l’Humanité
Rwanda : « J’accuse »
KIGALI, 14 AVRIL 1994. NEWS/GAMMA
EN AVRIL 1994, NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL ÉTAIT SUR PLACE. VINGT ANS APRÈS, IL TÉMOIGNE ET MET EN ACCUSATION LES AUTORITÉS FRANÇAISES. PP. 20 et 28
M 00110 - 408 - F: 1,50 E
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BELGIQUE 1,60 € - LUXEMBOURG 1,60 € - ANTILLES-RÉUNION 2,10 € - ITALIE 2 € - ESPAGNE 2 € - GRÈCE 2 € - MAROC 15 DH
MARDI 8 AVRIL 2014 | N° 21396 | 1,50 € humanite.fr
« Pourquoi cette fois nous n’avons pas voulu voter à gauche »
P
ar leur parti pris d’une abstention dans l’écurie. On se doute bien qu’il n’y aura pas souvent assumée, ils ont fait le de miracles », regrette-t-il. Au niveau des choix de laisser les clés de leur grandes orientations gouvernementales, il PAROLES ville à des élus de droite. Eux, aimerait que « ça change », mais n’y croit D’ÉLECTEURS, ce sont des militants de gauche pas beaucoup au vu des dernières annonces. À VILLEJUIF, qui habitent Villejuif (Val-de-Marne), LiDans les allées du marché, quelques militants LIMOGES moges (Haute-Vienne) et Toulouse (Hautecommunistes sont présents, tracts en main. ET TOULOUSE. Garonne). Nous sommes allés à leur Ils affichent leur « combativité », écoutent rencontre. « Gauche et droite, qu’est-ce les habitants pour préparer, ensemble, que ça change ? » peut-on entendre sur le l’alternative à la nouvelle gestion de la ville. À marché dominical de Villejuif. Dans ce fief comLimoges, autre bastion historique, socialiste cemuniste conquis pour la première fois en 1925, les éleclui-ci, le réveil est tout aussi douloureux. Pour cause. La teurs ont plébiscité un improbable attelage vague bleue qui a submergé l’ensemble du pays n’a pas UMP-UDI-divers gauche et écologistes. Une situation qui épargné la capitale limousine, terre de gauche et de résisn’a pas aidé à contrer la confusion idéologique ambiante. tance depuis toujours. Ici, les électeurs ont fait le choix Cyriaque est inscrit depuis trois ans à Pôle emploi. Ce d’Émile-Roger Lombertie pour premier édile. Un parfait chômeur de cinquante-deux ans a voté blanc aux dernières inconnu, leader d’une liste UMP-UDI qui, avec 45,07 % municipales. Pour la première fois depuis des années. Et des suffrages, a déboulonné le maire sortant socialiste Alain sans regret. Lui pense que « ce n’est pas le maire qui chan- Rodet, en poste depuis 1990. Une vraie chute de bastion gera quelque chose » à sa situation. « Il n’y a plus de foin vécue, à gauche, comme « un cataclysme ». Suite page 4
Roi du pétrole, pollueur et mauvais payeur ÉTATS-UNIS. La multinationale Anadarko a souillé de nombreux sites dans le monde. Payer une amende lui coûte moins cher que de nettoyer... P. 18
Le parcours civique de 19 jeunes Roms INTÉGRATION. Avec l’association les Enfants du canal, ils deviennent médiateurs et traducteurs. P. 13
Les fêtes galantes de Fragonard et Watteau EXPOSITION. Leurs tableaux dialoguent sur les murs du musée Jacquemart-André, à Paris. P. 23
DÉBATS & CONTROVERSES P. 16
Pas de changement sans mobilisations populaires
l’Humanité Mardi 8 avril 2014
« Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup d’internationalisme y ramène. » Jean Jaurès
NOS POINTS CHAUDS AVANCÉES SOCIALES
ENVIRONNEMENT
DROITS DE L’HOMME
CULTURE
Allemagne Le Munichois Cornelius Gurlitt, chez qui 1 406 tableaux (Matisse, Picasso...) ont été retrouvées en 2012, a signé avec le ministère fédéral allemand de la Culture un accord de restitution des oeuvres dont serait prouvée la spolation par le Troisième Reich.
États-Unis 61 % des jeunes Républicains (moins de 30 ans) sont favorables au mariage homosexuel, contre 39 % de l’ensemble du parti. L’ensemble des Américains y est favorable à 54 %.
Lettonie Tallinn, 440 000 habitants, se déclare « capitale du transport gratuit ». Selon son maire, le trafic routier dans la capitale a diminué de 14 % depuis 2013.
Maroc Le « prince rouge » Moulay Hicham El Alaoui, cousin du roi Mohamed VI exilé aux États-Unis, encourage ce dernier, dans le Journal d’un prince banni, à dépasser « l’État magasin » : « le patrimoine de la maison royale doit revenir à la nation ».
ÉTATS-UNIS Des artistes contre le gaz de schiste
« Écoutez ma chanson / La plupart d’entre vous lui donnerez raison. Il n’y a plus d’endroit à découvrir sur Terre / Alors, s’il te plaît, ne fracture pas ma Mère. Car je n’en ai pas d’autre. Ne fracture pas ma mère / Tu peux faire ce que tu veux. Mais ne fracture pas ma Mère. » La mère en question a pour nom Nature. Le collectif Artists Against Fracking (les artistes contre la fracturation hydraulique) fondé en 2012, signe le retour de Yoko Ono, associée à son fils Sean Lennon. (À voir sur www.youtube.com).
MOYEN-ORIENT Sésame dépasse les frontières
« Incroyable mais vrai : des physiciens israéliens et iraniens construisent ensemble un canon à particules ! » écrit Der Spiegel, repris par Courrier international. Il s’appelle Sésame et c’est un projet scientifique unique. Un accélérateur de particules, construit et géré par une organisation de recherche indépendante placée sous la tutelle de l’Unesco. Les fonds et les chercheurs proviennent essentiellement de pays membres de l’organisation, dont Israël, la Jordanie, Chypre, le Pakistan, l’Égypte… et l’Iran.
CHILI La réforme fiscale Bachelet, plus juste
À peine élue (le 11 mars dernier), la nouvelle présidente Michelle Bachelet a lancé une réforme fiscale « nécessaire et très importante, l’un des plus puissants instruments de l’État chilien pour (…) une société équitable, démocratique et juste ». Le taux de l’impôt sur les sociétés passera de 20 à 25 % tandis que les impôts sur le revenu et sur les retraites seront allégés. Cela devrait permettre de récupérer 8 milliards de dollars qui serviront à financer la réforme de l’éducation et à rééquilibrer les comptes de l’État.
Osezlefeminisme En 2014, il faut trois mois de plus aux femmes pour gagner autant que leurs homologues masculins #égalitésalariale
HUMARATHON
Christian Petit
Géographie de l’humanité
L’actualité sur humanite.fr
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Une référence dans le milieu de l’athlétisme… 15 000 spectateurs, 2 500 concurrents, 250 bénévoles, le 13 avril se déroulera la 29e édition de l’Humarathon, entre Ivry-sur-Seine et Vitry-sur-Seine : la rue est à vous ! www.humanite.fr/node/562884 VIDÉO Sept travailleurs sans papiers d’une onglerie du boulevard de Strasbourg, à Paris, sont toujours non déclarés par leur employeur « qui n’a payé ni les salariés ni l’Urssaf », dénonce la CGT, qui lutte à leurs côtés pour obtenir leur régularisation. « On bosse ici ! On vit ici ! On reste ici ! » www.humanite.fr/node/562873 RWANDA « L’honneur perdu », l’éditorial de José Fort dans l’Humanité du 18 juin 1994. www.humanite.fr/node/224770
BONNE NOUVELLE MAUVAISE NOUVELLE
LE FIL ROUGE
DES CHERCHEURS DE L’INSERM ONT TESTÉ POSITIVEMENT SUR DES SOURIS UNE THÉRAPIE POUR LUTTER CONTRE L’ATAXIE DE FRIEDREICH, MALADIE NEURODÉGÉNÉRATIVE QUI TOUCHE 1 500 PERSONNES EN FRANCE.
TROIS CAIROTES CONDAMNÉS À HUIT ANNÉES DE PRISON, UN AUTRE À TROIS, POUR AVOIR PRATIQUÉ LA « DÉBAUCHE ». LA LOI ÉGYPTIENNE N’INTERDIT PAS L’HOMOSEXUALITÉ MAIS LA SANCTIONNE DUREMENT.
filrouge@humanite.fr
Paris. La prochaine rencontre des « mardis du marxisme » aura lieu dans le local de la section PCF Paris 10, 57, rue des Vinaigriers (métro Gare-de-l’Est, JacquesBonsergent ou Château-d’Eau), ce soir à 19 h 30. Le thème de cette rencontre : « Les trois sources du marxisme », soit les trois principaux courants d’idées du XIXe siècle : la philosophie classique allemande, l’économie politique classique anglaise et les doctrines révolutionnaires françaises. Saint-Denis (93). L’Institut d’études européennes de Paris-VIII, le bureau d’information du Parlement européen et l’Unef organisent demain, à 18 h 30, dans l’amphi D de l’université Paris-VIII (métro SaintDenis-Université), un débat gratuit sur les élections européennes. « Vous n’avez aucun pouvoir ? Détrompez-vous ! » clame l’affiche. Les eurodéputés et/ou candidats pour l’Île-de-France Jean-Marie Cavada (UDI), Pervenche Berès (PS), Corinne Lepage (Cap 21), Constance Le Grip (UMP), Patrick Le Hyaric (PCF-Front de gauche), ainsi que Pascal Durand (EELV) et Francis Wurtz (PCF-Front de gauche) débattront des enjeux de ces élections, avant l’échéance du 25 mai 2014.
Mardi 8 avril 2014 l’Humanité
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Temps forts
U
n maire d’arrondissement FN a été élu dans les quartiers nord de Marseille. Quartiers nord de Marseille = cités, banlieue dans la ville. Donc, les cités ont voté pour le FN. Il faut toujours se méfier des syllogismes et encore plus de celui-ci qui s’insinue manifestement dans les esprits et les écrits. « Le vote FN progresse dans les cités », écrivait le principal quotidien régional au lendemain du 1er tour. Une semaine plus tard, un quotidien national, considéré comme étant celui de référence, allait plus loin : « Dans le nord de la ville, faite de cités aux noms d’arbres et de fleurs qui racontent mal leur délabrement (…), des “barres” investies depuis les années 1960 par des Maghrébins puis des Comoriens, (…) se sont données à Stéphane Ravier (le leader du FN –NDLR), offrant à l’extrême droite l’une des plus grosses prises de son histoire. » « Même les cités ont voté pour Ravier, tu te rends compte ? » a-t-on entendu, au soir du second tour, dans la bouche de jeunes militants socialistes, qui avaient, eux, à cet aveuglement, l’excuse du désespoir. La réalité est autre : les cités de Marseille n’ont pas voté FN. Ce sont les chiffres, dans leur plus simple appareil, qui le disent. Prenons comme référentiels treize bureaux situés dans les quartiers populaires des 13e, 14e et 15e arrondissements (228 000 habitants), dont les noms sont évocateurs à l’oreille de n’importe quel Marseillais (Malpassé, Frais-Vallon, la Busserine, Campagne-Lévêque, la Castellane). Le panel est pourtant imparfait puisque le découpage du périmètre des bureaux ne correspond pas toujours à une cité seule. Ainsi, dans le bureau 1 540, les électeurs des HLM du Castellas votent avec ceux de la copropriété assez recherchée des Lions.
ÉDITORIAL
Bruno Arbesu
L’Humanité répond aujourd’hui à plusieurs défis. D’abord celui de l’existence de la presse écrite dans les maelströms économiques que nous connaissons et l’évolution rapide des accès aux modes de communication. Nous le faisons en choisissant de renforcer les atouts de l’écrit, le décryptage qui permet de dégager du sens sous l’apparence, de donner de la profondeur à l’information, de construire une pensée. Parallèlement, un site Internet modernisé se mettra en place – sur une plate-forme numérique ambitieuse – en bénéficiant des compétences de l’ensemble de la rédaction, qui s’engage dans un fonctionnement bimédia. Nous voulons amplifier la « transhumance de l’écrit », selon la formule de René Char, afin de satisfaire un lectorat plus nombreux, soucieux de confronter des idées transformatrices, d’ausculter la société pour la changer, de croiser la question sociale et celle d’un développement
Par Patrick Apel-Muller
Bienvenue dans une nouvelle Humanité durable, une démocratie renouvelée avec l’exigence d’égalité ; le goût de la fraternité et de nouvelles solidarités. Dans une période où la France paraît en panne d’avenir, où le pouvoir refuse d’entendre le message populaire, l’audace est de promouvoir des idées neuves : nous leur donnerons leur lieu d’élection. Rompre avec la cascade indistincte de nouvelles
déversées sans hiérarchie, apporter de la valeur ajoutée au fait, soigner la mise en mots pour travailler l’art du récit… tout cela est sur notre métier. Alors que, le 18 avril, nous fêterons les cent dix ans de la création de l’Humanité, nous voulons prolonger le sillon creusé par Jean Jaurès, celui d’une presse engagée, ouverte aux controverses, ayant le courage de « chercher la vérité et la dire », un quotidien sans un gramme de pensée unique, indépendant des puissances d’argent, à la recherche de cette humanité dont son fondateur faisait le but de son combat. Ce journal n’a pu survivre sans ses lecteurs ; c’est encore eux qui lui dessineront un avenir. En le faisant rayonner autour d’eux, ils lui permettront de nouvelles rencontres, lui ouvriront de nouveaux espaces, se donneront des atouts pour que leurs idées prennent des forces.
MUNICIPALES
Vote FN à Marseille, l’intox
L’élection d’un maire d’extrême droite dans un secteur a relancé la thèse du populo-lepénisme. Au mépris de la réalité des résultats réels.
Stéphane Ravier est l’élu (relatif, vue l’abstention massive) du « village » et du « périurbain », pas de la cité HLM.
Une question qui reste entière
Dans ces treize bureaux « tests », le FN recueille, lors des élections municipales de ce mois de mars 2014, 837 voix au 1er tour et 1 236 voix au second, contre 433 lors de ce même scrutin en 2008 et 1 368 voix pour Marine Le Pen lors des présidentielles 2012. Le parti d’extrême droite y totalise 14,3 % et 17,26 % des suffrages, soit la moitié de son score dans les deux secteurs (7e et 8e) concernés. Surtout, si l’on jauge de l’apport du supposé contingent de voix des cités dans la « cohorte » qui a poussé l’un de ses candidats au poste de maire de secteur, la fable apparaît : le parti de Marine Le Pen ne convainc que 5,29 % et 7,81 % des inscrits dans ces treize bureaux, alors qu’il rassemble 18 % des inscrits sur l’ensemble de ces arrondissements. Pour autant, la question reste entière : comment un candidat d’extrême droite l’a-t-il
incorporés à elle. Les villages deviennent ainsi les « noyaux villageois ». La division devient fracture au moment du choc de la désindustrialisation, liée, à Marseille, à la fin de l’empire colonial sur lequel le « système marseillais » (l’interdépendance entre le port, le commerce, l’industrie et la cité), selon la formule de l’économiste Louis Pierrein, reposait tout entier. Entre 1975 et 1990, la ville perd 75 000 emplois industriels. La décolonisation produit un deuxième effet massif pour Marseille : l’arrivée des rapatriés, qu’il faut loger par dizaines de milliers. Des terres agricoles du nord de la ville surgissent alors les fameux « grands ensembles », barres et tours qui offrent aux nouveaux habitants (pieds-noirs mais également travailleurs immigrés) des conditions de confort infiniment supérieures aux « bidonvilles » (Marseille en est, à l’époque, criblée) et même aux petits
LES CITÉS DE MARSEILLE N’ONT PAS VOTÉ FRONT NATIONAL. CE SONT LES CHIFFRES, DANS LEUR PLUS SIMPLE APPAREIL, QUI LE DISENT. YOHANNE LAMOULËRE/TRANSIT
emporté dans les quartiers nord de Marseille, objet fantasmé de nombre de médias nationaux mais dont l’histoire socio-économique et urbanistique est plus riche. Un rappel historique s’impose. La division de la ville naît au milieu du XIXe siècle, avec la création d’un nouveau port de commerce d’envergure, le Vieux-Port étant devenu trop étroit face à l’explosion des trafics. Les résultats des sondages apparaissent sans appel : le tirant d’eau est supérieur sur le littoral nord. Le premier
quai ouvre en 1853, puis d’autres, décennie après décennie. L’industrie s’y installe, les ouvriers arrivent. La bourgeoisie se retire alors des quartiers du centre-ville vers ses nouvelles terres résidentielles du sud tandis que, dans le nord, l’industrialisation-urbanisation avale, un à un, ces petits villages (Saint-Joseph, Saint-Antoine, Saint-Louis, Sainte-Marthe…), aux portes de l’ancienne ville (dont le rayon n’avait jamais dépassé 2 kilomètres autour du Vieux-Port), qui se retrouvent désormais
logements privés de l’arrière-port. Au même moment, dans les interstices entre ces cités naissantes et les « noyaux villageois », se construisent des zones de maisons individuelles, relevant soit du rêve solidaire (les Castors), soit de l’ascension sociale d’une petite classe moyenne. Cet habitat pavillonnaire sera complété, à partir du début des années 2000, par de nouvelles résidences construites au pied des collines qui ceignent Marseille, suite à l’ouverture à l’urbanisation décidée par Jean-Claude Gaudin. Ce sont dans ces bureaux que le FN a réalisé ses meilleurs scores et ce sont ces « citadins parcellaires » (formule du sociologue André Donzel, en référence aux paysans parcellaires du 18 Brumaire de Louis Bonaparte de Karl Marx) qui permettent à Stéphane Ravier de parader dans la bastide Coxe, cette somptueuse bâtisse du XVIIIe siècle devenue mairie de secteur. Lorsque le leader d’extrême droite remporte 177 voix dans quatre bureaux de cités du cœur du 14e arrondissement, il en engrange 1 300 dans les quatre bureaux des « noyaux villageois » e t lo t i s s emen t s q u i le s en tou ren t … CQFD : Stéphane Ravier est l’élu (relatif, malgré tout, si l’on considère l’abstention massive) du « village » et du « périurbain », pas de la cité HLM… CHRISTOPHE DEROUBAIX
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l’Humanité Mardi 8 avril 2014 Eux, soignent leur gauche
Lors de leur rencontre avec le premier ministre, Manuel Valls, les parlementaires communistes et du Front de gauche ont «exposé les principaux axes d’une autre politique, d’une politique de gauche qui s’affiche et s’affirme».
L’événement
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C’est le nombre de villes de plus de 10 000 habitants perdues par la gauche à l’occasion des élections municipales des 23 et 30 mars.
Municipales
Des électeurs de gauche en quête de vrais changements Ils habitent Limoges, Toulouse ou Villejuif. Ils ont le cœur à gauche mais leur cité est passée à droite. Entre colère dans les urnes et espoir à reconstruire, leur message au nouveau gouvernement.
L
« dégoûter » les Français. « C’est cette infâme a première cause invoquée politique de communication, déjà en vigueur pour expliquer ce basculement sous Sarkozy et allégrement poursuivi par à droite ? « Un vote sanction Hollande et Ayrault. Et maintenant Valls. des Limougeauds à l’encontre Chaque jour, on médiatise une affaire sordide d’Alain Rodet, confortablement ou on vedettarise un politicien, ce qui permet installé dans le fauteuil de de cacher les problèmes de fond et de faire maire depuis vingt-quatre ans, passer des lois à notre insu. C’est juste insupexplique Christian, un militant socialiste portable ! » s’emporte-t-il. engagé depuis deux décennies. Limoges a Depuis la nomination du nouveau premier fonctionné sur ses acquis, avec un réseau bien ministre à Matignon comme unique réponse en place et un système politique en autarcie au désamour des Français, les militants semqui ne laissait entrer personne et muselait blent redoubler d’agacement. totalement la droite. Il n’y avait pas d’inte« La nomination de Valls m’inspire de la raction entre le local et le national sur les crainte. C’est un message de continuité de la décisions prises au gouvernement pour une politique d’austérité, regrette ainsi Coline, application locale. Les habitants n’avaient une militante communiste toulousaine. On aucune explication, jamais. n’a pas tiré les bonnes leçons Alors, ceux qui votaient trade l’échec de la gauche aux ditionnellement à gauche se municipales. D’ailleurs, beausont sentis exclus, abandoncoup n’ont pas voté, c’est un nés, méprisés. Et malgré des signe. » Pour Émilie Teysattentes fortes, ça a fait naître sèdre, militante à Osez le en eux un sentiment de rejet féminisme, l’analyse de ce vis-à-vis du Parti socialiste nouveau gouvernement est en général et de son chef en sévère : « Il n’y a plus de miparticulier. » Une autre raison nistère dédié aux droits des de ce revers politique local femmes. C’est une régression. (qui s’est joué à 600 voix) est De plus, on assiste à une réavancée. « Cette défaite repartition genrée des porteflète un désarroi et un malaise fe u i l le s . L e s m i n i s tère s ambiant de la population face régaliens, à l’exception de la à la politique de Hollande, justice, sont attribués à des ajoute Christian. De fait, à hommes. » Guy, un ancien christian Limoges, de nombreux sociasyndicaliste CGT et acteur de militant siocialiste listes ont préféré s’abstenir la lutte des Molex, ne dit pas à limoges plutôt que de voter commuautre chose : « Sa nomination niste. Et de leur côté, beaune m’inspire rien de bon. On coup de sympathisants du Front de gauche a viré Sarko, mais Valls lui ressemble beaucoup. sont restés chez eux plutôt que d’aller voter Quand la soupe est mauvaise, ça ne sert à rien socialiste. » Jacques, un militant de gauche de changer la casserole. » Selon lui, la méthode à la retraite, « produit de l’éducation popu- n’a pas changé. « Vendredi, je suis allé soutenir laire », va plus loin. Certains travers du PS les salariés de Nutribio à Montauban en grève ont, selon lui, fini de détourner, voire de pour leurs salariés, et les CRS nous ont virés ! »
Suite de la page une
« Cette défaite reflète un désarroi et un malaise ambiant de la population face à la politique de Hollande. »
à Toulouse, coline, militante communiste, pense qu’ « il faut rassembler autour de valeurs et d’un progra à la politique ceux qui s’en sont éloignés » estime Hafid, militant associatif. Olivier Coret
Sur les terres limousines, Christian Audouin, conseiller régional communiste, tente de traduire politiquement ce malaise : « Le choix de Manuel Valls marque, de la part de Hollande, une fuite en avant dans sa stratégie de renoncement à ses engagements de campagne. En outre, je pense qu’en rajoutant, via Valls, des options à droite, Hollande caresse l’ambition de mater les résistances du mouvement social. »
Les électeurs se sentent trahis
Jacques, lui, se met à regretter le temps des utopies. « La gauche n’en a plus. C’est pourtant ce qui fait bouger les individus, les utopies, mais aussi l’espoir, le rêve d’un lendemain meilleur pour se projeter vers un avenir plus certain, assure-t-il. Mais à gauche, PS en tête, on ne parle plus de luttes ou de résistances sociales, mais plutôt de gestion, d’aménagement, de libéralisme et de capitalisme financier. » Et cette situation confuse engendrerait, dans le meilleur des cas, des votes blancs.
« Les électeurs sont désabusés face à des partis qui ne se distinguent plus. Au mieux, ils votent blancs, ou ils virent à droite, voire pire, au Front national. » Même sentiment de trahison et de rejet pour Françoise, une professeure de français dans un collège limougeaud. « Avec l’arrivée de Hollande, on nous avait promis que les choses s’arrangeraient malgré la crise. Moins de chômage, des impôts revus à la baisse, une meilleure prise en charge des dépenses de santé, plus de solidarité. » Selon elle, le gouvernement s’est inscrit dans un « étranglement des classes moyennes qui ont vu, pour la majorité, leurs impôts augmenter de 30 % en trois ans ». Quant aux classes les moins aisées, « on saupoudre leurs prestations de hausses infimes qui les plongent finalement dans une situation de précarité extrême », déplore l’enseignante, qui juge démagogique l’arrivée du successeur de Jean-Marc Ayrault à Matignon : « J’ai le sentiment que Hollande se sert de la popularité de Valls pour colmater les brèches. » Une stratégie qui pourrait coûter cher au final, comme pré-
Mardi 8 avril 2014 l’Humanité pacte du silence « Il me paraît inconcevable que le Parlement ne soit pas appelé à se prononcer sur ce pacte dit de responsabilité. » Henri Emmanuelli.
