées (Ramsay, 2008). Mais à
cet être singulier on va pouvoir illustrer des valeurs
partir de 2010, où j’ai publié une biographie, Etty Hillesum,
qui nous tiennent à cœur.
une voix dans la nuit (Robert Laffont), ma bibliographie comprend aussi bien des romans comme Zeina, bacha posh (Le Rocher, 2015) que des essais comme Et que le désir soit (Desclée de Brouwer, 2011).
LFC : Comment envisagez-vous la suite de votre cheminement littéraire, entre textes de fiction et textes de non-fiction ?
Même si romans et essais ne répondent pas aux mêmes
CD : À vrai dire, j’aime écrire les deux et je compte
critères structurels et formels, j’ai l’impression de suivre une
bien continuer à passer alternativement de l’un à
même ligne littéraire et de défendre une même vision du
l’autre. Je me sers souvent de mes essais pour nourrir
monde, au sein de l’ensemble de mes ouvrages, quel qu’en
mes romans. D’ailleurs, la frontière entre les deux
soit le genre.
genres n’est pas si marquée que l’on croit.
Dans une œuvre de fiction, l’important, c’est, bien entendu,
À toi, ma fille (Le Cerf, 2017), par exemple, est un récit-
d’intéresser le lecteur à l’histoire qu’on lui raconte, de la
essai écrit sous forme épistolaire. À travers un recueil
construire de telle sorte qu’il ait envie de tourner les pages.
de lettres au ton résolument intimiste et personnel,
Mais l’histoire est toujours au service d’une réflexion, d’une
empreintes de tendresse et d’affection, une mère
idée qu’on se fait de la vie et qu’on aimerait partager. À
(celle que je suis) s’adresse à sa fille de 17 ans en vue
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de lui transmettre ses ultimes conseils et lui rappeler
Pourquoi s’enfermer dans un
les valeurs essentielles sur lesquelles s’appuyer pour
genre ? Et pourquoi s’interdire de
construire et déployer pleinement sa vie de femme,
mélanger les genres ? Ecrire, c’est
son rapport aux autres, au monde et à Dieu, avant
être libre ! Un témoignage, un récit
qu’elle accède à sa majorité. J’y aborde des thèmes
littéraire peuvent très bien trouver
variés et universels comme la maternité, la religion, le
leur place au sein d’un essai. Il ne
bonheur, l’amour, la liberté féminine, la sexualité, le
s’agira pas alors de raconter sa
couple, le désir, la famille, la mort, le mal, le pardon, le
propre histoire comme dans un
rêve, l’art, etc.
roman autofictionnel mais d’essayer de comprendre les
L’essai a une dimension philosophique et spirituelle,
enjeux et les enseignements
mais le fait de l’avoir écrit sous forme de lettres m’a
universels qu’elle recèle. En quoi
permis d’instaurer une proximité avec le lecteur et de
cette petite histoire qui est la nôtre
rendre, je pense, sa lecture plus fluide.
s’inscrit dans la grande histoire de l’être humain.
MÊME SI ROMANS ET ESSAIS NE RÉPONDENT PAS AUX MÊMES CRITÈRES STRUCTURELS ET FORMELS, J’AI L’IMPRESSION DE SUIVRE UNE MÊME LIGNE LITTÉRAIRE ET DE DÉFENDRE UNE MÊME VISION DU MONDE, AU SEIN DE L’ENSEMBLE DE MES OUVRAGES, QUEL QU’EN SOIT LE GENRE.
LFC : La spiritualité est présente dans tous vos ouvrages, même si dans vos romans elle est en filigrane pour qui souhaite la voir. Il se pourrait bien que cela soit dû à votre histoire familiale et personnelle. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet et nous expliquer où vous en êtes aujourd’hui, dans votre foi et dans vos croyances ? CD : Ma mère est juive, mais elle ne m’a pas élevée dans le judaïsme et ne s’est pas opposée à ce que je sois baptisée, comme le souhaitait mon père, qui était catholique. J’ai du sang juif qui coule dans les veines et une foi chrétienne. Cela ne m’apparaît nullement antinomique. Ma double
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LES LIVRES DE CÉCILIA DUTTER
appartenance est, au contraire, un enrichissement
Michel, 2012, prix Charles-Oulmont de la Fondation
personnel.
de France). Elle est sous-jacente à l’histoire et on ne la décèle que si l’on y est ouvert soi-même. Il y a donc
Ma religion de référence, c’est le catholicisme. Mais plus
plusieurs degrés de lecture, mais il n’est jamais
largement, je dirais que je suis chrétienne.
question de religion, je ne fais aucun prosélytisme, ce qui m’intéresse, c’est de parler, à travers mes héros et
Je suis aussi très inspirée par les sagesses orientales qui
mes héroïnes, de la responsabilité de l’être humain,
viennent également nourrir mon croire. Bible et Tao trônent
des choix existentiels auxquels il ne peut se
sur ma table de chevet.
soustraire, de ceux qui le réduisent ou le
Au fond, je pense qu’il y a de très nombreux chemins pour
grandissent… Et cela, en effet, appartient
grimper la montagne, la seule chose qui compte, c’est de
éminemment à la sphère spirituelle.
tenter l’ascension vers le sommet. LFC : Préférez-vous que l’on vous considère comme un auteur de la religion ou comme un auteur de la spiritualité ? Quelle est la différence ? CD : Ni l’un ni l’autre, à la vérité. Je suis un auteur tout court. Simplement, écrire s’inscrit dans ma quête spirituelle. Dès lors, il est logique que la spiritualité affleure dans mes romans, comme par exemple dans Lame de fond (Albin
AU FOND, JE PENSE QU’IL Y A DE TRÈS NOMBREUX CHEMINS POUR GRIMPER LA MONTAGNE, LA SEULE CHOSE QUI COMPTE, C’EST DE TENTER L’ASCENSION VERS LE SOMMET. LFC : Pour quelle raison vous intéressez-vous autant à Flannery O’Connor et particulièrement à
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à Etty Hillesum ?
multiples conquêtes masculines de combler son vide existentiel. C’est donc par le prisme de son
CD : Ce que j’aime, chez Flannery O’Connor, nouvelliste et
histoire personnelle chaotique qu’elle nous
romancière du Vieux Sud des États-Unis des années 1950,
donne à lire la grande Histoire que sa destinée
à qui j’ai récemment consacré une biographie, Flannery
croise. Mais c’est aussi à travers sa propre
O’Connor, Dieu et les gallinacés (Le Cerf, 2016), c’est son
évolution psychique, fruit d’une analyse, et de sa
parcours d’écrivain et son univers littéraire. Catholique
fulgurante évolution spirituelle, qu’elle nous
d’origine irlandaise en pays protestant, dotée d’une foi
donne à méditer sur la vie.
inébranlable, elle cherche à dévoiler, à travers son œuvre,
Au-delà des frontières, des croyances et des
le sens du sacré que recèle l’existence. Pour autant, ses
religions, le lumineux message qu’elle délivre
textes n’ont rien d’édifiant et s’appuient sur une mise en
ouvre à une spiritualité universelle qui s’adresse à
scène souvent très crue de la réalité. Elle nous fait part
chacun.
d’une vision ô combien exigeante de l’art d’écrire et de la mission de l’écrivain croyant. Pour l’auteur que je suis, elle est un guide. Quant à Etty Hillesum, je lui ai consacré trois ouvrages, dont
Un cœur universel. Regards croisés sur Etty Hillesum (Savaltor, 2013). Je suis, par ailleurs, présidente de l’Association des amis d’Etty Hillesum, qui s’est donnée pour mission de faire connaître ses écrits et de diffuser sa
AU-DELÀ DES FRONTIÈRES, DES CROYANCES ET DES RELIGIONS, LE LUMINEUX MESSAGE QU’ELLE DÉLIVRE OUVRE À UNE SPIRITUALITÉ UNIVERSELLE QUI S’ADRESSE À CHACUN.
parole au plus grand nombre. LFC : Le choix de deux femmes comme modèle Cette jeune femme juive néerlandaise de 27 ans, qui de
ou guide spirituel, pour vous, n’est sûrement
1941 à 1943, tandis que les Pays-Bas étaient occupés par
pas un hasard, mais que faites-vous des
l’ennemi nazi, a tenu un journal, à Amsterdam, puis une
hommes, dans tout cela ? Quel regard portez-
correspondance envoyée du camp de transit de
vous sur eux et, d’une manière plus générale,
Westerbork, ne cesse de nous interroger. Face à la
sur l’évolution des rapports entre les hommes
barbarie, elle oppose au mal une inaliénable foi en l’homme
et les femmes ?
et en la beauté de la vie. Elle témoigne en cela d’une résistance spirituelle hors du commun.
CD : Les hommes sont aussi très présents dans mes ouvrages. Etty Hillesum, par exemple, était
Morte à Auschwitz en novembre 1943, elle laisse au monde
une grande amoureuse. De nombreux hommes
ce journal, qui, bien après-guerre, a été publié et a fait,
ont gravité autour d’elle. L’un d’eux, son
depuis, le tour du monde. Or, lorsqu’elle en entame la
thérapeute, a joué un rôle central dans son
rédaction, c’est une femme mal dans sa peau, souffrant de
parcours.
dépression, qui se cherche et tente vainement par ses Dans l’un de mes romans, Savannah Dream
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CÉCILIA DUTTER
LIVRE LFC MAGAZINE
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(Albin Michel, 2013), j’ai choisi de mettre en scène un
chacun à notre aune, démontrer par nos pensées,
personnage principal masculin et je dois avouer que je
nos paroles et nos actes quotidiens que cette
me suis glissée avec délice dans la peau d’un homme.
perspective est réaliste.
C’est ce genre de petit miracle que l’écriture permet : changer de sexe, adopter un langage, une psychologie, une fantasmatique tout autre, le temps d’un roman. Dans ma vie personnelle également, les hommes sont importants. Je suis mariée depuis vingt-cinq avec le même homme et j’ai de nombreux amis masculins avec lesquels je m’entends merveilleusement. La revendication féminine actuelle pour l’égalité et contre le harcèlement me paraît tout à fait légitime. La cause est juste et nécessaire. Mais, comme tout combat de ce type, il ne fait pas l’économie de quelques excès. Gare à ne pas tomber dans la guerre des sexes. Je crois que la plupart des hommes sont prêts à accompagner ce mouvement salutaire d’émancipation. Veillons, nous, les femmes, à ce qu’ils restent nos alliés dans notre lutte. LFC : Spiritualité, religion, partage et gentillesse sont quelques-unes de vos valeurs. Pour emprunter aux Beatles, ces mots-là vont-ils bien ensemble, de nos jours ? CD : Sur cette terre, nous sommes tous reliés. Dès lors, prendre soin de soi et prendre soin de l’autre sont une seule et même notion. Notre époque est en pleine mutation. Face à l’individualisme grandissant et à l’ultralibéralisme, beaucoup de voix s’élèvent. Nous avons le droit de remettre en cause nos anciens schémas pour y introduire plus de douceur et surtout d’équité afin de changer de paradigme. Je veux croire à la construction d’un ordre nouveau fondé sur le respect, la bienveillance, le don, le soutien, l’union entre les communautés et les hommes. Ce sont, certes, des valeurs chrétiennes, mais aussi, tout simplement, des valeurs humanistes. Est-ce une utopie ? Nous pouvons,
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CONTEMPLER LA BEAUTÉ DE LA NATURE, VOIR LA POÉSIE DE LA VIE, GOÛTER LA JOIE PROFONDE D’ÊTRE AU MONDE… AUTANT DE MOTS POUR DIRE DIEU SANS PRONONCER SON NOM. LFC : Qu’inspirent à une croyante comme vous certaines horreurs commises au nom de la religion ? CD : L’air du temps remet en cause les religions. Les vagues récentes d’attentats terroristes viennent dramatiquement nous rappeler les monstruosités que l’on peut commettre au nom de Dieu. Mais chacun sait que ces actes criminels et barbares découlent d’une vision infiniment dévoyée de la religion. L’intégrisme religieux, c’est l’homme qui l’a inventé en instrumentalisant une idée complètement délirante et pervertie de Dieu. De nos jours, hélas, on conçoit souvent le dogme comme un carcan sectaire. Je pense au contraire qu’il est un précieux outil permettant de structurer et d’asseoir le rapport de l’homme à la transcendance. Mais j’adhère également à l’idée qu’on peut croire en Dieu hors du cadre religieux, ce qui importe, c’est de percevoir le sens du mystère au sein de son existence terrestre. Accueillir l’idée de plus grand que soi à l’intérieur de soi. Contempler la beauté de la nature, voir la poésie de la vie, goûter la joie profonde d’être au monde… autant de mots pour dire Dieu sans prononcer son nom.
LFC : Vous venez de faire paraître, aux éditions Tallandier,
le vecteur central, se révèle extrêmement
votre troisième essai sur Etty Hillesum, intitulé Vivre libre
moderne.
avec Etty Hillesum. Qu’avez-vous encore à dire sur elle ?
L’objet de ce nouvel ouvrage est de mettre le
Pour vous, qu’est-ce que vivre libre et en quoi cette femme
trésor des écrits d’Etty Hillesum et les outils de
peut nous aider à y parvenir?
développement personnel et spirituel qu’ils renferment à la portée de tous.
CD : Depuis des années, je donne de nombreuses conférences
L’essai revient ainsi sur les trois étapes majeures
sur le parcours existentiel et spirituel d’Etty Hillesum, mais je me
qu’emprunte le véritable parcours de libération
rends compte que je n’ai peut-être pas assez dit jusqu’à
d’Etty Hillesum : se connaître soi-même, rencontrer
présent qu’Etty est aussi et surtout un maître de sagesse, un
l’autre et, enfin, s’ouvrir à l’absolu. Tel est, en effet,
véritable guide de vie qui nous offre de précieux outils pour
l’itinéraire qu’elle propose à chacun pour grandir
nous construire harmonieusement et garder l’équilibre tout au
en vérité et en liberté.
long de notre propre trajectoire.
À une époque où l’on parle beaucoup de la liberté,
Par ailleurs, j’ai pris conscience de combien sa foi universelle
et tout particulièrement de la liberté féminine, Etty
faisait écho à la quête de sens contemporaine. S’il existe
Hillesum, femme étonnamment moderne, donne
aujourd’hui une désinstitutionnalisation du sentiment religieux,
les clés à chacun, hommes et femmes confondus,
pour autant, la plupart des gens demeurent en quête d’absolu.
pour vivre une existence plus belle et plus libre en
Délesté du rite, non-prosélyte, véhiculant des valeurs
développant au centre de soi cette part
profondément humanistes, le Dieu d’Etty, dont l’amour est
inaliénable et sacrée qu’est la liberté intérieure.
SE CONNAÎTRE SOIMÊME, RENCONTRER L’AUTRE ET, ENFIN, S’OUVRIR À L’ABSOLU. TEL EST, EN EFFET, L’ITINÉRAIRE QU’ELLE PROPOSE À CHACUN POUR GRANDIR EN VÉRITÉ ET EN LIBERTÉ.
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CINÉMA LFC MAGAZINE
03 LA FORME DE L'EAU
PAR DAVID SMADJA DE C'EST CONTAGIEUX PHOTOS : COPYRIGHT TWENTIETH CENTURY FOX MARS 2018
UNE PETITE BOMBE ÉMOTIONNELLE
UNE ROM-COM ATYPIQUE AUX PARFUMS DE FEEL-GOOD MOVIE. Cette créature qui fait penser à un mix de l’Etrange Créature du Lagon Noir de Jack Arnold et de Abe Sapien dans Hellboy (NDC : qui est aussi un film de Guillermo Del Toro !) est visuellement et plastiquement très réussie. Pas d’images de synthèse comme nous en abreuvent trop les blockbusters mais un costume, du maquillage et du latex. Le résultat est à couper le souffle. Doug Jones qui revêt le costume donne une carnation et une âme à la créature la rendant crédible dès sa première apparition.
C’EST UNE PETITE BOMBE ÉMOTIONNELLE QUE NOUS A CONCOCTÉ GUILLERMO DEL TORO, UN ÉLIXIR DE JOUVENCE QUI VIENT POLIR LES CŒURS DE SON BAUME ENTHOUSIASMANT. IL EST RARE DE SORTIR D’UN FILM AVEC AUTANT D’ÉMOTIONS QUI VIENNENT FRAPPER À LA PORTE DE NOTRE PETIT CŒUR. DEL TORO EST UN MAGICIEN DE L’IMAGE ET DES SENTIMENTS. SON FILM EST UNE LONGUE BALADE LYRIQUE FAITE DE GRÂCE ET D’ENCHANTEMENT, UNE PETITE MERVEILLE, UN L'AVIS DE LA RÉDACTION BIJOU À L’ÉCRIN DÉLICAT.
UN AMOUR INTERDIT D’UNE PURETÉ ABSOLUE AVEC UNE CRÉATURE AMPHIBIENNE ÉNIGMATIQUE.
Dès lors, on se laisse emporter par cette histoire au romantisme enivrant, une rom-com atypique aux parfums de feel-good movie.
DE LA POÉSIE, SIMPLE ET TOUCHANTE. Chaque plan ressemble à une peinture aux couleurs saturées, à la chromie étincelante ; chaque scène semble ciselée par un orfèvre du cinéma, minutieux et compétent. Il y a toujours de la poésie dans le cinéma de Guillermo. Simple et touchante. Appuyée par la musique aérienne d’Alexandre Desplat qui t’emporte dans son tourbillon évanescent tandis que les standards musicaux d’époque te plongent dans une euphorie contemplative.
Pour La forme de l’eau, le réalisateur nous embarque dans les sixties, au beau milieu de la guerre froide et de l’affrontement par médias et technologies interposés que se livrent les américains et les soviétiques. Au centre de tout cela se trouve une femme de ménage muette, Elisa, qui va vivre la plus extraordinaire des histoires, un amour interdit d’une pureté absolue avec une créature amphibienne énigmatique.
ACTUELLEMENT AU CINÉMA
DES ACTEURS ÉBLOUISSANTS
L’actrice principale Sally Hawkins est prodigieuse, jamais un visage n’a paru autant empreint de bonté, de béatitude et de luminosité. Del Toro vient peindre dessus par petites touches une palette d’émotions de son pinceau de surdoué : de la douceur, de la tendresse et de la sensualité, juste en lui faisant plisser une lèvre. Michael Shannon, sa Némésis, n’est jamais aussi bon et effrayant que lorsqu’il joue un salopard. Et il s’en donne à cœur joie. De manière générale, les seconds rôles (Richard Jenkins et Octavia Spencer en tête) magnifient l’histoire tant la direction d’acteurs est juste.
GUILLERMO DEL TORO OSE TOUT
L'AVIS DE LA RÉDACTION
CE FILM EST UN LÂCHER DE PAPILLONS MULTICOLORES DANS TON VENTRE. Guillermo Del Toro est une sorte de fée clochette qui projette des paillettes, redonnant à tes yeux un lustre enfantin, un éclat qui scintille, des pupilles qui s’élargissent comme deux billes rondes et noires. La forme de l’eau est un lâcher de papillons multicolores dans ton ventre. On assiste à une version adulte de E.T., du merveilleux naïf à l’état brut. Il faut remonter à son Labyrinthe de Pan pour retrouver de telles sensations. A chaque film, le réalisateur innove (pas toujours avec succès - remember Crimson Peak) mais ne se répète jamais. Il sait user de différentes saveurs pour nous donner un plat épicé. Comme me disait la mère de Forrest Gump : Un film de Guillermo Del Toro, c’est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais ce qu’on va y trouver dedans. Alors si ! Madame Gump ! A minima on y trouvera du chocolat fourré au pur talent. 4,5/5
ACTUELLEMENT AU CINÉMA
Le réalisateur ose tout, se lâche complètement en mélangeant allègrement les styles allant même jusqu’à nous proposer un numéro de claquettes old school. Il prend un tel plaisir que c’en est communicatif. Del Toro explose les codes du fantastique pour nous délivrer une simple mais merveilleuse love story.
LA CHRONIQUE LITTÉRATURE D'ALEXANDRA DE BROCA
ROMAN LFC MAGAZINE
04 COLOMBE SCHNECK LES GUERRES DE MON PÈRE
ALEXANDRA DE BROCA EST ROMANCIÈRE ELLE A PUBLIÉ LA SŒUR DU ROI (ALBIN MICHEL) TOUJOURS DISPONIBLE EN LIBRAIRIE PHOTO : COUVERTURE DU LIVRE DE COLOMBE SCHNECK, LES GUERRES DE MON PÈRE (STOCK). MARS 2018
LE HASARD DE LA VIE, SI L’ON VEUT Y CROIRE, M’A PERMIS DE NE JAMAIS LIRE LES PRÉCÉDENTS OUVRAGES DE COLOMBE SCHNECK, SOUVENT ENCENSÉS, MAIS AUSSI VIOLEMMENT DÉCRIÉS. J’AI ABORDÉ AVEC LA NAÏVETÉ D’UNE NOVICE CE TEXTE, NI ESSAI NI ROMAN, DÉDIÉ À LA MÉMOIRE DE GILBERT SCHNECK MÉDECIN FRANÇAIS. FRANÇAIS CERTES, CAR OBLIGÉ D’ASSUMER SES OBLIGATIONS MILITAIRES EN ALGÉRIE. MAIS ENFANT FRANÇAIS POURTANT OBLIGÉ DE SE CACHER EN DORDOGNE POUR ÉCHAPPER AUX NAZIS, PUIS À VICHY CAR D’ORIGINE JUIVE. RIEN QUE D’ÉCRIRE CES MOTS ME RÉVOLTE… LES GUERRES DE MON PÈRE L’auteur a adoré son père désireux à tout prix d’offrir dans les années glorieuses - les années soixante-dix une vie aisée sans jamais parler de ce qui fâche. « Si vous l’aviez connu, vous n’auriez rien pu deviner, son regard était toujours doux, souriant…» Mais le silence est un prix que les enfants paient et Colombe le ressent. Derrière la tendresse de cet homme, Lelle ' A Vpressent I S D E un L Amonde R É Dd’horreur ACTION qu’il va lui falloir connaître pour avancer dans la vie loin de l’ombre protectrice de son père. Elle a vingtquatre ans, lorsque son père décède ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE la laissant dans une douleur indescriptible. Pour vivre, pour se reconstruire, elle va chercher, avancer, et de bibliothèques en archives et témoignages elle découvre. Une partie de sa famille a terminé son existence dans les camps nazis pour seule faute d’être juive. Son père petit garçon est quant à lui caché autour de Périgueux et malgré l’insistance des préfets de la république française échappe au voyage vers Drancy puis Auschwitz. Devant l’obéissance de ces fonctionnaires, elle oppose le courage de ces familles anonymes qu’il veut remercier au nom de son père…
SON PÈRE, CE HÉROS. Son père ce héros. Non seulement il survit à son enfance martyre,
mais grâce à son statut de docteur, il part défendre son pays la France, durant la guerre d’Algérie. Mais enseigner la médecine n’a rien de glorieux. Comment retrouver une vie sociale et amoureuse de retour à Paris après avoir soigné les prisonniers torturés par l’armée française avant de les remettre en état pour une nouvelle interrogation ? Il suffit d’obéir quand enfant on a appris à se taire et à se cacher… Ce père délicieux prêt à tout pour que sa fille ne subisse aucun de ses tourments. Ce père médecin que chacun recherche pour son humanité et son écoute. Ce père aussi homme irrésistible dans sa quête de bonheur que les femmes attirent au détriment d’une mère silencieuse et douloureuse, se dessine page après page… Il a échappé aux tourments de l’Histoire, mais sa propre histoire ne lui laisse aucun répit. Son père, un père fantasque délicieux, mais toujours absent, est retrouvé mort et découpé en morceaux.
Désormais, son nom devient un fait divers qu’il masque par le silence pour avancer en bon médecin, français, bourgeois… Sa fille, des années plus tard, consciente des silences de sa famille termine son enquête. Il lui faut pour son propre équilibre découvrir les ombres de son père. Comprendre que naitre juif, même sans suivre la religion, c’est avoir toujours peur, même en temps de paix ; la porte peut s’ouvrir et un anonyme sera désigné comme coupable. Et peut importe l’époque, le gouvernement, et le pays, cet anonyme sera juif. Ironie du destin, Gilbert Schneck, brillant médecin, merveilleux père, entouré d’amis et de femmes a cru se reconstruire malgré les guerres de sa vie… Mais son cœur n’a pu suivre et c’est d’une insuffisance cardiaque qu’il est parti à 58 ans laissant sa fille dans une souffrance intense qu’elle tente d’apaiser par ce livre. Son écriture concrète et rapide nous permet de nous identifier et d’honorer ses grands-parents, puis son père. Ils ont par leur volonté de devenir français dans cette époque si trouble notre admiration. Espérons que ce magnifique hommage à un français issu de parents martyrisés par le nazisme saura apaiser la plaie de sa fille et que ce livre donnera sens à sa vie. Nous lecteur, il nous aura fait réfléchir sur notre passé commun et regretté de ne pas avoir rencontré l’irrésistible Gilbert Schneck.
COLOMBE SCHNECK LES GUERRES DE MON PÈRE ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE
LE BILLET THÉÂTRE D'ALEXANDRA DE BROCA Février 2018. Se rendre au théâtre à Paris relève parfois de l’exploit ! Lorsqu’on a bravé les intempéries (inondations, neige ou encombrements), on se retrouve épuisée par ce marathon dans une salle surchauffée ou glacée… Et si la pièce se révèle décevante, alors on s’aperçoit que son voisin ne sent pas très bon, que nos genoux cognent dans le dossier du fauteuil de devant et qu’une envie de sortir nous tenaille, alors qu’il n’y a pas d’entracte !
05 MAIS LORSQUE LA PIÈCE EST RÉUSSIE, ALORS NOTRE PLAISIR EST DÉCUPLÉ ET NOTRE SOIRÉE INOUBLIABLE. C’EST CE QUI M’EST ARRIVÉE EN ALLANT AU THÉÂTRE MONTPARNASSE VOIR L’ADAPTATION DU FILM CULTE LE LAURÉAT AVEC ANNE BANCROFT, KATHERINE ROSS ET DUSTIN HOFFMAN. SANS OUBLIER L’ENVOUTANTE MUSIQUE DE SIMON ET GARFUNKEL THE SOUND OF SILENCE ET MRS ROBINSON QUE LA SALLE FREDONNAIT AVEC PLAISIR ET MÉLANCOLIE. LE PITCH DE LA PIÈCE
Pour ceux qui auraient raté ce bijou de film, voici en quelques mots le sujet repris à l’identique dans la pièce : Benjamin, jeune garçon américain revient chez lui, auréolé du succès de ses études universitaires. Ses parents font une fête pour leurs amis. La femme du patron de son père, la toujours séduisante Madame Robinson entreprend, whisky aidant, de séduire l’étudiant
maladroit. La liaison va se poursuivre dans un hôtel pendant l’été. Dans cette relation, les mots n’ont pas leur place. Seul le désir sexuel les anime. Mais les parents du jeune homme, décidé à orienter la vie de leur fils, ne voient rien de l’idylle et des états d’âme de Benjamin, peu enclin à suivre une vie bourgeoise toute tracée. Ils l’obligent à inviter à dîner la jeune et naïve fille de Madame Robinson. Contre toute attente, les deux tombent
éperdument amoureux. Madame Robinson ne le supportant pas va dévoiler sa liaison. Ce faisant, elle provoque un tsunami dans le milieu bourgeois de la cote estaméricaine des années soixante !
UNE PIÈCE EXCEPTIONNELLE Derrière l’histoire qui peut paraître aujourd’hui démodée, se cache un dilemme qui rend le sujet actuel et la pièce exceptionnelle. Comment sortir d’un destin tracé par ses parents ou son mari ? Anne Parillaud a dit dans une interview : Mrs Robinson peut sembler un monstre, mais c’est une victime dont je vais tenter de montrer l’âme abîmée. Et bien vous avez réussi ! Luc Besson a dit qu’il avait avec Nikita donné un rôle extraordinaire à une actrice ordinaire ! Et bien ce monsieur n’a rien compris. Vous êtes certes très belle, terriblement à l’aise avec ce corps mis en valeur par des costumes féminins en diable, mais votre jeu d’actrice est époustouflant ! Vous modulez votre voix, vous faites attendre votre réplique pour qu’elle fasse mouche. Et elle fait mouche ! Vous devenez méchante, injuste, jalouse, mais vous restez fragile et touchante. Le public vous suit, les hommes et les femmes rient ou commentent à voix haute vos remarques. Votre rôle vous le sublimez grâce à des partenaires remarquables : Madame Robinson ne seriez-vous pas en train de me séduire ? s’inquiète Benjamin Braddock alias Arthur Fenwick. D’un adolescent ACTUELLEMENT À L'AFFICHE DEPUIS LE 8 FÉVRIER 2018 MARDI, MERCREDI, JEUDI, VENDREDI ET SAMEDI À 20H30 SAMEDI À 17H30 ET DIMANCHE À 15H30
LE LAURÉAT THÉÂTRE MONTPARNASSE AUCUN MOT INUTILE, DES RÉPLIQUES COURTES ET INCISIVES QUI NOUS FONT À LA FOIS RÉFLÉCHIR, RIRE ET NOUS ÉMEUVENT.
gauche et mutique, ce comédien se transforme tout en maitrisant une gestuelle spontanée, en un homme séduisant et déterminé. Il faut dire qu’il passe 1h40 à s’habiller et se déshabiller, selon les désirs de Madame Robinson, comme si le public n’existait pas ! Il ne joue pas. Il est Benjamin Braddock. Mention spéciale à Françoise Lépine qui joue deux rôles : la mère conventionnelle à souhait, bavarde et qui ne sait que passer les petits fours dans ses soirées. Stéphane Cottin, le talentueux metteur en scène, lui offre une seconde apparition jubilatoire en entraineuse de boite de nuit pour notre plus grand plaisir. L’adaptation française de Christopher Thomson me fait penser que le talent est héréditaire et court sur deux générations. Est-il nécessaire de rappeler qu’il est le fils de Danièle Thompson et petit fils de Gérard Oury ? Avec lui, tout va vite. Aucun mot inutile, des répliques courtes et incisives qui nous font à la fois réfléchir, rire et nous émeuvent. Les décors sobres et discrets s’effacent rapidement nous laissant à peine le temps de fredonner les mélodies intemporelles de Simon et Garfunkel qui ponctuent l’histoire. Aussi lorsque Benjamin avoue à Madame Robinson, qu’elle est sûrement la femme la plus jolie parmi les amies de sa mère, la salle explose de joie. Cette phrase culte dans le film fonctionne aussi bien au théâtre, et cinquante ans plus tard, car servi par une multitude de talents. Un grand merci à tous pour cette soirée rare.
mars 2018
Dans l'Ipod de...
#7
Les 5 disques incontournables de notre invité du mois.
Son nouveau disque
La musique, c'est la vie !
Henri
Demarquette
violoncelliste Par Quentin Haessig Photos : © Yannick Perrin.
Bach, variations Goldberg par Glenn Gould (version de 1953)
Glenn Gould apparait dans un des premiers disques de sa carrière comme une météorite. Il révolutionne Bach, le piano transforme notre vision de la musique et nous mène à la plus haute spiritualité.
Beethoven, intégrale des quatuors à cordes par le Quartetto Italiano.
Toute la vie de Beethoven, tout son art et sa modernité sont retracés dans la saga de ses quatuors à cordes. Le génie de la composition est tel que l’on se sent meilleur à leur écoute.
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mars 2018
Nusrat Fateh Ali Khan,
Pink Floyd, The Wall.
Greatest Hits.
La musique de Nusrat Fateh Ali Khan dans la pure tradition pakistanaise est une véritable ivresse et une porte vers des traditions mystérieuses.
De la grande musique à emmener sur l’île déserte !
Berlioz, Les Nuits d’été par Régine Crespin et l’Orchestre de la Suisse Romande dirigé par E. Ansermet
Le spectre de la rose, le bel inconnu, j’ai traversé les ponts de Cé, sont autant de chefs d’œuvres de la grande mélodie française. Régine Crespin a une voix, un phrasé, un style à mourir un petit peu chaque jour.
LFC MAGAZINE
Carole Serrat LA SOLUTION ANTISTRESS CLÉ EN MAIN ENTRETIEN EXCLUSIF
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LFC MAGAZINE #7
INTERVIEW
CAROLE SERRAT PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTO : CAROLE SERRAT
Carole Serrat est la sophrologue qui vous veut du bien. Seulement du bien. Elle publie Ma sophrologie antistress (Leduc.s), la boîte à outils pour mieux vivre et surtout répondre à toutes les angoisses de la vie quotidienne. Rencontre. LFC : Vous publiez Ma sophrologie antistress en janvier. C’est un très bon timing car avec l’hiver, la pluie, les jours sombres, on se sent au ralenti. Que peut-on faire pour se motiver ? CS : Pour se motiver, rien ne vaut la luminothérapie ! La luminothérapie est un moyen efficace pour lutter contre la dépression saisonnière, les troubles du sommeil et les décalages horaires. Le but est de s’exposer de préférence le matin, durant trente minutes, à une lampe spéciale de luminothérapie, afin que la rétine puisse envoyer un signal à la glande pinéale qui est responsable des cycles de veille et de
sommeil. En hiver, le manque de lumière affecte en effet notre horloge biologique. La glande pinéale, ne recevant pas de signal, continue à produire de la mélatonine, l’hormone du sommeil. Voilà pourquoi on se sent fatigué : on dort mal, on est triste et sans énergie. Le principe de la luminothérapie consiste à rééquilibrer tout cela, en bloquant la production de mélatonine. On retrouve alors son énergie, sa joie de vivre et un meilleur sommeil.
