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BARBARA KRUGER LES FEMMES FONT BOUGER L’ART ET LES MENTALITÉS TASCHEN





Claire Pinot

BARBARA KRUGER LES FEMMES FONT BOUGER L’ART ET LES MENTALITÉS

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« IT’S GOOD TO KEEP IN MIND THAT PROMINENCE IS ALWAYS A MIX OF HARD WORK, ELOQUENCE IN YOUR PRACTICE, GOOD TIMING AND FORTUITOUS SOCIAL RELATIONS. EVERYTHING CAN’T BE PERSONALIZED. » « Il est bon de garder à l’esprit que la proéminence est toujours un mélange de travail acharné, d’éloquence dans votre pratique, de bon timing et de relations sociales fortuites. Tout ne peut pas être personnalisé. » BARBARA KRUGER


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TABLE DES MATIÈRES BIOGRAPHIE

p. 11

PRATIQUES ET TRAVAUX

p. 15

CHOIX D’UNE OEUVRE

p. 33

ANALYSE D’UN TRAVAIL

p. 37

RÉFLEXION

p. 49


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Sans titre, 1991 Barbara Kruger Installation New-York, exposition Mary Boone Gallery.


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BIOGRAPHIE


1945

Naissance de Barbara Kruger, dans une banlieue du New Jersey nommée Newark. Sa mère était secrétaire juridique et son père, un technicien en chimie. Enfant unique, elle a suivie une éducation typique de la classe moyenne.

1964

À 19 ans, elle décide d’étudier l’art et entre à l’université de Syracuse, en Italie.

1965 12

Elle intègre la «Parsons school of design» à New York. Elle y rencontrera le photographe Diane Arbus ainsi que le dessinateur publicitaire Marvin Israel.

1966

Elle travaille comme graphiste à la Condé Nast Publications.

1968

Elle oeuvre en tant que designer graphique, directrice artistique et iconographe pour les départements artistiques de Maison et Jardin, Aperture et d’autres magazines.

1960

Elle s’intéresse également à la poésie, passe d’une pratique de la sculpture « molle » (à base de tissus), à celle de la peinture, puis de la photographie.

1970

Barbara Kruger trouve ce qui deviendra son style et sa marque.

1973

Elle fait partie de la Biennale du Whitney.

1976

Kruger abandonne la création artistique, déménage à Berkeley, en Californie, et enseigne à l’Université de Californie pendant quatre ans.

1977

Elle reprend la photographie avec une série en noir et blanc. Kruger travaille avec ses propres photographies d’architecture.

1979

Elle créé sa première œuvre, Sex / Lure. Barbara Kruger publie un livre d’artiste «L’image / Lectures».


1982

Elle représente les États-Unis à la Biennale de Venise.

1984

Barbara Kruger conçoit une autre œuvre majeur, You are not Yourself.

1987

Elle fait sa première exposition personnelle à la Galerie Mary Boone de New York.

1989 13

Autre œuvre importante, Your body is a battleground.

1990

Barbara Kruger réalise sa première installation en s’appropriant totalement l’espace de sa galerie new-yorkaise, Justice.

1999

Elle expose au Musée d’Art Contemporain de Los Angeles.

2000

Elle expose au Whitney Museum of American Art à New York.

2002

Elle expose au Palazzo delle Papesse et au Centre d’Art Contemporain de Sienne.

2005

Elle expose au Musée d’Art Contemporain de San Diego, en Californie. Elle est aussi récompensée à la 51e Biennale de Venise avec le «Golden Lion» pour l’ensemble des réalisations.

2007

Dernières œuvres de Barbara Kruger, Face It (Cyan), Face It (Green), Face It (Magenta), Face It (Yellow). Elle participe à la Biennale Incheon, sur le thèmes des femmes artistes en Corée du Sud à Séoul.

2008

Elle expose au Moderna Museet à Stockholm.



PRATIQUES ET TRAVAUX


« WOMEN'S ART, POLITICAL ART THOSE CATEGORISATIONS PERPETUATE A CERTAIN KIND OF MARGINALITY WHICH I'M RESISTANT TO. BUT I ABSOLUTELY DEFINE MYSELF AS A FEMINIST. » « L’art des femmes, l’art politique - ces catégorisations perpétue une certaine forme de marginalité pour laquelle je résiste. Mais je me définis comme un féministe absolument. » BARBARA KRUGER


QUE FAIT BARBARA KRUGER ?