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L’événement
Valls : numéro d’équilibriste à l’Assemblée nationale confiance Les députés votent cet après-
69 %
des français estiment que le nouveau gouvernement mènera la même politique que l’ancien.
Vote de confiance à l’Assemblée : sur le papier, une majorité fragile
amme ». « Seule la mobilisation des militants peut faire revenir
vient Jean-Louis, sympathisant de gauche : « Hollande poursuit le boulot de Sarkozy et semble en être fier. Mais une telle stratégie sert le FN. Je crains d’ailleurs qu’à l’occasion des européennes, le vote sanction ne fuse de nouveau. »
Un sentiment de déclassement
Quand ils ont perdu Villejuif, les militants communistes ont remercié – ironiquement – Hollande. « Beaucoup d’électeurs se sentent désabusés et se sont dit qu’ils essaieraient bien autre chose », explique Jacotte. Flore, une autre militante, se raccroche à la marche contre l’austérité du 12 avril pour réaffirmer que, malgré ce revers électoral, « Villejuif est bien une ville de gauche ». Pauvreté, chômage, manque de logements… Ici, dans l’un des maillons de l’ancienne ceinture rouge, les habitants se perdent entre les responsabilités tantôt nationales, tantôt locales. « Nous ne sommes pas épargnés par le contexte national », confirme Claudine Cordillot, ancienne maire
Au gouvernement, on a fait les comptes : au moins 246 députés devraient voter contre la confiance au gouvernement. À droite, aucune voix ou presque ne devrait manquer pour s’opposer au gouvernement parmi les 199 députés UMP, les 30 UDI et les 7 non inscrits classés à droite ou à l’extrême droite. À l’autre bord de l’hémicycle, les 10 élus Front de gauche devraient voter contre. Le gouvernement compte donc sur le soutien des 325 députés de la majorité PS, PRG, EELV. Sauf si les 17 Verts et une soixantaine de députés PS faisaient basculer le vote en s’abstenant…
de la ville battue au second tour, mais que de nombreux Villejuifois appellent encore « Madame le Maire ». « Les habitants, qui subissent des difficultés quotidiennes, avaient placé leurs espoirs dans le retour de la gauche au pouvoir. Mais ils ne voient toujours pas d’améliorations. Et ce qui est annoncé ne va certainement pas dans le bon sens. » L’élue, toujours présente au conseil municipal, regrette un « sentiment de déclassement » chez ses administrés qui en viennent à estimer que « la ville fait trop de social » en direction des plus défavorisés. « Le social, c’est aussi les crèches, les repas à domicile pour les seniors, les centres de santé… » Sur ses terres toulousaines, Coline espère un sursaut des citoyens au lendemain de cette gifle électorale. « L’échec des municipales doit bouger la population, provoquer un réveil. D’un mal peut sortir un bien. Beaucoup sont déçus par la politique menée depuis deux ans ? Qu’ils rejoignent un vrai parti de gauche ! » Selon cette militante, il n’y a pas cinquante solutions possibles : « La montée du FN signifie qu’il faut
midi sur la déclaration de politique générale du gouvernement. Manuel Valls tente de déminer le terrain avant son grand oral.
E
xercice redoutable en temps normal, le grand oral du premier ministre s’apparente, dans la tourmente politique postmunicipales, à une mission à hauts risques. Tous les ingrédients sont réunis pour faire de cet événement politique une bombe à retardement : des écologistes en rupture, une gauche du Parti socialiste qui trouve des appuis chez les aubrystes pour monter au créneau contre l’austérité, et tout le reste de la gauche exaspérée par les renoncements successifs du gouvernement. Manuel Valls le sait, qui consulte les uns et les autres frénétiquement depuis trois jours, histoire de déminer ce qui peut encore l’être. Premier sujet de mécontentement, la décision d’inclure dans le vote de confiance au gouvernement le pacte de responsabilité. Dire oui à Valls équivaudrait en l’espèce à accepter sans discussion une proposition qui fait débat au sein même du PS. « Une mesure envisagée au printemps peut devenir infaisable à l’automne », détaillait, hier, dans un long communiqué, le député des Landes et figure de la gauche socialiste, Henri Emmanuelli. « D’où la nécessité, ajoute l’élu, de soumettre au Parlement ce pacte dans la totalité de sa cohérence. Ce sera pour moi le prix de la confiance. (…) En l’absence de cet engagement précis, ce
se mobiliser. La perspective passe par une écoute et un dialogue avec la population. Il faut rassembler autour de valeurs et d’un programme, repartir sur des bases communistes. Seule la mobilisation des militants peut faire revenir à la politique ceux qui s’en sont éloignés. »
Comment refaire de la politique ?
Mais faudrait-il encore que les potentiels électeurs perçoivent des perspectives d’embellie. Et, selon Guy, elles ne sont pas au rendez-vous. Du moins, pas dans une politique de diminution des cotisations, et des impôts au seul profit du patronat. « Ça n’a jamais aidé l’emploi, au contraire. Ces aides permettent de financer les plans de licenciements. » Face à cette situation, le militant syndical revient à ses fondamentaux : « Il faut interdire les licenciements non justifiés et, puisqu’il y a de plus en plus de travailleurs pauvres, il faut augmenter le Smic et les bas salaires. » Que le gouvernement Valls puisse aller dans ce sens ? Il n’y croit pas un seul instant. « Une perspective ne peut se construire qu’à la gauche du PS. Ceux qui, dans le Parti socialiste, sont mécontents de la politique menée doivent se rassembler et s’engager pour leurs idées. » Quand on évoque le nom de Valls, Hafid reste dubitatif : « Celui qui arrive au pouvoir oublie d’où il vient »,
sera l’abstention. » Une position qui devrait rester minoritaire au PS, mais qui dénote un malaise dans la majorité et ne va pas vraiment donner les coudées franches à un premier ministre pressé d’agir. « Dès sa nomination à Matignon, M. Valls l’a confirmé : le pacte de responsabilité sera appliqué. La voie libérale est ainsi maintenue contre vents et marées », regrettent de leur côté les parlementaires communistes et du Front de gauche à l’issue de leur rencontre, hier, avec l’intéressé. Si le premier ministre devait obtenir la confiance de l’Assemblée, il lui reste à concilier des positions à gauche devenues de plus en plus incompatibles. Les règles imposées par l’Union européenne, en général, et le cap des 3 % maximums de PIB de déficit public fixé pour 2015, en particulier, élargissent la brèche entre pro et anti-austérité. Au cadeau de 30 milliards d’euros fait aux entreprises par le gouvernement succède sa volonté de compenser par une baisse des dépenses publiques de 50 milliards sur trois ans. Un coup de hache de 23 milliards pour la Sécu et de 10 milliards pour les collectivités locales est d’ores et déjà programmé, si l’on en croit le quotidien économique les Échos. Autant dire que c’est une confiance teintée de dépit que devrait obtenir Manuel Valls cet aprèsmidi. Pas assez pour un passage en force à moins de deux mois de l’élection européenne, mais suffisamment pour poursuivre dans la voie libérale. Frédéric Durand
assure ce travailleur social à la retraite, par ailleurs militant associatif dans un quartier de Toulouse. « Les électeurs voulaient sanctionner Hollande, ils ont sanctionné toute la gauche. Ayant peur de l’avenir, ils tentent le diable. » Ces résultats électoraux questionnent Hafid : « Pourquoi ont-ils déserté la gauche ? Comment repolitiser toute cette jeunesse ? Beaucoup sont formatés, il n’y a plus de débats d’idées. » En 2005, pourtant, la situation était bien différente. Même si par la suite… « Nous avons voté contre la constitution européenne et elle a été appliquée quand même via le traité de Lisbonne. » Dans les quartiers, cette désillusion pourrait prendre des formes violentes. « Si un jeune de banlieue n’a plus d’espoir, il va déraper. » Presque naturellement, Hafid n’attend pas grand-chose du nouveau gouvernement pour changer la donne. Selon lui, la solution est à rechercher ailleurs, notamment au contact des gens : « La gauche doit investir le terrain, faire de la proximité, discuter avec la population. Il est possible de construire une politique de gauche. Si on peut pousser Hollande vers la droite, on peut aussi le pousser vers la gauche. » Joseph Korda, avec Audrey Laussouarn (Villejuif), Éva Sala (Limoges) et Bruno Vincens (Toulouse)
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l’Humanité Mardi 8 avril 2014
L’événement europe
50 milliards
Le tandem de Bercy s’agenouille à Berlin
Le coup de rabot fatal
La feuille de route présentée hier par les ministres français des Finances et de l’Économie à leurs homologues allemands obéit aux canons d’un « modèle » qui conduit l’Europe dans le mur.
M
ichel Sapin et Arnaud Montebourg ont été faire des prix provoquée par l’évanescence des débouchés, qui se tamponner, hier à Berlin, leurs feuilles de route traduit par un recul sensible des investissements, et donc des au sein du nouveau gouvernement de Manuel emplois et des salaires en berne. Dans la zone euro, les prix Valls. Que Paris demande un « délai » sup- n’ont plus augmenté que de 0,5 % en mars, vient de révéler plémentaire à Bruxelles en programmant un l’institut de statistique européen Eurostat. L’Allemagne retour à 3 % du déficit budgétaire au-delà de la date prévue n’échappe pas au phénomène (1 % d’inflation en mars contre de 2015 n’a perturbé aucunement leurs homologues des Fi- 1,2 % le mois précédent). Et la croissance y est très molle, à nances, Wolfgang Schäuble (CDU), et de l’Économie, Sigmar peine supérieure au niveau français en 2013 (0,4 %). Gabriel (SPD). « La France est sur un très bon chemin », Ainsi le cœur du « modèle » qu’il faudrait à tout prix a assuré Schäuble au terme de cette rencontre, imiter est touché. La baisse des salaires réels en se disant « convaincu » des explications four2013 outre-Rhin (moins 0,2 %) alimente cette nies par son collègue. L’essentiel aux yeux menace de déflation dont la source n’est autre des autorités allemandes n’est pas tant dans que la précarité massive induite par les réformes le respect du délai imparti pour revenir dans antisociales mises en place par l’ex-chancelier C‘est le pourcentage les clous du pacte de stabilité que dans l’amSchröder et poursuivies par Angela Merkel. du déficit public pleur et l’impact de « réformes de structures », Ce sont elles qui plombent un marché intérieur français en 2013. destinées à sceller les engagements austérigermanique pourtant considéré comme décisif taires. La chancelière Angela Merkel le martèle par une majorité d’observateurs, pour prendre dans chaque réunion au sommet. Et il n’y a rien le relais d’exportations qui s’essoufflent et perde ce point de vue qui puisse altérer la compréhension mettre au passage à l’Allemagne de servir de locobienveillante affichée hier par le tandem ministériel motive à la relance en Europe. germanique des finances et de l’économie. Le « modèle allePrisonnières elles-mêmes du dogme austéritaire, les décisions mand » est bien la référence pour Paris qui va entamer, avec du gouvernement de grande coalition (CDU-SPD) ne sont pas le pacte dit de responsabilité, une politique d’austérité d’une à la hauteur de ces enjeux de relance allemande et européenne. ampleur jamais vue dans la Ve République (voir ci-contre). Le syndicaliste Frank Bsirske, patron de la puissante fédération Sapin et Montebourg ont fait allégeance. Et pourtant il est des services (Ver.di), dénonce ainsi les insuffisances terribles de plus en plus notoire que le carcan sur lequel se fonde l’hé- de la loi instaurant un salaire minimum programmé seulement gémonisme de Berlin et des grands groupes exportateurs al- d’ici à 2017 par la grande coalition. Il revendique que ce Smic lemands emmène l’Europe dans le mur. Si l’étranglement nouveau soit rapidement porté à 10 euros brut de l’heure contre dont sont victimes les pays du sud de l’Europe fait apparaître, la règle visant à en geler le montant à 8,50 euros (9,53 euros depuis plusieurs mois déjà, le caractère empoisonné des pour le Smic français aujourd’hui) jusqu’en… 2018. prescriptions du « modèle », le reste de la zone euro est tout Signe que les résistances et les idées alternatives grandissent aussi gravement affecté. Le fait même que la France soit aussi outre-Rhin : Ver.di revendique 7 % d’augmentation dans contrainte de demander aujourd’hui des délais à Bruxelles en les négociations engagées dans la fonction publique. Différentes constitue d’ailleurs l’un des absurdes effets collatéraux. Tant branches exigent des hausses salariales très sensibles. Dans les mesures du gouvernement Ayrault destinées déjà à flexi- la chimie, une augmentation de 3,5 % a été actée. Et la Confébiliser le travail ou à réduire son coût ont contribué en fait à dération des syndicats allemands (DGB) avance le déploiement plomber la croissance. Ce qui a rendu vain les calculs des d’un « plan Marshall » pour l’Europe, qui prend l’exact contrecomptables de Bercy. pied des injonctions restrictives de la chancelière. Une démarche Symptôme de l’empoisonnement des économies de la zone qui rejoint les propositions anti-austérité portées par la Conféeuro par le « modèle », censé les guérir, le signal de la déflation dération européenne des syndicats, vendredi dernier à Bruxelles clignote de plus en plus fort sur le tableau de bord de la Banque (voir notre édition du 4 avril). Preuve que l’Europe n’est pas centrale européenne (BCE). Engrenage infernal : la chute du soluble dans l’allégeance du tandem de Bercy. pouvoir d’achat du plus grand nombre entraîne une baisse Bruno Odent
4,3 %
Quand le non-respect des seuils du pacte devient prétexte à mise en scène Face à un déficit public français qui ne s’est pas réduit en 2013, selon les engagements établis par le gouvernement auprès de Bruxelles, et compte tenu de l’impossibilité de le ramener au niveau requis par le pacte de stabilité à 3 % d’ici à 2015, plusieurs dirigeants socialistes ont entamé une campagne sur le besoin d’obtenir de nouveaux délais. Il n’est pas question pour eux de contester le bien-fondé du pacte mais de
considérer qu’il pourrait être provisoirement aménagé pour permettre le retour de l’activité. Arnaud Montebourg martelait ainsi hier à Berlin : « La question des comptes publics est une question accessoire par rapport à la croissance. » La présidente socialiste de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Élisabeth Guigou, appelait, de son côté l’Union européenne à ne pas « étouffer la croissance » par un « fétichisme »
sur la baisse des déficits. Ces interventions illustrent d’une certaine manière la schizophrénie opportuniste du discours que tiennent nombre de dirigeants du PS depuis le démarrage de la campagne des élections européennes, espérant mettre en scène une bien dérisoire opposition à l’austérité, alors même que le gouvernement de Manuel Valls s’engage dans un cycle de réformes à la Schröder.
Protection sociale, école, collectivités. Les réductions budgétaires semblent bouclées.
L
es efforts » étaient déjà « considérables », a reconnu hier le ministre des Finances et des comptes publics, Michel Sapin, avant d’enfoncer le clou et de confirmer que l’austérité allait être « amplifiée ». Au total, l’État, la Sécurité sociale et les collectivités locales devraient faire les frais des nouvelles coupes de 50 milliards d’euros, à hauteur de, respectivement, 17, 23 et 10 milliards d’euros. Pour y parvenir, le gouvernement s’apprêterait à prolonger le gel du point d’indice des fonctionnaires, en vigueur depuis 2011, en 2015 mais aussi en 2016, révèle les Échos, « ordre de grandeur » qu’a confirmé le ministre. Une proposition qu’a jugée « inacceptable » Laurent Berger, secrétaire national de la CFDT, pourtant signataire du pacte de responsabilité. Alors que le chômage culmine autour des 10,5 %, le ministère de l’Emploi pourrait être amputé d’environ un milliard d’euros sur trois ans, en durcissant, par exemple, les conditions d’attribution de l’allocation de solidarité spécifique pour les chômeurs en fin de droits. Les 550 opérateurs publics, parmi lesquels Météo France, les universités ou le CNRS, pour ne citer qu’eux, seront également mis à contribution et « verront les dépenses, au minimum, continuer à être gelées en valeur », pour un coup de rabot de 3 milliards d’euros, sur une enveloppe estimée à 50 milliards en 2014. Pour couronner le tout, François Hollande pourrait également remettre en cause l’un de ses derniers engagements : les 60 000 embauches promises dans l’éducation sur cinq ans. La promesse se dégonflerait de 10 000 à 15 000 créations de postes. Outre les multiples réformes de ces dernières années et les mesures déjà annoncées, les attaques budgétaires contre la Sécurité sociale s’aggraveraient d’un milliard d’euros de plus chaque année jusqu’à la fin du quinquennat. Les hôpitaux seraient une fois de plus ciblés et les médicaments génériques mis en avant pour faire baisser les prix. Par ailleurs, Manuel Valls pourrait rouvrir le dossier des prestations familiales et diminuer le complément de mode de garde pour les parents d’enfants de moins de trois ans. Avec, au final, 23 milliards d’euros de dépenses en moins pour la santé, la famille et les retraites, la Sécurité sociale devra assumer près de la moitié des « économies ». Enfin, avec la baisse des dotations versées par l’État de 3 milliards d’euros par an en 2015, 2016 et 2017, les collectivités territoriales ne seront pas non plus épargnées. Pour cela, l’État devrait introduire un bonus-malus sur les dotations, indiquent les Échos, afin d’encourager la « mutualisation » des services entre les collectivités – traduire : des suppressions de postes –, mais aussi de ralentir l’avancement des carrières des fonctionnaires territoriaux, jugé trop avantageux pour ces agents…
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150 Politique&Citoyenneté
C’est le nombre de villes de plus de 9 000 habitants qui ont basculé de gauche à droite le 30 mars.
petits arrangements entre amis « Je connais Manuel Valls depuis vingt et un ans. Nous avons eu l’occasion de travailler de près, ensemble, en confiance sur des réformes (…). J’ai pris sa défense à plusieurs reprises. » Frédéric Lefebvre (UMP).
droite
Quand Valls coupe l’herbe sous le pied de Copé
Renforcé par le score historique de son parti aux municipales, le patron de l’UMP voulait maintenant rassembler son camp et exister dans l’opposition au nouveau gouvernement Valls, très populaire à droite. Mais l’horizon est loin d’être entièrement dégagé…
S
ur le papier, le patron de l’UMP a de quoi jubiler. Non seulement « la vague bleue » a dépassé ses propres espérances, mais la droite pourrait aussi prendre la tête d’une grande majorité des treize métropoles. Quant au Sénat, il n’y a plus guère de doute sur son basculement en septembre prochain. Cerise sur le gâteau, les sondages s’entêtent à donner l’UMP en tête aux élections européennes du 25 mai. Cette dynamique favorable à la droite, Jean-François Copé compte bien l’user jusqu’à la corde. « En 2012, nous étions un parti en lambeaux. À présent, premier parti de France, nous pouvons poursuivre le travail de refondation et bâtir un projet présidentiel », affirmet-il dans les colonnes du Journal du dimanche de ce week-end.
24 %
C’est le score que réaliserait l’UMP aux européennes, selon un sondage IFOP.
Comptes de l’UMP : rétropédalage Exit la spectaculaire « mise sous scellés » des comptes de l’UMP décrétée par le patron de l’UMP après les révélations du Point, censée répondre à « une campagne de presse agressive et haineuse ». Jean-François Copé préfère désormais présenter à son parti, à huis clos, « un exposé complet » de la situation financière. La pièce « sous scellés par un huissier », où étaient censés se trouver les comptes, s’est donc magiquement rouverte...
L’UMP n’en a pas fini avec ses vieux démons
Pourtant, l’horizon est loin d’être entièrement dégagé pour le député maire de Meaux. Pressé d’en finir avec l’affaire « Bygmalion » pour avoir les mains libres à la tête du principal parti de l’opposition, le député maire de Meaux doit présenter, aujourd’hui, devant le comité stratégique « un exposé complet pour démontrer » que les accusations de surfacturations au profit d’une société amie et au détriment des fragiles finances de son parti, « sont totalement mensongères ». Accablée par les scandales politiques et financiers, l’UMP avait décidé de glisser les accusations du Point sous le tapis jusqu’à la fin des municipales. François Fillon, comme il l’avait annoncé, n’a pas manqué d’exiger des explications à son rival lors du comité politique hebdomadaire de l’UMP de la semaine dernière. De son côté, renforcé par le score historique de son parti, Jean-François Copé n’a pu s’empêcher de régler ses comptes avec son rival, accusé de lui avoir mis des bâtons dans les roues lors de la campagne électorale. C’est dire si tous les ingrédients sont réunis pour que la guerre interne reparte de plus belle.
Un projet encore inabouti pour les européennes
D’autant que la campagne européenne s’avère difficile pour la droite, tiraillée entre « eurobéats » et souverainistes convaincus. « Ce serait une erreur de croire que ce résultat est un chèque en blanc pour nous », prévient
Jean-François Copé (à gauche) partage sa perplexité avec Christian Jacob à l’Assemblée. REUTERS/Charles Platiau
Laurent Wauquiez, quand Jean-Pierre Raffarin met en garde ses amis à ne pas prendre le rejet du PS « comme une envie d’UMP ». « On ne peut pas tirer une gloire d’un cri de colère ou de détresse », analyse également François Fillon. D’ores et déjà, Henri Guaino, ancienne plume de Nicolas Sarkozy, a annoncé qu’il ne voterait pas pour l’UMP le 25 mai prochain. En cause : l’eurodéputé Alain Lamassoure, qui sera tête de liste en Îlede-France. « Je ne voterai pas pour l’incarnation d’une ligne qui est à l’opposé de ce que je pense et de ce que je crois être l’intérêt de mon pays », a lancé le député des Yvelines, opposé au traité de Maastricht et au référendum constitutionnel de 2005. « Il y a toujours eu des sensibilités différentes à l’UMP », rétorque Jean-François Copé…
Manuel Valls, le meilleur ennemi de la droite
Reste au parti de Jean-François Copé à s’imposer véritablement dans le débat politique. L’exécutif socialiste lui ayant coupé l’herbe sous le pied avec le pacte de responsabilité, la droite a eu du mal à exister dans l’opposition au gouvernement Ayrault, en dehors des sujets sociétaux. Et l’arrivée de Manuel Valls à Matignon, qui bénéficie d’une forte cote de popularité dans l’électorat conservateur, risque de déstabiliser quelque temps l’UMP. Hier, l’ancien secrétaire d’État sarkozyste Frédéric Lefebvre n’a pas exclu d’accorder sa confiance au nouveau premier ministre, alors que Patrick Devedjian salue avec sa nomination « un coup de barre à droite ». « Maintenant qu’il est vraiment aux affaires, tout le monde va enfin
s’apercevoir que c’est une fausse valeur. Il va se brûler les ailes », se frotte les mains Laurent Wauquiez. « Il est de droite en paroles, mais cela ne se concrétise jamais en actes », dénonce Jean-François Copé, qui compte l’interpeller, aujourd’hui, « pour qu’il nous donne le détail crédible des 50 milliards de baisse des dépenses publiques, abandonne la réforme pénale et celle des rythmes scolaires et apporte des clarifications sur la politique familiale ». En exigeant le retrait de la réforme pénale portée par Christiane Taubira, le président de l’UMP compte appuyer là où ça risque de faire mal au nouveau premier ministre, hier opposé à la suppression des peines planchers, aujourd’hui obligé de donner des gages aux électeurs de gauche. Maud Vergnol
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Politique&Citoyenneté gauche
Le kaléidoscope de la marche du 12 avril contre l’austérité
À quelques jours de la marche nationale prévue samedi à Paris entre République et Nation, présentée comme une étape dans les luttes, les appels à participer se multiplient au niveau régional et départemental comme dans les branches professionnelles.
