Telquel 701

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Ilyas El Omari “LE PAM EST UN PARTI LAÏQUE”

Minoterie LES NOUVEAUX BARONS DE LA FARINE

Tendance ÉVÉNEMENTIEL POUR ENFANTS

N° 701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ABDELLAH TOURABI

LEILA ALAOUI

1982-2016

NOUS L’AVONS TANT

AIMEE

www.telquel.ma



SOMMAIRE N° 701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016

04 L’éditorial Le monde a fini par les changer 06 Entre nous Vos réactions à l’actualité 08 Image de la semaine

Turquie. Désordre rétabli

10 L’interrogatoire Anthony Kavanagh:

“Je n’aime pas l’humour de Gad Elmaleh”

12 Laser Ils ont dit - Maroc - Portrait espress 18 À contre-courant

Conduire et faire l’amour

Premier plan 20 En couverture

Leila Alaoui. Photographe hors cadre

28 Istiqlal-PJD Mariage d’intérêt ? 30 Minoterie Les nouveaux barons

de la farine

30

10

34 Ilyas El Omari “Le PAM est un parti laïque”

Le Mag 38 Reportage Sidi Bel Abbès, mystérieuse

et vivante zaouïa

40 Inmaa L’usine qui voulait révolutionner

la productivité

42 Evénementiel Babymania

Culture 46 Publication Raconte-moi le Sahara 48 Livres En bref, des fils 50 Sortir Pasolini, Salgado et les autres

Passion

16

38

52 Evasion Beldi verrerie club 54 Com’ d’entreprises

Les soldes d’hiver battent leur plein

56 Zakaria Boualem La chronique du Guercifi

le plus célèbre de la planète

58 Fatym Layachi

Ils ont tué Leila

Retrouvez votre magazine en ligne sur www.telquel.ma N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016 TELQUEL 3


ÉDITORIAL

Directeur de la publication : Abdellah Tourabi

Le monde a fini par les changer

D

isparu cette semaine, le réalisateur italien Ettore Scola était l’un des maîtres absolus du cinéma politique et social. Avec une maîtrise parfaite de la satire subtile et mordante, il a décrit le mieux le désenchantement et la déception en politique. Dans La terrasse par exemple, il filme une soirée mondaine où des amis se retrouvent pour discuter, s’amuser et oublier les tracas quotidiens. Ils sont des quinquagénaires appartenant à la gauche communiste ou socialiste, au sommet de leur carrière politique ou intellectuelle. Au bout d’un moment, et en ressassant quelques souvenirs, l’amertume prend place. Ils se rendent compte qu’ils ont voulu changer le monde, mais le monde a fini par les chan-

Directrice de la rédaction : Aïcha Akalay Rédactrice en chef : Amanda Chapon Rédaction : Imane Azmi, Mohamed Ettayea, Hayat Gharbaoui, Sarah Gyé-Jacquot, Reda Mouhsine, Bouchaïb Mourahib, Kaouthar Oudrhiri, Btissam Zejly Cahier Passion : Eléonore Bénit, Manon Safavi Chroniqueurs : Réda Allali, Hamid Barrada, Fatym Layachi, Omar Saghi

et les slogans enflammés ont cédé la place à la froideur des chiffres, des bilans et de l’action concrète. Ils ont voulu écrire la politique en poésie, là ils sont contraints de la rédiger en prose. Comme les personnages du film La terrasse, la réalité a fini par les changer. Une amère expérience que la gauche a connue bien avant au Maroc, après avoir accepté de former le gouvernement de l’alternance en 1998. Quelques années plus tard, la déception est le mot qui revient le plus pour qualifier cette expérience. La gauche ne s’en est pas encore remise.

Contributeurs : Jules Crétois, Kenza Sefrioui Révision : Abdelmoula Arafa Documentation, iconographie : Khadija El Alaoui Directeur artistique : Wassim Wahid Responsable technique : Nawal Hallaji Maquettistes : Ahmed Asmar, Ghassane El Kechouri, Mohamed Mhannaoui Conception couverture : Wassim Wahid Crédit photos : Tniouni, AFP, AIC PRESS, Yassine Toumi Conception graphique : Rampazzo & Associés Pour contacter votre correspondant par E-mail, tapez la 1ère lettre du prénom, suivie d’un point puis de son nom @telquel.ma

Cette déception de plus en plus inhérente à la vie politique s’explique par une quasi- impossibilité à gouverner. Et encore une fois, le Maroc n’est pas une exception. De puissants leviers de pouvoir, économique notamment,

Directrice de la publication et de la rédaction : Aïcha Akalay Rédacteur en chef : Zakaria Choukrallah Rédacteur en chef adjoint : Yassine Majdi

ger. Coupés des gens, vivant en vase clos, obligés de composer avec la réalité et ses contraintes, ils ont renoncé à leurs rêves et utopies d’antan. Ce désenchantement décrit par Scola n’est pas une fiction ni une situation exclusive à l’Italie de la fin des années 1970. Il est là, présent, s’accélère et s’amplifie. Nous le vivons chez nous au Maroc, avec des expériences et des acteurs qui changent juste de visages et d’étiquettes. L’échec des grands récits, ces idéologies qui promettent la justice dans le monde et l’égalité pour tous, a rendu ces désillusions inévitables. La dernière de ces utopies, l’islamisme, est en train de produire là où il gouverne son propre désenchantement. Il est intéressant de comparer le discours d’un dirigeant du PJD il y a 20 ans et son action aujourd’hui. Les grandes envolées lyriques 4 TELQUEL N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016

échappent complètement aux hommes politiques. Ces derniers peuvent prodiguer mille et une promesses, faire miroiter de grands changements, annoncer une nouvelle manière de faire les choses, ils se retrouvent, in fine, obligés de mener les mêmes politiques, à quelques variations près. Abdelilah Benkirane ne dévie pas de la ligne adoptée par ses prédécesseurs, François Hollande en France reproduit ce que faisait Sarkozy, et ainsi de suite. Les hommes politiques se succèdent, leurs caractères et tempéraments varient, mais la nature du pouvoir et son exercice demeurent invariables. Une situation qui explique l’agacement perpétuel des citoyens, la méfiance envers les élites politiques et le choix du populisme comme refuge et exutoire. @Atourabi

Rédaction : Nizar Bennamate, Tarek Bouraque, Benjamin Bousquet, Pauline Chambost, Wadii Charrad, Mohammed Hamza Hachlaf, Thomas Savage, Christophe Sidiguitiebe

ABDELLAH TOURABI

LE PJD A VOULU ÉCRIRE LA POLITIQUE EN POÉSIE, LÀ IL EST CONTRAINT DE LA RÉDIGER EN PROSE

Chargée de publicité digitale : Mirale Tazi Chef de projet numérique : Monsif Morjani & sont des publications du groupe TelQuel Media SA Président - directeur - général : Khalid El Hariry Rue Charam Achaykh N°34, 5ème étage, Palmier - Casablanca. Tél. : 05 22 25 05 09 (LG) Fax : 05 22 25 13 37 E-mail : courrier@telquel.info Dossier de presse 24/01 Dépôt légal 0165/2001 Directrice commerciale print : Wafaa El Ouilani Chef de pub : Safaa Aqraou Responsable marketing et opérations spéciales : Salma El Hariry Responsable administrative et financière : Hanane Himmich Administration : Fatima Boutouzzaze, Abdelhak El Faiz, Khalid Er-Rouif, Souad Ghomari, Hanane Khelf, Abdelkrim Rassiane, Nasser Maatallah Abonnement : s.ghomari@telquel.ma CTP et impression GMS Print Distribution Sochepress

Le numéro précédent a été tiré à 19 000 exemplaires



MAKING OF E-MAIL courrier@telquel.info FAX 05 22 25 13 37 - COURRIER POSTAL Rue Charam Achaykh N°34, 5e étage, Palmier - Casablanca

IL Y A 10 ANS

TWEETS

Il y a 10 ans, TelQuel se posait une question aux émanations existentielles: “Qui sommes-nous?”. Les rédacteurs du dossier s’attardaient en fait sur le rapport du cinquantenaire commandé par le roi et piloté par l’ancien conseiller du monarque, Abdelaziz Meziane Belfqih. “Étonnamment critique”, estimait TelQuel, le rapport de 4500 pages sur lequel se sont penchés d’éminents chercheurs proposait “un bilan complet, chiffré et fouillé de ce qui a été réalisé au Maroc depuis 50 ans… et des perspectives pour 2025”. Réagissez sur facebook.com/telquelofficiel Les pauvres! Une profession noble Laila Soussi Aicha El Imerhrane Hamiani TELQUEL“Tomber N°663, PARU LE le 3 AVRIL Incontestablement dans l’une des professions les dénuement’’? C’est une plus nobles qui soient, blague? Qu’est-ce que mais uniquement vous croyez qu’ils font lorsqu’elle est pratiquée pendant leur mandat, par des enseignants sinon des affaires et dignes de ce nom. fructifier leur salaire sonnant et trébuchant! Et Massacre à l’école si encore c’était mérité, publique je me la bouclerais. Mais Karim Achami ils sont payés pour ne Les stagiaires se pas réfléchir. Pleure, ô sont fait tabasser pays bien aimé! par les forces de l’ordre car les professeurs de C’est l’Etat qui trinque Mustapha l’éducation nationale ont Najih tabassé des générations et Ils sont des générations à l’école tellement malhonnêtes marocaine, exerçant leur qu’ils sont capables sadisme dans les classes, d’édifier des sociétés qui avec des méthodes ont comme seul client diaboliques de torture: ceux l’Etat marocain, alors par qui ont fait l’école publique ici les contrats sans vont me comprendre. aucun appel d’offres et Comment peut-on défendre les prix sont multipliés quelqu’un qui veut être par deux, voire trois, et intégré directement dans la croyez-moi ce n’est pas fonction publique sans “jouj frank”. Pauvres passer par un concours? A Marocains! mon avis, et en plus d’un 6 TELQUEL N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016

concours pour filtrer les incompétents, ils devraient passer un examen psychiatrique […]. Avec le respect bien sûr à tous les professeurs honnêtes et humains qui existent dans ce pays. Merci Google! Aman Tewateri Vous savez que pour débloquer, et utiliser ces apps comme avant, il suffit d’installer n’importe quel VPN sur Google Play Store, et voilà! La Poste aussi Rachid Benyahya Amor Oui mais justice pour tous alors. La Poste doit interdire les emails. Elle ne vend plus de timbres la pauvre! Et j’en passe... Vive le sousdéveloppement ! Zed Aubade Parfois j’essaie de me berner en me disant que nous sommes un pays en voie

de développement, mais, heureusement, nos chers décideurs me réveillent à chaque fois avec leur intelligence débordante. Réveille-toi, c’est un pays très sous-développé. Estime-toi heureux de savoir déjà ce qu’est Internet.

La bonne résolution de ce début d’année: #Alerte7mar. Si tu te gares comme un nigaud, on t’affiche sur les réseaux. @Badr Bouanani Le 15 janvier 2016.

A #Casablanca, il faudra bientôt supprimer les trottoirs une fois pour toutes. #Alerte7mar @Ghali_BM Le 22 janvier 2016.

TELQUEL N°700, PARU LE 15 JANVIER

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L’IMAGE DE LA SEMAINE

TURQUIE

DÉSORDRE RÉTABLI Désolation. Après trente-six jours de couvrefeu, cette habitante de la ville turque de Silopi a découvert avec stupeur les ravages causés à sa maison par les combats qui ont opposé armée et rebelles kurdes. Un obus a même percé le mur de sa salle à manger. Le 14 décembre, les forces spéciales de la police et l’armée turques lançaient une vaste offensive sur cette ville à majorité kurde. Leur objectif: reprendre le contrôle de la ville de 80 000 habitants, où des centaines de partisans armés du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) s’étaient retranchés. Le Premier ministre Ahmet Davutoglu s’est félicité mardi 19 janvier d’avoir rétabli l’ordre à Silopi. BOUCHAIB MOURAHIB

@bmourahib

UNE MÈRE ET SES ENFANTS RETROUVENT LEUR MAISON DÉTRUITE PAR LES COMBATS QUI ONT OPPOSÉ ARMÉE ET REBELLES KURDES À SILOPI, EN TURQUIE, LE 19 JANVIER 2016. 8 TELQUEL N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016


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L’INTERROGATOIRE MENÉ PAR BILAL MOUSJID

@BILALMOUSJID

Anthony Kavanagh, HUMORISTE, CHANTEUR ET ACTEUR CANADIEN

Smyet bak?

qu’à sa cinquième édition. C’est un truc qui doit se faire graduellement. La prochaine fois, ce serait bien que ce soit plus qu’un gala.

Smyet mok?

Il paraît que vous avez accompagné Céline Dion lors d’une tournée. Elle est aussi souriante que dans ses clips?

Anthony Kavanagh. Vous l’aurez deviné, on porte le même nom. Je suis Anthony Junior. Marie Kavanagh.

Nimirou d’la carte?

22752… De quoi je me mêle!

Vous vous apprêtez à vous produire encore à Casablanca. Le Maroc vous manque-t-il à ce point?

J’adore le couscous et les tajines.

C’est très plat, comme motif!

Sérieusement, c’est la troisième fois que je viens au Maroc, où j’ai été très bien reçu à l’occasion du Marrakech du Rire. Le public était très agréable.

Justement, vous avez fait l’ouverture de l’édition 2015 du Marrakech du Rire. On vous a souvent vu avec Jamel Debbouze: on peut dire que vous étiez son bras droit?

C’est vous qui le dites (rires)! J’avais déjà été invité au festival en 2013 et j’aimerais d’ailleurs donner mon spectacle à Marrakech, que je trouve superbe, en dehors du festival.

Certains trouvent le Marrakech du Rire fade. Et vous, vous en pensez quoi?

Écoutez, le festival n’en est encore

© DR

“Je n’aime pas l’humour de Gad Elmaleh” thème, c’est plutôt la vie. En gros, je ressuscite après la mort pour me retrouver dans une salle d’attente, où je raconte mon expérience. Pour résumer, c’est un peu “être humain, le mode d’emploi”. Il y a aussi un peu de musique, du rythme, de la danse…

Il y avait aussi Julio Iglesias lors de cette tournée, dans laquelle j’ai assuré quelques minutes de show. C’était au début de ma carrière. Je garde un autre bon souvenir d’elle, à Paris, avec René, son manager et mari (décédé le 14 janvier, ndlr). Arrivé dans la capitale, où les taxis étaient en grève, je me suis démené pour être à l’heure. “Franchement, tu assures”, m’avait alors lancé René. Ça m’a fait plaisir.

Vous êtes chanteur, acteur, humoriste… ce n’est pas beaucoup pour un seul homme?

Lorsque vous avez dévoilé en 2010 votre spectacle “Anthony Kavanagh fait son coming out”, votre femme n’est pas tombée des nues?

C’est un artiste complet, qui a un super-capital sympathie. Mais je n’aime pas son humour de situation, plus consensuel. Je préfère l’humour aux dents plus acérées.

Non, parce qu’elle connaissait le démon et l’animal en moi (rires). Elle a d’ailleurs bien apprécié le show, car, selon elle, j’étais pour la première fois moi-même, authentique sur scène.

Le show que vous allez donner le 27 janvier à Casablanca, au Studio des arts vivants, sera-t-il différent?

Oui, totalement. Il est moins cynique que les précédents. Le

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Quand je suis arrivé en France, on tentait à tout prix de me coller une étiquette et on a fini par me coller celle de showman, c’est-à-dire “celui qui divertit”. Du coup, je ne peux pas être autre chose. Au Canada, je n’ai jamais eu ce problème.

Dans un autre tout autre registre: Gad Elmaleh vous fait-il rire?

ANTÉCÉDENTS 1969: Voit le jour à Longueuil au Canada. 1989: Remporte le titre des Auditions nationales, Juste pour rire au Québec. 1995: Lance son one-man-show “Kavanagh”. 2006: Quitte TF1 pour France 3. 2015: Entame une tournée avec son one-man-show “Anthony Kavanagh Showman”.



LASER

ILS ONT DIT

© AIC PRESS

© TNIOUNI

“MAYSSA SALAMA ENNAJI EST UNE CRÉATURE […] QUI DOIT ÊTRE CENSURÉE ET PUNIE PARCE QU’ELLE PARLE DU ROI, SYMBOLE DE L’UNITÉ DU PAYS, COMME S’IL S’AGISSAIT DE N’IMPORTE QUI”

3 QUESTIONS À

Mounir Kejji, activiste amazigh

“Nous brûlerons encore des portraits de Benkirane”

Mohamed Fizazi, prédicateur salafiste, dans une vidéo postée sur YouTube le 15 janvier.

Vous ne pensez pas que vous êtes allé un peu loin en brûlant le portrait de Benkirane?

rUn cheikh plus royaliste que le roi.

Brûler des portraits est un acte “normal” qui se pratique dans plusieurs pays démocratiques. Benkirane a dépassé les limites en dénigrant et en méprisant les Imazighens par ses sorties impulsives. Une fois “le Tifinagh c’est du chinois”, une autre “avec combien vit le Soussi?”. Il est également hostile à l’officialisation de l’amazigh dans la Constitution. C’est un cumul qui a créé une situation tendue entre le mouvement amazigh et le PJD en général, et Benkirane en particulier. Cela laisse un goût amer, c’est pour cela que les militants ont manifesté devant le siège du PJD à Agadir.