Bon à savoir Les ampoules sont protégées contre les ultraviolets et les infrarouges. Il n’y a aucun risque pour les yeux, ni pour la peau. Autre déclinaison de la luminothérapie, les simulateurs d’aube, pour un réveil naturel et en douceur. Leur intérêt est de reproduire le lever
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INTERVIEW
Mon conseil Sortez tous les jours, même en hiver, pour capter la lumière naturelle. Le déficit de lumière en hiver aurait pour effet de faire chuter le taux de sérotonine et inciterait par réaction à la consommation de sucres et de féculents. ` et le coucher du soleil. Cela vous permettra de vous réveiller tout en douceur. Le réveil d’aube est très utile, si vous avez du mal à sortir de votre lit le matin, si vous avez des baisses de régime, quand les jours raccourcissent et si vous avez du mal à vous endormir. LFC : Ce manuel parle de tous les tracas du quotidien. C’est-à-dire ? JPB : En effet, le stress provoque de nombreux tracas : fatigue, irritabilité, colère, problèmes de sommeil, de concentration, de mémoire, de digestion, de circulation, une baisse du système immunitaire. Dans ce manuel, je donne des conseils pour vaincre tous ces tracas, mais aussi pour bien se réveiller, déstresser dans les
embouteillages, se détendre au bureau, un lieu qui peut être pour certains une grande source de stress. Je m’adresse également aux femmes enceintes, car j’ai la chance de les accompagner durant leur grossesse à La Clinique de la Muette, à la Maternité des Lilas et à l’Hôpital Bichat. Je leur propose des exercices pour bien respirer au quotidien et pour le jour J vivre leur accouchement en confiance. Je n’oublie pas les étudiants qui ont besoin d’outils pour apprendre à mieux se concentrer, augmenter leur énergie et leur confiance avant un examen. Je propose aux lecteurs de développer la pensée positive en apprenant à identifier et éliminer les vieilles rengaines de leur juke-box intérieur. Je ne vais pas y arriver. Je suis nul. En valorisant vos aptitudes propres : je suis imaginatif, créatif, rigoureux, etc. LFC : Ce livre est généreux en exercices. Comment avez-vous imaginé cette boîte à outils ? CS: Tout simplement en répertoriant les besoins essentiels que l’on a tous au quotidien : respirer, se détendre, dénouer ses tensions, prendre du recul, lâcher prise, gérer son stress, bien dormir. Se préparer aux épreuves, aux examens, à la prise de parole en public. Lorsque l’on apprend à déstresser, on devient plus calme, plus serein et bien mieux dans sa peau malgré les difficultés et les épreuves.
Je pense que c'est sain pour tout le monde d'être en contact avec son enfance. À moins, bien sûr, que les adultes agissent comme des enfants.
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LFC MAGAZINE #6
LFC : Dans votre sophrologie, la musique est très importante. Racontez-nous votre collaboration avec Laurent Stopnicki. CS : Laurent compose, adapte la musique puis la synchronise aux textes et à ma voix. Laurent Stopnicki : Nous avons effectué depuis plusieurs années un travail de recherche très personnel sur les sons, les timbres, en étudiant l'influence des vibrations sonores sur les émotions. La musique a un effet évident sur les êtres humains. CS : Platon puis Aristote la considéraient déjà comme indispensable à la bonne santé mentale. Des expériences ont par ailleurs prouvé que les vibrations sonores agissent sur la croissance et la santé des cellules végétales. De récentes études montrent même qu’au moyen de sons déterminés, on peut provoquer des changements dans le métabolisme et dans la biosynthèse de différents éléments fondamentaux de la vie. On sait enfin aujourd’hui que certaines fréquences
INTERVIEW
musicales entrent en résonance avec celles de notre système nerveux et procurent une sensation d'apaisement et de bien-être. C'est ainsi qu'il a été prouvé scientifiquement que la musique influence la capacité de travail et retarde l'apparition de la fatigue, qu'elle facilite la digestion, la respiration, la circulation sanguine et améliore le rendement cardiaque. Elle induit un état de détente, de relaxation et de pré-sommeil. On vit dans un monde technologique, électromagnétique, chimique, un monde d’urgence qui nous décentre crée en nous des dissonances, des troubles, y compris au niveau cellulaires La musique nous détoxe, nous réharmonise avec nous-mêmes.
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L'AMOUR SOLIDE #7
#Optimisme
Nathalie Migeot et Sofiane
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INTERVIEW
NATHALIE MIGEOT ET SOFIANE PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTO : ASTRID DI CROLLALANZA
Nous sommes heureux à la rédaction de vous présenter Nathalie et Sofiane, deux héros ordinaires, deux combattants et surtout deux personnes heureuses de vivre... Malgré les obstacles. Rencontre poignante. LFC : Nathalie et Sofiane, on se rencontre aujourd’hui pour parler du livre Sofiane, l’amour en grand disponible aux Éditions Robert Laffont. Un titre qui porte votre prénom Sofiane, vous êtes le héros ! Sofiane : Je crois que nous sommes tous les deux les héros de ce livre. C’est l’histoire de notre complicité et de tout ce que l’on partage au quotidien. Nathalie : J’avais très envie de raconter notre histoire. Je lui avais posé la question pour savoir s’il était d’accord. Au début, il était un peu réticent, mais finalement, j’ai réussi à le convaincre. Sofiane m’a dit que ce livre pouvait être une bonne idée.
LFC : Sofiane, pourquoi penses-tu aujourd’hui que ce livre pourrait être une bonne idée ? Sofiane : C’était important de faire passer un message d’optimisme aux mamans qui sont dans le même cas que la mienne. Je trouve cela extraordinaire de l’avoir fait. Il est important de rassurer les mamans. LFC : Comme l’a dit Nathalie, ta maman, cela n’a pas été un oui tout de suite. Avais-tu peur ?
Sofiane C’est important de faire passer un message d’optimisme aux mamans qui sont dans le même cas que la mienne. Je trouve cela extraordinaire de l’avoir fait. Il est important de rassurer les mamans. Sofiane : Ce n’est pas toujours facile de raconter sa vie privée devant tout le monde. C’est surtout cela que je craignais. Mais finalement, après réflexion, je me suis dit que les gens n’y prêteraient pas forcément attention.
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INTERVIEW
Nathalie Quand on connaît la valeur de la vie et que l’on connaît le courage et la façon de penser de Sofiane, on n’a pas le droit de se plaindre. J’ai toujours élevé Sofiane avec cet état d’esprit, même si je crois qu’il a acquis lui-même cette philosophie de vie très tôt. LFC : Comment est née l’idée d’écrire ce livre Nathalie ? Nathalie : Un jour, nous avons rencontré Michel Drucker qui m’a demandé pourquoi je ne raconterais pas notre histoire dans un livre. J’y avais déjà pensé. Mais je n’étais jamais passé à l’acte. Je ne pensais pas que des gens allaient s’intéresser à notre vie. Ce n’est pas une vie comme les autres. C’est une histoire forte et puissante. Suite à cette idée, j’ai été tenté par le projet et Michel Drucker a pu nous mettre en relation avec l’éditrice qui est venue nous voir à Marseille avec Pascale Leroy, ma coauteure. L’écriture de ce livre a été un vrai travail d’équipe. À travers ce livre, j’ai voulu passer un message fort aux mamans qui sont dépressives, à cause de leurs enfants qui
sont dans la même situation que Sofiane. Les enfants ont besoin de voir leur maman forte pour eux aussi l’être. Il y a toujours de l’espoir. Même si Sofiane est en situation de handicap, cela ne nous empêche pas de voyager, de rigoler. Nous vivons exactement de la même manière que les autres sauf que Sofiane est assis. Sofiane : Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. LFC : Cette phrase résonne souvent en toi Sofiane ? Sofiane : Oui, c’est une phrase qui me permet de tenir. Même si ce n’est pas facile tous les jours, il n’y a pas plus beau que d’être en vie. Nathalie : Quand on connaît la valeur de la vie et que l’on connaît le courage et la façon de penser de Sofiane, on n’a pas le droit de se plaindre. J’ai toujours élevé Sofiane avec cet état d’esprit, même si je crois qu’il a acquis lui-même cette philosophie de vie très tôt. LFC : Votre maladie s’appelle la myopathie de Duchenne. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Nathalie : C’est une maladie génétique qui touche les muscles. Plus le temps passe et plus les muscles se dégradent. Sofiane a perdu l’usage de ses jambes à l’âge de sept ans. De sept ans à douze ans, il ne pouvait se servir que du haut de son corps avec peu de force. Aujourd’hui, il n’y a plus que la tête et le pouce qui peuvent bouger. Sofiane ne s’est jamais senti prisonnier de son corps. Il va à l’université tous les jours.
Sofiane Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.
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INTERVIEW On entend très souvent que les infirmières sont formidables, mais vous rappelez dans votre témoignage que ce n’est pas toujours le cas. Nathalie : Nous sommes parfois tombés sur des infirmières qui se sont trompées de métier. Lorsque l’on est infirmière, il faut vraiment s’adapter à chaque cas. Chaque situation est différente, voire unique. Sofiane : Parfois, il m’arrivait de souffrir le martyre et je sentais que cela les dérangeait de venir. Tout n’a pas toujours été facile. LFC : Vous avez un parcours hallucinant et c’est vraiment une chance pour nous de vous rencontrer. Que pensez-vous de cette remarque ?
Sofiane : Je suis en dernière année de licence. J’espère avoir mon deuxième semestre pour passer en Master droit privé et sciences criminelles. LFC : À qui adressez-vous ce livre ? Sofiane : Nous l’adressons aux mamans, aux personnes malades et à toutes les personnes en général. Il faut profiter de chaque instant de vie, peu importe sa situation. Nathalie : Nous exprimons également un petit message sournois à toutes les administrations qui vous font galérer pour des papiers. Je crois que les parents qui sont dans la même situation que nous n’ont pas besoin de cela. Sofiane a besoin d’un transport individuel et cela faisait deux ans que j’avais envoyé un certificat médical transport, ils viennent de nous en redemander un alors que la situation de Sofiane n’a pas changé. Et ne changera malheureusement jamais. Quand vous voyez des personnes malades ou des enfants malades et que vous remarquez que certaines personnes leur mettent des bâtons dans les roues, c’est assez rageant ! Sofiane : Heureusement que l’on est fort d’esprit. Vraiment. LFC : Dans votre livre, vous dites quelque chose qu'on entend peu. Parfois, Sofiane n’est pas forcément bien traité par les infirmières, il est mal géré… Certaines personnes oublient que ce n’est pas parce que Sofiane a un problème de santé physique qu’il a perdu la tête. Cela l’agace.
Nathalie : J’allais dire le contraire. Nous avons de la chance que des gens s’intéressent à notre histoire, cela nous fait très plaisir. C’est aussi la réaction que j’ai eue quand Michel Drucker m’a dit que cette histoire ferait un super livre. Sofiane : Michel Drucker nous avait dit la même chose. Lui et sa femme nous ont toujours soutenus. C’est une belle personne. C’est quelqu’un qui aime beaucoup les gens et qui n’en parle pas. Nous avons eu la chance de rencontrer Jamel Debbouze et Céline Dion grâce à lui. LFC : Sofiane, aujourd’hui comment vastu ? Sofiane : Tout va bien, la maladie est stable. Même au niveau social ou à l’université, tout se passe très bien. Mais il faut s’accrocher, car c’est fatigant, c’est une vie rapide. Nathalie : Nous avons la chance de connaître la valeur de la vie, car Sofiane est passé plusieurs fois près de la mort. Il ne faut pas oublier que la vie est belle.
LFC MAGAZINE
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Žanna Słoniowska LA FICTION D'UNE VIE ENTRETIEN EXCLUSIF
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INTERVIEW
ŽANNA SȽONIOWSKA PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTO : ADRIAN BLACHUT ET AGNIESZKA SKAWIANCZYK
Premier roman du nouveau département littérature du groupe Delcourt, Žanna Słoniowska nous accorde 30 minutes d'entretien lors de son passage à Paris, pour nous présenter son roman Une ville à cœur ouvert. Entretien. LFC : Bonjour Žanna Słoniowska, nous nous rencontrons pour la sortie de votre livre Une ville à cœur ouvert (Delcourt Littérature). Comment est née l’idée d’écrire ce livre ? ŽS : Je suis née à Lviv dans l’Ukraine de l’Est. La ville est désormais ukrainienne, mais elle fut polonaise par le passé. Il y a eu énormément de changements au cours de l’histoire. Que ce soit l’occupation nazie, l’empire hongrois, l’Union soviétique. Les gens ne changeaient pas d’endroit, mais la ville n’appartenait jamais aux mêmes personnes. Cela a duré pendant des siècles et des siècles, avant que le pays ne
devienne indépendant. Lorsque j’étais petite, j’avais l’impression que mon pays était un pays multiculturel. De nombreuses langues étaient parlées. La situation me paraissait normale. Je suis ensuite partie vivre en Pologne, et c’est une fois là-bas que je me suis demandé d’où je venais, pour quelles raisons il s’était passé tout cela dans mon pays. C’est à partir de là que j’ai commencé à vouloir raconter tout cela dans ce roman. LFC : Finalement, la ville d’où l’on vient est plus importante que la nationalité… ŽS : C’est une question compliquée. Je viens d’une famille avec différentes origines. Pendant la période de l’Union soviétique, la nationalité était quelque chose que l’on ne montrait pas forcément. Après cette période de l’histoire, les gens parlaient plusieurs langues. Les Ukrainiens l’ont assez mal vécu. Nous avons eu beaucoup de changements et de questionnements sur l’identité. Étant jeune, j’essayais pour ma part de trouver ma voie dans ce contexte. Il était difficile de se faire des amis. J’ai grandi avec des enfants juifs qui ont ensuite dû quitter l’Union soviétique. Nous étions également élevés avec la culture et le langage russe, ce qui ne facilitait pas les choses. Vivre à Lviv a été très formateur.
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INTERVIEW
Comme la ville, ce livre a plusieurs facettes. Lorsque l’on marche dans cette ville et que l’on connait son histoire, je crois que tous ces thèmes jaillissent. LFC : Un des personnages principaux de votre livre est la ville de Lviv qui change de nom au cours de l’histoire. ŽS : Lviv a été une ville polonaise, son nom ne change pas dans cette langue. En revanche, lorsque le livre a été traduit dans plusieurs langues, les traducteurs ont eu du mal à trouver une traduction pour la ville. Ils ont donc décidé de choisir différents noms. LFC : De nombreux thèmes dans votre livre sont abordés : l’art, la politique, les femmes… ŽS : Comme la ville, ce livre a plusieurs facettes. Lorsque l’on marche dans cette ville et que l’on connait son histoire, je crois
que tous ces thèmes jaillissent. Chaque lieu, chaque monument, chaque route a une signification particulière pour chacun des habitants. Ma tête était remplie de choses que j’ai accumulées au cours des années. Que ce soit des traditions, des histoires de mes amis, des inspirations littéraires… J’ai simplement voulu rassembler tout cela. LFC : Cette fiction est-elle un roman féminin ? ŽS : De nombreuses femmes sont dans ce livre. Mais je crois avoir retranscrit ce que j’ai vu tout au long de ma jeunesse. J’ai créé des personnages auxquels je m’intéressais. Je ne m’en suis pas rendu compte pendant l’écriture. C’est seulement lorsque le livre est sorti que l’on m’a dit qu’il y avait très peu d’hommes. Mais ce n’était pas volontaire. J’étais d’ailleurs assez surprise en me relisant. Cependant, il y a un homme et il est très important.
C’est seulement lorsque le livre est sorti que l’on m’a dit qu’il y avait très peu d’hommes. Mais ce n’était pas volontaire. J’étais d’ailleurs assez surprise en me relisant.
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LFC : Êtes-vous féministe ? ŽS : Oui et non. C’est assez complexe. Je pense que les femmes ont eu un rôle très important après la guerre et pendant la période soviétique. Les hommes étaient morts, emprisonnés, alcooliques ou même dépressifs, et donc très peu présents. C’est ce dont je me souviens. Les femmes étaient seules et devaient élever les enfants tout en montrant une certaine force de caractère.
INTERVIEW
LFC : On termine cet entretien avec une dernière question. Les lecteurs français vont découvrir votre livre. Qu’aimeriez-vous qu’ils retiennent de votre livre ? ŽS : C’est une bonne question, il est difficile d’y répondre. Je crois que si le lecteur devait retenir une couleur, un souvenir ou une idée, la meilleure métaphore serait de dire que ce livre ressemble à un monument en plusieurs parties. Certaines détruites, certaines jolies, certaines complexes… Mais tous ces éléments font partie du monument. Chacun pourra y voir un symbole différent.
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MARS 2018
LUKAS BÄRFUSS PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : CÉLINE NIESZAWER LEEXTRA
REGARD ACÉRÉ SUR LES TRAVERS DE NOTRE SOCIÉTÉ
De passage à Paris, Lukas Bärfuss nous rejoint dans le studio photo de notre pour une jolie S E L I N Aphotographe RICHARDS prise de vue et ensuite nous parler de son nouveau roman "Hagard". Entretien.
LFC : Bonjour Lukas Bärfuss, nous nous
LB : Comme tout narrateur, il ne parvient pas à
rencontrons pour parler de votre livre
entrer dans la psychologie de ce personnage.
Hagard (Éditions ZOÉ). Nous avons lu en
J’ai toujours pensé que c’était un peu tricher
préparant cette interview que certains
que de rentrer dans le cerveau de quelqu’un.
définissent ce livre comme une grande
On ne peut jamais réellement savoir qui sont
nouvelle. Le définiriez-vous comme cela ou
les personnages. Tout ce qu’il peut faire, c’est
plutôt comme un roman ?
écrire ce qu’il voit. Mais cela ne dévoile jamais le secret de Philippe. La question est de savoir
LB : Je le définirais plutôt comme un roman. Le
pourquoi il agit de cette façon.
roman contemporain est en pleine crise. C’est
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pour cela qu’il faut absolument le mettre à la
LFC : Pourquoi avez-vous décidé d’explorer
hauteur de notre temps, de notre siècle. C’est
le personnage de Philippe à travers ce
ma proposition, ma démarche littéraire.
narrateur ?
LFC : Dans ce livre, vous faites intervenir un
LB : Je ne dirais pas pourquoi, mais je dirais
narrateur qui nous parle d’un personnage
plutôt comment. Nous vivons dans une
nommé Philippe. D’entrée de jeu, il place le
époque où chacun essaye de nous raconter
contexte en nous expliquant qu’il ne
une histoire. Que ce soit les entreprises, les
comprend pas pourquoi Philippe se trouve
hommes politiques… Les entreprises ont
dans cette situation. Le narrateur nous livre
compris qu’elles ne vendent pas seulement un
son sentiment en s’exprimant de manière
produit, mais une histoire. C’est le concept du
très franche.
storytelling. J’ai reçu plusieurs demandes pour
faire des workshops, mais j’ai toujours refusé. Je crois que ce n’est pas bien d’exploiter l’art. Aujourd’hui, il y a trop de fiction. La ligne entre la réalité et le mensonge est devenue vraiment quelque chose de SELINA compliqué. Je ne sais pas si mes livres sont fictionnels, car j’essaye d’écrire ce qui se passe à l’intérieur de ma conscience, à travers l’imagination et la représentation.
Je ne sais pas si mes livres sont fictionnels, car j’essaye d’écrire ce qui se passe à de ma R I C H l’intérieur ARDS conscience, à travers l’imagination et la représentation.
LFC : Le narrateur parle de Philippe, mais aussi de nombreux détails qui démontrent
LB : Je crois qu’il faut toujours couper ce
que sa vie a basculé. Et cela tient à une
dont nous n’avons pas besoin dans un
silhouette, à une ballerine bleu prune…
livre. Nous avons autre chose à foutre que de lire des pages inutiles. Je crois
LB : Nous sommes tous captivés par les
que je suis dans la tradition d’Edgar
objets. Ils nous entourent. Ils font nos vies.
Allan Poe qui dit que le lecteur ne doit
Ce sont les objets qui vont nous quitter au
pas décrocher du livre avant d’arriver à
moment où nous quittons définitivement la
la fin du récit. Le fait qu’il puisse
vie. Parfois, il y a plus d’histoire dans les
décrocher de mon livre peut me blesser.
objets que dans ses propriétaires. J’ai trouvé
Je veux que le livre soit le centre de
intéressant d’exploiter les ballerines, car les
l’univers pendant un certain temps.
chaussures ont toujours eu un symbole particulier. C’est aussi le symbole du
LFC : Philippe est un personnage
fétichisme, qui remplace toujours quelque
stable selon le narrateur. Il va être
chose qui est absent. Et je me pose toujours
attiré par cette silhouette jusqu’à se
la question de ce qui est absent.
faire embarquer pendant trente-six heures jusqu’à oublier ses contraintes
LFC : Le lecteur est happé par le
personnelles et professionnelles. Se
personnage de Philippe pendant trente-
perd-il ?
six heures, ce qui donne un roman très
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concis, peu bavard et très exaltant alors
LB : Philippe ne perd pas tout. Certes, il
que ce n’est pas un thriller…
perd sa vie bourgeoise, ses chaussures,
L U K A S
B Ä R F U S S
LE FAIT DE PERDRE DES CHOSES VOUS REND CLAIRVOYANT.
Nous avons autre chose à foutre que de lire des pages inutiles. Je crois que je suis dans la tradition d’Edgar Allan Poe qui dit que le lecteur ne doit pas décrocher du livre avant d’arriver à la fin du récit. Le fait qu’il puisse décrocher de mon livre peut me blesser. Je veux que le livre soit le centre de l’univers pendant un certain temps.
son portefeuille… Mais je ne crois pas qu’il perde beaucoup de choses, il en gagne aussi. Le fait de perdre des choses vous rend clairvoyant. Vous faites plus attention à ce qu’il y a autour de vous.
SELINA LFC : Votre personnage se laisse petit à petit envahir par le désir. Qu’en pensez-vous ? LB : Le désir, je ne sais pas. C’est le désir pour
Ces machines créent un R I C H A R D isolement. S Tout cela fait partie de la culture du capitalisme.
quelque chose surtout. On ne peut pas définir exactement ce qu’il veut. Le désir est un thème très complexe qui a été utilisé par les plus grands écrivains, mais qui reste toujours assez
LFC : Hagard, c’est le titre du livre et nous
mystérieux.
avons le sentiment qu’il y a plusieurs significations. Qu’en pensez-vous ?
LFC : Le portable du personnage, au fur et à mesure des trente-six heures, se décharge et
LB : Oui, c’est vrai que c’est dangereux. Cela
cela vous amène à faire une critique sur le fait
peut créer des malentendus. Le mot existe
que nous sommes très addicts à nos
aussi en allemand. C’est un terme qui vient
technologies.
de la fauconnerie, de la chasse aux oiseaux.
Hagard est un spécimen d’oiseau qui porte LB : Je pense que l’on peut voir cela d’une autre
déjà des plumes et qui se fait ensuite
manière. Notre dépendance à toutes ces
apprivoiser. Ce sont des oiseaux qui sont très
machines est devenue vraiment très importante.
bons pour la chasse. Ils savent comment se
Dernièrement, je me suis retrouvé dans la même
jeter sur la proie, mais ils sont très instables.
situation que Philippe. Comme tout le monde,
C’est pour cela que le terme en français
nous avons tous vécu cela. J’avais rendez-vous
signifie partir dans tous les sens.
quelque part, mais je n’avais plus de batterie. Nous ne savons pas où l’on se trouve, nous ne
LFC : Travaillez-vous actuellement sur un
savons plus où nous devons nous rencontrer.
autre projet ?
Ces machines créent un isolement. Tout cela fait
45
partie de la culture du capitalisme. C’est comme
LB : Tout à fait. En mars, deux nouveaux
lorsque vous prenez le train, c’est le silence total
livres sont à paraître. Un nouveau recueil et
dans les wagons. Et parfois, ce silence me fait
un beau livre en collaboration avec un artiste
peur.
qui imprime des animaux.
LFC MAGAZINE
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#7
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MARS 2018
ALEXANDER MAKSIK PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FAURE LEEXTRA
UN LIVRE SENSUEL QUI PARLE D'AMOUR
Après "La Mesure de la dérive", nous rencontrons de nouveau Alexander Maksik au cœur de Paris pour nous parler en exclusivité de S E L son I N A roman R I C H A R "L'Oiseau, DS le goudron et l'extase" (Belfond). Entretien.
LFC : Bonjour Alexander Maksik, nous
un homme dans le parking d’une
nous étions rencontrés en 2014 pour
quincaillerie à l’aide d’un marteau. D’autre
votre livre La mesure de la dérive paru
part, ce meurtre a eu lieu le même été où Joe
chez Belfond. Aujourd’hui, nous nous
a rencontré l’amour de sa vie, Tess.
voyons pour la sortie de votre livre
L’oiseau, le goudron et l’extase (Belfond).
LFC : Comment est née l’idée de raconter
Dès qu’on lit ce livre, on s’aperçoit que le
cette histoire ?
titre est très important. AM : J’ai toujours voulu écrire un livre sur le AM : Je l’espère. Ce n’est pas du tout le
thème de la bipolarité et de l’amour. Dans ce
même titre qu’aux États-Unis. Il n’a pas la
livre, j’ai choisi d’inverser les rôles entre les
même signification. Le titre français est une
hommes et les femmes. Les hommes
phrase extraite du roman. Je pense qu’il est
endossent des rôles classiques. Ils ne sont
très efficace et très mystérieux.
pas beaucoup mis en avant. Les femmes ont un rôle de cow-boys, de policiers. Je
LFC : On va tâcher de ne pas abîmer le
souhaitais mettre les femmes en avant.
suspense aux lecteurs et plutôt se concentrer sur Joe, votre personnage
LFC : Qu’avez-vous appris en faisant cela ?
principal qui va vivre deux événements importants avec deux femmes. Pouvez-
AM : J’ai beaucoup d’admiration pour les
vous nous en dire plus ?
femmes. C’était très intéressant de suivre leurs parcours en tant que femmes
AM : Oui en effet. D’une part, sa mère a tué 47
indépendantes. J’aime le fait que ces
femmes aient la capacité d’être violentes, agressives… C’était une expérience très enrichissante. LFC : Pouvez-vous présenter Joe à nos lecteurs ?
SELINA AM : Joe est quelqu’un de sensible, de vulnérable et d’erratique. Certains jours, il est très excité, très alerte et plein de vie et
L’expérience de mon personnage principal n’est pas très éloignée de la mienne. Je connais cette maladie RICHARDS qui est très présente au sein de ma famille.
d’autres jours, il est complètement dépressif. Il souffre de bipolarité.
humeurs de mes personnages.
LFC : Ce qui est bien fait dans votre livre,
LFC : Vous avez construit votre livre en
c’est que l’on suit les ups et les downs de
petits chapitres, ce qui rend le livre très
Joe. Comment avez-vous travaillé la
dynamique avec un rythme très soutenu.
psychologie de ce personnage ? AM : C’est exactement ce que je voulais. J’ai AM : L’expérience de mon personnage
écrit mon livre comme si j’avais composé un
principal n’est pas très éloignée de la
morceau de musique. Chaque chapitre, sans
mienne. Je connais cette maladie qui est
être trop prétentieux, ressemble à une
très présente au sein de ma famille. Mon
chanson et incarne un jour de la vie de Joe. Il
grand-père et mon oncle se sont suicidés à
y a une musicalité avec les mots, avec les
cause de celle-ci. J’ai voulu partager mon
phrases. J’ai travaillé ce livre comme un
histoire. Je me suis vraiment calqué sur les
tableau, en cherchant les différentes
humeurs de Joe. Lorsque j’allais bien,
couleurs, les différentes humeurs.
j’écrivais des passages du livre où Joseph était enthousiaste, et inversement, quand je
LFC : C’est très malin d’avoir procédé de
n’allais pas très bien, j’écrivais des
cette façon. Vous vous intéressez
passages où Joe était plutôt dépressif.
beaucoup à la psychologie de vos personnages, ce qui donne un livre
LFC : Vous proposez aux lecteurs une
attrayant et entraînant. On a toujours
histoire qu’ils vont s’approprier, mais qui
envie d’aller au chapitre suivant. Vous
pourtant vous ressemble beaucoup.
avez pensé ce livre en différents plans, en différents axes. Racontez-nous.
AM : Oui, c’est vrai. Même si ce n’est pas totalement mon histoire, je comprends les 48
AM : Honnêtement, je n’étais pas sûr de moi
A L E X A N D E R
M A K S I K
UN ROMAN DE SOUFFRANCE
C’est une histoire d’amour, mais d’amour familial. C’est aussi une histoire d’amour romantique.
La nature est importante. Je suis quelqu’un de très sensible et de très sensuel. J’aime sentir la nature autour de moi. Pour Joe aussi, c’est important. C’est quelqu’un de très isolé qui a besoin de trouver de la paix dans la nature. Comme vous l’avez dit, la nature SELINA RICHARDS est un personnage. en adoptant ce rythme. J’ai beaucoup
LFC : La nature a un rôle
recommencé. La solution pour moi a été de
important dans votre livre.
suivre les humeurs de Joe. Je voulais être fidèle
Lorsque vos personnages
à sa maladie.
vont mal, ils se raccrochent à la nature. Elle est là pour
LFC : Ce livre a-t-il été éprouvant à écrire ?
les aider, pour les soulager.
AM : Oui, cela a été difficile. La violence et la
AM : Personnellement, je crois
bipolarité sont des thèmes très pesants. J’ai
que la nature est importante.
voulu vivre à travers le livre, à travers les
Je suis quelqu’un de très
personnages. Ce n’est pas une histoire qui est
sensible et de très sensuel.
tout le temps joyeuse. Mais c’est important pour
J’aime sentir la nature autour
moi de ressentir ce que j’écris. Je ne suis pas un
de moi. Pour Joe aussi, c’est
écrivain qui écrit de manière abstraite. Certes,
important. C’est quelqu’un de
c’est difficile, mais c’est également excitant. Cela
très isolé qui a besoin de
me donne envie de continuer d’écrire.
trouver de la paix dans la nature. Comme vous l’avez
LFC : La violence, la bipolarité, mais
dit, la nature est un
également l’amour. Que souhaitiez-vous faire
personnage.
passer comme message ? LFC : On vous laisse le mot AM : De nombreuses façons de vivre et de
de la fin…
manières d’aimer. C’est une histoire d’amour,
50
mais d’amour familial. C’est aussi une histoire
AM : C’est un livre sensuel qui
d’amour romantique. Et ce qui m’intéressait le
parle d’amour. J’espère que
plus, c’était de me plonger dans le cœur de la
les lecteurs prendront du
famille.
plaisir à le lire !
LFC MAGAZINE
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#7
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MARS 2018
MARIE-LAURE DE CAZOTTE PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW
PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FALSIMAGNE LEEXTRA
OTTO GROSS LE MÉCONNU
Février 2018. Hôtel Édouard 7, nous avons rendez-vous avec Marie-Laure de Cazotte pour une séance photo et Elle nous parle S E L Iséance N A R I C Hbavardage. ARDS d'Otto Gross, de Sigmund Freud, du film de David Cronenberg, du désir, de sexualité et de notre modèle de société patriarcale avec ses conséquences.
LFC : Bonjour Marie-Laure de Cazotte, nous
MLDC : Sigmund Freud admirait Otto Gross qui
nous rencontrons pour parler de votre
était médecin et brillant neurologue et le
nouveau livre Mon nom est Otto Gross
considérait indispensable à l’avenir de la
(Éditions Albin Michel) depuis le 28 février
psychanalyse. À l’époque – nous étions dans
2018. Comment est née l’idée de consacrer
les années 1905-1910 -, Sigmund Freud était
ce livre à ce personnage ?
principalement entouré de disciples de confession mosaïque et craignait que la
MLDC : Par le biais d’une recherche sur Monte
psychanalyse ne soit classée comme un trait
Verità, la montagne de la vérité, une colonie
culturel juif. Il essayait d’attirer dans son cercle
internationale installée dans le Tessin Suisse,
des grandes figures d’origine chrétienne. À part
au bord du lac Majeur à partir de 1902,
Otto Gross, il y avait bien sur Carl Gustav Jung
pratiquant le végétarisme, la méditation, le
qui était totalement hypnotisé par le Viennois et
communisme sexuel, la danse en pleine nature.
revendiquait un statut d’héritier. Freud, de
Certains étaient théosophes, d’autres
façon un peu perverse, l’avait mis en
bouddhistes, certains vivaient dans des chalets,
compétition avec Otto Gross qui, pourtant, avait
d’autres, comme Hermann Hesse, dans des
déjà affiché certains désaccords avec le maître.
grottes. Il y avait des anarchistes, des
Le film de David Cronenberg A Dangerous
adolescents en fuite, et Otto Gross était le
Method consacré à la relation amoureuse entre
psychanalyste de la communauté.