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Barbara Kruger a créé de nombreuses oeuvres, dont plusieurs sont des photomontages et d’autres, des oeuvres in-situ, installées dans des espaces publics. Voici trois d’entre elles, qui m’ont paru intéressantes. La première est You Are Not Yourself, datant de 1984. Cette œuvre de Barbara Kruger reflète bien l’état d’esprit de son travail. Il s’agit d’un collage d’une image publicitaire que l’artiste a récupérée dans un magazine féminin pour la modifier. L’image, représentant un visage féminin est ainsi déchirée, puis rassemblée de façon à étaler le visage, le défigurer... L’image donne ainsi l’impression d’un reflet dans un miroir brisé. À cette image, Barbara Kruger ajoute un message, en lettres noires.

Don’t be a jerk, 1984 Barbara kruger Sérigraphie 250 X 388,5 cm


Your body is a battleground, 1989 Barbara Kruger Montage photographique Sérigraphie sur vinyle 183 x183 cm The Broad Art Foudation, Santa Monica, Californie, États-Unis

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« DO YOU KNOW WHY LANGUAGE MANIFESTS ITSELF THE WAY IT DOES IN MY WORK ? IT'S BECAUSE I UNDERSTAND SHORT ATTENTION SPANS. »


19 « Savez-vous pourquoi le langage se manifeste comme il le fait dans mon travail? C’est parce que je comprends sa capacité d’attention. » BARBARA KRUGER

Elle dénonce l’image que la publicité et la société nous renvoient de nous-mêmes, et le désir qu’elle produit de vouloir ressembler à des « modèles » préconçus, qui font de nous des clones, et créer ainsi une perte de l’identité individuelle au profit d’une identité de masse, source de mal-être. La seconde oeuvre s’intitule I Shop Therefore I Am, et est produite en 1987. I shop therefore I am est une oeuvre qui empreinte les codes d’une affiche publicitaire, de forme carrée. La photographie en noir et blanc est encadré d’un liseré rouge. On y voit une main tenant une carte de visite rouge rectangulaire, sur laquelle on peut voir inscrit un slogan en lettres blanches : I shop therefore I am (J’achète donc je suis). Elle détourne ainsi la célèbre formule philosophique française d’un philosophe du XVIIe siècle, René Descartes : « Je pense donc je suis ». Si pour Descartes, c’est le fait de penser qui nous fait prendre conscience de notre existence, Barbara Kruger semble dire qu’à notre époque de consommation effrénée, c’est notre faculté d’acheter (de consommer) qui nous donne une identité. I Shop Therefore I Am est une critique violente de la société de consommation. Barbara Kruger a donc aussi créé des oeuvres au sein de l’espace public, tel que Imperfect Utopia. C’est un projet en collaboration avec les architectes Smith-Miller et Laurie Hawkinson ; l’artiste Barbara Kruger elle-même et l’architecte paysagiste Nicholas Quennell.


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Il s’agit d’un projet d’un Parc pour le Nouveau Monde, comprenant un « paysage textualisé » et un cinéma en plein air (1987-96). Celui-ci sera construit autour du North Carolina Museum of Art à Raleigh en Caroline du Nord (États-Unis). L’espace architectural se définit ici à partir de la recherche de mots. Ainsi le champ architectural est élargi à la conception paysagère, de l’art et de l’ingénierie et du langage. Imperfect Utopia transforme le langage en événement à inscrire dans le paysage architectural. Barbara Kruger déploya à l’intérieur d’un espace bien défini, celui de l’amphithéâtre et du cinéma en plein air, des courtes phrases émergeant du sol dont les lettres s’articulent comme les pierres d’un édifice : « To be rather than to seem » « être plutôt que paraître » ou encore « Picture this » « Décris cela ». Dans chaque lettre, réalisée en matériaux différents, sont inscrites d’autre phrases et citations, qui interpellent directement le spectateur. Par exemple sur la lettre P, on peut lire : « Pleased to meet you. Please read the writing on the wall. Please don’t let history repeat itself. Please live and let live. Please use only as directed. Please be all that you can be ». On a ici deux registres, celui du message (contenu) et celui de la forme dans l’espace, en particulier son échelle, qui tendent à intégrer le spectateur.


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Imperfect Utopia, entre 1987 et 1996 Barbara Kruger North Carolina Museum of Art à Raleigh en Caroline du Nord États-Unis


Untitled,1986 Barbara Kruger Mary Boone Gallery

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« I HAD TO FIGURE OUT HOW TO BRING THE WORLD INTO MY WORK. » COMMENT RÉALISE-T-ELLE SES TRAVAUX ?