© TNIOUNI

“Le G8 était une erreur” Mohand Laenser, secrétaire général du Mouvement Populaire, dans une interview à Assabah le 20 janvier.

“Le gouvernement Benkirane est le meilleur gouvernement que le Maroc ait connu dans son histoire”

Vous prévoyez de nouvelles manifestations?

© TOUMI

Oui, je confirme qu’il y aura beaucoup de militants au sit-in de Casablanca prévu ce dimanche (24 janvier, ndlr) à 17h place des Nations Unies. Et si Benkirane ne présente pas des excuses solennelles, ils brûleront son portrait.

Lahcen Daoudi, ministre de l’Enseignement supérieur, le 19 janvier devant les élus de la Chambre des conseillers.

“Si j’avais à expliquer ce qu’a été mon propre parcours, je dirais que cette muse marocaine souirie a été mon atout le plus déterminant quand il a fallu faire face à l’adversité.” © TOUMI

r Abdellah Ibrahim doit se retourner dans sa tombe.

André Azoulay, conseiller royal, sur connectinstitute.ma

r Le pouvoir des Gnaoua!

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L’adoption de la loi sur l’officialisation de l’amazigh sous ce gouvernement ne lui vaut aucune mansuétude de votre part? Dans la Constitution de 2011, il y a plus de 25 lois organiques. Comment se fait-il que 22 lois organiques soient passées, et que celle de l’amazigh ne va passer que dans les derniers mois du mandat de ce gouvernement? Il s’agit d’en faire une carte électorale parce que les élections approchent. Ainsi, Benkirane dispose d’un ancrage sociologique électoral dans le Souss, qu’il a ouvertement méprisé. Il utilise les voix de cette région tout en méprisant sa culture, et cela est inacceptable. N.B.



MAROC MAKHZENLAND

Le retour du roi. Mohammed VI a présidé, le 20 janvier, une veillée religieuse commémorant le 17e anniversaire de la mort de Hassan II. C’est la première apparition publique du souverain depuis le 13 décembre, date à laquelle il avait présidé une veillée religieuse lors de la célébration de l’Aïd Al Mawlid. Depuis, Mohammed VI s’est rendu en Asie pour un voyage privé, après avoir reporté l’inauguration de la centrale solaire Noor I, qui était initialement prévue pour le 27 décembre. Y.M.

Reviens, Tom!

© MAP

FATHALLAH ARSALANE

Le numéro deux d’Al Adl Wal Ihsane a été interdit d’entrée en Turquie le 15 janvier, a indiqué un communiqué de la Jamaâ. Fathallah Arsalane, secrétaire général adjoint et porte-parole d’Al Adl, devait y participer à un congrès organisé par la Fondation Abdeslam Yassine. Selon un autre communiqué du mouvement, l'événement a été interdit le jour même par les autorités turques, alors que toutes les procédures administratives et juridiques avaient été respectées.

@AichaAk

Plus d’un an après le tournage de Mission impossible 5, Tom Cruise fait à nouveau parler de lui à cause d’une histoire de... sorcellerie. Une photo de la star, couverte de charabia, a en effet été retrouvée enterrée dans un cimetière au Maroc. Répondrat-il à l’appel de l’“amour”? Rien n’est impossible.

LE PINOCCHIO DE LA SEMAINE

PDG D’ALLIANCES

MOHAMED ALAMI LAZRAK

ILS FONT L’ACTUALITÉ

PORTE-PAROLE D'AL ADL WAL IHSANE

PAGES CORDONNÉES PAR AICHA AKALAY

Le patron d'Alliances Développement Immobilier, a cédé les 20% que détenait son groupe dans la société d'aménagement et de développement de la station Taghazout (SAPST). Cette décision est due aux difficultés financières que rencontre Alliances, en pleine restructuration. Les acquéreurs, qui ne sont autres que CDG Développement et Sud Partners (consortium mené par Akwa Group) également actionnaires de la SAPST, ont vu leurs parts grimper respectivement à 45% et 25%. 14 TELQUEL N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016

Mohamed Moubdii Ministre délégué chargé de la Fonction publique et de la Modernisation de l'administration

WECHA

SLOUGUIA

A

9ANBOUL

D’aucuns trouvent le projet de loi relatif au droit d’accès à l’information rétrograde. Mohamed Moubdii s’inscrit en faux contre ce jugement et va même jusqu’à déclarer que le texte “est meilleur que les lois françaises, allemandes ou espagnoles en la matière.” Une comparaison qui n’a pas manqué de susciter l’hilarité des députés. Mieux vaut en rire.

Daech menace le Maroc

© DR

LASER

Terrorisme. À travers huit vidéos de propagande, l'organisation terroriste Daech s'en prend aux pays du Maghreb, et en particulier au Maroc, accusant le royaume “d'apostasie”. Les terroristes accusent les chefs d’État du Maghreb d’être des “alliés des croisés qui attaquent les musulmans en Syrie sous la conduite des Occidentaux”. L’une des vidéos, composée d'images de Hassan II et de discours de Mohammed VI, met en scène des jihadistes marocains. Si Daech ne prévient pas d’un futur attentat, l’organisation appelle néanmoins tous les Maghrébins “à commettre des attaques, des attentats ou encore des assassinats.” B.B.


ABDELLATIF HAMMOUCHI

Colère royale en vue Cartables. Des libraires participant à l’opération “un million de cartables” (livres et fournitures scolaires livrés gratuitement dans les écoles publiques) attendent toujours leur dû. Montant approximatif de l'ardoise du ministère: 400 millions de dirhams, calcule Ahmed Filali, président de l'Association marocaine des éditeurs. “Aucune facture n'a été payée pour l'année 2015-2016. Et pour 20142015, on compte toujours 40 % d'impayés”, assure-t-il. Ce retard a des répercussions sur les libraires, mais aussi sur les éditeurs et les imprimeurs. D'après Filali, c'est le montage financier qui pose problème. Il explique que sur les quelque 400 millions de dirhams à débourser chaque année, seuls 100 millions sont inscrits dans la Loi de Finances. Le reste dépend des sponsors, entreprises privées et publiques. P.C.

Le boss du contreespionnage frappe un grand coup en arrêtant Gelel Attar, un Belgo-marocain “lié directement” aux auteurs des attentats de Paris.

EN HAUSSE EN BAISSE

Des investissements dans l’air Aéronautique. Moulay Hafid Elalamy doit se frotter les mains. Après le Français Thales, c’est au tour d’Hexcel d’annoncer son implantation à Midparc, le parc industriel de la zone franche aéronautique. La société américaine, leader mondial des matériaux composites, investira quelque 20 millions de dollars dans la construction de son usine à Casablanca. Un site de 11 000m², dont la mise en production est prévue pour 2017. Le département de Moulay Hafid Elalamy s’est réjoui, le 19 janvier, lors de la signature de la convention d’investissement, de la création de plus 200 postes à l’horizon 2020. B.M.

DRISS BENHIMA

Une nouvelle vidéo de cafards dans un avion de la RAM fait scandale sur Internet. On y voit les insectes envahir des chariots sur lesquels est posée de la nourriture.

Le fellah marocain à Berlin l’opinion publique allemande s’indignait de la présence de clandestins marocains qui se font passer pour des réfugiés syriens, un évènement qui se tenait à Berlin offrait une autre image du royaume. La semaine verte de Berlin, grande manifestation mondiale de l’agriculture et de l’industrie alimentaire, organisée entre le 15 et le 24 janvier, accueillait le Maroc comme invité d’honneur. Qu'un pays africain et arabe bénéficie de ce statut est une première dans l’histoire de la “Green week”, depuis sa création en 1926. “L’idée a été lancée il y a un an. Les organisateurs sont venus au Maroc et y ont constaté les efforts

déployés dans le domaine de l’agriculture. Ils ont accepté alors d’accorder au Maroc le statut d’invité d’honneur”, explique une source proche de Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture. Inauguré par la princesse Lalla Meryem, le pavillon marocain était la prin-

LE MAROC ÉTAIT L'INVITÉ D'HONNEUR DE LA GREEN WEEK cipale attraction de l’événement, qui draine plus de 400 000 visiteurs. Placé au cœur du Salon, sur une surface de 125 000 m2, ce pavillon accueillait une cinquantaine d’exposants maro-

© MAP

Agriculture. Au moment où

cains appartenant à divers secteurs de l’agriculture et représentant les différentes régions du royaume. L’occasion pour les industriels du secteur, fortement présents au Salon,

d’attirer des partenaires et de s’ouvrir sur de nouvelles pratiques dans le domaine, et notamment l’agriculture dans le monde urbain, principal thème de la manifestation. A.T.

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LASER PAR SARAH GYÉ-JACQUOT

PORTRAIT EXPRESS

@SarahGYE

Charafat Afailal

La bonne élève

Pétition, chanson et même création d’une monnaie fictive à son effigie, la retraite à “jouj frank” de la ministre de l’Eau a fait couler beaucoup d’encre et de pixels en décembre 2015. Zoom sur une personnalité peu habituée aux sorties de route.

Bébé PPS. Dès 8 ans, Charafat Afailal s’engage dans l’Organisation des pionniers enfants du Maroc, parallèle au PPS, à Tétouan, sa ville natale. Colonies de vacances, soirées éducatives et distribution de tracts – avec un père militant, la future ministre est tombée dans la marmite politique quand elle était petite. “J’aimais le travail pour la société, le fait d’adhérer à un projet collectif”, explique la ministre. En 1994, elle intègre la jeunesse socialiste, présidée à l’époque par Nabil Benabdallah: “Je connais Charafat Afailal depuis les années 1980. Je me souviens d’une militante modeste et dévouée, pas particulièrement ambitieuse”. Une dévotion qui la pousse à commettre quelques incartades à l’École Mohammadia d’ingénieurs, d’où elle sort diplômée en 1997. Car le régime militaire de l’école interdit aux élèves de s’engager politiquement. “Sans le faire publiquement, elle assistait de temps en temps aux réunions de la jeunesse du parti”, confie le ministre de l’Habitat. À 28 ans, la jeune militante est élue membre du bureau politique du PPS puis députée en 2011. Avant sa nomination, en octobre 2013, au poste de ministre chargée de l’Eau, au sein du ministère de l’Environnement. 16 TELQUEL N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016

Féministe. Charafat Afailal est satisfaite d’avoir nommé Samira El Haouat directrice de l’Agence du bassin hydraulique du Sebou, en 2014, la première femme nommée à la tête d’une agence nationale. “On disait qu’il fallait un homme pour ce poste, car il y a beaucoup de terrain, beaucoup d’effort. Je voulais prouver qu’une femme en était capable et je suis fière de mon choix”, lâche la ministre. Au sein de son ministère, même politique. “Les compétences des femmes ont été trop longtemps occultées, même si ce n’était peut-être pas intentionnel…” Touria Jaouhar, chef de division au sein du ministère, se réjouit du changement: “La moitié des postes à responsabilité sont aujourd’hui occupés par des femmes”.

© TNIOUNI

Discrète. “Vous ne trouvez pas que je suis déjà suffisamment médiatisée?”, s’étonne la ministre chargée de l’Eau quand nous la contactons. Une allusion au tollé provoqué par sa sortie sur les retraites à“jouj frank” des ministres et des parlementaires, dans l’émission “Daïf El Aoula”, le 15 décembre 2015. “J’aurais préféré qu’on me juge sur mes connaissances, ma productivité, mes dossiers. J’espère qu’on va désormais parler de choses importantes”. Charafat Afailal ne souhaite ni commenter la “polémique”, ni parler de sa vie hors du ministère: “Je suis une personne simple et je ne veux pas être au-devant de la scène”. Le leader du PPS Nabil Benabdallah se souvient: “Je lui avais proposé d’être ministre une première fois, dans le gouvernement Benkirane I, et elle a refusé car elle avait des enfants en bas âge”.

Comme un poisson dans l’eau. “L’eau, c’est la vie, la tranquillité, la spiritualité”, affirme l’ingénieur d’Etat. Après un passage de cinq ans au Centre national des sciences et des techniques nucléaires (CNESTEN), elle intègre l’Office national de l’eau potable (ONEP) entre 2002 et 2011. La ministre a fait de l’eau son cœur de métier.“Je conjugue mes connaissances et mes techniques avec mon projet sociétal”, dit-elle. Ses grands chantiers en cours: le vote de révision de la loi de 1995 sur l’eau, le plan national de l’eau pour 2030 et la réorganisation de son ministère.



À CONTRE-COURANT

Omar

Saghi

Conduire et faire l’amour

C

onduire est politique. Incontestablement. Mais conduire est sexuel aussi. La manière dont les Marocains se comportent au volant dit beaucoup de notre rapport ambigu au politique, au sexuel et au nœud enchevêtré qu’ils forment. Brûler un feu rouge n’est pas un signe de hâte ou d’urgence. C’est une prise de position sur la loi publique et ce qu’elle engage en chaque individu. Brûler un feu rouge, c’est s’extraire de l’ordre commun et se placer en position d’exception. Une exception sur un million est un aléa, mais des millions d’exceptions, c’est une société où la loi civile est un rapport de force permanent, négociable à tout moment et à tout moment remis en cause. Mais si l’incivilité au volant va au-delà du politique, c’est parce qu’elle mobilise tout un fond symbolique qui peine à s’exprimer pacifiquement. Conduire est masculin. Ce constat est universel. Parce que la voiture a remplacé dans les inconscients le cheval du guerrier, parce que le moteur est signe de puissance, il a fallu du temps pour atteindre une relative parité au volant, et il n’est toujours pas courant de voir un homme tranquillement assis à côté d’une conductrice, passivité insoutenable pour l’orgueil masculin. La convergence de ce rapport ambivalent à la loi collective et de cette charge symbolique de la conduite, on la trouve exprimée dans cette expression marocaine par excellence: “âmmar” (“remplis!”). Les conducteurs ne cessent de s’invectiver: “âmmar”!, c’est-à-dire avance, remplis le moindre espace vide, mords sur les passages cloutés, pénètre dans les interstices, entre les couloirs, de biais, en queue de poisson, en épi. Pas un centimètre laissé entre les véhicules, comme si l’espace vide provoquait une insondable angoisse. L’effet concret de cette horreur du vide, c’est le

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goulot d’étranglement et la pétrification des flux. Mais son sens symbolique est encore plus inquiétant: le vide entre deux véhicules, entre deux files de voitures, devant ou derrière un bus, c’est l’incarnation de l’espace public, cette chose qui, n’étant à personne, appartient à tous. Cette chose fragile que le conducteur veut “remplir” et s’accaparer. La dimension sexuelle de cet accaparement est à peine voilée. Le conducteur utilise son véhicule comme un organe sexuel destiné à combler les vides qui ne cessent de s’ouvrir devant lui. Il ne s’agit pas de passer d’un point A à un point B dans la fluidité de l’espace vide de tous, mais de sauter d’un trou à un autre. D’où les coups de klaxon, les freinages intempestifs et les accélérations subites. Ce n’est pas

LE MAROCAIN CONDUIT COMME UN ÉJACULATEUR PRÉCOCE que le conducteur soit nerveux, c’est que le conducteur est excité, il y va de sa virilité que la voiture, son organe, reste turgescent, en activité: s’arrêter à un feu rouge, ralentir et attendre quelques mètres derrière le véhicule qui le suit, c’est s’astreindre à une castration horrible. Bref, le Marocain conduit comme un éjaculateur précoce. Et comme les résonances entre la politique, la sexualité et la conduite ne sont pas à sens unique, il n’est pas excessif de dire que pendant longtemps notre rapport à la politique et au pouvoir fut également celui d’un éjaculateur précoce: des plages de passivité entrecoupées de subites irruptions de violence. Nos politiques en gardent l’opportunisme hâtif comme unique rapport à la chose publique, et le besoin chevillé au corps de “âmmar!”: un poste, un siège, une sinécure, n’importe quoi sauf le vide angoissant de l’opposition, là où se forgent les principes.



PREMIER PLAN PAR ELÉONORE BÉNIT

EN COUVERTURE

@EleonoreBenit

LEILA ALAOUI

Photographe hors cadre

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ff to Burkina Faso!” Voici le message posté, le lundi 11 janvier au petit matin, par la photographe sur les réseaux sociaux. Ce sera l’un de ses derniers. Ce voyage, elle venait de l’entreprendre dans le cadre d’une campagne d’information et de sensibilisation sur le mariage précoce en Afrique de l’Ouest. Un projet baptisé “Mon corps: mes droits”, qu’elle réalisait pour Amnesty International. Une série de portraits - de jeunes filles en l’occurrence - comme elle savait si bien le faire. “Leila avait déjà envoyé de très bons clichés. (…) Elle était parfaite pour ce travail: à la fois à l’aise sur le terrain tout en gardant de la distance. Le fait qu’elle soit une femme facilitait le dialogue avec ses modèles”, a confié Samira Daoud, directrice régio20 TELQUEL N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016

Touchée par les balles des terroristes d’AQMI lors de l’attentat de Ouagadougou, Leila Alaoui a finalement succombé à ses blessures. Photographe et vidéaste exposée dans le monde entier, son naturel sensible et militant irriguait son travail. Face à la barbarie aveugle demeure son œuvre sur l’identité, la diversité culturelle et l’expérience des migrants. nale adjointe d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, à nos confrères de France 24.