Carl Gustav Jung et Sabina Spielrein évoque la relation entre Otto Gross (qui apparaît sous les
52
LFC : Pouvez-vous nous parler du lien entre
traits de Vincent Cassel) et Carl Gustav Jung
Otto Gross et Sigmund Freud ?
mais n’en montre pas l'ambiguïté, la part de
haine, de passion, de dinguerie entre les deux hommes, l’influence colossale d’Otto sur Carl Gustav, la jalousie névrotique de ce dernier, son caractère dédoublé. Lorsque Carl Gustav Jung a eu dans son hôpital S E LOtto INA Gross qui était toxicomane, leur relation médecin- patient s’est inversée. Otto Gross a pris le pouvoir sur un Carl Gustav Jung au bord de l’explosion, ne supportant plus
Otto Gross était un toxicomane, un exalté profondément engagé dans la lutte RICHARDS pour la liberté sexuelle, le féminisme et l’anarchisme.
l’hôpital psychiatrique, plein de doutes sur sa relation conjugale, amoureux de Sabina Spielrein, cette patiente, devenue son
le féminisme et l’anarchisme. Il faut quand
étudiante. Tout à coup, le soigné devient le
même dire qu’à l’époque être féministe et
soignant, l’analysé l’analyste et il semble
anarchiste étaient de stigmates de folie,
que Carl Gustav Jung était tellement
mais de là à taxer Otto Gross de
médusé par les théories d’Otto Gross, qu’il
schizophrène… C’était ridicule et surtout de
ne voulait plus le lâcher. Pendant cet
la part d’un homme qui dès le lendemain
internement qui durera un mois, Otto Gross
de la fuite de son patient a déclaré à sa
réalise que Carl Gustav Jung ne s’intéresse
future maîtresse qu’il était bouleversé par
pas à ses propres difficultés. Il n’en peut plus
l’enseignement d’Otto Gross.
d’être enfermé. Il va donc s’échapper de cet hôpital dans des conditions rocambolesques
LFC : Vouliez-vous écrire sur Otto Gross,
et cela va rendre fou Carl Gustav Jung qui le
car il était moins connu ?
déclarera atteint de démence précoce – la future schizophrénie- auprès de Sigmund
MLDC : En effet, il n’est pas très connu en
Freud et de l’ensemble de la profession
France même si Michel Onfray lui a dédié
médicale.
beaucoup de conférences et Jacques le Rider de nombreux textes. Otto Gross est
LFC : Ce qui est totalement injuste…
beaucoup plus connu en Suisse, en Allemagne et en Autriche. Il est également
53
MLDC : Injuste et impossible. Otto Gross était
connu du grand public justement grâce au
un toxicomane, un exalté profondément
film de David Cronenberg. Il faut réaliser
engagé dans la lutte pour la liberté sexuelle,
que Otto Gross était un dissident de la
M A R I E - L A U R E
D E
C A Z O T T E
Il faut réaliser que Otto Gross était un dissident de la psychanalyse, qui, non seulement critiquait Freud, mais voulait engager la psychanalyse sur le terrain politique. Outre son engagement dans l’anarchisme, il était proche des sulfureux cercles expressionnistes puis dadaïstes. Il a été mis à l’index par les Freudiens comme par les Jungiens.
psychanalyse, qui, non seulement critiquait Freud, mais voulait engager la psychanalyse sur le terrain politique. Outre son engagement dans l’anarchisme, il était proche des sulfureux cercles expressionnistes puis dadaïstes. Il a été mis à l’index par les Freudiens commeSpar E Lles INA Jungiens. LFC : Quel a été son principal apport ? MLDC : Otto Gross était un philosophe de la liberté. Il pensait qu’une société patriarcale qui
En tant que psychanalyste, il franchissait toutes les limites. Il avait des relations charnelles avec ses patients et patientes et a même RICHARDS organisé des orgies sexuelles. Il voulait que les hommes et les femmes connaissent le désir pour le désir.
ne donne pas sa place au désir – à l’Eros, qui enferme les femmes, impose une fonction aux
sexuelles. Il voulait que les hommes et les
hommes est une société qui engendre des
femmes connaissent le désir pour le désir.
névroses, des comportements destructeurs
Une fusion, sans liens amoureux et sans
collectifs et individuels. Ses théories sur la
engagement social. Il va sans dire qu’à
liberté sexuelle ont posé des jalons essentiels. Il
l’époque, c’était totalement scandaleux et
était également parmi les premiers à considérer
criminel. Pourquoi le faisait-il ? Parce qu’il
que la psychanalyse pouvait devenir un
considérait que l’Eros était une force, un élan
instrument d’analyse sociale. Par ailleurs, sa
vital, unissant toutes les créatures, et le seul
vision sur la perte des liens entre l’Homme et la
moyen qu’avait l’homme de développer un
nature, préfigure les mouvements écologistes.
lien d’amour avec la nature. Pour résumer de
Enfin, c’était un scientifique visionnaire qui, en
façon trop brève des théories très
luttant pour que psychanalystes et
sophistiquées, il considérait la morale à
neurologues, associent leurs découvertes, était
l’origine de la destruction de la terre.
un précurseur de certains aspects des neurosciences actuelles.
LFC : Selon vous, quel écho ce livre a-t-il aujourd’hui ?
LFC : Le désir était très présent chez Otto Gross.
MLDC : On aimerait que les débats qu’il soulève soient derrière nous.
55
MLDC : En tant que psychanalyste, il
Malheureusement, force est de constater
franchissait toutes les limites. Il avait des
que les sociétés patriarcales actuelles
relations charnelles avec ses patients et
réduisant la femme à trois fonctions – la
patientes et a même organisé des orgies
virginité, le mariage et la procréation -
positionnant les hommes comme ayant pouvoir sur tout provoquent névroses, violences et destructions massives. Otto Gross n’avait pas raison sur tous les sujets, mais il savait parfaitement et dès 1910 que l’Europe se dirigeait vers un cataclysme historique. Lorsqu’il SE LINA clamait qu’une société dirigée par des hommes atteints de névrose de puissance n’avait pas pour but la protection de la terre ou le bonheur de l’humanité, mais la reproduction de cette puissance, il avait parfaitement raison. Il a certainement été excessif en réclamant que les enfants soient retirés des mains des pères et que tous les pouvoirs de contrôle sociaux soient
On aimerait que les débats qu’il soulève soient derrière nous. Malheureusement, force est de constater que les sociétés patriarcales actuelles réduisant la R I C H Afemme RDS à trois fonctions – la virginité, le mariage et la procréation - positionnant les hommes comme ayant pouvoir sur tout provoquent névroses, violences et destructions massives.
donnés aux femmes, mais c’était dans sa
LFC : En écrivant ce livre sur Otto
logique radicale.
Gross, avez-vous appris des éléments inédits ?
LFC : Pouvez-vous nous parler de la relation entre Otto Gross et son père ?
MLDC : Pas inédits, mais ignorés, oui. Beaucoup. À commencer par les liens
56
MLDC : Ce sont deux génies. Le père est un
entre l’anarchisme, le dadaïsme et les
juge, le fondateur de ce qui deviendra la police
grands mystiques chrétiens. Hugo Ball,
scientifique. Il incarne au plus haut niveau la loi,
le fondateur du dadaïsme avait écrit
l’empire, l’autorité et s’entoure de tous les plus
dans son carnet intime qu’il avait pensé
grands scientifiques de son temps. Son fils est
à Denys l’Aréopagite – Dionysos
son reflet inversé. Il incarne les forces du chaos,
l’Aréopagitas en inventant ce vocable
la révolution, le refus de l’autorité et s’entoure
D.A.D.A. C’est devenu un tabou.
des plus grands révolutionnaires de son temps.
Également, les liens profonds entre
La lutte entre les deux est poignante, tragique.
politique et psychiatrie apparaissent, je
Ils sont dans une arène comme un torero et un
crois, sous un jour nouveau, assez
taureau et changent de rôle en permanence et
paradoxal, et souvent assez terrifiant
lorsque le père parviendra à faire interner le fils,
car on s’aperçoit qu’avant 1914, ce qui
il subira les attaques frontales d’une grande
allait devenir l’idéologie nazie est
partie de l’intelligentsia européenne.
parfaitement en place.
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#7
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MARS 2018
HÉLOÏSE GUAY DE BELLISSEN
II
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : ARNAUD MEYER LEEXTRA
Février 2018. Odéon à Paris au siège de Flammarion, Héloïse Guay de Bellissen nous reçoit pour une séance photo et un entretien au sujet de son nouveau roman intime, "Dans le SELINA RICHARDS ventre du loup". Fiction tirée d'un fait divers qui a touché de plein fouet sa famille et sa propre existence. Rencontre poignante avec une romancière qui nous offre un roman magistral. Une lecture frappante. LFC : Bonjour Héloïse Guay de Bellissen,
autres livres, je parlais toujours d’une enfance
nous nous rencontrons pour la troisième fois
brisée, que ce soit Kurt Cobain ou celles des
pour la sortie de votre livre Dans le ventre du
enfants de chœur, ils ne voulaient pas grandir.
loup (Flammarion). Très naïvement, nous
C’est un thème que j’affectionne beaucoup.
assumons. Nous avons lu votre roman
Dans ce troisième roman, j’ai eu envie de parler
comme une fiction, sans savoir que cette
de mes vraies obsessions, savoir d’où elles
histoire était liée à la vôtre. Ce qui nous
venaient. J’ai vu l’émission Faites entrer
donne envie de le relire…
l’accusé en 2015 sur l’affaire en question et je me suis dit que c’était le moment de se lancer,
HGDB : Cette lecture que vous avez eue, c’est la
sans faire de voyeurisme.
lecture que je souhaite. Ce livre propose un million de lectures. Il y a des faits divers, des
LFC : Cette émission a-t-elle été le point de
choses plus personnelles, une enquête
départ du livre ?
policière… Ce livre se lit également comme un roman. Même si je parle de faits réels, je pense
HGDB : Lorsque j’ai vu cette émission, j’ai été
que c’est bien que l’on puisse le lire sans savoir
abasourdie. Des gens de ma famille n’avaient
que c’est vrai. Cela veut dire que le côté
jamais évoqué le sujet. Ils avaient raison, car
romanesque fonctionne.
j’étais très jeune. Ce qui est intéressant, c’est que j’essaye de m’accrocher à l’image de ma
LFC : Comment est née l’idée de passer
cousine que je n’ai pas et que je n’aurais
d’une histoire personnelle à une fiction ?
jamais. Je trouve cela assez beau, car je n’aurai aucun souvenir qui reviendra. Mais désormais,
HGDB : C’est une sacrée démarche ! Dans les 58
j’ai un livre.
LFC : Vous racontez un fait divers qui a défrayé la chronique dans les années quatre-vingt et qui vous a touché ainsi que votre famille. Seulement, vous n’avez connu la vérité qu’à l’âge adulte, et S Ec’est LINA cela qui est passionnant pour le lecteur. Nous avons le même point de vue que vous, on découvre les faits au fur et à mesure.
J’ai voulu raconter la situation dans laquelle on se trouve lorsqu’il y a un secret dans une famille. C’est la même chose pour les gens qui ont été adoptés par et qui cherchent R I exemple CHARDS leur père ou leur mère. Certes, c’est une expérience personnelle, mais je crois qu’elle est universelle.
HGDB : J’ai voulu raconter la situation dans laquelle on se trouve lorsqu’il y a un secret
C’est le non-dit qui est devenu une
dans une famille. C’est la même chose pour
espèce de monstre, le monstre du
les gens qui ont été adoptés par exemple et
silence.
qui cherchent leur père ou leur mère. Certes, c’est une expérience personnelle, mais je
LFC : Le roman était-il le meilleur
crois qu’elle est universelle.
genre pour raconter votre histoire ?
LFC : Vous dîtes que chacun d’entre nous
HGDB : Oui, complètement. Quand je
a des non-dits et que chacun en fait ce
rencontre des zones d’ombres, je peux
qu’il veut.
les arranger et mettre des zones lumineuses. J’ai voulu raconter ce qui
HGDB : Mon cas personnel n’arrive pas dans
s’était passé à cette époque. Et
toutes les familles, et heureusement. Je
également raconter ce qui se passe
reçois beaucoup de courriers de lecteurs
quand une petite fille disparaît. Je ne
qui, après avoir lu mon livre, entament des
suis pas la seule à avoir été touchée. Ce
recherches sur des secrets de famille.
sont également des institutrices, des camarades de classe… Quand je suis
LFC : Comment avez-vous réagi après
allée au tribunal pour voir les
avoir connu ce secret ?
dépositions, je ne savais pas du tout comment cela allait se passer. Au final,
59
HGDB : J’ai été un dommage collatéral de
on s’intéresse uniquement au cas de
toute cette histoire. J’en ai été traumatisée.
l’assassin, car c’est lui qui est accusé.
H É L O Ï S E
G U A Y
D E
B E L L I S S E N
LE NON-DIT: LE MONSTRE DU SILENCE
LFC : Vous citez son nom d’ailleurs dans le livre. HGDB : Oui, j’ai essayé de retourner le non-dit. J’ai mis le vrai prénom de ma cousine, le vrai prénom de l’assassin et tous les autres sont des faux prénoms. Je sais qu’il essaye de sortir de
S E L Imais NA prison. Tout le monde a le droit au pardon,
Je crois qu’il faut faire plus de bruit, même si parfois la foudre frappe. C’est un livre qui remue beaucoup de choses. Reparler d’une affaire familiale trente ans plus tard, c’est éprouvant. Ce sont des blessures qui sont ineffaçables. Je n’avais pas envie de me taire.
RICHARDS
il est incurable.
LFC : Écrire ce livre vous a-t-il fait du bien ?
LFC : Avez-vous écrit ce livre pour ne pas
HGDB : Il faut absolument éclater un secret
vous taire ?
lorsqu’il y en a un. C’est après avoir éclaté ce secret que vous pouvez grandir. On se sent plus
HGDB : Carrément. Je crois qu’il faut faire plus
heureux après, plus épanoui.
de bruit, même si parfois la foudre frappe. C’est un livre qui remue beaucoup de choses.
LFC : On a pu lire dans la presse que vous vous
Reparler d’une affaire familiale trente ans plus
êtes sentie plus légitime en tant que
tard, c’est éprouvant. Ce sont des blessures qui
romancière avec ce livre…
sont ineffaçables. Je n’avais pas envie de me taire.
HGDB : Sur ce livre, c’était l’écriture et rien d’autre. Je ne sais pas comment l’expliquer. Avec
LFC : Ce livre a été fait pour susciter des
celui-ci, j’ai été capable d’écrire une fiction avec
réactions, et c’est ce qui se passe en ce
une tragédie qui me dépasse. C’est comme si
moment dans les médias, sur les réseaux
j’avais apprivoisé un monstre. Cela a été un
sociaux…
exutoire.
HGDB : Dans ce livre, il y a vraiment tout. On ne
LFC : Lorsqu’on termine un livre comme celui-
sait pas si c’est un polar, si c’est réel ou si c’est
ci. Qu’aimeriez-vous écrire ensuite ?
artificiel. HGDB : Je pense que le prochain livre sera plus LFC : Ce qui est très bien fait, c’est également
cool. Je vais arrêter d’ouvrir des boîtes de
le fil rouge avec le chaperon rouge…
Pandore. Mais j’y reviendrai sûrement par la suite.
HGDB : Ce fait divers ressemble étrangement à
LFC : Qu’aimeriez-vous que le lecteur retienne
l’histoire du petit chaperon rouge. Cela donne
à la fin de sa lecture ?
un côté encore plus universel. C’est un
61
conte d’avertissement. Le fait d’évoquer ce
HGDB : J’aimerais que le lecteur se dise qu’il faut
conte donne un souffle au livre, cela lui donne
aller au bout des choses. Lorsqu’on a quelque
un côté moins macabre.
chose en soi qui ne va pas, il faut le guérir.
LFC MAGAZINE
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#7
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MARS 2018
SAÏDEH PAKRAVAN PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FALSIMAGNE LEEXTRA
Février 2018, Hôtel Édouard 7, Saïdeh Pakravan a obtenu Le Prix de la Closerie des Lilas. S E L I N ARégulièrement RICHARDS invitée dans nos pages, la romancière accepte avec joie notre séance photo et l'entretien pour parler de son nouveau roman "L'Émir". Et bien plus...
LFC : Bonjour Saïdeh, nous nous rencontrons
l’Europe du Nord et sur le christianisme. Son
pour la deuxième fois après Le principe du
éditeur lui demande si elle veut continuer
désir en 2017. Aujourd’hui, votre actualité, c’est la sortie de L’émir (Belfond). Comment
d’écrire sur la religion, l’Islam en l’occurrence.
est née l’idée d’écrire ce livre ?
de rendez-vous dans les pays arabes. Elle
Elle accepte. Ils lui prennent donc tout un tas arrive en Irak au moment où Saddam Hussein
SP : Nous vivons dans une époque
commence à rouler des mécaniques et à
extrêmement troublée. Nous nous posons
attaquer le Koweït pour des raisons qui n’ont ni
beaucoup de questions. Comment tout cela a-t-
queue ni tête. Lors de son voyage dans le golfe
il commencé ? Comment notre monde a-t-il
persique, elle rencontre un Émir atypique, qui
basculé dans quelque chose de
n’existe pas dans la réalité. C’est le coup de
méconnaissable ? J’ai donc imaginé ces
foudre.
personnages qui auraient à la fois de
63
l’intelligence et de la bonne volonté. Voilà le
LFC : Il y a toujours ce principe du désir qui
point de départ.
n’est pas si facile.
LFC : Votre héroïne Virginie Page prépare un
SP : Comme dit Virginie à un moment donné :
récit de voyage durant l’été 1990 qui est
j’ai rencontré mon double, celui que j’attends
consacré à l’Islam.
depuis toujours. C’est une histoire platonique.
SP : Elle vient d’écrire un livre qui a eu
LFC : Comment avez-vous créé ces
beaucoup de succès sur les cathédrales de
personnages ?
SP : Je les ai regardés vivre. Je les ai observés. Je les ai écoutés. Ils se sont vraiment développés jour après jour et j’ai trouvé leurs conversations très intéressantes. Sans vouloir se fondre l’un dans l’autre au point de vue des idées, ils ont toujours cherché le chemin l’un vers l’autre. Aucun des
SELINA
deux ne fait de concessions ou n’essaie de faire plaisir à l’autre. Ce sont deux personnes qui cherchent profondément des réponses, qui se les donnent mutuellement et qui trouvent
Je suis agnostique. Je ne comprends pas la foi ou la religion. Je ne suis même pas athée. Pour être athée, il faut être activiste. L’idée de Dieu ne m’intéresse pas R I C Hparticulièrement. ARDS Je ne comprends pas cette insistance de tout un chacun de dire j’ai raison, c’est moi qui détiens la vérité.
constamment un terrain d’entente. C’est presque une métaphore pour deux cultures dissemblables.
Moi je n’en ai pas. Je suis agnostique. Je ne comprends pas la foi ou la religion.
LFC : Qu’aimeriez-vous que les
Je ne suis même pas athée. Pour être
lecteurs retiennent après la lecture
athée, il faut être activiste. L’idée de
de ce livre ?
Dieu ne m’intéresse pas particulièrement. Je ne comprends pas
SP : J’aimerais qu’ils retiennent qu’il n’y
cette insistance de tout un chacun de
a pas une seule façon de voir les
dire j’ai raison, c’est moi qui détiens la
choses, qu’il n’y a pas de positions
vérité. Cela vaut aussi bien pour les
fermes sur lesquelles on peut se tenir,
musulmans que pour Marine Le Pen ou
en disant que c’est comme cela et pas
les gens de la gauche. Personne ne va, à
autrement. C’est ce qui fait que nous
un seul instant, penser à l’autre. Il faut
vivons dans une période désagréable.
laisser vivre les gens.
LFC : Pour quelle(s) raison(s) pensez-
LFC : Avec ce livre, vous nous amenez
vous que c’est un grand livre ?
à réfléchir et à ne pas juger. Qu’en pensez-vous ?
SP : Parce qu’il n’y a pas de parti pris.
64
Les livres, les reportages, les
SP : Il ne s’agit pas de ne pas juger. Peut-
documentaires ou les romans qui
être que je ne suis pas en accord avec
parlent de ce thème démontrent
ce que certains font, mais ce n’est pas
toujours un parti pris très fort.
mon problème. Je trouve inacceptable
S A Ï D E H
P A K R A V A N
que des gens comme les évangélistes, les islamistes ou les catholiques décident que quelque chose est mal. Torturer des gens, violer des enfants, oui c’est mal et nous n’avons besoin de personne pour nous le dire. En revanche, pour tout le reste, ce n’est pas à nous de juger. S E L I N A LFC : Pourquoi écrivez-vous ? SP : Je ne peux pas faire autrement. Je ne peux pas m’en empêcher. J’écris depuis que je suis toute petite. J’ai écrit mes premières rédactions lorsque j’avais sept, huit ans. Elles étaient déjà publiées dans le journal local. J’ai écrit mon premier roman lorsque j’avais dix-sept ans. J’ai toujours écrit. En écrivant, je ne cherche pas à me prouver quelque chose.
Je n’ai pas peur du jugement. J’ai surtout peur des imbéciles.Il arrive bien sûr que des R I C H A R Dgens S intelligents critiquent ce que j’ai fait dans ma vie, car j’ai fait beaucoup de choses. Mais si cela est bien dit et bien pensé, je n’y vois aucun problème. Je ne suis pas susceptible.
LFC : Écrire, c’est s’exposer. Le vivezvous bien ?
LFC : L’Emir est actuellement en librairie. Continuez-vous
SP : Je n’ai pas peur du jugement. J’ai
d’écrire ?
surtout peur des imbéciles. Il arrive bien sûr que des gens intelligents critiquent
SP : Je suis en train d’écrire un
ce que j’ai fait dans ma vie, car j’ai fait
livre sur le Shah d’Iran avec qui j’ai
beaucoup de choses. Mais si cela est
souvent été en contact. Je crois
bien dit et bien pensé, je n’y vois aucun
que je vais faire quelque chose
problème. Je ne suis pas susceptible.
d’assez spécial.
Je suis en train d’écrire un livre sur le Shah d’Iran avec qui j’ai souvent été en contact. Je crois que je vais faire quelque chose d’assez spécial. 66
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#7
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MARS 2018
DIANE DUCRET PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FALSIMAGNE LEEXTRA
SUIS-JE UN FLAMANT ROSE ?
Février 2018, dans le quartier du Marais, une lumière sublime, nous rencontrons Diane Ducret pour une séance de photos exclusives. Plus de 30 minutes après, on s'installe au SELINA RICHARDS chaud dans un café parisien pour discuter de son roman le plus personnel dans lequel elle se projette sans filtre. Une fiction contre les apparences et pour la vie, malgré les obstacles aux allures insurmontables.
LFC : Bonjour Diane Ducret, nous nous
DD : Même si ce que je raconte est inspiré à
rencontrons pour parler de votre livre La
90% de ma propre vie, cela reste un roman. Si
meilleure façon de marcher est celle du flamant rose (Éditions Flammarion). Cette
c’était un récit, je raconterais uniquement des
fois-ci, vous proposez un livre personnel…
concept de l’héroïne romanesque.
DD : Plus personnel, je dirais que ce serait une
LFC : Aviez-vous peur du pathos dans le
radiographie de mon corps (rires). Ce roman, je
témoignage ou le récit ?
événements qui se sont produits. J’aimais le
ne pouvais pas l’imaginer plus personnel. Au début, je n’avais pas l’intention d’écrire un livre
DD : Dans un document, il n’y a pas de mise à
comme celui-ci. Je me suis arrêtée en cours de
distance. La différence entre un récit et un
route et cela m’a paru comme une évidence
roman, c’est la différence entre être boiteux et
que je devais transmettre ce texte. C’était le
être un flamant rose. C'est tout le sujet du livre.
roman de mon envol. C’est très personnel au
C’est de se dire : oui je suis handicapée, j’ai
point que le nom de l’héroïne est une synthèse de tous les personnages que j’ai pu
boité pendant la moitié de ma vie. Mais finalement suis-je boiteuse ou suis-je un flamant rose ? C’est la question de la transposition que
utiliser dans mes romans. C’est une sorte de
je trouve très beau. C’est amusant, car lorsque
double mythologique, hors du temps.
je croise des lecteurs qui ont lu mon livre, ils
anagramme de Diane. Ce personnage est une
ont l’impression de se reconnaître. LFC : Vous auriez pu écrire ce livre sous
68
forme de récit ou de document, mais il
LFC : Votre point de départ est votre
apparaît bien comme un roman.
expérience personnelle avec comme point
d’arrivée une fiction universelle. DD : La dimension universelle est une dimension positive. C’est le récit d’une femme qui se relève toujours.
SELINA
LFC : À quel moment vous êtes-vous dit qu’il fallait écrire ce genre d’histoire ? DD : Je ne l’avais pas fait avant, car je me
Je ne l’avais pas fait avant, car je me cachais toujours derrière mes personnages historiques féminins. Je racontais toujours l’histoire de femmes qui ont eu une vie, des histoires R Imauvaise CHARDS d’amour qui ont mal fini avec de mauvaises personnes et peut-être qu’à travers ces femmes, je parlais de moi.
cachais toujours derrière mes personnages historiques féminins. Je racontais toujours
Nous ne pouvons pas nous plaindre. S’il y
l’histoire de femmes qui ont eu une
a des syndromes post-traumatiques, des
mauvaise vie, des histoires d’amour qui ont
douleurs, des handicaps, des crises
mal fini avec de mauvaises personnes et
d’angoisse suite à des violences, c’est
peut-être qu’à travers ces femmes, je parlais
notre propre vie que nous allons gâcher.
de moi. À un moment donné, ce n’était plus
Le temps passe trop vite. J’ai passé dix
possible de le cacher. Je devais faire passer
ans sans pouvoir marcher et c’est très
un message. C’est ce qui fait du bien aux
long. Quand on se réveille à plus de trente
gens. Ce qui leur donne de l’espoir.
ans et que l’on a l’impression d’avoir dix ans de retard, personne ne va nous aider.
LFC : C’est également un livre qui parle
Si je ne décide pas de me relever, je vais
d’amour…
passer à côté de quelque chose. Dans mon livre, je parle d’éducation
DD : Absolument, sur comment s’aimer soi-
sentimentale au sens fort du terme.
même, sur l’amour inné, l’amour maternel, ce
Aujourd’hui, en voulant nous protéger de
dont j’ai toujours été en quête.
la douleur émotionnelle ou sentimentale, nous faisons des actes boiteux. Les gens
LFC : En quoi cette expérience est-elle
ne sont pas préparés aux coups que la vie
devenue une force pour vous ?
va leur donner. J’ai vécu les pires cauchemars. Et aujourd’hui, être capable
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DD : Nous sommes obligés de nous
de raconter cela de façon positive est une
responsabiliser. Nous n’avons pas le choix.
victoire. Rien n’est impossible.
D I A N E
D U C R E T
RIEN N'EST IMPOSSIBLE
LFC : Votre roman est également un message contre le paraître. On se dit qu’avec vos livres, vos autres projets artistiques, votre beauté, tout marche pour vous. Pourtant, nous ignorons tout des blessures et des
S E Lnous INA histoires des gens. Avec ce roman, vous rappelez que vous ne dérogez pas à cette
C’est un livre contre le paraître et je crois que j’en RICHARDS ai été victime.
idée. C’est aussi le cas pour vous. DD : Vous avez raison. Certains vont dire qu’il y
plus de livres en ce moment, qui m’a
a pire, mais c’est une image très difficile. Cela
répondu : nous n’avons pas vocation à
renferme terriblement. Je trouve que dans le milieu littéraire, il existe des discriminations à
publier les élucubrations des réformées d’écoles de mannequins. Cela était
propos de ceux qui n’ont pas l’air écrivain. Je
extrêmement dur, on le prend en pleine
souris, je suis fière, je vais bien, c’est mon
poire.
attitude. Souvent, on imagine l’attitude d’un écrivain ou d’une romancière qui ne se maquille
LFC : Avez-vous d’autres projets au-delà
pas, qui s’habille large, comme un rat de
de ce roman ?
bibliothèque un peu agressif. Je suis assez en accord avec vous, c’est un livre contre le
DD : Je suis en train d’écrire l’adaptation
paraître et je crois que j’en ai été victime. Le
ciné de L’homme idéal existe, il est
milieu littéraire s’intéresse davantage à moi depuis quelques mois. C’est la première fois
québécois avec Ken Scott, qui avait réalisé le film Starbuck. C’est un beau
que j’ai un papier dans LIRE, j’ai eu un papier
projet que l’on écrit en ce moment. J’ai
dans La revue des deux mondes. C’est aussi la
créé également un scénario que j’ai
première fois que je fais la dernière page de
vendu, une comédie romantique sur la
Libération, le portrait. Je n’avais jamais eu tout
maladie d’Alzheimer. Ces deux projets me
cela auparavant.
tiennent vraiment à cœur. Mais surtout ce que je veux en ce moment, c’est
LFC : Vos débuts étaient si difficiles…
accompagner le livre. Que ce soit de la part des journalistes ou encore des
71
DD : Quand j’ai écrit Femmes de dictateur, les
lecteurs, j’ai des feed-back auxquels je
dix maisons d’édition à qui j’ai envoyé mon
n’avais pas du tout pensé. Et c’est très
manuscrit n’ont pas voulu se lancer dans le
intéressant pour prendre du recul par
projet. J’ai même reçu une réponse d’une
rapport à ce roman, que j’affectionne
maison d’édition, une de celles qui vendent le
particulièrement.
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#7
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MARS 2018
JULIEN DUFRESNE LAMY
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FALSIMAGNE LEEXTRA
Février 2018, rencontre au centre de Paris avec Julien Dufresne Lamy pour nous parler de son nouveau roman dans lequel la S E L I N"Les A R IIndifférents" CHARDS jeunesse dorée va être au cœur d'un drame qui tiendra le lecteur en haleine de pages en pages. Haletant et subtil psychologiquement.
LFC : Bonjour Julien Dufresne Lamy, vous
propre responsabilité. Et c’est pour cela que
publiez Les indifférents (Belfond). C’est
l’on dit que les gens deviennent indifférents.
différent par rapport à votre roman
J’ai voulu transposer ce thème sur ce groupe
précédent où l’on suivait le parcours d’une
d’adolescents qui vivent entre eux et qui vont
danseuse. Cette fois-ci, il s’agit d’une fiction.
devenir indifférents les uns envers les autres jusqu’au drame.
JDL : C’est vrai que dans le premier livre, il y avait une part biographique qui était la béquille
LFC : On voit que cette jeunesse vous a
de l’héroïne. Dans Les indifférents, c’est une
inspiré, car le lecteur est complètement
pure fiction. Les personnages n’existent pas.
emporté dans cette histoire. C’est un roman même si ce livre peut aussi se lire comme un
LFC : C’est un livre qui parle de la jeunesse,
thriller.
pourquoi avoir choisi ce thème ? JDL : Effectivement, dans la construction du
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JDL : J’avais envie d’écrire un livre sur un
livre, il y a une partie polar, une partie
thème de psychologie sociale qui m’intéresse
psychologique. Le livre s’ouvre sur une scène
beaucoup qui s’appelle l’effet du témoin. C’est
d’accident où l’on comprend que dans cette
un concept qui consiste à montrer qu’en cas de
bande ils sont quatre, et que l’un d’eux va
situation d’urgence dans la vie de tous les jours,
mourir un matin sur la plage. Mais c’est peut-
lorsque l’on assiste à un accident ou une
être plus qu’un accident, on ne sait pas trop.
agression, on n’agit pas, car il y a d’autres gens
Finalement, le lecteur remonte le temps. J’ai
qui sont près de vous. Le groupe dissolve votre
utilisé la prolepse pour remonter quelques
années en arrière, de treize jusqu’à dix-sept ans. Le lecteur comprend comment ils ont grandi, comment ils se sont aimés et comment ils vont passer l’été dans l’insouciance. Tout cela va les mener S EauL I N A drame. LFC : Dans la forme narrative choisie, vous avez eu envie de jouer avec le lecteur.
J’avais envie d’écrire un livre sur un thème de psychologie sociale qui m’intéresse beaucoup qui s’appelle l’effet du témoin. C’est un concept qui consiste à montrer qu’en cas de situation d’urgence dans la vie de tous les jours, RICHARDS lorsque l’on assiste à un accident ou une agression, on n’agit pas, car il y a d’autres gens qui sont près de vous. Le groupe dissolve votre propre responsabilité.
JDL : J’avais envie de troubler le lecteur, que l’on se demande qui allait mourir ce matin-là
l’enfance. Et pour s’extraire de ce monde,
sur la plage. Dans la narration continue, de
on cherche forcément la notion de danger.
treize à dix-sept ans, effectivement, j’ai joué
C’est le cas de ces adolescents qui sont
sur les responsabilités et les culpabilités de
nés à l’abri du monde dans un milieu aisé.
chacun. Dans l’histoire, tout le monde est un peu responsable. Je crois que j’ai écrit le
LFC : Quand on lit votre livre et que l’on
livre que j’avais envie de lire.
parle avec vous, on se dit que vous êtes quelqu’un de très sympa. Pourtant, vous
LFC : Ce n’est pas un polar, mais il y a une
êtes une teigne dans ce livre ! (rires)
dimension psychologique importante, c’est pour cela que le roman fonctionne.