«  Je devais trouver une façon d’amener le monde dans mon travail.  » BARBARA KRUGER

Au début de sa carrière, Babara Kruger a fait de grandes installations vidéo basées sur des portraits et des personnages parlant en gros plan. Elle a été rendu célèbre, par la suite, grâce à ses photos-montages de photographies de presse en noir et blanc juxtaposées avec des slogans concis et agressifs, rédigés en blanc sur fond rouge, dans des polices telles que futura bold oblique ou helvetica ultra condensé et thera.


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Ce sont des réalisations en grand format accompagné d’un slogan choc, écrit en caractère d’imprimerie. L’utilisation de la couleur est donc en général limitée à une : le rouge et différents nuances telles que le noir, le blanc et des tons de gris. Elle mixe des photographies de sources existantes avec des textes concis et agressifs (slogan marquant). Malgré l’utilisation de médiums différents, de nombreux artistes ont oeuvré pour la même cause que celle de Barbara Kruger. John Heartfield, Jenny Holzer, Joseph Kosuth ou Nauman dénoncent, font prendre conscience, et nous montrent un monde qui nous entoure qui est plus ou moins accueillant. Tous se focalisent sur le quotidien du citoyen, et essaient de lui faire prendre conscience du monde dans lequel il vit grâce aux mots, aux expressions et autres slogans. D’autres, tels que Orlan ou encore Gina Pane font parties du même mouvement de Barbara Kruger. Ce sont des féministes qui dénoncent la place de la femme au sein d’une société où elle reste encore en retrait.


QUELS SONT LES TITRES QU’ELLE UTILISE ?

Your body is a battleground (1989) It’s a small world but not if you have to clean it (1990) Who is bought and sold? (1990) You can’t drag your money into the grave with you (1990) All violence is an illustration of a pathetic stereotype (1991)

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...

À travers chacune de ses œuvres, Barbara Kruger nous invite non seulement à réfléchir à ses œuvres, mais également à prendre position. Le langage qu’elle utilise prend à parti le visiteur de manière très directe. On peut dire qu’elle s’exprime à l’impératif. «Je considère mon travail comme autant de tentatives de détruire certaines représentations et d’introduire une spectatrice féminine au sein d’un public masculin.»


QUELS SONT SES THÈMES, SES SUJETS ? Barbara Kruger est donc considérée comme plasticienne, photographe, vidéaste, graphiste, directrice artistique, éditrice d’image, en somme, une artiste visuelle. Elle est actuellement professeur à l’Université de Californie à Los Angeles. Dans son travail, elle détourne l’image publicitaire sur des sujets de société de consommation. Elle utilise fréquement dans ces œuvres des pronoms, « vous, votre, je, nous, eux ... ». Le pronom « you » renvoie souvent au rapport de force entre homme et femme.

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« LISTEN: OUR CULTURE IS SATURATED WITH IRONY WHETHER WE KNOW IT OR NOT. » « Écouter: notre culture est saturé d’ironie que nous le sachions ou non. » BARBARA KRUGER

Past / present / future, 2010 Barbara Kruger Amsterd’am, Stedelijk Museum


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La violence des images et des propos sont dirigés directement vers le spectateur. Son travail prend pour cible la société de consommation ainsi que des minorités (ethniques et sexuelles), soumise à l’autorité et aux stéréotypes sociaux. Ingrid Pfeiffer a dit : «Elle dit qu’il est dangereux de lutter contre les stéréotypes, car nous en créons nous-mêmes de nouveaux. En voulant jouer l’individualité, en voulant être différents, nous créons de nouveaux stéréotypes.». De même, Max Hollein a dit à son sujet : «La publicité travaille sur des affirmations, alors que Barbara Kruger préfère

poser des questions. Elle tente de créer une voie à travers le méli-mélo d’informations grâce à un langage très précis et je crois qu’elle y parvient plutôt bien.»

