FICHE ENSEIGNANT UN FILM POUR TOUS 2012/13 ème 3 trimestre - Cycle 3
L’ARGENT DE POCHE Un film de François Truffaut I France I 1976 I 1h44
A Thiers, dans le Puy de Dôme, une poignée d'enfants vivent les dernières semaines de l'année scolaire en attendant les vacances avec impatience. Patrick Desmouceaux, Laurent Riffle, Richard Golfier, sans oublier Martine, les frères De Luca et un nouvel élève bien mystérieux, Julien Leclou, tous vivent à leur rythme et donnent une âme à cette petite ville où les deux instituteurs, Mlle Petit et Mr Richet tentent tant bien que mal de capter leur attention à l'approche de l’été.
1/ UN FILM A LA MESURE DE L’ENFANCE 14 ans après son premier long métrage Les 400 Coups qui s'attachait à l'enfance d'Antoine Doinel, double cinématographique du cinéaste, François Truffaut concrétise un nouveau projet autour de la cause des enfants et s'attache cette fois à une multitude de protagonistes. Développant une structure mosaïque qui donne corps à tous les âges de l’enfance1, l'Argent de poche compose une succession de portraits poétiques et naturalistes, tour à tour drôles et tragiques, et cristallise, dans un geste intime, les propres souvenirs du réalisateur. ▪ Un film qui a la vitalité de l’enfance À la suite du prologue de la carte postale de Martine, personnage que nous retrouverons à la fin du film dans la colonie de vacances et dans les bras de Patrick, la mise en scène s'anime avec une foule d'enfants qui déferle telle une vague dans les rues de Thiers. Dans un ballet de cris et de couleurs, le peuple des enfants entre en scène, innerve les ruelles et prend possession de la ville en même temps qu’il converge vers l’école, espace qui sera le cœur battant du film. La profusion des corps et des couleurs retrouve la composition de l'affiche et du générique final, et les rues de Thiers, comme le cadre de l'image, semblent avoir du mal à contenir tant d'énergie.
1 La naissance (Thomas, le bébé de Mr et Mme Richet), la petite enfance (Grégory a fait boom!), la pré adolescence (les élèves des classes de Mlle Petit et Mr Richet) et l'adolescence (Bruno Rouillard, le dragueur du cinéma).
Placée au cœur du dispositif cinématographique, l’enfance occupe tout l’espace, assume tous les points de vue. Elle est le personnage principal de ces chroniques, tandis que l'univers des adultes n'en est que la toile de fond. Bien sûr, certains adultes se démarquent par leur ascendance positive ou négative, mais l'Argent de poche s'attache à mettre au premier plan les expériences des enfants, leurs moments simples («les enfants s'ennuient le dimanche ») et leurs bêtises (les frères De Luca coupent les cheveux de Golfier), les épreuves tragiques qui les frappent (l'enfance maltraitée), les jeux de séduction (le vaudeville final entre Patrick et Martine) ou les jeux de pouvoir (les frères De Luca qui font les marlous dans la cour de récréation). Le tout emporté par une mise en scène énergique et bienveillante qui jamais ne juge aucun des personnages. ▪ L’espace et le temps : des enfants bâtisseurs Les enfants sont les véritables constructeurs des espaces et des temps du film. Le monde ainsi déployé ne s'en trouve pas réduit mais grandit au contraire à l'échelle de l'enfance qui en devient son étalon, son unité de mesure. Le film est tourné durant les vacances d'été 1975 avec les enfants de la ville et le récit se déroule sur les derniers mois qui précédent les grandes vacances. Le temps du tournage et le temps du récit sont donc organisés autour du temps scolaire. Les espaces publics sont sollicités et, détournés, font office de lieux d'apprentissage : l'école, bien sûr, mais aussi la salle de cinéma, la colonie de vacances, la fête foraine, les rues et boutiques de Thiers deviennent le cadre des observations, des rencontres et déambulations de Julien, Patrick et des frères De Luca. La caméra s'immisce également dans l'intimité des foyers pour révéler l'enfance dans tous les lieux qu’elle habite, dans tous les milieux familiaux (du plus modeste au plus bourgeois), tous les modèles éducatifs. On croise ainsi des personnages indépendants comme les frères De Luca qui courent les rues (leurs parents n'apparaîtront qu'un bref instant dans la salle de cinéma), d'autres qui semblent étouffés par l'amour maternel (Laurent Riffle, le fils de la coiffeuse) ou par l'autorité paternelle (Sylvie la fille du commissaire). Qu’ils soient élève, frère, fils, amoureux, seul, en communauté, riche ou pauvre, aimé ou maltraité, tous les statuts de l'enfance sont incarnés. Outre les espaces, c'est le temps des enfants qui construit et organise le temps cinématographique du film, différent du temps réel. Celui-ci s'étire lorsque les personnages s'ennuient (Julien errant la nuit dans la fête et glanant pièces et objets au petit matin) et s'accélère lorsqu'ils sont voraces et pleins d'énergie (Patrick dévorant le repas de madame Riffle). Le plus bel exemple de ce temps élastique est peut être la séquence où Patrick, dans un suspens hitchcockien, attend la sonnerie de la délivrance. On le retrouve assis en classe, incapable de répondre à la question de Mlle Petit, regardant avec angoisse l'horloge depuis la fenêtre. Dans une confrontation triangulaire, le montage alterne des plans de plus en plus serrés sur Mlle Petit, Patrick et l'horloge jusqu’à ce que la sonnerie de 16h30 fasse exploser la tension dans une nuée d'enfants joyeuse et désordonnée (les élèves, filmés dans une plongée radicale, sautent par-dessus tables et chaises pour se diriger vers la sortie), révélant simultanément le soulagement de Patrick et la victoire du temps des enfants sur celui de l'institution.