JDL : On a tous une part de cruauté en
On sent toute la bestialité de l’être humain
nous, qui se révèle ou qui ne se révèle pas.
à travers ce groupe d’adolescents.
Quand j’ai écrit les premières pages de ce livre, où l’on comprend ce qui se passe, ce
74
JDL : L’adolescent est quelque chose de très
sont les pages les plus cruelles. Même moi,
intéressant du point de vue de la littérature
j’ai été dérangé, mais j’étais satisfait de ce
et même d’un point de vue humain. C’est
que j’avais fait. Je me suis dit que j’étais
une période d’entre-deux, une zone d’ombre
capable de le faire et d’aller jusqu’au bout.
et en même temps très lumineuse. C’est un
Dans les premiers textes que j’ai écrits,
passage obligatoire dans la vie de chacun
j’avais toujours besoin de rester implicite.
où on se construit. On se modèle tout en
Mais là, c’est l’inverse, je mets tout sur la
cherchant à s’extraire un peu du monde de
table.
J U L I E N
D U F R E S N E
L A M Y
L'ADOLESCENCE : UNE PÉRIODE D’ENTRE-DEUX, UNE ZONE D’OMBRE ET EN MÊME TEMPS TRÈS LUMINEUSE.
LFC : Connaissiez-vous déjà la fin de votre livre ? Avez-vous été surpris en l’écrivant ? JDL : Je connaissais la fin dans la mesure où je savais qui allait mourir et pour quelles raisons. Mais au fur et à mesure de
SELINA
l’écriture, le roman s’est étoffé. J’ai apporté plus de raisons, plus de fondements, plus de couleurs et plus de décors. LFC : Le style de votre livre est très fluide, il se lit très très bien, avec dix chapitres,
J’avais envie d’un livre qui soit à l’image des adolescents d’aujourd’hui, prêts à tout et qui sont très durs avec euxRICHARDS mêmes et avec les autres. Ce qui est frappant, c’est la méchanceté qui grandit au fur et à mesure de l’histoire.
c’est incisif et parfois cynique. JDL : J’avais envie d’un livre qui soit à l’image des adolescents d’aujourd’hui,
contradictions. Je me suis inspiré de
prêts à tout et qui sont très durs avec eux-
mon propre vécu et des relations que
mêmes et avec les autres. Ce qui est
j’ai eues.
frappant, c’est la méchanceté qui grandit au fur et à mesure de l’histoire. C’est à
LFC : De nombreux livres sont en
travers les yeux d’une jeune fille qui vient
librairie. Bien évidemment, nous
d’Alsace avec sa maman que l’on va voir la
invitons les internautes à lire Les
bestialité et la méchanceté de ces
indifférents. Qu’aimeriez-vous que
adolescents.
les lecteurs retiennent une fois qu’ils refermeront le livre ?
LFC : Comment avez-vous imaginé ces adolescents ?
JDL : Ce que j’aimerais qu’on retienne est à l’image de la
76
JDL : Je les ai côtoyés, car j’étais professeur
couverture : un décor insouciant, la
pendant des années. Et puis, nous l’avons
mer l’été, une atmosphère assez
tous été un jour. Nous avons tous eu des
agréable qui devient de plus en plus
périodes de trouble. C’est une période où
inquiétante au fur et à mesure des
l’on devient l’adulte que l’on est
pages. C’est ce qui crée le drame, à
aujourd’hui, un moment qui dure quelques
savoir la mort d’un des adolescents.
années où l’on se cherche. On est face à
Je retiendrais peut-être ce paysage
nos propres
qui offre deux visions, deux visages.
Roman Noir #7 | Mars 2018
CÉDRIC LALAURY Des nouvelles de l'heureux lauréat du concours Kobo Fnac et Préludes.
SARA LÖVESTAM Attention talent, des polars avec des personnages inattendus
KAREN CLEVELAND Le best seller qui à tapé dans l'œil de Charlize Theron
© Jessica Scharpf
Sara Lövestam Dans les locaux de la maison d'édition Robert Laffont, rencontre avec Sara Lövestam pour un entretien exclusif. LFC : Sara Lövestam, nous sommes ravis de vous rencontrer pour la toute première fois, pour parler de la sortie de Ça ne coûte rien de demander disponible (Robert laffont/La Bête Noire). Ce livre est la suite de Chacun sa vérité. Comment est née l’idée de cette série ? SL : Je suis partie d’une idée bien précise : la disparition d’une petite fille. Mais une disparition assez particulière. J’avais lu beaucoup de livres auparavant qui parlait de ce thème, mais je trouvais qu’il manquait quelque chose. Aucun livre ne correspondait à mes attentes. C’est pour cela que je me suis dit, pourquoi ce ne serait pas moi qui l’écrirais. Et c’est comme cela que je projet est né. LFC : Vous êtes également professeur, cette expérience
ROMAN NOIR
vous a-t-elle aidé dans l’écriture de votre livre ? SL : Oui, bien sûr. Je crois que tous les écrivains se servent de leur propre expérience quand il s’agit d’écrire. J’ai eu beaucoup d’élèves dans ma carrière, et parfois, je rencontrais de jeunes gens qui se trouvaient emprisonnés dans le système. Ils n’arrivaient pas à trouver leur voie. Certains n’avaient pas de papiers en règle. De plus, les demandes pour les visas sont très longues en Suède. Bref, tout cela m’a fait réfléchir, et tous ces éléments se sont entrechoqués lorsque je construisais le héros de mon histoire.
Par Christophe Mangelle et Quentin Haessig Photos : Piratforlaget
Je crois que tous les écrivains se servent de leur propre expérience quand il s’agit d’écrire. SARA LÖVESTAM
LFC : En effet, vous vous en êtes servie car votre héros est assez atypique puisque c’est un détective privé sans papiers…
LFC MAGAZINE #7 | 78
SL : Dans tous mes livres, j’essaie de trouver des perspectives qui n’existent pas. Prenons l’exemple d’une scène de crime où il y aurait le personnage du détective, celui de la victime, des témoins et un sans-abri au coin de la rue. Je vais directement chercher la perspective du sans-abri, c’est cela qui m’intéresse et c’est très naturel dans ma façon de voir les choses. Je cherche à surprendre le lecteur. Les sans-papiers en Suède sont perçus comme un groupe alors que chacun d’entre eux est au final très solitaire. J’ai aimé leur donner de l’importance dans mon livre grâce notamment à Kouplan, mon héros. LFC : Vous avez déjà publié quelques romans aux Éditions Actes Sud et ce que l’on remarque, c’est que vous choisissez toujours des personnages qui sont en marge de la société.
Je crois que chaque écrivain raconte une histoire qui est commune à tous ses livres. SL : Je crois que chaque écrivain raconte une histoire qui est commune à tous ses livres. Chacun la raconte différemment, mais il y a toujours un message derrière tout cela. Si je devais résumer mes livres en un message, ce serait qu’il faut se sentir vrai en tant que personne. Il faut se sentir important. C’est tout ce qui compte pour avancer dans la vie. Tous mes livres sont différents. Je crois que c’est le message qui en ressort. Un écrivain doit écrire sur un sujet qui le touche. Sinon à quoi cela sert-il d’écrire ?
SL : Le détective Kouplan va entendre la conversation d’une femme, Jenny Svärd, qui est au téléphone et qui vient de se faire arnaquer de plusieurs milliers de couronnes par son amante. Elle est très énervée et ne sait pas quoi faire. Il décide d’intervenir et de lui proposer ses services. Kouplan, étant très connu grâce à ses enquêtes précédentes, il réussit à la convaincre de travailler avec lui. Mais en commençant son enquête, Kouplan va se rendre compte qu’il ne s’agit pas seulement d’une arnaque…
LFC : Dans votre livre Ça ne coûte rien de demander, le détective Kouplan est ruiné. Alors qu’il ramasse des canettes pour se faire un peu d’argent, il va faire une rencontre assez inattendue…
LFC : Une particularité concernant le détective Kouplan : il est transgenre. Comment construisez-vous vos personnages ?
ROMAN NOIR
Sara Lövestam, Chacun sa vérité, Pocket.
Ayant beaucoup d’amis transgenres, cela aurait été bizarre de ne pas les inclure dans mon histoire. SARA LÖVESTAM
SL : À chaque fois que j’écris un
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ROMAN NOIR
LFC MAGAZINE #7 | 80
livre, je ne veux pas en rester à ma première pensée. Tout d’abord, je choisis si c’est une fille ou un garçon, ensuite sa nationalité, puis ses origines. Je me demande après s’il doit être hétérosexuel ou gay, blanc ou noir. Lorsque je construisais le personnage de Kouplan, je me suis rendu compte qu’il y avait peu d’histoires sur des enquêteurs transgenres. Ayant beaucoup d’amis transgenres, cela aurait été bizarre de ne pas les inclure dans mon histoire. LFC : Vous avez raison, c’est très rare, mais cela marche à merveille. Comment l’expliquez-vous ? SL : Car je suis un génie ! (rires) Je plaisante. Je ne sais pas si c’est la bonne raison. Lorsque vous faites partie d’une minorité, cela vous
Nous sommes tous différents, mais nous sommes tous des êtres humains. Il doit y avoir un respect mutuel. rend malade de lire des histoires où la minorité à laquelle vous appartenez n’est pas mise en avant. Si vous êtes lesbienne, vous ne voulez pas lire des histoires où les lesbiennes connaissent un triste sort. Vous voulez lire des histoires heureuses où elles sont mises en avant de la bonne façon. On ne marche pas dans la rue en étant transgenre ou en étant iranien… Nous sommes tous différents, mais nous sommes tous des êtres humains. Il doit y avoir un respect mutuel. LFC : Vous avez reçu le prix de l'Académie suédoise des auteurs de polars en 2015. Quelles sont vos impressions ? SL : J’ai été très surprise au début, car je n’écris pas pour les critiques. Quand j’écris, j’essaye d'écrire sur
ROMAN NOIR
quelque chose qui me touche, qui représente au mieux ma pensée. Et ce n’est pas toujours évident. On ne sait jamais si l’on en sera capable. Je fabrique des personnages que j’aimerais rencontrer dans la vraie vie. Je ne pense pas du tout à combien de lecteurs je m’adresse. Lorsque je suis en salon, je suis toujours très heureuse de voir à quel point les lecteurs sont touchés par mes histoires, à quel point ils se reconnaissent à travers mes personnages. En tant qu’écrivain, vous ne pouvez pas rêver mieux.
Sara Lövestam, Ça ne coûte rien de demander, Robert Laffiont / La Bête Noire
Lorsque je suis en salon, je suis toujours très heureuse de voir à quel point les lecteurs sont touchés par mes histoires, à quel point ils se reconnaissent à travers mes personnages. En tant qu’écrivain, vous ne pouvez pas rêver mieux. SARA LÖVESTAM
LFC MAGAZINE #7 | 81
Cédric Lalaury Heureux lauréat du concours Kobo Fnac et Préludes, Cédric Lalaury publie son premier thriller qu'il évoque comme un anti-thriller. La réponse est dans l'entretien. LFC : Bonjour Cédric Lalaury, nous nous étions déjà entretenus il y a quelques mois et aujourd’hui on se rencontre de nouveau pour la sortie du livre Il est toujours minuit quelque part (Préludes). Tout d’abord, comment vous définiriez-vous ce livre ? Roman ? Thriller ? CL : C’est justement toute la discussion. C’est un thriller et un anti-thriller. Le héros ne correspond pas aux profils des héros habituels de thrillers. Il est un peu passif et apeuré comme les héros de Gillian Flynn (Gone Girl, Dark Places…). Ce sont des gens qui sont contraints, malgré leurs histoires, d’aller au bout des choses alors qu’ils n’en ont aucune envie. J’ai eu beaucoup de mal à classer ce livre lorsque je l’ai mis en ligne sur Kobo, car on est obligé de cocher les différentes
ROMAN NOIR
catégories : aventure, suspense… C’est un thriller et un anti-thriller, j’ai eu envie de jouer avec certains clichés et de les dépasser. LFC : Vous vous amusez personnellement avant d’amuser le lecteur… CL : Je m’amuse toujours quand j’écris. Même quand j’écris des choses qui ne sont pas du tout amusantes. Si ce n’est pas ludique, je m’ennuie. Et si je m’ennuie, le lecteur s’ennuiera. Ce livre est aussi un hommage à la littérature sous toutes ses formes. Bill a un rapport très ambigu à la littérature. C’est un professeur qui est fan de Shakespeare et Henry James et qui a un mépris monumental pour Stephen King et Harlan Coben. Ce qui est intéressant, c’est que Bill a les mêmes réflexes que les
Par Christophe Mangelle et Quentin Haessig Photos :
Le héros ne correspond pas aux profils des héros habituels de thrillers. Il est un peu passif et apeuré comme les héros de Gillian Flynn (Gone Girl, Dark Places…). SARA LÖVESTAM
LFC MAGAZINE #7 | 82
personnages des livres de Stephen King. Il est toujours minuit quelque part est un mélange des livres de Stephen King et d’Henry James. J’aime mêler les genres. LFC : Vous avez fait vos débuts d’écrivain en auto-édition, comment cela s’est-il passé ? CL : Avant de publier un livre, je le fais tourner à un cercle de lecteurs personnels, ce sont les amis, la famille, des gens qui lisent beaucoup. Certains sont peau de vache, cela m’aide plutôt bien, car ils ne me laisseraient pas sortir un livre s’il n’était pas de qualité. Je suis très en attente de critiques, car si eux ne le sont pas, le lecteur lambda ne vous loupera pas à la sortie. J’écris pour ce type de lecteurs. Je compare cela à Tinder. La couverture est souvent belle,
Il est toujours minuit quelque part est un mélange des livres de Stephen King et d’Henry James. J’aime mêler les genres. mais parfois il ne se passe rien ensuite. Les bouquins, c’est un peu comme les rencontres. Pour revenir à l’auto-édition, c’est une voie à laquelle je n’avais pas pensé. J’étais dans un cercle plutôt traditionnel. J’envoyais mon manuscrit à quelques maisons d’édition en format papier et également en format numérique, même s’il y avait très peu de chance que cela fonctionne. Et un jour sur Twitter, j’ai vu passé un tweet sur le compte des Éditions Préludes à propos d’un concours Kobo. J’ai tenté ma chance. Au départ, on participe à un concours en se disant que l’on aura peut-être de la chance et que l’on va gagner. Et à contrario, on se dit que l’on est plus de trois cents à participer, ce qui réduit les chances. LFC : Vous sentez-vous privilégié
ROMAN NOIR
aujourd’hui ? CL : Je me sens très chanceux. J’ai su m’immiscer là-dedans au bon moment. Il faut toujours rêver en grand. LFC : Revenons à votre livre, parlez-nous de ce mystérieux livre que Bill reçoit dans son casier…
Cédric Lalaury, Il est toujours minuit quelque part, Préludes.
Je me sens très chanceux. Il faut toujours rêver en grand. CÉDRIC LALAURY
CL : Ce livre est un thriller, le genre de bouquin qu’il déteste. Cette œuvre lui est complètement inconnue, mais il va se laisser emporter par l’histoire. Il va ensuite tomber dans les mains de son élève Alan, qui va être le moteur de cette histoire. LFC : Nous n’avons pas encore terminé le livre, mais ce qui est intéressant, c’est que l’on ne sait
LFC MAGAZINE #7 | 83
pas où vous allez amener le lecteur. CL : À vrai dire, moi non plus, je ne sais pas où je vais (rires). On a toujours un objectif qui est d’aller à un endroit précis. Cependant les détails, je ne les connais pas. Je les découvre au fil de l’écriture. LFC : Le titre du livre Il est toujours minuit quelque part, c’était une évidence ? CL : Il m’est venu dès le départ. Je ne peux pas écrire si je n’ai pas de titre. Cela m’aurait d’ailleurs beaucoup déplu qu’on le change à la fin de l’écriture. Je suis quelqu’un qui a un caractère adorable pour beaucoup de choses, mais je crois que quand il s’agit des livres, je peux devenir une vraie teigne. Le titre est un jeu, il est tiré d’une
Je n’ai pas forcément d’attente de la part des lecteurs, mais plutôt une curiosité. Je suis curieux de savoir ce qu’ils vont en penser. citation de Shakespeare dans Macbeth, scène quatre, acte quatre…silence… Pour tout vous avouer, cette scène n’existe pas et cela a très bien marché auprès de mes éditeurs. Mes titres sont sans doute des phrases qui m’obsèdent. LFC : Qu’aimeriez-vous que les lecteurs retiennent de votre fiction ? CL : Je n’ai pas forcément d’attente de la part des lecteurs, mais plutôt une curiosité. Je suis curieux de savoir ce qu’ils vont en penser. Ce qu’ils vont penser de Bill, des personnages, de l’intrigue. J’aimerais qu’ils se posent la question : qu’est-ce que j’aurais fait à sa place ? C’est le genre de livre où l’on peut se poser cette question. Bill est un type normal avec un crime qui est presque banal. Tragique, mais banal. Il y a des
ROMAN NOIR
gens qui sont très forts pour oublier ce qu’ils ont fait, mais lui, ce n’est pas le cas. Avant d’avoir le livre, il le sait. C’est comme dans la série Breaking Bad, Walter White décide de faire de la drogue avant de savoir qu’il est malade. J’essaye de ne jamais trop m’éloigner de l’intrigue, de ne pas faire trop d’histoires annexes, car dans le genre du suspense, généralement, ce n’est pas bon. À chaque fois que je risque de m’écarter, je me sens en danger. LFC : Quelle a été votre réaction lorsque vous avez vu votre livre en librairie ? CL : C’était assez bizarre. Je ne voulais absolument pas
J’essaye de ne jamais trop m’éloigner de l’intrigue, de ne pas faire trop d’histoires annexes, car dans le genre du suspense, généralement, ce n’est pas bon. CÉDRIC LALAURY
aller en librairie le jour de la sortie, car je ne veux pas me prendre pour quelqu’un d’autre. Mais quelques jours après, je devais acheter quelque chose à Auchan et je me suis vu à côté de Lisa Gardner et Jean d’Ormesson. Cela m’a soufflé.
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MARS 2018
KAREN CLEVELAND
PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : JULIEN FAURE LEEXTRA
LE LIVRE QUI A TAPÉ DANS L'ŒIL DE CHARLIZE THERON
Karen Cleveland était à Londres la veille. À Paris, en février 2018, le lendemain, où nous avons eu la chance de la rencontrer dans le prestigieux hôtel Le pavillon de la SELINA RICHARDS Reine, Place des Vosges. Après une séance photos pour LFC Magazine, rencontre avec une romancière comblée.
LFC : Bonjour Karen Cleveland, vous vivez
LFC : Votre livre nous a fait penser au film
aux USA et vous êtes en ce moment en
Mr and Mrs Smith avec Angelina Jolie et
tournée européenne. Comment se passe
Brad Pitt.
votre séjour à Paris ? KC : Oui, c’est vrai. C’est une histoire assez KC : En effet, j’ai passé quelques jours à
similaire avec une atmosphère d’agents
Londres. Je viens tout juste d’arriver à Paris.
secrets au sein d’un couple. Vous avez vu
J’adore cette ville. J’ai vraiment hâte de
juste !
connaître les premiers avis des lecteurs français.
LFC : Cela a-t-il été délicat de vous arrêter de travailler pour vous focaliser sur ce
LFC : Nous nous rencontrons pour parler de
livre ?
votre livre Toute la vérité (Robert Laffont / La bête noire). Comment est née l’idée d’écrire
KC : C’est quelque chose que j’ai toujours eu
ce livre ?
dans un coin de ma tête. Une fois que j’ai eu mes enfants, c’est pendant mon congé
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KC : J’ai passé huit ans en tant qu’agent à la CIA
maternité que j’ai commencé à écrire ce
et je suis également maman. Je voulais que ce
livre. J’ai adoré travaillé à la CIA, mais j’avais
livre réunisse ces deux thèmes. L’idée est
besoin de changement. Voir la terreur tous
venue il y a assez longtemps lorsque je
les jours n’est pas quelque chose de facile à
travaillais encore à l’agence.
encaisser. De plus, je souhaitais faire une
activité où j’étais flexible, où je pouvais m’occuper de mes enfants tout en écrivant. LFC : Vous avez quitté la réalité pour vous diriger vers la fiction. Ce sont vos S premiers ELINA pas dans l’écriture et tout se passe pour le mieux : une sortie mondiale, un livre déjà dans les meilleures ventes aux ÉtatsUnis…
J’ai adoré travaillé à la CIA, mais j’avais besoin de changement. Voir la terreur tous les jours n’est pas quelque chose de facile à encaisser. De plus, je RICHARDS souhaitais faire une activité où j’étais flexible, où je pouvais m’occuper de mes enfants tout en écrivant.
KC : Tout cela est incroyable. C’est vrai que tout marche très bien. Lorsque j’ai
qui n’a pas confiance en soi et sur lequel
commencé à écrire ce livre, j’aurais été ravie
on peut facilement s’identifier.
qu’une seule personne le lise, cela m’aurait déjà fait plaisir. Mais quand je vois
LFC : Votre personnage féminin, Vivian
l’engouement autour du livre, cela me rend
Miller, est mariée depuis dix ans. Elle a
très heureuse, je crois que c’est un sujet qui
quatre enfants et travaille à la CIA. Elle
plait aux lecteurs.
pense connaître son mari mieux que personne, mais elle a tort. Elle se
LFC : Votre livre est un mélange entre un
retrouve face à un choix crucial : choisir
roman d’espionnage et un thriller
entre son pays et sa famille…
psychologique. Qu’en pensez-vous ? KC : C’est une lutte entre sa carrière et sa
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KC : Exactement. Les romans d’espionnage
famille. En découvrant ce secret, elle ne
se passent souvent avec un homme, mais je
sait pas comment elle doit réagir. Elle veut
ne trouve pas que ce soit forcément
faire son travail d’agent, mais elle a
nécessaire. Il y a beaucoup de femmes à la
toujours été loyale envers sa famille. De
CIA, avec une famille, des enfants… Mon livre
plus, ils ont des problèmes familiaux,
est une description de ce qui se passe dans
comme tout le monde. C’est une famille
cette agence. Il n’y a pas que des James
américaine ordinaire. Vivian et moi-même
Bond et des Jason Bourne ! (rires) Je voulais
avons des similarités, sauf que je n’aurais
plonger le lecteur dans l’univers de l’agence
pas forcément pris les mêmes décisions
à travers un personnage normal qui ne
qu’elle dans certaines situations. Je tiens
prend pas toujours les bonnes décisions,
également à rassurer les lecteurs, mon
K A R E N
C L E V E L A N D
EN ROUTE VERS LE SUCCÈS
Je voulais raconter ma propre expérience, mari dans le livre n’est pas le mien, tout se montrer ce que pouvait passe très bien entre nous ! (rires) être la vie à la CIA. J’ai construit un personnage LFC : Ce roman marche très bien, l’écriture qui n’est pas si éloigné de est de qualité et vous nous offrez des et qui fait face à rebondissements inattendus… S E L I N A la R I Créalité HARDS des choix très importants. KC : Je suis contente que vous ayez aimé lire Cela m’a permis de mon livre. J’aime lire des livres page turner. prendre du recul sur un J’aime être surprise lors de ma lecture. Je travail que j’ai fait crois que j’ai écrit un livre que j’aimerais lire. pendant des années. LFC : Comment s’est passée votre première expérience en tant qu’auteur ?
Quelle a été votre réaction ?
KC : J’ai pris énormément de plaisir à écrire ce
KC : Je suis très excitée. Tout s’est passé
livre. Je voulais raconter ma propre
si vite. C’est une actrice vraiment
expérience, montrer ce que pouvait être la vie
talentueuse qui peut jouer beaucoup de
à la CIA. J’ai construit un personnage qui
rôles différents. Le personnage de mon
n’est pas si éloigné de la réalité et qui fait face
livre devient une autre personne au fur et
à des choix très importants. Cela m’a permis
à mesure du livre et je crois que ce rôle
de prendre du recul sur un travail que j’ai fait
conviendra parfaitement à une actrice
pendant des années.
comme Charlize Theron. C’est une excellente nouvelle. De plus, je fais
LFC : Ce livre est en librairie depuis
confiance à cent pour cent au studio
quelques semaines. Travaillez-vous sur un
pour l’adaptation du livre.
autre projet ? LFC : Cerise sur le gâteau, John KC : Oui, je viens de finir mon deuxième livre.
Grisham a trouvé votre livre
Celui-ci se passera à Washington et parlera
extraordinaire…
d’une personne qui travaille au sein du gouvernement… Je ne peux pas vous en dire
KC : Je ne pouvais pas rêver mieux, c’est
plus !
mon auteur préféré. Beaucoup d’autres auteurs m’ont témoigné leur sympathie.
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LFC : Toute la vérité va devenir un film avec
Jamais je n’aurais pensé recevoir tout
dans le premier rôle Charlize Theron.
cela. Je suis très heureuse.
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Guillaume Richez ENTRETIEN EXCLUSIF
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INTERVIEW
GUILLAUME RICHEZ PAR MURIEL LEROY PHOTO : DR
Entretien avec Guillaume Richez qui publie Blackstone, entre roman d'espionnage et thriller avec une documentation pointue. Rencontre.
s’entrechoquent. Certaines sont bonnes, d’autres mauvaises. J’alimente le feu avec le plus de documents possible - témoignages écrits, reportages vidéos, essais, biographies, articles de presse - autant de bûches jetées dans l’âtre… Quand j’ai terminé l’écriture de Blackstone, je dois vous avouer que j’ai soudain pris peur. J’avais passé plus de trois ans à écrire ce thriller sans prendre de recul par rapport à ce que j’étais en train de faire. C’est un roman tellement foisonnant, avec des sous-intrigues imbriquées les unes dans les autres… J’ai alors réalisé que le lecteur risquait de se perdre dans ce labyrinthe narratif et qu’aucun éditeur ne voudrait d’un tel pavé ! Heureusement, je me trompais !
LFC : Bonjour Guillaume Richez, nous sommes ravis de parler avec vous votre roman Blackstone, un très bon thriller atypique. Comment est née l’idée de mélanger le thriller et le livre d’espionnage ?
LFC : Vous avez dû effectuer beaucoup de recherches pour une telle précision. Combien de temps avez-vous consacré aux recherches ?
GR : Je savais avant d’en commencer l’écriture que Blackstone serait un roman d’espionnage et qu’il y aurait également une histoire de tueur en série. J’avais déjà cela en tête dès les premières ébauches du synopsis. J’en ignore la raison. Certaines idées s’imposent à moi sans que je sache pourquoi. Au départ, tout est assez confus dans mon esprit. Les idées se mêlent,
GR : Je consacre beaucoup de temps à mes recherches. J’en effectue avant même de commencer à écrire, pour élaborer mon synopsis et travailler mes personnages. Et je continue durant toute la phase d’écriture, pour renforcer le caractère réaliste des scènes décrites, notamment les différents lieux dépeints. Je dois pouvoir visualiser ce que je vais décrire. Ce travail de recherches
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INTERVIEW
Je consacre beaucoup de temps à mes recherches. J’en effectue avant même de commencer à écrire, pour élaborer mon synopsis et travailler mes personnages. commence par des renseignements généraux pour finir par des détails souvent infimes. J’ai notamment lu un ouvrage très complet sur les services de renseignements chinois, plusieurs livres sur la politique étrangère des États-Unis d’Amérique, des essais sur les tueurs en série, ou encore des témoignages d’anciens Navy SEALs (les forces spéciales de la marine américaine). Pour vous donner un exemple, le personnage du major Chuck Bennett est en partie inspiré d’un article du journal Spiegel consacré à un ancien pilote de drone de l’US Air Force. J’ai également compilé des articles de presse sur les personnages historiques qui apparaissent dans le roman tels que Barack et Michelle Obama, le viceprésident Joe Biden, etc. Les anecdotes
que je rapporte à leur sujet sont vraies pour la plupart. Et les extraits de discours d’Obama que je cite dans Blackstone sont tirés de discours que l’ancien président américain a réellement prononcés au cours de ses deux mandats successifs. LFC : Pourquoi avez-vous situé l’action en Chine et non aux États-Unis comme il est courant ? GR : Après la parution de mon premier thriller Opération Khéops, j’ai d’abord envisagé de donner une suite aux aventures de mon héroïne Kate Moore. L’action de ce nouveau thriller devait se dérouler en Chine. J’avais déjà commencé à élaborer la trame principale et à me documenter sur la République populaire, les services de renseignements chinois et américains, l’armée, etc. Quand j’ai compris qu’il n’y aurait finalement pas de suite à ce thriller, j’ai utilisé tous les matériaux dont je disposais alors
Le roman d’espionnage est par essence un roman politique puisque l’on aborde la question de la politique étrangère menée par un pays.
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pour bâtir un nouveau scénario, plus complexe que celui d’Opération Khéops. Situer l’action en Chine s’est imposé à moi de la même manière que l’histoire du tueur en série 207 que nous venons d’évoquer. Durant toute la phase de recherches, je me suis documenté sur la diplomatie américaine. La presse relatait alors les relations très conflictuelles entre ces deux super puissances économiques. Je tenais mon sujet ! LFC : Votre premier roman, en revanche, lui est plus léger, on vous sent très imprégné des SAS de Gérard de Villiers. GR : Les éditions J’ai Lu cherchaient de jeunes auteurs pour créer une série de romans inspirés des célèbres romans de gare de Gérard de Villiers, les fameux SAS. Gérard de Villiers avait donné son accord. J’ai fourni un synopsis, un portrait de mon héroïne et deux chapitres (une scène d’action et une scène érotique) et j’ai été retenu. J’ai ensuite écrit Opération Khéops en trois mois. Autant dire que le délai était court ! C’est un roman que j’ai écrit vite, mais je ne suis pas trop mécontent du résultat. Plusieurs lecteurs attendent d’ailleurs encore la suite des aventures de la belle Kate Moore…
INTERVIEW
déroule en Égypte en 2011), j’ai pris goût au genre. Le roman d’espionnage permet de parler de notre époque, de l’Histoire en train de s’écrire, tout en respectant les règles (si règles il y a) du thriller classique. Au lieu de suivre une enquête conduite par des policiers, on suit les traces d’officiers du renseignement traquant des terroristes. LFC : Actuellement, travaillez-vous sur un nouveau roman ? GR : Oui, je suis en pleine phase d’écriture de mon troisième roman qui intervient après plusieurs mois de nouvelles recherches. Il s’agit cette fois encore d’un roman d’espionnage. L’action est située en France et au Mali et le lecteur y découvrira des personnages qui pourraient devenir récurrents… À découvrir en 2019 ! Je participe également à un très beau projet éditorial collectif porté par une talentueuse photographe. L’ouvrage paraîtra en octobre 2018. LFC : On vous laisse le mot de la fin… GR : SOYEZ CURIEUX !
LFC : D’où vous vient cette fascination de l’espionnage, thème commun de vos deux livres? De l’actualité ou plutôt de votre enfance, voire même de vos lectures ? GR : Le roman d’espionnage est par essence un roman politique puisque l’on aborde la question de la politique étrangère menée par un pays. Il y a la version officielle des événements, celle qui est relatée dans la presse et les livres d’Histoire, et il y a l’Histoire plus secrète, les dessous des relations internationales, ce que les États dissimulent pour protéger leurs intérêts. Les services de renseignements sont alors en première ligne. J’avoue que je n’avais jamais lu de romans d’espionnage avant d’écrire Opération Khéops (je n’avais d’ailleurs jamais lu de SAS non plus, - j’en ai lu quelques-uns depuis et j’ai trouvé cela très efficace). En écrivant ce thriller qui a pour cadre le printemps arabe (l’action d’Opération Khéops se
Soyez curieux !
MARABOUT THRILLER À L'ORIGINE ÉTAIT LE SUSPENSE
ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC
HÉLÈNE GÉDOUIN
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HÉLÈNE GÉDOUIN PAR CHRISTOPHE MANGELLE PHOTOS : DR ET ASTRID DI CROLLALANZA POUR NICOLAS LEBEL.
Savez-vous ce qu’ont en commun des auteurs tels que Conan Doyle (le créateur de Sherlock Holmes), Edgar Poe (Histoires extraordinaires), Léo Malet (le père de Nestor Burma), Pierre Mac Orlan (Le Quai des brumes) et Robert Bloch (Psychose), pour ne citer qu’eux ? Du début des années 1950 à la fin des années 1970, ils ont tous été publiés aux éditions Marabout. Et au début des années 1980, Olivier Cohen y a même créé, avant de fonder les Éditions de l’Olivier, une série dans laquelle il a réédité David Goodis, William Irish, Ed Mc Bain, et Delacorta (Diva). C’est dire à quel point l’histoire de Marabout est intimement liée à celle du polar, du noir, du thriller au sens large. Aujourd’hui, la relève est assurée, grâce à la collection Marabout Thriller, conduite depuis 2011 par Hélène Amalric, qui maîtrise on ne peut mieux son sujet. Longtemps directrice éditoriale au Masque, elle a publié les premiers romans de Patricia Cornwell, d’Andrea Japp, de Philip Kerr, de Val McDermid et de Fred Vargas. Elle a également mené la retraduction des ouvrages d’Agatha Christie ou de Ruth Rendell, par exemple. Pour Marabout Thriller, elle a œuvré à la publication de Clara Sanchez (Ce que cache ton nom), David Morrell (l’auteur de Rambo) avec sa série victorienne mettant en scène Thomas de Quincey, et deux des meilleures représentantes anglaises actuelles du suspense psychologique, C.L. Taylor et Clare Mackintosh, en même temps que d’auteurs français comme Céline Denjean, Laurent Bettoni et Nicolas Lebel, dont nous découvrirons les autoportraits dans cet article. Mais commençons par un entretien avec Hélène Gédouin, directrice éditoriale des éditions Marabout.