Past / present / future, 2010 Barbara Kruger Amsterd’am, Stedelijk Museum


QUEL EST SON RAPPORT À L’ÉCRITURE ? Barbara Kruger a écrit au moins cinq livres dans lesquels elle expose ses théories vis à vis de la société de consammation, les habitudes de vie des consammateurs justement, et toute une réflexion par rapport à la culture et à l’évolution de celle-ci, notament le regard des gens au regard d’eux même. Voici une liste de différents ouvrages qu’elle a pû écrire, et d’autres ont écrit sur elle : > Barbara Kruger 7 Janvier to 28 Janvier 1989 par Barbara Kruger, Mary Boone Gallery, 1989 > Barbara Kruger: 5 Janvier to 26 Janvier 1991, par Barbara Kruger, 1991 > Télécommande: Alimentation, cultures, et le monde des apparences par Barbara Kruger, 1994 > Love for Sale, par Kate Linker 1996 > Refaire l’histoire (discussions dans la culture contemporaine, n ° 4) de Barbara Kruger, 1998 > Thinking of You, 1999 (Musée d’Art Contemporain de Los Angeles) > Barbara Kruger, par Angela Vettese 2002 > Money Talks par Barbara Kruger et Lisa Phillips, 2005 > Barbara Kruger par Barbara Kruger, Rizzoli 2010

« I HAVE NO ANSWERS, I'M JUST INTERESTED IN THE ISSUES. » « Je n’ai pas de réponses, je m’intéresse simplement aux questions.  » BARBARA KRUGER


Past / present / future 2010 Barbara Kruger Amsterd’am, Stedelijk Museum

QUELS SONT SES RÉFÉRENTS ? Pour créer toutes ses oeuvres, Barbara Kruger a eu plusieurs référents et s’est inspirée de différents artistes afin d’avoir sa propre originalité, sa propre «marque». On peut rapprocher ses photomontages à l’AgitProp révolutionnaire, ou aux montages photographiques anti-hitlériens de John Heartfield. Ses influences sont variées : John Heartfield justement (Dadaïste, précurseur du photomontage), les photomontages des constructivistes El Lissitzky ou encore l’utilisation du rouge et du noir dans les oeuvres d’Alexandre Rodchenko. Elle fait aussi référence aux mouvements d’émancipation des femmes des années 70, ainsi qu’aux discours de contestation des années 80 et 90. Elle fait partie d’une catégorie d’artistes que l’on nomme « artistes politiques » dans le milieu des années 1980, marqué par l’industrie culturelle. Elle dit de sa démarche artistique : « Non, je ne fais pas de politique à proprement parler, je questionne le langage dans toutes ses situations … J’essaie surtout d’introduire le doute dans l’esprit du spectateur, et je lutte contre les certitudes établies telles que j’ai raison et toi t’as tort, OK ? ». Certains artistes reflètent les grands sujets du moment, comme la violence pour Adel Abdessemed, la situation des chômeurs avec Mohamed Bourouissa ou encore des Roms pour Bertille Bak. Il y a aussi Jenny Holzer qui travaille par séries. Elle aborde les thèmes du sexe, de la mort ou de la guerre. Elle comme Barbara Kruger, créent des œuvres violentes, qui se traduisent par des proverbes ou bien par des récits, mises en place sur différents médiums. Ces artistes sont engagés, mais ils n’ont pas pour autant un profil de militant, contrairement à leurs aînés des années 1960-1970.


Adel Abdessemed

Jenny Holzer

Mohamed Bourouissa

En se confrontant à la réalité, en direct ou par écran interposé, ils pointent les sujets sensibles, qui, partant du local, atteignent souvent des valeurs universelles et donnent à réfléchir. Mais, plus on se rapproche des zones de conflits, et plus les souffrances se font brûlantes.

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Alexandre Rodchenko

John Heartfield

Bertille Bak

« MY ART FALLS WITHIN THE MOVEMENT, THE SUGGESTION OF QUERY MORE THAN AFFIRMATION. »

« Mon art relève du déplacement, de la suggestion, de l’interrogation plus que de l’affirmation. » BARBARA KRUGER


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Untitled (Not Ugly Enough), 1997 Barbara Kruger Sérigraphie et photographie sur vinyle 109 x 109 cm

Barbara Kruger a une attitude engagée envers des causes telles que la situation des femmes dans le monde, ou encore vis-à-vis de la consommation excessive et de masse. Elle s’inspire donc du réel, elle prend possession des faits qui l’entourent et dont elle est consciente. Elle utilise le graphisme pour dénoncer, montrer et faire réagir. Les images que l’on voit dans ces œuvres représentent fréquemment le corps humain :

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Barbara Kruger envisage le fait que le corps est une marchandise, en associant à la fois l’image et le pouvoir, elle montre à quel point les représentations faites par les médias sont liées au pouvoir qui est exercé sur nous.

