MONTRÉAL MIROIR DU MONDE | CURATING THE CITY
MEXICO / MONTRÉAL N° LA VILLE EST À NOUS
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NILTZE! pour mécrire lea@cittamagazine.ca
Bam ! Ce nouveau numéro de CITTÀ déballe 84 pages et arbore un thème : la ville est à nous. De la même manière que les engagements les plus profonds sont généralement les moins bavards, il faut parfois dire haut et fort ce que l’on croit tout bas pour être compris. C’est particulièrement vrai lorsqu’on est un magazine qui préfère aux autodéfinitions à la mode, ce fil mince entre le trendy et le marginal, le ludique et l’engagé, la création et le commentaire. Il en va de même pour l’action citoyenne : dans un monde où bientôt 50% de la population vivra en milieu urbain, mieux vaut ne pas trop tarder à faire entendre sa voix ; à parler de sa ville, à l’observer, à la dessiner et à la souhaiter – tout ce à quoi sert l’art –, pour ensuite passer à l’action. C’est ce que nous avons fait en partant directement à la rencontre de la capitale qui sert ce printemps de miroir à Montréal : la majestueuse Mexico, autrement appelée el Distrito Federal. Si CITTÀ tend à naviguer en marge du monde médiatique – la presse préférant souvent les gros sabots aux ballerines (cela dit, si vous êtes journaliste et que vous voulez me donner tort, mon courriel est juste en haut) – Mexico, elle, voudrait bien s’en passer : enlèvements, drogue, corruption, meurtres, autant de gros titres qui assassinent l’essence infiniment plus nuancée d’une ville qui, lorsqu’on y vit, ne colle pas du tout à ce portrait. Quel coup de cœur lorsque, sur le rayon d’un café-librairie, nous sommes tombés sur The Subjective Atlas (à découvrir dans nos pages et sur notre site), déconstruisant de la plus belle façon qui soit cet unilatéralisme facile, commun aux médias de masse et aux clichés. Notons qu’à l’autre bout du spectre, il y a aussi tout le contraire : l’image d’un Mexique de palmiers, cerveza à la main et orteils dans l’eau tiède, tandis que des musiciens déguisés en mariachis entament pour la dixième fois une version faussement typique de La Bamba.
ÉDITO • CITTÀ
Non. Mexico est une créature d’une beauté bien trop impétueuse pour qu’on la réduise à du folklore : capitale de la 13e puissance mondiale, société de castes comme il ne s’en fait plus, en dialogue incessant avec son héritage aztèque, dilapidée par son gouvernement, meurtrie par un ALENA qui la saigne (un journaliste de La Tribuna s’était un jour écrié : « Mexico… Si loin de Dieu, et si proche des États-Unis ! »), mais aussi la terre des surréalistes, vouant un amour rare aux intellectuels, dotée de musées pittoresques, d’une cité universitaire avant-gardiste, décalée, spirituelle, et bien sûr envoûtante, depuis son héritage vaudou jusqu’aux montagnes qui dessinent dans la brume lointaine un visage muet ou le corps d’une femme endormie… Une chose est sûre, el D.F. est, comme ses habitants, ambivalent – trouvant dans l’illicite des solutions à l’insoluble, et dans son chaos, un élan créatif intarissable. Il faudrait une vie pour connaître Mexico. Mais, le temps de ces 84 pages, la ville aura au moins été à nous, à eux : aux collaborateurs de là-bas, qui nous ont donné avec application et une pointe d’ironie les clés de leur ville ; et à ceux d’ici, pour qui le voyage s’est fait par le biais de douces utopies, glissant dans l’entre-deux leur réflexion sur Montréal. Amis fidèles et nouveaux lecteurs, merci de croire en ce projet parti de presque rien et qui poursuit son chemin avec passion et conviction. N’en déplaise aux surfeurs de tendances, CITTÀ ne sera jamais le magazine le plus tapageur, le plus hip, ou le plus cool. (En passant, Montréal n’est aux yeux du monde rien de cela). Mais, dans son amour pour l’Autre, il sera sans doute le plus évocateur. Souvenez-vous : quand on fixe son nombril, on rate l’horizon. En bref, la vérité est ailleurs. •
SOMMAIRE
ÉDITO
2 SOMMAIRE
3
BEHIND THE BRAND
SOUNDTRACK #2
CENTRAL DE MAQUETAS
CE QUE L’ORGUE DE BARBARIE N’A PAS TOUCHÉ
32
CONVERSATION
COLLABORATION SPÉCIALE
INSTANT DE GRÂCE AVEC FRANCIS ALŸS
LES CLÉS DE MEXICO
4 COLLABORATEURS
5
60
64
CREATIVE LAB TALENT TIMES THREE
34
PHOTOGRAPHIE ALBUM DE FAMILLE
69
PHOTOGRAPHY FOKUS
MONDE
46
DESIGN MEXICO/EINDHOVEN
6
AN INVENTORY OF BEAUTIES
3
TOUR D’HORIZON
74
REGARD SANTA MUERTE DE MI CORAZÓN
MONTRÉAL/MEXICO PORTRAIT CROISÉ
47
LITTÉRATURE + COLLABORATION PLONGÉE DANS L’IMAGINAIRE MEXICAIN
8
81
CLIN D’OEIL SAFARI URBAIN LA MEUBLERÍA
¡TOPES DE MIERDA!
51
CHRONIQUE
26
LE VOYAGEUR SÉDENTAIRE
82
FASHION MUXES
ART CONCRETE MIRRORS
52
PROCHAIN ARRÊT
28
NOUVELLE LÉGENDE
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VERSION INTÉGRALE SUR CITTAMAGAZINE.CA
CITTÀ • WHAT’S INSIDE
4
COLLABORATEURS ÉQUIPE Éditrice en chef et directrice artistique
LÉA JEANMOUGIN Conception graphique et mise en page
L’ABRICOT P.41 & P. 81
MOURAD MABROUKI P. 19
Julien Boisseau et Catherine Ouellet-Cummings fondent en 2007 L’abricot, une entreprise de design et de communication. De leur union sont nés des dizaines de projets, une passion pour l’impression artisanale et un magnifique fiston.
Originaire de Strasbourg, ancien rédacteur en chef du magazine COZE, Mourad traque les mémoires pour mettre à nu la vitalité culturelle des territoires qu’il traverse. Partout, se laisser perdre dans les rues de la ville, et de la vie.
ANNE-MARIE LAROCQUE
CREATIONSABRICOT.COM
Organisatrice du lancement
OUMAYMA BEN TANFOUS P.52
ANAISE CAMILLIEN Traduction | anglais
NAÏRI KHANDJIAN Traduction | espagnol
RAD TRADUCCIONES Correction d’épreuves
FÉLIX PHILANTROPE NAÏRI KHANDJIAN Vidéastes|Partenaire 0fficiel
RACHEL + MICHEL racheletmichel.com
Née entre un désert de palmiers et la Méditerranée, Oumayma est aujourd’hui photographe à Montréal. Ses photos s’inspirent des personnes rencontrées durant ses voyages. Une sélection de ses clichés est disponible sur The Print Atelier. OUMAYMA.CA
YSÉ BOURDON P.23 Née à Edimbourg, élevée à Casablanca, à Istanbul, à Santiago du Chili et à Mexico ; actuellement en escale à Paris, où elle étudie la littérature hispanique et l’histoire à l’École Normale Supérieure.
JONATHAN GARCIA P.25 Musicien, car il n’a rien trouvé de mieux à faire à la fin du secondaire, producteur, car c’est comme ça qu’on définit ceux qui font de la musique électro, et étudiant en psychologie, pour le plaisir. SOUNDCLOUD.COM/JIONY
GENEVIÈVE GUIMONT / PARKA P.38 Architecte cofondatrice de Parka-Architecture & Design, Geneviève est passionnée par les processus créatifs. Avec sa collègue Camille, elle s’intéresse à la relation entre l’architecture et son contexte urbain. PARKA-ARCHITECTURE.COM
GILBERTO HERNÁNDEZ P 26 & P.60 Directeur photo basé à Mexico et amoureux de la pluridisciplinarité, Gil collabore constamment avec des artistes dans les arts graphiques, l’édition, la musique et la peinture.