▪ La conquête de l’autonomie Les questions de la dépendance et de l’autonomie sont au cœur du film. Le titre même et ses résonances tout au long du récit questionnent la place de l'enfant en tant qu'être social. Le rapport à l'argent, la façon de le gagner et de le dépenser marquent les caractères mais aussi les liens entre les personnages. Patrick dépense en jeune homme romantique, achète des livres ainsi qu'un bouquet de roses rouges pour déclarer son amour ardent à madame Riffle. Pour gagner cet argent et tenter de conquérir le cœur de la belle (amoureuse ou mère de substitution), il lave tous les dimanches la Mercedes du voisin. Alors qu'il termine sa tache à l'arrière de la voiture, il ne voit pas Julien qui dérobe discrètement le bouchon du radiateur. Pour avoir de l'argent dans ses poches, certains enfants travaillent, d'autres volent (Julien fait les poches à la récréation), magouillent (les frères De Luca extorquent mille balles à Golfier en s'improvisant coiffeurs), glanent des pièces sur le bitume les lendemains de fête ou demandent à leurs parents. Au-delà de l’autonomie financière, le motif de l’argent renvoie à une quête plus grande encore, celle de la l’émancipation. Certains enfants naissent les poches pleines, d’autres les poches vides. Certains parviennent à se les remplir parce qu’ils ont reçu toutes les ressources et le potentiel d’amour et d’éducation suffisant. Et si certains recourent à des voies malhonnêtes, la caméra de François Truffaut ne les juge pas différemment des autres. Pour tous, il s’agit de grandir avec les moyens dont on a été doté.
2/ UN FILM MOSAÏQUE ▪ Film à sketches, scénario patchwork, richesse des personnages et des genres Le film présente une structure de film à sketches en mettant bout à bout des scènes du quotidien. Pour imaginer et construire ce scénario, François Truffaut va puiser dans les pages des faits divers, dans sa vie et dans celle de ses proches. Il en résulte un véritable patchwork composé d'une multitude de personnages, de lieux, de situations, de caractères, de couleurs et de tons. Tous les genres cinématographiques sont aussi convoqués, déroulant une riche palette d’émotions qui fait passer le spectateur du rire aux larmes, de l'angoisse à la douceur. Parmi les genres, citons, entre autres, le film noir (le dévoilement progressif du secret de Julien), le néoréalisme (description des conditions matérielles d'existence de chaque famille), le burlesque (les enfants qui matent), le film romantique (Patrick et Madame Riffle) ou bien encore le vaudeville (Patrick et Martine dans la séquence du baiser final). ▪ Du portrait naturaliste aux figures du conte Tourné en décor réel avec les enfants de Thiers, qui portent quasiment tous leur nom de ville à l’écran, L’Argent de poche est profondément ancré dans son époque. Pour dresser ce portrait documenté de la France de 1976, le film s’appuie sur des indices économiques (la leçon de géographie sur l'industrialisation) et sociologiques (la répartition des taches au sein du foyer, l'évolution des mœurs, les méthodes pédagogiques de Mr Richet et de
madame Petit, le début de l'école mixte). À l’instar de certains élèves à la veille de leur adolescence, la France de la fin des trente glorieuses est un corps en pleine transition. Sans jamais perdre de vue cette dimension naturaliste (des enfants qui jouent, s’ennuient le dimanche, des enfants chez eux ou à l’école), l'Argent de poche arpente également le territoire du merveilleux. François Truffaut convoque tous les motifs du conte, ses espaces et ses personnages. La cabane en bois, antre de l'ogre dans lequel jamais ne pénètre la caméra, abrite une sorcière repoussante aux cheveux ébouriffés et cendrés. Le voile de lumière douce et de couleurs pastel confèrent à Madame Rifle l’aura surnaturelle d’une bonne fée. Nous croiserons même la route d’une princesse abandonnée dans sa tour, la jolie Sylvie criant «j'ai faim!» à la cantonade et qui, à défaut d'un prince charmant, obtiendra un panier de victuailles. Outre ses espaces et personnages, la mise en scène emprunte au conte sa dimension cathartique, sa capacité à transfigurer la violence. Lors de la visite médicale et de la découverte des marques de coups et de brûlure, la caméra reste à distance du corps de Julien et préfère rejoindre, en caméra portée, le parcours affolée de l'infirmière. La violence de la situation de Julien reste hors champ. Dans un geste pudique et respectueux, la mise en scène préfère ici donner à comprendre plutôt qu’à voir.