« I'M DOING THIS FOR THE VIEWER WHO CAN REFUTE THE «YOU» : ACCEPT OR SAY: THIS IS NOT ME BUT I COULD KNOW. »

« Je fais ceci pour le spectateur qui peut réfuter le ”tu“, l’accepter ou dire : Ce n’est pas moi mais je pourrais le connaître. » BARBARA KRUGER


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Sans titre, 1991 Barbara Kruger Installation New-York, exposition Mary Boone Gallery.


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CHOIX DE L'OEUVRE


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Artiste

Barbara KRUGER, artiste américaine (née en 1945)

Titre

Your body is a battleground (Ton corps est un champ de bataille)

Date

1989

Nature de l’œuvre

Montage photographique

Technique

Sérigraphie sur vinyle

Style

Art Conceptuel, Art Féministe

Dimensions

183 x183 cm

Lieu d’exposition

Lieu d’exposition The Broad Art Foudation, Santa Monica, Californie, États-Unis



ANALYSE


« OUR HISTORY IS THE EVOLUTION OF ONE MAN’S THOUGHTS, TALENTS, AND WORK ETHIC TRANSLATED INTO A COMPANY CULTURE, A DEFINING BUSINESS STRATEGY, A DESTINY. »

« Notre histoire est l’évolution de la pensée d’un homme, les talents et l’éthique de travail traduits dans une culture d’entreprise, une stratégie d’entreprise définissant, un destin. » DAVID OGILVY

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ON Women, 2013 Ogilvy & Mather Campagne publicitaire


TITRE, TECHNIQUE ET CONTEXTE Your body is a battleground est traduit par «ton corps est un champ de bataille». L’artiste Barbara Kruger a composé cette oeuvre en 1989 grâce à la technique de la sérigraphie, elle a choisi comme support le vinyle. Barbara Kruger a toujours porté de l’intéret aux questions politiques de son époque. Avec cette affiche, elle invitait les femmes et les hommes à venir se rassembler pour manifester afin de protéger le droit des femmes vis à vis de l’avortement libre, droit que l’administration Bush de l’époque cherchait à leur enlever.

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Le texte le plus en évidence dit : « Votre corps / est un / champ de bataille ». Une fois l’événement terminé, sur l’œuvre que l’on connaît aujourd’hui, seul ce texte sera conservé. Les autres cartouches, plus petits, indiquent le lieu et la date du rassemblement (Washington, le 9 avril 1989), ainsi que les raisons de cette mobilisation : « soutenir l’avortement légal, le contrôle des naissances et les droits des femmes ». Enfin, un cartouche noir tout en bas précise avec plus de détails les causes et les objectifs de cette manifestation. Au delà de l’oeuvre d’art, il n’en reste pas moins une affiche de rassemblement avec un message invitant hommes et femmes à manifester pour les droits de la femme. La campagne publicitaire de 2013, pour l’organisation ON Women (l’organisation des Nations Unies consacrée à l’égalité des sexes et la défense des droits des femmes dans le monde entier) créées par l’agence Ogilvy & Mather, dénonce le même problème, elle invite les femmes à sortir de leurs principes et à montrer qu’elles existent, dans des pays où, par exemple, la dictature leur ordonne ce qu’elles doivent faire où non. La publicité vient appuyer ces propos et incitent les femmes à se révolter, à lutter pour leurs idées.


JR

« FAIRE VOYAGER LEUR HISTOIRE. » JR COMPOSITION

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Dans la sérigraphie de Barbara Kruger, l’image se compose de barres de texte blanc sur fond rouge (sorte de cri de guerre écrit en gros, accompagné d’informations pratiques en caractères plus petits), le tout «collé» comme de la peinture de guerre sur le fond. En comparaison à son travail, JR, un artiste de rue français, peind lui aussi ses oeuvres sur les murs de différentes villes du monde : La Havane, Paris, Rio de Janeiro, en dénonçant là encore, le droit des femmes, le droit de hommes en général, notamment lors du conflit Israëlo-Palestinien par exemple. Il prend comme sujet, des évênements qui se déroulent autour de lui pour en créer son oeuvre, sa propre vision de monde.