Une photographie sociale et militante

Un certain art de l’empathie. C’est ainsi qu’on pourrait décrire Leila Alaoui. Évidemment, son travail lui ressemble. Curieuse, animée par le désir de comprendre, elle voulait rendre compte de “toutes les réalités” du monde, al-


© DR


PREMIER PLAN

EN COUVERTURE

ler à la rencontre de l’autre, dépasser les apparences, fouiller au plus profond des âmes. Reconnue pour ses photographies et vidéos sociales (sur la question des migrants notamment), l’artiste a immortalisé sur pellicule des anonymes, des personnalités culturelles, les nouveaux acteurs de la scène artistique contemporaine marocaine, et notamment les femmes artistes qu’elle avait mises “au-devant de la scène”. Sans jamais perdre de vue les laissés-pourcompte. “Son travail, c’était le reflet de son intérêt pour les autres et de la perception qu’elle avait d’eux, témoigne le galeriste et marchand d’art Hicham Daoudi. Elle regardait la société sans ignorer ceux qui étaient en marge, ceux qu’on ne veut pas voir ou que l’on regarde de manière exotique. À 33 ans seulement, Leila avait déjà ouvert tant de chantiers, celui des droits de l’homme ou de l’immigration, en se donnant le défi de l’entrevoir par le prisme de la représentation esthétique.” Son œuvre, fauchée en plein envol et laissée inachevée à jamais, se résume pour l’essentiel à une succession de portraits, qu’ils soient photographiques ou vidéo. “Avant toute chose, c’est l’être humain qui m’inspire. L’exercice du

portrait suppose le dialogue avec l’autre. C’est un prétexte au partage. J’aime cette idée d’échange, de réciprocité”, affirmait-elle en 2009 dans un entretien accordé à L’Officiel Maroc, alors qu’elle venait de réaliser “No Pasara”, un photoreportage sur le destin brisé de jeunes Marocains candidats à l’immigration clandestine. Jusqu’à la veille de son décès, ses superbes clichés étaient exposés à la Maison de la photographie à Paris dans une série intitulée “Les Marocains”, où se côtoient des hommes et des femmes appartenant à différents groupes ethniques, berbères comme arabes. Nomade, elle s’était aménagée un studio mobile avant d’entreprendre un véritable road-trip à travers le Maroc rural. Une démarche qui cherchait, selon elle, “à révéler plus qu’à affirmer (...) tout en mettant à jour la fierté et la dignité innées de chaque individu”. Pour autant, Leila Alaoui ne se considérait pas comme une artiste. “Je m’exprime avec des images, je dirais donc plus que je milite avec un langage artistique. Pour moi, il est important de témoigner. Je suis une Marocaine, j’ai eu la chance de recevoir une bonne éducation, de partir étudier et

Portrait d’un migrant issu du photoreportage “No Pasara”.

vivre à l’étranger, je me sens quelque part un peu responsable, je sens que je dois traiter de ces thématiques pour, si possible, faire avancer les choses”, avait-elle déclaré à TV5 il y a un peu plus d’un an.

© LEILA ALAOUI

Citoyenne du monde

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Avec “Crossings”, installation vidéo présentée notamment à l’Institut du monde arabe en 2014, elle s’était mis en tête de retracer “l’expérience des migrants subsahariens qui quittent leur pays dans l’espoir d’avoir une vie meilleure ailleurs, mais qui se retrouvent dans des destins encore plus tragiques”, expliquait-elle. Le résultat, un triptyque vidéo composé de fragments de réalités, d’images et de photos sur lesquelles viennent se superposer les voix (en off) et les visages de


© PHOTOS LEILA ALAOUI

migrants. Soit la combinaison des trois thèmes iconiques de son corpus: l’identité, la diversité culturelle et les actuels flux migratoires dans le bassin méditerranéen. Pour parvenir à une telle restitution hybride, aux confins du témoignage in situ et de la pure “vision” esthétique, Leila Alaoui avait appliqué sa technique de prédilection: l’immersion, pendant mais surtout avant la prise photographique elle-même, pour évacuer tout risque de superficialité et entrer en quasi-symbiose avec son sujet, partant du principe qu’en quelques jours de reportage, il est difficile de se défaire des préjugés. Alors elle voyageait, loin, longtemps, multipliait les périples, de l’Afrique à l’Amérique Centrale en passant par le ProcheOrient. Récemment, et après avoir vécu au Maroc puis à New York et

Extrait de la série “Les Marocains” récemment exposée dans le cadre de la Biennale de la photographie du monde arabe.

Berlin, elle avait posé ses valises à Beyrouth. Tombée sous le charme de cette nouvelle movida libanaise, elle s’y était installée dès 2013 et avait ouvert avec son compagnon, Nabil Canaan, un centre d’art alternatif, Station, devenu depuis un haut lieu de l’effervescence beyrouthine. Leila aimait le monde, et il le lui rendait bien. Ses expositions étaient comme elle, souvent itinérantes: Moscou, Marseille, Le Caire, Davos, Rabat, Dubaï, New York, Paris, Tan-

Dans l’esprit de Leila, les frontières n’existent pas. C’est l’humain qui prime

ger, Madrid, Buenos Aires, Milan… En seulement sept ans, elle était parvenue à séduire les galeristes, les commissaires d’exposition et évidemment les acheteurs. Elle qui avait vécu et exposé aux quatre coins du globe comprenait alors d’autant plus difficilement ces notions de frontières qui opposent et oppriment. “Dans l’esprit de Leila, les frontières n’existent pas. C’est l’humain qui prime. Au Maroc elle était française, en France marocaine… Je crois qu’elle s’en moquait un peu. Elle se sentait bien à New York car il s’agit d’une villemonde”, témoigne son ami, l’artiste Mahi Binebine.

Une trajectoire brisée

Née à Paris en 1982, Leila Alaoui grandit à Marrakech, dans une famille aisée et cultivée. Elle est la fille N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016 TELQUEL 23


PREMIER PLAN

EN COUVERTURE elle s’envole pour New York, où elle décroche un Bachelor of science en photographie. En parallèle, elle passe du temps sur les tournages de cinéma d’auteur américains, assiste ou collabore avec le réalisateur Spike Lee, la vidéaste Shirin Neshat ou encore la photographe Maripol, styliste de Madonna dans les années 1980.

© LEILA ALAOUI

Hors champ

Extrait de “Crossings” une installation vidéo en triptyque de 6 minutes qui explore l’expérience des migrants sub-sahariens.

© LEILA ALAOUI

Portraits issus de “40”, une série consacrée aux artistes marocains. De gauche à droite: Mohamed El Baz, Lamia Naji, Faouzi Bensaïdi, Noureddine Lakhmari et Farid Belkahia.

de Abdelaziz Alaoui, homme d’affaires, et de Christine Alaoui, photographe française et marocaine d’adoption. Figures incontournables du Marrakech des années 1970-1980, ses parents ont connu l’arrivée dans la ville ocre d’une jet-set internationale bohème, composée d’esthètes, d’artistes et de créateurs: à l’instar d’Yves Saint Laurent et de “sa bande”,

Pierre Bergé et Bill Willis en tête, des hommes de culture dont sa famille était proche. Des clichés pris par sa mère, où l’on voit Leila petite, assise à côté du couturier français, en témoignent. Au contact de ces artistes, Leila Alaoui se découvre aussi. Sa mère l’encourage à se tourner vers la photo. Après une scolarité tranquille au lycée Victor Hugo de Marrakech,

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À l’époque, elle vit à Brooklyn avec sa sœur Yasmina, aujourd’hui photographe elle aussi. Le melting-pot et l’énergie qui se dégage du Downtown la fascine. Le 11 septembre 2011, Leila Alaoui a 19 ans. Au moment des attentats, elle est à la cafétéria de son université, en haut d’un building d’où elle aperçoit les deux tours du World Trade Center s’effondrer sous ses yeux. “Je me suis retrouvée à marcher avec deux hommes dont les vêtements étaient couverts de sang. J’ai réalisé que c’était bel et bien un acte terroriste d’Al Qaïda, et que nous autres Arabes allions être tenus pour responsables”, confiait-elle en 2011 à TelQuel. Leila est confrontée pour la première fois au terrorisme. Plus récemment, un attentat est commis par l’État islamique le 12 novembre dernier à Beyrouth, sa nouvelle ville d’adoption. Puis le lendemain à Paris, où elle se trouvait au moment de l’attaque, où une de ses amies d’enfance est blessée. Triste ironie du sort, elle qui avait à cœur de défendre la cause des migrants auxquels on promet un eldorado qu’ils n’atteindront jamais, se retrouve à plusieurs moments successifs de sa vie au carrefour d’une menace portée par des fanatiques auxquels on promet un hypothétique paradis. Depuis l’annonce de son décès lundi 18 janvier, le monde de la photographie, de la culture, de l’art contemporain est en deuil. Tous ceux qui la connaissaient, qui appréciaient son travail ou qui avaient collaboré avec elle pleurent sa mort. Leila Alaoui ne prendra plus de photos. Jamais. Elle disparaît du cadre, expulsée hors champ, victime d’une idéologie qui n’a que la mort pour dessein. Mais il nous reste son œuvre, archive visuelle précieuse sur les êtres, anonymes ou non, qui composent le Maroc.


HOMMAGE

Croix de bois, croix de fer L’écrivain et artiste Mahi Binebine était un proche de Leila Alaoui. Sa disparition le laisse orphelin, selon ses propres mots. Avec ce texte émouvant, il lui dit adieu.

© BACQUET DAVID

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lle disait je suis si fatiguée. Bientôt je lèverai le pied. Croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer… Après Ouaga, j’arrête. À Beyrouth Nabil m’attend. Il m’a beaucoup attendue ces dernières années. Il a été très patient et j’en ai honte. J’irai le retrouver et on fera un enfant. Peut-être deux. Un garçon et une fille, va pour le choix des rois. Il en a tellement envie et je me sens fin prête pour cette nouvelle aventure. Trente-trois ans, faut pas traîner, c’est le moment de construire du solide. Nous avons créé “La Station”, un bel espace dédié à l’art où tu viendras exposer un jour, n’estce pas Mahi? Beyrouth te plaira, j’en suis certaine. La vie y est riche, intense et chargée d’électricité ; les gens y vivent à tombeau ouvert, comme si une catastrophe allait survenir à tout moment. D’ailleurs, ça devient partout pareil. Les jolis endroits de la planète sont de moins en moins sûrs. On n’est à l’abri nulle part. Mais après Ouaga, je déposerai mon bâton de pèlerin, mon appareil photo et ce ballot qui devient lourd à porter. Je planterai ma tente sous un cèdre et je serrerai très fort mon homme dans les bras. Vrai de vrai, cette fois-ci, je ne me rétracterai pas. Croix de bois, croix de fer… J’écoutais Leila et je m’entendais mentir aux miens. Ceux auxquels j’avais promis du temps que j’étais incapable d’offrir, femme et enfants avec lesquels j’ai rusé des années durant, misant sur

Elle disait bientôt je lèverai le pied. Après Ouaga, j’arrête. la qualité plutôt que sur l’impossible quantité. Le temps des artistes est dans l’indivision, il appartient un peu à tout le monde. Il ne souffre pas de l’exclusivité. Au moindre écart, des fantômes surgissent pour le remettre au pas; vigilants, ils veillent au grain. Ceux qui hantaient Leila ont aussitôt comploté avec les miens le jour de notre première rencontre, dans mon atelier à Tahanaout. Elle réalisait un livre sur les artistes. J’ai vu alors cette étrange créature lumineuse grimper sur des chaises, des tables, se contorsionner

pour avoir la meilleure prise de vue. Elle me fixait avec l’œil vorace de son objectif. Elle ne sourit pas quand elle travaille, contrairement au reste de la journée. C’est là que nos fantômes se sont vus. Ils se sont reconnus comme des jumeaux longtemps séparés. Ces entités étranges venues de je ne sais où pour faire bouillir le sang et amplifier les cris devant la barbarie, l’abjection et l’inhumain. Non Leila, je ne te crois plus. Quand tu suivais les Subsahariens dans les forêts obscures près de Tanger, je n’étais pas tranquille. Tu disais, je vais faire de leur détresse une œuvre d’art. Ils ne seront plus des chiffres ni d’effroyables statistiques, je leur rendrai leur visage, leur âme et leur dignité. Après “Crossing”, promis, je me range. Nabil me rejoindra à Marrakech et on prendra le temps de souffler. Et on fera de beaux projets! C’est du sérieux cette fois-ci. Croix de bois, croix de fer… Mais qu’es-tu allée fabriquer à Ouagadougou, ma tendre amie? Pourquoi ce jour-là précisément? Redonner le sourire aux petites filles violées? Celles qu’on fouette parce qu’elles n’avaient qu’à se couvrir davantage pour ne pas tenter les mâles. Quoi encore? Consoler les femmes battues, les répudiées, les moins que rien? Changer à toi seule un entrelacs d’ignorance, d’ignominie, de bêtise. Mais jusqu’à quand allaistu continuer à traîner dans les sombres sous-sols de l’humaine condition? Jusqu’à quand allais-tu continuer à nous faire peur? Et puis tu avais promis. Croix de bois, croix de fer… Tu avais promis et je t’avais crue. Croix de bois, croix de fer… Non, pour rien au monde Leila, même si tu mentais, pour rien au monde je ne voudrais que tu ailles en enfer.

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PREMIER PLAN PAR MERYEM SAADI

EN COUVERTURE

@meryemsaadi

DÉCLARATIONS

Ils ont aimé Leila Alaoui

Pour rendre hommage à la photographe, TelQuel a donné la parole à des personnalités du monde de la culture qui l’ont connue. Ils témoignent de son talent et de son humanisme.

Jamal Abdennasser DIRECTEUR DE LA FONDATION HIBA

© ADLANI

“Leila était mon amie. Souriante, instinctive, talentueuse et toujours généreuse. Je me souviendrai toujours du jour où elle m’a sauvé d’entre les mains de mauvaises personnes, à un moment où j’étais sans défense. Je ne la remercierai jamais assez d’avoir été ce repère de sincérité et d’optimisme dans ma vie. En m’enlevant ma sœur, cette humaine de cœur, ces terroristes barbares ont rendu leurs actes moins abstraits. Je suis en colère, mais je sais que Leila continuera à vivre dans nos cœurs, tant que nous serons vivants”.

GALERISTE “J’ai fait la connaissance de la très regrettée Leila en 2007, alors qu’elle me présentait son travail photographique “No Pasara”. J’ai été impressionné par son courage et sa sensibilité artistique, qui faisaient corps avec sa personnalité: vive, curieuse et surtout dotée d’une compassion honnête vis-à-vis de ceux qu’on regarde trop peu. Les sacrifiés de la globalisation sont devenus, au fil de ses nombreux voyages, les témoins d’une époque qu’elle a désormais figée dans la mémoire collective”.

Fatym Layachi

Noureddine Lakhmari

COMÉDIENNE

© DR

RÉALISATEUR “Nous nous sommes connus quelques mois après la sortie de Casanegra. Elle m’avait contacté pour un portrait, et nous nous sommes rapidement liés d’amitié. J’ai toujours été impressionné par son humanisme et l’énergie positive qu’elle dégageait. Elle était toujours souriante, agréable à vivre et très attentionnée envers les gens. Parfois, lorsqu’on se baladait dans Casablanca, elle ne pouvait pas s’empêcher d’aller vers les enfants des rues ou les cireurs de chaussures pour leur parler, savoir comment ils allaient. Elle avait une grande sensibilité envers les personnes marginalisées. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle a beaucoup travaillé sur les immigrés clandestins, par exemple”.

Hassan Sefrioui

“Leila était mon amie d’enfance, et aussi l’une des plus belles personnes que j’ai connues. Elle avait la capacité et la générosité unique de voir la beauté partout. Elle ne jugeait jamais personne, elle essayait toujours de comprendre. Dans ses portraits, elle arrivait à sublimer tout le monde, alors qu’elle ne faisait pas de la photographie de mode. Ce qui l’intéressait, c’était la vraie beauté des gens. À travers son objectif, elle voulait leur rendre leur dignité. Son travail lui ressemblait: magnifique, exceptionnel et humain”.

Hicham Daoudi GALERISTE “Je l’ai connue quand elle avait à peine quatre ans. Nos familles étaient très proches, donc j’ai énormément de souvenirs avec elle. J’ai assisté à ses premiers pas dans la photographie, sous les encouragements de sa mère Christine. Aujourd’hui, je ne pleure pas Leila l’artiste, mais Leila l’amie. Elle a toujours été là pour moi, même dans les périodes les plus difficiles de ma vie. Elle était la perfection humaine, une belle jeune femme avec des valeurs humanistes. Nous avons perdu quelqu’un de bien, une nomade, qui n’avait peur de rien”.