3/ LA PART AUTOBIOGRAPHIQUE Dans ce film composite, trois parcours se dégagent et révèlent, ensemble, la part autobiographique : François Truffaut y livre une part de son enfance douloureuse, son éducation sentimentale et son rapport au cinéma. ▪ L’enfance et l’adolescence de François Truffaut Né le 6 février 1932 à Paris, d’une fille mère qui jamais ne l’acceptera, François Truffaut connaît une enfance solitaire ponctuée d’échecs scolaires, de fugues et de petits larcins. Il trouve refuge dans la littérature et dans le cinéma, qui, de son aveu même, l’empêcheront de devenir un voyou de Pigalle. Ses fugues et ses journées d’école buissonnière le mènent dans les cinémas de Paris où il se découvre une véritable passion. À 14 ans, il s’endette pour fonder un ciné-club, qui ne survit pas à la première séance. En 1946, suite à une nouvelle fugue, il se retrouve au Centre d’observation pour mineurs délinquants de Villejuif. Fuyant une peine d'amour, il se porte volontaire en 1950 pour l’Indochine ; mais il déserte aussitôt et se retrouve en prison. C’est là que qu’André Bazin le recueille et l’encourage à poursuivre ses écrits sur le cinéma. Truffaut considèrera le grand critique comme un père et lui dédiera son premier long métrage, Les 400 Coups. ▪ Patrick et les Baisers volés Julien et Patrick incarnent deux figures opposées de l'enfance : dans leur corps (blond/brun), leur caractère (l’un affable, loquace et délicat; le second mutique), leur situation familiale (l’un sans mère, l’autre sans père), la nature de leur foyer (aimant/violent). Mais ce sont aussi deux figures gémellaires : aucun n'apprécie l'école, ils sont tous deux fils de parents immobilisés et
surtout, ils assument ensemble la double part d'enfance du cinéaste, à la fois sombre et lumineuse. Patrick Desmouceaux emprunte une part de son caractère à Antoine Doinel, double de cinéma de Truffaut mis en scène dans les 5 films de La saga Doinel2. Sa douceur, ses traits lumineux, son langage (« je vous remercie pour ce frugal repas ») sa timidité et son romantisme échevelé incarnent l'éducation sentimentale et l’éveil à la sexualité de l’auteur, qui, comme lui fut élevé sans mère, et développa une certaine aversion pour l'école en même temps qu'un goût immodéré pour la littérature. ▪ Julien Leclou, l’enfant sauvage Face à Patrick, autre double de Truffaut : Julien, l'enfant sombre. Sa première apparition le dévoile dans un travelling vertical lent et consciencieux qui épouse le regard du concierge. D’un seul mouvement de caméra, nous comprenons la réalité économique du personnage : ses chaussures, ses vêtements et son cartable sont élimés et troués, son visage sale, ses cheveux longs sont ceux d’un garçon qui se le coupe lui-même. Quelques instants plus tard, les mots du directeur (« il s'agit d'un cas social») confirmeront notre appréhension. Julien est un personnage dont la solitude est sans cesse mise en exergue par des cadrages qui l’isolent du reste de la communauté, dans la classe, comme dans la ville. Souvent filmé seul dans de longues errances (lors de la fête foraine), jamais il ne nous laisse pénétrer son intimité. La caméra marque cette distance lors des entrées et sorties de la maison par la valeur de cadre, très large, qui diminue le personnage et nous le rend inaccessible. Son costume rayé, les planches en bois de son foyer, son corps saisi derrière le grillage de l'école, tous ces motifs enferment le personnage. La famille et l’école sont pour Julien une prison. ▪ L’instituteur Mr Richet Troisième alter ego, troisième double de cinéma : Mr Richet, l'instituteur. Véritable « tuteur » auprès duquel poussent les enfants, le personnage est sans cesse filmé dans des espaces ouverts (sa classe, son appartement). Contrairement à Julien, tout le monde peut pénétrer dans son univers, il n'y aucune frontière entre sa vie privée et professionnelle (il embrasse sa femme derrière la porte de la classe, annonce aux enfants sa paternité, accueille le petit