IMAGE DE FOND

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Revenons à la sérigraphie de Barbara Kruger. Le fond de son œuvre, est une photographie frontale du visage soyeux d’un modèle féminin divisée en deux: de gauche à droite, l’image s’inverse de positif à négatif. Ici, Barbara Kruger critique objectivement les standards appliqués

à la beauté féminine et perpétue le paradoxe des médias et la publicité. De plus, les trois bandes limitées par le slogan «Your body is a battleground» coupe le visage de haut en bas. Le texte semble avoir été construit ainsi pour «museler» l’espace de l’image, pour en entraver la liberté plastique, pour ainsi dire lui assigner un statut se-

condaire. Une sorte de mise en abîme du propos : à savoir que les femmes sont reléguées au second plan, que les mots qu’elles emploient ne peuvent être que ceux qu’on leur assigne dans la culture de masse, et qui apparaissent au final comme autant de barreaux de cage.

Untitled (You Can’t Drag Your Money Into The Grave With You), 1990 Barbara Kruger Sérigraphie et photographie sur vinyle 276,9 x 377,8 cm


LA SÉRIGRAPHIE

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Procédé de la sérigraphie est une technique d’impression qui utilise des pochoirs calés entre de l’encre et un support (papier, vinyle, tissu, carton, ...). Elle permet la répétition et la démultiplication à grand nombre. Kruger l’a beaucoup utilisé dans ses œuvres. Cela peut faire écho au travail d’Andy Warhol, pendant sa période du Pop Art. Abréviation du terme anglais Popular Art, ce mouvement est le retour à la figuration, notamment dans la publicité, sur les affiches, les bandes dessinées et les représentations populaires. Les reproductions mécaniques et le multiple sont très employés. Le Pop Art questionne aussi la consommation de masse de façon agressive. Dans le travail de Barbara Kruger, «Your body is a battleground», l’utilisation de la sérigraphie lui permet d’aller à contre pied de la technique. En effet, la sérigraphie permet l’impression en série du travail choisi. Ici, Barbara Kruger n’imprimera qu’en un seul exemplaire son œuvre. Elle montre, en allant à l’encontre de cette technique que l’art n’est pas que commercial, que le message qu’elle veut faire passer n’a pas besoin d’être édité en plusieurs exemplaires. Le message est fort et compréhensible, ce qui explique le fait que l’œuvre n’existe qu’en une seule fois.

« I LIKE THE TIRESOME THINGS. I LIKE THINGS TO BE EXACTLY THE SAME AGAIN AND AGAIN. » « J’aime les choses barbantes. J’aime que les choses soient exactement pareilles encore et encore. » ANDY WARHOL


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Marilyn Monroe, 1967 Andy Warhol SĂŠrigraphie 91,5 x 91,5 cm chaque visuel


LA PHOTOGRAPHIE

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La photographie utilisée pour «Your body is a battleground», renvoie à la photographie de mode, photographie frontale d’un modèle féminin. Nous sommes en plein dans le postmoderniste, entre 1970 et 1990, situé après le Moderniste mais avant l’Avant-Gardisme. Le Postmodernisme se veut être une réinterprétation du modernisme. Les artistes de ce courant se réfugient dans la photographie pour travailler les notions de représentation. Ils recherchent l’originalité et veulent créer de nouvelles formes inédites, insolites, en réutilisant des formes préexistantes. Dès le début de la photographie, un questionnement s’est posé entre la peinture et la photographie. La peinture montre ce que l’œil du peintre voit et la photographie témoigne exactement ce qu’elle voit elle-même. Mais on s’est aperçu que la photographie pouvait aussi tricher. Le Postmodernisme cherche d’abord la créativité du photographe au delà de ce que l’appareil photographique prend comme cliché. C’est ce que l’auteur apporte sur l’image qui est plus importante que l’image elle-même. Il prône

l’éclectisme, le mélange, le flou, l’imprécis, le faux, et l’à-peu-près. Ce qui peut montrer que cette photographie appartient au courant du Postmodernisme est, entre autre, le fait qu’elle soit entourée d’un cadre rouge. Pour ce courant, un des but principal est la réorientation de la lecture de l’œuvre en direction du système d’encadrement. On le retrouve parfaitement dans le travail de Barbara Kruger, «Your body is a battleground», mais pas que celle-là. Ce cadre permet au spectateur de cibler son regard, pour qu’il se porte directement en direction des cartouches. Tout un schéma visuel est créé au sein de la photographie. Comme l’a écrit Alberti, «la peinture est pour moi une fenêtre ouverte par laquelle on puisse regarder l’histoire». Ici, le cadre rouge pourrait être assimilé à la fenêtre, tandis que l’histoire serait elle représentée par l’image, qui incite les femmes à se révolter pour garder leurs droits.