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© TNIOUNI

Mehdi Qotbi

© OTHMANE ZINE

ARTISTE

DIRECTEUR CULTUREL DU MMP+ “Leila était une artiste créative et engagée, qui s’impliquait totalement dans les causes qu’elle défendait. Elle croyait en son travail et choisissait souvent des sujets difficiles. Elle venait de terminer une série de photos dans un camp de réfugiés au Liban, et n’avait pas hésité à s’envoler pour le Burkina Faso pour un projet d’Amnesty International dénonçant le mariage précoce. Beaucoup auraient eu peur et se seraient posé des questions. Mais pas elle. Ce qui était incroyable, c’est qu’elle avait gardé sa joie de vivre malgré ce qu’elle voyait dans le cadre de son travail”.

Nawal Slaoui GALERISTE

“Leila croyait en l’humain. Elle avait fait des études d’anthropologie et cela se ressentait dans son travail. Elle m’a d’ailleurs souvent dit qu’elle était tombée dans l’art par hasard, et que son véritable rêve lorsqu’elle était plus jeune était de devenir photo-reporter. Elle était très courageuse et ne s’arrêtait devant rien. Elle aimait aussi tisser des liens avec les gens, et, grâce à elle, j’ai pu découvrir des personnes et des lieux incroyables. Elle est partie trop tôt, elle avait encore beaucoup à nous donner”.

Fouad Bellamine ARTISTE

© DR

Mustapha Aghrib

“J’ai toujours eu énormément d’affection envers Leila et sa famille. C’était une fille pleine de talent, qui avait du cœur et une grande sensibilité. Une sensibilité qui se ressentait dans ses photographies et qui lui a toujours permis de faire ressortir le meilleur des personnes qui posaient pour elle. Elle arrivait à percer en profondeur le caractère des gens. Leila était également très douce et généreuse, et elle n’a pas hésité à faire don, spontanément, au Musée Mohammed VI d’une de ses œuvres. Elle restera vivante à travers son art ”.

“Leila était une artiste curieuse, passionnée dès ses débuts par la pratique artistique photographique. Elle était ouverte sur le monde et à l’affût de tout ce qui se faisait d’avant-gardiste dans le domaine. Elle s’intéressait également au Moyen-Orient, où elle commençait d’ailleurs à se faire un nom depuis qu’elle s’était installée à Beyrouth. Elle avait une brillante carrière internationale devant elle, qui a été brisée par ces salopards d’islamistes. Ils ont enlevé à l’école contemporaine marocaine une artiste pleine de talent et d’espoir, qui commençait à affirmer sa personnalité”. N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016 TELQUEL 27


PREMIER PLAN PAR YASSINE MAJDI

@ yassine_majdi

choses s’accélèrent le 11 janvier à l’occasion des célébrations du 72e anniversaire du Manifeste de l’indépendance, lorsque M’hammed Boucetta, l’un des fondateurs du parti, déclare que l’Istiqlal a eu “tort lorsqu’il a quitté le gouvernement”. L’autocritique est toujours une bonne tactique.

L'Istiqlal volontaire, le PJD réservé

© TOUMI

ISTIQLAL-PJD

Mariage d’intérêt ?

Après avoir quitté la coalition gouvernementale en 2013, l’Istiqlal cherche désormais à entrer dans les bonnes grâces du PJD. Pour l'instant, le parti de la lampe se fait désirer. Cette alliance a-t-elle vraiment un sens? Analyse.

L

a scène aurait été inimaginable il y a un an. Tous deux invités à la soirée de commémoration du 51e anniversaire de la révolution palestinienne organisée par l'ambassade de Palestine à Rabat, Hamid Chabat et Abdelilah Benkirane sont tout sourire. Les mastodontes de l’Istiqlal et du PJD échangent des amabilités. Le Chef du gouvernement va même jusqu’à sou-

haiter bon courage à son ancien rival face aux problèmes à résoudre au sein de sa formation. Ce retournement de situation aux allures de rapprochement, c’est le parti de la balance qui l’a initié suite aux résultats des élections locales et régionales. Après le scrutin, l’Istiqlal décide de se désolidariser de l’opposition, qu’il menait avec le PAM, afin de se positionner en tant que “soutien critique du gouvernement”. Les

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Mais l’heure n’est plus aux regrets pour l’Istiqlal. Au sein de sa classe dirigeante, on se tourne déjà vers l’avenir, puisque l’objectif de la formation est de “faire partie du prochain gouvernement”, nous assurent des membres du parti. “L’Istiqlal se considère comme un parti gouvernemental, puisqu’il a été présent dans toutes les équipes gouvernementales depuis l’alternance. Pour lui, être dans l’opposition est une aberration”, explique le politologue Mustapha Sehimi. Et pour revenir aux commandes, l’Istiqlal compte s’appuyer sur le parti de la lampe en scellant avec lui “une alliance avant les prochaines élections législatives”, nous indiquent nos sources au sein de la formation. L’idée d’une réintégration de l’Istiqlal ne séduit pas uniquement les partisans du parti de la balance, mais également ceux du PPS. Lors d’une table ronde organisée par le journal Al Michaal et le site ChoufTV, le secrétaire général du PPS, Nabil Benabdallah, déclarait: “Si nous (PPS, USFP, PI et PJD, ndlr) avions dirigé ensemble le gouvernement en 2011, je pense que nous aurions été beaucoup plus forts”. Pour rappel, le PPS, aux côtés de l’Istiqlal, de l’USFP et du PI, fait partie de la Koutla, coalition qui a participé à cinq gouvernements consécutifs. Côté PJD, l’opération séduction de l’Istiqlal ne semble pas fonctionner. Sans parler ouvertement d’alliance, le secrétaire général du PJD s’est toutefois montré ouvert à une réconciliation entre sa formation et celle de Hamid Chabat, à condition que ce dernier “explique au peuple marocain les raisons du départ de l’Istiqlal du gouvernement”. Une position qui n’est toutefois pas partagée par l’une des figures pensantes du PJD, Abdelali Hamieddine: “Il n’est pas question d’envisager une quelconque alliance avec


l’Istiqlal avant le résultat des législatives. Pour l’instant, nous sommes toujours avec nos alliés de la coalition gouvernementale”. Les deux partis, pourtant, partagent de nombreuses idées et valeurs.

entre le PJD et l’Istiqlal pourrait permettre de mettre en place un bloc conservateur, qui ferait face à un bloc moderniste mené par le PAM”, explique le politologue.

L’épouvantail PAM Valeurs communes

“Le PJD et l’Istiqlal se présentent tous les deux comme des partis nationalistes et ont une vision commune de la politique économique. Les deux formations sont en faveur d’une politique de libéralisation de l’économie et prônent le désengagement de l’État dans certains secteurs”, décrypte Mustapha Sehimi. Autre point commun, le référentiel religieux. Si le caractère islamiste du parti de la lampe est connu de tous, celui de l’Istiqlal est parfois oublié, alors que “ce parti s’est, depuis sa fondation, érigé en défenseur de l’islam”, rappelle Sehimi. Enfin, les deux partis se considèrent comme conservateurs. “Une alliance

Le succès du PAM est justement l’une des raisons justifiant un rapprochement entre l’Istiqlal et le PJD. Bien que ce dernier soit le grand vainqueur des élections communales, il a été “battu” lors des élections régionales par les amis d'Ilyas El Omari. Une victoire que la formation actuellement dirigée par Mustapha Bakkoury doit en partie aux votes du Rassemblement national des indépendants (RNI) et du Mouvement Populaire (MP), deux partis de la majorité. Des votes qui ont permis au PAM de remporter la présidence de deux des cinq régions que le parti du tracteur dirige actuellement. “Il y a eu une fissure au niveau de l’alliance gouvernementale à par-

tir de ce moment-là, et il est normal que le PJD se cherche d’autres alliés”, explique Mustapha Sehimi. D’autant que “le PJD a toujours préféré une alliance avec les partis de la Koutla historique à une alliance avec les partis dits administratifs, comme le RNI ou le MP. L’Istiqlal pourrait prendre la place du RNI, et l’USFP celle du MP”. La sympathie du RNI, principal allié de la coalition gouvernementale du PJD, envers le PAM, ancien allié au sein du défunt G8, n’a jamais été un secret. “Le PAM n’est pas une ligne rouge pour le RNI. Nous sommes proches politiquement et avons des idées communes”, confiait un membre du parti de la colombe en septembre dernier. Autant dire que les alliances vacillent et que tout mène vers une reconfiguration politique. Mais le rôle que chacun des partis jouera dans le prochain gouvernement se décidera sans doute dans les urnes.

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PREMIER PLAN PAR HAYAT GHARBAOUI

@ HayatGharb

MINOTERIE

Les nouveaux barons de la farine Le secteur de la minoterie vit depuis 2009 au rythme des transformations et des changements d’actionnariat. Le règne des grandes familles minotières prend fin pour laisser place à de nouveaux investisseurs, sous l’impulsion discrète du Plan Maroc Vert. sur le marché marocain depuis les années 1940. En 2014, la totalité des entreprises du groupe Forafric est cédée à des institutionnels: le fonds d’investissements YCAP et un fonds souverain gabonais, FGIS. Deux fonds qui ont pour ambition de créer un champion africain de la minoterie et de ses dérivés (pâtes, semoule, etc.).

© AIC PRESS

C

’est la fin d’une époque. La vente du groupe Tria, créé par la famille Jamaleddine il y a 40 ans, secoue en silence la profession. Si les opérateurs du secteur ne manifestent pas leur désarroi, il n’en demeure pas moins que la saga des grandes familles de minotiers semble définitivement terminée. Il faut dire que les actionnaires du groupe Tria cherchaient un repreneur depuis quelques années déjà. Il y a trois ans, lors d’une de ses rares sorties médiatiques, Mohamed Jamaleddine, patron de ce fleuron industriel, déclarait à un média national que “le groupe réfléchit à sa pérennité à travers son organisation, sa diversification et son développement. Tria reste ouvert à toutes les possibilités. Son développement peut se faire en interne comme en externe”. Le choix se porte donc sur la seconde option. Celle-ci se traduit par la vente de quelques minoteries du groupe, notamment l’unité de semoulerie Epidor, rachetée en 2013 par le groupe Zine pour un montant de 90 millions de dirhams. Mais il a fallu attendre début 2016 pour que la famille Jamaleddine annonce la conclusion de la prise de contrôle de son groupe par un autre opérateur du marché, Forafric. Ce dernier, plus connu pour ses marques Maymouna et Ambre, opère

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L’institutionnalisation en marche

Le rachat de Tria entre d’ailleurs dans cette même stratégie. Le communiqué publié par le groupe en marge de l’annonce confirme cette tendance, sans préciser les contours opérationnels de ce regroupement. Contacté par TelQuel, Forafric affirme à travers sa responsable de


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mande, générant un déséquilibre sur le marché”, nous explique Jamal Lasseq, directeur général du pôle minoterie de Fandy, groupe appartenant à El Hachmi Boutgueray, également à la tête du holding Anouar Invest. Et de poursuivre: “La situation actuelle crée une déconnexion du marché de la farine par rapport au marché des céréales, qui suit les

imposée par les impératifs du marché, dans un contexte national où la compétition est de plus en plus rude.

Un secteur désorganisé

Le groupe Tria a été vendu à Forafric, lui-même contrôlé par des institutionnels.

DES DISTRIBUTEURS DEVENUS INDUSTRIELS

L

es points communs entre El Hachmi Boutgueray, patron de Fandy Copragri, et Noureddine Zine, PDG de Zine Développement, sont nombreux. Tous deux sont des self-mademen partis de rien, qui ont pourtant bâti des empires industriels. Avant de se lancer El Hachmi Boutgueray dans le secteur de l’agroindustrie, ils l’ont côtoyé de près en leur qualité de distributeurs. C’est d’ailleurs ce qui fait la force de leurs groupes respectifs. El Hachmi Boutgueray a fait fortune dans l’importation et la distribution de biscuits et autres produits alimentaires. Avant de se Noureddine Zine lancer dans l’industrie, il fait du rachat d’entreprises en difficulté son cheval de bataille. Puis de l’importation il passe rapidement à la production. Il voit plus grand et décide ensuite de mettre en place un groupe intégré. En 2009, c’est chose faite avec le rachat de Fandy Copragri. Depuis, son groupe ne cesse de s’agrandir en investissant dans de nouvelles unités. De son côté, Noureddine Zine se lance dans le négoce de sucre à l’âge de 19 ans. En 2002, soit treize ans après, il décide de structurer son activité en créant une société de transport et de distribution, qui se développe désormais autour de trois filiales: Free Food, Jamadis et Mouna Food. C’est en 2009 également que Zine prend la décision de mettre un pied dans le secteur de la minoterie, en rachetant une unité existante d’une capacité de 200 tonnes/ jour. Son groupe investit un peu plus de 240 MDH. En 2013, place à de nouveaux investissements: Zine Développement rachète le Complexe alimentaire Anfa pour couscous et pâtes de la marque Sania pour un montant de 45 MDH.

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Pour un professionnel, le secteur fait face, depuis plus d’une dizaine d’années, à plusieurs problèmes. “L’atomisation du secteur, la surcapacité, la libéralisation inachevée et l’absence de visibilité sont autant de facteurs qui ne rendent pas les choses faciles aux opérateurs”, résume ce professionnel. Selon les statistiques de l’Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses (ONICL), le secteur compte 164 unités en activité et tourne à environ 54% de sa capacité de production installée. Cette atomisation et cette surcapacité seraient l’héritage –empoisonné- d’une époque où le secteur était encore aidé par l’Etat, et où les opérateurs investissaient en masse sans se soucier de la demande. “Le secteur souffre toujours d’une offre anormalement abondante par rapport à la de-

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communication “qu’aucune fusion n’est prévue (entre Forafric et Tria, ndlr), mais plutôt un renforcement de chacune des marques dans son métier et la mise en œuvre de synergies et complémentarités: stockage en silos, production de couscous et pâtes, distribution, ressources humaines...”. La vente, qui s’est déroulée sous le conseil juridique du cabinet Norton Rose Fulbright, donne naissance à un géant qui pèse plus deux milliards de dirhams de chiffre d’affaires, consolidé avec des projets d’investissements orientés essentiellement vers l’Afrique subsaharienne, où il envisage l’établissement de plateformes de distribution et de partenariats locaux. Cette opération met par ailleurs en lumière la profonde mutation que connaît le secteur de la minoterie: le profil des industriels passe rapidement du familial à l’institutionnel. “Nous assistons à une véritable institutionnalisation d’un secteur longtemps dominé par des familles”, confie un opérateur. Une tendance


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PREMIER PLAN

Yariv Elbaz.

la surabondance de l’offre a pour conséquence une guerre des prix.

tendances des cours à l’international. Cela affecte significativement la rentabilité du secteur, exposant ainsi plusieurs opérateurs à des difficultés financières”. Dès 2008, et à cause de la flambée des cours internationaux des matières premières, plusieurs minoteries sont en effet mises à mal. “Certaines ont arrêté leurs activités ou sont même passées sous le coup du redressement judiciaire”, nous confie un professionnel du secteur. Et la surabondance de l’offre a pour conséquence une guerre des prix sans merci entre les opérateurs pour s’accaparer des parts de marché au détriment de la rentabilité. “Toutes les unités du secteur souffrent actuellement, sans distinction de taille ou de situation géographique”, lâche sans détour notre interlocuteur. L’absence, depuis deux ou trois ans, d’investissements dans de nouvelles capacités de production, serait la preuve de ce marasme. “Tous les investissements se font dans la modernisation, l’innovation, la deuxième transformation (boulangerie industrielle, pâtes, couscous, etc.) ou dans

le rachat d’unités déjà existantes”, détaille notre source.

Le Plan Maroc Vert, discrètement

Si cette transformation trouve son origine dans les impératifs du marché, la mise en œuvre du Plan Maroc Vert y est pour quelque chose. La stratégie agricole lancée par Mohammed VI en 2008 aborde la problématique de la filière céréalière. Elle préconise la consolidation sectorielle autour de 10 à 15 groupes structurés, tout en proposant une aide à la sortie aux acteurs existants. Il n’a pas fallu attendre longtemps pour voir cette stratégie mise en œuvre. En 2009, le groupe Fandy, détenu initialement par les familles Bennani et Benchimol, et en proie à des désaccords entre associés, passe dans le giron du groupe Anouar Invest, d’El Hachmi Boutgueray. Depuis cette importante transaction, chiffrée à 350 millions de dirhams, plusieurs anciens du secteur ont cédé leurs places à de nouveaux barons. Parmi eux, Noureddine Zine, patron du groupe Zine, qui rachète sa toute première minoterie en 2009. La consolidation

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LA MINOTERIE INDUSTRIELLE EN CHIFFRES

164 Unités en activité.

10,5 Millions de tonnes de capacité d’écrasement annuelle.

54% De capacité de production utilisée.