Grégory chez lui). A l'image se son appartement, c'est un homme ouvert sur le monde, en état de curiosité permanente, qui ne cesse de se construire et d'apprendre. A l'issue du bouleversement de la visite médicale, les deux classes réunies dans sa salle, il fait part aux élèves de son histoire personnelle dans un long monologue qui a valeur de discours politique. Dans ses mots et par sa voix, c'est François Truffaut qui s'exprime. Pour l'un comme pour l'autre, l'enfance douloureuse et malheureuse détermine l’engagement pour la cause des enfants. Devenir instituteur permet à Monsieur Richet de panser ses blessures en agissant sur le monde. Devenir cinéaste fut, pour François Truffaut, plus qu'un acte de résilience, la condition de sa survie et le moteur de sa vie.
2
Les Quatre Cents Coups (1959), Antoine et Colette (1962), L'amour à 20 ans, Baisers volés (1968), Domicile conjugal (1970) et l'Amour en fuite
(1979).
Un film pour tous
Année scolaire 2012/2013
Titre ----------------------------------------------------------------------------------------------------
Réalisateur ---------------------------------------------------------------------------------------------
Année de réalisation ----------------------------
Avant la projection L’argent de poche -
Que signifie pour toi « l’argent de poche » ? En reçois-tu ? A quoi te sert-il ? D’où te vient-il ?
Hypothèse narrative : - à partir du titre et au terme de cette discussion, imaginer des histoires possibles.
Compléter ce travail en émettant des hypothèses à partir de l’affiche -
La composition Les couleurs Les personnages (leur âge, leur nombre, leur position, leur regard par rapport à l’objectif) Le cadre La typographie Le lieu : où sommes-nous ?
François Truffaut -
Effectuer des recherches sur ce cinéaste et sur sa filmographie notamment ses films sur l’enfance : les 4oo Coups, L’enfant sauvage. Rechercher des éléments sur son enfance qui permettront de saisir la part autobiographique du film.
La France du milieu des années 70 -
Se procurer des photos pour observer les moyens de locomotion et la mode vestimentaire de l’époque. Effectuer des recherches sur l’histoire de l’école publique en France. Visiter le musée de l’école publique à Saint Clar (Musée de l’Ecole publique, Tél. 05 62 66 32 78 / musee-de-lecole-publique@wanadoo.fr)
Après la projection Se souvenir des personnages : tous les âges de l’enfance Retrouve le nom de son personnage et donne-leur un âge Patrick Desmouceaux - Julien Leclou - Mathieu et Franck De Luca - Sylvie - Bruno Rouillard Le petit Grégory - Martine - Thomas le fils de l’instituteur
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Julien et Patrick
En t’aidant de ces quelques images, compare Patrick Desmouceaux et Julien Leclou.
Patrick Desmouceaux
Vêtements
Physique
Famille et foyer
Caractère
Julien Leclou.
Comment sont-ils à l’école ? _____________________________________________________________________
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Sur ces deux images, comment trouvent-ils de l’argent et qu’en font-ils ? :
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Un film comme un puzzle Regarde les images ci-dessous. Si chacune était un film, quel titre lui donnerais-tu ? La séance de cinéma
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Gregory a fait boum ! - Le 1er baiser de Patrick
Golfier se fait couper les cheveux -
Le vol de Julien - Sylvie a faim !
L’accouchement de Madame Richet - Le petit déjeuner des frères De Luca
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Bientôt 16h30... Qu’attend Patrick ?
A quoi le vois-tu ?
Image 1
Quel mouvement a fait la caméra entre l’image 1 et l’image 3 ?
Image 2
D’après toi, pourquoi ?
Comment est filmée l’horloge dans l’image 4 ? Image 3
Pourquoi ?
Quelles sensations te donnent l’échelle, les Image 4
Image 4
couleurs, l’angle de prise de vue de l’image 5 ?
Photos de tournage Voici quelques photos de tournage avec le réalisateur François Truffaut et ses comédiens