L'INTERVIEW
LFC : Quand on pense aux éditions Marabout, on ne pense pas d’emblée, voire pas du tout, à de la littérature. C’est parce que nous avons la mémoire courte. Pouvez-vous nous la rafraîchir et retracer brièvement le passé littéraire de cette maison d’édition ? HG : Marabout, première maison d’édition de poche francophone, fondée en 1949, a commencé par publier de la littérature et a développé ainsi, dès son origine, un grand nombre de collections : du roman policier, du fantastique, de la science-fiction, des collections de romans pour la jeunesse dont le fameux Bob Morane… En renouant avec la fiction en 2006, Marabout n’a fait qu’exprimer son ADN.
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LFC : Comment est née la collection Marabout Thriller ?
d’auteurs britanniques. Nous n’avons pas d’a-priori sur l’évolution en
HG : Notre désir de publier de la fiction est né du grand plaisir
faveur de l’une ou l’autre langue.
que nous avons chez Marabout à éditer des textes et à partager
Nous choisissons les textes qui nous
nos joies de lecture ; je fournis régulièrement des listes de
semblent les meilleurs !
livres à mes amis qui m’en réclament sans cesse de nouvelles. Et puis, il y a eu des rencontres. De la rencontre avec Charlotte
LFC : Dans vos projets de
Ruffaut, ancienne directrice du département Jeunesse romans,
développement, envisagez-vous de
est née en 2005 l’idée que nous pouvions peut-être éditer des
vous intéresser à d’autres genres
comédies pour adultes. J’ai beaucoup appris de Charlotte. Nous
littéraires que le thriller ?
sommes passés ensuite de la comédie à la comédie policière. Puis en 2010, d’une discussion avec Hélène Amalric, dont
HG : Pourquoi pas, nous ne nous
l’expérience en matière de roman policier est indiscutable, est
interdisons pas d’y penser – et de
venue l’idée de glisser vers le thriller.
craquer !
L'INTERVIEW Hélène Gédouin - Directrice éditoriale Marabout
EN RENOUANT AVEC LA FICTION EN 2006, MARABOUT N’A FAIT QU’EXPRIMER SON ADN
LFC : De quelle manière choisissez-vous vos auteurs, vos textes ?
ACTUELLEMENT EN LIBRAIRIE
Qu’est-ce qu’un bon thriller, selon vous ? HG : Nous lisons beaucoup et nous publions assez peu. Bien entendu, nous lisons ce que nous envoient les agents, ce que nous recevons par courrier, et nous suivons et encourageons nos auteurs afin qu’ils continuent à travailler et à approfondir leur travail. Un bon thriller pour moi, c’est un thriller qu’on ne lâche pas, un thriller psychologique qui explore les méandres de l’âme humaine et stimule l’imagination du lecteur. J’aime quand l’auteur arrive à me surprendre et à m’émouvoir. Si j’ai le cœur qui bat en lisant, c’est en partie gagné. LFC : Actuellement, dans votre catalogue, quelle est la répartition entre auteurs français et internationaux ? Cela va-t-il évoluer, et, si oui, dans quel sens ? HG : Notre catalogue comporte autant d’auteurs français que
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DE GAUCHE À DROITE : CÉLINE DENJEAN, LAURENT BETTONI ET NICOLAS LEBEL.
AUTOPORTRAITS DE TROIS AUTEURS DE LA COLLECTION MARABOUT THRILLER
CÉLINE DENJEAN Dès mon enfance, j’ai baigné dans la ronde des mots choisis de Georges Brassens, à qui mes parents vouaient un véritable culte. J’ai découvert sa poésie, ses subtiles scansions, ses improbables rimes et son immense liberté de pensée. D’une certaine manière, cet homme est l’un de mes enseignants, il a contribué à m’ouvrir à la beauté des mots et aux peintures sociales et humanistes. Mon grand-père, libraire, disposait d’une large bibliothèque, et j’ai poussé au milieu des livres qui tenaient une place considérable dans son petit appartement ; des livres qui ont pris peu à peu une indécrottable place aussi dans ma vie. Aujourd’hui, dans ma bibliothèque, Maupassant côtoie Asimov, Jules Vernes flirte avec Barjavel, Despentes bouscule Kazuo Ishiguro, et Molière s’amuse avec San Antonio sous le regard de Stephen King. Minuscule illustration de mon éclectisme littéraire.
L’UNIVERS DU NOIR, INCONTOURNABLE Lorsque Simone Gélin, romancière de talent, m’a demandé « Pourquoi le noir ? Un choix ? Quelque chose qui s’est imposé ? », j’ai spontanément répondu « Oui, le polar s’est imposé à moi, sans aucun doute ! J’ai grandi à côté d’une mère amatrice du genre – livres, feuilletons… Le polar dominait, chez nous ». Je me rappelle, enfant, la jubilation à poursuivre l’assassin aux côtés de Maigret ou de Colombo. L’énigme policière, clef de voûte d’une émulation intellectuelle… Souvent facétieuse avec Agatha Christie, plus sombre et plus humaine avec Simenon ou Chabrol, ou carrément psychopathologique avec Thomas Harris et son célèbre Hannibal Lecter.
AUSSITÔT QU’IL A M’A ÉTÉ POSSIBLE DE PENSER, J’AI QUESTIONNÉ L’ÂME HUMAINE Plus tard, je me souviens de l’épouvante face aux crimes, de la fascination horrifiée face aux passages à l’acte et des interrogations sans fin sur la logique de l’assassin. Je suis de la génération d’enfants qui ont écouté leurs parents débattre avec passion de la peine de mort. L’actualité, alors, faisait une large place aux braqueurs du type de Spaggiari et Mesrine – l’ennemi public numéro 1 – ou aux violences d’Action directe.
LA CONSTRUCTION DU NOIR DANS MES LIVRES
Le tueur est au centre de mes romans. C’est à partir de ce personnage que j’imagine l’histoire de fond. Qui est-il ? D’où vient-il ? Quel est son profil psychologique ? Comment s’est-il construit et pourquoi ? Quelle est son histoire ? Son leitmotiv ? Son mode opératoire ? De là, l’intrigue prend peu à peu forme dans mon
La société des années 1980 a vu la naissance d’une médiatisation des faits divers, des violences et du crime aux formes multiples. Alors voilà, aussitôt qu’il a m’a été possible de penser, j’ai questionné l’âme humaine. Pourquoi la violence? Pourquoi le crime? Quels sont les ressorts psychologiques de tous ces autres si ressemblants et pourtant si étrangers par la barrière que le crime a posée entre eux et moi ?
esprit. Ensuite, je crée les personnages qui vont guider le lecteur dans les différentes ramifications de l’histoire. Je cherche à placer le lecteur en position active, alors je construis la narration comme un puzzle. Le lecteur est le seul à avoir une vision omnisciente et, dans le jeu de chassé-
Écrire du noir, c’est être foncièrement persécuté par cette question de la transgression de l’interdit. Écrire du noir, c’est mettre en abyme une société et ses individus. Écrire du noir, c’est interroger sans cesse le sens de l’acte insensé, le lien entre la psyché et son environnement, c’est interroger les sources, les causes, les ressorts, les traumas, les subjectivités et les dynamiques de groupes.
croisé que je lui soumets d’un personnage à l’autre, il tisse peu à peu les liens existants, perçoit les intrications souterraines. Il n’est pas rare qu’il connaisse le tueur bien avant que mes enquêteurs ne remontent jusqu’à lui ! On n’est donc pas le roman d’enquête pur. Ce n’est pas tant identifier le tueur qui compte que
Écrire du Noir, c’est plonger dans l’âme humaine, sillonner ses méandres, se déplacer de soi vers un autre soi-même hypothétique, imaginaire, supposé, potentiel. Le Polar, c’est le « et si… » dynamique de l’histoire d’une déviance, d’une souffrance, d’un échec personnel, éducatif, sociétal, familial. Le polar est en somme une porte d’entrée dans la condition humaine.
l’intrigue en elle-même, la manière dont les petites histoires des personnages se tissent progressivement pour former un grand tout. Au final, mes enquêteurs ne sont pas des surhommes, et s’ils occupent une place importante, les autres personnages le font tout autant. Pour finir, je dirai que j’ai évolué dans l’élaboration des intrigues telles que je viens de
LE POLAR, C’EST LE "ET SI… " DYNAMIQUE DE L’HISTOIRE D’UNE DÉVIANCE, D’UNE SOUFFRANCE, D’UN ÉCHEC PERSONNEL, ÉDUCATIF, SOCIÉTAL, FAMILIAL LFC MAGAZINE
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les décrire. Il est heureux de constater que l’écriture s’apparente à un cheminement et que l’auteur se modifie lui-même en écrivant ! MARS 2018
CÉLINE DENJEAN LE CHEPTEL, MARABOUT THRILLER
Juillet 2015. Le corps d’une jeune femme inconnue est retrouvé au bord d’une route des Cévennes. Les premières conclusions de l’enquête tombent rapidement : la victime a fait l’objet d’une chasse à l’homme. Alors que la piste suivie par les gendarmes nîmois les conduit à Toulouse, où ils devront collaborer avec l’équipe du capitaine Éloïse Bouquet, Interpol se manifeste. La victime appartient à une longue série de crimes irrésolus sur le territoire européen. Pour les besoins de l’enquête, la cellule TEH – Trafic d’Êtres Humains – voit le jour. Commence alors pour les gendarmes et Interpol, une effroyable descente jusqu’au cœur d’un réseau mêlant perversion et manipulation. Pris dans leur course effrénée, les enquêteurs sont loin de se douter que de leur réussite dépendent la vie de Louis Barthes, septuagénaire en quête de ses origines, et celle de Bruno, adolescent surdoué de treize ans piégé en montagne.
LE LIVRE UNE EFFROYABLE DESCENTE JUSQU’AU CŒUR D’UN RÉSEAU MÊLANT PERVERSION ET MANIPULATION LFC MAGAZINE
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DE GAUCHE À DROITE : CÉLINE DENJEAN, LAURENT BETTONI ET NICOLAS LEBEL.
AUTOPORTRAITS DE TROIS AUTEURS DE LA COLLECTION MARABOUT THRILLER
LAURENT BETTONI Dès ma plus tendre enfance, j’ai senti confusément que ma vie était dans l’écriture, dans la création d’histoires. Question de karma. Natif de Vitry-surSeine, je suis allé au lycée Romain-Rolland d’Ivry et j’ai marché sans le savoir dans les traces d’illustres prédécesseurs, passés par là quelques années avant moi : Tonino Benacquista, Maurice G. Dantec et Jean-Bernard Pouy. J’emploie volontairement le mot « auteur » plutôt qu’écrivain ou romancier, car c’est ce premier terme qui me définit. En effet, si je suis entré dans le monde littéraire, c’est grâce à ma rencontre avec Laurent Bonelli, qui fut un grand libraire et qui m’a permis de faire publier mon premier roman. Mais en plus de la littérature, j’aime aussi énormément la musique, le cinéma et la télévision. Si j’avais rencontré les bonnes personnes, je serais peut-être aujourd’hui, avec autant de bonheur, également parolier et scénariste. J’ai déjà quelques expériences en la matière mais rien de très probant encore, hélas. Je rêve d’écrire un jour des séries pour la télévision et des films pour le cinéma.
JE RÊVE D’ÉCRIRE UN JOUR DES SÉRIES POUR LA TÉLÉVISION ET DES FILMS POUR LE CINÉMA
Quant au genre de mes romans, je préfère laisser à d’autres le soin de
D’autre part, encore trop
l’étiqueter. Moi je n’aime pas tellement les cases ni les étiquettes, c’est trop
souvent, en France tout du
réducteur. Mes livres peuvent aussi bien se retrouver sur les rayonnages thriller
moins, quand on parle de
que littérature, et ça me va très bien.
littérature de genre, c’est
Et puis, tout n’est-il pas thriller ? C’est quoi, un thriller ? On parle de thriller
toujours avec un petit côté
quand il y a suspense. Et il y a suspense quand il y a une question en suspens
condescendant, comme s’il
dont on attend la réponse. Or la question inhérente à toute histoire est : le
fallait comprendre littérature
personnage principal va-t-il atteindre le but qu’il s’est fixé ? Donc toute œuvre
de « mauvais genre » ou
qui raconte une histoire est un thriller. Roméo et Juliette est l’un des plus
littérature de « sous-genre »,
grands thrillers de tous les temps.
par rapport à une littérature
qui serait plus belle et plus noble, celle qu’on appelle la littérature générale. Cela m’agace un peu. Je ne raisonne pas en ces termes de littérature de genre ou de littérature générale. Je distingue la fiction de la nonfiction, et c’est tout. Je fais donc de la fiction. Et je m’évertue toujours à ne pas m’enfermer
DE LA LITTÉRATURE À LA FOIS BELLE ET POPULAIRE, VOILÀ CE QUE J’ESSAIE DE PROPOSER AUX LECTEURS
dans des codes ni des stéréotypes. J’aime par-dessus tout transcender les genres, c’est-à-dire, précisément, détourner des codes narratifs et des stéréotypes à d’autres fins que celles auxquelles ils sont originellement destinés, ou bien en mélanger
Par exemple, dans Ma place au paradis, je parle de
certains, a priori incompatibles. Simplement
l’enfance maltraitée et du drame de la pédophilie ;
parce que la vie est ainsi et que la fiction,
dans Le Repentir, qui est le second volet de ce
mieux que n’importe quoi d’autre, raconte la
diptyque, je parle en plus du couple et de l’arrivée
réalité, la vie, c’est pour cela qu’elle touche
des analystes comportementaux (les fameux
autant les gens.
profilers) dans la police française ; Mauvais garçon aborde la question du Darknet, des inégalités
Considérons le fait divers malheureusement
sociales et de l’embrigadement politique d’un jeune
très banal d’un homme ou d’une femme qui
homme, surdiplômé mais chômeur, par l’un de ses
tue son conjoint. Que trouve-t-on dans cette
anciens professeurs.
histoire ? Du thriller ? De l’amour ? Un drame social ? Probablement les trois à la
Voilà pour le fond. Mais je ne me contente pas de
fois, et c’est ce qui donne sa dimension à
construire mes histoires le plus solidement possible,
l’événement.
je tâche aussi de les raconter avec l’art et la manière. Le geste littéraire et le style comptent autant pour
Donc si l’on veut toucher à l’universel en
moi que la qualité du récit. Je travaille énormément
racontant une histoire, il faut tenir compte
le rythme et la musicalité de mes phrases. De la
de toutes ses dimensions. Mes romans
littérature à la fois belle et populaire, voilà ce que
possèdent tous, en plus de la composante
j’essaie de proposer aux lecteurs.
« thriller », plusieurs composantes sociales ou sociétales, et mes héros ne sont jamais des super flics mais des gens de tous les jours, auxquels chacun peut s’identifier et qui se retrouvent embarqués dans des histoires terribles. Ensuite, avec leurs moyens, souvent faibles, ces gens simples doivent puiser en eux des ressources dont ils ne soupçonnaient pas l’existence pour tâcher de s’en sortir.
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MARS 2018
LAURENT BETTONI LES REMORDS DE L'ASSASSIN, MARABOUT THRILLER
Karine et Olivier sont empêtrés dans une crise conjugale qui les dévore lentement depuis des années. Patricia et Franck, victimes d’un drame personnel, voient leur vie basculer du jour au lendemain. Aurélie et Philippe, tous deux psychiatres, entretiennent une liaison adultère et ont bien du mal à envisager leur avenir amoureux. Trois couples à bout de souffle tentent de surmonter leurs difficultés. Apparemment étrangers les uns aux autres, tous se croisent pourtant, s’entrechoquent et jouent un rôle crucial dans une affaire criminelle impliquant l’assassinat sauvage de quatre jeunes filles, en cinq semaines, dans le nord de Paris. Le Parquet en confie alors la résolution au commandant Vauquier, de la Brigade criminelle, qui se distingue par ses méthodes punitives et radicales. Dans ce thriller psychologique aux allures de tragédie grecque, et face aux larmes de l’assassin, chacun devra répondre à une question : la maladie mentale est-elle un crime ?
LE LIVRE LA MALADIE MENTALE EST-ELLE UN CRIME ? LFC MAGAZINE
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MARS 2018
DE GAUCHE À DROITE : CÉLINE DENJEAN, LAURENT BETTONI ET NICOLAS LEBEL.
AUTOPORTRAITS DE TROIS AUTEURS DE LA COLLECTION MARABOUT THRILLER
NICOLAS LEBEL Après avoir voyagé sur les cinq continents et habité à l’étranger, j’ai posé mes valises à Paris, où j’habite aujourd’hui. C’est une ville que j’adore, ce n’est donc pas un hasard si j’y ai installé mes intrigues. J’ai commencé très tôt à écrire de la fiction, des nouvelles, des poèmes… Mais L’envie d’écrire du polar est venue par la suite. Je connaissais mes classiques : Agatha Christie, Conan Doyle, Wilkie Collins, Boileau-Narcejac… un genre que j’ai assez vite lâché, pensant naïvement qu’il se bornait au whodunit, à la recherche du coupable. Quelques années plus tard, j’ai vraiment redécouvert le genre avec Daenninckx, Pouy, Jonquet, Manchette puis Dantec, Lehane, Mankel, Vargas. Le polar n’était plus à mes yeux cette enquête ringarde sur les traces d’un assassin. Le genre s’était étoffé en style, en poésie, s’était teinté de tragédie, de douleur, et de politique, ne se contentait plus de regarder le nombril de l’enquêteur mais fouillait le quotidien, le social, l'histoire, et parlait de nous, aujourd’hui. Une révélation ! Avec mes livres, c’est ce que j’ai voulu faire : parler de nous, aujourd’hui. Ainsi, mon premier roman, L’Heure des fous, traite de la misère contemporaine et des bidonvilles parisiens, Le Jour des morts de l’hystérisation médiatique autour d’un fait-divers, Sans pitié ni remords de la guerre qui s’invite à Paris en pleine commémoration de 1914, De cauchemar et de feu de la radicalisation d’un ado qui, sous la houlette d’un religieux, se met à poser des bombes en Irlande du Nord, en 1966.
AVEC MES LIVRES, C’EST CE QUE J’AI VOULU FAIRE : PARLER DE NOUS, AUJOURD’HUI Je crois que le succès de ces livres est lié au protagoniste principal, le capitaine Mehrlicht. C’est est un stéréotype du flic français des années 19501960, un enquêteur à la papa. Il ressemble au
J’AI UNE PHILOSOPHIE PLUS HUMANISTE DU GENRE ; JE PRÉFÈRE RAPPROCHER LE LECTEUR DE SON VOISIN !
Maigret de Gabin, au Bourrel de Souplex, des types droits et rigides, qui aiment leur clope ou leur pipe et leur bouquin ou leur journal. Mais à la différence
Avec son physique à la Paul Préboist, aux
de ces deux parents massifs, inflexibles et
antipodes de l’enquêteur bellâtre et
raisonnables, Mehrlicht est chétif et dans l’excès :
testostéroné des séries américaines, il est
l’excès de bouffe, de Gitanes, parfois de vin, et
donc le porteur de lumière, celui qui
toujours de mots. C’est un personnage
apporte la clarté dans l’ombre, celui
foncièrement démesuré dans tout ce qu’il fait, ce
également qui tisse le lien entre les
qui est un trait moderne.
vivants et les morts.
La force de ce personnage tient dans son décalage
Mais l’ambiance serait vite plombée si ce
avec l’époque dans laquelle il vit, époque qu’il
personnage et l’équipe qu’il dirige
dénigre, moque et rejette violemment.
n’étaient pas foncièrement drôles. Et dans les quatre enquêtes de la série Mehrlicht,
Il est un fervent défenseur du « c’était mieux
l’humour naît souvent de la confrontation
avant », farouche combattant de la technologie sous
des personnages principaux ou
toutes ses formes, à commencer par « la télé qui
secondaires, lorsqu’ils ne se comprennent
rend con », pourfendeur impénitent de la
pas. « L'angoisse n'est pas supportable
malbouffe, de la société de consommation et de la
sans l'humour. C'est le mélange qui fait le
connerie médiatisée.
plaisir », dit Hitchcock. Le polar est certes une plongée en apnée dans les failles
Ce contraste passé-présent se retrouve dans tous
sociales, une confrontation à la noirceur
mes romans. J’essaie d’y mener une réflexion sur le
individuelle ou collective. Certains
présent en l’expliquant par le passé, nourrissant
écrivent des polars pour y dépeindre la
l’intrigue d’éléments littéraires et historiques. Le
monstruosité insoupçonnée de l’Autre,
présent, l’enquête, ne s’éclaire qu’à la lumière du
mon voisin, mon frère. J’ai une
passé, ce qui nécessite cette confrontation ou ce
philosophie plus humaniste du genre ; je
rapprochement. Mehrlicht tient d’ailleurs son nom
préfère rapprocher le lecteur de son
des derniers mots de Goethe sur son lit de mort,
voisin ! Le rire, même grinçant, me
« Plus de lumière » (« Mehr Licht », en allemand).
semble un bon médium.
LFC MAGAZINE
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MARS 2018
NICOLAS LEBEL
Le cadavre d’un homme est découvert dans les toilettes d’un pub parisien. La victime a été abattue : une balle dans chaque genou et une troisième dans le front. Si les enquêteurs concluent rapidement à l’exécution, le légiste est bien plus précis : il reconnaît le kneecapping, cette méthode punitive utilisée par l’IRA dans les années 1980 en Irlande du Nord. À l’autopsie, le corps dénudé du mort révèle des entrelacs celtiques à la gloire de l’IRA. Il n’y a plus de doutes : ce brave quinquagénaire britannique qui vient d’arriver à Paris a été la victime d’un règlement de compte. Lorsqu’on découvre le deuxième cadavre, il semble désormais clair que les vieux briscards du conflit nord-irlandais sont venus à Paris régler leurs différends.
DE CAUCHEMAR ET DE FEU, MARABOUT THRILLER
Mille neuf cent soixante-six : on rejoint une bande de gamins dans les rues de Derry, à l’heure où déferlent les blindés britanniques, des gosses qui vont grandir dans la guerre civile, qui devront choisir un camp, quitte à se retrouver face à face. Au cœur du brasier qui enflamme Derry, naît un tueur pyromane qui terrifie bientôt toute l’Irlande du Nord : Le Croquefeu. Il ne s’agit pas, dans ce roman de faire un cours d’histoire, mais simplement d’organiser la rencontre du lecteur avec des acteurs de ce conflit, personnages que l’on suit de 1966 à nos jours, des enfants qui grandissent dans les flammes des Troubles, pour reprendre l’insupportable euphémisme de la propagande britannique. Il y avait longtemps que je portais cette ballade irlandaise qui mêle histoire et mythologie. La voici !
LE LIVRE UNE BALLADE IRLANDAISE QUI MÊLE HISTOIRE ET MYTHOLOGIE LFC MAGAZINE
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MARS 2018
L'ENTRETIEN DE LA COVER
MARS 2018
LE CLIC DE TROP ?
par Christophe Mangelle et Quentin Haessig
OVIDIE PHOTOS EXCLUSIVES Céline Nieszawer
Fin février 2018. Quartier saint-Paul Le Marais, Ovidie arrive avec un zeste de retard. Elle court partout... Le lancement de son nouveau livre trouve écho dans les médias. elle est très sollicitée. Souriante, une boisson chaude pour se réconforter, et c'est parti pour une séance de photos pour LFC Magazine. Dans À un clic du pire, elle prévient sur le clic de trop que peuvent faire les jeunes de 9 ans voire plus...
LFC : Ovidie, nous nous rencontrons pour la sortie de votre livre À un clic du pire (Éditions Anne-Carrière). Ce n’est pas la première fois que vous prenez la parole. Pourquoi avezvous voulu écrire ce livre ? O : Je crois que peu d’individus peuvent se retrouver dans ma position, celle où nous n’avons pas forcément une vision manichéenne de la pornographie. Tout le monde a un avis sur la pornographie, même si finalement chacun s’embourbe dans une sorte de déni où l’on encense le genre. En général, la pornographie, soit on est pour, soit on est contre. Il n’existe aucune réflexion sur les modes de diffusion ou sur l’évolution de ce business. Dans ce domaine, très peu de spécialistes et de consultants sont présents. C’est un domaine que l’on ne prend pas du tout au sérieux. De plus, au niveau des politiques, des rapports LFC MAGAZINE #6 | 107
paraissent fréquemment sur la pornographie qui ne sont pas évoqués. On se rend compte que les personnes qui sont spécialisées dans la pornographie et qui ont étudié ce domaine avec sérieux sont rarement consultées. Ce sont toujours les mêmes psychologues et les mêmes sociologues qui énoncent leurs théories avec des postulats qui sont souvent erronés. Et malheureusement, on se rend compte qu’ils ne comprennent rien. J’explique dans le livre, sans panique morale, quels sont les modes de diffusion du porno, comment fonctionne cette industrie, comment cette économie a muté et quelles sont concrètement les conséquences sur notre rapport au corps. LFC : Vous dressez un constat alarmant à propos des mineurs. Vous évoquez les tubes, l’accès sans filtre à la pornographie des jeunes. Aujourd’hui, c’est à partir de neuf ans que l’on commence à voir des films pornographiques… C’est édifiant. O : Oui, c’est à peu près l’âge. Entre neuf ans et onze ans. 70% de la consommation pornographique passe par les smartphones. C’est pour cela que cela ne sert à rien d’installer un filtre parental sur l’ordinateur du salon. Ils utilisent le même smartphone pour aller au collège, pour s’isoler dans leur chambre. Nous rejetons très souvent la responsabilité sur les
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En général, la pornographie, soit on est pour, soit on est contre. Il n’existe aucune réflexion sur les modes de diffusion ou sur l’évolution de ce business. Dans ce domaine, très peu de spécialistes et de consultants sont présents. C’est un domaine que l’on ne prend pas du tout au sérieux.
parents en disant que c’est à eux de surveiller leurs gamins. Mais souvent, ceux qui disent cela sont ceux qui n’ont pas d’enfants. Nous ne pouvons pas être tout le temps derrière eux. Il existe une évolution des modes de diffusion de la pornographie et une évolution des modes de consommation. Nous ne sommes plus dans la même configuration qu’à l’époque où l’on regardait le porno à la télévision le samedi soir sur Canal+ ou lorsqu’on se prêtait des VHS. LFC : Tout est devenu plus rapide aujourd’hui… O : Tout est devenu plus instantané depuis l’apparition des tubes en 2006, date de lancement du site YouPorn. Cela a beaucoup évolué si l’on compare avec l’époque de MegaUpload par exemple. C’était illégal et gratuit, mais il y avait un temps de téléchargement qu’il fallait respecter. Donc même si nous étions dans l’illégalité, il y avait une forme de temporalité différente du streaming. Aujourd’hui, il suffit d’un clic pour avoir accès à des millions de vidéos. LFC : Ce livre est-il un cri d’alarme ? Que faut-il faire contre ses tubes ? O : Ce n’est pas une approche pour alerter les foules,
mais c’est plus une approche pragmatique. Cela ne sert à rien de tomber dans une forme de panique morale. C'est une façon d’expliquer que le porno se diffuse de telle manière, que les enfants ont accès à ce type de contenu, informer sur les réglementations en de soumission, de violence… Sur le streaming, nous ne constatons aucune limite et les enfants peuvent avoir accès au pire. Cela va du porno des années 70 avec des mecs barbus qui vont faire le petit coït du samedi aux mises en scène de viol. LFC : Dans ce livre, vous dites également que c’est un problème économique pour l’industrie pornographique. O : Le streaming a tué l’industrie pornographique, dans le sens où ces dix dernières années, les trois quarts des entreprises ont mis la clé sous la porte. C’est une industrie qui a complètement chuté. Ce qui est assez inédit, c’est qu’il y a même des producteurs qui réclament des censures alors qu’à l’époque, c’était les premiers à voter contre la censure. Des producteurs comme Marc Dorcel ou d’autres, ce sont les premiers à dire qu’ils veulent fermer ces sites. De nombreux professionnels dans le milieu de la pornographie s’insurgent contre ce mode de consommation et dénoncent les dégâts qu’ils peuvent occasionner.
c’est interdit. Hier, j’ai vu un chiffre hallucinant, 600 000 jeunes de moins de treize ans sont sur snapchat. En tant que parents, adultes ou frères, nous devons donner l’exemple. Aujourd’hui, nous postons des photos d’enfants, de nos enfants ou de nos amis sans demander d’autorisation. LFC : Aimeriez-vous participer à ces questions pour faire avancer les choses au sein du gouvernement ? O : Ils sont à côté de la plaque et ils n’ont pas très envie de bouger. À quelques reprises, j’avais été approchée et j’étais intervenue à la direction des affaires sociales. Je devais rencontrer Laurence Rossignol. Quelques mois plus tard, les élections présidentielles ont tout remis à zéro. Marlène Schiappa me connaissait, nous avons déjà été en contact et elle a
LFC : Vous parlez d’un autre problème qui est lié à l’eréputation. Sur les réseaux sociaux, la situation est tout aussi grave… O : Vous avez raison. Pire que de tomber sur une image pornographique, aujourd’hui se pose la question du harcèlement sur les réseaux sociaux et la circulation de son image contre son gré. Une des discussions que j’encourage les parents à avoir avec leurs enfants, c’est la question de la circulation de l’image. Il faut bien leur faire comprendre que dès le plus jeune âge, même audelà de la nudité, une image reste sur internet ad vitam æternam. Sur des petits réseaux, je pense notamment à musical.ly, c’est la fête aux pédophiles. Je me dis que si je suis un mec et que je suis pédophile, je vais passer mes journées sur ce site. C’est très dangereux. On voit des petites filles de dix ans qui font du Lip sync sur du Rihanna, qui se dandinent et qui n’ont pas forcément conscience qu’elles sont en danger, et qu’il y a René qui est à bloc derrière son écran. Ce sont des choses qui sont beaucoup plus importantes que le fait même de parler de la pornographie. Les réseaux sociaux avant treize ans,
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Les réseaux sociaux avant treize ans, c’est interdit. Hier, j’ai vu un chiffre hallucinant, 600 000 jeunes de moins de treize ans sont sur snapchat.
mon numéro. À l’époque où j’ai réalisé Pornocratie, j’ai pris contact avec elle en lui disant que ce film-là était une bombe et qu’elle pouvait en faire quelque chose en réglementant la question sur la pornographie. Ils ne l’ont pas saisi. Ils s’en battent les reins. Tant pis pour eux. Hier, j’étais sur le plateau de LCI et il y avait une députée de la république En Marche qui m’a dit de façon très naturelle : Marlène a vu que vous l’interpelliez dans l’Express. Si vous le souhaitez, vous pouvez l’appeler. Je pense qu’à un moment donné ce n’est pas à moi de partir en guerre toute seule et de demander l’aide à l’État pour faire interdire ses tubes. Je rapporte l’information. S’ils ne sont pas foutus d’en faire quelque chose. Dommage.
dans des considérations morales foireuses en disant que ce genre dégradait les femmes et les faisait passer pour consentantes. Alors que six mois auparavant, sur Konbini, il disait que le porno faisait partie de la vie… LFC : Ce livre est disponible en librairie. Avezvous des attentes particulières ? O : J’aimerais que les personnes concernées puissent s’en emparer et qu’ils puissent récupérer des informations. Ils peuvent pomper tout ce qu’ils veulent. Il n’y a aucun problème avec cela. La seule chose que l’on espère toujours quand on publie un essai, c’est d’interpeller les gens et de les amener à réfléchir. Amener les adultes qui ont des adolescents dans leur entourage à aborder la question de la pornographie avec bienveillance. Cela peut donner lieu à certaines conversations qui sont, pour moi, indispensables.
LFC : Vous avez raison. Il s’agit des enfants, de nos enfants. O : Ils ont très peur d’avoir leur nom à côté du mot pornographie. Quand j’ai fait Pornocratie en 2017, il y avait des économistes, des spécialistes du blanchiment d’argent, des gens qui n’avaient strictement rien à voir avec la pornographie, qui étaient d’accord pour intervenir et qui ont refusé à cause de ce système de référencement sur Google. Ils ont peur de passer pour des Christine Boutin, très peur de s’emparer de cette question. Le discours d’Emmanuel Macron où il a abordé la question de la réglementation du porno, a été très maladroit puisqu’il est parti
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La seule chose que l’on espère toujours quand on publie un essai, c’est d’interpeller les gens et de les amener à réfléchir. Amener les adultes qui ont des adolescents dans leur entourage à aborder la question de la pornographie avec bienveillance. Cela peut donner lieu à certaines conversations qui sont, pour moi, indispensables.