LE NÉGATIF ET LE POSITIF

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Alors que le daguerréotype, créé par Daguerre en 1835, commence à peine à se répandre, d’autres techniques voient le jour. Le «calotype» de l’Anglais Talbot, créé en 1841, procédé négatif-positif sur papier, permet un grand progrès. Ce procédé consiste à recouvrir de grains d’argent la feuille. Ces derniers noircissent à la lumière, ce qui produit une image en négatif. Les parties claires de la feuille deviennent sombres et inversement. Une autre feuille, exposée au contact de ce cliché devient la photographie final, la «positive». Cette technique donne naissance à de multiples tirages. Barbara Kruger s’est réinterprétée cette technique pour son œuvre. Sur l’image la moitié du visage est en positif alors que l’autre est en négatif. Malgré cela, l’œuvre n’a été tiré qu’en un seul exemplaire. Là peut-être le message. Alors que la technique du positif/négatif permet le tirage d’une œuvre en plusieurs fois, ici, Barbara Kruger ne l’a utilisée qu’une fois.

Daguerréotype, 21835 Daguerre


« Notre capacité d’émerveillement est le cadeau de notre attention. » JULIA MARGARET CAMERON

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« OUR SENSE OF WONDER IS THE GIFT OF OUR ATTENTION. »

Elle montre qu’il n’y a pas besoin de la reproduction de multiples exemplaires d’une pièce pour y entrevoir un message. Il vaut mieux avoir une seule image dont le message est clair que plusieurs, qui finirait par endormir et perturber le spectateur. L’image utilisée par Kruger peut aussi être mise en relation avec le travail de Julia Margaret Cameron. Avec sa photographie intitulée, «I wait», elle a créé, bien avant que Kruger ne s’en serve, cet effet positif/négatif sur son cliché. Ces images, à la fois photos souvenirs mais aussi figures allégoriques, restent souvent dans l’interprétation, ce que, justement, veut montrer la photographe. Elle souhaite montrer une beauté «intemporelle». Cette photographie, justement, l’illustre très bien. I Wait, 1872 Julia Margaret Cameron Modèle de la photographie Rachel Gurney 327 x 254mm


FORMAT DE L’ŒUVRE

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L’œuvre de Barbara Kruger, «Your body is a battleground» a pour forme un carré, 183cm sur 183cm. Le carré est l’un des quatre symboles les plus universels avec le cercle, le centre et la croix. Le format carré renvoie à l’utilisation de la photographie avec le polarïod, qui insinue une force de concentration et qui resserre la narration, mais il fait aussi pensé au moment instantané. Ici il peut représenter ce qui est construit par l’homme et non pas par la nature. En effet, le but de l’affiche est bien de rassembler des personnes qui se battent pour une même idée. Le sujet premier touché par ce discours est bien l’homme en général.


« I JUST SAY I'M AN ARTIST WHO WORKS WITH PICTURES AND WORDS. »

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The Globe Shrinks, 2010 Barbara Kruger Installation vidéo Durée 13 min


« J’ai juste dit que je suis une artiste qui travaille avec les images et les mots. » BARBARA KRUGER

LE THÈME

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Dans le texte s’établit le parallèle entre, d’une part, une bataille et un lieu stratégique à conquérir (« un champ de bataille ») et, d’autre part, la femme et le droit de disposer libremen t de son co r p s (« votre corps »). Quant à l’image, le négatif et le cliché partiellement développés peuvent signifier que la femme n’assume pas encore

totalement son destin, qu’elle n’est que partiellement maîtresse de ses actes puisqu’elle dépend encore du bon vouloir d’une sorte de patriarcat, symbolisé dans cet épisode de la guerre des sexes par George Bush et son administration.


LA TYPOGRAPHIE La typographie qu’elle a utilisé pour cette oeuvre n’est autre que de la Futura Extrabold pour les titres, et une Furuta regular pour le texte. Cette police de caractères linéale géométrique a été conçue par Paul Renner entre 1924 et 1927 et appartient donc à la catégorie des linéales.

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La Futura, typographie sans-serif, a la particularité d’être parfaitement régulière, avec des courbes de Bézier simplissimes et l’absence totale de fantaisie, elle reste donc sobre sans être austère. Paul Renner est fortement influencé par le style Bauhaus à l’époque de la construction de sa typographie. C’est pour cela que l’on retrouve ces formes géométriques. Renner a exprimé son point de vue de la création de caractères en 1947: «la typographie révèle non seulement le caractère de celui qui l’a conçu. Elle révèle également le caractère des personnes qui l’utilisent, tout comme l’écriture de l’individu.». Barbara Kruger a fait le choix de cette typographie pour son esthétique et pour sa lisibilité. C’est un caractère stable, qui attire l’attention et qui quelque part, fascine. Elle voulait qu’il soit imposant et qu’on le remarque. D’où l’utilisation de la capitale pour les titres.