MANUEL BUERNO P. 4, P.26 & P.51 Cofondateur de Macolen (imprimerie), Pesca al Curricán (atelier de graphisme) et de Espacios libres para hacer cosas (« Espace libre pour faire des choses »). Manuel est bélier . Il aime les promenades sous la lune ; sa couleur est le noir. ELHC.INFO/EN/
Photographe de l’événement
JEAN-MICHAEL SEMINARO Merci à notre partenaire
JUAN CARLOS CANO P. 15 Juan Carlos est architecte et cofondateur du studio CANO|VERA, à Mexico. Son travail est principalement axé sur les questions urbaines et les projets résidentiels. Il est aussi l’éditeur de Mangos de Hacha Press. CANOVERA.COM MANGOSDEHACHA.ORG
et merci à Daniel Diaz Adèle Flannery Marie-Pierre Savard Yves Jeanmougin Carole Provencher Manuel Bueno Botello Gilberto Hernández Mariel Calderón Mariscal Alejandra Acosta Chávez Meiru Ieva Balode Lee Champman Rémi Castonguay Dolorès Contré Serge Rock Jessie Payette François Laurent Alejandro Farah Nicole Petiquay Nicole Gaby Joannette Catherine Chevallier et toute la famille Bourdon En couverture : Ciudad Miniatura par Gilberto Hernández , Mexico, mars 2014. CITTÀ Vol. 1, Numéro 2, Avril 2014. Imprimé à Montréal par Impart Litho à 500 exemplaires. CITTÀ est un magazine auto-financé et publié par Éditions Circéa. Distribué par LMPI.Fontes : Knockout, Vendetta. Tétiêre : Franchise. Le contenu de CITTÀ ne peut être reproduit sans permission de l’éditrice. CITTAMAGAZINE.CA
NOUS ÉCRIRE CIAO@CITTAMAGAZINE.CA
VALERIA CUERVO GUERRERO P.13 Anthropologue et ethnologue féministe et écologiste, Valeria se spécialise dans la construction identitaire. Elle travaille actuellement sur l’impact d’un groupe environnemental communautaire dans un quartier populaire de Mexico.
CHARLOTTE DANOY KENT P.52 Charlotte aime raconter des histoires. Basée à Paris et Montréal, ses études en stylisme et son expérience comme scénographe l’ont naturellement conduite vers la direction artistique.
MARIANNE DUBREUIL P.52 Diplômée en design de mode et en communication, Marianne est styliste à Montréal. Fascinée par la beauté sous toutes ses formes, même les moins reconnues, c’est naturellement que son instinct créatif la guide vers une exploration de la féminité.
MARTA MASFERRER P.11 Marta est architecte diplômée à Barcelone. En 2011, elle obtient une bourse dans le programme de muséologie au CCA de Mont- réal. Depuis août 2012, elle collabore avec l’Atelier Christian Thiffault dans la conception et le développement de projets urbains.
MARIE OZANNE / CARAVANE P. 47 & P.82 Marie est une photographe française basée à Bruxelles. Son goût pour les nouveaux horizons l’a amenée à photographier dans différents pays, notamment au Mexique où elle a vécu trois ans. Elle est l’une des fondatrices du collectif CARAVANE, créé en 2009. MARIEOZANNE.COM COLLECTIF-CARAVANE.COM
RAD
CÉCILE JAILLARD P.10 Cécile est étudiante en didactique visuelle à la Haute École des Arts du Rhin, à Strasbourg. Mis à part l’illustration, l’édition et la photographie, elle aime aussi bricoler et voyager.
RAD TRADUCCIONES est une entreprise de traduction basée à Mexico, qui aime répondre aux besoins de communication de ses clients dans une ambiance jeune et amicale. FACEBOOK.COM/RAD.TRADUCCIONES
CECILEJAILLARD.TUMBLR.COM
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jeanmichaelseminaro.tumblr.com
COZE.FR
SOL RÍOS P.32
MILOZS JURKIEWICZ P.21 Défenseur d’une compréhension rigoureuse et pan-disciplinaire de l’architecture, des médias et du design ; chercheur de nouvelles idées et de concepts ; fan de la pensée critique.
Designer industrielle, amatrice de chats, de musique, Sol vit à Mexico. Elle aime la poterie et les bijoux, et a dernièrement été la collaboratrice graphique de la marque mexicaine María Victoria. MVSTORE.COM.MX
MILOSZJURKIEWICZ.COM
MARIE-PIERRE SAVARD P. 14 & P.69
ROXANE LAGORD P. 18 & P.22 Issue des arts appliqués, Roxane poursuit sa quête d’esthétisme à travers le design graphique et différents projets personnels. Après une première collaboration pour l’identité du N°0 de CITTÀ, on découvre ici une vision plus personnelle de son travail. CARGOCOLLECTIVE/SY
NATALIA LARA DIAZ-BERRIO P. 28 Avide de voyages, d’images et de mots, Natalia est une artiste visuelle mexicaine basée à Montréal. Diplômée des Beaux-Arts à Mexico et à Montréal, elle a participé à des résidences d’artistes en Italie et en Turquie. NATALIA-LARA.COM
CLAUDE LAVOIE P.82 Claude aimerait bien retenir le temps qui passe. Il aime flâner en voyage ; il pratique la photographie parce qu’elle est un bon prétexte pour converser avec les gens. Autrement, il court, il court...
Photographe et exploratrice, Marie-Pierre vit à Montréal, bien qu’elle se retrouve très souvent sur la route, à vélo. Son moteur ? Un désir de sortir des sentiers battus et d’ouvrir un dialogue avec l’autre, ici comme ailleurs. MARIEPIERRESAVARD.COM
CLOÉ ST-CYR P. 17 Diplômée en design industriel en 2012, Cloé s’intéresse à l’influence des matériaux dans l’expérience sensorielle, et a travaillé sur les rituels mortuaires pour la designer Diane Bisson. Elle est présentement assistante scénographe chez Moment Factory.