L
undi, huit heures, métro Olympiades à Paris. Dans la bousculade matinale, le tract « Maintenant ça suffit, marchons contre l’austérité pour l’égalité et le partage des richesses » est peu refusé. Même si l’heure n’est pas aux longs échanges. À cinq jours de ce rendez-vous qui s’annonce musclé entre République et Nation, les appels ne cessent de se multiplier et, avec eux, les initiatives pour participer à cette journée initiée par le Front de gauche. De leur côté, les communistes du Pic-SaintLoup, Veyne et Mosson, Littoral, Villeneuvelès-Maguelone et de Montpellier organisent un départ en bus. L’union régionale CGT d’Îlede-France appelle à défendre « des mesures porteuses de progrès social ». Dans le même temps, le Front de gauche du Loiret dit se placer dans une dynamique qui « vise à descendre dans la rue contre l’austérité en France et en Europe ».
« Ensemble contre le pacte de responsabilité imposé par le Medef »
Dans les Pays de la Loire, le conseiller régional PCF, Aymeric Seassau, appelle lui aussi « les hommes et les femmes de gauche à reprendre la parole pour réveiller la gauche ». Ce que dit le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, quand il déclare : « Ensemble, nous pouvons refuser le pacte de responsabilité imposé par le Medef et les 50 milliards de réduction des dépenses publiques », et quand il parle d’engager « le bras de fer contre les orientations ultralibérales européennes. Le sursaut citoyen et populaire de toutes les forces vives de la gauche doit se manifester, sans attendre, et se consolider
dans la durée ». Le Mouvement jeunes comLa fédération CGT des services publics apmunistes de France (MJCF) n’est pas reste, pelle, elle aussi, et dénonce le « carcan finanen notant que « le 12 peut être un moment cier que constitue le pacte de responsabilité. fort pour faire entendre cette voix de Aucune réforme ne peut être positive si l’alternative. Plus qu’une manifeselle a pour objet de contribuer à tation d’un jour, c’est une occouper 50 milliards dans les casion d’ouvrir une nouvelle dépenses publiques ». page de combat ! C’est un reJean-Marc Coppola, viceC’est le nombre des lais formidable pour montrer président communiste de la premiers signataires notre détermination ». région Provence-Alpes-Côte de l’appel national d’Azur, dénonce le « pire siLe NPA n’y va pas non plus Maintenant ça par quatre chemins, en dégnal que le président de la suffit, marchons… nonçant « la baisse des cotiRépublique pouvait donner » sations patronales, les milliards en nommant Manuel Valls, et de cadeaux et le pacte de responil ajoute : « Après ces municipales sabilité dont se réjouit le Medef ». Hier, où le Parti communiste et le Front de le conseil politique national de la formation gauche résistent mieux que le PS, nous allons parlait d’une « étape pour œuvrer à la construc- poursuivre le rassemblement de tous ceux et tion de mobilisations d’ampleur, d’un affron- celles qui veulent faire grandir l’alternative à tement avec le gouvernement et le patronat gauche. Il va nous falloir construire des mobipour inverser le cours des choses ». lisations populaires. »
200
l’opinion des lecteurs filrouge@humanite.fr Que pour une bonne vision dans la gestion, il y ait des branches maladie, vieillesse, famille, soit ! Mais ce n’est pas pour faciliter l’abattage de l’arbre. La Sécu est une et indivisible et elle doit le rester. François Hollande et Pierre Gattaz ont sorti la tronçonneuse…
« Vague bleue » La communauté urbaine de Marseille passe aux mains de l’UMP
Le temps de la cohabitation est révolu entre la Cité phocéenne et son agglomération. Après la victoire du maire sortant, JeanClaude Gaudin, aux municipales, c’est au tour de la communauté urbaine de Marseille d’être gagnée par l’UMP, permettant une quasi-toute-puissance de la droite dans ce secteur. Le nouveau président, Guy Teissier, député et maire des 9e et 10e arrondissements, a obtenu hier 90 voix, contre 31 à son adversaire, Michel Illac, maire sans étiquette d’Ensuès-la-Redonne. Cela met fin à six ans de « gouvernance partagée », après une victoire surprise de la gauche en 2008. Plus rien n’empêche désormais la droite de mettre en place la métropole Aix-Marseille appelée à absorber Marseille Provence Métropole (MPM), aux côtés de cinq autres communautés d’agglomération, projet ayant pourtant suscité la fronde de 109 maires des Bouches-du-Rhône. Le nouveau président s’est d’ailleurs réjoui d’être à la tête d’une « majorité franche et sans équivoque pour diriger cette institution ». Sympathique.
Exonérer le patronat des cotisations allocations familiales est un vrai cadeau au Medef. C’est un hold-up sur la Sécu. Réduire les cotisations des salariés est un faux cadeau aux salariés et un nouveau vrai cadeau au Medef qui récupérera cet argent par le biais des
compagnies d’assurance. Ambroise revient, ils sont devenus fous ! La Sécu : nos aînés se sont battus pour la créer, battons-nous pour la garder ! Le silence tonitruant des urnes n’a pas suffi, soyons dans la rue le 12 avril. Michel Wissmann, par Internet.
Le mouvement Ensemble, composante du Front de gauche, estime lui aussi que « la mobilisation citoyenne et sociale est urgente pour exiger l’abandon du pacte de responsabilité, construire une alternative sociale, démocratique, écologique et féministe. C’est tout l’enjeu de la manifestation unitaire du 12 ».
« Face à la dépendance croissante de la presse à l’égard des grands groupes »
Et si l’on poursuit le tour de France, les communistes de la Drôme parlent de « riposte à la droite avec une manifestation contre l’austérité ». Ceux des Alpes-Maritimes ajoutent que le « bilan à tirer à chaud de ces élections municipales est bien l’urgence absolue de changer de politique et de travailler à une véritable alternative qui redonne des couleurs aux valeurs de gauche au niveau local comme au niveau national ». On notera aussi, dans cet inventaire forcément incomplet, un appel national des territoriaux FSU ou encore du Snuitam FSU (agriculture et mer). Delphine Fenasse et Sébastien Baudouin, cosecrétaires du PG dans le Val-de-Marne, parlent de « résistance à l’austérité qui devra s’amplifier ». Enfin, l’Acrimed (association Action critique médias) s’associe à la journée « aux côtés de toutes celles et de tous ceux qui, salariés et usagers des médias, s’insurgent aussi contre la précarisation des journalistes, la pauvreté de l’information (politique, économique, sociale, internationale, etc.), la dépendance croissante de la presse à l’égard de grands groupes financiers et les mutilations du pluralisme qu’entretiennent les atermoiements et les reculades du gouvernement ». G. R.
UDI Le départ de Jean-Louis Borloo interroge sur sa difficile succession
Après les éloges et l’émotion, c’est la suite qu’il va falloir gérer. L’annonce dimanche soir du retrait total de Jean-Louis Borloo de ses fonctions politiques pour raisons de santé a suscité de nombreuses réactions d’une partie de la classe politique qui, avec ou sans larmes de crocodile, n’hésite pas à invoquer « une grande perte ». Mais le coup dur est pour les centristes, qui se retrouvent brusquement sans leader. Et particulièrement à quelques semaines des européennes, scrutin crucial pour l’Union des démocrates indépendants (UDI), qui forme un mouvement baptisé l’Alternative avec le Modem de François Bayrou depuis l’automne dernier. Sans lui, difficile d’ailleurs de prédire un quelconque avenir pour cette sainte alliance. La question de la succession est désormais sur toutes les lèvres, car elle promet d’être un véritable cassetête. Jean-Christophe Lagarde, député maire de Drancy, et Hervé Morin ont d’ores et déjà annoncé ne pas être candidats. Alors, qui ? Réponse la semaine prochaine.
Orléans La révélation de l’Huma sur le maire UMP secoue la Place Beauvau
La mise en place d’une délégation sur la « lutte contre l’immigration clandestine » par le maire UMP d’Orléans, révélée dans nos colonnes, fait boule de neige. L’initiative de Serge Grouard a rapidement fait réagir son prédécesseur Jean-Pierre Sueur. Le président de la commission des Lois du Sénat a en effet décidé, hier, de saisir Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, et Pierre-Étienne Bisch, préfet du Loiret. Car la lutte contre l’immigration clandestine relève normalement des compétences et prérogatives de l’État et non de la mairie, ce qui rend absurde la décision d’un maire de confier à un élu une délégation dans ce domaine. Le sénateur a demandé en conséquence « d’étudier les recours devant la juridiction administrative susceptibles d’être mis en œuvre à cet égard », afin de statuer sur la légalité ou non de cette initiative liberticide. Ce n’est pas une première pour le maire UMP d’Orléans, qui s’était déjà illustré comme précurseur des arrêtés « anti-mendicité ».
Mardi 8 avril 2014 l’Humanité
33 %
C’est la part que représentent, en moyenne, les versements émanant des différentes branches de la Sécu dans le revenu disponible brut des ménages.
La promesse « Jamais nous ne tolérerons que ne soit renié un seul des avantages de la Sécurité sociale. » Ambroise Croizat, en octobre 1950.
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Capital/travail
baisse des cotisations
Hollande va asphyxier la Sécurité sociale Haro sur le salaire socialisé ! Aux patrons, le gouvernement Valls promet la baisse du « coût du travail » et aux salariés, des hausses de leurs salaires net. Au risque d’asphyxier la protection sociale…
N
e vous en faites pas, François certains employeurs, existaient depuis des Hollande et le gouverne- décennies. Dans la conception qui prévaut ment Valls ont entendu le manifestement au cœur de la majorité présimessage… Mais lequel ? Pas dentielle, l’entreprise n’a plus à partager les vraiment celui des urnes. richesses créées par le travail de ses salariés Celui du Medef, plutôt ! Dans pour participer au financement de la protection une intervention passée sociale ou, à tout le moins, des allocations largement inaperçue jusqu’ici, le 18 mars familiales : elle n’a plus à contribuer si l’on dernier, à quelques jours du premier tour des refuse de prendre en considération, comme municipales, Pierre Gattaz invitait le gouver- y invitent pourtant les Économistes atterrés, nement « dans le cadre du pacte de respon- par exemple, le caractère de « bien public » sabilité » à examiner « comment redonner de des enfants, les bénéfices économiques et l’oxygène » aux troupes dans les entreprises. sociaux liés au taux de fécondité d’un pays ou « Je suis très préoccupé par le pouvoir encore la dimension d’« investissement d’achat des salariés, minaudait le social » des mesures en faveur des patron des patrons. Ce qui familles. Piqué au vif, à la mimilliards compte à la fin, c’est le salaire janvier, l’ex-premier ministre net qui doit augmenter, mais Jean-Marc Ayrault s’était ce sont, en euros, les dépenses non pas par un problème (sic) étranglé, de manière révélasociales liées à d’augmentation salariale antrice : « Est-ce qu’une politique l’enfance dont 7 % née après année, mais par une de solidarité qui n’est pas liée proviennent des baisse des cotisations salaau travail, qui concerne tous cotisations famille riales sur le salaire net. » Trois les Français qui ont des enfants, des entreprises. semaines plus tard, alors que doit être payée par une cotisale président de la République vient tion assise sur le travail ? Nous, nous de proposer d’adjoindre un complément pensons que ça doit être payé par la so« de solidarité » au pacte de responsabilité, lidarité nationale. Cela n’est pas une mise en Manuel Valls s’apprêterait, à l’occasion de sa cause de la protection sociale ! C’est déclaration de politique générale, à annoncer comme si on disait que l’éducation nationale un geste pour le pouvoir d’achat sous la doit être financée par des cotisations sur les forme d’une diminution des « charges so- entreprises, sur le travail ! » ciales » sur les bas salaires… et un nouveau recul pour le financement de la protection Les sirènes néolibérales ont rattrapé Hollande sociale par la cotisation ! Dans sa campagne comme au début du quinL’entreprise n’a plus à partager quennat, François Hollande n’avait pas évoqué les richesses créées par ses salariés l’hypothèse d’un transfert à la fiscalité du Derrière le maigre bénéfice promis à chaque financement de la protection sociale. À la salarié, désormais présenté comme une différence de Manuel Valls qui, lors de la « contrepartie » aux 35 milliards d’euros ac- primaire, l’avait défendu comme une « mesure cordés aux patrons dans le cadre du pacte de de gauche », il avait même promis d’abroger responsabilité, et la mise en péril de tout l’édi- la TVA sociale de Nicolas Sarkozy, conçue, fice de la protection sociale, les socialistes derrière le verbiage « antidélocalisation », tournent résolument le dos à l’héritage du comme un instrument de « compétitivité » programme du Conseil national de la Résistance permettant de faire baisser le « coût du tra(CNR) et au modèle social français tel qu’il a vail » pour les entreprises. Mais les sirènes été imaginé, avec une ambition universelle, néolibérales l’ont vite rattrapé : dès juillet dans l’immédiat après-guerre, à partir des 2012, à l’occasion des rencontres annuelles caisses de compensation qui, à l’initiative de du Cercle des économistes à Aix-en-Provence,
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Manuel Valls et François Hollande sur la même longueur d’onde, hier. Philippe Wojazer/ REUTERS
Louis Gallois appelait à un « choc de compétitivité » : « Il est impératif que le gouvernement transfère de 30 à 50 milliards d’euros de fiscalité pour baisser les charges sociales des entreprises. » Présent sur place, Pierre Moscovici, le ministre de l’Économie, avait protesté : « Ce n’est pas dans le projet. » Depuis lors, on le sait, le président de la République s’est complètement rallié à cette vision défendue auprès de lui par des économistes comme Philippe Aghion, Mathilde Lemoine et Gilbert Cette. Crédit d’impôt compétitivité emploi (Cice), pacte de responsabilité et, maintenant, consécration de la « modération salariale »… La majorité socialiste s’éloigne toujours plus des idéaux généreux et solidaires issus de la Résistance pour mieux devancer les consignes du Medef. Thomas Lemahieu
l’institut montaigne a défini le programme en 2012 et le président l’exécute en 2014 Que fait François Hollande au printemps 2014? Il applique une feuille de route de l’Institut Montaigne, le cercle pro-patronal fondé par Claude Bébéar, publiée au printemps 2012. Dans son rapport intitulé « Une fiscalité au service de la “social compétitivité” », le lobby préconisait un « choc d’offre » caractérisé par un « transfert de charges suffisamment important » de l’ordre de 30 milliards d’euros. Pour l’Institut Montaigne, il s’agissait d’abord de supprimer les cotisations patronales famille, mais aussi d’envisager un transfert du même ordre pour la branche maladie de la Sécu.
12 l’Humanité Mardi 8 avril 2014
Capital/travail Économie
Mariage en béton
Les deux leaders mondiaux du ciment fusionnent pour donner naissance à un colosse.
A nombre d’employeurs n’hésitent pas à exploiter la détresse des sans-domicile fixe. Joel saget/AFP
Sans-abri
La rue, voie royale de l’ultraprécarité
L’étude de l’Insee publiée aujourd’hui montre que les emplois occupés par les sans-domicile fixe sont précaires et ne constituent pas un marchepied pour s’en sortir.
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ous les pavés, le chômage. L’étude « Insee première » s’attarde sur l’emploi des sans-domicile fixe. Début 2012, seul un quart des SDF adultes francophones occupaient un emploi d’après le sondage effectué auprès des personnes qui fréquentent les services d’hébergement ou de distribution de repas. Le travail des privés de toit est une réalité mal connue. Pourtant, neuf sans-abri sur dix ont travaillé dans leur vie et plus de la moitié d’entre eux, de manière régulière.
Un quart des sans-abri sont en contrat à durée déterminée
tations Assedic pour que je puisse m’inscrire à Pôle emploi. » D’après l’Insee, 77 % des sans-logis rencontrent des difficultés dans leur accès à l’emploi. Chez les sondés, les deux obstacles évoqués en premier sont l’absence de moyens de transports, particulièrement criante en province, mais aussi le coût des transports, gratuits pour les seuls bénéficiaires de la CMU ou du RSA, or, seuls 30 % des sans-abri perçoivent cette allocation.
« Sans logement stable, pas d’emploi stable »
Un quart d’entre eux mentionnent aussi le manque de vêMais les contrats proposés sont ultraprécaires. Le CDI n’est tements convenables pour démarcher. Sarah, se souvient accessible que pour deux personnes sur cinq. Un quart des « avec horreur » de sa préparation pour chercher un emploi. sans-abri sont en CDD, sinon 15 % sont intérimaires, stagiaires « Je dormais très peu dans la voiture de mes parents ou chez ou saisonniers, et surtout, 22 % déclaraient ne pas avoir de des amies. Pour prendre ma douche, j’allais à la piscine, je me maquillais dans les toilettes publiques. Je ne voulais pas contrat de travail, parmi eux, une forte proportion sentir mauvais et je tenais à avoir l’air de quelque d’étrangers. Les personnes vivant dans la rue ont chose, même j’avais l’impression de n’être rien ! » généralement fait peu d’études : 80 % n’ont D’après cette étude, « la vie dans la rue ou dans pas de diplôme ou un diplôme inférieur au un centre » n’arrive qu’en quatrième position bac. Et occupent « presque exclusivement » Depuis 2011, des obstacles à la recherche d’emploi ; mais des emplois peu qualifiés, 93 % sont employés le nombre de pour Foudil Hellou, vice-président du Comité ou ouvriers. Leur parcours professionnel reste sans-abri a doublé très sinueux : deux sur trois travaillent depuis des sans-logis, il s’agit bien de la première pour atteindre haie à sauter. « Sans logement stable, pas d’emmoins d’un an dans la même entreprise et 141 500 personnes trois sur cinq perçoivent un salaire inférieur ploi stable, c’est le serpent qui se mord la queue. à 900 euros par mois. En matière de sousLes sans-abri passent déjà beaucoup de temps emploi, les femmes sont aussi en première ligne à chercher un toit. Nous sommes une des rares assochez les SDF. Dans ce contexte, nombre d’employeurs ciations à fournir des domiciliations administratives pour n’hésitent pas à exploiter leur détresse. C’est ce qui est arrivé qu’ils puissent recevoir leur courrier, effectuer des démarches à Sarah, vingt-deux ans, jetée à la rue avec sa famille après le comme s’inscrire à Pôle emploi, c’est une étape très importante. » licenciement de sa mère il y a un an. Quand on lui propose un Depuis septembre, Sarah respire. Elle occupe un contrat poste d’assistante de direction dans une agence immobilière, d’avenir au sein du Comité des sans-logis. « J’habite avec une elle saute sur l’occasion. Mais au bout de six mois de bons et amie en colocation dans un studio, j’ai déposé une demande loyaux services, sans avoir signé aucun contrat de travail, elle logement social », explique-t-elle. Le dernier sésame pour est remerciée. « Je ne sais pas si mon employeur a profité de sortir complètement de la rue. Cécile Rousseau ma situation… Maintenant, il refuse de me donner mes attes-
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près le rachat de SFR par Numericable, c’est au tour des deux plus grands cimentiers mondiaux de fusionner. Le suisse Holcim et le français Lafarge ont annoncé, hier, la naissance d’un colosse de béton, baptisé LafargeHolcim, qui pèsera quelque 32 milliards d’euros. L’opération prendra la forme d’une offre publique d’échange lancée par le groupe suisse Holcim sur son concurrent français Lafarge, au taux d’une action Holcim pour une action Lafarge. Tous deux espèrent boucler cette transaction au premier semestre 2015. Le géant prévoit de réaliser « les deux tiers de son résultat opérationnel dans les pays émergents », le béton étant l’un des principaux vecteurs du développement. Cette union intervient dans un contexte où le secteur des matériaux de construction est confronté à des surcapacités et une faible demande en Europe – le marché est passé de 24 millions de tonnes en 2008 à 18,7 millions aujourd’hui. En se rapprochant, les deux cimentiers espèrent dégager 1,4 milliard d’euros de synergies nouvelles au bout de trois ans. L’idée de cette fusion est donc bel et bien de poursuivre sur la voie des réductions de coûts que les deux groupes réalisent déjà. Délégué CGT central chez Lafarge, Sylvain Moreno redoute ainsi de voir fondre « entre 10 et 20 % » des effectifs de la branche ciment du groupe français, du fait notamment des cessions d’actifs annoncées. Pour que cette fusion soit acceptée par les autorités de régulation, les deux groupes ont indiqué qu’ils céderaient entre 650 millions d’euros et près d’un milliard d’euros d’actifs, mais sans préciser lesquels. Si ce n’est que les deux tiers des cessions auront lieu en Europe. Comme tous les syndicats, Sylvain Moreno craint des cessions de cimenteries anciennes ou des transformations de cimenteries en stations de broyage, qui demandent moins de frais fixes et moins de main-d’œuvre. « Ils veulent optimiser les coûts et ne vont pas garder de doublons. » Pas sûr que la « grande vigilance » qu’entend observer le gouvernement sur la préservation des emplois ne rassure les syndicats… Avec cette opération, c’est aussi un poids lourd du CAC 40 qui quitte la France. Car le siège social de la future entité sera basé à Zurich. Interrogé sur l’intérêt fiscal d’avoir son siège en Suisse, le PDG de Lafarge a assuré que son groupe « ne quitterait pas la France ». Il restera coté au CAC 40 et disposera de « fonctions centrales » dans l’Hexagone. Certes, le groupe continuera à officier en France via une filiale locale, et donc paiera des impôts sur les activités qu’elle y réalisera. Mais on sait qu’en Suisse, les montages d’optimisations fiscales sont plutôt aisés, ce qui pourrait donner des idées aux patrons de ce colosse de béton. Alexandra chaignon
Mardi 8 avril 2014 l’Humanité 13 vol MH370 : mieux localiser
Suite à la disparition du vol MH370, les familles des victimes du vol Rio-Paris exigent, dans une lettre à Francois Hollande, la mise en place d’une amélioration rapide de la localisation des avions perdus en mer.
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C’est le nombre de chutes d’enfants par une fenêtre, selon une étude menée dans trois régions. Un chiffre en recul d’un tiers depuis 2006. (Inpes)
Société & solidarités
Champs-sur-Marne, le 4 avril. Dans le bidonville des Roms, Adrian et Claudiu volontaires de romcivic, et Nicolas, animateur. Photo Pierre Pytkowicz
solidarité
Quand de jeunes Roms s’intègrent en aidant les autres
Dix-neuf Roumains et Bulgares, engagés en service civique avec l’association des Enfants du canal, font chaque jour la démonstration que les Roms ont « vocation » à vivre en France. Enfants des bidonvilles, ils se construisent un avenir en défendant les droits de leurs pairs restés dans la misère.
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ttention au pickpocket », défile sur les écrans lumineux du bus 91. Adrian, Claudiu, Vasile, Claire et Valentin valident leur pass Navigo sans jeter un œil à ce message dont ils pensaient, il y a peu encore, qu’il les visait expressément.
Une journée internationale pour changer enfin de regard Célébrée aujourd’hui, la Journée internationale des Roms fait référence au 8 avril 1971, jour où la première minorité de l’UE a choisi les symboles de sa communauté. « Les Roms se heurtent à la discrimination dans les médias, dans la politique et sur le marché du travail », a dénoncé hier le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjorn Jagland. Et s’il faudra des années avant de faire cesser les préjugés, « l’assistance au niveau local constitue la stratégie la plus prometteuse pour protéger les droits des Roms ».