1 Million de tonnes de capacité de stockage dont les 3/4 sous forme de silos.

LE NOUVEAU PATRON DE FORAFRIC-TRIA

F

orafric-Tria est géré depuis 2014 par Yariv Elbaz, un Marocain de 38 ans, diplômé en finances des grandes écoles françaises (ESCP-EAP). Ce poste lui revient car il est le fondateur du fonds d’investissement YCAP qui a racheté le capital de Forafric en partenariat avec le Fonds gabonais d’investissement stratégique (FGIS). Ce dernier est un fonds souverain gabonais créé en 2012 avec pour objectif de diversifier l'économie gabonaise en utilisant une partie des revenus du pétrole.

du secteur autour de groupes structurés se fait donc doucement mais sûrement. Selon les échos, quelques grands groupes se distinguent déjà et pourraient faire partie de la dizaine d’opérateurs structurés visés par le Plan Maroc Vert. Il s’agirait entre autres de Fandy Copragri, Groupe Zine, les Moulins du Maghreb ou encore Forafric… D’autres noms s’ajouteront probablement à cette liste, si tant est qu’ils puissent surmonter les difficultés du marché, notamment le rétrécissement des marges, causé par la guerre des prix.



PREMIER PLAN

INTERVIEW

PROPOS RECUEILLIS PAR BILAL MOUSJID

@BilalMousjid

Ilyas El Omari

“Le PAM est un parti laïque” Homme fort du parti du tracteur, président de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, patron d’un groupe de presse… Ilyas El Omari est plus influent que jamais. Dans cet entretien, ce Rifain au caractère bien trempé revient sur le projet du PAM, sa vision de l’islam politique et la stratégie du parti avant les législatives.

C

’est dans un grand hôtel de la métropole qu’Ilyas El Omari nous donne rendezvous un jeudi, jour de bouclage de La Dépêche, son tout nouvel hebdomadaire francophone. “Je dois tout relire avant son envoi à l’imprimerie”, nous lance-t-il, l’air occupé. Vêtu d’un costume sobre, l’adversaire de Abdelilah Benkirane s’exprime avec emphase, ponctuant ses phrases d’un sourire malicieux. Prolixe lorsqu’il s’agit de tirer à boulets rouges sur le parti de la lampe, El Omari pèse ses mots quand on évoque ses relations avec le fondateur du PAM, Fouad Ali El Himma, dont il qualifie le bilan en tant que ministre délégué à l’Intérieur d’“exceptionnel”.

Beaucoup pensent que la seule raison d’être du parti du tracteur est de combattre les islamistes. Derrière le “PJD bashing”, le PAM dispose-t-il d’un programme politique? Je pense que le PAM est le premier parti à avoir rendu public son document idéologique. Conçu dès 2008 et

approuvé en 2012, il est accessible à tous. C’est cela, le référentiel du parti. Pour résumer, nous sommes un parti de centre-gauche qui aspire à l’édification d’un État civil moderne en séparant la religion de l’État. Sur le plan économique, nous sommes contre la mondialisation et le libéralisme sauvage, c’est-à-dire que l’État doit être responsable de l’emploi, de la santé, du logement et de l’enseignement. En gros, tout le contraire de la politique que suit le Maroc actuellement. Sur le plan idéologique, le référentiel du PAM consiste à défendre les musulmans contre les islamistes et la religion contre la pensée religieuse. Car la pensée religieuse est un projet d’État, contrairement à la religion qui est un ensemble de pratiques qui unissent l’individu à Dieu. C’est pourquoi nous trouvons la position du PJD ambiguë: est-il pour la religion ou pour la pensée religieuse? Est-il pour un État musulman ou pour un État islamique?

Donc, vous défendez un peu la laïcité… Je ne dirais pas un peu, mais beaucoup. Parce que la laïcité est un concept philosophique qui obéit bien entendu aux spécificités de chaque

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PROFIL 1967 : Naissance à Nekor, près d’Al Hoceïma 1987 : Condamné par contumace pour appartenance à une organisation illégale. 2001 : Devient membre de l’Ircam. 2008 : Cofonde le Mouvement pour tous les démocrates, précurseur du PAM. 2015 : Lance son groupe de presse, est élu président de la région Tanger-TétouanAl Hoceïma.

pays. La manière dont, à titre d’exemple, l’Albanie d’Enver Hodja a instauré la laïcité n’est pas identique à celle qu’ont choisie la France, la Turquie ou la Russie. Et, à travers toute l’histoire, le Maroc n’a jamais été un État islamique, mais un État musulman. L’État islamique n’engendre que des courants extrémistes dont le principe est de rejeter l’autre et de tuer la différence. C’est, pour ne citer que lui, le courant de Sayed Qotb, dont la pensée a toujours guidé le PJD.

Vous avez déclaré qu’il existait un “État parallèle qui fait bien son boulot”. De quel État parallèle parliez-vous? J’ai fait la déclaration en 2012, dans un contexte marqué par un mouvement de contestation qui avait généré plusieurs initiatives, de la part du Palais, de la rue, des partis politiques… Et je rappelais alors que la version de


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la Constitution soumise au référendum n’était pas celle proposée par la commission consultative. La première version a été dénaturée par ce qu’on appelle le “parti secret”, des personnes de plusieurs tendances motivées par certains intérêts. Pour avoir contribué aux discussions autour des droits de l’homme avec le nouveau règne, je connais bien ceux qui étaient contre la réconciliation et qui faisaient des pieds et des mains pour que les Marocains n’obtiennent pas leurs droits. Le parti secret, c’est celui qui prône l’opacité. Qui a réprimé la manifestation des enseignants stagiaires? Abdelilah Benkirane renvoie la balle à Mohamed Hassad, qui s’en dédouane à son tour. Une situation qui rend impossible la reddition des comptes. Et cela profite à plusieurs parties présentes dans l’administration, dans les partis politiques et au sein de certaines familles.

Au Palais aussi? Bien sûr, c’est un acteur politique aussi. Il est donc normal qu’il y ait, au sein du Palais, des gens nostalgiques d’une période donnée.

J’AI ASSEZ CONFIANCE EN MOI-MÊME POUR NE PAS PORTER PLAINTE CONTRE BENKIRANE Le chef du parti de la lampe vous a qualifié à de nombreuses reprises de bandit ayant fait fortune dans le trafic de drogue. Si ces accusations sont infondées, pourquoi n’avez-vous jamais porté plainte contre lui? J’appartiens à une région qui traîne une sale réputation. Si la règle veut que toute personne soit innocente jusqu’à preuve du contraire, les gens issus du nord sont présumés coupables. En tant que chef de l’Exécu-

tif, Benkirane n’a qu’à ordonner une enquête pour prouver ses dires, ce qu’il n’a jamais fait. La méthode ignoble, qui consiste à jeter le discrédit sur ses adversaires en les accusant sans fondement, est celle qui enfante la violence. Cela commence toujours par la violence verbale: celui-là est un trafiquant de drogue, l’autre est un mécréant… Et on dresse les uns contre les autres. Pour ma part, j’ai suffisamment confiance en moi-même pour ne pas porter plainte. Pour inspirer confiance aux électeurs, il faut d’abord avoir confiance en soi.

Le parti du tracteur s’engage à légaliser le cannabis. Le projet est-il réaliste dans le contexte actuel? D’abord, bien avant qu’il n’existe au Maroc, le kif existait aux USA au début du 17e siècle. Sauf qu’il n’était pas destiné à des fins récréatives mais ser-

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PREMIER PLAN

INTERVIEW

© TNIOUNI

men, où règnent drogue, crime, prostitution et abandon scolaire. D’autre part, au niveau des villes, le PAM a progressé de près de 15 % entre 2012 et 2015. Si le PJD a gagné des voix, c’est qu’il a chassé sur les terrains de ses alliés: le Mouvement Populaire, le PPS et le RNI, qui ont perdu bien des électeurs, contrairement à ce qu’ils affirment.

vait plutôt à la construction et à la fabrication de filets de pêche. Il faut donc faire la différence entre la plante, qui a plusieurs vertus médicinales, et l’usage qui peut en être fait. Lorsque la figue ou la datte sont transformées en “mahya” (eau de vie), est-ce la faute au figuier ou au dattier? C’est pareil pour le kif. Aujourd’hui, la science dit que la cigarette ou le whisky tuent 100 personnes contre deux pour le kif. Nous ne devons pas être contre la plante, mais contre sa transformation. Le problème encore, c’est que tous les gouvernements qui se sont succédé désignent l’argent du nord de “mal haram” (argent illicite). Celui qui vole une école ou des médicaments à Casablanca, Fès ou Rabat n’est-il pas un criminel? Lequel d’un cultivateur de kif ou d’un voleur de médicaments est le vrai criminel? Voilà la question qui mérite d’être posée.

Comment un parti aussi jeune que le PAM a-t-il pu remporter cinq régions lors des communales? Parce que nous sommes arrivés pre-

miers dans ces régions, tout simplement. On oublie souvent de dire que le PJD est aussi un parti récent. En outre, si le PAM n’a été fondé qu’en 2008, ses membres avaient déjà un parcours politique.

Et comment expliquez-vous que la majorité des voix ait été obtenue dans les campagnes, grâce à des notables ruraux? Ce n’est pas totalement vrai. Il faut d’abord savoir ce qu’on entend par campagne. La ville, selon les sociologues et anthropologues, c’est là où il y a l’eau, l’électricité, des hôpitaux et des écoles. La campagne, elle, c’est la privation, la peur et la « siba ». Mais tout cela a changé. Aujourd’hui, il n’y a plus de peur ni de “siba” dans le monde rural. Il y a des écoles, des hôpitaux, de l’eau et de l’électricité aussi. Dans le quartier de l’Agdal, à Rabat, ou à Anfa, à Casablanca, ce sont les forces modernistes qui ont raflé la mise. Le PJD, lui, a gagné à Douar El Haja, où le taux d’abandon scolaire atteint 82 %. Ou encore à Sidi Mou-

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Selon Ilyas El Omari (à gauche), le PAM n’a plus aucun lien avec son fondateur, Fouad Ali El Himma (à droite).

Pensez-vous que le PAM soit prêt à remporter les législatives? Quelle stratégie comptez-vous adopter? Beaucoup de connaisseurs donnent le parti gagnant, en termes de voix et de sièges. Quant à la stratégie, elle est pour ainsi dire prête. Nous allons d’abord essayer de recentrer les débats sur le bilan des partis qui ont conduit durant cinq ans le gouvernement. Qu’ont-ils fait? Aujourd’hui, le baril coûte 40 dollars, ce qui arrange tout le monde, mais demain le prix peut grimper à 140 dollars. Qui paiera? Il en va de la stabilité du pays. Le deuxième axe de notre stratégie consiste à faire la lumière sur le modèle du parti: gouvernance, économie, culture, sécurité... Aujourd’hui, le volet sécuritaire est géré indépendamment des volets économique et sociétal. Une erreur très grave, car les deux se rejoignent. Contrairement à ce qui se produit actuellement, ce sont les forces sécuritaires qui doivent par exemple défendre la liberté de pensée. Or, lorsque le film de Nabil Ayouch a défrayé la chronique, il a été vilipendé de toutes parts, et personne ne l’a défendu. Le troisième axe de la stratégie, c’est de sortir de la dualité PAM-PJD, que je considère comme l’antichambre du parti unique. El Omari, Benkirane, Chabat… on a tendance à séparer les personnes des institutions, une culture dont sont à l’origine les Frères musulmans, depuis Hassan El Banna. Lorsqu’on sépare la personne de l’institution, il devient aisé de tuer les deux. Cette dualité est dangereuse. Huit ans après la création du PAM, beaucoup associent encore le parti à son fondateur, Fouad Ali El Himma. Est-ce pour vous un avantage ou un frein? C’est un réflexe très facile que d’associer tout aux personnes. Au Ma-


roc, on associe le PJD à Abdelkrim Khatib, l’USFP à Mehdi Ben Barka et ainsi de suite. C’est une culture de facilité qui rend le paresseux heureux et convaincu. Il faut savoir que le PAM n’a plus aucun lien avec El Himma. D’ailleurs, depuis qu’il a quitté le parti en 2011, nous ne nous sommes rencontrés qu’à l’occasion d’activités officielles, où nous n’avons fait que nous saluer.

Vous êtes l’homme fort du PAM, le président de la région TangerTétouan-Al Hoceïma et patron d’un groupe de presse. Ce cumul ne se fait-il pas au détriment de l’une des trois fonctions? Au début, je n’avais pas envie de continuer au PAM ni d’occuper le poste de président de région. Ma relation avec le parti devait au départ se limiter aux élections, ce qui m’aurait permis de revenir à la communication et l’impression, mon vrai métier. Aujourd’hui, je ne dors que

quatre heures par jour pour me consacrer entièrement aux trois fonctions, au détriment de ma santé et de ma vie privée. Mais j’ai fait des promesses à mes électeurs et je dois les tenir. J’espère pouvoir bientôt avoir moins de responsabilités en sacrifiant l’un des trois postes.

SI BAKKOURY SE PORTE À NOUVEAU CANDIDAT À LA TÊTE DU PARTI, JE NE ME PRÉSENTERAI PAS Lequel? Celui de président de région? Je ne peux pas dire. Mais la loi me donne le droit de me retirer de la région. Il se peut aussi que je me retire de la gestion des journaux car, en février, un directeur des rédactions sera nommé et tous les titres du groupe seront rassemblés. Êtes-vous candidat à la succession de Mustapha Bakkoury à la tête du PAM?

Jusque-là, nous n’avons pas encore pris de décision et nous ne savons pas encore combien de membres comptent se présenter. Bakkoury a d’ailleurs bien réussi sa mission en menant le navire à bon port, ce qui n’exclut pas son maintien aux commandes du parti. Mais, récemment, il m’a confié qu’après ses nouvelles responsabilités au sein de Masen, il chercherait à être déchargé. En tout cas, s’il se porte à nouveau candidat à la tête du parti, je ne me présenterai pas.

Le PAM pourrait-il, par pragmatisme, s’allier au PJD? Tant que le PJD est flou, et là je m’exprime à titre personnel, aucune alliance ne peut être envisagée. Avant d’arriver au gouvernement, Benkirane en avait chassé une femme dont le tort était de porter un T-shirt. Aujourd’hui, il peut embrasser une femme qui ne porte rien du tout. Où se situe-t-il exactement? Le parti doit d’abord clarifier sa position.

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LE MAG TEXTE ET PHOTOS JULES CRÉTOIS

@JulesJibril

Sidi Bel Abbès

Mystérieuse et vivante zaouïa À Marrakech, la zaouïa Sidi Bel Abbès continue de remplir son rôle de lieu de solidarité et d'espoir pour les plus malchanceux. Entre modernisation du système de redistribution des dons et traditions spirituelles séculaires, elle conserve aussi tous ses mystères.

D

ans la ruelle qui longe la zaouïa Sidi Bel Abbès, nichée dans le quartier de Bab Taghzout à Marrakech, quelques conducteurs de deux roues éteignent leurs machines pour éviter de faire du bruit. C'est dire le respect qu'inspire toujours l’endroit. La zaouïa, voisine d'une propriété de Hermès, n'est pas au programme des circuits touristiques les plus classiques, ce qui n'empêche pas de croiser parfois quelques curieux en shorts et sandalettes. À l'entrée, aux côtés des vendeurs de bougies, s'installent dès le lever du soleil de nombreux handicapés. Des vieillards, des mères avec leurs enfants, de nombreux aveugles... tous sont visiblement des laissés pour compte, habillés modestement, croquant dans des miches de pain. Pourtant, aucun ne tend la main vers le badaud qui se dirige vers la porte du lieu saint. En revanche, à peine entré dans l'enceinte de la zaouïa, surveillée par un agent de police, plusieurs voix abîmées et fatiguées viennent rappeler avec fermeté: "Pas de photos!" Plus que tout, les habitués semblent craindre un misérabilisme malvenu.