MOHAMED THIAM P.35 & P. 24 Designer, artiste et créateur, Mohamed, d’origine sénégalaise et né en Arabie Saoudite, mène une quête perpétuelle pour enrichir un vocabulaire visuel unique cultivé sur quatre continents. MOMOGOODS.COM
CLAUDELAVOIEPHOTO.COM
CITTÀ • CONTRIBUTORS
ROME
MONDE • TOUR D’HORIZON
LISBONNE
LA VILLE EST À ELLES
Faisant directement écho au thème de ce numéro, CITYHOUND investit les rues de Rome et bientôt, espéronsle, celles de nos contrées ; fondé par les architectes Eliana Saracino, Nina Arioli et Alessandra Glorialanza, le projet se saisit de la crise urbaine en proposant aux citoyens l’utilisation temporaire d’espaces urbains non utilisés. Véritables perles oubliées dans une ville dont la beauté n’est plus à dire, ces espaces sont « activés » par tout artiste, citoyen ou rêveur qui a un besoin et une vision. Pour sa crémaière romaine, CITY-HOUND a travaillé main dans la main avec la municipalité pour mettre directement en relation les propriétaires des lieux et les utilisateurs, faisant du réseau social une « archive d’expériences » qui servira de référence à celles et ceux qui voudront activer un espace. CITTÀ souhaite longue vie au projet, et beaucoup d’émules. • TSPOON.ORG/CITYHOUND
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MERCI À HERVÉ GLOAGUEN ©
PARIS
Cette année, le Portugal célèbre les 40 ans de sa Révolution des Œillet (en 1974, après deux ans de luttes populaires accrues par l’échec de la guerre coloniale, le pays renversait la dictature de António de Oliveira Salazar et s’ouvrait au monde après 41 ans d’isolement) ; l’occasion pour nous de poser notre regard sur Lisbonne. Historiquement tournée vers l’horizon à cause de sa position atlantique, l’unique capitale « océane » de l’Europe a connu les grandes explorations de Vasco de Gama, puis une autre sorte d’émigration – économique surtout – en très forte recrudescence depuis la crise de 2009 : sans grandes perspectives d’avenir, les universitaires, suivis des artistes et des travailleurs, finissent par partir. Cette saignée intellectuelle qui va jusqu’à être encouragée par le gouvernement portugais ne donne que plus de mérite aux projets qui décident de rester. Parmi eux, ExperimentaDesign : fêtant ses 15 ans cette année, l’organisme propose des projets de développement en design, en architecture, et en culture du design, dont la Biennale de Lisbonne, pour questionner et créer des réponses à une société qui, par ailleurs, a tout d’une grande nation. • EXPERIMENTADESIGN.PT
TOUR D’HORIZON • CITTÀ
MERCI À PABLO LÓPEZ LUZ©
DOUBLE ANNIVERSAIRE
50 ANS D’IMAGES
Paris, vers qui CITTÀ jette souvent un petit coup d’œil, histoire de saluer les cousins. Cette fois, c’est que l’événement nous touche directement : de novembre à avril, la fondation Cartier a présenté l’exposition America Latina 1960-2013, une plongée dans un continent qui a produit, de la révolution cubaine à nos jours, une quantité considérable de clichés d’autant plus fascinants que leur contexte de production reste souvent méconnu. Le corpus étant à peu près aussi vaste que le territoire, c’est à travers l’angle de la typographie, et de sa relation à l’image, que le commissaire et éditeur Alexis Fabry a décidé de présenter les travaux. Son aventure française désormais terminée, l’exposition fait cap vers Puebla, au Mexique, pays de l’un de ses participants, le photographe Pablo López Luz, qui est également l’un des artistes invités de l’exposition MEXICO MICRO/MACRO, présentée à lasoirée de lancement de CITTÀ N°2. • FONDATION.CARTIER.COM
MERCI À CHRIS CUNNINGHAM ©
KIEV MERCI À STUDIO T SPOON ©
ART COLLATÉRAL
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Impossible de faire un tour d’horizon sans évoquer Kiev. Marquée au fer rouge par les récents événements de l’EuroMaidan, elle inspire pourtant par sa résilience et nous rappelle, à nous, habitants d’une ville ou l’on crée librement et dans le confort le plus total, le pouvoir cathartique de l’art. Ainsi, Kiev a souvent vu des artistes prendre le pinceau plutôt que les grenades ; on pense notamment au peintre Maksym Vegera, immortalisé par un photographe de l’AFP assis à son chevalet, à seulement quelques mètres des tirs. Avec légèrement plus de recul (quoique pas beaucoup), l’œuvre New Ukraine du street artist Roti est quant à elle devenue un symbole de la résistance : sculptée dans du marbre rose, la pièce montrant une femme surgissant de l’eau et placée (illégalement) sur la Place de l’indépendance le 7 janvier dernier, sert désormais d’autels aux fleurs, aux rassemblements et aux messages d’espoirs d’une ville et d’un peuple qui n’en finissent pas de pousser, tous ensemble, un cri de liberté. •
RIGA LA NOUVELLE BERLIN
MERCI À KRISTINE MADJARE ©
Vous ne sauriez placer Riga sur une carte ? Cela va changer. Succédant à Marseille comme capitale européenne de la culture, la plus grande ville de Lettonie, sortie il y a à peine 20 ans de l’occupation russe et mue d’une soif de création enracinée dans un fort activisme communautaire, rappelle Berlin, il y a 10 ans. Selon le couple d’artistes Ieva Balode et Lee Chapman, cela s’explique par une « absence de réel marché d’art », faisant de tout acte créatif un geste absolument libre. Mais aussi, et plus étonnamment, par sa géographie : il n’y a à Riga pas de « quartier artistique » ; c’est toute la ville qui sert de canevas aux artistes. Dans les incontournables, citons l’espace Totaldobže, d’anciennes usines reconverties en lieu d’art accueillant des nuits de poésies, de théâtre et de musique, le centre d’art Kim ? (bientôt un musée), ou encore le festival Survival Kit, mariant art et sociopolitique. L’année dernière, le festival avait accueilli le projet Occupy Me, proposant de placarder des autocollants jaunes sur tous les bâtiments abandonnés de la ville (CITY-HOUND n’est pas loin !). L’édition de cette année aura pour thème La ville utopique – titre opportun pour une ville qui offre à l’Europe un potentiel de création comme il ne s’en fait presque plus.• SURVIVALKIT.LV | RIGA2014.ORG
Pour comprendre comment ces créateurs naviguent dans un pays en crise, et pour aller à la rencontre de la grande communauté portugaise de Mont- réal, Lisbonne sera la prochaine escale de CITTÀ.
CITTÀ • TOUR D’HORIZON
PORTRAIT CROISÉ • MONTRÉAL/MEXICO
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UNE IMAGE VAUT MILLE MOTS Pour ce numéro deux, le portrait croisé change de tête. Détournant quelque peu l’adage, nous avons proposé à des artistes, des chercheurs et des architectes d’aborder, en 1000 mots, et sous la forme qu’ils désiraient, quelque chose à propos de Montréal ou de Mexico. Puis, CITTÀ d’y répondre en commissionnant une image. Car si l’on dit qu’une image vaut mille mots, peut-être mille mots valent-ils une image ? Ou peut-être n’y a-t-il pas d’équivalence possible, toute interprétation étant histoire de subjectivité. Soit. Dans ce cas, faisons-nous plaisir, et invitons l’imaginaire à être de la partie. Ce portrait croisé se lit de gauche à droite, de droite à gauche, et surtout entre les lignes. Des œuvres originales de page en page, qui font de l’interstice un espace jubilatoire (parce qu’infini), qui laissent deviner les décalages, les aspérités, mais aussi tout ce qui pourrait être étrangement similaire dans ces deux villes d’Amérique du Nord que tout semble opposer… À vous de voir. Ici, toute piste est la vôtre, et toute déduction est la bonne. Ici, c’est vous qui tirez le portrait.
DOSSIER • CITTÀ
9 CITTÀ • DOSSIER
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HABITAT/HABITATS PAR MARIE-PIERRE SAVARD & LÉA JEANMOUGIN
Quartier de San Juan Ixhuatepec au Distrito Federal (Mexico) / Habitat 67 de Moshe Safdie
DOSSIER • CITTÀ
MEXICO, VILLE AUTOCONSTRUITE PAR JUAN CARLOS CANO TRADUIT DE L’ESPAGNOL PAR RAD TRADUCCIONES
1.
En 1914, personne n’aurait imaginé qu’un petit dessin de Le Corbusier deviendrait le modèle de logement générique le plus reproduit dans les villes au XXe siècle. L’intention de l’architecte suisse était autre : le projet de la Maison Domino était un prototype visant la reconstruction des logements belges détruits par la Première Guerre mondiale. L’idée était simple, créer une structure en béton armé avec les éléments de base (dalles, colonnes et échelles) déjà prêts, les habitants complétant le reste (divisions intérieures, façades, portes et fenêtres). Un modèle de logement susceptible d’être reproduit, solutionnant l’essentiel et laissant aux résidents les décisions formelles. La modernité découvrait l’auto construction.