Cette joyeuse équipe, en ce vendredi après- d’infortune. Dans ce village niché dans l’envers midi, prend la direction d’un bidonville de de la ville, l’eau n’arrive qu’en packs de six Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne). Tous bouteilles, portées à bout de bras par des les cinq ont été engagés, ainsi que dix-neuf femmes épuisées. autres jeunes, en service civique par l’association les Enfants du canal. Une opération Des contacts se nouent baptisée « Romcivic ». Car, mise à part une Arrivés au centre de la « Platz », les jeunes poignée de Français, la plupart de ces jeunes de Romcivic sont immédiatement assaillis par volontaires sont des Roumains et des une nuée d’enfants. Leur « vocation » Bulgares vivant eux-mêmes dans n’est manifestement pas de repartir des bidonvilles ou des squats. en Roumanie mais plutôt de Valls : En échange d’un premier jouer à la passe à dix et au jeu « Il n’y a pas d’autre contrat, et de 467 euros par du béret. Ce jour-là, une vingsolution que de mois, ils apportent une aide taine d’enfants cesseront, démanteler ces à leurs pairs qui continuent pour quelques heures, de camps et de de survivre dans l’un des 150 s’amuser avec des bâtons et reconduire ces à 200 campements recensés des roues crasseuses. Les anipopulations à la frontière. » en région parisienne. mations sont « un prétexte pour entrer en contact et faire À peine sorti de la gare RER de Noisy-Champs, notre « team » de l’accompagnement social », radu jour s’engouffre dans une haie dans conte Nicolas, qui supervise les activités un petit bois oublié par les plans d’urbanisme. pour les Enfants du canal. Des contacts se Un « délaissé urbain », comme on dit dans le nouent, la confiance s’installe peu à peu sur jargon des architectes, coincé entre la N370 ce terrain où l’association n’intervient que et l’université de Marne-la-Vallée. Au bout depuis quelques semaines. Et ça marche. du chemin, des hommes et des femmes vivent. Florin s’approche des jeunes, un courrier à Des enfants jouent. Cette clairière serait presque la main. Ce père de quatre enfants est tout bucolique si les cabanons disséminés ça et là heureux d’avoir trouvé « un emploi déclaré » ne rappelaient qu’on y dort sous des bâches dans les espaces verts à Bretoncelles… à 250 km
de là ! Son souci ? Hébergé chez un proche, il n’est plus très sûr de l’adresse à fournir à son futur employeur. Ni une, ni deux, Valentin, dix-neuf ans, lui vient en aide et l’accompagne à la poste. Un autre occupant vient demander de l’aide pour scolariser son enfant. Rendezvous est pris pour mercredi. « Nous aidons aussi les familles à aller à l’hôpital, à obtenir une domiciliation, à remplir le dossier pour l’aide médicale d’État », explique Adrian, vingt-trois ans. À Montgeron, dans l’Essonne, les Romcivic ont épaulé des dizaines de familles et les associations après l’incendie qui a dévasté le campement, il y a dix jours. Même chose, en février, après la mort de Melisa, emportée par les flammes à Bobigny (Seine-Saint-Denis). « À chaque fois qu’un volontaire fait un accompagnement, confie Nicolas, il revient avec trois nouvelles demandes de soutien. » En aidant les autres, ces jeunes s’aident aussi eux-mêmes. « Quand nous avons lancé le programme, le service civique était la seule manière de leur offrir un premier contrat, une indemnité et de leur ouvrir des droits à la Sécurité sociale, explique Christophe Louis, directeur de l’association les Enfants du canal. À l’époque, c’était la seule faille pour échapper aux restrictions de travail imposées aux ressortissants roumains et bulgares dans l’Hexagone. »
14 l’Humanité Mardi 8 avril 2014
Société & solidarités
Le rêve de « vie normale » de ces familles Roms coincées dans les bidonvilles
La fin de ces mesures transitoires, effective depuis le 1er janvier 2014, devrait faciliter l’accès au marché du travail des 17 000 à 20 000 Roms de France.
«Faire taire les préjugés»
Les jeunes de Romcivic participent aussi à des cours de français, apprennent à connaître leurs droits avec l’aide de la Ligue des droits de l’homme et travaillent sur leurs propres projets d’insertion. « Une dizaine d’entre eux ont déjà réussi à sortir du bidonville, via une solution d’hébergement », explique Christophe Louis. Arriver à l’heure ou rester assis dans une salle de cours pendant trois heures n’est pas une évidence pour certains jeunes qui n’ont jamais été scolarisés. Autant d’apprentissages qui ouvrent les champs des possibles. Adrian, vingt-trois ans, veut devenir chauffeur-livreur. « Les jeunes volontaires montrent que l’on peut réussir à s’intégrer, résume Christophe Louis. À l’extérieur, ils peuvent faire taire les préjugés, qui les font toujours passer pour des voleurs de poules… » L’association souhaite élargir l’expérience Romcivic, lancée en grande pompe par trois ministres (logement, lutte contre l’exclusion et jeunesse). Mais Cécile Duflot, Marie-Arlette Carlotti et Valérie Fourneyron ne sont plus au gouvernement. Quelle sera la ligne de Manuel Valls, lui qui estimait que les populations roms ont « vocation à retourner » en Roumanie et Bulgarie ? « Si on ne peut pas s’intégrer, c’est parce que l’on nous empêche de le faire », réplique le jeune Claudiu, dix-sept ans. Il cite l’exemple de son oncle, malade. « Nous avons fait toutes les démarches pour obtenir l’aide médicale d’État. Mais il fallait ouvrir un compte bancaire, avoir un justificatif de domicile...» Impossible pour cet homme qui vit avec sa famille dans un squat à la porte de Choisy, à Paris. « Nous sommes des citoyens européens, nous avons des droits ! » rajoute Cristian, un des anciens du bidonville de Champs-surMarne. Fin janvier, son cousin Cosmin, vingttrois ans, était l’un des trois jeunes refoulés à l’entrée d’un bus malgré un titre de transport valide. « Les Roumains, ils vont à pied, ils montent pas dans le bus », avait déclaré le chauffeur. Sans savoir qu’il avait affaire à un volontaire Romcivic... Le jeune homme n’a pas hésité à porter plainte au commissariat et devant le défenseur des droits. Pierre Duquesne
Égalité salariale. La ministre des Droits des femmes lance une appli sur mobiles
Najat Vallaud-Belkacem rêve-t-elle en prédisant l’égalité salariale entre les sexes au 31 décembre 2017 ? Hier, date d’Equal Pay Day en France, la ministre des Droits des femmes a lancé un nouvel outil censé réduire l’écart de rémunération, évalué à 19,4 % selon le ministère du Travail. Son idée : une application pour mobiles nommée Leadership pour elles. De quoi, assure la ministre dans le Parisien, permettre aux femmes « de lutter contre l’autocensure et oser, comme les hommes, aller davantage de l’avant ». L’application propose un « quiz d’autodiagnostic » sur le niveau de confiance en soi de l’utilisatrice et fournit des conseils en fonction des réponses. Une goutte d’eau diront certains. Car si Najat Vallaud-Belkacem reste la première ministre à avoir osé sanctionner une dizaine d’entreprises irrespectueuses des législations, cette question du niveau de rémunération demeure l’un des maillons faibles de son projet de loi sur l’égalité, qui doit encore être examiné en deuxième lecture au Sénat. M. K.
Rapport. Plus de huit familles Roms
migrantes sur dix disent vouloir s’installer durablement en France et vivre dans une maison ou un appartement, selon une étude des Enfants du canal.
C
’est illusoire de penser qu’on réglera le problème des populations Roms uniquement à travers l’insertion », avait déclaré Manuel Valls, dans un entretien raccordé à France Inter, en septembre dernier. Avec des « modes de vie extrêmement différents des nôtres », avait-il ajouté, les Roms sont « évidemment en confrontation » avec le reste de la population. Deux rapports publiés ce matin, à l’occasion de la Journée internationale des Roms, viennent balayer ces affirmations de l’ex-ministre de l’Intérieur. Le premier, réalisé par l’association des Enfants du canal, révèle la soif insatiable de « vie normale » des 17 000 à 18 000 Roms migrants qui vivent à la lisière de nos villes. Les 24 jeunes en service civique de l’as-
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sociation ont interrogé 119 personnes hommes et de ces femmes vivant dans vivant dans sept bidonvilles répartis en l’extrême précarité. C’est même le Île-de-France. L’échantillon, certes mo- contraire. La plupart assurent ne pas deste, permet d’abattre tous les clichés avoir accès à l’eau courante (65 %), au visant la première minorité d’Europe. tout à l’égout ou à des toilettes (61 %). Non, les Roms n’aiment pas vivre en L’État, qui a annoncé un plan de résorpbidonville. Non, ils n’aiment pas être tion des bidonvilles, n’apporte pas de nomades. Et non, ils ne font pas la manche réponse à court terme. « Pratiquement par choix. Ils sont même 95 % à déclarer aucune personne interrogée n’a été en vouloir occuper un travail salarié. Et plus contact avec une permanence d’accès aux de huit sondés sur dix souhaitent soins de santé, mise en place pour prendre en charge les plus dés’installer définitivement en France (86 %). Une promunis », déplore Chrisportion similaire espère tophe Louis, de vivre dans une maison l’association Les Enfants Roms o u d a n s u n du canal. Enfin, près ont été évacués de appartement. d’un tiers ne dispose force au premier Malgré une politique d’aucun accès à l’électrimestre 2014. Un chiffre comparable d’évacuations systématricité, ce qui aggrave à 2013, selon les tiques des campements, encore le risque d’inassociations. amplifiée depuis l’arricendie et d’intoxication. vée de François Hollande « Je ne reste pas (en bidonau pouvoir, une écrasante maville) parce que je suis bien, c’est jorité de ces familles déclarent être parce que je n’ai pas le choix. Je vouprésentes en France depuis plus de deux drais un travail et une maison comme tout ans. Cette politique, coûteuse, n’améliore le monde », résume Adela, jeune Rom en rien les conditions de vie de ces citée par d’Amnesty International, dans un rapport publié aujourd’hui. Elle a été expulsée de force plus de quinze fois depuis son arrivée en France, en 2002. Notre pays est loin de montrer l’exemple en Europe, alerte Geneviève Garrigos, présidente de l’ONG : « Il fait même pâle figure au sein de l’Union européenne et devrait rougir de la manière dont il traite les Roms, contrairement à ce qu’a pu dire M. Hollande. » En plus d’être privés des services élémentaires, la plupart des 20 000 Roms de France font l’objet d’un harcèlement policier et de violences de la part d’autres citoyens, qui restent « trop souvent impunies ». À l’image de l’agression d’Elena, en juin 2013, à Marseille. Alors qu’elle fouillait des poubelles, un riverain lui a tiré dans la tête avec un pistolet à plomb. Elle a survécu. Mais l’enquête a rapidement été classée sans suite.
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Dans ce «village» à l’envers de la ville, on dort sous des bâches. Pierre Pytkowicz
Fadettes Bernard Squarcini, l’ex-patron de la DCRI, fixé sur son sort aujourd’hui
L’espion en chef a-t-il franchi la ligne jaune ? C’est ce mardi que le tribunal correctionnel de Paris dira si l’ancien patron du renseignement intérieur a ou non respecté la loi en demandant les factures téléphoniques détaillées (les fameuses fadettes) d’un journaliste du Monde pour identifier ses sources lors de l’affaire Bettencourt. À l’époque, à la tête de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), Bernard Squarcini cherchait à déterminer qui avait pu transmettre au quotidien le procès verbal d’audition de Patrice de Maistre, gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, publié le 17 juillet 2010. Une audition qui mettait en lumière les relations privilégiées entre Patrice de Maistre et Éric Woerth. À l’audience, le 18 février, Bernard Squarcini avait expliqué n’avoir fait qu’exécuter un ordre, celui de son supérieur, le directeur général de la police nationale de l’époque, Frédéric Péchenard. Ni poursuivi ni même cité comme témoin, celui-ci aura été le grand absent de ce procès. A. F.
P. Du.
Justice Prison avec sursis requis pour une agression à l’acide sur un couple de Roms
En janvier dernier, un habitant du quartier de la place de la République, à Paris, avait versé un produit corrosif sur le matelas d’un couple de Roms, installé au pied de chez lui. Hier, lors du procès au tribunal correctionnel, le procureur a requis à son encontre trois mois de prison avec sursis et 1 500 euros d’amende. Le prévenu, la quarantaine, costume sombre et petites lunettes, a affirmé avoir déversé un mélange d’eau de javel et de savon noir qu’il utilisait pour nettoyer le trottoir en bas de chez lui. « Ce qui me pose problème, c’est que tous ne sont pas respectueux de leur environnement », a-t-il expliqué à la barre, ajoutant n’avoir « jamais versé quoi que ce soit sur quiconque ». Il a présenté ses excuses aux victimes et s’est dit « absolument désolé pour le symbole » dont il n’a « pas mesuré la portée ». Malgré ces excuses, a rétorqué Me Mehdi Mahnane, l’un des avocats du couple, cet homme « a voulu les impressionner vivement pour qu’ils ne reviennent plus ». Le jugement a été mis en délibéré au 12 mai. L. M.
Mardi 8 avril 2014 l’Humanité 15
Société & solidarités Justice
Au procès Agnelet, le fils accuse le père Coup de tonnerre, hier, à la cour d’assises d’Ille-et-Vilaine, où l’ancien avocat est jugé pour le meurtre d’Agnès Le Roux, disparue en 1977.
T
rente ans de silence brisé en quelques heures. Peu avant 11 h 30, hier matin, Guillaume Agnelet est apparu sur l’écran de visioconférence dans la cour d’assises de Rennes où est jugé, depuis le 17 mars, son père, Maurice Agnelet, dans l’affaire de la disparition d’Agnès Le Roux. La riche héritière d’un casino niçois avait mystérieusement disparu en 1977. Sous le regard impassible de son père, dans le box des accusés, Guillaume, aujourd’hui âgé de quarante-cinq ans, l’a accusé d’avoir tué en Italie son amante. « Ce témoignage va sceller la rupture avec ma famille », a-t-il déclaré, précisant qu’il passait aux aveux pour éviter des « regrets jusqu’à la fin de (sa) vie ». Cheveux courts et chemise bleu foncé, il s’est d’abord remémoré, la gorge nouée, une conversation accablante qui remonte au milieu des années 1980. Il avait seize ans lorsque son père lui dit qu’il sait où se trouve le corps d’Agnès. « À un moment, il précise que, tant que le corps
ne serait pas retrouvé, il ne risquait rien. Et il rajoute : “Moi, je sais où est le corps” », avec un « regard sans équivoque ».
« Je vais te parler de ton père »
Deuxième épisode au début des années 1990. Guillaume est alors étudiant et vit chez sa mère, à Cantaron (Alpes-Maritimes). Un jour, cette dernière le prend à part. « Elle me dit : “Assieds-toi, je vais te parler de ton père.” Il me semble bien que ça a commencé par : “Ton père a tué Agnès.” Elle dit le tenir directement de lui », affirme Guillaume. Et le fils de l’accusé de rentrer dans les détails du modus operandi : Maurice Agnelet et Agnès Le Roux seraient « allés faire du camping dans un coin tranquille près de Monte Cassino », en Italie. « Il aurait, pendant son sommeil, tiré sur Agnès puis hurlé pour demander du secours. » Voyant que personne ne lui répondait, son père aurait ensuite « parcouru quelques centaines de mètres pour déposer le corps d’Agnès en contrebas de la route, dénudé et à même le sol ».
Rennes, le 17 mars. Maurice Agnelet (à droite) et son avocat. Jean-Sébastien Evrad/AFP.
Enfin, dans les années 2000, Maurice Agnelet se serait confié à son fils: «Il dit : “Il faudrait pas qu’ils retrouvent le corps.” J’ai commencé à avoir le cœur qui bat et à me demander si je n’étais pas dans un cauchemar. » La cour a aussitôt ordonné le mandat de dépôt à l’encontre de l’ancien avocat, âgé de soixanteseize ans, en raison de « risques de fuite ou de pressions ». L’avocat de Maurice Agnelet, Me François Saint-Pierre, a simplement déclaré à la presse : « C’est un coup de théâtre ou plutôt
une tragédie qui s’ouvre. C’est une situation tendue qui s’est installée dans cette cour d’assises. » Seul le frère de Guillaume, Thomas, était cité comme témoin par la défense. Les deux hommes ont été confrontés hier à l’audience. « Je ne sais rien sur les faits », a affirmé Thomas, allant jusqu’à qualifier son frère de « schizophrène ». « Je tombe des nues, je suis abasourdi. On est dans un film de Gabin où la famille règle ses comptes à la barre. » Marie Barbier
4 HQ l’Humanité 00 xxxxxxxxx 2000 du 08 avrilxxxxxxxx 2014
Annonces classées Offres d’emploi
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01 49 22 74 53
16 l’Humanité Mardi 8 avril 2014
Débats&Controverses
Après le choc des élections municipales, reprendre l’initiative
Le changement peut-il se passer des mobilisations populaires ?
L
Patrick Nussbaum
es résultats des élections municipales sont préoccupants pour l’avenir de la gauche en France. La défaite est majeure pour les gauches même si l’électorat de la gauche radicale et des écologistes semble avoir mieux résisté que celui du Parti socialiste. La carte de ce scrutin de 2014 parle d’elle-même, et si l’on n’y prend Gaël Brustier, garde, elle peut hypothéquer les cachercheur pacités de rebond de la gauche dans associé au l’avenir. Un département comme la Centre d’étude Saône-et-Loire a vécu une quasi-érade la vie dication de la présence du Parti sociapolitique, liste à la tête de ses municipalités. Quant université libre à la Seine-Saint-Denis, la moitié de ses de Bruxelles. communes sont désormais dirigées par des équipes de droite. Sont-ce les signes avant-coureurs d’une sortie de l’histoire des gauches ? La question mérite d’être posée. Il semble que la gauche ne soit désormais quasi assurée de sa victoire que dans le cœur des idéopôles décrites par Mathieu Vieira et Fabien Escalona (Paris, Lyon, Lille, Strasbourg notamment). Ces neuf métropoles connectées à l’économie globalisée sont à la fois l’évident bastion de la gauche (exception faite de Toulouse) et le terrain d’une lutte de plus en plus rude entre social-démocratie, gauche radicale et écologistes. L’exemple grenoblois est là pour le démontrer. Surtout, elles contribuent à préempter toujours davantage l’agenda politique des gauches. Elles concentrent un électorat très nettement plus diplômé que la moyenne et dont le rapport à la mobilité tranche avec l’état de relégation sociale et spatiale d’une partie de notre société. En contrepoint, l’évidente faiblesse des gauches dans les mondes ouvriers rappelle l’ampleur de la mutation de l’électorat de gauche depuis une vingtaine d’années. En politique, il n’est pas interdit d’éviter les erreurs et les bévues trop coûteuses politiquement. La mauvaise stratégie employée dans le cadre du mariage pour tous a fait non seulement croître et embellir une forme de populisme conservateur mais elle a assurément contribué à faire chuter nombre de villes dans l’escarcelle d’une droite désormais habile manœuvrière dans l’alliance avec les milieux traditionnels religieux des banlieues. L’exemple de certaines cités de la Seine-SaintDenis le démontre. Toute réforme sociétale doit s’intégrer à un projet mobilisateur et émancipateur pour la société, faute de quoi elle peut susciter non seulement des paniques morales mais également un usage rentable de celles-ci par le camp adverse. En l’occurrence, il se peut que le mouvement contestataire de droite de l’an passé ait contribué à un réalignement électoral significatif et fort coûteux pour les gauches. Le risque est désormais de voir émerger une forme d’oligopole droitier. Plusieurs droites peuvent en effet entrer en concurrence et se partager le succès au détriment d’une gauche divisée. Lors de ces élections, des centristes à l’extrême droite, les succès se sont accumulés. Il n’est ainsi pas impossible de voir les droites dépecer progressivement l’électorat de la gauche. Au cœur du maelström droitier que nous vivons ac-
le travail engendre des situations où la mise en cause de la concurrence est devenue un engagement et un rêve impossible. Conséquence : dans le privé en particulier, les adhésions syndicales se font rares. Les ouvriers et les employés sont parmi les salariés les moins syndiqués (6 % contre 15 % pour les cadres supérieurs). Or la sociabilité syndicale, la sociabilité au travail simplement, les pots entre collègues, l’entraide, le tour au café avant le retour à la maison constituaient des moments où s’imposait l’impression de faire partie du même groupe, d’avoir des préoccupations voisines, des choses communes à défendre. Les influences entre copains du boulot, les micropressions sur les moins politisés, pouvaient donner le sentiment qu’à être tous ensemble, nous gagnerions tous et plus. Hier, dans les banlieues de Paris ou les quartiers nord de Marseille, l’Humanité était distribuée dans les immeubles chaque dimanche. Les copains de section se mettaient en quatre pour aider un locataire. On vendait Rouge ou Lutte ouvrière devant les usines où militants et salariés discutaient. La baisse des effectifs militants fait son œuvre, ces pratiques minuscules semblent d’un autre siècle. Que nous reste-t-il en partage ? Peut-être simplement ce sentiment sourd (mélange d’espoirs déçus, d’amertumes, de résignations, d’indignations) d’être méprisés. ’était en janvier 1998, dans Depuis vingt-cinq ans, les alternances, les promesses élecl’École normale supérieure torales se succèdent et les milieux populaires, très largement, qu’occupaient des chômeurs. Il n’y gagnent rien. Rien d’autre qu’un mépris de leurs votes. faisait froid. Bourdieu était là. Dialo- Le chômage devient passage obligé, les aides sociales reculent, guant, à l’écoute. Bourdieu disait : « La les services publics sont défaits, privatisations, RGPP et MAP première conquête de ce mouvement est s’enchaînant. le mouvement lui-même, son existence : Depuis vingt-cinq ans, ceux qui hier caressaient l’espoir de il arrache les chômeurs et, avec eux, s’en sortir rencontrent davantage de mépris : en cascade, à tous les travailleurs précaires, dont le tous les étages de leur vie quotidienne. Mépris pour les familles, Willy Pelletier, nombre s’accroît, à l’invisibilité, à l’iso- présentées comme « parents irresponsables », privés d’allosociologue lement, au silence. » Bourdieu disait : cations si leurs enfants virent « sauvageons ». Mépris pour à l’université ce mouvement qui porte des « causes les jeunes, contrôlés au faciès dès qu’ils prennent le RER, suivis de Picardie, communes » a tout du « miracle social », par les vigiles sitôt entrés au supermarché. Mépris à Pôle Association tant sont hétérogènes les situations de emploi quand on vous propose des métiers déqualifiés, des Champ libre chômage et les façons de les vivre, si salaires de débutant, des « stages qualifiants » après trente aux sciences bien qu’en pratique, s’apercevoir des ans de carrière, et qu’il faut accepter à moins de risquer la sociales. intérêts communs devient improbable. radiation. Mépris, quand les loyers augmentent (même en Il n’est pas d’autre urgence que de périphérie des grandes villes) et qu’une fois les charges rendre à nouveau, en un mouréglées, « il ne reste rien ». Mépris, quand dans les vement plus vaste, possible l’improbable. tours HLM, l’ascenseur n’est pas réparé, « depuis Depuis 1998, le marché s’est nourri de la quand, on ne sait plus », les plafonds se fissuLe Livre crise. Avec l’atomisation des collectifs de rent, les balcons s’effritent, l’humidité ronge Contre-feux 1 et 2, travail, l’explosion des CDD et de l’intérim, les salles de bains, les cuisines. Mépris quand, un essai en deux la flexibilité, la coexistence de CDD et de CDI à la limite du surendettement, EDF ou GDF volumes de Pierre dans le même espace de travail, l’intensification Suez exigent (une fois de plus) que les factures Bourdieu paru en des tâches, le renforcement des contrôles, les soient réglées « sans attendre sous peine de 1998, aux éditions conditions de mise en forme d’un intérêt coupure du service ». Alors que « payer la Raisons d’agir. commun sont de moins en moins réunies. cantine des gamins, le mois prochain, je peux Comme le soulignent Stéphane Beaud et Michel pas », et que ces « gamins », parfois, ne mangent Pialoux, l’accentuation de la compétition en début de « comme il faut » qu’une fois par jour, à l’école. Mépris vie active pour les plus jeunes, en CDD, condamnés au zèle pour celles et ceux qui restent sur le carreau, « en vrac », dans des PME en sous-traitance, décourage la contestation, « brisés, personnellement brisés, avec l’avenir bouché », quand favorise le chacun pour soi. les firmes débauchent même si leurs actions flambent. L’indifférence envers les plus proches, devenus rivaux dans Ces situations sont-elles trop éparses, trop différentes, pour la lutte pour les places, s’installe, et avec elle ce sentiment pousser à résister ensemble ? Sont-elles vouées à aviver la d’impuissance qu’observe Gérard Mauger. Surtout lorsque se guerre des pauvres contre de plus pauvres qu’eux, qui alimente généralise l’« insécurité sociale » organisée, pour tous ceux le vote FN ? Peut-être. Les vivre, toutes emmêlées, « fout la qui vivent sous la menace du licenciement. Et qu’en rage » contre tout ce qui peut sembler « corps constitués », plus sont criminalisées les résistances ouvrières pourtant « gardiens de l’institution », représentants de l’ordre établi, légitimes. Cette intensification de la concurrence dans et pour mais aussi écœure et décourage, en encourageant les sauve-
Transformer en force le mépris qu’on nous impose
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Pierre Pytkowicz
Face au risque d’un oligopole droitier…
tuellement se trouve l’idéologie de la crise, celle qui postule que la France, l’Europe, « l’Occident » vivent un déclin. C’est cette idéologie qui est dominante dans nos sociétés et qui est le moteur des mouvements électoraux auxquels nous assistons. Pour l’avenir, la question est celle de l’horizon que définit la gauche. Les « classes populaires », dans leur grande diversité, ne votent plus pour la gauche parce que cette dernière ne dégage plus un projet mobilisateur et émancipateur ni de représentation du monde qui donnent véritablement sens à l’expérience quotidienne de nos concitoyens. La gauche n’a pas l’hégémonie culturelle dans nos pays ni en Europe. Il était donc assez audacieux de vouloir gouverner en s’en dispensant ou de penser conserver indéfiniment les collectivités locales dans un tel contexte. Gramsci a décidément beaucoup à nous apprendre sur ce qui arrive à la gauche française…
Mardi 8 avril 2014 l’Humanité
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qui-peut, les replis sur soi, les lassitudes muettes ? Sans doute. La manifestation n’est plus le remède miracle. Mais il suffirait aussi que se manifestent et manifestent en grand nombre, celles et ceux qui disent : « Le mépris, ça suffit ! », pour que, forts de cette force du nombre, tant d’autres qui aujourd’hui n’y croient plus s’y retrouvent, se sentent représentés, s’y agglomèrent et investissent ce collectif de toutes leurs colères dissemblables. Et dire : « L’austérité, ça suffit ! », c’est dire : « Le mépris, ça suffit ! »
monsieur s’est d’ailleurs dépêché d’avaler la gauche, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon, en échange d’une progression notable dans la hiérarchie des maroquins ministériels. Une droite un peu nouvelle, échappant aux états-majors traditionnels, est en train de voir le jour : nourrie de l’exemple du Tea Party états-unien, aguerrie dans les cortèges de la Manif pour tous, elle n’hésite pas à porter le fer sur des sujets dits idéologiques. C’est elle qui est l’instigatrice de la critique contre la pseudo-théorie du genre. C’est elle qui n’hésite pas à passer des alliances avec des intégristes musulmans pour lutter contre les ABC de l’égalité en expérimentation dans certaines écoles. C’est elle qui nous ressert un modèle de famille très traditionnelle de cinquante ans en arrière, celui d’avant le MLF et les mouvements lesbien et gay. Le glas de la reconquête contre les droits acquis par les femmes durant des décennies de luttes féministes a sonné. D’autant plus que, es élections municipales ont dans des pays voisins, l’Espagne, pour la citer, un droit aussi confirmé ce que l’on savait déjà : fondamental que celui à l’avortement est frontalement attaqué. la désaffection massive d’une Et que l’Europe vient de rejeter deux rapports (Estrela et Zuber) partie de l’électorat de François Hol- favorables aux droits des femmes. lande pour la politique qu’il mène. Des Durant ces élections, au niveau économique et social, les électrices et électeurs de gauche se droits des femmes n’ont pas occupé le centre du débat, c’est sont abstenu-e-s en masse. La droite, le moins que l’on puisse dire. Comme si cela était un sujet de malgré toutes les affaires qui l’ont mise préoccupation mineure. On a bien parlé chômage, précarité, sur la sellette dernièrement, s’est refait logement, impôts, services publics, austérité, etc., mais le une santé à peu tout de manière asexuée. Comme si les Suzy Rojtman, Collectif de frais. Le femmes n’étaient pas les premières national Front national PAUL KRUGMAN, PRIX NOBEL concernées, tous les indicateurs en pour les droits a commencé à D’ÉCONOMIE, CONDAMNE attestent. Les femmes sont au cœur de des femmes. se construire LES POLITIQUES AUSTÉRITAIRES la précarité, du temps partiel, du chôune implantamage. C’est elles qui par exemple sont tion locale en « Plus de quatre ans après le début de la obligées de suppléer les manques des raflant, surtout dans le sud, quelques crise financière, les économies les plus services publics fracassés, insuffisants mairies. Hollande ne semble pas avoir avancées restent profondément déprimées, ou inexistants comme dans la petite pris la mesure du désaveu dont il vient dans un contexte qui rappelle hélas trop enfance ou chez les personnes âgées. de faire l’objet. Sa réponse est singu- les années 1930. (...) Nous suivons les C’est elles qui feront le plus les frais de lière : à une protestation qui vient de mêmes idées qui reposent sur des erreurs... l’austérité rebaptisée pacte de responsa gauche, il remplace Jean-Marc Ay- qui servent à justifier, dans de nombreux sabilité (mâtiné aujourd’hui de pacte rault par Manuel Valls, le plus à droite pays, une austérité excessive dans la de solidarité). C’est elles, donc, qui de son gouvernement, mais... le plus conduite des politiques budgétaires. » seront dans le cortège féministe lors populaire dans l’opinion publique. Ce de la manifestation du 12 avril.