L'ENTRETIEN DE LA COVER
MARS 2018
PHOTOS EXCLUSIVES
ARNAUD VALOIS LA RÉVÉLATION DU FILM CHOC 120 BPM INTERVIEW
par Christophe Mangelle et Quentin Haessig
pour LFC Magazine avec notre partenaire l'agence LEEXTRA, photographies de Céline Nieszawer
Août 2017, sortie du film choc en salles de "120 battements par minute" de Robin Campillo. La gifle ! Les spectateurs répondent présents. Les prix affluent : Grand Prix du Festival de Cannes, la Queer Palm, le Prix du Public au Festival de Cabourg, sans oublier les Césars 2018, nommé 13 fois. Arnaud Valois est NOTRE révélation du film est lui aussi nommé dans la catégorie "Meilleur espoir masculin". Séance photos pour LFC Magazine et entretien avec le comédien. Rencontre. LFC : Bonjour Arnaud Valois, nous nous rencontrons pour dresser un bilan sur tout ce qui s’est passé pour vous ces derniers mois. Vous êtes revenu sur le devant de la scène avec le film choc 120 battements par minute. Racontez-nous comment le projet est venu à vous. AV : Tout d’abord, c’était à un moment où je ne croyais
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plus au cinéma. J’ai reçu un appel d’une directrice de casting. J’avais travaillé avec elle à l’époque où j’étais encore comédien. Elle m’a demandé si je passais toujours des castings, mais ce n’était plus le cas. J’avais arrêté depuis un moment. J’étais parti en Thaïlande pour faire une formation de masseur, et une fois rentré en France, je me suis inscrit à une école de sophrologie. Au moment où elle m’a appelé, j’étais donc masseur et sophrologue. Elle poursuit et me demande si cela m’amuserait de passer des essais. Je lui réponds que non. Pour moi, tout cela était de l’histoire ancienne. J’avais fait un gros travail de renoncement à cette profession, qui en plus était mon rêve de gosse. Elle m’a quand même parlé du film. Je ne connaissais pas le travail de Robin Campillo, et quand elle m’a parlé du thème de la lutte contre le sida, cela m’a tout de suite intéressé. Tout ce côté engagé tant sur le plan politique que sur la communauté homosexuelle me plaisait beaucoup. Pour un film comme celui-ci, je me suis dit : pourquoi ne pas essayer. J’ai commencé le
processus de casting qui a duré plus de trois mois et au bout de cette période, j’ai décidé d’arrêter, car je revenais toutes les semaines. Les scènes changeaient constamment, et je retombais au fur et à mesure dans tous les travers qui m’avaient fait arrêter ce métier. Au moment où j’ai dit que je souhaitais arrêter, on m’a dit que j’avais le rôle. LFC : L’aventure a commencé, il s’est passé beaucoup de choses dont on va parler. Depuis le succès du film, recevez-vous davantage de propositions ? Comment le vivez-vous ? AV : En effet, je reçois davantage de propositions, mais chaque stade a ses contraintes. Aujourd’hui, il faut apprendre à dire non. Construire une carrière ne veut absolument rien dire, et encore moins pour quelqu’un qui revient un peu par hasard dans le cinéma. Il s’agit plus d’une histoire de coups de cœur. Je lis, j’aime, j’ai un agent qui m’accompagne, nous réfléchissons et nous prenons une décision ensemble. Concernant les propositions, je suis toujours accompagné par d’autres choix pour le rôle, je ne suis jamais tout seul. D’autres comédiens sont aussi sollicités.
Quand elle m’a parlé du thème de la lutte contre le sida, cela m’a tout de suite intéressé. Tout ce côté engagé tant sur le plan politique que sur la communauté homosexuelle me plaisait beaucoup. Pour un film comme celui-ci, je me suis dit : pourquoi ne pas essayer. faille mettre tout un tas de choses en route pour obtenir ce que l’on désire. Alors qu’en fait, c’est quelque chose de beaucoup moins palpable. C’est vrai, la concurrence est présente au niveau des rôles, car nous sommes nombreux. Mais au final, nous ne sommes pas décisionnaires. Je ne le vis pas comme une compétition. J’ai compris qu’un film sera complètement différent en fonction de l’acteur qui joue dedans. Robin Campillo a beaucoup hésité, car il ne voyait pas le personnage comme je le proposais. Il voulait quelqu’un d’un peu plus maladroit, un peu moins bien dans ses baskets. LFC : Le personnage incarné est quelqu’un d’assez sûr de lui…
LFC : La concurrence rôde…
AV : Oui, exactement. Il cherchait quelqu’un de plus fébrile et il a dû abandonner cette idée. Peut-être que s’il avait choisi un comédien qui proposait ce jeu, le personnage de Nathan aurait été complètement différent. Quand on comprend cette chose, on se rend compte qu’il n’y a aucune compétition.
AV : Je crois que cela va au-delà. La concurrence, ce serait que tout soit hyper rationnel et qu’il
LFC : Quand vous dîtes que vous avez proposé cette version-là du personnage, cela signifie que vous le ressentiez ainsi ?
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AV : Ce rôle proposait quelque chose d’assez neutre. Le personnage de Sean, qui est interprété brillamment par Nahuel, a une palette très large. Pour ma part, je suis plutôt sur des nuances de gris, de noir et de blanc. Nahuel joue le rôle d’un militant très fort, et c’est un rôle que j’aurais été incapable de jouer. Le personnage de Nathan n’offrait pas véritablement la possibilité de composer. L’acteur qui allait être choisi allait devoir imprimer ce qu’il était. Il y a des personnages qui proposent des palettes de couleurs beaucoup plus denses, d’autres un peu moins. Je crois que je préfère ceux qui proposent des nuances plus que des volte-face. Cependant, j’admire vraiment les comédiens qui sont capables de fournir cela. Quand j’ai commencé les essais avec Nahuel, j’ai été subjugué par son esprit haut en couleur avec une palette incroyable de rouge, de bleu et de vert. LFC : Jouer dans un film comme celui-ci, est-ce un acte militant ? AV : Je pense que oui. En tout cas, je l’ai vécu de cette façon. LFC : On a beaucoup entendu parler de ce film depuis le Festival de Cannes (Le film a reçu le Grand Prix du Festival de Cannes 2017). 120 BPM est ensuite sorti en salles le 23 août 2017. À la fin du tournage, tous ensemble, aviez-vous le sentiment d’avoir fait une petite bombe ? AV : Pas à ce point-là. Il y avait des moments hallucinants lorsque l’on tournait. Je me suis dit que ce film pouvait avoir une belle histoire, en observant le côté maestro de Robin. Il nous a coupé le retour écran. Ce que j’ai trouvé génial. D’ailleurs, c’est ce que je souhaite faire dans mes prochains rôles pour ne pas sortir de l’histoire. Il faut travailler son jeu d’acteur avec son instinct, c’est cela qui est intéressant. Quand on commence à rentrer dans le contrôle de l’image, cela parasite la spontanéité. C’est ce que j’ai retenu de cette expérience. J’ai également senti que ce tournage était accompagné de force, d’énergie et de lumière. C’était très fort. Ensuite, sept mois de montage ont été nécessaires et Robin nous a finalement montré le film dix jours avant Cannes. Il ne voulait pas que l’on découvre le film dans sa version finale pendant le Festival. Lorsque je l’ai vu, c’était assez bizarre de se voir à l’écran, mais ce film propose une transe tellement LFC MAGAZINE #7 | 117
forte qu’au bout de dix minutes, nous étions complètement happés par l’histoire. Nous avons ensuite été déjeuner tous ensemble, et nous étions tous hagards à cause de ce que nous venions de prendre dans la gueule. En arrivant à Cannes, nous ne nous sommes pas dit que nous allions tout rafler. Nous étions dans un esprit très tranquille. Robin n’avait pas voulu montrer le film à la presse la veille, chose qui arrive de temps en temps afin qu’il y ait quelques papiers le jour même. Il voulait que tout soit vécu en temps réel. Et il a bien fait puisque la toile s’est emparée du film. Il y a eu un buzz énorme sur les réseaux sociaux et les trois jours qui ont suivi ont été surréalistes. Il y avait une distorsion du temps : trente minutes pouvaient en paraître cinq. Le réel se transformait. Les journalistes étaient en pleurs. La montée des marches et la projection
Le réel se transformait. Les journalistes étaient en pleurs. La montée des marches et la projection sont aujourd’hui des souvenirs magnifiques, gravés dans ma mémoire… Bref, je n’oublierais jamais ces moments.
sont aujourd’hui des souvenirs magnifiques, gravés dans ma mémoire… Bref, je n’oublierais jamais ces moments. LFC : Votre histoire est incroyable. Quitter le métier d’acteur, vivre une reconversion dans des disciplines liées à l’humain comme le massage et la sophrologie, puis revenir à l’acting grâce à une graine du passé qui a germé et atteindre ces derniers mois les sphères extrêmes du succès. C’est du bonheur, mais du bonheur qu’il faut gérer… AV : Le Festival de Cannes a été énorme. Tout ce que l’on a vécu tous ensemble était extraordinaire. J’ai accepté de me laisser submerger par tout cela, car si je commençais à mettre des processus de protection, j’allais passer à côté de ces moments fabuleux. Je savais que cette aventure allait durer des jours, des semaines et que je devais en profiter au maximum. Il y a eu une charge émotionnelle disproportionnée. Quand je suis rentré chez moi après, j’ai eu du mal à redescendre. C’est pour cela que j’ai repris immédiatement les massages et la sophrologie. LFC : C’est très intéressant, à croire que ce sont des choses que vous aviez mises en place pour faire face à ce qui allait arriver. Sans bien évidemment le savoir… AV : C’est très juste. Je ne crois pas au hasard dans la vie. J’avais eu un départ quasiment équivalent avec le film Selon Charlie de Nicole Garcia avec un casting cinq étoiles. Tout devait se passer comme l’aventure de 120 battements par minute, mais cela ne s’est pas passé de cette façon. À vingt et un ans, je n’étais pas prêt. J’ai donc mis
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des choses en place pour que l’on vienne me rechercher. Le film 120 battements par minute est sorti le 23 août 2017. Selon Charlie était sorti le 23 août 2006. Nous étions allés à Cannes le samedi soir du premier week-end en 2006, c’était la même chose en 2017. Tout a onze ans d’écart, c’est dingue. LFC : Dix ans, c’est la fin d’un cycle. La onzième année, le début d’un nouveau… AV : En plus, tout cela est arrivé dans ma trentetroisième année, je suis très fasciné par le Christ qui est mort à trente-trois ans sur la croix et qui monte au ciel. J’y vois un symbole de renaissance, de résurrection. À échelle humaine bien évidemment. LFC : Pouvez-vous nous raconter l’après Cannes ? AV : Nous avons enchainé directement avec les avantpremières en province qui ont été de grands moments. Nous avons rencontré des gens touchants, des associations pour la lutte contre le SIDA. Nous étions au cœur des témoignages forts. C’était un autre Cannes. Ensuite, la promotion à l’international était une expérience enrichissante complètement hallucinante. Les réactions sur la façon dont ils luttaient contre le SIDA étaient différentes et passionnantes selon chaque pays. Mes trois moments-clés seraient la projection à Cannes, toutes les avant-premières en province et l’avant-première au New-York Film Festival où il y avait des militants d’Act Up dans la salle. LFC : Pedro Almodóvar vous a remis le Grand Prix du Festival de Cannes et a exprimé des avis dithyrambiques sur le film. On imagine que c’était aussi un grand moment.
D’avoir ou non le César, ce n’est pas tellement cela. C’est surtout une nouvelle tribune qui s'offre à nous et qui va nous permettre d'être de nouveau tous ensemble une dernière fois.
AV : Oui, cela a aussi été un grand moment. Nous arrivons aujourd’hui à la fin de cette aventure et nous allons faire la promotion du film sur le marché anglais où le film sortira début avril. Cela fait partie des dernières étapes avec les Césars (le 2 mars). Nous avons été extrêmement gâtés et chanceux de vivre à travers ces personnages qui se sont sacrifiés et qui ont tout donné pour la lutte contre le SIDA. On nous parle beaucoup de Césars en ce moment, mais je crois que c’est tout simplement une nouvelle page pour le film. LFC : C’est une manière de remettre le film en avant, de continuer de faire passer le message et de toucher de nouveaux spectateurs. AV : Exactement. D’avoir ou non le César, ce n’est pas tellement cela. C’est surtout une nouvelle tribune qui s'offre à nous et qui va nous permettre d'être de nouveau tous ensemble une dernière fois. LFC : Vous êtes nommé dans la catégorie Meilleur Espoir Masculin. Quelle est votre réaction ? Vous êtes d’ailleurs tous les deux dans cette catégorie avec Nahuel Pérez Biscayart. AV : Nahuel aurait mérité d’être dans la catégorie Meilleur Acteur, car il représente le film d’une certaine façon. C’est un vrai comédien, il a dix ans de carrière et trente films à son actif. C’est dommage. Moi, je suis là où je dois être, car je reviens, je n’ai pas
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Le film est une histoire collective, tout comme l’histoire d’Act Up. Ce n’est pas seulement deux personnages, tous les acteurs sont extraordinaires.
à me plaindre. Le fait que l’on soit tous les deux dans cette catégorie, c’est deux fois plus de chance pour le film. J’y vais vraiment les mains dans les poches, car Nahuel est ultra favori grâce à son incroyable interprétation. Il le mérite vraiment. Le film est une histoire collective, tout comme l’histoire d’Act Up. Ce n’est pas seulement deux personnages, tous les acteurs sont extraordinaires. LFC : Le film a suscité beaucoup de réactions. Comment at-il changé le regard sur vous de la part des gens qui sont autour de vous ? AV : C’est particulier à vivre d’un point de vue personnel, mais cela l’est encore plus pour les autres. J’ai un cercle d’amis que je connais depuis dix, quinze ans, donc finalement cela n’a pas été difficile à gérer. Ces années d'amitié sont une protection. LFC : Cela revient à dire ce que nous évoquions tout à l’heure, ce film tombe au bon moment. AV : Tout à fait. Et ce qui est génial, c’est que la notoriété que le film apporte n’est pas creuse. Les gens qui m’arrêtent dans la rue ne m’arrêtent pas pour faire un selfie, mais pour discuter du film. C’est d’abord le message du film qui les
importe. C’est toujours des choses très belles. LFC : Nous avons beaucoup aimé la façon dont le film parle de la mort, d’euthanasie et de la sexualité à l’hôpital. Ce sont des passages qui ne sont pas du tout bâclés. AV : C’est vrai, et c’est quelque chose qui est trop peu souvent évoqué dans les interviews. J’ai fait plus de cent interviews et j’ai évoqué l’euthanasie peut-être trois fois. On m’en a beaucoup parlé dans des territoires où la situation est plus avancée, comme dans les pays du nord de l’Europe par exemple. En France, je crois que l’on n’est pas prêt pour en parler, il y a encore une certaine pudeur. Le film soulève beaucoup de questions dont on a beaucoup parlé, mais cela aurait été bien que l’on parle un peu plus de l’euthanasie. On y viendra, j’en suis sûr. ATTENTION SPOILER LFC : Êtes-vous en accord à cent pour cent avec ce que fait votre personnage à la fin du film ? AV : Oui. Cent pour cent. Cela a été la scène la plus difficile à jouer, mais pas pour le message qu’elle porte, plutôt pour les émotions qu’elle dégage. Quand je joue une scène, j’essaye de relier des notes sur un piano intérieur en me remémorant un souvenir équivalent, un moment vécu. Pour tomber amoureux, pas de problèmes. Être militant, je peux trouver. Mais donner la mort à quelqu’un que l’on aime, il a fallu actionner des sentiments que j’ai estimé équivalents au niveau de la charge émotionnelle. Je ne peux pas proposer un sentiment que je ne vis pas véritablement. Au début de ce projet, Robin m’avait dit qu’il ne me demandait rien, sauf une chose, ne pas me protéger. Je lui ai dit
LFC MAGAZINE #7 | 121
que si je revenais au cinéma, ce n’était pas pour me protéger, c’était pour y aller à fond surtout pour un film comme celui-ci. Ce deal a fonctionné, car en face, ce n’était pas n’importe quel réalisateur. Je pouvais tout donner, car lui aussi il donnait tout. LFC : Quels sont vos projets pour la suite ? AV : Je tourne bientôt dans le nouveau film de Lisa Azuelos (LOL, Dalida…) où je vais jouer l’amant de Sandrine Kiberlain. Quand j’ai lu le scénario, j’ai tout de suite été intéressé. L’idée de tourner avec une actrice comme Sandrine Kiberlain était un argument très important. J’ai tout de suite eu un bon contact avec Lisa Azuelos avec qui j’ai pris un thé en décembre, sans savoir qu’elle préparait un nouveau film. Quelques mois plus tard, elle m’a proposé ce rôle. J’ai également trois autres films français et un film américain qui vont probablement se faire. Pour moi, c’est la cerise sur le gâteau. Si tout cela fonctionne, tant mieux. Sinon, ce n’est pas grave. Je ne perds pas de vue le massage et la sophrologie. Je garde deux dimanches après-midi tous les mois pour mes clients de la première heure, c’est très important pour moi de garder ce lien et de garder les pieds sur terre. LFC : Dans vos choix de carrière, souhaitez-vous que l’on vous propose des rôles différents de celui de 120 BPM ? AV : J’ai eu beaucoup de propositions après 120 battements par minute notamment des projets sur l’homosexualité, mais je n’ai pas accepté. Pas parce que je ne veux pas jouer de nouveau un rôle sur ce thème, mais simplement parce que je ne me voyais pas dedans. Il faut vraiment que ce soit un coup de cœur. Je n’ai pas de plan de carrière en particulier. Comme je reviens après tant d’années de pause, je cherche plus à me faire plaisir. J’ai développé un instinct tellement fort que lorsque l’on me propose un rôle, je sais si c’est la bonne histoire, la bonne équipe. J’ai aussi passé des castings pour lesquels je n’ai pas été retenu. Il faut accepter ce processus. D’une manière générale, je n’ai plus de stress par rapport à cette profession. Je sais que le jour où je ne prendrais plus de plaisir, je ferai autre chose.
Le film soulève beaucoup de questions dont on a beaucoup parlé, mais cela aurait été bien que l’on parle un peu plus de l’euthanasie. On y viendra, j’en suis sûr.
LFC MAGAZINE
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#7
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MARS 2018
GRÉGOIRE DELACOURT PHOTOS EXCLUSIVES ET INTERVIEW PAR CHRISTOPHE MANGELLE ET QUENTIN HAESSIG PHOTOGRAPHIES : ARNAUD MEYER LEEXTRA
L'ÉCRIVAIN QUI AIME ÊTRE DANS LA PEAU DES FEMMES
Grégoire Delacourt nous rejoint fin janvier 2018 dans le studio pour sa séance photos pour LFC Magazine. Ils nous réserve la primeur de nous parler de son nouveau SELI N A R I Cen H A premier RDS roman "La femme qui ne vieillissait pas" et également du précédent "Danser au bord de l'abîme" tout récemment en libraire en version poche. Entretien.
LFC : Bonjour Grégoire Delacourt, on se
LFC : Le personnage est une femme mariée
voit pour une double actualité, la sortie
qui a trois enfants. Tout se passe pour le
d’un nouveau roman aux Éditions Jean-
mieux dans sa vie. Un jour, alors qu’elle se
Claude Lattès La femme qui ne vieillissait
rend dans un café, elle est séduite par
pas et pour la sortie en poche du livre Danser au bord de l’abîme. Ce dernier est
quelqu’un…
un roman qui parle de désir. Comment est
GD : Effectivement, mon personnage a tout
née l’idée d’aborder ce thème ?
pour être heureux et elle l’est. Un mari qu’elle aime, trois beaux enfants. Elle n’attend rien
GD : Je crois que j’avais envie à nouveau
d’autre que de poursuivre ce bonheur. Un jour,
d’être une femme. J’avais pris beaucoup de
dans un café, le désir lui tombe dessus. C’est le
plaisir à être Jocelyne dans La liste de mes
drame immédiat. Quelque chose dont elle n’a
envies. J’ai reçu énormément de courrier de
pas besoin. C’est quelque chose qui n’est pas
femmes. D’une certaine manière, j’ai été
commun. On a plus l’habitude que ce soit un
accepté par leur communauté, car on m’a pris
homme qui quitte tout pour une femme.
pour l’une d’entre elles. J’ai eu envie de
Comme c’est une femme, c’est assez inédit.
redevenir un personnage de femme forte,
Aujourd’hui, en 2018, je trouve cela choquant
confrontée à un désir qui est le moteur de
que l’on interdise à une femme de disposer
beaucoup de choses, et qui est contrainte à
d’elle-même.
l’amour ou à la religion. Je souhaitais dire aux femmes : allez-y, écoutez votre plaisir !
124
LFC : Vous avez dit que vous aimez faire
partie de la communauté des femmes… Pouvez-vous nous en dire plus ? GD : Pour un écrivain, il n’y a rien de plus jubilatoire que d’aller dans l’inconnu. Prendre le risque d’être quelqu’un d’autre, et voir le
SELINA monde à travers les yeux d’un ou d’une inconnue. C’est quelque chose de fascinant. J’ai beaucoup réfléchi pour savoir d’où cela me venait. Je crois que c’est lorsque ma mère est décédée pendant que j’écrivais mon
Je crois que j’avais envie à nouveau d’être une femme. J’avais pris beaucoup de plaisir à être Jocelyne dans "La liste de mes envies". J’ai eu envie de redevenir un personnage de femme forte, confrontée à un désir qui est le moteur de de choses, et qui est R Ibeaucoup CHARDS contrainte à l’amour ou à la religion. Je souhaitais dire aux femmes : allez-y, écoutez votre plaisir !
premier roman. C’est à ce moment-là que j’ai
importante. Il y a un vrai discours de fond sur la
voulu voir le monde à travers les yeux d’une
représentation de soi. Tout cela est très pesant.
femme. J’ai pris beaucoup de plaisir à voir le
J’ai trois filles, une femme, et j’ai envie qu’elles
monde avec les yeux d’une maman, de ma
vieillissent bien. Je trouve que cette notion
maman.
d’âge est une prison. Vieillir est magnifique, ce n’est pas une malédiction. On a déjà vu des
LFC : Dans votre nouveau roman La femme
femmes âgées absolument magnifiques. Je
qui ne vieillissait pas, vous parlez de l’âge.
suis raide dingue, fou d’admiration devant la beauté d’une comédienne comme Françoise
GD : Je suis très content que vous m’ayez
Fabian que je trouve de plus en plus belle. Il
invité, car c’est la première fois que je parle
faut arrêter de lier la beauté et la jouissance
de ce livre. On est un peu en avance, de ce
que l’on en a, à la jeunesse. Beaucoup
fait, je n’ai pas encore assez de recul pour en
d’hommes à cinquante ans quittent leur femme
parler précisément. Mais je suis très content,
pour être avec quelqu’un de plus jeune. C’est
car c’est encore très chaud. L’âge est une
monstrueux.
prison vraiment importante. Je trouve que la société renvoie un message assez curieux
LFC : Vous vous êtes donc mis dans la peau
aux femmes, en leur disant qu’il faut qu’elles
d’une femme qui ne vieillit plus !
restent jeunes toute leur vie. Comme s’il y
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avait une sorte de diktat absolu de rester une
GD : C’est la grâce du roman. L’écrivain a tous
femme jeune avec une peau de bébé. Peut-
les droits. C’est très amusant d’un point de vue
être que c’est à cause de mon expérience
romanesque d’avoir ce postulat. Celui où je
dans la publicité que ce sujet me tient à
décide qu’à un moment donné cette femme ne
cœur. Il m’est arrivé de vendre des antirides
vieillit plus. À trente-cinq ans, elle se rend
et c’est quelque chose qui m’a marqué, de
compte qu’elle ne vieillit plus depuis qu’elle a
voir à quel point l’écoute des femmes était
trente ans. On ne peut que rêver de cette
G R É G O I R E
D E L A C O U R T
À TRENTE-CINQ ANS, ELLE SE REND COMPTE QU’ELLE NE VIEILLIT PLUS DEPUIS QU’ELLE A TRENTE ANS. ON NE PEUT QUE RÊVER DE CETTE SITUATION. MAIS VOUS SAVEZ, CE N’EST PAS SI SIMPLE.
situation. Mais vous savez, ce n’est pas si simple. J’ai choisi un parti pris ultra réaliste. Il n’y a pas d’effets spéciaux et je trouve que c’est tout à fait acceptable. L’idée que quelqu’un gardera extrêmement longtemps sa jeunesse est possible et c’est un postulat SELINA qui est très intéressant.
Quand les gens vous parlent de joie ou de souffrance, c’est toujours en rapport avec R I C leurs HARDS petits riens.
LFC : En vous mettant dans la peau d’une
mais je n’ai pas vu d’autres modèles qui
femme avec ce livre, avez-vous moins peur
marchent aussi bien. Quand les gens vous
de vieillir ?
parlent de joie ou de souffrance, c’est toujours en rapport avec leurs petits riens.
GD : Je n’ai pas peur dans le sens où j’accepte que c’est une chose inéluctable, et
LFC : Dans l’ensemble de vos romans, tous
c’est d’ailleurs ce que dit Betty à un moment
vos personnages sont ordinaires. Est-ce
donné dans le livre : C’est lorsque l’on perd
les choses que l’on sait qu’elles ont eu lieu.
une force ?
C’est comme l’amour, c’est dangereux
GD : Ils sont ordinaires au sens noble oui.
lorsque l’on fait croire que cela rime avec
Mais vous savez les gens ordinaires, c’est
toujours. Cela devrait rimer avec chaque jour
nous. Les gens extraordinaires, je ne vois pas
plutôt. La vie ne dure pas toujours. La
où ils sont. Bien sûr, il y a des gens qui
jeunesse ne dure pas toujours. Il faut en
sortent du lot, des grands peintres, des
profiter lorsque l’on y est. Ce dont j’ai peur,
grands artistes… Mais être ordinaire, c’est
c’est de la méchanceté de la vieillesse, de
bien aussi. Notre destin n’est pas d’être
l’injustice, des mains qui tremblent… Le
extraordinaires. On ne peut pas être Gandhi
processus de vieillissement est quelque
ou Mozart et heureusement, sinon ce serait
chose d’assez beau finalement, il faut laisser
compliqué. On peut avoir de l’extraordinaire
la place aux autres.
dans nos vies, des histoires d’amour, des souvenirs… Dans mon quotidien, j’aime mon
LFC : On remarque que dans tous vos
boulanger, mon dentiste, mon coiffeur. Les
livres, les petits riens sont très importants.
gens ne sont pas si ordinaires que cela dans la vie. Ils sont passionnants. Si vous vous
127
GD : La perfection déshumanise beaucoup.
intéressez à l’autre et que l’autre s’intéresse
J’ai une certaine nostalgie des petits riens. Je
à vous, il y a de nombreuses choses
pense qu’ils sont une source de joie, de
extraordinaires à se raconter. Mon livre est
colère, d’emportement, mais c’est là où l’on
un miroir pour les lecteurs. J’ai envie qu’ils
peut échanger. Tout cela peut sembler naïf,
se disent que c’est d’eux dont je parle.
Mon livre est un miroir pour les lecteurs. J’ai envie qu’ils se disent que c’est d’eux dont je parle. LFC : Quand vous créez vos personnages, cela repose sur l’observation, l’imagination… GD : Ce sont des compilations de nombreux éléments. Je m’inspire de tout ce que je vois dans la vie quotidienne, mais aussi dans la fiction, les films, les séries... Notre entretien, par exemple, me servira peut-être à créer un personnage qui aura vos traits de caractère.
livre qui sort au Livre de Poche, beaucoup de femmes se sont identifiées aux personnages d’Emma. Lorsque l’on est auteur, il faut faire preuve de sincérité. LFC : La femme qui ne vieillissait pas va sortir dans quelques jours. Dans quel état d’esprit êtes-vous ? GD : Pour être très honnête, c’est comme si j’avais accouché d’un enfant et que le placenta n’était pas sorti. Je suis content d’être allé au bout de ce projet qui était extrêmement casse-gueule. C’est une histoire assez abracadabrante, mais très réaliste. Les premiers rares lecteurs qui l’ont lu pour le moment m’ont donné des réactions très encourageantes. Une éditrice dont je tairais le nom a beaucoup aimé le livre et cela m’a bouleversé. Elle s’identifie maintenant aux
LFC : Cela fait quelques années que les lecteurs sont fidèles à vos romans. Comment vivez-vous cela ?
personnages de Betty et tous les matins dans le miroir, elle ne prend pas ses rides pour une malédiction. Rien que pour cela, je me sens vraiment bien.
GD : Je ne sais pas pourquoi mes livres marchent si bien. Si nous avions la recette, tous les livres fonctionneraient. Certains journalistes m’ont toujours titillé sur le fait que j’avais fait de la publicité avant et que j’avais peut-être la recette miracle, mais je ne l’ai pas. Avec le recul, je remercie les lecteurs qui me suivent. C’est très agréable de constater la fidélité des lecteurs de livre en livre. Je crois qu’ils reconnaissent la sincérité de mon travail. Je me mets beaucoup à nu dans mes livres et je crois que ce rapport muet que j’ai avec mes lecteurs fait qu’ils s’y retrouvent. Ils ont l’impression que je parle d’eux. Dans le 128
"Grégoire Delacourt, l'homme qui comprenait les femmes ! Avec son nouveau roman, l'auteur nous entraîne dans un conte moderne et nous pousse à la réflexion. Avec l'humour et la finesse qui lui sont propres, Grégoire Delacourt dissèque avec brio ce qui fait le quotidien de la vie d'une femme, on traverse les décennies avec Betty qui, elle, ne prend pas une ride. Car c'est là tout le sujet de ce formidable roman: la pression du jeunisme et des apparences. Rester jeune, une bénédiction ? Le lecteur se forgera sa propre opinion au fil des pages, qui se dévorent."
L'avis de Clarisse Sabard, romancière
LFC MAGAZINE #7 • MARS 2018
Musique NOS INVITÉS
Nemo Schiffman et Nilusi Laurent Lamarca Lou Schérazade Sofi Tukker Pauline Croze
Nilusi et Nemo Schiffman Nemo Schiffman a joué le rôle de Romain Gary adolescent dans l'excellent film La promesse de l'aube et chante aussi en duo avec Nilusi, membre du groupe Kids United. Ils nous ont dit oui pour une séance photos et entretien pour la sortie de leur nouveau single Stop the rain. Entretien. LFC : Bonjour Nilusi et Nemo Schiffman, nous sommes ravis de vous
qui nous tenait à cœur. Le
rencontrer pour parler de votre single Stop the rain, votre première
message de ce titre, c’est qu’il
collaboration. Pouvez-vous nous raconter cette aventure en quelques
ne faut pas suivre le chemin
mots ?
que l’on nous impose. Il faut sortir de sa zone de confort. Il
Nilusi : En 2016, nous avons fait une émission avec Nemo sur W9 qui
est important de vivre ses
s’appelait Les kids font leur show. Nous avions chanté la chanson
rêves. C’est un message que
Marvin Gaye de Charlie Puth. Nous nous sommes très bien entendus
nous voulons partager auprès
artistiquement et humainement. Ainsi, nous avons décidé de travailler
des jeunes et des moins
ensemble.
jeunes qui nous écoutent.
Nemo : Tout a démarré après cette émission. Nous nous étions déjà
LFC : C’est exactement ce que
croisés auparavant, mais sans trop échanger. C’est après cette
vous vivez...
performance que nous nous sommes dit qu’il fallait absolument que l’on fasse quelque chose en commun.
Nilusi : Complètement. Cela fait maintenant quelques
LFC : Pouvez-vous nous parler de ce single Stop the rain ? Quel
années que l’on poursuit nos
message avez-vous souhaité partager ?
rêves. Un de mes plus grands rêves était de faire une
Némo : Avec ce single, nous avons voulu exprimer quelque chose
tournée et c’est ce que l’on a
LFC MAGAZINE #7 130
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS ARNAUD MEYER LEEXTRA
Le message de ce titre, c’est qu’il ne faut pas suivre le chemin que l’on nous impose. Il faut sortir de sa zone de confort. Il est important de vivre ses rêves. fait avec les Kids United. Je me mets donc à rêver
plus les Kids United ont été un énorme succès, il
encore plus grand. Dès qu’on commence à réaliser
y a donc de l’attente. Je préfère me dire que je
un rêve, il y a d’autres objectifs qui naissent. C’est
repars de zéro. Et que je dois reprendre mes
très motivant. J’ai quasiment réalisé tous mes rêves
repères vocalement. Tout est nouveau mais c’est
avec les Kids United, que ce soit des voyages, des
motivant !
tournées… Maintenant, j’ai de nouveaux objectifs en solo. Je suis d’ailleurs en train de préparer un
Nemo : Oui, il y a du trac. Mais comme vous le
album.
dîtes, j’ai le sentiment d’être très chanceux.
LFC : Et pour toi Nemo, c’est un parcours différent ?