Mexico a été un drôle de laboratoire. Au cours du XXe siècle, la ville fut en même temps un exemple de modernité et le paradigme de la croissance désordonnée des villes contemporaines. Une ville avec une population de 345 000 habitants en 1900 est devenue une zone métropolitaine complexe abritant aujourd’hui plus de 20 millions d’habitants. Pas surprenant pour les standards actuels, me direz-vous, étant donné que les mégapoles se sont multipliées sur tous les continents et avec une croissance spectaculaire. La population de Shenzhen, par exemple, était de 58,000 habitants en 1980 et a atteint un peu plus de 10 millions en 2010 (mais, comme nous le savons, lorsqu’il s’agit de questions démographiques, la Chine est toujours gagnante). Au milieu du siècle, Mexico a été l’une des premières régions où les urbanistes modernes testèrent leurs utopies. Les conditions étaient appropriées : un pays ouvert aux nouvelles idées, sortant de sa révolution, et une ville avec un taux de croissance annuel de 6 %. Cet ainsi que se sont formulées des propositions urbaines telles que les résidences « multifamiliales », le Conjunto Urbano Presidente Alemán de Mario Pani (finie avant L’unité d’habitation de Le Corbusier à Marseille, La Cité radieuse), ou les excès comme la Unidad de Habitación Nonoalco-Tlatelolco de Pani une fois encore, avec presque 12,000 appartements répartis en 102 bâtiments. La modernité héroïque, la modernité brutale. Mexico, avec son anxiété et sa grandiloquence, est restée bouche bée.
4.
63 % des logements de Mexico sont autoconstruits. Il s’agit de structures édifiées sans réglementation, suivant seulement l’intuition de leurs propriétaires. Ces structures atterissent d’un jour à l’autre sur des terrains vierges, ce pourquoi on surnomme ses premiers habitants les « parachutistes ». L’autoconstruction, dans le fond, a à faire avec l’impossibilité d’appliquer la loi. Deux tiers des terrains où la ville s’est édifiée étaient des ejidos (terrains communs), qui, il n’y a pas longtemps, ne pouvaient pas être vendus, et dès lors que ce fut possible, leur régularisation a été très complexe. Chaque partie du terrain se vend et se revend trois ou quatre fois à la même famille, pour autant, il n’y jamais de certitude que le terrain soit leur propriété. La seule façon de se protéger est donc de construire, puisque le délogement devient alors moins facile. Voilà les règles. Envahir, payer, corrompre, construire et défendre sa propriété. Le far west de territoires qui jadis étaient un lac. 5.
L’autoconstruction est un rituel. Une façon de s’insérer dans le tissu social et urbain, de posséder quelque chose, de grandir. Une image le résume bien : celle des barres d’acier qui dépassent des derniers étages de ces bâtiments. Des barres représentant la foi profonde que la maison à moitié construite aura un jour un deuxième ou un troisième étage. Des barres qui attendent, ornées de bouteilles de soda, qu’un enfant se pique un œil. Le processus de croissance de ces logements a une sorte de douce infinitude, des cellules additionnelles s’ajoutant à la pièce principale quand il y a un peu d’argent ou que la famille s’agrandit. 6.
3.
L’autoconstruction pouvait se comprendre comme l’antithèse de cette utopie moderne ; cependant, il n’en a pas été ainsi. Tout comme la Maison Domino, les mégapoles sont à la fois rationnelles et diverses, la modernité orthodoxe coexiste avec les quartiers irréguliers. Et si la planification urbaine détient une logique inhérente à ses processus, l’urbanisme informel aussi ; il n’est jamais statique, il se réglemente luimême et croît de façon organique. Il touche au libre commerce appliqué à la ville, une leçon d’offre et de demande où les contrôles et les restrictions n’existent pas, où seuls priment le flux naturel de la population et de ses besoins. Les rues deviennent une extension des maisons, les commerces, les terrains de soccer et les écoles commencent à apparaître. La densité de ces quartiers est évolutive, c’est une densité non contrôlée, mais modifiable au fur et à mesure que le quartier le permet et en a besoin. Comme les
Mexico est une ville fragmentée. La vue aérienne est sans équivoque : un réticule abstrait de cubes gris avec quelques taches de couleur. Un regard plus attentif décode que cette abstraction n’est pas si uniforme qu’on pourrait le penser, que les contrastes sautent aux yeux, et on se rend compte que cette ville est en fait une multitude de villes, la somme de fragments d’une société inégale. Une région assez moderne pour créer une ville universitaire exemplaire, et en même temps une multiplicité de rues poussiéreuses où les gens se tuent tous les jours. Hélas, il s’agissait autrefois d’un lac avec deux beaux volcans. Aujourd’hui, le lac n’existe plus, et les volcans sont visibles si on a de la chance, quand l’air n’est pas trop pollué. Hélas, cette ville s’est autoconstruite à sa façon, perdue dans son propre centre. Désordonnée mais flexible, laide mais dotée d’une forte identité : Mexico, pionnière des villes du XXIe siècle, les plus surpeuplées, les plus violentes, les plus injustes, les plus contradictoires, et pour cette raison, sans doute, les plus proches de l’essence humaine.• CITTÀ • DOSSIER
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2.
réglementations n’existent pas, les typologies sont personnalisées : chacun construit ce qu’il peut, comme il peut, et c’est à lui de décider si sa construction sera une maison, un dépanneur ou un dispensaire médical. Le but de la rationalité utopique était de tout avoir sous contrôle, mais la non formalité a démontré que l’anarchie existe aussi, de façon plus complémentaire qu’opposée, et que ces deux forment appartiennent à la modernité.
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GLOBOS Y FLORES PAR DANIEL DÍAZ
Tombe de Jesús López, décédé à l’âge de cinq ans. Jour des morts, Mixquic, 2014
DOSSIER • CITTÀ
OVER MY DEAD BODY PAR CLOÉ ST-CYR
Over my dead body. Il m’est arrivé d’avoir cette expression en tête en assistant à des funérailles. Elle s’est imposée bruyamment, malgré l’émotion profonde qui m’habitait. Provoqué par une absence de repères, un profond vertige s’installait au creux de mon ventre alors que j’échouais à me reconnaître dans la cérémonie solennelle qui se déroulait devant mes yeux. J’ai rapidement compris que le vertige était partagé autour de moi, mais qu’en parler choquerait certains de mes proches. Malgré son caractère commun, un profond malaise persiste autour du deuil. Nous ne sommes pas culturellement outillés pour y faire face. Alors que la mort est la chose la plus naturelle qui soit, l’expérience du deuil, elle, est déroutante et contre-intuitive. La mort, c’est tabou.
Au Québec, les rituels funéraires sont largement teintés et « formatés » par les traditions religieuses, ce qui apparaît tout à fait anachronique pour une génération qui embrasse des formes de spiritualité très éclectiques. Par ailleurs, du fait d’un certain individualisme, une scission s’opère entre les conceptions individuelles et les pratiques collectives. Notre culture commune n’est plus un ciment social pour faire face au deuil. Ce décalage culturel et l’absence de rituels athées entourant la mort nous invitent à faire place à une culture matérielle qu’engendrent de nouvelles pratiques. Le matériel a toujours été notre arme contre l’immortalité. Et si on s’imagine que les objets qui peuplent nos rituels sont la dernière des préoccupations, historiquement, c’est tout le contraire. En effet, c’est entre autres par les vestiges de leurs cérémonies que nous avons appris à connaître les civilisations passées. Elles nous ont laissé des sarcophages, des urnes et des linceuls que l’on peut aujourd’hui observer dans les musées et les livres d’Histoire. L’opulence de certains de ces artefacts et le temps écoulé depuis leur usage fonctionnel nous prémunissent d’une possible tristesse, remplacée par de la curiosité et une certaine contemplation. Or ces objets ont jadis été les porteétendard de la grande émotion qui est la même que celle que nous vivons auprès des vieilles moquettes et des salles d’exposition funéraires fleuries auxquels nous sommes aujourd’hui habitués. Pour pallier l’impuissance qui les habite suite à la perte d’un proche, les endeuillés « se donnent à fond » dans les détails. Alors confrontée au choix du cercueil de son conjoint, ma tante avait eu une réaction épidermique : « C’est pas vrai, mon chum ne passera pas l’éternité entouré de satin couleur pêche ! ». Et elle avait raison de s’indigner. Après tout, ces objets, c’est aussi ce qu’il restera de nous : en plus de participer aux vestiges par lesquelles des civilisations futures nous connaîtrons, ils définiront en partie l’expérience de nos derniers moments dans la mémoire de nos proches. Considérer leur esthétique, s’assurer que leur forme soit cohérente et familière, ce n’est pas futile, c’est salutaire.