Un saint partageur

La cour du mausolée est calme, traversée lentement par des personnes le plus souvent appuyées sur des béquilles, guidées par des cannes ou installées dans différents types de chaises roulantes. Un son chaleureux se joint aux quelques plaintes de personnes souffrantes. C'est le "gour", un groupe d'une vingtaine de non-voyants qui s'installent sous un péristyle dès le matin pour ne repartir que le soir, et qui récitent sans interruption des douâa. Sidi Bel Abbès se souciait plus particulièrement du sort 38 TELQUEL N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016

des aveugles en son temps. Né à Sebta, le saint homme se serait installé à Marrakech aux alentours de 1145, alors que la ville est assiégée par les Almohades. Jeune homme pétri de mystique soufie et s'épanouissant dans l'abandon total à Dieu, il arpentait les marchés de la ville, habillé simplement, fustigeant ceux qui consomment et s'enrichissent sans partager leur fortune, faisant du verset "Certes, Dieu ordonne l'équité et la charité..." son leitmotiv. Le sultan Yacoub El Mansour ayant entendu parler de cet homme de piété, véritable "moutawakil", effrayant une partie des Marrakchis, en particulier certains ouléma (il avait, selon la tradition, l'insulte facile et obscène), et ravissant les autres, lui aurait demandé de le guider dans la religion. Averroès luimême envoya un disciple s'enquérir de la doctrine de Sidi Bel Abbès. À sa mort, au début du XIIe siècle, il est déjà une figure majeure de la ville ocre. Il en est aujourd'hui un des "sabâtou rijal" (les sept saints) et l'un des plus connus. On trouvait au XXe siècle encore de nombreux boulangers ou restaurateurs attachés à une tradition portant son nom: la “abbâssia”, ou le fait de

Sidi Bel Abbès est l'un des sept saints de Marrakech, et l'un des plus connus.


donner son premier produit de la journée, "la part de Moderniser la tradition Sidi Bel Abbès", à un nécessiteux. "Ils sont aussi fermés que populaires", remarque KaAujourd’hui, le ballet des Marrakchis venant déposer mal Tebaâ, moqaddem du mausolée, titre qu'il a hérité des pièces et des billets dans l'une des caisses posées de son père. C'est à lui qu'incombe le rôle de perpétuer dans le mausolée, destinées aux démunis, est toujours la mission de la zaouïa, qui est de venir en aide aux inincessant. "En échange, on reçoit la bénédiction du saint digents handicapés. Esprit rationnel -il est professeur et on peut écouter les douâa des aveugles, nous glisse de mathématiques- et tatillon en matière d'organisaune jeune femme. " "Il ne s'agit que de solidarité et de tion, il a tenu à moderniser quelque peu le système de suivre le bel exemple de Sidi Bel Abbès", dit un autre ha- solidarité traditionnel. Ainsi, chacun des 2000 bénéfibitué. Quelques visiteurs prient, d'autres accrochent un ciaires, dont quelques-uns vivent dans des appartecadenas aux grilles des fenêtres ou enments sur le terrain même de la zaouïa, core allument une bougie, pour mieux dispose aujourd'hui d'une petite carte SIDI BEL ABBÈS SE avec sa photo et son nom. Y sont inséloigner maladie, malchance et mauvais sort. Tous, en tout cas, prennent le crites les dates auxquelles il pourra veSOUCIAIT PLUS temps d'écouter le gour, ou de s'instal- PARTICULIÈREMENT nir chercher une somme d'argent en ler près d'un autre groupe d'aveugles, fonction des fonds récoltés pendant la DU SORT DES installé plus près encore du saint. semaine, variant le plus souvent entre AVEUGLES Le cercle des tolba est plus fermé. "Ce 50 et 200 dirhams. "Il fallait s'assusont de grands hommes", tranche un rer que le partage soit le plus équivieillard amputé de la main, assis près d'eux. Les tolba table possible, que les personnes qui profitent de cette connaissent des pans entiers du Coran, parfois même aide la nécessitent bel et bien..." le texte dans son intégralité, et le récitent tout au long Le partage du mouton envoyé chaque vendredi matin de la journée, comme le faisait Sidi Bel Abbès, dont on par le Palais à la zaouïa est aussi organisé avec précidit qu'il avait appris le Coran à dix ans seulement. Inté- sion, selon un calendrier arrêté par Tebaâ. Mieux, ce grer leur groupe n'est pas aisé. Le plus souvent, les pré- dernier a récemment créé une association proposant tendants sont congédiés une première fois, parfois deux accompagnements médical et scolaire. La vie rituelle fois, puis trois... C'est dire qu'ils doivent persévérer avant et cultuelle, elle, se fait de manière plus autonome et même de tenter de prouver leur capacité à l'apprentis- les aveugles en sont les gardiens vigilants. Attirant de sage. Impossible de faire dire un mot à un de ces nombreuses personnes qui se laissent bercer par le hommes. Lorsque l'un d'entre eux entend des pas s'ap- rythme de leurs psalmodies, ils participent à leur maprocher, un petit geste de la main lui suffit pour deman- nière à remplir les caisses du mausolée. L'héritage de der à ne pas être interrompu dans sa litanie. Sidi Bel Abbès est bien vivant.

La cour est calme, traversée par les Marrakchis venant déposer de l'argent dans les caisses du mausolée, destinées aux démunis.

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LE MAG PAR SARAH GYÉ-JACQUOT

@SarahGYE

Inmaa

L'usine qui voulait révolutionner la productivité l’organisation, en partant à la ‘chasse au gaspillage’, son Depuis cinq ans, l’usine-modèle temps de valeur ajoutée peut grimper à six heures”, s’enlancée par Ahmed Reda Chami propose d’augmenter la productivité thousiasme Rachida Maliki, directrice de l’usine-modèle. des PME marocaines sans L’humain au cœur du processus investissements extérieurs. Sur une période de six mois en général, à raison de deux En dépit d’un “pitch” irrésistible, jours par mois, des cadres dirigeants viennent de tout le Maroc suivre des modules théoriques et pratiques de le projet Inmaa reste confidentiel. “lean manufacturing” à Bouskoura. Une à deux fois par Retour sur un projet révolutionnaire.

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© TNIOUNI

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ans le petit atelier de l’usine Inmaa de Bouskoura, des planches de skateboards se reposent. Cet après-midi, elles vont être manipulées par des cadres d’entreprise en recherche de meilleure productivité. “Au Maroc, certains secteurs ne sont pas aussi compétitifs que l’aéronautique ou l’automobile alors qu’ils ont les capacités pour le devenir”, promet Ahmed Reda Chami, ministre de l’Industrie, du commerce et des nouvelles technologies entre 2007 et 2012. Pour les y aider, l’ancien ministre lance le Pacte national pour l’émergence industrielle en 2009. Parmi les programmes proposés, le projet Inmaa, usine-modèle dédiée à la formation des PME marocaines aux techniques du “lean manufacturing”. “Comme dans tous les pays en voie de développement, nous avons des usines où les hommes ne sont pas suffisamment formés et où les machines ne sont pas aussi performantes qu’ailleurs. Le projet Inmaa a été créé pour augmenter le PIB du pays sans que les dirigeants aient besoin d’investir plus.” Car ici bat le cœur d’Inmaa: augmenter la productivité sans augmenter les dépenses. “Dans de nombreuses entreprises marocaines, sur ses huit heures journalières, un ouvrier marocain crée de la valeur ajoutée pendant trois heures. En améliorant

mois, un expert Inmaa fait le chemin en sens inverse pour s’assurer du suivi auprès des opérationnels. Une routine mise au point par McKinsey & Company. Le prix

L'usine-modèle de Bouskoura. Ici bat le cœur d’Inmaa: augmenter la productivité sans augmenter les dépenses.


de cette formation? 150 000 DH, pris en charge à 60% par l’Etat pour les PME éligibles à Moussanada, autre programme étatique pour la productivité. “Si nous avions directement fait appel à McKinsey, le prix se serait plutôt rapproché du million de dirhams”, confie Samir Bennis, directeur général de Trarem, fabricant de mobilier. La directrice déambule entre les murs immaculés de la petite usine casablancaise… et en fait rapidement le tour: 700 m², avec une salle de classe à l’étage et un atelier au rez-de-chaussée. Comme son concept, son usine ne s’embarrasse pas de fioritures. Et comme son usine, Rachida Maliki va droit au but. “Il ne faut pas oublier que la machine ne travaille pas toute seule!”, insiste-t-elle. Au même niveau que les organisations opérationnelles et managériales, la place de l’ouvrier dans l’usine est cruciale. “Nous tenons à ce que nos dirigeants expliquent à leurs équipes opérationnelles qu’elles ne travailleront pas plus, mais mieux”, ajoute la directrice.

hausse de 22% de sa productivité après sa participation à Inmaa. “J’avais demandé aux ouvriers et aux managers de trouver des idées de réduction des coûts. Les ouvriers ont d’abord été timides, peu habitués à ce qu’on les consulte. Puis ils ont pris confiance. Presque 95% des idées retenues sont venues des ouvriers; les dirigeants étaient bluffés. Quand l’ouvrier comprend que nous sommes là pour l’aider, tout change.” Khalid Chafik, directeur financier de Marwa, entreprise de prêt-à-porter, veut quant à lui transformer l’essai: “En six mois, nous avons noté une amélioration des délais de production de 30 à 17 jours. Et ce sans augmenter nos coûts externes, ce qui nous a beaucoup surpris. Alors nous préparons actuellement une nouvelle collaboration avec Inmaa, orientée sur la logistique.” Même son de cloche du côté de Abdeljalil Likaimi, directeur général d’Alma Bat, entreprise de batteries de démarrage: “Nous avons noté une augmentation de 15 à 20% sur les deux lignes de production que nous avions choisies pour le projet. De 480 batteries produites par équipe et par jour, nous sommes passés à 550 en trois mois, pour un objectif final de 600 batteries. Nous envisageons maintenant de généraliser les méthodes à l’ensemble des lignes de production.” Comme la direction de Trarem, Kacem El Alami, directeur industriel d’Alma Bat, se réjouit tout particulièrement du développement humain: “Le chef d’équipe, qui se rendait dans l’usine et qui a porté le projet, a été promu au sein de notre entreprise et coordonne aujourd'hui les équipes.” Des exemples de réussite qui ne surprennent pas Rachida Maliki. “Nous ne recrutons que des entreprises dont l’engagement des directions et des cadres est complet, car c’est la condition du succès au programme”, assure-t-elle. Or, les candidats ne se bousculent pas au portillon.

LA PLACE DE L’OUVRIER DANS L’USINE EST CRUCIALE

Success stories

Une stratégie payante selon Rachid Fekhar, directeur de production de l’entreprise Trarem, qui a enregistré une

LES ORIGINES DU "LEAN MANUFACTURING"

A

près la Seconde guerre mondiale, le constructeur automobile japonais Toyota doit faire face à deux contraintes: une réserve limitée de matières premières et un manque de place pour stocker. Dans les années 1960, la dynastie industrielle met au point son propre système de production pour limiter le gaspillage (Muda en japonais). Sept grands ennemis de la valeur ajoutée sont répertoriés et combattus: la surproduction, les temps d’attente, les stocks inutiles, les pièces défectueuses, les mouvements superflus et les gaspillages liés au transport et à la fabrication. Pour produire mieux, à temps et en quantité exacte.

Une philosophie en première “lean”

Le Pacte d’émergence prévoyait l’accompagnement de 800 entreprises entre 2011 et 2015, soit près de 160 par an. Aujourd’hui, Rachida Maliki ne compte qu’une cinquantaine de participations par an. “Notre objectif de départ était trop ambitieux pour le Maroc. Ces choses prennent du temps, il faut faire évoluer les mentalités. Souvent, les dirigeants ne savent pas qu’ils peuvent améliorer leurs coûts de l’intérieur”, théorise la directrice d’Inmaa. L’ancien ministre de l’Industrie, Ahmed Reda Chami, est plus explicite. “Le gouvernement devrait plus se bouger sur cette problématique. Je me suis entretenu avec plusieurs ministres à ce sujet. Je leur ai demandé de lui donner plus d’ampleur. Quand j’étais ministre, j’allais personnellement chercher les entreprises pour qu’elles participent au programme, j’assistais aux conseils d’administration. Inmaa, c’est donner de la compétitivité à l’entreprise à travers l’excellence opérationnelle. Et ce n’est pas un projet test, c’est un projet qui fonctionne”, tonne-t-il. À bon entendeur. N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016 TELQUEL 41


LE MAG PAR ELÉONORE BÉNIT

@EleonoreBenit

Événementiel

Babymania Exit le banal gâteau d’anniversaire en pâte à sucre. Pour célébrer la naissance ou l’anniversaire de leur(s) enfant(s), certains parents font appel à des agences spécialisées et déploient des trésors d’inventivité… quitte à se livrer parfois à toutes les surenchères. Décryptage d’un grand succès pour petits.

L

Profession: Birthday Planner

Sabrina Combier Fernandez a été l’une des premières à investir le créneau au Maroc, en imaginant il y a 3 ans une agence de “création d’évènements pour enfants”. L’idée lui vient en organisant l’anniversaire de sa propre fille, pour lequel elle s’inspire de ce qui ce fait aux États-Unis, gagnés à l’époque par le phénomène “sweet table”. Comprenez, l’art de mettre en scène une table de fête avec des gourmandises 100% sucrées (gâteaux, boissons, bonbons, etc.) et une déco à thème déclinée à 360°, des gâteaux, sucreries ou 42 TELQUEL N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016

mignardises à la vaisselle en passant par la décoration et les petits accessoires de circonstance: ballons, guirlandes, chapeaux, mini-cadeaux d’invités, etc. Le jour J, le succès auprès des mamans est tel qu’elle décide d’investir ce marché encore peu occupé. Une page Facebook et un puissant bouche-à-oreille plus tard, sa société, Little Louison, est née. “Depuis, mon téléphone n’a jamais cessé de sonner, c’est vraiment de la folie, je ne pensais pas que cela marcherait aussi vite”. Aujourd’hui, sa TPE emploie trois personnes à plein temps et fait aussi travailler une foule de prestataires externes (imprimeurs, cake designers, artistes, etc.). Le business bat son plein, pourtant elle refuse très régulièrement des évènements tant la de© TOUMI

e buffet Spider-Man est impeccable. Les invités en culottes courtes ne vont pas tarder à arriver. Ils ont reçu –ou plutôt leurs parents– un joli carton d’invitation avec leurs noms écrits dessus. C’est l’anniversaire d’Ilyass qui fête aujourd’hui sa première année. Sur la table, tout est rouge et bleu, et pas que le gâteau. De la vaisselle (jetable) à la déco en passant par la bonbonne à jus, le candybar et les cupcakes, tout est raccord avec le thème. Dans le jardin, de fausses toiles d’araignées géantes ont recouvert les hortensias. Un acrobate professionnel habillé en costume du super-héros est prévu pour 16h. Ce sera le clou du spectacle. Parce que sa maman rêve déjà pour lui en (très) grand, elle lui a offert un anniversaire aussi féerique qu’un conte de Walt Disney. Sa botte secrète? Une agence d’événementiel pour enfants, composée d’un staff de quatre personnes entièrement dédiées à l’organisation. Proposées au choix et à la carte, les possibles prestations dépassent l’imagination: mini “spa-party” pour petites filles, DJ, cracheur de feu, toboggan gonflable, trampoline ou spectacle de magie… cette maman ou une autre aurait pu aussi choisir tout cela. Voici donc l’avènement de la superproduction festive pour enfants made in Morocco, mouture 2016.

Sabrina Combier, en pleine préparation, dans le jardin de l'un de ses clients.


© TOUMI

Un exemple type de sweet table dans les tons pastel.

mande est forte. “J’accepte en moyenne un évènement sur cinq.” Ce qui ne l’empêche pas d’enchaîner entre trois et quatre anniversaires par week-end, c’est dire! Se développer? Sabrina avoue que cela “demande beaucoup de temps, en formation et en production”. Comptez une semaine de préparation sans oublier la recherche en amont pour un anniversaire d’enfant proposé par ses soins. N’est pas créateur d’événements à l’effigie d’Avengers ou de La Reine des neiges qui veut. Même son de cloche auprès de Kenza El Belghiti Tak-Tak. En 2010, après une expatriation au Venezuela, elle découvre l’importance donnée aux anniversaires d’enfants làbas, mais aussi la désormais incontournable Pinata, une boîte géante remplie de bonbons et de petits jouets en forme de licorne, de cœur, de princesse, de dinosaure ou de fraise (tout est possible) et que les enfants doivent faire exploser avec un bâton les yeux fermés pour “délivrer” tous les cadeaux et confettis enfermés dedans. “De retour au Maroc, il était important pour moi de continuer cette tradition pour mes enfants. Là-bas, les Pinatas sont de véritables œuvres d'art, plutôt difficiles à reproduire. J'ai donc demandé à un professeur d'art plastique de réaliser de grandes formes en carton, au thème de l'anniversaire”, raconte Kenza. Résultat, elle commence à en fabriquer pour la famille et les amis jusqu’à ce que les com-

mandes soient suffisamment nombreuses pour en faire un métier. Aujourd’hui, la reine des Pinatas, qui se définit comme une Birthday Planner, ne fonctionne que par le bouche-à-oreille. Pas d’entité ni de page Facebook, parce qu’elle préfère “garder un côté confidentiel”. A-t-elle constaté une augmentation de ce type d'anniversaire ces derniers mois? “Oui, car les parents sont de plus en plus friands d’anniversaires clés en main, souvent à l'américaine, allant de l'animation complète (ateliers créatifs, animations, jeux, château gonflable, magicien, chariot de barbe à papa...) à la sweet table classique.”