LFC : La musique, mais également le cinéma pour toi Némo. Nous avons vu hier La promesse
Némo : Oui. J’ai commencé dans The Voice Kid qui a
de l’aube au cinéma où tu apparais environ vingt-
été une très belle expérience. Je ne regrette
cinq minutes du film. Tu interprètes Romain Gary
absolument rien. J’ai acquis un maximum
adolescent. Et cette année, un nouveau film
d’expérience. Cela m’a ouvert de nombreuses portes
prévu en salle où tu seras aux cotés de Vincent
et aujourd’hui je suis heureux de faire ce que j’aime.
Cassel. Heureux ?
Je travaille également sur un album solo qui verra le jour au Printemps 2018. Il sera entièrement en
Némo : Je ne peux pas me plaindre. Je vis
français, excepté la chanson Stop the rain avec
vraiment un rêve. J’ai trouvé le bon équilibre
Nilusi. C’est un album qui me ressemble beaucoup
entre le cinéma et la musique. Je me sens
et qui parlera de ma vie en tant qu’adolescent. J’ai
vraiment épanoui dans ces deux arts.
hâte de le partager pour montrer qui je suis
actuellement.
LFC : Et toi Nilusi, aimerais-tu vivre la même expérience dans le cinéma que celle de Nemo ?
LFC : Vous êtes tous les deux sur le point de sortir un album solo mais vous avez acquis déjà pas mal
Nilusi : Je rêve de faire du cinéma. J’y pense
d’expérience. Comment vous sentez-vous ? Avez-
depuis déjà quelques années. En ce moment, je
vous le trac ? Vous sentez-vous chanceux ?
suis en train de passer des castings. C’est surtout pour m’entraîner. Je trouve très
Nilusi : C’est vrai qu’il y a un côté stressant. De
131 LFC MAGAZINE #7
intéressant d’être dans la peau d’un personnage,
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS ARNAUD MEYER LEEXTRA
Il est important de faire ce que l’on aime dans la vie. Il faut prendre des risques. de l’interpréter, de l’incarner.
Nilusi : Mes parents sont à l’origine de ce que je vis
LFC : Tout à l’heure, vous nous parliez de votre
aujourd’hui dans la musique. Les
chanson Stop the rain où vous évoquiez la
castings ont été un obstacle à
nécessité de poursuivre ses rêves. Selon vous,
surmonter, car j’en ai passé
les jeunes rêvent-ils suffisamment ?
beaucoup. C’est grâce à la persévérance que l’on arrive à
Némo : Je trouve que les jeunes d’aujourd’hui
ses fins.
sont parfois en manque de motivation. Ils baissent les bras assez facilement. Beaucoup
LFC : Vous avez l’air très
de gens pensent qu’aujourd’hui, être artiste,
heureux tous les deux…
c’est être marginal ou être un saltimbanque. Ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, à force de
Nilusi : C’est vrai. Comment ne
persévérance, tout devient possible.
pas l’être ? J’espère que cette
chanson va plaire aux gens et que notre message va passer
LFC : Avez-vous été encouragé par vos
auprès de notre public.
proches lorsque vous avez décidé de devenir artiste ?
Némo : Il est important de faire
ce que l’on aime dans la vie. Il
Némo : Que ce soit le cinéma ou la musique,
faut prendre des risques.
mes parents m’ont toujours soutenu. Le seul frein qu’ils ont exprimé, c’est pour The Voice Kids. Quand ils ont su que l’émission allait passer sur TF1 et que c’était une grosse production, ils étaient inquiets, car ce n’est pas du tout leur milieu. J’ai quand même décidé de passer le casting. Plus tard, ils m’ont dit que j’avais eu raison d’aller jusqu’au bout. Ils ont été rassurés quand ils ont vu que j’y allais seulement pour gagner en expérience.
133 LFC MAGAZINE #7
Lou Lou cartonne avec plus de 50 000 exemplaires vendus de son disque. Elle interprète avec Lenni-Kim "Miraculous" (25 millions de vues pour le clip) et également le générique de la série TV de TF1 "Demain nous appartient" dans laquelle elle joue. Elle propose aujourd'hui un nouveau single "À mon âge". Lou vous donne rendez-vous aussi le 25 mars à l'Olympia aux côtés d'Evan et Marco. Rencontre dans les locaux de TF1 avec la jeune artiste pétillante.
LFC MAGAZINE #7 135
LFC MAGAZINE #7 136
LFC : Bonjour Lou, on parle beaucoup de vous en ce moment, car votre album s’est déjà
LFC : Pouvez-vous nous
vendu à 50 000 exemplaires. Pensiez-vous recevoir un tel accueil si enthousiaste de la
raconter vos débuts ?
part du public ?
L : Ma maman me
Lou : Non pas du tout. Surtout en trois mois, c’est énorme. Je remercie du fond du cœur
chantait des chansons
les fans. Sans eux, je ne serais pas ici. C’est grâce à eux que je suis disque d’or et que
lorsque j’étais petite et
j’arrive à réaliser mes projets musicaux.
cela m’a beaucoup
influencé. La première
LFC : Avec l’annonce d’une tournée notamment.
chanson que j’ai chantée
était Ma philosophie
L : Nous allons faire une grande tournée qui débutera le 24 mars à Liège où je serai seul
d’Amel Bent. Le soir, nous
sur scène et le 25 mars à Paris à l’Olympia avec Evan et Marco. Ce sera une scène
faisions de petits
partagée. J’ai vraiment hâte d’y être.
spectacles avec ma sœur
Pour en savoir plus sur les dates des concerts, lire p.139.
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS CAROLE MATHIEU CASTELLI MAKAM FILMS
Je n’aurais jamais imaginé que tout cela se passe de cette façon. Je suis très heureuse du chemin parcouru jusqu’ici. où nous chantions et dansions. Puis un soir, ma
L : Très nerveuse. Le soir des auditions à
mère a eu un déclic. J’étais en train de chanter la
l’aveugle, un silence de plomb régnait sur le
chanson Someone like you d’Adèle et elle m’a
plateau. Je n’entendais que le bruit de mes pas.
conseillé de prendre des cours de chant. J’avais
Personne ne disait rien. Lorsque la musique a
huit ans. J’ai commencé à participer à des petits
démarré, je me suis lancée. Je me souviens que
concours. Je publiais mes vidéos sur une chaîne
c’était la chanson Carmen de Stromae. Même
YouTube, et un jour, une personne de The Voice
quand les coachs se sont retournés, je n’ai pas
Kids m’a contacté. Elle nous a proposé de
réagi tout de suite. Ce n’est qu’à la fin de ma
participer à la deuxième saison de l’émission.
performance que j’ai réalisée ce qui se passait.
J’étais terrifiée, car la première saison n’avait pas
encore été diffusée. J’ai donc renoncé et j’ai
LFC : Vous nous racontez votre aventure vue de
attendu la troisième saison pour me lancer.
l’intérieur, mais il y a eu un énorme écho ensuite avec sa diffusion à la télévision. L’émission The
LFC: Regardiez-vous l’émission The Voice ?
Voice Kids a-t-elle changé votre vie ?
L : Oui. J’ai regardé toutes les saisons et je
L : Je n’ai pas changé, c’est certain, mais je crois
continue de suivre cela de très près aujourd’hui.
que c’est grâce à cela que tout a démarré. Je n’aurais jamais imaginé que tout cela se passe de
LFC : Que retenez-vous de l’aventure The Voice
cette façon. Je suis très heureuse du chemin
Kids ?
parcouru jusqu’ici.
L : C’était énorme. J’ai fait de superbes
LFC : Pouvez-vous nous parler de votre duo avec
rencontres notamment avec les coachs. J’ai vécu
Lenni-Kim ?
une magnifique aventure avec les candidats.
Nous sommes d’ailleurs tous restés en contact.
L : Avec Lenni-Kim, nous nous sommes
J’ai également découvert l’envers du décor de la
rencontrés sur le tournage du clip où nous avons
télévision. C’est un lieu qui me plaît beaucoup.
passé toute la journée ensemble. Je n’avais
Bref, je n’en garde que de bons souvenirs.
jamais eu l’occasion de découvrir Paris, car à chaque fois que je viens, c’est pour rencontrer les
LFC : Dans quel état d’esprit étiez-vous le soir de
journalistes. Nous avons passé une agréable
votre première performance ?
journée. Lenni-Kim est une belle personne.
137 LFC MAGAZINE #7
L’amitié, l’amour ou les doutes sont des thèmes que nous avons en commun lorsque nous sommes adolescents. LFC : Votre nouveau single À mon âge est disponible partout et il est notamment diffusé sur YouTube. Pour quelles raisons les réseaux sociaux sont-ils si importants pour vous aujourd’hui ? L : Tous les médias sociaux servent à communiquer sur mon actualité et à diffuser mes clips. C’est important pour moi de partager ces informations avec les fans et de communiquer avec eux. Je reçois beaucoup de messages de soutien. Je suis toujours surprise que tous ces gens prennent autant de temps pour moi. Cela me touche beaucoup. LFC : Quel message avez-vous souhaité partager avec ce morceau ? L : Je voulais que cette chanson touche les personnes de mon âge. L’amitié, l’amour ou les doutes sont des thèmes que nous avons en commun lorsque nous sommes adolescents. C’est un instant musical mélancolique, mais avec un texte très profond.
LFC : Vous jouez également dans la série Demain nous appartient. Que préférez-vous entre jouer et chanter ? L : C’est difficile de choisir. Ce sont deux choses qui procurent des émotions différentes. Je pense qu’elles sont complémentaires. Si je pouvais, je ferais les deux. J’adorerai jouer dans un film plus tard. LFC : Le 25 mars, vous êtes sur scène à l’Olympia, un lieu mythique avec Evan et Marco. Vos impressions ? L : Je n’arrive pas à m’en rendre compte. Je pense que je réaliserais vraiment le jour J quand je serai sur scène. LFC : Rêvez-vous d’un duo avec un artiste ? Qui ? L : Oui, bien sûr. J’adorerais faire un duo avec The Weeknd, Sia ou Ariana Grande. Et en chanteur francophone, j’aimerais faire un duo avec Stromae, Vianney ou Angèle.
Schérazade
Sublime artiste qui a eu l'honneur de travailler avec Stromae. Nous sommes très heureux de partager avec vous cet entretien qui a eu lieu dans les locaux de Wagram. Schérazade nous parle de son Ep, de ses clips, de sa démarche artistique et de ses projets. Entretien avec une artiste qui ira loin. Très loin.
LFC MAGAZINE #7 140
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS ÉLISA BAUDOIN
J’ai été beaucoup influencé par le film de John Waters. J’ai découvert l’univers des années soixante-dix quand j’étais plus jeune et cela m’a vraiment marqué. LFC : Bonjour Schérazade, on se rencontre
LFC : On va parler de votre premier titre Pink
aujourd’hui pour parler de votre EP sorti en
Flamingo. C’est en écoutant ce titre que nous
novembre dernier. Trois titres figurent dans ce
avons pensé à cette artiste. Il y a beaucoup de
premier EP, c’est bien cela ?
références dans votre clip. On aime beaucoup !
S : Oui, c’est cela. Nous avons sorti le premier
S : Oui, j’ai été beaucoup influencé par le film de
titre Pink Flamingo en premier. Nous venons tout
John Waters. J’ai découvert l’univers des
juste de terminer le clip de Mémento qui sortira
années soixante-dix quand j’étais plus jeune et
probablement au mois de mars. Et nous
cela m’a vraiment marqué. J’ai trouvé le film
tournerons par la suite le clip du morceau Le
Pink Flamingo très bien, trash, mais poétique. Je
monde.
voulais absolument faire un titre où je ne me fixais pas de limites.
LFC : En plus de cet EP, il y a eu une reprise d’Ann Sorel. Comment est née l’envie de reprendre ce
LFC : Vos références datent des années
titre ?
soixante-dix. Aujourd’hui, nous sommes en 2018. Le passé vous inspire-t-il plus ?
S : C’est ma maison de disque qui à l’époque m’a proposé de reprendre un titre en français. J’ai eu
S : Cette époque-là m’a beaucoup inspiré, en
un gros blocage et grâce à cette chanson tout
effet, que ce soit les films hollywoodiens ou
s’est ouvert. J’ai découvert ce titre grâce à un ami
ceux de la Nouvelle Vague. Tout ce qui s’est
et ce qui est intéressant, c’est qu’à l’époque, ce
créé à cette époque était vraiment somptueux.
titre n’avait pas du tout marché. Dès la première
Les sonorités que j’utilise sont actuelles, mais
seconde où j’ai entendu la voix d’Ann Sorel, j’ai su
j’essaye aussi d’être une femme de 2018. J’ai
que c’était ce titre que je voulais reprendre.
essayé d’équilibrer entre les années soixantedix et aujourd’hui. Je veux vivre dans l’air du
LFC : Nous avons tout de suite été fascinés par
temps, même s’il y a beaucoup d’influence de
votre voix très atypique, qui nous a rappelé celle
l’époque dans ma musique.
de Mademoiselle K. LFC : En préparant cette interview, nous avons S : C’est une artiste que j’adore. Merci pour ce
lu que vous aviez collaboré avec Stromae sur le
compliment.
titre Ave Cesaria.
142 LFC MAGAZINE #7
Stromae, c’est quelqu’un avec qui j’aimerais travailler de nouveau à l’avenir. SCHÉRAZADE S : Oui effectivement, je l’ai aidé sur la
S : De nombreux artistes. Je pourrais en
mélodie et on entend ma voix sur les refrains.
citer mille, mais je crois qu’il y en a qui
Il m’a d’ailleurs invité à tourner le clip en
m’ont touché plus que d’autres. La
Belgique. C’était une expérience géniale. Nous
première fois que j’ai écouté Billie Holiday,
nous sommes rencontrés car nous avions le
j’ai été particulièrement touchée surtout
même producteur et j’ai tout de suite
lorsque l’on connaît sa vie.
accroché. C’est un génie. Et en plus de cela, il
Émotionnellement et vocalement, je trouve
est très modeste. Ce qui le rend très
cela très fort. Il y a des influences
attachant.
orientales également, le cinéma égyptien par exemple, que je regardais étant jeune
LFC : Ce genre de rencontre vous donne-t-il
avec ma maman. J’ai ensuite découvert le
envie de continuer le métier ?
rock au collège avec les Doors, The Animals. Ma musique est une sorte de melting-pot,
S : Oui complètement. C’est quelqu’un avec
j’essaye de me créer mon propre univers
qui j’aimerais travailler de nouveau à l’avenir.
avec toutes ces références.
LFC : Quelles sont vos inspirations ? Qu’est-
LFC : Pouvez-vous justement décrire votre
ce qui vous a donné envie de faire ce métier ?
univers à nos lecteurs ?
C’est difficile de définir son projet, mais je dirais que c’est quelque chose de très cinématique. Un film, c’est une histoire, et je trouve qu’une chanson, c’est également une histoire. Il y a des thèmes différents. C’est très pop et très ambivalent. Entre le jour et la nuit. S : C’est difficile de définir son projet, mais
LFC : Vous êtes compositeur, auteur et interprète sur
je dirais que c’est quelque chose de très
ce disque. Collaborez-vous également avec d’autres
cinématique. Un film, c’est une histoire, et
artistes ?
je trouve qu’une chanson, c’est également une histoire. Il y a des thèmes différents.
S : Oui j’ai collaboré récemment avec Thomas Azier,
C’est très pop et très ambivalent. Entre le
Joris Delacroix et Synapson. J’aime sortir de mon
jour et la nuit.
univers de temps en temps. Cela m’ouvre l’esprit.
LFC : À travers vos clips et votre EP,
LFC : Quel est votre avis sur les réseaux sociaux ?
l’auditeur peut noter une démarche artistique aboutie et exigeante. Cela vous
S : Ils jouent un rôle majeur pour les artistes de nos
permet-il d’exprimer des pans de votre
jours. C’est une nouvelle époque et nous devons vivre
personnalité qui ne sont pas forcément
avec. Je me suis un peu forcé à m’y mettre car je suis
évidents à exprimer dans la vie de tous les
quelqu’un de naturellement pudique. Il y a un coté
jours ?
positif. Par exemple j’ai rencontré ma réalisatrice qui a tourné le clip de Pink Flamingo, c’est génial. Le coté
S : Tout à fait. Je m’amuse beaucoup.
négatif, c’est que l’on perd un peu notre réalité. Il y a
C’est une sorte de jeu de rôle. C’est comme
deux aspects. Il faut savoir trouver le bon équilibre.
si à chaque fois, je racontais quelque chose. Je peux tout me permettre, c’est
LFC : On vous laisse le mot de la fin…
l’avantage de l’art. C’est une façon de me livrer. Dans chacun de mes projets, il y a
S : Un grand merci de m’avoir reçu, j’ai passé un
une part de moi.
moment très agréable.
145 LFC MAGAZINE #7
Pauline Croze L ' I N T E R V I E W LFC MAGAZINE #7 • MARS 2018
Pauline Croze
Pauline Croze publie mi-février un nouveau disque d'une grande qualité musicale avec des textes forts. "Ne rien faire" a été travaillé avec la collaboration précieuse de Ours et celle de Romain Preuss. Des chansons qui vous toucheront au cœur. Rencontre avec Pauline Croze entre une séance de répétition et la pause déjeuner. Entretien. LFC MAGAZINE #7 147
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS JULIE TRANNOY
Oui, j’ai tout écrit. Il m’arrive parfois d’avoir quelques blocages, c’est pour cela que j’aime solliciter des auteurs. Même si ça ne va pas au bout, j’aime le fait d’avoir essayé quelque chose. LFC : Bonjour Pauline Croze, nous nous
PC : Tout a commencé avec un musicien qui
rencontrons pour la sortie de votre album : Ne
s’appelle Quito dont j’ai fait la première partie
rien faire. C’est tout un programme !
pendant des années. Il connaissait bien Anne Claverie qui était manager d’Etienne Daho à
PC : C’était le titre le plus pertinent par rapport
l’époque. Nous lui avons envoyé ma maquette
aux titres que j’avais choisi sur cet album. Au
et elle a réagi tout de suite. Elle a décidé de se
départ, j’hésitais entre Fièvre ou Tu es partout. Ce
tourner vers la production et l’édition, il y a eu
dernier était peut-être un peu trop intime
une vraie connexion. Elle m’a permis de rentrer
et Fièvre un peu trop basique. Lorsque nous
dans le monde officiel de la musique, chose que
étions en studio avec Ours, Romain Preuss et M,
je n’avais pas forcément faite avec Quito où
c’est Matthieu Chedid qui a suggéré que l’album
j’étais dans un milieu plus underground. Le
s’appelle ainsi. Je trouve que cela sonne plutôt
milieu de la musique est passionnant, c’est un
bien.
combat de tous les jours pour pouvoir vivre de sa passion.
LFC : Sur la pochette du single, vous apparaissez de manière floue. Pourquoi avoir
LFC : Vous écrivez habituellement vos
fait ce choix esthétique ?
chansons. Est-ce le cas aussi sur cet album ?
PC : Nous voulions induire une notion de
PC : Oui, j’ai tout écrit. Il m’arrive parfois d’avoir
mouvement. De plus, c’est une sorte de pied de
quelques blocages, c’est pour cela que j’aime
nez au fait de ne rien faire. Dans mon album, le
solliciter des auteurs. Même si ça ne va pas au
thème des relations est très présent. Que ce soit
bout, j’aime le fait d’avoir essayé quelque
les relations entre les gens, les relations
chose. Finalement, j’ai persévéré et j’ai enfin
amoureuses, la relation à soi. Beaucoup de
réussi.
mouvements nous traversent même si parfois on souhaiterait rester stable.
LFC : Vous proposez dix titres dans ce nouvel album…
LFC : Comme c’est la première fois que nous nous rencontrons, nous aimerions en savoir plus
PC : Je pense que c’est le dosage parfait. J’ai
sur vos débuts dans la musique.
essayé de me positionner en tant qu’auditeur
148 LFC MAGAZINE #7
Le fait de me dire que ma maman existe quelque part, c’est comme une berceuse qu’on se fait à soi-même. PAULINE CROZE lambda et je trouve qu’il y avait un bon
LFC : Dans cet album, vous abordez des thèmes très
équilibre, le timing est bon et c’est surtout
personnels notamment le deuil de votre maman.
digeste. Dix morceaux, c’était le nombre
Pourquoi avez-vous souhaité en parler ?
parfait. PC : Simplement pour essayer de transformer cette peine LFC : Nous avons écouté votre album
en quelque chose d’apaisant. Et peut-être aussi pour me
plusieurs fois. La première écoute que nous
rassurer. Le fait de me dire qu’elle existe quelque part,
avons eue était une écoute non attentive. Et
c’est comme une berceuse qu’on se fait à soi-même. Ce
même avec cette écoute, vous réussissez à
n’est pas une chanson qui m’a permis de faire mon deuil.
nous emporter dans une atmosphère vraiment
Seulement, j’avais besoin de l’écrire. Je voulais que ce
agréable. Qu’en pensez-vous ?
soit quelque chose de lumineux, que ce soit à l’image de ce qu’elle m’avait laissé. C’est une sorte d’hommage où je
PC : C’est appréciable, merci. Si l’on sent que
lui montre que je m’en sors.
même avec une écoute assez lointaine il y a une cohérence, une fluidité, c’est plutôt bon
LFC : Tu es partie, tu es partout est un morceau universel.
signe. J’aime beaucoup cette sensation et je
Êtes-vous d’accord ?
crois que cela donne envie de se concentrer et de l’écouter un peu plus attentivement.
PC : J’ai besoin de ressentir les choses pour les
Sur scène, je serai accompagnée d’un bassiste et d’un batteur. exprimer. J’ai besoin que cela passe par moi, par mon corps, par mon esprit. J’avais déjà essayé d’écrire des choses où je prenais un point, une situation ou un personnage extérieur, mais ce n’était pas probant. Je n’arrivais pas à trouver l’émotion. Je ne savais pas comment faire. Maintenant, j’essaye de me baser vraiment sur ce que je ressens, pour ensuite le partager avec les autres. LFC : D’autres chansons sont dans cet album, d’autres couleurs… Pouvez-vous nous les présenter ? PC : Fièvre est un titre plutôt pop/reggae, c’est une sorte de chaloupe qui s’est transformée et qui est devenue un morceau très coloré. Tu m’ballades ou L’élan sont des titres plus pop/rock. Tellement bien est une ballade douce à la guitare, très évanescente. Bref, il y a des climats différents avec une cohérence entre tous. LFC : Comment s’est passée votre rencontre avec Ours et vos autres collaborateurs ? PC : Tout est parti d’un concert que j’ai vu en 2013. J’aimais beaucoup sa façon de vivre
151 LFC MAGAZINE #7
les morceaux, son énergie, le côté black music. Tout cela me plaisait beaucoup. Je lui ai demandé s’il voulait bien réaliser mon album. Il a accepté, à la condition de ne pas le faire seul. Il a donc demandé de l’aide à Romain Preuss que j’avais rencontré dix ans auparavant. On a démarré le travail à trois et ensuite Marlon B est arrivé lors de l’étape finale pour peaufiner le tout, pour traduire des sons en les modernisant. L’enregistrement de cet album a vraiment été agréable. Nous nous sommes beaucoup amusés. Je trouve que nous avions une superbe équipe même si c’était parfois compliqué au niveau des agendas (rires). LFC : On imagine qu’il y aura de la scène par la suite, avez-vous hâte ? PC : Oui beaucoup. Je suis actuellement en studio avec mes musiciens où nous essayons d’adapter les chansons pour la scène. Nous serons trois sur scène. Il faudra donc renoncer de temps en temps à certaines sonorités. Mais ce sera compensé par le fait que les morceaux sont joués en live. Ce qui était important pour cet album, ce sont les cœurs. Il me fallait des musiciens qui chantent. Sur scène, je serai accompagnée d’un bassiste et d’un batteur. LFC : On entend assez souvent que la musique urbaine est plus écoutée que la variété française. Pouvez-vous nous donner votre avis sur la question ? PC : Je crois que la musique urbaine se vend plus car c’est un mouvement qui sait plus se servir d’internet et des réseaux sociaux. Ce sont des outils avec lesquels grandissent les jeunes donc forcément les artistes hiphop arrivent à les cibler tout de suite. Il y a plus la notion de défi dans le hip-hop. C’est une musique qui parle aux jeunes. Ce sont également des artistes très productifs et créatifs. C’est pour cela qu’ils sortent plus de projets que les artistes de variétés.
LFC MAGAZINE #7 • MARS 2018
Laurent Lamarca L ' I N T E R V I E W
INTERVIEW CHRISTOPHE MANGELLE QUENTIN HAESSIG
PHOTOS © FRANCK BELONCLE LEEXTRA
Laurent Lamarca nous a donné rendez-vous à Paris, Le Pigalle pour une séance de photos et un entretien dans lequel on évoque son nouvel album. Rencontre. LFC : Bonjour Laurent Lamarca, on se rencontre
LFC : La structure de cet album est très bien pensée.
pour la première fois pour parler de votre album Comme un aimant qui sera dans les bacs le 23 mars
LL : J’ai grandi en écoutant des albums des années
2018. Le bébé est prêt ?
soixante et soixante-dix avec mon père. Nous
écoutions beaucoup les Pink Floyd, les Rolling Stones
LL : Oui, cela fait un petit moment qu’il est prêt. Il n’a
et les Beatles. Je ne pense pas que le public ait
plus qu’à sortir du ventre de sa maman. Rires.
absolument besoin de concepts, mais pour l’artiste, c’est très motivant pour la création. Cela fait sortir des
LFC : Combien de temps avez-vous consacré à ce
choses de l’imaginaire et j’aime beaucoup cela.
disque ?
LFC : Vous proposez sur ce disque une chanson très
LL : Cela fait un moment que j’ai l’idée et le concept
touchante sur la perte de votre oncle.
de cet album en tête. Les morceaux sont venus au
compte-gouttes au cours des deux dernières
LL : J’écris des chansons, car j’en ai besoin. Même si je
années.
n’étais pas chanteur, j’en écrirais quand même. C’est
une sorte de psychothérapie. Je voulais aborder un
LFC : Votre concept repose sur les quatre saisons
grand sujet dans cet album. C'était la joie. C’est une
de l’année…
émotion que je trouve parfois négligée. Le décès de
mon oncle, qui était mon deuxième papa, était un
LL : Exactement. L’album s’ouvre avec trois
événement malheureux dont j’avais vraiment envie de
morceaux qui représentent l’été. Ils sont très joyeux
parler. Je crois que c’était également un sujet
au sens juvénile. Ensuite, il y a trois morceaux qui
intéressant pour les gens. D’un point de départ
sont plus automnaux, où la vie est un peu plus dure,
personnel, je touche l’universel.
mais où tout est possible. Les morceaux suivants sont beaucoup plus introspectifs et représentent
LFC : Vous avez finalement transformé cela en un acte
l’hiver. L’album se termine par le printemps avec
créatif et positif…
trois morceaux très joyeux et beaucoup de sagesse. Le tout dernier morceau de cette période est le titre
LL : C’est un peu ma définition de la vie. On prend
Comme un aimant.
quelque chose et on essaye d’en faire du positif.
153 LFC MAGAZINE #7
On prend quelque chose et on essaye d’en faire du positif. J’essaye toujours de voir le bon côté des choses, le bon côté des gens. J’essaye toujours de voir le bon côté des choses, le bon côté des gens. Il faut s’éclater dans ce monde qui est quand même merveilleux. LFC : Vous parliez tout à l’heure d’un côté juvénile pour la période de l’été. Cela vous at-il fait du bien de replonger dans cette période ? LL : Pour dire vrai, je ne l’ai jamais vraiment quitté. Je suis quelqu’un de naïf. J’ai d’ailleurs développé des complexes à un moment donné. Mais en définitif, je trouve que c’est très bien de l’être. On peut très bien avancer dans la vie avec sagesse tout en étant naïf. Je crois que de cette façon, on est plus heureux. LFC : L’album sortira le 23 mars et nous pouvons dès à présent écouter le titre Le vol des cygnes. Pouvez-vous nous en parler ? LL : C’est une chanson que j’ai écrite il y a un petit moment avec Hélène Pince. L’histoire est assez drôle. Quand j’écris des chansons avec Hélène, j’imprime ce qu’elle m’envoie. Ce sont des longs textes sur lesquels j’entoure, je barre, je rajoute… Un jour,
154 LFC MAGAZINE #7
Hélène en a eu marre. Elle pensait que je saccageais son travail. Elle m’a envoyé un long mail pour me dire tout cela. Très bien rédigé. J’ai imprimé ce mail. Je l’ai modifié et je lui ai renvoyé. Étrangement, cela a été le début d’une chanson qui est devenue Le vol des cygnes. Bien sûr, nous travaillons toujours ensemble. LFC : Sur votre nouvel album figure un duo avec un des membres du groupe Fréro Delavega. Comment s’est passée la rencontre ? LL : Cela fait un moment que je les connais, car j’ai eu l’honneur de chanter lors la première partie de leur concert. Je chantais la chanson Le pouvoir des gens et ils en étaient très fans. Cette chanson s’adresse à un nouveau-né. Récemment, Jérémy a eu un enfant. Je me suis dit que cela pouvait être sympa de la partager avec lui. LFC : Adressez-vous cet album a un public particulier ? LL : Je l’adresse à tout le monde. C’est vraiment l’idée de la variété. Je propose quelque chose de simple. Je n’aime pas l’idée des codes. Il faut que cet album soit digéré par tous. LFC : Pour présenter ce disque, c’est le journaliste Didier Varrod qui a écrit la biographie de deux pages proposées aux journalistes… LL : C’est le premier journaliste que j’ai rencontré, le premier qui a cru en moi. C’est quelqu’un qui a compris tout de suite ce que je voulais faire. Il comprenait peut-être même mieux que moi là où je voulais en venir. Il a un côté papa, Didier Varrod. C’est quelqu’un de très ouvert que j’estime beaucoup.
LFC MAGAZINE #7 • MARS 2018
L ' I N T E R V I E W
L’album Comme un aimant, c’est vraiment ce que je pense. C’est la musique que j’aime. LAURENT LAMARCA
LL : Oui, chez Columbia. C’est un album que j’ai coarrangé avec un ami d’enfance. Il regroupe toutes mes influences. Ensuite, j’ai sorti un EP où je me suis vraiment inspiré de la musique qu’aimait mon père. L’album Comme un aimant, c’est vraiment ce que je pense. C’est la musique que j’aime. LFC : Pouvez-vous nous parler de la tournée qui va bientôt avoir lieu ? LL : Absolument. Je serai au Café de la danse en avril prochain. LFC : Vous avez eu d’autres expériences musicales avant ce disque. Pouvez-vous nous en parler ? LL : J’ai grandi dans la musique, car mes parents sont musiciens. Ils ont touché un peu à tous les instruments. J’ai fondé mon
C’est une tournée assez spéciale qui va avoir lieu ensuite, il y aura juste ma guitare et moi. Ce sera des salles assez petites, quatrevingts places environ. J’avais vraiment envie de retrouver l’ambiance de mon salon. J’ai décidé de raconter pourquoi et comment j’écris toutes mes chansons. Les gens viendront tirer des chansons au hasard. Il y aura une caméra, le public sera parfois à la place de l’artiste. Bref, ce sera très participatif. Un chanteur doit amener une énergie, porter les gens ailleurs, c’est pour cela que j’adore la scène.
premier groupe à douze ans avec mes cousines. J’ai fait quelques projets plus électro puis punk. (Rires) Tout cela s’est passé à Lyon, et ensuite, je suis monté à Paris où j’ai décidé d’être musicien et auteur pour les autres. Puis, j’ai attrapé le virus du chanteur. On m’a beaucoup poussé à le faire en m’encourageant et je me suis lancé. LFC : Il y a eu également un premier album qui est sorti en 2013 ?
156 LFC MAGAZINE #7
Sofi Tukker
Sofi Tukker, c'est le hit Best Friend pour la dernière campagne Apple et l'iPhone X. Le duo new-yorkais s'est fait remarqué au Tonight Show de Jimmy Fallon sur NBC. Dans le cadre de leur tournée européenne, de passage à Paris à la maroquinerie, ils ont fait une pause avec nous pour un entretien exclusif. Rencontre.
LFC MAGAZINE #7 157
La seule différence entre les animaux et les humains, c’est que les humains ont la faculté d’analyser les choses SOFI TUKKER LFC : Bonjour Sophie et Tukker, c’est un vrai
LFC : Nous sommes très heureux de vous
plaisir de vous rencontrer pendant votre
rencontrer. Nous vous suivons depuis votre
tournée européenne qui vous a notamment
EP Soft Animals qui est sorti en 2016. D’où
fait passer à La Maroquinerie de Paris début
vous vient cette passion pour les animaux ?
février 2018. Comment allez-vous ?
Vous avez joué la carte de l’esthétisme sur ce disque. Est-ce une manière de vous identifier
Sophie : Nous sommes très contents d’être
?
ici. Paris a une signification particulière pour nous. Nous sommes venus il y a quelques
S : Je pense qu’il y a une signification
mois pour des meetings professionnels et
littéraire et une signification métaphorique.
nous sommes également venus l’année
La métaphore c’est que nous sommes tous
dernière pour un show, qui reste l’un de nos
des animaux, y compris nous, surtout lorsque
favoris. C’est toujours un plaisir de revenir ici.
nous sommes plongés dans nos projets musicaux (rires). La seule différence entre les
Tukker : Nous attendons avec impatience le
animaux et les humains, c’est que les
show à la Maroquinerie et nous espérons que
humains ont la faculté d’analyser les choses.
nos fans français aussi.