Dans un autre ordre d’idées, le collectif mexicain 1050°, dans le cadre de son projet Polvo Somos, propose un mode d’emploi pour colorer de pigments les cendres de nos proches et de créer des urnes de céramique assorties. De toutes les manières de disposer d’un corps, la crémation apparaît logique pour plusieurs : le « nous étions poussière et nous redeviendrons poussière » biblique s’actualise même, selon l’astrophysicien Hubert Reeves, qui nous rappelle que « nous ne sommes que des poussières d’étoiles ». Ce projet, sans doute troublant pour certains Québécois, nous montre qu’une approche différente existe ailleurs, qu’une cérémonie funéraire n’a pas besoin d’être sinistre, mais surtout, qu’il est possible de se débarrasser de certains tabous.
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Pourquoi? Parce que c’est dur. Ce qui est plus dur à accepter que le caractère inéluctable de notre mort, c’est de survivre aux autres. À travers le temps, des mécanismes culturels se sont installés pour nous aider à contrer la paralysie que peut entraîner le choc de la perte d’un être cher. Or, ces rituels n’évoluent pas au rythme où nous générons la culture ; ils sont empruntés et calqués sur ceux d’une génération antérieure et leur remise en question est souvent considérée comme glauque.
Plusieurs artistes et créateurs interrogent les rites funéraires en réinventant sa culture matérielle. Par exemple, dans le cadre de leur projet « The After Life » le collectif AugerLoizeau propose une sublimation du potentiel chimique d’un individu après sa mort en transformant l’acide amassé lors de la décomposition du corps pour en faire une batterie dont l’utilisation sera établie par le testament du défunt.
Bien que l’évolution des rites québécois passe généralement par la laïcisation de sa culture, elle pourrait aussi être inspirée par la rencontre d’autres cultures. Chaque année, des millions de Mexicains fêtent pendant plus de trois jours leurs morts : les déguisements, offrandes sucrées selon les goûts du défunt, têtes de morts peintes, maquillages colorés et autres processions lumineuses des « Días de los Muertos » rassemblent les familles dans une exultation colorée où l’on est heureux de se rappeler d’êtres qu’on aime. Un ami mexicain me racontait que ce contact annuel avec la mort avait aussi pour conséquence un apaisement général par rapport à cette fatalité : « les gens sont plus prêts » me disait-il. Bien que les projets de « réécriture » de la culture matérielle de nos cérémonies aient le mérite de bousculer nos a priori et d’enclencher notre réflexion, leur application reste marginale. Pourquoi ? Est-ce dû à un manque d’ouverture d’esprit, auquel cas il faudrait attendre quelques générations ? Ou bien à notre difficulté à nous approprier de nouvelles pratiques du fait qu’aucune d’entre elle n’est encore assez satisfaisante, assez sensible? Que ce soit les nouvelles formes que prennent les rituels funéraires ou l’approche contradictoire au deuil qu’engendre la culture matérielle ambiante, ce qui cause notre malaise, c’est l’inadéquation entre la somme des approches individuelles et un consensus collectif. Il existe depuis le tout début de la civilisation une malencontreuse scission entre le monde physique et le monde des idées. En nous faisant sortir de la caverne, il y a maintenant plus de deux mille ans, Platon faisait la lumière sur notre perception de l’objet : «Le monde visible ne peut être la source de la connaissance». Et donc, selon ces préceptes édifiants de notre société contemporaine, la raison, et en l’occurrence la connaissance, serait immatérielle. Mais puisque l’évolution des pratiques funéraires passe entre autres par les objets de rites, il faut, je crois, sortir du schème de pensée dans lequel on isolerait l’espace infini et inspiré de l’intellect d’un monde matériel et consumériste, nous donnant à penser que nous ne sommes que simples spectateurs de notre deuil. Au contraire, il faut devenir acteur de notre mort. • CITTÀ • DOSSIER
CONCRETE A MIRROR INTERVIEW BY NATALIA LARA DÍAZ-BERRIO TRANSLATION FROM SPANISH BY NATALIA LARA DÍAZ-BERRIO AND NAÏRI KHANDJIAN
DIEGO NARVÁEZ Industrialisation, mass media, climate change… These are only in their efforts to critique contemporary day-to-day realities. tentionally mirror one another’s work with imagery that starkly to, bridging a gap between these two worlds.
As citizens of big cities, our relationship with the landscape is quite poor: we live it while totally absorbed with ourselves, without really ever knowing it. In my case, the landscape has allowed me to study light, space, transparency and the different densities of matter. My work isn’t critical, it’s sensual. I paint spaces that are cracks in the system, and these spaces are all found in cities. They are impersonal, transitory spaces, spaces that are in construction or abandoned, that are alive, mysterious and changing, all at once. I don’t want to be an ambassador of Mexico City. I prefer creating imaginary realities that can intrigue any spectator. Why do you paint the landscape of Mexico City?
I start by travelling through the city and I look for spaces that interest me. I draw on the spot, and then I work in the studio. I’ll go back to take a second look and often the place will have already changed. I work on black backgrounds, and add elements to it. Gradually I erase certain parts, I create others. I don’t work in a methodical fashion. I work intuitively. What’s your creative process?
Why do you paint snow in a landscape that has never seen any? I personally have seen snow: it snowed in Ajusco 2 for two days when I was five. Since then I’ve been fascinated by snow. In 2011, I did a residency in Antarctica and I am going to Iceland for a few months next year to truly live the cold. The icebergs seemed alive, visually and aesthetically rich. Plus snow allows me to point the finger at climate change and the subsequent changes in landscape. In my painting, the snow creates a narrative set in Mexico City. It’s a tool for the spectator to stop, observe, and question. Is painting snow and ice in Mexico City validating a utopian concept? I’m not inter-
ested in the idea of utopia. I’m interested in the aesthetics of mystery, of the sublime. I want to invent something exceptional in the landscape that invites people to contemplate it, something that inspires a new perception of the daily. Do you believe that painters hailing from Mexico City share any characteristics in particular? I think the majority of painters here take their trade very seriously and
work a lot. They have excellent techniques. The artist must have an internal crisis, searching for new challenges outside of the routine, because comfort leads to stagnation. The nature of the city enables this state of resourcefulness, of renewal. As for the art circuit in Mexico City, it does get good funding. Mexican art is in a good period, internationally. It’s young, it’s transgressing. It’s the city – it pushes us to be in constant movement.• 2
PORTFOLIO • CITTÀ
Ajusco is an extinct volcano South of Mexico City. It belongs to the neo-volcanic mountain range.
ART • MEXICO CITY
CECILIA BARRETO a few of the themes these two young painters have explored Both reappropriate Mexico City’s urban landscape and unincontrasts with the Nordic climate we’re become so accustomed
I’ve always lived in Mexico City and I really love walking around and biking through the city. I think the link between painting and urban landscape is born from this daily experience. My painting references movement, the constant changes in the city. But in my work, the city space is neutralised: there are no elements that are characteristic of Mexico City. Instead, I use a common language linked to large-scale industrialisation. I want to spark a moment of contemplation, a moment of questioning. Why do you paint the landscape of Mexico City?
MIRRORS Detournement of reality
What’s your creative process? I start with a basic drawing and photographs I’ve taken in the city. Then I’ll get some images on the Internet to create collages by silkscreen and painting. I process fragments of the painting in different ways aesthetically, by creating a rupture with the parts that allude to digital aestheticism. I establish a visual canvas where the limit between physical reality and virtual reality is almost imperceptible. It’s my way of commenting on the oversaturation of images, and their loss of value in the context of a consumerist society. Why do you paint billboards, and especially skiers? There are so many billboards in
Mexico City. By including the billboard in the landscape, I’m playing with the notion of a space contained within another space, some mirror play, and simultaneous realities. The billboards allow me to introduce the frame as an isolating element, in the same way that ads potentiate their images by playing with our desires, by creating an illusion. I think the image of skiers attracts me because they’re a beautiful metaphor for controlling one’s own body. And the images of skis contrast with the images of the generic Mexican ad depicting a hot country. This way we confront social consensus and the skiers become fiction. Is painting skiers in Mexico City validating a utopian concept? In my work, I draw
parallels between contemporary advertising and its means of distribution. In that sense, my intention is more so to question our society, rather than to allude to a utopian state. Do you believe that painters hailing from Mexico City share any characteristics in particular? The art scene in Mexico City is hungry, competitive and consuming.