“LES PARENTS SONT DE PLUS EN PLUS FRIANDS D’ANNIVERSAIRES CLÉS EN MAIN À L'AMÉRICAINE”

De la cérémonie du henné à la baby shower

La fureur est telle que la toquade ne se limite pas, ou plus, aux anniversaires. Baptêmes, buffets de naissance, baby shower comme dans les séries américaines, toutes les occasions sont désormais bonnes pour organiser à son enfant une fête XXL ou version grand luxe. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ces nouvelles célébrations ne sont pas si nouvelles, mais plutôt remises au goût du jour et/ou constellées de nouveaux termes ou traditions venues d’ailleurs. Ainsi, la baby shower n’est qu’une version améliorée ou plus twistée de la traditionnelle “henna dial sebâa achour” (la cérémonie du henné généralement céléN°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016 TELQUEL 43


LE MAG

brée entre femmes autour du 7e mois de grossesse), et le baptême (que l’on préfère souvent plus confidentiel, parce que religieux) est désormais souvent remplacé en termes de budget par l’anniversaire de la première année. D’autant que le baptême est souvent financé par les grands-parents et que pour leur faire comprendre le concept de la sweet table, il faut parfois repasser…

Pourquoi tant de démesure

© DR

“Les Marocains adorent faire la fête, recevoir, épater leurs invités et, souvent, ne lésinent pas sur les

moyens, qu’ils les aient ou pas d’ailleurs”, explique Zineb Bennis, cofondatrice de The Little Factory, nouvelle adresse chic spécialisée notamment dans la création de buffets à Casablanca. D’ailleurs, elle tient à préciser que toutes ses clientes ne sont pas forcément fortunées mais qu’elles sont néanmoins toujours animées par le même désir: “épater les invités, faire dans le jamais-vu!” Sa spécialité à elle? Le buffet de naissance, qu’elle propose à la carte, pour tous les budgets, du simple petit panier à la table semi-habillée jusqu’à celle de 1m60 et sur laquelle est disposée une multitude de gourmandises sucrées: chocolat, dragées, nougats, dattes fourrées, gâteaux, macarons mais aussi fleurs, peluches et petits objets déco en tout genre, toujours raccord avec le thème préalablement défini avec les parents. Le résultat est souvent époustouflant, aussi beau que bon et s’installe aussi bien à la clinique qu’à la maison. Et les cliniques justement, elles en pensent quoi? “Elles n’aiment plus que l’on touche à leurs murs pour la décoration, du coup, on essaye de se faire plus petits en adaptant la table à la taille de la chambre. Une chambre ou une suite, ce n’est pas pareil”, précise Zineb.

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Déluge de cadeaux made in USA

Mais pour Zineb Bennis, rien de nouveau sous le soleil, si ce n’est qu’on a gagné en professionnalisme et en grandeur. “Avant, à la clinique, on recevait la famille et les proches avec des cornes de gazelle, des dattes et quelques jus de fruits pressés. Aujourd’hui, on répond au même besoin de recevoir et de générosité, mais en l’adaptant aux goûts actuels”. Pâtisseries américaines, sujets en bougies sur-mesure, cadres ou miroirs rose dragée, rien n’est trop beau pour bébé. Même s’il y a évidemment chez certaines clientes une part de show off, d’autres jeunes mamans utiliseraient le buffet de naissance comme stratégie pour accueillir le plus de monde possible à la clinique, et avoir la paix avec leur bébé une fois rentrées à la maison. Autre toquade en date: la baby shower. Portée à l’écran dans les séries cultes américaines type Sex and the city, ce “déluge” fait actuellement fureur chez les trentenaires. Là encore, comme il s’agit souvent d’une fête organisée par les amies et/ou les femmes de la famille, faire appel à un prestataire spécialisé est toujours plus simple et plus pratique.

Petites lubies à gros budgets

Même si la démesure n’est pas forcément l’apanage des plus riches, force est de constater que le marché de l’événementiel pour enfants se répand depuis 2 ou 3 ans comme une traînée de poudre -de perlimpinpin?-, principalement dans la bourgeoisie de l’axe Casa-Rabat-Marrakech. Pourquoi? Pour faire comme la sœur, la copine ou la maman chez qui on a vu cela pour la première fois, parce que c’est à la mode ou 44 TELQUEL N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016


© LITTLE LOUISON

Un exemple de Pinata traditionnelle originaire d'Amérique du Sud et désormais très en vogue au Maroc.

que “cela en jette”, mais surtout parce que toutes ces petites et grandes fantaisies ont un prix, et qu’un enfant (ou ce qu’on lui offre ou lui fait vivre) est une extension de soi-même, un mini-moi auquel on donne souvent sans compter. Il suffit de jeter un œil aux tarifs pratiqués pour se faire une idée. “Le coût d’un anniversaire débute vers 5000 DH pour la formule classique mais peut monter jusqu’à 15 000 DH selon les options et activités désirées”, explique Kenza El Belghiti Tak-Tak, qui a conscience que ces prix peuvent “choquer le lecteur moyen”, mais assure qu’il est aussi possible de faire preuve de créativité avec un peu moins de moyens. Sans parler des demandes extravagantes, comme cette maman “qui a sollicité la venue d’une danseuse professionnelle à l’occasion du premier anniversaire de sa fille qui était dans le thème ‘ballerine’”, raconte Sabrina, ou encore “une autre qui voulait que tout soit parfait pour

un anniversaire sur le thème de Halloween avec citrouilles bleues et dorées à la clé”.

Attention à l'enfant-roi

La surenchère des goûters d’anniversaire, c'est grave docteur? Pour Dr Amine Benjelloun, pédopsychiatre à Casablanca, il est important de rappeler qu’évidemment, “il est bon et sain de se retrouver en famille ou amis lors de fêtes ou étapes rituelles. Qu’ils aient valeur de glorification pour la future mère ou l’enfant, ces évènements permettent à la famille de s’inscrire dans le tissu social. Mais pas trop quand même. Les cadeaux ou évènements de la sorte ne doivent pas nécessairement coûter cher, même si les moyens des parents sont importants, au risque de générer une forme de culpabilité chez l’enfant. L’enfant, si on l’aime, doit rester à sa place, ce qui le rassure profondément. Mieux vaut essayer de ne pas nourrir sa toute-puissance…” Mais alors, y aurait-il un âge auquel commencer à organiser un “vrai” anniversaire à son enfant? “Les deux premiers anniversaires sont généralement des prétextes aux familles pour se retrouver, dans la douceur et le calme, sans bruit (insupportable pour les bébés et les jeunes enfants, même si eux en font). Le troisième anniversaire, si l’enfant commence à parler un peu, peut être l’occasion des premières invitations, mais dans un cadre qui doit rester intimiste pour quelques années encore.” Un gentil rappel à l’ordre à méditer… presque à tout âge.

LA BABY SHOWER EST LE NOUVEAU “HENNA DIAL SEBAÂ ACHOUR”

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CULTURE PAR MERYEM SAADI

HISTOIRE

@meryemsaadi

Publication

Raconte-moi le Sahara

L’ouvrage Le Maroc saharien au fil du temps a pour objectif de faire connaître cette région aux jeunes lecteurs. Une balade chronologique à la fois ludique et didactique.

I

l était une fois une contrée exotique, où habitaient girafes, rhinocéros, crocodiles et autruches. Ses premiers habitants peignaient sur des pierres vertes, pratiquaient des rites et des croyances énigmatiques. Quelques siècles plus tard, dans les textes antiques, ils étaient qualifiés de noms étranges tels que “les gétules autololes”, “les masates” ou encore “les troglodytes”… Non, il ne s’agit pas d’un mystérieux peuple chanté par Homère dans son Odys46 TELQUEL N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016

sée, ou des sujets d’un nouveau royaume dans le prochain tome de la saga Game Of Thrones. Il s’agit tout simplement des premiers habitants du Sahara.

Une expédition sur plusieurs siècles

Le voyage dans le temps proposé par l’auteure du livre, l’historienne Rita Aouad, commence à la préhistoire et fait traverser au lecteur plusieurs siècles, jusqu’à l’amener doucement à la période contemporaine. Sur sa route,


© PHOTOS OUVRAGE LE MAROC SAHARIEN AU FIL DU TEMPS

Base de minaret almohade à Akka, qui rappelle la Koutoubia de Marrakech et la Tour Hassan de Rabat.

Site funéraire, région de Oued Eddahab.

il peut ainsi découvrir les gravures rupestres du désert, les premières écritures de ses habitants, les saints de Sakia El Hamra, croiser quelques kilomètres plus loin les caravanes allant vers Tombouctou et, peut-être, la Harka (expédition militaire) du sultan Moulay Ismaïl. Au détour d’une page, le lecteur peut également apercevoir dans le ciel les aviateurs européens, dont le célèbre Antoine de Saint-Exupéry. Les 144 pages du livre sont illustrées de photographies d’époque, de frises chronologiques et d’illustrations de l’artiste français Guillaume Reynard. L’agréable excursion se termine sur un état des lieux chiffré du Sahara actuel, franchement moins exaltant que le reste de l’ouvrage. “Il n’est jamais facile de traiter l’histoire d’une région devenue zone de conflit. Aujourd’hui, le Sahara est vu à travers le prisme politique, une dimension qui bloque clairement les jeunes Marocains et ne les encourage pas à en savoir plus”, tient à préciser Rita Aouad, docteur en histoire, spécialisée dans les relations entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne. “C’est pour cela que j’ai opté pour une approche chronologique, avec une temporalité sur plusieurs siècles. Les jeunes doivent prendre conscience que le Sahara, ce n’est pas qu’une zone de conflit”, poursuit-elle.

Aux origines du livre

Le manque d’intérêt des jeunes pour le Sahara, ce professeur d’histoire-géographie à Rabat le remarque de-

puis plusieurs années. Une observation qui l’a poussée à proposer à l’Agence du Sud un projet de livre jeunesse sur le sud marocain, “qui pourrait stimuler intellectuellement les nouvelles générations, en mêlant textes informatifs, illustrations proches des bandes dessinées et documents patrimoniaux”. Une idée qui séduit l’organisme public – chargé de la promotion et du développement économique et social des provinces du sud - qui finit par le financer. Et une mission accomplie, puisque l’ouvrage se lit d’une seule traite et attise la curiosité des jeunes et des moins jeunes. Le livre regorge d’anecdotes amusantes, qui n’ont pour la plupart jamais été évoquées dans les manuels scolaires marocains. Saviez-vous par exemple que le sud a failli avoir sa Tour Hassan? Ou bien que l’urine de chameau était utilisée comme désinfectant intestinal, et ses crottes comme combustible ou encore comme pommade contre les démangeaisons? Qu’un aventurier écossais farfelu voulait inonder une partie du Sahara pour construire un canal pour relier Tombouctou à l’Atlantique? Probablement pas, et vous n’êtes pas les seuls, rassurezvous. De quoi donner envie d’explorer le désert marocain avec ses enfants, en prenant Le Maroc saharien au fil du temps pour guide. À quand un livre avec une approche similaire sur le Maroc oriental ou le Maroc atlantique? N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016 TELQUEL 47


CULTURE

LIVRES

PAGE COORDONNÉE PAR KENZA SEFRIOUI

@KzaSefrioui

En bref, des fils Roman. La saga familiale de David Gilbert interroge de façon

originale et incisive le lien complexe entre père et fils.

âgé, presque retiré du monde, vénéré pour son livre culte, L’Esperluette – mieux que Salinger! Il y a Richard, le fils aîné, ancien drogué devenu spécialiste des drogues en Californie. Il y a Jamie, documentariste expérimental qui ne se remet pas de la mort de son premier amour. Et il y a Andy, qui a grandi sans mère, aux dix-sept ans ingrats, obsédé par son encombrante virginité. Entre eux, ce lien mystérieux que symbolise L’Esperluette, qui fait des hommes des pères, des fils et des frères. L’exergue du roman laisse sans illusion sur la nature complexe de ce lien: “La paternité, c’est dompter ces deux extrémités, [le meilleur et le pire de soi vus dans son fils], et sous la chaleur écrasante de nos propres pères. Nous aimons et nous haïssons nos fils à cause de ce qu’ils pourraient voir”. Narcissisme, désir de se projeter dans l’éternité, violence, jalousie, rivalités entretenues par les pères et plus encore par les mères… David Gilbert brosse un portrait au vitriol d’une certaine société américaine, avec son conformisme et son obsession du succès, où chacun fait son introspection, revient sur ses souvenirs et sur cette relation si potentiellement destructrice. Toute une histoire… K.S.

r& Fils, David Gilbert, traduit de l’anglais (ÉtatsUnis) par Clément Baude. Actes Sud, 528 p., 310 DH.

C

Dans le texte

ADMIRATION INCONDITIONNELLE

J

’ai lu Esperluette quatre fois, alors qu’au restaurant je ne lis même pas le menu jusqu’au bout. […] J’ai l’impression qu’il y a les gens qui aiment L’Attrape-cœurs et il y a ceux qui aiment Esperluette. Et moi, [...] je suis à cent pour cent dans le camp Esperluette. Entre nous soit dit, L’Attrape-cœurs est excellent sur un tas de plans, mais ça reste une étude de caractère empêtrée

48 TELQUEL N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016

Sélection. Deux Marocains sont en lice pour la 9e édition de l’International Prize for Arabic Fiction. Tareq Bakari (Numedia, Dar Al Adab) et Abdennour Mezzine (Rasa’il zaman al-‘asifa, Slaïki Frères) figurent aux côtés de trois Égyptiens, deux Irakiens, deux Libanais, deux Palestiniens, deux Syriens, une Jordanienne, un Koweïtien et un Soudanais dans la première liste de seize titres retenus par le jury sur les 159 publiés en 2015. Les cinq finalistes recevront 10 000 $ chacun. Le lauréat se verra remettre 60 000 $ et son livre sera traduit en anglais. Verdict le 26 avril prochain lors de la Foire du livre d’Abu Dhabi. K.S.

Pour un Code pénal moderne Débat. “Quelles réformes pour le

© DR

harlie Topping est mort. Son ami d’enfance, l’écrivain de renom Andrew Dyer, est effondré tant par cette disparition que par le sentiment qu’il n’en a lui-même plus pour très longtemps. Il souhaite terminer le manuscrit tant attendu de son dernier roman et confier à ses deux fils, Richard et Jamie, leur demi-frère Andy, dont la naissance entourée de mystère a provoqué un drame familial. Le deuxième roman de David Gilbert est une copieuse saga racontée du point de vue du fils du défunt. Il y a le père, grand écrivain

Deux Marocains pour le prix du Roman arabe

David Gilbert, auteur des Normaux (2004), est aussi nouvelliste (Les Marchands de vanités, Belfond, 2007).

dans le marécage boueux de l’adolescence. Ça fait partie de son charme, bien sûr, mais c’est aussi sa limite, ce sentimentalisme adolescent. Alors qu’Esperluette, bordel! Esperluette fait exploser l’adolescence jusqu’à ses tréfonds existentiels et n’arrête pas de grandir avec nous, année après année, jusqu’à notre dernier souffle. Pour moi, Salinger est un chien errant qu’on a envie d’adopter. Mais A. N. Dyer, par contre, c’est vraiment une autre bestiole.’’

XXIe siècle? Zoom sur les libertés individuelles et l’approche genre”. Tel est l’intitulé de la rencontredébat organisée par le groupe “Un Code pénal digne du XXIe siècle” sur la réforme du Code pénal. Khadija Rouggani, Mohamed Sassi, Mohamed El Madani, Khadija Ryadi et Rabea Naciri en analysent l’esprit et la structure. Ahmed Assid et Abdelaziz Nouaydi devraient évoquer libertés individuelles, espace public et liberté d’expression. À cette occasion, le site Participation.ma doit également être présenté. K.S. Le 22 janvier de 15h à 19h30 – Théâtre Allal Al Fassi, rue Soumaya, Agdal, Rabat.



CULTURE

SORTIR

PAGE COORDONNÉE PAR MERYEM SAADI

@meryemsaadi

Pasolini, Salgado et les autres

© DR

Cinéma. Pour sa 21e édition, le Festival international du cinéma d’auteur de Rabat (FICAR) propose une sélection intéressante de films et de documentaires venant du Maroc et d’ailleurs. Parmi les films à ne pas rater, Le sel de la terre du Brésilien Sebastião Salgado, Coming home du Chinois Zhang Yimou, ou encore Taxi Teheran de l’Iranien Jafar Panahi. Sans oublier les films marocains, avec L’Orchestre des aveugles de Mohamed Mouftakir, The sea is behind de Hicham Lasri, ou encore Karyane Bollywood de Yassine Fennane. Cette édition rendra également hommage au grand réalisateur italien Pier Paolo Pasolini, à travers la projection de plusieurs de ses longs-métrages, dont Mamma Roma (1962) et Teorema (1969). Du 29 janvier au 5 février, au cinéma Renaissance, au théâtre Mohammed V et à la salle du 7e Art à Rabat.

Money, money, money Exposition. À travers un

© DR

riche parcours composé d’archives et d’objets d’époque, l’exposition “Monnaie, prix et salaires au Maroc: de l’Antiquité à l’instauration du protectorat” vous permettra de devenir incollable sur le sujet. Quelles étaient les unités de mesure et de pesage sous les

Anthony Kavanagh fait son show Spectacle. L’humoriste qué-

Le 27 janvier au Studio des arts vivants de Casablanca, à partir de 21h.

Jusqu’au 13 mars, au musée Bank Al-Maghrib à Rabat

Après-midi spirituelle Visite guidée. Si vous êtes à Essaouira, ne ratez pas la visite thématique de la ville organisée par l’Institut français. Vous pourrez explorer les sédiments mystiques de l’ancienne Mogador, à travers la visite de lieux chargés en spiritualité et en traces de pratiques religieuses. L’occasion de découvrir ou redécouvrir des lieux historiques, comme le mellah et différents cimetières. Places limitées, réservation obligatoire. Le 23 janvier à partir de 15h. Lieu de départ: la médiathèque de l’IF à Essaouira.