Les femmes font les frais de l’austérité
Julien Jaulin
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Face à une dépossession de la démocratie politique et sociale
Une insurrection des consciences système infernal du « on ne des solutions dans un cadre peut pas faire autrement », de travail solidaire et collecet les quelques réformes potif. Les associations qui se tentiellement positives qui battent et réfléchissent aux sortent des tiroirs ministériels mouvements de la société sont étouffées par le manque doivent aussi trouver leur de moyens. écho. Il faut les soutenir Cette dépossession de la contre la droite et l’extrême démocratie politique et sod roi te q u i ve u len t le s ciale, qui va se nicher jusque bâillonner. dans la censure et dans les Dominique Emparons-nous du débat sondages, est d’une extrême Noguères, comme nous l’avions fait en gravité. Le patronat à qui avocate, 2005 sur le traité européen, écoutons-nous les uns les on ne compte plus les ca- militante autres, et faisons-nous endeaux a beau jeu de faire Front de tendre. Nous ne risquons de la surenchère et de gauche. l’intimidation. rien, sauf à gagner un C’est à une véritable insurmeilleur avenir en surmonrection des consciences que l’on doit tant les divisions dans lesquelles les appeler et il existe des lieux de débats et ennemis de la République essaieront de réflexion salutaires. Le rôle des syn- toujours de nous enfoncer. dicats est aujourd’hui essentiel et j’en L’émergence d’un anticommunisme appelle à une syndicalisation massive récurrent dans le droit-fil des élections des salariés, des chômeurs et des retraités municipales participe de cette entreprise. qui trouveront un cadre concret pour se C’est le moment du sursaut. défendre, se faire entendre et proposer Ne le ratons pas ! Fabrice Elsner/KR Images Presse
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près cinquante-six ans de Ve République présidentielle, le peuple est aujourd’hui dépossédé de ses pouvoirs de décision, de réflexion, tant il est muselé par une technocratie arrogante. La plupart des décisions qui sont prises le sont soi-disant dans son intérêt et pour son bien mais surtout on le bêtifie au point de considérer qu’il n’est plus qu’un sujet d’étude et que seuls ceux qui ont le pouvoir peuvent décider de ce qui est « nécessaire » pour lui. Aujourd’hui, ceux qui dirigent réellement l’Europe ne sont pas élus. Ils sont dûment recommandés par la diaspora financière, avec la caution des États et d’une droite majoritaire au Parlement. En France, le nouveau gouvernement suit la politique qui lui est imposée par ce monde-là, à coup de restrictions budgétaires et d’austérité. Quel que soit le domaine, de la justice à l’écologie, du droit du travail à l’éducation et à la culture, c’est sans concertation réelle que les décisions sont prises dans ce
LA CHRONIQUE DE JEAN ROUAUD
Cahier des charges
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l aura été le plus lucide de ses contemporains, livrant sur la guerre d’Espagne un témoignage à chaud et une analyse confirmée par l’histoire, même si Hommage à la Catalogne (1) fut difficile à recevoir par les partisans des républicains qui ne pouvaient imaginer qu’au sein même de leurs troupes les communistes espagnols étaient plus pressés de liquider les anarchistes catalans et les supposés trotskistes du Poum que de s’opposer aux troupes franquistes, ce qui annonçait déjà une alliance objective entre Staline et Hitler, laquelle devait se confirmer deux ans après par le pacte germano-soviétique. Orwell de son poste avancé sur le front d’Aragon avait saisi avant tout le monde que la ligne de partage ne passait pas par où on le croyait, ce qui lui valut l’hostilité de tous les partis frères, quand lui ne dévia jamais de sa ligne, demeurant toute sa vie qui fut courte, abrégée par des poumons malades, un homme de gauche sincère. Il n’empêche qu’à lire ses articles écrits pendant cette période de tournis idéologique qui, après la Seconde Guerre mondiale, amène à la guerre froide, on ne peut s’empêcher de s’étonner que lui, l’extralucide, avance des propositions dont on sait aujourd’hui qu’elles relevaient au mieux de l’utopie. Car une chose est sûre, ce ne sont pas les États-Unis socialistes d’Europe, qu’il appelait de ses vœux (le socialisme d’Orwell reposant sur un sens aigu de la justice sociale et de ce qu’il appelle la « décence commune »), qui amenèrent à la chute de ce qui était déjà un « rideau de fer » et pas encore un mur, mais le culte de l’argent et les vitrines garnies, le triomphe de l’individualisme et la satisfaction de ses désirs. De sorte qu’on se dit que ce type d’exercice qui consiste à jouer les Cassandre ressemble à celui du voyant annonçant une année de paix en 1939 ou le mariage d’un président pour l’été prochain. Dans la somme des prédictions, il s’en trouvera toujours une vérifiée par les faits. Comme cette remarque d’Orwell dans un article de la revue Adelphi, en septembre 1948 (qui par inversion donnera 1984), où il est sans doute un des premiers à s’alarmer des limites de la planète : « En serat-il encore ainsi après cinquante autres années d’érosion des sols et de gaspillage des ressources énergétiques du monde ? » Nous avons dépassé la date de péremption et nous savons malheureusement que la prévision d’Orwell était fondée. De sorte encore que l’ambition de ce type de chronique relève du pêle-mêle et d’une pêche, miraculeuse ou désastreuse, dont on relève les filets un demi-siècle plus tard. Nous essaierons ici de ne pas l’oublier.
George Orwell, l’extralucide, avance des propositions qui relevaient de l’utopie.
(1) Ouvrage paru en 1938 ; la première traduction française d’Yvonne Davet est publiée en 1955 – NDLR.
Pierre Pytkowicz
Débats&Controverses
18 l’Humanité Mardi 8 avril 2014
500 Une planète et des hommes
C’est, en millions, le nombre d’ordinateurs déclarés obsolètes par Microsoft, qui a décidé de mettre fin à son support Windows XP.
AVIATION : L’UE VOTE LA TAXE CARBONE
Le Parlement européen a voté, en fin de semaine dernière, la réactivation de la taxe carbone pour tous les vols intra-européens dans l’espace aérien de l’Union jusqu’en 2017. Entrée en vigueur en 2012, cette taxe avait été gelée pour un an le 30 avril 2013.
POLLUTION
L’arnaque de l’amende record infligée à un pétrolier américain Après quatre-vingt-cinq ans d’impunité, en laissant à l’abandant ses sites industriels, le groupe Anadarko vient d’être rattrapé par la justice et doit payer près de 4 milliards d’euros. Une lourde amende qui cache un bel arrangement avec le gouvernement des États-Unis.
C
’est une belle histoire à l’américaine. Du moins est-elle vendue comme telle. Dans cette fable façon western texan, il y a bien sûr le vilain méchant : Anadarko Petroleum Corp, croisement de la brute et du truand qui, pour avoir pollué une bonne centaine de sites aux États-Unis et durant quatre-vingt-cinq ans via l’une de ses filiales, a été condamné, en fin de semaine dernière, à payer une amende de 5,15 milliards de dollars (3,75 milliards d’euros). Soit la plus lourde condamnation jamais appliquée contre un pollueur enfin payeur, plus chère encore que les 4,5 milliards versés par British Petroleum pour la marée noire de 2010 dans le golfe du Mexique. Historique, on vous l’assure. Du moins en apparence.
Une plainte de onze États Navajo...
Dans cette histoire, il y a aussi le bon. Costume sombre et moustache stricte, James Cole, ministre adjoint à la Justice, se présente devant les médias, jeudi dernier, avec l’aplomb de celui qui vient de faire respecter l’ordre et la loi. « Anadarko a accepté de payer 5,15 milliards de dollars pour mettre fin à des poursuites pour dissimulation frauduleuse. Il s’agit du plus important redressement judiciaire pour le nettoyage d’une contamination de l’environnement de l’histoire du ministère de la Justice », dégaine-t-il. De son index, il pointe la carte des sites pollués. L’image est choc. Les points colorés des sites pollués recouvrent tellement la moitié est du pays, qu’on croirait les États-Unis en proie à une varicelle géante. Comme tout shérif, James Cole est accompagné des fines gâchettes qui ont fait plier Anadarko. Le procureur fédéral de New York, Preet Bharara, fulmine : la société pétrochimique Kerr-McGee, filiale sale d’Anadarko, « a laissé, durant presque un siècle, un paysage de contamination et de désastre environnemental dans son sillage ». Cynthia Giles, patronne de l’Agence fédérale de protection de l’environnement, claque : « Nous croyons à un principe très simple : si vous semez la pagaille, vous nettoyez derrière vous. » Dans un communiqué, Al Walker (17 millions de dollars de gains en 2013, selon Forbes), qui joue le mauvais rôle à la tête d’Anadarko, se rend : « Les fonds débloqués vont servir à résoudre les dommages environnementaux et les plaintes. »
8 000
La belle histoire s’arrête là. Damoclès au-dessus d’AnaSous la couche médiatique du darko, que les investisseurs PERSONNES récit officiel et de la dépêche avaient bien identifié », S’ESTIMENT VICTIMES, d’agence, reprise partout et résume-t-il RIEN QUE DANS LE trop rapidement, ça pue les La finance se réjouit instanNEW JERSEY, DE DEUX SITES POLLUÉS pétrodollars. Étrangement, à tanément de voir la firme se PAR LA FILIALE peine l’annonce est-elle faite désengluer de cette affaire. Et D’ANADARKO. de l’accord entre Anadarko, ce, d’autant plus que la société d’un côté, de l’autre les repréchérie des boursicoteurs devrait sentants du gouvernement fédéral, afficher, en plus de sa récente levée de onze États, de la nation Navajo et de de fonds de 8 milliards de dollars, 10 autres quelque 7 000 plaignants et ONG environne- milliards de cash dans ses prochains comptes. mentales, que le cours de l’action crépite Quant à ses forages actuels ou à venir au large comme un compteur Geiger à proximité de dans les golfes de Guinée ou du Mexique, en Fukushima. En quelques minutes, la cote du Algérie, dans le Colorado ou au Texas, en plus plus grand des pétroliers « indépendants » de ses concessions de gaz de schiste aux Étatsaméricains s’envole. Plus 14,5 % en deux Unis, ils font miroiter un bon de 23 % de sa heures. Selon un analyste financier de Forbes, production en pétrole et gaz naturel. De quoi la condamnation tant vantée devient un marché faire pleuvoir des pétrodollars. Alors, s’acquitter bien plus « gagnant-gagnant » pour le groupe de 5 milliards de dollars d’amende… Car pour énergétique que pour le gouvernement fédéral. parader jeudi dernier, les représentants de la « L’accord fait disparaître une énorme épée de justice américaine ont mis un peu d’huile dans
les rouages de l’amende. Anadarko profitera d’une ristourne fiscale sur ses bénéfices de 550 millions de dollars en 2014. Gagnantgagnant, on vous dit. Écologiquement aussi, c’est « ami ami ». Les victimes des pollutions en série réclamaient 20,8 milliards de dollars. « L’accord s’est fait au minimum, pour que les marchés soient contents », souligne un analyste cité par le Washington Post.
Un milliard pour la décontamination
Il est temps, désormais, de plonger dans le cambouis (restons polis) laissé par la filiale d’Anadarko d’un bout à l’autre des États-Unis. Pour l’ambiance, il faut rappeler que KerrMcGee, la filiale pourrie du pétrolier, est connu des cinéphiles et des amateurs de polar. En 1983 sortait sur les écrans Silkwood. L’histoire de Karen Silkwood, incarnée à l’écran par Meryl Streep, violemment irradiée lors d’un accident dans une usine de Kerr-McGee, qui finit par disparaître sur une route d’Oklahoma
Mardi 8 avril 2014 l’Humanité 19
Une planète et des hommes alors qu’elle s’apprêtait à divulguer les us et coutumes des dirigeants de cette firme, devenus, en quatre-vingtcinq années d’abandon de leurs sites industriels sans décontamination, des experts en évitement des procédures judiciaires. Parmi des dizaines de ces sites pourris, de la station d’essence à des installations nucléaires délaissées, certains contiennent toujours des substances radioactives, d’autres des toxines qui ont pénétré des terrains et de l’eau. Du perchlorate a ainsi contaminé le lac Mead, réservoir majeur en eau potable du sud-ouest du pays. En territoire Navajo (Arizona et NouveauMexique), des tonnes de déchets radioactifs sont restés sur des terrains à proximité d’anciennes mines d’uranium, souillant les nappes phréatiques. Un milliard, sur les cinq de l’amende, ira à la décontamination et à la prévention sanitaire. Des dizaines d’autres sites, dans des trous perdus aussi bien que dans des centres urbains majeurs comme Chicago, font partie de la longue liste des sites à retraiter. L’État du New Jersey a laissé tomber tout espoir, préférant empocher 4,5 millions de dollars contre ses ressources en eau irrémédiablement souillées. Le comble du glauque a été dévoilé par la justice en décembre. Après avoir tenté des décennies durant de se décharger des coûts de décontamination sur les contribuables, la filiale KerrMcGee, cernée par la justice, a organisé sa « déresponsabilisation » pénale.
Elle a inscrit sa dette environnementale dans les comptes de l’une de ses filiales, poussée à la faillite en 2009. Le vilain rejeton décédé, ne restait plus que la belle promise Kerr-McGee avec ses avoirs pétroliers et gaziers, dont Anadarko avait obtenu la main en 2006 contre près de 12 milliards d’euros en cash. « Faillite frauduleuse », a jugé le tribunal des faillites fin 2013. Acculé, le groupe pétrolier vient donc de trouver un arrangement à l’amiable avec le gouvernement. Un prix d’ami. L’amende de 5,15 milliards « sera suffisante » pour couvrir tous les dégâts, a estimé le ministre adjoint à la Justice. Champagne pour les actionnaires d’Anadarko. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, un juge fédéral vient de blanchir Anadarko pour son rôle dans la marée noire dans le golfe du Mexique en 2010. Un échange d’emails montre que la firme texane a poussé BP, exploitante de la plateforme, à forer toujours plus loin, jusqu’à la catastrophe. Mais le juge a estimé que seulement British Petroleum était aux commandes du forage. Libéré de ces deux affaires, Anadarko Petroleum Corp peut suivre à la lettre la devise inscrite tout en haut de son site Web : « Fournir un retour compétitif et durable aux actionnaires en développant, acquérant et explorant les ressources de pétrole et de gaz vitales pour le bien-être du monde ». Stéphane Guérard
Un risque à moindre coût pour les industriels Législation Le vide juridique mondial
est une faille exploitée par les compagnies pétrolières anglos-saxonnes particulièrement pollueuses.
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e cas de la compagnie américaine Anadarko, mise devant ses responsabilités même pour un minimum, n’est pas unique. En Équateur, la cour de justice de la province de Sucumbios, au nord-est du pays, a confirmé récemment en appel le jugement du 14 février 2011 en condamnant le groupe pétrolier américain Chevron à payer 9,5 milliards de dollars pour des années de pollution sans contrôle en Amazonie. Devant le tribunal de La Haye, en 2013, Shell, le géant anglo-néerlandais, par l’entremise d’une de ses filiales au Nigeria, a lui aussi dû rendre des comptes et payer des dédommagements pour deux fuites de pétrole survenues en 2006 et 2007 dans delta du Niger… qu’il détériore depuis cinquante ans. Aujourd’hui, la quête aux ressources énergétiques bat son plein, sur terre et surtout sur mer, eldorado loin d’être à moindre coût. Près d’un tiers du pétrole et un quart du gaz naturel consommés dans le monde provien-
nent d’ailleurs de gisements sousmarins. Et là, paradoxalement, en dépit des risques qu’il représente, le secteur reste peu réglementé, notamment à l’échelle internationale. Pollution des sites, dégradation de l’environnement et économies locales bouleversées, les recours face à cette course au toujours plus, entraînant le toujours moins pour les régions touchées, sont faibles. Les États ne disposent pas du même outillage technique, scientifique, juridique pour imposer des règles permettant de limiter l’impact de leurs activités. Si de nombreux pays occidentaux ont étoffé leurs lois, les pays en développement ne disposent pas des mêmes moyens. Règles insuffisantes, corruption des gouvernements et moyens dérisoires pour se défendre sont légion. Pis, il n’existe à ce jour aucune convention internationale imposant des règles de sécurité minimales pour l’ensemble des forages offshore. En 2010, dans le cadre du G20, un projet dans ce sens avait été évoqué, juste évoqué. Quant aux responsabilités et indemnisation en cas de pollution et le flou demeure. Éric Serres
Viticulture
500 euros d’amende pour avoir refusé les pesticides
Condamnation symbolique à l’encontre d’Emmanuel Giboulot, viticulteur bio qui avait dérogé à un plan de lutte contre la flavescence.
S
ymboliquement, ça ne passe pas. Voilà, résumée, la pensée d’Emmanuel Giboulot à l’énoncé du verdict rendu par le parquet de Dijon. Ce dernier a condamné le viticulteur de Côte-d’Or à une amende de 1 000 euros, dont 500 avec sursis, pour avoir refusé de passer ses parcelles au pesticide, en dépit d’un plan préfectoral de lutte contre un ravageur de la vigne. La peine est légère, au regard de celle prévue en pareil cas – jusqu’à 30 000 euros d’amende et six mois de prison. Elle n’en est pas moins injuste, selon le vigneron, lequel pratique la biodynamie depuis près de vingt ans. Soutenu par un collectif, il compte faire appel. « S’arrêter là sous-entendrait que nous avons eu tort sur toute la ligne », explique-t-il, décidé à défendre son choix. L’histoire remonte à l’été dernier. Alors que la Saône-et-Loire, confrontée à une éruption de flavescence dorée, un phytoplasme hautement nocif pour le vignoble, lançait un plan de traitement pour la troisième année consécutive, la préfecture de Côte-d’or, département
voisin, ordonnait elle aussi une pulvérisation à titre préventif : des foyers de cicadelles (insecte vecteur de la maladie) avaient été repérés sur le territoire. Mais le risque d’une extension massive de la flavescence, lui, n’était pas avéré, ni les zones à traiter clairement définies. Convaincu que la décision était précipitée, Emmanuel Giboulot avait refusé d’user de pesticides, y compris biologiques (le Pyrevert, utilisé dans cette situation, est un neurotoxique avéré). Depuis, l’histoire a fait le tour des médias. Dans la région, beaucoup de viticulteurs estiment qu’Emmanuel Giboulot a eu tort de déroger à une stratégie collective et de mettre, par là même, les exploitations voisines en danger. D’autres admettent que le plan ordonné par la préfecture manquait au minimum de finesse. La Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne estime pour sa part raisonnable l’amende infligée par le tribunal, même si elle reconnaît qu’un affinage de la zone à traiter s’impose dorénavant. Marie-Noëlle Bertrand
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20 l’Humanité Mardi 8 avril 2014 Novossibirsk communiste
Le monde en mouvement
Après quatorze ans de règne, Russie unie, la formation du président Poutine, a perdu Novossibirsk (Sibérie), la troisième ville du pays. Le député communiste Anatoli Lokot, qui a rassemblé toute l’opposition, a recueilli à 43,75 % des voix.