Consequently the artists’ discourses and works are of excellent quality. It’s a city that overflows with art centers, exhibits, museums and other institutions. But there is a lack of support for that culture, especially with the new PRI 1 government (for its initials in Spanish) , which, in my opinion, is contemptuous of art and its importance in our society. • 1
The Institutional Revolutionary Party (PRI) is a right-wing party whose discourse is a mix of nationalism and populism. They were in power between 1928 and 2000, and then again since 2012.
CITTÀ • PORTFOLIO
MONTREAL/QUEBEC CITY • CREATIVE LAB
3 ARTISTS ¬ 3 WORDS = 9 STANDING POINTS BY THE CITTÀ TEAM
A curated collaboration showcasing Quebec talent. Each artist was asked to apply their boundless imagination to create works centred on three evocative words in relation to this issue’s colourful theme.
UNMAPPING TIME
MAP + AZTEC + SCALE
BY MOHAMED THIAM
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MRS PANIAGUA 64 YEARS OLD
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2 children Schooling: No university diplomas Jobs since arrival: blue-collar employee in a textile factory and hairdresser
IN BLACK: the neighbourhoods they wander through
Arrow: where they currently live Diamonds: the places where they hang out CREATIVE LAB • CITTÀ
ANTONIO 43 YEARS OLD No children Schooling: Masters in Administration Jobs since arrival: Instacheck and RBC
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IN BLACK: the neighbourhoods they wander through
Arrow: where they currently live Diamonds: the places where they hang out CITTÀ • CREATIVE LAB
MONTREAL/MEXICO•FOKUS
ROBIN CERUTTI, MEXICO CITY SERIES, 2008
REGARD • MEXICO
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TEXTE ET PHOTOGRAPHIES MARIE OZANNE Véritable phénomène de fétichisme au sein des classes populaires, le culte de la Santa Muerte – considérée comme la plus grande secte du Mexique – a connu un « boom » ces dix dernières années, dans un contexte de recrudescence de la violence, de pauvreté et d’insécurité dans l’ensemble du pays. On lui demande certaines concessions qu’on n’oserait demander à la Vierge en échange d’une offrande parmi ce qu’elle préfère : cigares ou cigarettes, argent, tequila, rhum, chocolats, bijoux en or... Mais la Santa Muerte réclame souvent une contrepartie ; pour les demandes les plus obscures, une faveur concédée ou une vengeance peuvent avoir pour conséquence la maladie ou la disparition d’un proche. À l’origine, la sainte patronne de tous ceux qui pratiquent des activités illicites ou marginales, elle compte toujours parmi ses adeptes des prisonniers, des prostituées ou des travestis, mais attire également des familles entières qui ne se reconnaissent plus dans une pratique orthodoxe du catholicisme. • CITTÀ • REGARD
¡SALUD! PLONGÉE DANS LE MONDE DES SPIRITUEUX MEXICAINS AVEC TEQUILART
Si on vous dit « alcool mexicain », vous répondez ? Bière et tequila. Or, l’art des spiritueux mexicains a bien plus de couleurs à sa palette. Avec ses cépages séculaires et ses techniques d’extraction du jus d’agave et de maguey remontant aux Précolombiens, puis développés par les missionnaires espagnols au moment de la conquête, le Mexique s’impose aujourd’hui comme une référence de la distillerie en Amérique. Promouvoir ce savoir-faire et ces produits, c’est la mission de Tequilart, une compagnie spécialisée dans l’importation des alcools et des spiritueux mexicains sur le marché canadien. Nous avons rencontré sa fondatrice, Olga Aguirre.
« Tout a commencé lorsqu’on a vu qu’il n’y avait pas de bons vins et spiritueux d’origine mexicaine dans le réseau de la SAQ », nous confie-t-elle. « La production du mezcal est un art extrêmement raffiné et qui mérite d’être connu, tout comme la variété des alcools qui en sont issus. Par exemple, on ignore souvent que la tequila est un mezcal, produit à partir du jus d’agave bleue. »
« On connaît peu le vin mexicain, explique Olga. Pourtant, les plus anciens vignobles d’Amérique, comme Casa Madero, sont mexicains. Les Espagnols avaient introduit deux cépages rouges en Nouvelle Espagne. Ces cépages sont devenus un hybride bap-
ENVIE DE VOUS LANCER ? VOICI LES DEUX COKTAILS PROPOSÉS PAR TEQUILART POUR LE LANCEMENT DE CITTÀ N°2
• 1 OZ. TEQUILA 100% AGAVE • 1/2 OZ. CRÈME DE CASSIS • 2 OZ. JUS DE POMME • 1/2 OZ JUS DE CITRON
À BASE DE MEZCAL
EL MAYA
EL DIABLO
À BASE DE TEQUILA
• 1 OZ. MEZCAL BENEVÁ AÑEJO • 1 OZ. JUS DE CANNEBERGE • 2 OZ. LIQUEUR DE PAMPLEMOUSSE • 2 TRANCHES DE CONCOMBRE • 2 TRANCHES D’ORANGE • SEL DES ÉPICES MAYAS
S’imposant comme référence de l’importation de ces produits, Tequilart répond à une tendance palpable : un retour aux techniques ancestrales né d’un renouveau de la gastronomie mexicaine qui ne cesse d’attirer sur elle de nouveaux regards, au Québec et dans le monde. « Le Mexique vit une révolution gastronomique, nous confirme Olga, les gens ont envie de faire un retour aux sources. Ainsi, plusieurs marques de mezcal comme le Beneva font leur apparition et mettent en valeur l’appellation d’origine de la plante avec lesquels ils ont été produits. Les distillateurs identifient maintenant le type de maguey : on retrouve l’espadin, le tobala, l’arroqueno, le tepextate, mais aussi d’autres variétés sauvages appréciées par les consommateurs pour leur goût de qualité. » Offrant des dégustations et commanditant des événements d’envergure comme Le Festival des Films du Monde, Tequilart dépasse le simple rôle de distributeur et se propose de changer la perception des consommateurs vis-à-vis des distilleries, brasseurs et vinicoles mexicains. Et il ne fait nul doute que l’univers des spiritueux du Mexique a un bel avenir devant lui. Pour avoir flâné dans les pulquerias et autres bars du D.F., CITTÀ confirme que l’expérience gustative (et festive !) en vaut le détour. Grâce à Tequilart, pas besoin de parcourir 3000 km pour l’essayer, et donc plus d’excuse : les enivrantes saveurs venues du sud sont à votre portée. •
TEQUILART.COM
CITTÀ • SPONSOR
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À son arrivée au Québec, en 2000, Olga ne l’aurait peut-être pas su, elle non plus. C’est la richesse gastronomique du Québec qui lui a ouvert les portes de produits internationaux, du Ouzon grec au Pisco péruvien, en passant, bien sûr… par les mezcals du Mexique. Depuis, l’expertise d’Olga et de son entreprise a dépassé le domaine des mezcals : les rhums, les pulques, et bien sûr les vins qui, malgré leur grande qualité, ne sont pas représentés par la SAQ, se sont ajoutés à la carte de Tequilart.
tisé cépage mission, en l’honneur des missionnaires qui l’ont exploité en premier. On le sait, pour produire du bon vin, il faut de vielles vignes et beaucoup de passion ; au Mexique, on a les deux ! »
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PARADOX OF THE PRAXIS I (SOMETIMES DOING SOMETHING LEADS TO NOTHING)
Mexico, 1997, 5 minutes. Documentation video d’une action. Photo : Enrique Huerta.