© BANK AL MAGHRIB

bécois est de retour. La preuve qu’il a réussi à fidéliser le public marocain grâce à son humour acerbe, parfois à la limite de la provocation. Dans son spectacle intitulé sobrement Show Man, le Canadien expliquera aux spectateurs “les règles de la vie”. Et oui, après avoir rendu l’âme subitement sur scène, Anthony se retrouvera dans une salle d’attente située entre ici et l’au-delà. Le public verra toutes ses facettes, à savoir le fou imprévisible, le comédien ou encore le chanteur.

dynasties idrisside, almohade ou saâdienne? Combien coûtaient les produits alimentaires de base? Quels étaient les salaires des siècles précédents? Une expérience inédite, qui vous fera plonger dans la vie quotidienne de vos ancêtres.

ET AUSSI…

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Sonorités araboandalouses Concert. Vous l’avez peut-être vu avec Botbol ou Vanessa Paloma. Le luthiste et mandoliniste Moulay Hachem Slitine et son trio assureront, le 28 janvier à 20h, le premier concert d’une série lancée par le Cervantès de Casa. L’objectif: développer les liens entre les musiques espagnole et marocaine.


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PASSION PAR MANON SAFAVI

EVASION

@ManonSafavi

Beldi verrerie club Artisanat. A quelques kilomètres de Marrakech, le Beldi Country Club abrite le dernier atelier de verres beldi du pays. Récit.

tisanat traditionnel marocain. Ne se résignant pas à leur disparition, Jean-Dominique Leymarie, un Français profondément attaché au patrimoine de sa terre natale et propriétaire du groupe hôtelier Beldi, a ressuscité la verrerie en 2014.

© DR

Nouvelle usine pour les verres beldi

J

uin 2013. L’usine Sover de Aïn Sebaâ ferme ses portes définitivement. Le chef d’atelier, les verriers et souffleurs de verre se retrouvent démunis, à l’instar des cafés qui utilisaient les mythiques verres beldi pour servir noss-noss et thés à la menthe depuis des décennies. Créés dans les années 1940, ces modèles épais soufflés à la bouche à partir de verre recyclé et ornés d’un bourrelet caractéristique étaient devenus un véritable symbole de l’ar-

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Un an seulement après l’arrêt de la production dans la banlieue de Casablanca, le Beldi Country Club, hôtel bucolique-chic aux portes de Marrakech, a donc ouvert la verrerie Beldi. Une usine flambant neuve, dotée d’installations aux normes modernes, où le verre de légende revit grâce au chef d’atelier et aux employés de la défunte usine Sover, ainsi qu’à des souffleurs de cristal venus de Settat. Pour le moment, la fabrique fonctionne 4 à 5 mois par an, en fonction des stocks disponibles de verres recyclés. En période de production, jusqu’à 15 000 unités par jour sortent de l’atelier, à partir du recyclage de deux tonnes de déchets de verre plat et de verre de bouteille en moyenne. Nouvelle-Zélande, France, Hollande, Angleterre, les acheteurs viennent du monde entier pour se fournir en authentiques verres beldi. Mission réussie pour Jean-Dominique Leymarie, qui souhaite sauvegarder et promouvoir l’artisanat marocain: de nouvelles générations d’artisans-verriers sont formés au sein des ateliers. En outre, loin de se cantonner au registre du traditionnel, le groupe a l’ambition de moderniser l’image du verre de légende. En témoignent les créations originales de l’atelier exposées dans le showroom situé à seulement quelques mètres du lieu de production. Verre à vin ou à cocktail, vase, carafe, photophore, en teintes bleue, violette ou grise, la verrerie ne produit pas que les classiques verres beldi. Pourtant, le passé n’est jamais loin. Il suffit de regarder les clichés qui ornent les murs de la boutique pour découvrir l’authentique verrerie de Aïn Sebaâ. Un mélange entre passé et présent devenu la signature des hôtels de Jean-Dominique Leymarie.

The Souk by Beldi

Le groupe n’en est pas à son coup d’essai. Les dix hectares du Beldi Country Club abritent ainsi un vil-


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lage d’artisanat, “The Souk by Beldi”. Coussins et linge de maison brodés à la main, tapis traditionnels, poterie et désormais verrerie sont réunis dans ce souk 100% authentique. L’idée? Réunir sur le site même de l’hôtel des boutiques qui permettent aux visiteurs de découvrir l’artisanat du pays. En prime, la possibilité de s’initier à la poterie lors d’ateliers destinés aux enfants et à leurs parents. Côté broderie, grâce à l’association caritative “Ecoles et ateliers de l’Atlas”, créée par Marielle Leymarie, des femmes confectionnent à la main du linge de maison et les bénéfices des ventes financent la construction d’écoles dans les villages de l’Atlas. En découvrant ce souk, on comprend vite que la reprise de l’usine Sover s’est imposée comme une évidence au groupe hôtelier. La famille Leymarie œuvre à son échelle pour préserver le patrimoine culturel immatériel du Maroc et ne

Les acheteurs viennent du monde entier pour se fournir en authentiques verres beldi pouvait se résoudre à voir disparaître les incontournables verres beldi. D’autant que la verrerie de Aïn Sebaâ fournissait les trois hôtels du groupe: l’Iglesia à El Jadida, la Kasbah Beldi à Lalla Takerkoust et le Beldi Country Club à Marrakech. Au-delà du nom de ce verre iconique, le groupe partage avec l’objet des valeurs de tradition et d’authenticité. Un sauvetage réussi pour la “famille Beldi”. Beldi Country Club, Km 6 route du barrage, Marrakech. Tél. : 05 24 38 39 50. N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016 TELQUEL 53


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D’ENTREPRISES IMA au service de l’art International Meeting of Arts (IMA) est une association à but non lucratif, qui contribue à la promotion de l'art au Maroc et à la pérennisation du soutien apporté aux associations caritatives locales. Elle organise également des symposiums à l’étranger pour permettre aux artistes de partager et de créer une œuvre commune, qui sera revendue lors d’une exposition. Les pays de résidence prévus dans ce cadre pour 2016 sont le Chili, l’Espagne, la Bosnie et Haïti.

MOROCCO MALL

Les soldes d’hiver battent leur plein Au Morocco Mall, la magie des fêtes de fin d’année a cédé la place, depuis le 7 janvier 2016, à des soldes d’hiver particulièrement intéressants, faisant ainsi du Morocco Mall la destination shopping par excellence où les clients peuvent dénicher d’incroyables bonnes affaires sur plus de 600 marques. En effet, durant tout le mois de janvier, le plus grand Mall d'Afrique sera l’adresse incontournable pour le shopping, et ce aussi bien pour les Casablancais que pour les touristes nationaux et internationaux, notamment en raison des remises consenties, qui peuvent aller jusqu’à -70%! Ces offres inédites réunies dans un seul espace permettent aux clients de vivre une expérience shopping exceptionnelle alliant loisirs et restauration.

Air Arabia recrute ses futurs pilotes de ligne La compagnie aérienne à bas prix Air Arabia Maroc a récemment lancé une campagne de recrutement de ses futurs pilotes. Elle a ainsi sélectionné en décembre dernier huit Marocains qui bénéficieront d’une formation complète à l’issue de laquelle ils rejoindront la compagnie en tant que pilotes. Pour rappel, Air Arabia a bouclé en 2015 la formation de 13 Marocains entraînés au pilotage sur un simulateur d’Airbus A320.

ENTRETIEN

Pneus Bab Doukkala : le choix de la qualité Pneus Bab Doukkala est connu pour ses produits haut de gamme estampillés Goodyear, une marque avec laquelle il est lié par un partenariat gagnant de plus de 40 ans. Possédant des sites à Marrakech et Casablanca, Pneus Bab Doukkala est également réputé pour son offre de service performante et innovante assortie d’un élément qui fait la différence: le souci du détail. Pour garantir un entretien impeccable des engins roulants (vidange, changement de plaquettes ou disques de freins, amortisseurs, batteries...), il dispose de matériels ultra-sophistiqués et de fournitures de grandes marques allemandes, françaises et italiennes.

AUTOMOBILE

La Fiat 500X est enfin arrivée Dévoilée en avant-première au Mondial de l'Automobile de Paris, la Fiat 500X a été présentée récemment à la presse marocaine. Belle et au caractère bien trempé, la dernièrenée de la grande famille 500, vendue dans plus de 100 pays, est disponible en deux versions: l'une plus “urbaine”, et l'autre idéale pour les voyages et les activités outdoor, avec, pour les deux, des motorisations diesel ou essence, deux types de boîtes de vitesse et trois systèmes de transmission. C’est le premier modèle à proposer une boîte automatique à neuf rapports. Son caractère “X” évoque des segments de clientèle très différents, mais qui ont en commun le désir de vivre pleinement la conduite. La Fiat 500X est proposée à partir de 199 900 DH. Le groupe Fiat Automobiles Chrysler Maroc a écoulé 11 193 véhicules en 2015. Fiat occupe ainsi la 4e place du podium.

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TÉLÉPHONIE

YEZZ débarque au Maroc

Après s’être imposée en Amérique Latine et en Europe, la marque américaine de téléphonie mobile YEZZ fait une entrée remarquée au Maroc grâce au ANDY 5 EI, smartphone 5 pouces le plus accessible de sa catégorie (il coûte moins de 800 DH). C’est Burintel qui a été choisie pour être son distributeur sur le marché national. Doté d’un emplacement pour deux cartes SIM, le YEZZ Andy 5 EI a été élu “Produit de l’année 2016” en France. Solides et fiables, les smartphones YEZZ sont fournis avec une garantie de 2 ans, élément important de différenciation vis-à-vis de la concurrence. YEZZ dispose également, dans chacun des pays d’implantation, d’un SAV pour offrir à ses clients le meilleur service. Ses produits sont commercialisés via le réseau de la grande distribution et par le site Jumia.ma.

CCG

Hausse de l’activité en 2015

L’activité de la Caisse centrale de garantie (CCG) a connu une hausse significative en 2015. Les crédits mobilisés ont ainsi atteint plus de 16 milliards de dirhams, soit une progression annuelle d’environ 23 %. Plus de 5000 entreprises et 25 000 particuliers ont bénéficié des crédits bancaires consentis grâce à l’intervention de la CCG. L’activité dédiée aux entreprises (garantie et cofinancement) a atteint plus de 11 milliards mobilisés en faveur de quelque 5000 TPME. L’activité de cofinancement de projets d’investissement ou de restructuration financière a enregistré pour sa part près de 1,3 milliard de crédits, en hausse de 350 % par rapport à 2014.

Au bonheur des enfants du Centre Fiers et Forts Les enfants du Centre Fiers et Forts ont été récemment conviés au jardin botanique des villas du Domaine Royal Palm pour un moment d’échange, de solidarité et de convivialité. Le Domaine Royal Palm et ses heureux propriétaires de villas ont mis à profit ce moment pour rappeler leur soutien au Centre. Situé dans le village de Tamesloht, ce foyer accueille aujourd’hui une centaine d’enfants défavorisés de 6 à 18 ans. Soins esthétiques: CHI apporte une bouffée d’oxygène CHI, l’enseigne de soins esthétiques établie depuis quatre ans à Rabat et Marrakech, vient d’introduire pour la première fois au Maroc le concept de traitements esthétiques exploitant le pouvoir vivifiant de l’oxygène pur: le Cube 02+. Cette nouvelle technologie remarquablement efficace, notamment en matière de régénération des cellules, a déjà été adoptée par les plus beaux palaces et par des cliniques.

GRANDS TAXIS

L’engouement pour le Nissan NV200

Nissan renforce sa notoriété au Maroc à travers son modèle NV200, devenu l’un des taxis les plus vendus du pays: 650 unités écoulées en huit mois, soit 17 % des ventes de grands taxis. “Le modèle NV200 a apporté des idées nouvelles à un marché qui existe depuis plusieurs années. Il met en avant notre approche pratique de préservation de l’environnement à travers des émissions de CO2 largement inférieures à celles des anciens modèles de taxi.” Déjà présent dans plusieurs grandes villes du royaume, le NV200 sera bientôt visible dans les rues de Casablanca, Rabat, Kénitra, Oujda et Salé. En plus de ses nombreuses fonctionnalités (habitacle spacieux, grand coffre…), il séduit par son moteur diesel 1,5 litre très économique. Pour rappel, la part de marché globale de Nissan au Maroc s’est établie à 4,2 % en 2015, contre 2 % en 2014.

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ZAKARIA BOUALEM PAR RÉDA ALLALI

@zboualem

NOM BOUALEM PRÉNOM ZAKARIA DATE DE NAISSANCE 1976 LIEU GUERCIF SIGNE PARTICULIER MAROCAIN À TENDANCE PARANOÏAQUE

ZAKARIA BOUALEM TROUVE CETTE IDÉE DE DÉCHÉANCE DE NATIONALITÉ TRÈS DÉSAGRÉABLE, VOIRE VEXANTE Bienvenue à vous, les amis, prenez place et n’hésitez pas à enlever vos chaussures, il n’y a aucune raison de tenter de maintenir un standing désuet alors que tout part de travers autour de nous. Détendez-vous, Zakaria Boualem va s’occuper de vous, du moins il va essayer. Le bougre est un peu perdu. Il vient de se farcir deux heures de débat sur une chaîne française, et est sur le point de se mettre à avaler des cailloux pour en finir plus vite. Rappelons qu’un débat français, c’est une poignée de gens autour d’une table qui produisent des phrases de bonne qualité, l’air pénétré de leur propre importance, et qui s’écharpent autour de la laïcité –forcément- en poussant des petits cris si on leur coupe la parole. Rappelons dans la foulée que la laïcité, c’est un truc un peu flou qui sert à cacher les musulmans sous un monceau de lois et quelques principes très flexibles. N’essayez pas d’en savoir plus, c’est tout simplement incompréhensible. Donc le Boualem, coincé chez des amis, a dû suivre un de ces débats pénibles. Il va vous dire ce qu’il en a retenu. La France souhaite déchoir de leur nationalité les binationaux qui commettraient des actes de terrorisme. Plus clairement, un extrémiste écolo franco-suédois qui déciderait de faire sauter le métro parisien perdrait aussitôt son passeport français. Oui, ça à l’air un peu bizarre, il doit y avoir un problème avec l’exemple. Prenons-en un plus clair: un Franco-marocain qui déciderait de rallier les spectaculaires illuminés du levant deviendrait, par la grâce de cette loi, exclusivement marocain. Le bonhomme, qui n’a jamais mis les pieds chez nous, débarquerait donc pendant ses prochaines vacances en provenance de Syrie, les poches pleines de piastres durement acquises, pour se détendre un peu, après tout ce stress. Il ne pourrait plus aller en France sans demander de visa, le pauvre. Il se retrouverait privé de son droit à écouter Johnny Halliday chanter Charlie sur la place de la Bastille. Il est fort possible qu’il puisse avoir du mal à s’en remettre. Zakaria Boua56 TELQUEL N°701 DU 22 AU 28 JANVIER 2016

lem trouve cette idée de déchéance de nationalité très désagréable, voire vexante, et il va vous dire pourquoi. Il se trouve que nous disposons nous-mêmes d’un beau réservoir d’illuminés belliqueux. Il est donc inutile de nous en proposer de nouveaux. Zakaria Boualem, qu’on ne saurait pourtant suspecter d’indulgence vis-à-vis des dirigeants du Maroc Moderne, a du mal à leur coller une responsabilité quelconque dans la production de terroristes dans les banlieues européennes. Donc chacun se débrouille avec les siens, et merci.

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Il y a un côté vexant dans cette affaire. Voici comment Zakaria Boualem voit les choses. Un Francomarocain est un terroriste, et soudain il devient marocain. Du coup, son statut de terroriste semble acceptable, puisqu’il n’est plus français. Ça sous-entend que son côté terroriste est forcément le marocain, en fait. C’est une humiliation insupportable.

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Alors que la planète réclame plus de solidarité entre les États pour se débarrasser de cette insupportable mode terroriste, la France, très classe, nous explique que sa solution consiste à les déchoir de leur nationalité. Imaginez un peu. Vous avez une brebis galeuse dans la famille, elle vous colle la honte. Vous la supprimez de votre livret de famille en arrachant la page, et vous partez en sifflotant, l’air guilleret, comme si vous n’étiez plus concerné. Il y a un côté un peu surréaliste, presque marocain en fait, dans cette technique de résolution des problèmes.

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Cette loi ne sert à rien, à part produire des débats affreux. Voilà, c’était la page politique internationale de Zakaria Boualem, il doit bien vous avouer qu’il n’est pas totalement convaincu qu’elle soit pertinente. Mais, encore une fois, il ne voit pas au nom de quoi il devrait lutter pour maintenir un certain standing au moment où tout part de travers autour de lui, et merci.

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TA VIE EN L’AIR Cette semaine, notre chroniqueuse Fatym Layachi est en deuil.

Fatym

Layachi

Ils ont tué Leila “Ils ont tué Leila. Les monstres ont tiré sur Leila. Ils ont tiré aveuglément sur celle qui avait les yeux grands ouverts. Elle est tombée en martyre. Elle est devenue icône. Je pleure mon amie qui m'a appris le courage de se battre pour ses rêves.”

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