INTERVIEW QUENTIN HAESSIG
PHOTOS LUIS MORA SHERVIN LAINEZ ULTRA MUSIC
C’est vrai que notre vie a changé et nous en sommes très heureux. Tucker : L’image de l’animal est quelque chose qui
représentés le mieux possible pour partager
nous ressemble plutôt bien. Nous nous sommes
notre passion.
beaucoup amusés sur cet EP car chaque chanson correspond à un animal. Il y avait une sorte d’état
LFC : Qui fait quoi au sein du groupe ?
d’esprit dans chaque titre qui correspond au thème des animaux. Chaque animal représente une
S : Nous aimons l’esprit de collaboration.
humeur différente, une vibe différente qui nous
Généralement, nous travaillons tous les deux ou
ressemble. Les animaux sont une manière vraiment
à plusieurs dans une même pièce. Tukker
fun d’exprimer les couleurs, les sons…
travaille parfois davantage sur la partie instrumentale et moi plus sur les paroles. Nous
LFC : Lorsqu’on voit votre look, vos pochettes, on a
nous consultons sur chaque choix artistique.
l’impression que vous entretenez un rapport avec l’art. L’art vous influence-t-il ?
T : Nous essayons de communiquer au maximum dans tout ce que nous faisons. Et
T : Je crois que nous sommes surtout influencés
même si nous ne faisons pas tout seul, par
par tout ce qui nous entoure. Notre entourage,
exemple pour les artworks, il est important pour
l’architecture, la nature, les animaux, la façon dont
nous d’avoir une visibilité dessus, de donner
nous nous habillons. C’est une sorte de cercle
notre avis. Nous donnons les idées et nous les
créatif qui ne s’arrête jamais.
partageons.
LFC : Votre démarche esthétique permet de vous
LFC : L’EP Soft Animals est sorti en 2016. Nous
distinguer et d’être plus facilement identifiée dans
sommes en 2018 et votre vie a un peu changé
cette jungle musicale…
depuis quelques mois grâce à votre collaboration avec Apple. Parlez-nous de ce changement.
S : Oui, c’était très important. Tous les choix que nous faisons en tant que groupe, nous le faisons
T : Nous sommes plus écoutés qu’avant, c’est
avec beaucoup de sérieux. C’est pour cela que nous
certain. Les gens connaissent nos chansons. Ils
étions en train d’envoyer des mails avant de
s’intéressent plus à nous et à notre musique.
commencer l’interview. La musique est un moyen
C’est vrai que notre vie a changé et nous en
d’expression très fort, et nous nous devons d’être
sommes très heureux.
159 LFC MAGAZINE #7
Nous avons découvert que notre musique avait été utilisée quand nous avons vu les premières publicités. S : En revanche, je ne dirais pas forcément
besoin de le décrire. Est-ce que cela correspond à votre
que cette collaboration a fait venir plus de
relation artistique ?
gens à nos concerts, car nous sommes en tournée tout le temps. Cela nous a juste
T : C’est une bonne question. Cela signifie beaucoup. D’une
amené un autre public et nous a permis de
certaine façon oui, c’est vrai. Nous n’avons pas écrit cette
nous faire connaître. Toute cette aventure a
phrase en pensant à cela, mais nous devrions peut-être le dire
vraiment été très cool.
lors des interviews (rires). Au fur et à mesure de notre travail, de nos différents concerts, des différents projets que nous
LFC : Comment s’est passée la rencontre
avons faits, c’est un peu ce qui s’est passé.
avec Apple ? S : Cette chanson parle de mon meilleur ami que j’avais au S : C’est eux qui nous ont découvert avec la
collège. Nous avions un langage bien commun. C’est un peu
chanson Drinkee qui faisait partie de l’EP
l’origine de la chanson.
Soft animals. Ensuite, elle est devenue la musique de la publicité pour l’Apple Watch
LFC : Nous avons regardé votre performance au Tonight Show
en 2016. Nous avons gardé contact avec le
de Jimmy Fallon. Cela a dû être un moment spécial pour vous
directeur musical d’Apple. Nous lui avons
étant New-Yorkais.
envoyé de nombreuses chansons que nous avions faites afin qu’il voit si d’autres
T : Oui, c’était un moment particulier. Nous étions très
morceaux pouvaient lui plaire. Ils sont
nerveux. C’est la première fois que nous faisions une
revenus vers nous en nous disant qu’il
performance comme celle-ci à la télévision.
voulait que l’on construise une relation dans la durée. Tout est assez secret avec Apple.
S : Le fait d’être aux côtés de Jimmy Fallon ou même de The
Nous ne savions pas qu’il y avait un
Roots, mon groupe préféré, c’était une expérience magique.
nouveau téléphone qui allait sortir. Nous avons découvert que notre musique avait
LFC : Nous attendons avec impatience votre album. Qu’en est-
été utilisée quand nous avons vu les
il ?
premières publicités. S : On ne peut pas trop en parler pour le moment, mais nous LFC : La chanson Best friends tourne à peu
allons l’annoncer très prochainement. Je comprends que le
près partout dans le monde aujourd’hui et il
public soit impatient. Nous vous promettons qu’il va y avoir
y a une phrase dans la chanson qui dit : On
bien plus qu’un album. Nous aimerions tout proposer en
se crée notre propre langage, on n'a pas
même temps, mais nous ne pouvons pas… Soyez patients !
161 LFC MAGAZINE #7
DANS LE PROCHAIN NUMÉRO
À NE PAS MANQUER
OK CORAL / SÉBASTIEN MEIER / ROMANE SERDA NICOLAS REY / JANINE BOISSARD / POMME ET DES SURPRISES...
AVRIL 2018 | #8 | BIENTÔT
Spectacle MARS 2018 • LFC #7
LES
5
PIÈCES
DU
MOIS
À
VOIR
Diva sur divan
PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : NATHALIE GENDREAU Assez ! Céline Bognini en a eu assez ! Elle ne voulait
En pleine séance de musicothérapie, la patiente
plus se contenter d’être la femme de, la fille de ou
raconte son mal-être, tiraillée entre son envie de
même la mère de. Avant de gagner le titre vénérable de
monter sur les planches et sa vie de femme au foyer
grand-mère de, elle se devait de réagir ! Le spectacle
aux petits soins pour son mari qui ne se préoccupe
qu’elle écrira, Diva sur Divan, sera sa voie du bonheur
que de son propre talent. Elle s’apostrophe de
retrouvé et l’Aktéon le théâtre de sa rébellion. Là, sous
“chianteuse” à force de se débattre dans une vie
les yeux ébahis d’un public tour à tour ému et heureux,
dépouillée de ce qui la fait vibrer. Elle confie que son
se rejoue une séance de musicothérapie aussi originale
vide affectif est aussi abyssal que le trou de la
que bouleversante au cours de laquelle la diva en
sécurité sociale. C’est dire ! Au fil de ses prises de
devenir s’étend sur le divan pour livrer ses névroses,
conscience, la soliste en mal de reconnaissance se
ses aspirations enfouies, ses besoins niés. Le psy
donnera tous les moyens de s’affranchir de la
pianiste, interprété par Patrick Laviosa, va guider les
célébrité de sa moitié dans le but de se confronter au
réflexions de sa patiente sur ses envies en l’incitant à
public et le conquérir. N’est-ce pas le prix pour gagner
chanter de grands airs, de Mozart à Satie, de Michel
sa propre estime ? Alors, emportée par un air de
Legrand à Barbara. Peu à peu, sur le tempo d’une
Mozart, “Voy que sapete” (Les Noces de Figaro), la
comédie lyrique, le public assiste à la transfiguration
chianteuse ose projeter sa voix comme on se jette à
musicale d’une diva intimidée par son art qui trouve sa
l’eau, dans un sursaut héroïque, avec l’espoir arrimé
clé du bonheur et nous la chante, toute à sa joie de
au fond de la gorge qu’une force insoupçonnée va la
renaître de ses rêves intimidés.
révéler à elle-même. Chaque confidence sur le divan
LFC MAGAZINE #7 164
sera ponctuée d’un air qui l’aidera à avancer dans
bonheur (Rodgers). Sa voix à la fois cristalline et
sa thérapie. En prenant l’assurance d’une diva
suave est l’instrument de ses émotions qu’elle
révélée, elle entraînera même dans son sillage les
libère avec l’intensité d’une première fois. En
épanchements filiaux de son musicothérapeute
piochant à 99,99 % dans sa vie personnelle, elle ne
pianiste.
pouvait que restituer justesse et authenticité. Mais elle ne se contente pas de chanter avec une gaîté
Diva sur Divan est une bouffée d’airs purs qui infuse
propre à contaminer tout cœur chagrin, elle joue la
le plaisir. On le doit aux blessures intimes de Céline
gradation d’une renaissance que la dextérité du
Bognini qu’elle transcende sur scène à force de
pianiste comédien Patrick Laviosa magnifie. Les
talent, d’humilité et de courage. L’artiste lyrique, ici
deux artistes forment un duo harmonieux sur
attendrissante, là hilarante, fait tourbillonner les
scène avec ce spectacle sincère et très distrayant.
notes, évoquant la sensualité de La Diva de l’Empire
Si pour Céline Bognini le chant lyrique est une
(Satie), l’émotion d’Une Petite cantate (Barbara),
seconde naissance, pour le public, il offre l’éternité
l’énergie rafraîchissante de La mélodie du
d’un instant magique.
Diva sur Divan est une bouffée d’airs purs qui infuse le plaisir. Distribution Avec : Céline Bognini et Patrick Laviosa. Créateurs Auteur et interprète : Céline Bognini
A
Mise en scène : Jean-Philippe Bêche
p
Piano : Patrick Laviosa Infos pratiques Le mercredi et le jeudi à 20 heures, jusqu’au 22 mars 2018. Relâche 7 mars. À l’Aktéon Théâtre, 11 rue Général Blaise, Paris 75011. Durée : 1h10. LFC MAGAZINE #7 165
MARS 2018 • LFC #7
Moi, papa ? LES 5 PIÈCES DU MOIS À VOIR
Moi, papa ?
PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : NATHALIE GENDREAU
S’il n’y a pas d’école pour apprendre à être papa,
volcanique au grand cœur fait de ce show
le one-man-show d’Arthur Jugnot est un bel
une réussite que magnifie l’ingéniosité de la
avant-goût humoristique sur cette étape de la vie
mise en scène de Sébastien Azzopardi et de
de couple conjuguée à trois. « Moi, papa ? », au
la scénographie de Juliette Azzopardi.
théâtre du Splendid, raconte la transformation d’un jeune adulte libre et bien dans ses baskets
Devenir papa est un voyage au bout de
d’ado boboïfié en un père responsable et accro à
l’extrême, comme l’artiste le qualifie. C’est
son fils. Mais combien d’épreuves et d’actes
surtout un voyage autour de soi-même, à
d’amour faut-il pour y parvenir ? Arthur Jugnot
sonder ses capacités d’amour et ses
porte l’enseigne du vécu, tous feux de détresse
résistances, pour mieux accueillir un être
allumés, derrière chaque trait d’humour et
aussi inoffensif que destructeur. Mais c’est
mimique, qui n’est pas sans rappeler l’inspiration
une destruction d’un passé révolu pour
du père. À la fin du spectacle, il remercie son fils
tricoter un présent au coin du feu, à chaque
de quatre ans et demi qui lui a permis d’être un
jour suffisant sa peine. Quand sa femme
père et un artiste comblé. Pour son premier seul-
évoque l’idée de devenir parent, Arthur
en-scène, Arthur Jugnot est vraiment à l’aise. Il
panique, regimbe, contre-argumente.
rayonne, éructe et s’attendrit avec autant
L’artiste revisite les relations amoureuses
d’intensité et de charme. Sa personnalité
au seuil de franchir le pas fatidique,
LFC MAGAZINE #7 167
brocardant les manipulations des femmes et les
Moi, papa ? interroge cette belle aventure de
lâchetés des hommes. Pourtant, la nouvelle
devenir parent avec tellement de justesse
génération de père est plus impliquée. La parité
qu’elle raisonne en chacun de nous.
est le mot d’ordre dans le couple pour fonder une
D’emblée, Arthur Jugnot instaure une
famille. Si la théorie fait consensus, la pratique
complicité avec le public par l’universalité
est moins évidente. Arthur Jugnot nous le
du sujet qui parle autant aux hommes
démontre.
qu’aux femmes. Souvent, les femmes artistes ont transcendé, par la création, ce
Comment se préparer à l’arrivée d’un enfant ? Les
passage délicat de l’idée d’avoir un enfant
futurs parents hésitent en tout, chaque décision
jusqu’à son arrivée dans la famille. Une
semble une nouvelle montagne à gravir. Comment
nouvelle génération d’hommes s’y essaye,
gérer les pressions familiales et les lubies
transformant leur ignorance ou
gustatives de sa dulcinée ? Quel prénom choisir ?
méconnaissance en bonne volonté qui
Quelle poussette acheter ? Quel obstétricien
suscite admiration et tendresse. Le propos
préférer ? Accouchement péridural ou naturel ?
détonant de vérité et le jeu des émotions
Comment accompagner les souffrances de la
servi avec énergie participent de la réussite
parturiente sans se prendre un revers ? Comment
du spectacle, qui est renforcée par
change-t-on les couches sans être arrosé ?
l’originalité d’une scénographie d’une
Comment gérer les biberons de nuit et le manque
grande poésie et d’une inventivité magique.
de sommeil ? Peu à peu, le couple s’installe en
Ces effets scéniques font qu’Arthur, bien
jachère charnelle, obnubilé par le bien-être du
que seul en scène, vit et vibre entouré de
bébé. Fatalement, le mari et la femme se
sa femme virtuelle et de ses proches, mais
disputent, se chicanent, se murent dans le
surtout de cet enfant dont il porte encore
silence. La fin du couple s’amorcerait-elle ? Mais
les bénéfiques stigmates de l’amour
de quelle fin parle-t-on au juste ?
paternel.
Avec : Arthur Jugnot. Créateurs Auteur : Bjarni Haukur Thorsson Adaptation : Dominique Deschamps Mise en scène : Sébastien Azzopardi
A
Scénographie : Juliette Azzopardi, avec Pauline Gallot
p
Lumières : Thomas Rouxel Musiques : Romain Trouillet Vidéos : Mathias Delfau Teal productions et Compagnie Sébastien Azzopardi Du mercredi au samedi à 21h et une représentation supplémentaire le samedi à 16h30, jusqu’au 31 mars 2018. Au théâtre du Splendid, 48 rue du Faubourg Saint-Martin, Paris 75010. Durée : 1h20. LFC MAGAZINE #7 168
MARS 2018 • LFC #7
L'arnaQueuse LES 5 PIÈCES DU MOIS À VOIR
L'arnaQueuse
PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : PRESTAPLUME L'humoriste Thom Trondel signe avec
atout serait un sens de l'humour décalé. Bref,
L'arnaqueuse sa troisième comédie, au BO Saint-
un doux dingue marrant mais au revenu
Martin, à Paris. Le sujet de l'arnaque à la
confortable de 8 000 euros mensuels... ce qui
séduction est une corne d'abondance de
ne gâte rien !
situations cocasses. D'emblée la pièce accroche toute l'attention par son écriture inspirée,
Clara et son amie complice Jessica, une
soignée et nerveuse. Les réparties résonnent
comédienne au chômage, ont monté une
joyeusement au cœur entre éclats de plaisir et
arnaque aux cœurs errants dans le but de partir
franche hilarité. Les personnages dessinés avec
en vacances au soleil. Elles ont chacune un
l'outrance nécessaire au ton enlevé sont
rôle bien distinct : Clara ferre le poisson et
cependant ourlés d'un rien de pudeur qui prépare
Jessica le fait mariner tout en le faisant
le lit du rire et de l'émotion. Marina Gauthier,
casquer au maximum. Estimant la
dont on a découvert la palette de jeux dans
malhonnêteté comme une compétence
"Mascarades", est pétillante et touchante dans le
indispensable à leur réussite, elles n'hésitent
rôle de Clara, belle trentenaire séductrice qui
pas à saler l'addition. Alors, lorsque Luc se
gère son agence matrimoniale à la tête du client.
présente, un peu trop gauche, un peu trop
L'auteur Thom Trondel campe un Luc en mal
hésitant, Clara sent la bonne affaire. Elle
d'amour, un cadre respectable aux accents naïfs
propose à ce chef de vente dans les
et aux goûts très originaux, et dont le plus grand
portemanteaux personnalisés, champion de
LFC MAGAZINE #7 170
bilboquet, de le coacher pour séduire son premier rendez-vous. Ce sera Jessica. Mais le trop gentil garçon a des réactions surprenantes, comme entraîner sa partenaire dans un igloo-église pour un enterrement traditionnel esquimau. Soudain, le rapport de force s'inverse, et la victime au grand cœur affirme sa différence qui décontenance la jolie et intéressée Clara. La maîtresse du jeu se laisse alors dépasser par celui qu'elle estimait être un pigeon en or et qui l'initie aux sentiments vrais. Cette comédie romantique de Thom Trondel est d'une drôlerie renversante, avec des moments d'anthologie comme la danse d'un ventre velu ou les contorsions d'un corps enfiévré. La mise en scène audacieuse et dense de
s'enlacent, dansent lascivement puis s'entrechoquent, mais souvent sur des niveaux de compréhension différents, d'où avalanche de quiproquos et de décalage de sentiments. Si le rire impose sa marque avec constance, de temps à autre il se retire à petits
Vanessa Fery est très efficace. Les situations déjantées s'enchaînent avec l'ivresse du rire renouvelé. Les dialogues
pas derrière le cœur ému. Là devant un Luc comprenant la forfaiture de la gérante de l'agence matrimoniale. Ici devant une Clara réalisant son attachement, tardif et inconcevable, pour ce client à l'originalité attendrissante. De rebondissement en rebondissement, de délire en délire, d'aveu en aveu, les comédiens évoluent avec aisance et en nuances dans ce cadre propice à ce cœur à cœur tendre et explosif.
Distribution Avec : Marina Gauthier ou Elsa Pontonnier, Thom Trondel
A
Créateurs
p
Auteur : Thom Trondel Mise en scène : Vanessa Fery Production : Cœur de Scène Le mardi à 20h15 jusqu'au 17 mars 2018. Au Théâtre BO Saint-Martin, 19 Boulevard Saint-Martin, Paris 75003. Durée : 1h05.
LFC MAGAZINE #7 171
MARS 2018 • LFC #7
Une sombre histoire de girafe LES
5
PIÈCES
DU
MOIS
À
VOIR
PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME PHOTOS : PRESTAPLUME ET FRED THIBAULT
Prenez deux couples d’amis en vacances d’été et une
parfois ? Il ne faut jamais partir en vacances avec un
maison isolée dans les Cévennes. Le Paradis, ce me
couple avec un enfant quand on est soi-même un
semble. Oui, mais non ! Une sombre histoire de girafe de
jeune couple de six mois qui n’aspire qu’à se
Magali Miniac, au Théâtre des Béliers parisiens, y plante
connaître mieux et profiter pleinement de la plage et
un huis clos étouffant, balançant entre confessionnal et
des coquillages. Forcément, la journée est suspendue
bagne en plein air, où l’amitié de ces deux couples va
aux horaires d’un bébé qui a besoin de couches et de
méchamment se craqueler sous le soleil implacable du
siestes, et qui est le centre de toutes les attentions et
Sud. S’il y avait une piscine encore, pour se rafraîchir
des inquiétudes. Il a une mère omniprésente et au
les névroses ou se délasser de son passé trop bien
bout du rouleau, qui a tout abandonné pour s’occuper
accroché aux basques des aigreurs ! Mais non, pas
de lui, jusqu’à son intérêt pour son mari. Lui, c’est un
d’eau, pas d’ombre, juste des discussions qui tournent
balourd attendrissant, obtus aux états d’âme
au vinaigre et des vacances au fiasco. Et deux couples
féminins, qui n’a pas sa langue maladroite dans sa
qui implosent en plein vol de girafe, sous le regard
poche, ni ses yeux affamés de sexe. Et il y a de quoi,
abasourdi et ravi des spectateurs, devenus en l’espace
la petite amie de son pote — qui est psychologue —
d’une heure vingt, les plus attentifs et reconnaissants
lui apporte une bouffée d’inconnu fort dépaysant et
des confidents !
distrayant, à défaut d’une oreille professionnelle. Quant au copain, il est animé par son envie
Quand on pense que l’argument déclencheur est un
obsessionnelle d’aller faire trempette dans la mer,
petit bout de chou de deux ans ! À quoi tient l’amitié,
assez vite contrariée par un bébé encombrant qui fait
LFC MAGAZINE #7 173
la sieste jusqu’à 17 heures… Mais si ce
rancœurs muettes, et lâchant son chariot
n’était que cela encore ! C’est que l’ami a la
fou de frustrations, de venin et de colère.
jalousie féroce qui obstrue la voie de sa
Les quatre comédiens (Magali Miniac,
raison. De fil en aiguille, de paranoïa en
Emmanuelle Bougerol, Guillaume Clérice,
vérités blessantes, le séjour qui ne
Sébastien Pierre) jouent leur partition
demandait qu’à se dérouler sous les
avec une grande justesse, tout en
auspices de la bonne humeur se met à
nuances et en gradation. Par ce jeu
sombrer corps et biens, entraînant à sa
doublé de vivacité et d’intensité, ils
suite la maison des Cévennes et ses
rendent crédible l’inexorable issue. Cette
habitants, dans les eaux noires du
issue qui bannit toute frivolité est d’autant
règlement de compte.
plus détonante qu’elle survient sous un ciel limpide qui rivalise de gaité avec la
Cette délicieuse comédie sociale qui
pelouse vert tendre du décor. La mise en
ausculte avec une cruelle efficacité les
scène soignée de Nicolas Martinez, où la
relations de couple s’enchaîne éperdument
sérénité attendue se heurte à la
au drame avec des réparties jubilatoires et
surenchère des révélations, l’une aspirant
des situations confondantes de réalisme.
la suivante dans son piège, permet de
Le texte de Magali Miniac est si percutant
rehausser ce sentiment de grand gâchis.
qu’on se projette dans sa propre histoire.
Le drame frappe à la porte, il est là, on ne
On a tous en regrets quelques disputes
veut pas y croire… et c’est la girafe au
mémorables intervenues comme un cheveu
gros postérieur qui signe la chute de cette
sur la soupe, réveillant les non-dits et les
sombre histoire à mourir de rire.
Distribution Avec : Emmanuelle Bougerol, Guillaume Clerice, Magali Miniac et Sébastien Pierre. Créateurs Auteur : Magali Miniac Mise en scène : Nicolas Martinez Assistante de mise en scène : louise Danel
A
Scénographie : Camille Duchemin
p
Lumières : Denis Koransky Musique : Raphaël Charpentier Costumes : Bérangère Roland Du mardi au samedi à 21 heures et le dimanche à 15 heures, jusqu'au 29 avril 2018. Au théâtre des Béliers Parisiens, 14 bis rue Sainte-Isaure, Paris 75018. Durée : 1h20. LFC MAGAZINE #7 174
MARS 2018 • LFC #7
Issue de secours LES
5
PIÈCES
DU
MOIS
À
VOIR
PAR NATHALIE GENDREAU // PRESTAPLUME Crédits photos : Prestaplume
Issue de secours
Sur la scène du Théâtre du Marais, le spectacle "Issue
mis en scène par Georges Beller, vous invitent à un
de secours" est une aventure planante, fusante,
baptême de l'air de haute voltige sans haut-le-cœur
explosive, qui donne dans l'hilarité la plus sidérale, et
garanti. Vive la tête à l'envers du rationnel !
les gaz n'y sont pour rien ! Tout est prêt pour le
Un commandant en fin de carrière et son ami copilote
dernier vol du commandant... du moins, pour ce qui
sont bien trop émus et heureux de ce dernier voyage à
est du principal : le whisky pour fêter ce voyage qui va
deux pour se concentrer sur leur vol. Alors que les
clore dix ans de collaboration entre le pilote et le
réparties piquantes fendent l'air, la tête divaguant dans
copilote. Pour le reste, advienne que pourra, car la
les cumulus, ils s'aperçoivent que l'avion a décollé sans
rigueur a déserté le cockpit au profit de l'insouciance
passagers, ni kérosène. Si New York recule, les ennuis
d'une prochaine retraite ! Bien entendu, les
se rapprochent dangereusement en même temps que le
catastrophes déferlent en escadrille, provoquant des
sol brûlant africain. Le crash est inévitable. Sains et
situations loufoques qui dilatent les côtes flottantes.
saufs, échauffés par l'alcool et les ressentiments qui
Avant de s'abîmer dans les dunes, l'avion de ligne
gravissent les degrés, les pilotes se montrent infidèles
BH80-90 largue dans le désert africain son fardeau
à l'amitié et à la raison. Ils se séparent, errant dans le
humain, deux corps toniques en manque de gin ou de
désert à la recherche d'une oasis. Les mirages sont leur
mojitos. Benjamin Isel et Hadrien Berthaut, les
nouveau compagnon de voyage et jouent avec leurs
coauteurs des sketches tricotés à quatre mains, puis
fantasmes, révélant les petitesses ordinaires. Les
LFC MAGAZINE #7 176
hallucinations aux trousses, les deux rescapés, quand ils se croisent, vivent les séquences d'un Tintin revisité, d'un match du PSG avec un joueur à papa à la cervelle dans les chaussettes, des vœux d'un génie capricieux, d'une discothèque qui bat son plein de déhanchements enfiévrés sous les spots du désert, etc. Et, pour corser la relation conflictuelle entre les pilotes en sursis, chacun a le pouvoir de statufier l'autre. Pour le pire et le meilleur, unis dans le burlesque. Sur la scène, rien. Sinon deux chaises, une bouteille de whisky, enfin sa petite sœur pour épargner les âmes sensibles à la bienséance, et deux prodigieux talents. Sous les feux de la rampe de lancement, le duo de comédiens crève l'écran de notre curiosité bienveillante. Benjamin et Hadrien font décoller leur avion imaginaire à destination d'une aventure rocambolesque et riche en soubresauts comiques. Peu à peu, le duo délirant franchit le mur du son et ouvre les vannes du rire fantasque et du grand n'importe quoi sous l'apparence furtive de blagues de potache. Car, bien entendu, c'est du camouflage.
entendu, c'est du camouflage. L'intelligence transparaît, fait des saillies, éclate comme des bulles de gomme à mâcher, au détour de scènes incisives, d'à-propos musicaux et d'une mise en scène qui trace un plan de vol cohérent. Point de respiration, tout est prétexte à s'esclaffer. Les situations, les blagues, les échanges, les chorégraphies. Le public reste un peu plus d'une heure durant, en suspension, grisé de rire et de douce nostalgie, les sketches des comédiens le ramenant à une jeunesse révolue où il croyait tout ce qu'on lui disait et en était heureux. C'est la magie de ce show déjanté. On approuve, on partage, on applaudit à rompre les entraves de la réalité. Et on salue jusqu'à terre la performance physique ! Attention, prolongations jusqu'au 29 avril 2018 !
A
Co-écrit et avec Benjamin Isel et Hadrien Berthaut.
p
Mise en scène : Georges Beller. Au théâtre du Marais, 37 rue Volta, 75003 Paris. Prolongations Les dimanches à 19 h. Durée : 1h05.
LFC MAGAZINE #7 177
LA SÉLECTION SÉRIE/DOC DE LFC MAGAZINE
PAR QUENTIN HAESSIG
VOTRE PLATEAU TV
OSC CITY
OCS MAX
COUNTERPART
ATLANTA
C ounterpart raconte l’histoire d’Howard Silk, modeste employé dans une agence de l’ONU, qui découvre que l’entreprise pour laquelle il travaille lui a
L 'aventure continue pour
caché l’existence d’un portail menant à une dimension
Donald Glover et toute la bande
parallèle. Une série à « double jeu » pleine de
d’Atlanta. La deuxième saison sera
rebondissements avec dans le premier rôle un J.K.
diffusée dès le 1er mars 2018 sur
Simmons bluffant.
OCS City.
La saison 1 diffusée chaque dimanche sur OSC MAX.
Après une première saison
LA SÉRIE ÉVÉNEMENT
récompensée par deux prix aux Emmys Awards, la série orchestrée par le génial Donald Glover (réalisateur, producteur, scénariste et acteur) est très attendue. Au scénario, pas de grands changements, on retrouvera Donald Glover, Brian Tyree Henry, Zazie Beetz et Lakeith Stanfield. Paper Boi parviendra t-il enfin à se
grand retour il y a quelques semaines sur Canal+
faire une place dans le rap game d’Atlanta ? Réponse dans quelques jours.
La saison 2 disponible le 1er mars 2018 sur OCS City.
CANAL +
BARON NOIR
pour une deuxième saison qui tient toutes ses promesses. Kad Merad est une nouvelle fois remarquable dans le rôle du « baron noir » et nous épate à chaque épisode. Les autres
P hilippe Rickwaert (Kad Merad) et Amélie comédiens ne sont pas en reste et remplissent également leur mission de fort belle manière Dorendeu (Anna Mouglalis) reforment leur binôme et sont prêts à tout pour accéder au
(Hugo Becker, François Morel, Astrid Whettnall,
pouvoir et sauver la République prise en étau
Pascal Elbé…).
entre l'extrême-droite et le fanatisme religieux.
Huit épisodes d’une efficacité redoutable pour
Amélie Dorendeu, candidate à l'élection
une série plus vraie que nature sur les coulisses
présidentielle, suit la stratégie très risquée de
de la politique. Les ressemblances avec la réalité
Philippe Rickwaert, tout juste sorti de prison et
sont parfois troublantes, que ce soit Emmanuel
contraint à être un conseiller clandestin dans
Macron, Benoit Hamon ou Jean-Luc Mélenchon,
l'attente de son procès.
tous se reconnaitront probablement dans cette
La série créée par Eric Benzekri et Jean-Baptiste deuxième saison. Bonne nouvelle pour les fans de la série, la fin du huitième épisode laisse Delafon et réalisée par Ziad Doueiri faisait son LFC MAGAZINE | #7 | 178
La saison 2 de Baron Noir est disponible en intégralité sur MyCanal.
présager le début d’une troisième saison… On vous laisse découvrir !
LA SÉLECTION SÉRIE/DOC DE LFC MAGAZINE
DU MOIS DE MARS 2018 NETFLIX
FOX / CANAL +
CHRIS ROCK ela faisait dix ans que l’on attendait C son retour sur scène. C’est chose faite, Chris Rock est de retour dans un nouveau spectacle intitulé « Tamborine » disponible sur Netflix. Après le retour de son ami Dave Chapelle (qui aurait signé un contrat de plus de soixante millions de dollars avec Netflix pour trois shows), Chris Rock a, à son tour,
THE AMERICANS
S i vous avez vu les deux premières
ARTE
Netflix), vous vous souvenez
répondu positivement aux sirènes de la plateforme de Los Gatos. Pendant un peu plus d’une heure, le comédien connu notamment pour ses nombreuses apparitions dans le Saturday Night Live, parle sans filtres de la
JEAN-MICHEL BASQUIAT, LA RAGE CRÉATIVE
paternité, de son divorce, de la chanteuse
L ’oeuvre du peintre Jean-Michel
Rihanna et bien entendu du sujet le plus
Basquiat, mort d’une overdose en 1988 à
controversé en ce moment aux U.S.A. :
seulement vingt-sept ans, bat aujourd’hui
Donald Trump. Un spectacle à ne pas
des records dans les salles de vente. Ce
manquer !
documentaire revient sur le parcours
Le spectacle Tamborine de Chris Rock est disponible sur Netflix.
saisons de Daredevil (disponibles sur certainement de The Punisher. Il a aujourd’hui droit à sa série réalisée par Steve Lightfoot (réalisateur notamment d’Hannibal). Après Luke Cage et Iron Fist, deux séries assez décevantes, espérons que Marvel réussisse son pari avec Frank Castle ! The Americans, la saison 6 diffusée aux USA sur la FOX puis en France sur CANAL+.
atypique d’un gosse de Brooklyn devenu superstar. C’est certainement l’un des artistes les plus doués de sa génération, Jean-Michel Basquiat, né à Brooklyn en 1960, est parvenu en quelque années à devenir un artiste majeur de la pop culture. Artiste avant-gardiste, pionnier du mouvement underground et meilleur ami d’Andy Warhol, Jean-Michel Basquiat a été l’un des artistes américains les plus influents du XXème siècle.
LFC MAGAZINE | #7 | 179
Le documentaire, diffusé sur ARTE il y a quelques jours, pose une question existentielle : était-il un génie torturé et autodestructeur ou fut-il entraîné malgré lui dans la spirale mortifère de la gloire et de ses excès ? L’exposition "Basquiat. Boom for real" sera présentée à l’automne à la Fondation Louis Vuitton.
Le documentaire Jean-Michel Basquiat, la rage créative est disponible en replay sur ARTE jusqu’au 26 mars 2018.
LFC LE MAG :
RENDEZ-VOUS ENTRE LE 29 MARS AU 2 AVRIL 2018 POUR LFC #8 Cela semble impossible jusqu'Ã ce qu'on le fasse. NELSON MANDELA