INSTANT DE GRÂCE Conversation avec Francis Alÿs PAR LÉA JEANMOUGIN
Il a adopté le Mexique. À moins que ce ne soit l’inverse. Perfomeur, artiste vidéo et, pour beaucoup, poète, Francis Alÿs a su faire de grandes choses avec de toutes petites, des moments d’anthologie avec des secondes de grâce. Déjouant l’empirique pour mieux le saisir, ses « jeux » viennent piquer nos propres mythes et nous rappellent que si l’absurde habite la vie, il avoisine aussi souvent le sublime.
CONVERSATION•MEXICO
En regardant la vidéo documentation de When Faith Moves Mountains, j’ai eu une sorte de lapsus visuel : un des participants dit (sous-titres) “There was a Mexican coming down the stairs with a Belgian”. J’ai lu “coming down the stars” 1. (Il rit.) L’image de vous tombant du ciel, d’abord amusante, m’a finalement semblé bien résumer votre rencontre avec le Mexique. Comme si vous y aviez été parachuté...
Francis Alÿs est né en Belgique en 1959. Architecte formé à Tournai puis à Venise, il quitte l’Italie pour le Mexique en 1986, où il deviendra artiste multidisciplinaire. Il participe à de nombreuses expositions internationales (Londres, Chicago, Lima, Rome, entre autres) et à plusieurs Biennales de Venise (1999, 2001, 2007). En 2011, le MOMA de New York lui consacre une rétrospective, Francis Alÿs: A Story of Deception.
Oui, c’est ça. Je suis arrivé au Mexique par accident. Je vivais en Italie, j’étais architecte, j’étais surtout très dilettante. À part travailler juste assez pour vivre, voyager, lire, consommer la culture surtout, je ne faisais pas grand-chose. Puis j’ai été appelé au service militaire en 1985, et j’ai du quitter l’Europe rapidement pour faire une sorte de service de coopération civile, pour remplacer le service militaire. Je me suis retrouvé dans un Mexique que je ne connaissais pas du tout et où, pour tout te dire, je n’avais pas envie d’être. Moi qui habitais alors à Venise, ça a été un choc radical de passer de ce cocon atemporel à la mégapole de Mexico. J’ai mis assez de temps à accepter le changement.
Plusieurs choses ont été déclenchées ici. Quitter l’Europe a créé une forte réaction chez moi. Je ne l’acceptais pas, mais j’ai eu une copine au Mexique qui m’a fait courtcircuiter et m’a fait entrer dans l’art contemporain. Le fait que je n’aie pas accepté la ville de Mexico a eu un rôle important, parce que j’ai passé beaucoup de temps au début à juste essayer d’assimiler un univers que je n’arrivais à intégrer. J’ai voulu poser des gestes pour me créer un territoire et laisser des marques. Essayer de me positionner ; créer une histoire personnelle avec ce lieu, exister aux yeux de mes voisins, dans cette société qui se résumait alors pour moi au centre de Mexico, qui a été pour moi comme un échiquier urbain. C’était un jeu d’action/réaction entre la ville et moi-même. Il y a donc bien de l’accidentel dans tout ça. Mais, à l’évidence, j’avais une certaine velléité de faire tout ça. J’aurais aussi pu choisir de rester en Italie. Oui, et vous avez finalement décidé de rester. Mais par rapport à votre accueil à Mexico, justement. Au Mexique, on parle du malinchismo : cette tendance qu’auraient les Mexicains de préférer les étrangers à leur propre peuple. Pourtant, vous avez choisi d’incarner cette figure d’outsider dans El Gringo. Pourquoi ?
Le malinchisme, oui, c’est vrai. Mais ça se passe en deux temps. Il y a un premier temps où la communauté est très accueillante avec les étrangers, surtout s’ils apportent quelque chose au niveau culturel. Dans mon cas, les projets de collaboration ont certainement facilité ma réception. Il y avait cette curiosité, cette envie de savoir ce qui se passait dans la tête d’un autre. Une fois que tu commences à prendre une certaine place, ça se retourne contre toi. On te dit « Tu n’es pas d’ici, pourquoi tu fais ces choses-là ? » Maintenant, je suis dans une troisième phase. Je suis établi ici, mon fils est né ici. Mes références biographiques sont ici. Pour revenir à l’image de l’accident : je dirais que j’ai eu énormément de chance. Je ne sais pas par quelle étincelle, mais le Mexique a provoqué un changement dans ma mythologie interne. Il y avait ce clash de la rencontre avec une ville dure, crue, vilaine si tu veux, une ville qui est magnifique mais aussi très laide, extrêmement diluée. Cette négation du phénomène urbain a déclenché tout un mécanisme créatif qui, je crois, n’aurait pas pu avoir lieu à Paris ou à New York.
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Cette idée d’inattendu fait tout de même écho à votre travail : un mélange, je dirais, d’accidentel véritable et de hasard provoqué.
J’ai débarqué dans une communauté artistique qui était, après le tremblement de terre, très ouverte et avide de trouver d’autres rapports à la société civile. Ça, bien sûr, je peux te le dire aujourd’hui parce que, à l’époque, on était surtout une bande de potes qui créions entre nous. Il n’y avait pas de galerie accessible, et puis on n’était pas très nombreux, entre 20 et 50. Le public principal était l’artiste dans l’atelier d’à côté ! La génération actuelle d’artistes qui démarrent a une telle saturation d’information ! Mais ça a peut-être aussi donné lieu à une limitation, à une autocensure qu’on n’avait pas. On pensait qu’on réinventait le monde (on ne réinventait en fait rien du tout), mais on le faisait avec un mélange d’arrogance et d’innocente qui a facilité notre parcours. Vous parlez des jeunes artistes actuels. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, beaucoup de sociétés semblent dévaluer cette idée d’imprévu, d’impromptitude. On est de plus en plus volontaristes, dans tout, dans l’art aussi. Alors que votre travail recherche au contraire la surprise.
Oui, certaines choses reposent sur la recherche de finalité… Moi, ce qui m’intéresse, c’est le fait de faire. Je ne cherche pas à provoquer une conclusion déterminée, mais je suis assez précis : je prends des situations communes, ordinaires, et je leur donne un léger twist, mais je suis ouvert à ce que ça va provoquer. C’est la partie la plus intéressante. Si je savais vers quoi ça allait, je ferais un film. Mais je dois garder l’élément aléatoire absolu dans la situation que je mets en place. Sinon j’en perds l’intérêt. Dans la performance, il y a un moment émotionnel très fort. Et quand tu ne sais pas vers quoi ça va, tu intègres très vite ce qui se passe. Tu entres dans un état d’extrême conscience du contexte qui est autour de toi mais aussi de ton propre processus mental. C’est la coïncidence des deux qui produit ce moment que je cherche souvent à provoquer. Tu parlais au début de When Faith Moves Mountains. Ça paraît peut-être ridicule à dire, mais il y a eu un moment de sublimation collective. Et ça s’est ressenti de manière très palpable dans ce mélange de fatigue et de chaleur. Ça n’a pas duré longtemps, juste deux minutes où on a senti cette cohésion, où on avait vraiment l’impression d’avoir déplacé une dune ! (Il rit). C’était une communauté d’étudiants qui ne se connaissait pas. (Pause) Oui, c’était extraordinaire. CITTÀ • ART
CITTÀ PRÉSENTE
LE PETIT DICTIONNAIRE
M
M COMME MISSION Amplificateur d’événements artistiques depuis 2009, nous sommes spécialisés dans la création, la production et le design d’événements, multipliant les points de rencontres au sein de la scène artistique montréalaise.
A S S I V A R T
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A COMME AMBITION Mus par l’ambition de rendre l’art plus accessible, nous intégrons du contenu artistique et propulsons des évènements à 360° autour du génie créatif, afin que se tissent des liens entre les artistes, le public et nos partenaires.
S COMME SPACIEUX Le nouvel Espace MASSIVart, lieu pluridisciplinaire de création, d’échanges et de diffusion destiné aux créateurs de la métropole, a ouvert ses portes le 13 février dernier. Ancienne usine de 10 000 pieds carrés aujourd’hui réhabilitée, l’Espace est un véritable laboratoire ouvert qui favorise le développement des pratiques artistiques actuelles de la scène locale et internationale.