Syrie « À mon avis, la phase de renversement du régime ou de l’État est finie, et je pense que le danger de division est passé. » Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah libanais.
«Ceux qui pensent que l’Afrique a encore besoin de leur approbation pour être gouvernée comme il se doit vivent dans un passé révolu », a lancé Paul Kagame hier à kigali. BEN curtis/ ap
RWANDA
Vingt ans après le génocide, la France s’enfonce dans le déni
Après la décision française de ne pas participer aux commémorations, vingt ans après le génocide des Tutsi, Kigali a déclaré l’ambassadeur de France persona non grata aux cérémonies d’hier. Paris campe sur le déni de ses complicités, en 1994, avec les forces génocidaires.
U
ne fenêtre diplomatique s’est brutalement refermée entre Paris et Kigali, avec le refus français de prendre part, hier, aux cérémonies du vingtième anniversaire du génocide des Tutsi. Ce qui a déclenché l’ire des autorités françaises ? Les déclarations du président rwandais Paul Kagame à l’hebdomadaire Jeune Afrique mettant en cause « le rôle direct » de Paris, alors allié du régime extrémiste hutu de Juvénal Habyarimana, dans la « préparation » et « l’exécution » du génocide. Notons au
passage que, mise en cause elle aussi, l’expuissance coloniale belge n’a pas cru bon de mettre en scène son retrait fracassant des cérémonies, comme l’a fait François Hollande. À la décision française d’annuler la participation de la garde des Sceaux, Christiane Taubira, aux commémorations, Kigali a répondu en déclarant l’ambassadeur de France persona non grata à ces cérémonies.
Cynisme des dirigeants français
Unanimes, les héritiers de la mitterrandie et les responsables politiques au pouvoir au moment du génocide se sont succédé ces derniers
jours pour étriller le régime de Kigali et exhorter l’Élysée à « défendre l’honneur de la France », selon la formule d’Alain Juppé, chef de la diplomatie en 1994. Non sans une bonne dose de cynisme, comme lorsque Édouard Balladur, premier ministre au moment des faits, accuse Paul Kagame de « mensonge intéressé », avant d’affirmer sans ciller : « Le gouvernement que je dirigeais a, dès qu’il a été installé, mis fin à toute livraison d’armes. » Ce n’est pourtant pas ce que disent les documents accablants saisis sous l’autorité des juges d’instruction Marc Trevidic et Nathalie Poux chez l’ex-gendarme de l’Élysée Paul Barril. Factures
opération Turquoise, l’imposture « humanitaire » Hier, sur France Culture, un ancien officier français engagé en 1994 au Rwanda, Guillaume Ancel, a contesté le caractère « humanitaire » de l’opération Turquoise. « Je suis parti avec l’ordre d’opération de préparer un raid sur Kigali, a-t-il affirmé. Quand on fait un raid sur Kigali, c’est pour remettre au pouvoir le gouvernement qu’on soutient, pas pour aller créer une radio libre. »
Mardi 8 avril 2014 l’Humanité 21
Le monde en mouvement leur soutien aux génocidaires avant, pendant et après le génocide », insistent les écologistes. Pour la Ligue des droits de l’homme (LDH), « tant dans son action diplomatique que dans ses interventions armées, (…) il serait temps que la France reconnaisse enfin ses responsabilités ». La ruade diplomatique de Paris et le rendez-vous manqué de ce vingtième anniversaire font des mécontents jusque dans les rangs du PS. Les Jeunes socialistes regrettent ainsi « le renoncement de la France » à participer aux commémorations. « Il est toujours difficile d’affronter les fautes commises par le passé. Par cette une grille de lecture colonialiste décision, la France laisse encore une En 1994, en pleine cohabitation, RPR fois entendre qu’elle ne reconnaît pas et Parti socialiste partagaient en fait son implication dans le génocide des une même grille de lecture, celle d’une Tutsi au Rwanda, qui est pourtant éta« guerre civile » mettant aux prises b l i e p a r l e s h i s t o r i e n s » , une « armée tutsi » soutenue par l’Ou- déplorent-ils. ganda et « l’armée hutu » du régime Très engagée, depuis vingt ans, dans ami de Kigali, forcément légitime le travail de vérité sur les responpuisque émanant d’une supsabilités françaises et dans posée « majorité ethla dénonciation de nique ». L’obsession l’asile offert aux gémillions qui guide alors l’Élynocidaires, l’associade Francs ont été sée, Matignon et le tion Survie relève prêtés par Paris au Quai d’Orsay est de avec inquiétude « un régime de Juvénal « préserver l’influence net recul de la parole Habyarimana, Fin française » à la lisière publique française sur 1990. Des sommes qui du « front anglole génocide ». On est ont servi à l’achat d’armes. phone ». Au prix de loin, il est vrai, de l’aveuglement, de la coml’embellie diplomatique promission et finalement de la ouverte avec la visite de Paul complicité avec les forces génociKagame à Paris, en 2011. Sans aller daires. Le 2 mai 1994, Paris va jusqu’à jusqu’à reconnaître la complicité de s’opposer à la condamnation jugée la France avec les génocidaires, Nicolas « partisane » des exactions commises Sarkozy avait alors admis que Paris par les forces gouvernementales rwan- avait fait preuve d’une « forme d’aveudaises. Le 22 juin 1994, alors que près glement » en n’ayant pas « vu la did’un million de personnes ont été mension génocidaire » du régime exterminées, majoritairement des rwandais en 1994. Quelques mois auTutsi, mais aussi des opposants hutu, paravant, la visite du président français le président Mitterrand lâchera cette à Kigali avait mis un terme à trois ansentence qui semble encore structurer nées de rupture des relations diplojusqu’à nos jours une certaine vision matiques entre les deux pays. française du Rwanda et, plus largeLes responsables politiques et miliment, de ce qui se joue dans la région taires français qui campent aujourd’hui des Grands Lacs : « Les Tutsi vont ins- sur une position de déni des respontaurer une dictature militaire pour sabilités françaises entendent tirer s’imposer durablement. » Les repré- argument de l’isolement diplomatique sentations coloniales sont solidement de Paul Kagame, accusé par l’ONU ancrées : comment ne pas voir, ici, la d’entretenir l’instabilité dans l’est de survivance du cliché raciste forgé sous la République démocratique du Congo la domination belge, faisant du Tutsi (RDC) voisine, où sont toujours réfuun être calculateur, épris de pouvoir ? giés les anciens génocidaires des FDLR. En France, des voix nombreuses se Plus cyniques encore, les leçons de sont élevées pour désavouer la ligne démocratie doctement prodiguées à de conduite de l’Élysée. EELV demande Kigali. Paris ne montrait pas tant « la déclassification et la publication d’empressement « démocratique » de tous les documents se rapportant à lorsque, le 27 avril 1994, les extrémistes l’action de la France au Rwanda de Jérôme Bicamumpaka et Jean-Bosco 1990 à 1994 ». « Des dirigeants poli- Barayagwiza, membres du gouvernetiques et militaires français ont apporté ment intérimaire qui supervisait le génocide, étaient reçus tour à tour par François Mitterrand, Édouard Balladur et Alain Juppé.
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Rwanda, 20 ans après Entre travail de mémoire et désir de vivre. Reportages, entretiens... Notre dossier spécial.
Rosa Moussaoui
(1) À lire : Au nom de la France. Guerres secrètes au Rwanda, de Benoît Collombat et David Servenay, La Découverte, 2014 ; Le Sabre et la machette. Officiers français et génocide tutsi, de François Graner, Éditions Tribord, 2014.
Ukraine
L’est du pays, théâtre de fortes manifestations pro-russes Quelques centaines d’activistes ont déclaré Donetsk « République souveraine populaire ». La tension monte d’un cran avec l’UE.
Q
uelques semaines après le ralliement de la péninsule de Crimée à la Russie, ce sont d’autres îlots de rébellion qui naissent désormais ça et là en Ukraine. Kharkov, Louhansk, Donetsk... ces trois villes industrielles et minières de la partie orientale du pays sont depuis dimanche aux prises avec des mouvements séparatistes pro-russes. À Louhansk tout d’abord, des manifestants, masqués et cagoulés, ont réussi à pénétrer les dépôts d’armes des services de la sécurité nationale ukrainienne (SBU) avant de s’emparer de locaux de l’administration. À Kharkov, deuxième plus grande ville du pays, un bâtiment de l’administration régionale a été un temps aux mains de séparatistes avant l’intervention des forces de l’ordre. À Donetsk, en revanche, la situation restait trouble. Quelques activistes ont en effet proclamé « République populaire » la première ville industrielle et économique de l’Ukraine où des drapeaux tricolores de la Fédération de Russie ont été hissés en lieu et place de l’étendard ukrainien. Devant l’importance des manifestations, Arseni
Iatseniouk, le premier ministre de l’Ukraine, accuse directement Moscou de vouloir « démembrer » son pays et de s’être lancé dans une seconde phase de démantèlement. « Il s’agit d’un plan de déstabilisation, afin qu’une armée étrangère passe la frontière », a-t-il déclaré. L’est de l’Europe est aujourd’hui le théâtre de mouvements de troupe inquiétants. Outre les 40 000 soldats russes placés aux frontières de l’Ukraine, les États-Unis ont augmenté leurs effectifs sur leurs bases roumaines. Dimanche, le président tchèque Milos Zeman a rajouté de l’huile sur le feu, estimant que si des troupes russes entraient dans l’est de l’Ukraine, l’Otan devrait intervenir militairement. Autant de mouvements et déclarations belliqueux qui font écho à une autre guerre : celle du gaz. Après que la Russie a annoncé l’augmentation de 80 % du prix des livraisons de son gaz, l’Union européenne, dépendante des importations russes, a menacé la fédération de nouvelles sanctions économiques. Stéphane Aubouard
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d’armes, de munitions et « contrats d’assistance » avec les forces génocidaires attestent de la lourde responsabilité qui fut alors celle de la France. Dans la même veine, le socialiste Paul Quilès a jugé « ignominieuses » les accusations du président rwandais. D’innombrables témoignages confirment pourtant que l’armée française, avec l’aval du pouvoir politique qui était informé des projets d’extermination des Tutsi, a pris une part active dans la formation des militaires rwandais qui ont formé, à leur tour, les milices génocidaires (1).
ELSA Élève Ingénieur Instrumentation et systèmes automatisés à l’INSA Centre Val-de-Loire PARTICULARITÉ PART PA RTIC ICUL ULAR ARIT ITÉ É : vient d’intégrer l’INSA Centre Val-de-L Val-de-Loire, l’une des plus grandes écoles d’ingénieurs de France CENTRE VAL DE LOIRE UNIVERSITÉ - ORLÉANS, TOURS, BLOIS, CHÂTEAUROUX/ISSOUDUN, CHARTRES, BOURGES... Rejoins la communauté !
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22 l’Humanité Mardi 8 avril 2014
Le monde en mouvement hongrie
Viktor Orban fait encore illusion À l’issue des législatives de dimanche, le chef de gouvernement ultraconservateur préserverait sa majorité des deux tiers. L’opposition, néolibérale, stagne au profit des néofascistes du Jobbik.
L
e premier ministre hongrois, Viktor Orban convainc, moins, mais charme encore près de la moitié du corps électoral. Sur 98,97 % des bulletins dépouillés, son parti, le Fidesz, a obtenu 44,54 % des voix, dimanche, lors des élections législatives. Les ultraconservateurs au pouvoir pourraient, selon les projections, s’arroger 133 des 199 sièges du Parlement et obtenir ainsi, grâce à une réforme électorale taillée sur mesure en 2011, la majorité des deux tiers. Viktor Orban aurait donc les coudées franches pour changer la Constitution à sa guise. En 2010, il recueillait encore 52,73 % des voix. Son affaissement électoral bénéficie en premier lieu aux néofascistes du Jobbik. La formation de Gabor Vona totalise en effet 20,54 % des suffrages (+ 3,5 points). Ces dernières années, le Jobbik a révélé son vrai visage, en défilant aux côtés de la Garde magyare, milice dissoute par le gouvernement Orban, et en attisant la haine contre les Roms.
Une opposition décrédibilisée
L’Alliance démocratique (AD), coalition d’opposition rassemblant socialistes et libéraux, sort affaiblie de ce scrutin, avec seulement 26 % des suffrages. Elle pâtit des scandales de corruption qui l’ont éclaboussée mais surtout de sa gestion passée très néolibérale, renvoyant l’impression d’avoir « asservi le pays aux banquiers ». Avant 2010, elle avait souscrit à un plan d’ajustement structurel dicté par le Fonds monétaire international. Un an auparavant, le premier ministre Ferenc Gyurcsany avait dû démissionner après la révélation d’un enregistrement où il reconnaissait avoir menti aux électeurs sur la situation économique. « Une grande partie des pauvres n’est pas allée voter. L’opposition ne constituait pas une alternative à la crise sociale », déplore Attila Vajnai, président du Parti des travailleurs 2006. L’abstention est en effet en hausse de 2,4 points : seuls 61,9 % des électeurs se sont déplacés, si bien qu’en réalité le Fidesz recueille moins de voix qu’en 2002 et 2006, années où il avait perdu le scrutin. Néolibéralisme et affaires ne laissaient pas à l’opposition le choix des armes. Elle concentre donc ses critiques sur les dérives autoritaires d’Orban : sa loi sur le contrôle des médias, sa réforme constitutionnelle de 2012, conduite sans concertation avec l’opposition, sa suppression des contre-pouvoirs. Sans convaincre les électeurs. On notera le score d’Une autre voie politique (LMP), formation écologiste et située à gauche de l’AD, qui reste au Parlement avec 5,2 % des suffrages.
Réussite économique en trompe-l’œil
Orban conserve son aura, en dépit d’une pauvreté qui touche 4 des 10 millions de Hongrois, grâce à une réussite économique en trompe-l’œil. Son pays est sorti en 2013 de la récession, avec une croissance de 1,3 %. « On a toujours en Hongrie ce phénomène de hausse du PIB en fin de mandat », nuance Tamas Boros, de l’institut Policy Solutions. Et ces résultats ne « sont pas si bons au regard d’autres pays voisins, tels que la Pologne ou la République tchèque », qui eux n’ont pas connu de récession ces dernières années. Viktor Orban se vante aussi d’une baisse du chômage, passé de 11,2 % fin 2012 à 8,3 %
aujourd’hui. Mais tant les syndicats que l’opposition jugent que cette baisse est la conséquence « à 90 % » de travaux publics obligatoires et sous-payés pour les chômeurs et des 300 000 travailleurs qui ont quitté le pays depuis 2010.Pour Tamas Baros, un autre facteur explique également le succès d’Orban : « Les gens ont conservé les conceptions économiques de l’ancien régime (d’avant 1989 – NDLR) lorsqu’ils étaient protégés par l’État. » En campagne électorale comme au pouvoir, Viktor Orban fait mine de les défendre, en fustigeant les banques et les multinationales qu’il n’a pas hésité à taxer. Une semaine avant les élections, le gouvernement a décrété une réduction des tarifs de 6,5 % pour le gaz et de 5,7 % pour l’électricité.
Viktor Orban HIER AU PARLEMENT à budapest. aTTILA KISBERNEDEK/AFP.
Costa Rica L’élection du nouveau président Solis met fin au bipartisme
Tremblement de terre politique au Costa Rica.Avec 77,87 % des voix, le centriste Luis Guillermo du Solis, du Parti action citoyenne (PAC), a été élu, dimanche, président de ce pays d’Amérique centrale. La victoire de cet historien de cinquante-cinq ans était inscrite d’avance après le retrait formel de l’ancien maire de San José, la capitale, Johnny Araya, du Parti de la Libération nationale (PLN, droite). Mais elle marque un tournant dans la vie politique du Costa Rica puisque ce succès met fin au bipartisme quasi institutionnalisé depuis les années soixante entre le PLN et les sociaux-chrétiens du Pusc. Sur fond d’abstention record (43,2 %), Solis a bénéficié de l’impopularité de PLN et des scandales de corruption qui ont entaché la présidence sortante. Faute de majorité parlementaire (13 sièges sur 57), il devra composer avec les neuf députés du Front ample (gauche) dont les 17 % obtenus par José Maria Villalta ont constitué l’une C. Ce. des surprises du premier tour.
Justice Les Mères de Srebrenica accusent les Pays-Bas de laxisme
L’association des Mères de Srebrenica, qui représente près de 6 000 mères et veuves du massacre de 8 000 hommes et enfants musulmans par l’armée serbe dans cette enclave de la Bosnie en 1995, accuse les Pays-Bas de laxisme. « Le Dutchbat (bataillon néerlandais – NDLR), aurait dû nous protéger », a accusé, hier devant le tribunal de La Haye, Munira Subasic. L’État néerlandais nie toute responsabilité, en expliquant que le bataillon agissait sous les ordres des Nations unies. Il y a un an, une plainte similaire avait été déposée contre l’ONU devant le tribunal des droits de l’homme de Strasbourg, avant d’être rejetée au motif que les casques bleus bénéficient d’un statut d’immunité. En revanche, le tribunal suprême néerlandais a quant à lui donné raison aux mères de Srebrenica, en estimant que les soldats étaient sous le contrôle de l’État. « La protection des civils est un principe qui devait passer avant tout », a fait valoir Marco Gerritsen, un des avocats des plaignantes. C. Ce.
Gaël De Santis
Ebola Déjà 95 décès, selon MSF et les autorités sanitaires de Guinée
L’épidémie de fièvre hémorragique continue ses tristes œuvres en Guinée. 151 personnes sont touchées et l’on compte déjà 95 morts, selon un bilan de Médecins sans frontières (MSF) et des autorités sanitaires guinéennes. Selon Sakoba Keita, chef de la division prévention du ministère guinéen de la Santé, parmi les personnes décédées, au moins 52 ont été infectées par le virus Ebola. Le taux de mortalité pour cette maladie est de 90 % et il n’existe aucun traitement. « Si les patients reçoivent un traitement pour les infections secondaires et sont bien réhydratés dans des structures de santé bien gérées, leurs chances de survie augmentent », informe MSF. D’après l’ONG, plusieurs patients qui ont « vaincu » le virus ont « quitté les centres de prise en charge ». L’épidémie Ebola, probablement causée par un contact avec les chauves-souris dans la zone forestière de Guéckédou, est sans précédent en Guinée, et semble s’étendre. Plusieurs cas suspects de fièvre ont été signalés au Mali, au Liberia et en Sierra Leone. G.D.S.
Culture&Savoirs
Mardi 8 avril 2014 l’Humanité 23
peinture
Les fêtes galantes entre innocence et fantômes
De Watteau à Fragonard, le musée Jacquemart-André, à Paris, propose un parcours dans la peinture du XVIIIe siècle, comme un miroir tendu à une aristocratie qui s’amusait encore. Un monde des codes galants et des apparences, des séductions et de la tromperie.
P
eut-être les contemporains de Watteau, dans la première moitié du XVIIIe siècle, pouvaient-ils porter sur ces fêtes galantes qu’il a inventées et qui sont devenues en ellesmêmes un genre pictural un regard empreint d’innocence ou dénué d’arrière-pensées. Ainsi de la plus emblématique de toutes, l’Embarquement pour Cythère, où jeunes hommes et jeunes femmes élégamment costumés s’apprêtent à partir pour l’île enchantée que l’on entrevoit au loin dans une sorte de brume et qui garde son mystère. Paradis ou enfer ? Mais depuis Verlaine les a teintées d’une ineffable mélancolie et d’une lumière spectrale, « dans le vieux parc solitaire et glacé, deux ombres ont tableaux tout à l’heure passé ». La dont révolution a signé la fin de 11 de watteau ce monde et nous fait voir, lui-même ont été sur les nuques graciles des rassemblés jolies femmes vêtues de sapour tins chatoyants, l’ombre l’exposition. comme déjà portée du couteau de la guillotine. Mais à cette époque même, les fêtes ne sont peutêtre pas ce qu’elles paraissent. Certes, le genre, donc, est nouveau et totalement profane. La peinture n’emprunte plus aux apôtres leurs auréoles et aux dieux de l’Olympe leurs atours de péplum pour justifier sa raison d’être. C’était déjà le cas avec la peinture flamande et quelques toiles italiennes.
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Un monde de violences sociales
On pense aux kermesses de Bruegel ou au Concert champêtre que l’on a cru longtemps de Giorgone et désormais attribué au Titien. Mais ce dernier garde une dimension allégorique tandis que le regard de Bruegel sur la fête paysanne, celui un peu plus tard de Jordaens sur les réjouissances populaires sont une forme de réalisme cru. Les fêtes galantes de Watteau sont dans un autre monde. Un monde des codes galants et des apparences, des séductions et de la tromperie. Le XVIIIe siècle, le siècle des Lumières, s’il fut aussi celui du marivaudage et du libertinage, et sans doute est-ce ce que l’on en retient d’aimable, fut tout autant un siècle de violence sociale aussi bien que sexuelle. Il n’est pas indifférent de noter, outre ses dépenses extrêmes, que les frasques réelles ou sup-
Pierro content 1712-1713, d’Antoine Watteau. Museo ThyssenBornemisza, Madrid.
24 l’Humanité Mardi 8 avril 2014
Culture&Savoirs posées attribuées à Marie-Antoinette dont on commentait les rapports avec ses favorites, et particulièrement avec la duchesse de Polignac, que l’on accusa d’avoir dévoyé son propre fils, jouèrent aussi un rôle non négligeable dans l’état d’esprit du temps. De son côté, lorsque Sade écrit les 120 Journées de Sodome, il stigmatise dans sa préface ces sortes de libertins qui ne sont que des tortionnaires en quête de jouissances sans entrave grâce à leur rang et leur fortune. Que se passet-il donc, dans ces parcs où l’on s’échange billets et regards, baisers furtifs et promesses ? De quelles soumissions, de quels marchés, de quels mensonges la fête est-elle le masque ? Des comédiens souvent y figurent. D’étrange manière. Ainsi avec ce petit tableau intitulé Pierrot content où Pierrot, précisément comme le Gilles du même Watteau, le célèbre tableau du Louvre, n’a pas l’air si content que cela. Et de quoi le serait-il d’ailleurs ? De faire l’amuseur pour les aristocrates, payé en reliefs de repas ? On ne saurait évidemment en conclure qu’il y a chez Watteau de la critique sociale. Mais au fond, serait-ce si étonnant à l’époque de Diderot, Voltaire, Rousseau ? Ou de Rameau, musicien, certes, compositeur, mais qui, dans Platée, met en scène la façon dont les puissants abusent avec cynisme les pauvres et les faibles, ou qui, avec une petite pièce pour clavecin comme la Villageoise, ne nous propose pas une robuste musique paysanne, mais un morceau douloureux.
SCULPTURE
Comment sortir les trous de mémoire de l’histoire de la clandestinité ? À la galerie Éric Dupont, à Paris, Pascal Convert présente « Passion », des œuvres métaphoriques de la douleur à travers la crucifixion et l’extermination.
La cour n’est que l’ombre d’elle-même
Et fait-on vraiment la fête dans la société du temps ? Sans doute on s’amuse quand on est aristocrate et fortuné. Mais au prix de quelles bassesses… Louis XIV est mort en 1715 et on garde malgré soi l’image du Grand Siècle, des fêtes de Versailles, du roi dansant comme un soleil. C’est oublier que les dernières années du roi furent lugubres et que la cour à Versailles n’était plus que l’ombre d’elle-même. Alors certes, avec la régence, la chape de plomb est levée, mais que sont tous ces petits marquis et leurs belles amantes, autres que des valets ? Le talent des très grands peintres est de donner à voir un peu plus que les apparences. Dans le miroir enchanté que tend Watteau aux aristocrates de son temps comme dans les ombres de ses bosquets, il y a des fantômes. Mais la belle exposition du musée Jacquemart-André à Paris ne s’arrête pas là. Jean-Baptiste Pater fut le seul élève direct de Watteau et on peut parfois les confondre. À cela près que l’on n’éprouve pas devant ses tableaux le même trouble. Il saura en revanche donner aux fêtes une franche tournure érotique comme avec Baigneuses à une fontaine dans un paysage. Les cuisses y sont légères et les décolletés généreux. Nicolas Lancret est aussi dans le registre de Watteau, mais sa manière est plus lisse, la touche est posée. Avec Boucher, dont l’immense talent ne saurait se résumer à ce qu’en montrent l’exposition et les petits formats, on est parfois dans le joli et le couvercle de bonbonnière. Fragonard naît quand Watteau est mort, déjà depuis dix ans. Sa touche est rapide, enlevée, les juxtapositions de touches de couleur semblent annoncer l’impressionnisme. Mort en 1806, il connaîtra la Révolution, mais dans ses toiles d’avant on s’amuse encore. Maurice Ulrich
Jusqu’au 21 juillet. Catalogue édité par Culturespaces et le fonds Mercator, 224 pages.
Cristallisation n°2, de Pascal Convert, 2013. Verre, plâtre, charbon de bois. Courtesy Galerie Éric dupont, paris.
E
n entrant dans l’exposition, on est saisi à la gorge en nous sur la barbarie qui, installée dans la chair du monde, par un goût de cendres. Ça sent le bûcher, la mort. contamine l’humain. Imaginer les troncs d’arbre noueux, de la taille Ainsi, après Fran Angelico, le Tintoret, Francis Bacon, Antonio d’un homme, dressés, en 1933, dans les universités Saura, Georges Baselitz, Basquiat, Adel Abdessemed…, Pascal allemandes pour qu’y soient déposés, puis jetés Convert éprouve la nécessité de se confronter, comme sculpaux flammes, lors d’autodafés condamnant à mort les ouvrages teur, au corps d’un Christ proche de celui de Pasolini. Comme juifs, marxistes, pacifistes, les livres de Freud, Marx ou Zweig, Picasso, qui s’empare de la crucifixion dès 1930, après avoir est infiniment douloureux. Comme sortis in extremis du lu Georges Bataille s’intéressant au manuscrit du IXe siècle brasier, noirs, cramés dans le verre pétrifié, ils prennent une l’Apocalypse de Saint-Sever, il fait prendre corps au verbe. Il force métaphorique incroyable pour témoigner de la puissance inscrit l’écrit dans le champ de l’art. de l’écrit. Car au fond de la galerie, nous revoilà confrontés au livre et au sacré. Au livre des livres, Le livre juif ! Là encore, Puis viennent, comme extraits des crématoires, des fragments de corps en charbon de bois et verre on voit à quel point Pascal Convert, à force de soumis au même lance-flammes. Tels des patience, de maturation, trouve les solutions ovni reliques, ils nous préparent à côtoyer des formelles les plus justement adaptées aux L’artiste a publié, œuvres représentant le corps crucifié du Christ, problématiques historiques qui le taraudent chez Grasset, La constellation du sacré même s’il est profane. et ne cessent d’inquiéter notre futur. Lion, où se mêlent De vieux christs en bois à échelle humaine histoire familiale ont été recouverts d’un plâtre et d’une Ouvrir d’anciennes cicatrices, et histoires entrevoir le tabou et le refoulé armature métallique capables de contenir la de résistance. pression du verre liquide. Puis ils ont été enAinsi a-t-il fallu trois ans pour que le maître fournés et cuits jusqu’à 550 °C par Olivier Juteau, verrier trouve, en Allemagne, le bon verre, du maître verrier. Une opération de transmutation du bon ton bleu, de la juste taille, qui permette de réaliser bois en cristal iconoclaste, mais destinée à questionner trois diptyques monumentaux s’ouvrant comme des pages ce que l’artiste nomme « l’équation mystérieuse entre sacrifice, de livre sur lesquelles courent les extraits déchirants de huit sacrilège et sacré ». cahiers écrits entre 1942 et 1944, en yiddish, par un rescapé de Treblinka qui tente de raconter l’indicible arrachement, La barbarie installée dans la chair l’intransmissible effroi du camp de la mort. du monde contamine l’humain Ces va-et-vient entre histoire et histoire de l’art rouvrent La froideur avec laquelle le maître délivre les secrets de cette des cicatrices que l’on croyait à jamais refermées et qui laissent terrible recette contraste avec l’ébranlement du cœur et l’effroi entrevoir le refoulé, le tabou. Pascal Convert fait sortir les ressenti face au réalisme de la douleur ressentie par cet être trous de mémoire de la clandestinité. Son art fait que le passé transpercé d’un pieu qui, toujours prisonnier de sa gangue de diffuse dans le présent. verre et de métal, d’où s’échappent des fils évoquant des Magali Jauffret barbelés, apparaît infiniment fragile, tragique, à force d’être « Passion », galerie Éric Dupont, 138, rue du Temple, Paris 3e. blanc, translucide. Frôler la matérialisation du corps du Christ, cet insoumis Du mardi au samedi inclus de 11 heures à 19 heures. rangé du côté des opprimés, réactive quelque chose fermentant Jusqu’au 25 mai. www.eric-dupont.com
Mardi 8 avril 2014 l’Humanité 25
Culture&Savoirs télévision
Eugène Murangwa, gardien de la réparation au Rwanda
L’ancien goal de l’équipe nationale de football croit à la reconstruction de son pays par le sport. Une nation encore hantée par le génocide. Rwanda, la surface de réparation,
le petit-palais
Paris 1900 et les lumières de la ville
Entre champagne et pavillons extravagants de l’Exposition universelle, le musée se souvient.
S
ans surprise mais non sans pertinence, le Petit Palais à Paris a choisi une peinture de Toulouse-Lautrec pour l’affiche de sa dernière exposition temporaire : « Paris 1900. La ville spectacle ». Toulouse-Lautrec mais Paris 1900, ce pourrait être aussi bien les affiches de Mucha, l’un des inventeurs des courbes et volutes, des décors floraux qui firent l’art nouveau, ce pourrait être encore ce tableau de Gervex, Une soirée au Pré-Catelan, où l’on peut reconnaître, nous dit-on, la belle Otero, après avoir croisé un nu dont il faut dire la rare sensualité, et qui aurait été moulé sur le corps même de la célèbre danseuse Cléo de Mérode. Christophe Leribault, à la tête du Petit Palais, a multiplié les entrées pour évoquer l’architecture, la mode, les divertissements jusqu’aux bordels les plus célèbres comme le Chabanais, faisant découvrir l’étonnant fauteuil de plaisir d’une tête couronnée qui avait là ses habitudes. On ne saurait oublierles photos coquines de l’époque. En même temps, disons-le franchement, il y a là peut-être un point faible de l’ensemble où l’on ne semble retenir millions que le plaisir, quand la prostitution à Paris, de touristes précisément dans cette période qui vit affluer affluèrent à paris des visiteurs du monde entier, mériterait pour l’exposition très probablement un sujet à elle seule. universelle. L’année Mais Paris 1900 c’est d’abord et surtout de la première ligne du métro. l’Exposition universelle, la construction du Grand Palais avec son incroyable verrière et celle du Petit Palais qui lui fait face, les projets de pavillons, réalisés ou non, les plus extravagants. Peinture et dessin sont d’ailleurs omniprésents tout au long du parcours. Côté peinture, le plus frappant dans cette période est la diversité des styles et des approches. Quoi de commun entre Carrière et ses univers un brin fantomatiques, Agache et Gervex, Gérôme ou Maurice Denis… Symbolistes, réalistes, nabis, néo-impressionnistes coexistent, semble-t-il, à peu près pacifiquement. Mention spéciale, au passsage, pour le grand tableau de Julius Stewart, prêté par la Piscine à Roubaix, où une courtisane est frappée par la grâce. C’est trop, bien sûr, mais c’est pour cela qu’on l’aime, ce tableau. 1900, c’est aussi la photographie, les magnifiques vases de Sèvres ornés parfois de petites cariatides d’une absolue séduction, et les robes, les corsets ou cet incroyable manteau de brocard du couturier Worth pour la comtesse Greffulhe qui aurait servi de modèle à Proust pour la duchesse de Guermantes : « Et dans l’oubli mythologique de sa grandeur native, elle regardait si sa voilette était bien tirée, aplatissait ses manches, ajustait son manteau, comme le cygne divin fait tous les mouvements de son espèce animale (…) sans se souvenir qu’il est un dieu. »
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Maurice Ulrich
Jusqu’au 17 août. Rens : 01 53 43 40 00.
Arte, 22 h 30.
E
ugène Murangwa a quitté le Rwanda il y a vingt ans. Quand en 1994, cent jours durant, le dernier génocide du XXe siècle sévissait dans ce pays. Ancien gardien de l’équipe nationale de football, il a fui le sang, la terreur alors qu’il n’avait que vingt et un ans, protégé par ses anciens coéquipiers. Destination l’Europe. Il revient dans son pays avec l’espoir d’aider par le football à la reconstruction d’une nation meurtrie. Avec ses ex-partenaires, il a créé une académie de football au nom évocateur de « Dream Team » où se forment de jeunes pousses. Comme partout dans le monde. Mais là, les stades et les collines qui les entourent ont encore l’odeur du sang et la mémoire du génocide meurtrier. Lui, l’ancien gardien, connaît bien « la surface de réparation », celle que l’on défend âprement surtout lorsque l’on est gardien de but, ou celle où l’on se fait justice quand une faute y
a été commise. La tâche est immense pour effacer des blessures justement indélébiles. Au Rwanda, le football est lié au passé colonial. Le pays jusque-là sous domination belge est devenu indépendant en 1962. La fédération de football a été créée dix ans plus tard. Hutu et Tutsi jouent sous le même maillot jaune et bleu. Jusqu’en 1994. De fait, le Rwanda ne disputera pas les éliminatoires 1996 de la Coupe d’Afrique des nations. Dans ce documentaire sensible de François-Xavier Destors et Marie Thomas-Penette, Eugène Murangwa, avec pudeur le mesure. Il se confie tout en réalisant la complexité de son rêve. Mais le visage des ces gamins qui palabrent au bord d’un terrain, à Kigali, comme ils le feraient dans n’importe quel stade du monde ou cour de récréation redonne une note d’espoir. Et arrache même des sourires. Murangwa le sait : la partie est loin d’être gagnée. Mais le rescapé du génocide reste convaincu que le football est un facteur de paix et d’unité pour son pays. Claude Baudry
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Ils sont partIs pour vous, Ils revIendront grâce à vous
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Didier François
Édouard Élias
Didier François
Édouard Élias
Nicolas Hénin Nicolas Hénin Pierre Torres Pierre Torres
© Julien Cauvin © Sylvain Leser / haytham pictures © familletorres © BenoitSchaeffer © Julien Cauvin © Sylvain Leser / haytham pictures ©familletorres © BenoitSchaeffer
Une soirée au pré-catelan, de gervex, 1909. Carnavalet/R. Viollet
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Le 6 avril, cela fera 10 mois qu’ils sont détenus… Ne les oublions pas ! avec le soutien de
avec le soutien de
26 l’Humanité Mardi 8 avril 2014
DOCUMENTAIRE
Les marques du low cost impossibles à effacer Le 24 avril 2013, l’usine Rana Plaza, au Bangladesh, s’effondrait, tuant et blessant des milliers d’ouvrières. Et après ? Un film inédit d’Anne Gintzburger, ce soir sur France 5.
LES DAMNÉES DU LOW COST,
maintenir des marges qui peuvent atteindre 70 %, les marchands de marinières, de doudounes, de pantalons, de shorts sont partis mettre la pression sur le Bangladesh. Cadences, ourquoi 1 500 personnes ont-elles perdu la vie bas coûts, conditions de travail moyenâgeuses… La veille du dans l’effondrement de l’immeuble Rana Plaza au drame, les ouvriers avaient été évacués de l’immeuble qui Bangladesh le 24 avril 2013 ? Que sont devenues présentait des fissures inquiétantes sur des pilasses porteuses. les centaines d’ouvriers et ouvrières blessés ? Les Pressée par les syndicats, la direction avait fait déplacer de conditions de travail ont-elles changé dans les pseudo-ingénieurs pour « rassurer », minimiser les risques. usines textiles, depuis le drame ? Quelles responsabilités Chacun fut appelé à rejoindre son poste. La peur au ventre. portent les marques occidentales comme Tex (CarFace aux caméras, ils témoignent. Un an après, la refour), Camaïeu (Auchan), Benetton, Zara, force des mots et des visages suffit au téléspecCelio, H&M… ? Comment les ONG, les politateur pour mesurer l’ampleur mondiale du LES MARQUES REFUSENT tiques, les consommateurs, peuvent-ils peser désastre, pour mesurer combien il est urgent D’INDEMNISER face à la course au profit maximum ? Toutes que la politique au sens noble du terme reLES VICTIMES. ces questions conduisent l’enquête docuprenne le pas sur l’impératif économique. LE COLLECTIF ÉTHIQUE mentaire écrite et produite par Anne GintzConsécutivement à ce qui se trouve être la SUR L’ÉTIQUETTE burger et son équipe diffusée ce soir sur plus grande catastrophe de l’industrie textile, A LANCÉ UNE PÉTITION France 5. « L’idée de réaliser un film m’est en France, poussés par les ONG et les syndicats SUR INTERNET. venue la nuit même après le drame », se souCGT et CFDT, trois députés (« deux socialistes vient l’auteure. Immeuble éventré, jambes amet un écologiste » sont à l’origine d’un projet de putées, regard sidéré et larmes dévastant une ouvrière loi visant à imposer un « devoir de vigilance » aux de quatorze ans. Plusieurs mois plus tard, sur place, elle multinationales. découvre à quel point toutes les formes de plaies sont restées « À ce point de vue, la France est aujourd’hui la seule à avoir béantes. La colère aussi est restée intacte. Un monument de engagé un travail législatif. Encore faut-il que ce projet de loi béton figurant deux poings levés brandissant marteau et soit un jour soumis au vote », commente Anne Gintzburger, faucille a été érigé devant ce qui reste du Rana Plaza à Dacca. qui ne cache pas que son film, projeté en cette période de Quatre mille ouvriers, souvent originaires des campagnes, triste anniversaire, affiche cette volonté de participer à la travaillaient ici. Des femmes, pour la plupart. Jour et nuit, prise de conscience générale, à générer « un cercle vertueux » pour des salaires de 30 euros par mois, pour des étrangers, « sans culpabiliser, mais en révélant pour soutenir et mobiliser qui viennent parfois mais à qui personne n’a le droit de parler. tous les acteurs concernés ». La Chine a relevé les salaires ? Qu’à cela ne tienne ! Pour LAURENCE MAURIAUCOURT France 5, 21 h 35.
P
LA MÈRE DE VICTIMES DE L’EFFONDREMENT DE L’USINE DE TEXTILE RANA PLAZA AU BANGLADESH, LE 24 AVRIL 2013. CHASSEUR D’ÈTOILES
LA CHRONIQUE MÉDIATIQUE DE CLAUDE BAUDRY
Bruno Arbesu
Culture&Savoirs
Pour Canal, le foot, c’est pas du cinéma
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rédéric Thiriez fait la moue. Le patron de la Ligue de football professionnel vient d’empocher le chiffre record de 748,5 millions d’euros par an pour les droits de diffusion des matchs de championnat de France de Ligue 1 et de Ligue 2 pour les années 2016-2020. Il espérait un chèque plus important encore. « J’aurais aimé plus parce que j’ai beaucoup d’ambition pour le foot français. Mais le marché a parlé », a-t-il déclaré au terme d’un match disputé, y compris sur le tapis vert, entre Canal Plus et BeIn Sports. Un match de poids lourds. Les deux groupes se sont partagé tous les lots. Eurosport, qui diffuse actuellement un match de L2, ainsi qu’Orange, Youtube, Dailymotion et l’Équipe.fr qui concouraient sont hors-jeu. Il se dit que dans cette partie de folle surenchère, Canal Plus a mis 540 millions d’euros pour s’assurer les trois matchs les plus importants. Jusqu’alors, Canal paie 420 millions d’euros contre 150 pour sa rivale qui lorgne aussi sur la Ligue des champions. La surenchère a fait le reste pour atteindre ce chiffre faramineux. Énorme mais vital pour la filiale de Vivendi, groupe qui dans le même temps cède SFR à Numericable pour une quinzaine de milliards d’euros. Le football reste, avec le cinéma et les séries, un produit d’appel pour les chers abonnés. Le foot représente la moitié, soit trois millions des motivations des abonnés. Le cinéma s’inquiète de cette flambée des prix qui risque de réduire d’autant les moyens que met Canal Plus dans le financement des films. Sauf à la répercuter sur le prix de l’abonnement. « Personne n’a envie que Canal soit en difficulté, Canal est une chaîne historique qui soutient le cinéma, la création, mais en même temps il faut que Canal accepte d’être en concurrence », a prévenu Frédéric Thiriez. La course aux droits sportifs n’est pas terminée. La Ligue des champions, celle qui rassemble les grandes affiches européennes, est également convoitée par BeIn Sports qui a fait ses offres hier auprès de la gourmande UEFA en même temps que Canal Plus. Cette progression des droits doit en principe permettre plus de visibilité aux clubs de football en grande difficulté financière (39,5 millions d’euros de déficit cumulé en 2013). Mais les millions pourraient servir à attirer de nouvelles stars. La manne doit aussi servir à payer la taxe à 75 % sur les salaires les plus élevés, dont l’impact est estimé à 44 millions par an par la Ligue. C’est mathématique, Canal Plus va prendre du galon dans la maison Vivendi libérée de SFR. Et Vincent Bolloré deviendra bientôt président du conseil de surveillance. Et là, ce n’est pas du cinéma.
La course aux droits sportifs n’est pas terminée. Le cinéma va en souff rir.
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Mardi 8 avril 2014 l’Humanité 27
L’Humanité xxxxxxxx 00 xxxxxxxxx 2000
Culture&Savoirs
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Rendez-vous
inédit
Toulouse : Jaurès et Clemenceau en colloque. À l’issue d’une année dense d’initiatives avec la tenue d’un Café Jaurès mensuel, place du Capitole, l’association des Amis de Jean Jaurès organise, samedi 12 avril, un colloque. « Jaurès Clemenceau : deux voi(x)es pour la République ». Les séances seront présidées par Jean-Michel Ducomte, président de la Ligue de l’enseignement, et Jacques Poumarède, professeur émérite d’histoire du droit. Les intervenants confronteront les thèses de ces acteurs majeurs de la IIIe République. L’accueil du public est prévu à partir de 9 heures, à l’université Toulouse-I Capitole, amphithéâtre Jean-Jaurès. Au programme le matin : Paul Marcus, Sciences-po Paris, Gilles Candar, président de la Société d’études jaurésiennes, et Emmanuel Jousse, université de Lille. L’après-midi : Alain Boscus, Rémy Pech et Georges Mailhos, université de Toulouse-le Mirail, et Olivier Loubes, chaire supérieure, lycée Saint-Sernin, Toulouse. Un débat conclura ce colloque.
L’idéologie des philosophes selon Louis Althusser
L’auteur rend compte ici de la philosophie spontanée des philosophes, il vise à extirper l’ensemble des représentations implicites par lesquelles les philosophes croient exercer naturellement leur activité.
Presses universitaires de France, 2014, 388 pages, 23 euros.
C
ontrairement à ce qu’indique le titre de cet inédit d’Althusser édité par G. M. Goshgarian, ce livre n’est pas une introduction facile, une sorte de philosophie marxiste pour les nuls. Il vise plutôt à définir « une position marxiste en philosophie ou (une) nouvelle pratique, marxiste, de la philosophie ». Althusser avait depuis longtemps défini la notion d’idéologie et son usage par Marx. L’une des conséquences tient à ce que des professions qui se revendiquent de la vérité n’échappent pas à l’emprise des représentations idéologiques. Il l’avait déjà amplement développé dans Philosophie et philosophie spontanée des savants (1967). Il entend ici rendre compte de la philosophie spontanée des philosophes, c’est-à-dire extirper l’ensemble des représentations implicites par lesquelles les philosophes croient exercer naturellement leur activité.
Or l’attitude idéaliste domine non seulement d’un rapport matérialiste à l’abstraction. la production philosophique par ses théma- On sera alors parfois surpris que, contrairement tiques, mais également par ses catégories, au à ce que l’on aurait pu attendre, Althusser premier rang desquelles la division entre théo- ne remplace pas l’inféodation de la philosophie rie et pratique. Quand, dans les célèbres Thèses à la théologie par une primauté du rapport au sur Feuerbach, Marx rompt avec l’attitude politique. Ainsi, il prend au sérieux l’autonomie théorique de la philosophie pour engager les relative de la philosophie en inscrivant philosophes à « transformer » sa naissance dans un conflit le monde plutôt qu’à « l’indans l’ordre de la connaisterpréter », il ne demande pas sance : à l’hégémonie de la d’abandonner la philosophie, religion succède une nouvelle mais de lui donner un autre trinité : science, religion objet et une autre pratique que et philosophie. Or cette celle de l’histoire dominée par dernière, à l’encontre de l’inLouis Althusser. l’idéalisme. terprétation rationaliste, peut Positions (1964-1975), On comprend que cette initour à tour servir l’une Éditions sociales. tiation s’adresse tout autant ou l’autre au gré des circonsaux non-philosophes, pour tances. Il reste donc à définir qu’ils comprennent dans quel univers cette pratique autonome, à l’horizon idéologique les philosophes ont jusqu’alors d’une histoire désormais consciente de la lutte pensé, qu’aux philosophes, pour qu’ils pren- des classes dans l’histoire. L’objet philosophique nent la mesure de leur manière de penser. par excellence réside dans la position de Au-delà du style, propre à l’époque et à thèses. Le philosophe matérialiste doit déterl’affirmation maintes fois assumée par Al- miner, à l’infini, des thèses sur un réel infithusser selon laquelle la philosophie continue niment partagé. « la lutte de classes dans la théorie », on reBenoît Schneckenburger, tiendra de ce texte la tentative de formulation philosophe.
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« L’idéologie a une existence matérielle. »
Mots croisés croisés HORIZONTALEMENT HoRiZontAlEMEnt 1. Un Possibilités offertes2.aux électeurs de 1. nid d’insectes. Bac de cuisine composerenleurs 2. Demeurerais C’est oublier alimenté eau.listes. Rad. 3. lorsqu’on la Italien. passe. 5. Maire. 3. On sur place. 4. Flottante, c’epeut st un se le rompre en tombant. Tenirde la l’tête délicieux entremets. Débarrassé eau dans une course. 4. Homme d'études. par torsion. 6. Adjectif possessif. À nous. Pieds vignes. Événement impré7. Solodevocal. Il a5.son contre. Stère. 8. visible. Fine fleur. 6. Débauché. SymDes sous-vêtements féminins. 9. Crochet. bole de l'or. 7. Chic. Joignant deux pièVas ça et là, sans but précis. 10. Finiras ces détériorer de bois. 8. Successeur Saintpar quelque chose de à force de Pierre. Révolte populaire. 9. Appât facs'en servir. tice. Eau-de-vie. 10. Mettent en tas.