S COMME SOUTIEN À travers ses différents projets, nous favorisons la diffusion du travail de la relève tout en soutenant la communauté artistique.
I COMME INVENTIVITÉ Impulsé par MASSIVart en 2009, l’événement CHROMATIC propose une vision panoramique des arts visuels et du génie créatif montréalais : une manifestation où l’art rayonne sous toutes ses formes – visuelles, sonores, matérielles, interactives ou simplement contemplatives.
A COMME ASPIRATIONS (INTERNATIONALES) Pour sa 5e édition anniversaire, CHROMATIC s’envole pour la première fois à l’étranger ! Nous souhaitons avant tout établir des ponts entre les artistes internationaux au travers d’une plateforme créative participant au rayonnement de la Ville de Montréal et à son avant-gardisme.
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R COMME RENDEZ-VOUS Du 24 au 30 mai 2014, CHROMATIC dévoilera sa nouvelle édition autour du thème de l’Habitat. Investissant trois lieux atypiques à Montréal – le Chalet du Mont-Royal, l’Espace MASSIVart & l’Arsenal – l’édition réunira les créateurs et le public autour de l’écosystème de la créativité.
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V COMME VITRINE Forts de propositions artistiques marquantes, nous rassemblons et fédérons la relève artistique, les milieux professionnels et le public lors de ses événements ayant aujourd’hui permis de diffuser le travail de plus de 500 artistes et artisans, et de plus de 1500 œuvres issues de toutes les disciplines.
T COMME TO BE CONTINUED... Toujours à l’affût de nouvelles créations, nous élargissons constamment notre cercle de créateurs pour soutenir et diffuser la création actuelle et le rayonnement de sa communauté. Rejoignez-nous sur massivart.ca !
PHOTOGRAPHIE • MONTRÉAL
ALBUM DE FAMILLE PHOTOGRAPHIES ORIGINALES MARIE-PIERRE SAVARD TEXTE LÉA JEANMOUGIN
En ces mois verglacés, nous avons proposé à celle qui se définit comme une photographe exploratrice d’entrouvrir la porte de la communauté mexicaine de Montréal. Des portraits intimistes de l’une des premières arrivantes du Mexique en 1976, aux familles qui ont embrassé nos codes et nos couleurs sans que leurs cœur ne trahissent leur amour du pays d’origine, sont nées des images issues du quotidien, des gestes et des moments d’union, de fierté ou de nostalgie. Et, derrière ces photographies, invisible mais présente, la photographe qui s’est fondue dans cette vaste famille, devenant l’une des leurs le temps d’un hiver pour capter les éléments d’un décor qui nous devient soudainement, à nous aussi, beaucoup plus familier. •
CITTÀ •
AN INVENTORY OF BEAUTIES 74
BY LÉA JEANMOUGIN WITH NAÏRI KHANDJIAN
Defining a country’s identity: this is the challenge taken on by Dutch designer Annelys De Vet, creator of a series of books titled Subjective Atlases. Leading from one country to another through workshops at the cusp of art and politics, the project invites local artists, designers and researchers to map their culture and therefore question the status quo. For the Mexican edition, Annelys paired up with designer and teammate Moniek Driesse, a long-time lover of all things Mexican, who fearlessly dove into gargantuan Mexico City and the country’s fascinating beauties and paradoxes.
DESIGN • MEXICO CITY/EINDHOVEN [Fragments from a revealing exchange]
IMAGES? MONIEK DRIESSE “The main focus of the Subjective Atlas is to visually represent different perceptions, rather than in words or concepts. This might appear to be the primary domain of designers and artists, but actually contributions of other disciplines — anthropology, public administrations, psychology and history, amongst others — are also included in the books. As the work is visual, emotional and creative, the project allows many scopes to prevail within its subjective context.”
SUBJECTIVE? ANNELYS DE VET “A map is a coded, compact representation of reality. Coding means making choices, and any choice that is made in the context of the territories shown is political. As such, a map can never be neutral. Which authority draws the lines? What really defines our borders? Do geographic boundaries limit our territories or are they specified by the speed of Internet, tax havens, piracy, Google, Ikea or our holiday destinations?”
NEED? ANNELYS DE VET “In Europe, populist politicians are hijacking national symbols and rewriting their countries’ histories by appropriating collective narratives. Each state’s story is told as an exclusive chronicle of indigenous people, for indigenous people. Those who are not part of the established canon are given no role, and the empire of fear thus built systematically reduces collective interest in “the other.”
INVENTORY? MONIEK DRIESSE “In the workshops, cartographies of everyday life are being developed; micro-events that are recognized not as “little things” or as “unimportant”, but as essential details that construct cultural identity on a bigger scale. Indeed, the cultural identity of a country does not lie in facts set in stone: it is always under construction, and created collectively.”
DESIGN? ANNELYS DE VET “We, designers and artists, the specialists in images, must be capable of offering constructive alternatives — representations based on personal experiences that stand apart from the control of mass media. Rather than folkloristic clichés that show identity as an unchanging fact, we need personal visions based on involvement and disarming stories that express the way cultural identity is multicultural by definition.”
IDENTITY? MONIEK DRIESSE “Talking about identity — or authenticity — can be very ambiguous. In the first place, it could be the answer to the question, “where do I identify myself with?” Because of the history of colonization in Mexico, there still seems to be a constant process of appreciation of what is authentic and what is adapted.”
BEAUTY ? ANNELYS DE VET “In the many unique conversations I had with the Mexican, as well as the Palestinian, Hungarian, Serbian, Dutch and Belgian participants, I heard impressive, confusing and beautiful stories. I hope that the Atlases will contribute to a dynamic cultural dialogue and serve as a gentle and delightful instrument in the battle against a simplified, static version of reality.”
ANNELYS DE VET is the founder of DEVET, a Brussels-based bureau for graphic research and cultural design. Since 2009 she’s headed the design department of the Sandberg Instituut Amsterdam. De Vet initiated a series of Subjective Atlases, covering Palestine (2007), Serbia (2009), Mexico (2011) and Hungary (2011). She is currently developing “Disarming Design from Palestine”, a new design label that develops useful products from Palestine. BUREAUDEVET.BE
MONIEK DRIESSE practices research-based design in the fields of art and architecture. She holds a BFA from the Design Academy Eindhoven (NL) and a Masters degree from the Universidad Nacional Autónoma de México. With Annelys de Vet she has been collaborating on the Subjective atlases and Disarming Design from Palestine.
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MEXICO? MONIEK DRIESSE “When I went to Mexico after my studies, many relatives were worried about me going there because of all the negative images spread by the media. But I had an amazing time. As time went by, I became more and more aware of the huge gap between the image of Mexico created by the media and the reality of my day-to-day life there. This was probably the most important reason that made me want to work on a Subjective Atlas of Mexico.”
DANS CE N° | IN THIS ISSUE
LES CLÉS DE LA VILLE MINI MEXICO UN RENDEZ-VOUS AVEC LA SAINTE MORT THE INVENTORY OF BEAUTIES 1 IMAGE = 1000 MOTS MONTRÉAL UTOPIQUE PAR PARKA SNOW STORM IN MEXICO L’IMAGINAIRE DE L’ABRICOT L’ALBUM DE FAMILLE DE MARIE-PIERRE SAVARD INSTANT DE GRÂCE AVEC FRANCIS ALŸS
RETROUVEZ À CHAQUE N° DE CITTÀ UN PARALLÈLE MONTRÉAL/UNE AUTRE VILLE UN PORTRAIT CROISÉ SPÉCIALEMENT COMMISIONNÉ DES TALENTS LOCAUX ET INTERNATIONAUX DES PROJETS CRÉATIFS INÉDITS ET TOUJOURS UN REGARD NEUF SUR CET AILLEURS QUI EST EN NOUS.
cittamagazine . ca