N° 396 par Martial Dubois n°21 21338 VERTICALEMENT VERtiCAlEMEnt I. Classes Toute petite sans le gravité. II. Qui i. où l’ofaute n prépare baccalauréat. estFait maître de soi.du III.sommeil. Attachées. Bon à ii. de sortir Chacune rien.bandes IV. Du premier janvier au trente et des horizontales d’une voile. iii. un décembre. trop Affluent de la Passa Seine.beaucoup Sans en avoir près. Participe V. Centigramme. conscience. iV.gai. Combustible solide Acqui cablasans de dettes. Enveloppes brûle laisserVI. deHolà. résidu. Calmes. V. des de graminées. Cordage pour Père l’Église. Vi.VII. Rendre la confiance. orienter une voile. petit cheval Vii. Circulerais. FitVIII. feu. Un Viii. Inventeur d'origine espagnole. rigole qui américain. Vesce utilisée Une comme fourrage. conduit l'eaucheval. à un réservoir. IX. QuiEssai est iX. Mauvais X. Préposition. faitlaboratoire. d'ivoire. X. Tressaillent. de Ébruité.
solution : HoRiZontAlEMEnt. 1. Termitière. 2. Évier. Rd. 3. Resterais. 4. Milanais. 5.Île. Essoré. SOLUTION : HORIZONTALEMENT. 1.9.Panachages. 2. Éponge. Élu. 3. Cou. Mener. i. 4.Terminales. Clerc. Ceps. 6. Ses. Nos. 7. Aria. Ut. St. 8. Lingeries. Esse. Erres. 10. Useras. VERtiCAlEMEnt. 5.ii.Aléa. Dissolu. In. Abutant. Lin. Émeute. 9. Leurre. Enliassent. Éveil.Gotha. Ris. iii.6.Risle. Insu.Au. iV.7. Méta. Sages. V.8.Irénée. Vi. Rassurer. Vii.Gin. Irais.10. Tira. Viii. Edison. Ers. VERTICALEMENT. I. Peccadille. II. Apollinien. III. Nouées. Nul. IV. An. Rasa. Ri. V. Cg. Obéra. iX. Rosse. X. En. Test. Su. VI. Hem. Glumes. VII. Écoute. VIII. Genet. Auge. IX. Éléphantin. X. Sursautent.
Initiation à la philosophie pour les non-philosophes, de Louis Althusser.
PIF PIF
Huma N° 21396
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II
III
IV
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VI VII VIII IX
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D’après C. ARNAL
28 l’Humanité Mardi 8 avril 2014 L’ONU définit le génocide
La convention de l’ONU de 1948 définit le génocide comme un massacre « commis dans l’intention de détruire, tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel ». Le génocide des Tutsi a eu lieu du 7 avril au 4 juillet 1994.
Récit
800 000
C’est le nombre (minimal) de Tutsi et opposants politiques hutu massacrés en 100 jours. Certains bilans font état de plus d’un million de victimes.
Rwanda
Le dernier génocide du XX siècle, avec la complaisance de Paris e
La mise à mort systématique des « Tutsi » a provoqué plus d’un million de victimes en trois mois. L’Humanité fut un des premiers quotidiens à dépêcher un journaliste sur place qui n’hésita pas à parler de génocide. Récit d’un massacre orchestré.
L
e 7 avril 1994, le dernier génocide du XXe siècle se déchaîne dans la capitale rwandaise. La veille au soir, à peine connue la nouvelle de l’attentat contre l’avion du président Habyarimana, la garde présidentielle (GP) et la milice interahamwe (« ceux qui frappent ensemble ») barrent les rues de Kigali la capitale ; les passants dont la carte d’identité porte la mention « Tutsi » sont mis à mort. Selon une première estimation du CICR, les massacres feront 800 000 morts dans les cent jours suivants ; par la suite, certaines évaluations chiffrent à plus de 1 100 000 le nombre des victimes. Le bilan exact ne sera jamais connu avec certitude, mais il se situe dans un ordre de grandeur d’au moins un million en trois mois. Une moyenne de dix mille par jour… Le sadisme est inhérent à toute persécution raciste. Pour m’être déplacé en avril-mai 1994 depuis Mulindi, quartier général du Front patriotique rwandais (FPR) établi non loin de la frontière ougandaise, dans la moitié orientale du pays, je peux témoigner que celle-ci puait l’horreur. Places des villages submergées de corps mutilés ; pistes bordées de cadavres, ceux de fuyards rattrapés par les tueurs de la milice et des forces armées gouvernementales (FAR et GP). Le plus angoissant peut-être, les bananeraies ou les bosquets : vous ne pouviez rien voir, mais une odeur
insoutenable s’en exhalait. Combien de corps en train de s’y décomposer ? Une interrogation qui, dès la fin de la première journée, prend tournure d’obsession.
« Ravagez tout ! »
À Gahini, non loin de la préfecture de Kibungo, dans l’hôpital géré par le FPR, des centaines de rescapés, couchés à même le sol, présentaient des blessures attestant de la volonté de faire mourir le plus cruellement possible. Une « méthode » avait été beaucoup appliquée : trancher à la machette le talon d’Achille ou le mollet de sa victime et l’abandonner là. De quoi meurt-on ? Douleur, soif ou gangrène… aucun médecin n’a pu m’éclairer à ce propos. L’avance des combattants du FPR fut suffisamment rapide pour sauver plusieurs de ces promis à la mort lente. Le récit que me faisait Gérard Gasherebuka, un rescapé du massacre de Rukara (un millier de corps croupissant devant et dans l’église de ce village proche), était souvent rendu inaudible par les cris aigus d’un adolescent tutsi couché sur une table, juste dans mon dos. Deux infirmières s’étaient assises sur lui afin de l’immobiliser, une troisième soignait sa jambe mutilée, le muscle disparu laissant à nu l’os du tibia. Soins donnés à vif, le peu de produits anesthésiques dont disposaient les médecins FPR étant réservés aux amputations qui s’effectuaient dans un autre bâtiment. Deux docteurs
Dans le droit fil de la logique coloniale qui figeait l’identité dans l’ethnie Françafrique. Durant les quatre
années de guerre civile, l’armée française n’a cessé de voler au secours d’un système qui faisait de « l’ethnisme » la pierre angulaire de son emprise.
L
e génocide a été planifié par un pouvoir qui, dans le droit fil de la logique coloniale (la mention de « l’ethnie » sur les papiers d’identité fut une invention belge et les premiers pogroms remontent à 1959), faisait de « l’ethnisme » la pierre angulaire de son emprise. Une technique du « diviser pour mieux régner » que Kayibanda (première République), puis Habyarimana (seconde République) reprirent à leur compte une fois l’indépendance prononcée. Durant les quatre années de guerre civile, l’armée française n’a cessé de voler au secours du criminel système en place à Kigali. Avant « Turquoise »
(juin-août 1994), il y a eu les opérations « Noroît », « Chimère », « Amaryllis », révélatrices des relations entretenues par la présidence et le gouvernement français avec leurs homologues rwandais de l’époque. Présent au Rwanda fin avril 1994, j’avais pu circuler dans la zone déjà libérée par le FPR et interviewer son dirigeant Paul Kagame (cf. l’Humanité du 6 mai 1994). Cette rencontre se passait au pont de Rusumo, qui franchit l’Akagera, rivière frontalière avec la Tanzanie, charriant dans ses flots jaunâtres un interminable cortège de cadavres venus de la région de Butare. Revenant sur le comportement plus qu’ambigu et tâtonnant des Nations unies, Paul Kagame avait notamment ce mot : « J’ai l’impression que, dans ses rangs, il y a des puissances – surtout les Français, et ils ont du muscle au Conseil de sécurité ! – qui voudraient bien influer sur l’issue du conflit. Le
gouvernement français a toujours eu une attitude négative. Même lorsque les atrocités de ce régime étaient évidentes. » Quand, fin 1990, elles envoyaient des soldats participer au combat contre le FPR, « pensez-vous sérieusement que les autorités françaises s’imaginaient lutter pour la démocratisation de notre pays » ? Question : à quoi attribuer ce comportement effectivement de longue date ? « Je crois que la France a commencé sur un faux pas et qu’elle ne veut pas admettre qu’elle a eu tort (…). Je ne comprends pas cette obstination. C’est vrai, la France n’a pas chez nous d’intérêts spécifiques. Alors peut-être sommes-nous une pièce, un rouage dans sa politique générale en Afrique. Sur ce continent, le gouvernement français a soutenu beaucoup de régimes incroyables. Y compris, donc, au Rwanda, avec un gouvernement qui a massacré tant de gens. » J. C.
s’en chargeaient à la cadence de douze par jour. Chaque matin, ils effectuaient une brève visite pour « contrôler » ceux qui avaient été mis la veille sur une « liste d’attente », afin si nécessaire d’en modifier l’ordre en recensant les personnes les plus susceptibles de décéder au cours de la journée. « Je sais que c’est monstrueux, me déclara l’un des deux, mais le moyen de faire autrement ? » « Les massacres ont commencé le 7 avril non loin de chez nous, raconte Gérard Gasherebuka, s’appuyant douloureusement au mur pour me regarder tandis qu’il amorce son récit. J’étais à la maison avec ma famille. Vendredi, j’ai déplacé ma famille vers la paroisse (l’église et ses dépendances – NDLR) et suis revenu à la maison. Samedi, vers 17 heures, ils attaquent. On a failli se défendre, mais, eux, ils avaient des fusils et des grenades. Ils nous jettent des grenades : 13 ou 14 morts, je ne sais pas exactement. Et puis, dans la nuit, ils convergent de tous les côtés vers la paroisse. Le bourgmestre en tête. C’est lui qui a donné le signal : “Ravagez tout !” » Lentement, il poursuit : « La salle où était ma famille a été totalement brûlée. Ils jetaient des matelas dans le feu pour achever ceux qui n’étaient pas encore morts. » Quelques jours passent après cette première tuerie. « Le bourgmestre dit aux réfugiés de quitter la paroisse. Nous refusons. Jeudi, nous voyons à nouveau arriver des soldats. Il y avait aussi des gendarmes qui séparaient les femmes des hommes. Et là… » Il s’arrête. Et reprend : « J’ai été frappé jeudi vers 15 heures. Des coups de bâton clouté sur la tête. Ils m’ont vu mort. J’ai ressuscité… J’ai repris conscience vendredi. » Gérard revient en arrière pour accuser ; il montre une feuille sur laquelle vingt-six noms sont inscrits : « Voilà le groupe des meneurs de la tuerie. Regardez : un député, le bourgmestre et des agents de l’administration. Le bourgmestre et les autres ont fui vendredi soir. Ils sont cachés dans la forêt (le proche parc national de l’Akagera – NDLR) et lancent des attaques nocturnes. Ils continuent de tuer, de terroriser, de piller et de prendre des otages. (…) Samedi matin, le FPR nous a sauvés. Il m’a conduit jusqu’ici, à l’hôpital. » « Le massacre avait été préparé, c’est sûr, et bien avant la mort du président. Vous savez, au Rwanda, tous les Tutsi sont considérés comme FPR, même ceux qui étaient dans un autre parti. Il y avait des Tutsi qui s’étaient inscrits dans un parti allié au gouvernement, pensant se trouver un lieu de refuge. Ils ont été exterminés quand même : les militaires ne pouvaient pas les laisser vivants après avoir massacré leurs familles. Ça ne pouvait pas se faire. » L’attentat contre l’avion du président Habyarimana a fourni le détonateur de la tuerie, il n’en fut pas le motif. Commandant de la force des Nations unies au Rwanda (Minuar), le général canadien Roméo Dallaire avait tiré la sonnette d’alarme un trimestre plus tôt : dans un fax à ses chefs directs (dont Kofi Annan, alors secrétaire général adjoint de l’ONU) en date du 11 janvier 1994, il prévenait d’un plan, appris d’un informateur bien placé désigné sous le nom de code « Jean-Pierre », prévoyant l’assassinat de casques bleus belges et de politiciens rwandais d’opposition en prélude à l’extermination de la population tutsi. La réponse fut en substance : pas question
Mardi 8 avril 2014 l’Humanité 29 Il Accuse « Aucun pays n’est assez puissant – même s’il pense l’être – pour changer les faits. » Paul Kagame, président du Rwanda.
Récit
23 juillet 1994. une femme agonisante nourrit son enfant. Conséquence du massacre, des milliers de rwandais réfugiés dans des camps sont morts de cholera ou de déshydratation. Corinne Dufka/Reuters/files
pour vous d’intervenir et de dépasser les limites du mandat de la Minuar… Plus l’ordre de transmettre ses informations au président Habyarimana, ce que Dallaire se garda de faire, « Jean-Pierre » l’ayant désigné comme l’un des principaux auteurs de ce plan ! Dans son ouvrage, J’ai serré la main du diable, publié au Québec début 2003, Roméo Dallaire indique par ailleurs avoir appris que « la France avait écrit au gouvernement canadien pour demander mon retrait du commandement de la Minuar. Il était évident que quelqu’un n’avait pas apprécié que je mentionne clairement la présence des soldats français au sein de la garde présidentielle ». Il conclut en disant avoir « pris note du fait
Des répétitions générales du génocide – Octobre 1990. Un premier massacre est perpétré à Kibilira. – Janvier 1991. Massacre des Bagogwe, une communauté tutsi marginalisée du nord. – 1992. Massacres dans le Bugesera (sud), puis dans la région de Kibuye (ouest) ; enfin, en décembre, dans celle de Gisenyi, le fief nordiste du président. – La dernière période vit une généralisation des assassinats ciblés de militants de l’opposition civile. Ainsi, en mai 1993, d’Emmanuel Gapyisi, leader du MDR, principal parti hutu d’opposition au MRND présidentiel ; ou, en février 1994, de Félicien Gatabazi, leader hutu du PSD.
qu’il me faudrait surveiller attentivement les Français du Rwanda et enquêter sur la présence des conseillers militaires français au sein des unités d’élite de l’armée gouvernementale rwandaise et leur implication possible dans l’entraînement de l’Interahamwe ».
d’affrontement sa consigne sera : « Pas de quartier ! » Une citation qu’il omet de rappeler dans ses écrits ultérieurs. De même qu’il feint d’ignorer les exactions et massacres qui ne cessèrent de se multiplier après 1990, ce que d’aucuns ont appelé des « répétitions générales du génocide ». Constituée courant 2005, la commission rwandaise « chargée « Pas de quartier ! » de rassembler les preuves de l’implication de l’État français dans Cette dénonciation de la complaisance de Paris envers un le génocide » (dite commission Mucyo du nom de son président) régime qui avait fait de la haine ethnique le fondement de sa désigne nommément trente-trois hauts responsables politiques toute-puissance vaut encore aujourd’hui à et militaires pour leur soutien aux autorités son auteur l’animosité de l’armée française génocidaires, à commencer par le président et de l’ancienne cellule africaine de l’Élysée. Mitterrand, son premier ministre Balladur, les ministres Juppé (affaires étrangères) et Ainsi le colonel Tauzin, ancien commandant du 1er RPIMa durant l’intervention de juinLéotard (défense), l’amiral Lanxade (chef août 1994 décidée par le gouvernement Mitd’état-major)… Parfois affiché : une délégation terrand-Balladur, répète à qui veut l’entendre du gouvernement génocidaire arrive à Paris que « l’opération Turquoise fait honneur à la entre le 24 et 29 avril 1994 pour être reçue France et à son armée ». Selon cet ancien de successivement à Matignon et au Quai d’Orsay, la DGSE, rien n’autorise à s’interroger sur cela alors que le carnage battait son plein. Le Gérard Gasherebuka, l’impartialité des autorités françaises. Sa carplus souvent camouflé (encadrement des forces rescapé. rière personnelle n’en est-elle pas la preuve ? génocidaires par des « conseillers » français), Il fut conseiller militaire de Habyarimana de voire occulte (trafic d’armes). Dernier exemple, 1990 à 1993, chef du Dami (détachement militaire à l’instruc- diplomatique cette fois : la France, rejointe par les États-Unis tion) Panda envoyé encadrer l’armée du régime clanique et et la Belgique, poussait alors le Conseil de sécurité au retrait mafieux alors en place à Kigali, et qui, en février 1993, « per- des casques bleus, et, le 21 avril, la mission de l’ONU ne laissait mettra aux FAR de redresser spectaculairement la situation face derrière elle qu’une force symbolique et dérisoire de 270 au FPR ». Enfin en juillet 1994, il confiait devant une caméra hommes… être résolu à « casser les reins au FPR », précisant qu’en cas Jean Chatain
« Le massacre avait été préparé, et bien avant la mort du président. »
2 l’Humanité L’Humanité Mardi xxxxxxxx 002014 xxxxxxxxx 2000 30 8 avril
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La nouvelle Humanité est sur les rails
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Hier, c’était le grand jour pour le lancement de la nouvelle formule. Toute la journée, à la rédaction, ce fut l’effervescence pour participer à cette naissance. Nouvelle maquette, nouvelles manières d’écrire, nouvelle organisation… Tout a changé et tout change, pour que votre journal porte mieux que jamais les combats progressistes d’aujourd’hui et réponde au défi des moyens de communication modernes.
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Mardi 8 avril 2014 l’Humanité 31
Cactus
« Ce qui est drôle, c’est que, d’un côté, ça ne va pas tellement et, de l’autre côté, ça va vachement bien. » Lola Lafon
Les puissants ne pourront pas s’asseoir dessus
PINOCCHIO « La taxe, telle qu’elle avait été conçue, c’est à la fois beaucoup de lourdeur administrative et un rendement qui excède à peine, peut être même pas, le coût que ça représente. »
Ça pique ! par Babouse
CACTUS 40 BOURSE : UN DÉ À UNE SEULE FACE Si c’est le Figaro qui l’écrit… Dans les pages saumon du quotidien, Roland Laskine décrypte les largesses du président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, pour « les boursiers ». Selon le journaliste, il leur a fourni « toutes les assurances dont ils avaient besoin pour spéculer en toute tranquillité » : si l’activité repart, « les cours vont monter de façon naturelle ». Si « la récession pointe son nez, la BCE se mobilisera pour relancer la croissance dans la zone euro par des mesures non conventionnelles ». Merci qui ?
LA FIGURE DE PROUE DE BFMTV, FAUSSE SCEPTIQUE ?
Tweet de Jean-Jacques Bourdin, reprenant les propos d’Yves Jégo hier matin sur I-Télé : « J.-L. Borloo va bien, mais après le choc sceptique qu’il a eu, il en a pour de longs mois de convalescence. » Est-ce le doigt de l’animateur de BFMTV qui a glissé ou bien l’ancien chef de file des radicaux valoisiens, qui a annoncé son retrait de la vie politique officiellement pour cause de maladie, a-t-il encore du mal à croire que son vieil adversaire/compagnon François Bayrou, avec qui il partageait la tête de l’Alternative, ait été élu maire de Pau après tant d’infructueuses tentatives ?
LES ODORANTS CADEAUX DE LA DÉPÊCHE DU MIDI
Grosse colère des jeunes agriculteurs du Midi toulousain, racontée par la Dépêche, dimanche : « 500 tonnes de fumier déversées dans la nuit » titre le journal en une, pour expliquer l’impact de la « directive nitrates » sur les exploitations. Un mouvement qui semble s’être calmé dès les pages intérieures, l’article titrant: « 500 tonnes de fumier distribuées ». Un cadeau empoisonné pour le rédacteur sans doute…
Paris, ville la plus chère au monde après Singapour. Bond de six places ! Pourtant, pour The Economist Intelligence Unit, « Paris ne présente pas de catégories de dépenses où le coût de la vie est anormalement élevé ».
Le billet de Maurice Ulrich Académie quoi ?
ÉLISABETH GUIGOU. La députée PS se trompe. L’écotaxe devait rapporter net 970 millions de recettes.
MÉDIATOC
BLING-BLING
ILS N’ONT PAS HONTE ! Délivrez notre camarade Jean Jaurès !
D
éjà une semaine que notre camarade aucun regret pour le passé, aucun remords pour Jean Jaurès, fondateur de l’Humanité, le présent, et une confiance inébranlable pour est retenu en otage au premier étage l’avenir », lui soufflait-il. Aucun regret pour de la mairie d’Hénin-Beaumont (Pas-de- le passé ? Aucune honte, surtout, rappelle Calais). Mardi, le nouveau maire Front national, David Noël : « L’extrême droite est l’héritière Steeve Briois, y a fait déménager son buste en des assassins de Jaurès, qui était un défenseur bronze, pour le « mettre en valeur », padu monde ouvrier », assène le secrétaire raît-il… Depuis 1926, son altière de section du PCF d’Hénin-Beaumont. Pour mémoire, il s’est figure trônait pourtant en APRÈS LE bonne place dans le hall, à la battu à l’Assemblée nationale DÉTOURNEMENT, LA CONFISCATION. DÈS vue de tous les Héninois. Sous contre la peine de mort, que SON ARRIVÉE À LA prétexte d’identification, il le FN réclame, ou pour l’égalité MAIRIE D’HÉNINs’agit du dernier épisode de salaire entre travailleurs BEAUMONT, STEEVE d’une confiscation de la méfrançais et étrangers « pour BRIOIS A FAIT MAIN moire ouvrière entamée il y prévenir l’effet déprimant de la BASSE SUR LE BUSTE a plusieurs années par le parti concurrence », comme il DE JEAN JAURÈS. d’extrême droite. l’écrivait dans l’Humanité En 2009, le numéro deux du Front quelques jours avant son assassinat national, Louis Aliot, éditait, pour soupar un nationaliste d’extrême droite… tenir sa candidature aux élections euroÀ ses électeurs malheureux de 1898, Jaurès, péennes pour le Sud-Ouest, une série d’affiches indompté, malgré sa défaite aux élections détournant de célèbres figures du mouvement législatives, disait : « Rien ne peut briser les social, dont celle de Jaurès, barrée de la mention liens qui m’unissent à vous : les communes « Jaurès aurait voté Front national ». Steeve épreuves ne font que les resserrer. Nous avons Briois récidive dans l’affront. En début d’année, fait notre devoir : ayons la fierté des luttes pasbien en peine de trouver lui-même les mots, sées. » Briois va devoir vivre sous le regard de il avait déjà appelé Jaurès à la rescousse pour cet homme sans commune mesure avec lui. rédiger sa carte de vœux. « Il ne faut avoir GRÉGORY MARIN
Comment, le grand philosophe et essayiste Alain Finkielkraut pourrait ne pas entrer à l’Académie française ? Il semble en effet que sa candidature, car il est candidat, et pour être philosophe, on n’en est pas moins un homme désireux de porter un habit vert, un bicorne et une épée, ne fasse pas l’unanimité chez les académiciens. L’un d’eux ayant même déclaré que le Front national ne devait pas entrer sous la coupole. D’autres, peut-être plus mesurés, ne lui reprochent pas moins l’utilisation dans son dernier essai, l’Identité malheureuse, de l’expression pas très heureuse établissant comme une différence entre les « Français de souche » et les autres, moins français. Ce que l’intéressé ne conteste pas, qui déclarait voici peu : « Mes parents sont nés en Pologne, j’ai été naturalisé en même temps qu’eux en 1950, à l’âge d’un an, ce qui veut dire que je suis aussi français que le général de Gaulle mais que je ne suis pas tout à fait français comme lui. » Voilà une finesse de pensée, comme on en entend des philosophes de comptoir. D’où, en tout cas, ce besoin d’entrer à l’Académie, que donc, on dit encore française. Mais l’est-elle de souche ?
L’HUMANITÉ Fondateur : Jean Jaurès. Directeur : Patrick Le Hyaric. Société anonyme à directoire et conseil de surveillance. Société nouvelle du journal l’Humanité (SA 99 ans à compter du 1er janvier 1957). Capital social : 2 500 000 euros. Siège social : 5, rue Pleyel, immeuble Calliope, 93528 Saint-Denis CEDEX. Téléphone : 01 49 22 72 72. Service diffusion (fax) : 01 49 22 73 37. Service aux abonnés : 01 55 84 40 30 relationlecteur@humanite.fr. Vente commerciale : 01 49 22 73 31. Vente militante : 01 49 22 73 47. Publicité : Comédiance. Téléphone : 01 49 22 74 43 (commerciale) 01 49 22 74 53 (annonces classées) 01 49 22 74 89 (annonces légales). Directoire : Patrick Le Hyaric, président du directoire et directeur de la publication ; Patrick Apel-Muller, directeur de la rédaction ; Silvère Magnon, secrétaire général et co-directeur de la publication ; André Ciccodicola, directeur de la rédaction pôle magazine. Conseil de surveillance : Jean-Louis Frostin, président. Impression : POP (La Courneuve), Mop (Vitrolles), Nancy-Print, CILA (Nantes). Numéro ISSN : 0242-6870. Dépôt légal : date de parution. Commission paritaire : 0418 C 79615. Tirage du vendredi 4 avril 2014 : 61 109 exemplaires.
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L’HUMANITE • SP Format Utile • 247 x 326 mm • Visuel : Multi-Desti • Parution : 08/avr./2014 • Remise le 04/avr./2014
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