« I'M TRYING TO DEAL WITH IDEAS ABOUT HISTORIES, FAME, HEARSAY, AND HOW PUBLIC IDENTITIES ARE CONSTRUCTED. » « J’essaie de traiter avec des idées au sujet de l’histoire, la célébrité, par ouï-dire, et comment les identités publiques sont construites. » BARBARA KRUGER


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Circus, 2011 Barbara Kruger Installation Le Schirn Kunsthalle Frankfurt Allemagne


LA COULEUR

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Enfin, l’utilisation de la couleur que fait Barbara Kruger avec du rouge, du noir, du blanc et des valeurs de gris n’est pas anodine. Deux valeurs et une couleur qui symbolisent la violence, le coup de trop, la rébélition, et tout le vocable que l’on peut y attribuer. Le rouge signale le danger, il cherche à intimider, à faire réagir. Le photomontage de Chris Jordan intitulé «Barbie Dolls», de1989, vient appuyer ce propos, car avec cette oeuvre, l’artiste plasticien dénonce lui aussi le danger, et cherche à faire réagir la population, c’est un artiste engagé. «Barbie Dolls» illustre cette statistique : chaque mois, 32 000 opérations chirurgicales (implants mamaires), sont faites aux USA. Il a donc constitué son oeuvre avec 32 000 poupées barbies qui sont rassemblées pour former le buste d’une femme. Ces poupées représentent la femme au corps parfait, mais ces poupées sont aussi des objets de consommation de masse très courants (peu de petite fille n’en ont pas). Il dénonce ainsi la normalisation des corps imposés par la société de consommation et la culture du paraître qui prime sur les autres aspects de l’être humain.

« I WANT PEOPLE TO REALIZE THAT THEY MATTER. » « Je veux que les gens se rendent compte qu’ils sont importants. » CHRIS JORDAN


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Running the Numbers: An American Self-Portrait, Barbie Dolls, 2006 Chris Jordan 60 x 80 cm État-Unis


CONCLUSION

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Tout le travail de Barbara Kruger vis à vis de son œuvre «Your body is a battleground», est calculé pour faire passer un message, celui d’être libre d’être justement ce que vous souhaitez. Tout semble être construit de façon à guider le spectateur dans la lecture du message, à lui faire comprendre que ce n’est pas seulement une affiche, mais que ça vie peut être celle que raconte Kruger à travers la photographie et le texte qu’elle a choisi. Cette œuvre, au delà de faire passer des informations sur un rassemblement pour les droits de la femme, veut montrer aux spectateurs que toute la population peut être visée.


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Il ne s’agit pas seulement de la femme, mais peut-être bien de la situation des personnes en général. Elle voudrait, je pense, que chaque individu se remette en question, prenne du recul sur ce qui l’entoure et sur les lois qui régissent son quotidien. Barbara Kruger ne créée pas seulement de l’image, et souhaite aussi changer les choses, aborder notre façon de vivre et de consommer d’une manière plus juste, qui respecterait chaque être humain.


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Sans titre, 1991 Barbara Kruger Installation New-York, exposition Mary Boone Gallery.


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DISSERTATION


Même si certains peuvent contester les messages idéologiques derrière le travail de Barbara Kruger dans les années 1980, celui-ci a apporté un changement dans la société. Elle critique tout ce qui ne va pas avec la société stéréotypée en utilisant une approche conceptuelle de ses œuvres. Kruger conteste les 58

genres, le sexe, la religion, le consumérisme, la cupidité, le pouvoir et son travail sera alimenté par les médias de masse. En travaillant pour des magazines, elle a pu voir comment les mots et les photos pouvaient avoir un certain pouvoir vis à vis des consommateurs. Grâce à son travail, les mentalités ont évoluées,

notamment par rapport à des sujets sensibles. La question que l’on pourrait se poser serait comment une œuvre d’art permet de changer les mentalités, de faire évoluer les caractères, particulièrement dans une société stigmatisée, et fermée face aux changements ?

« L’ART NE EST PAS DESTINÉ À CHANGER LE MONDE, MAIS QUAND VOUS VOYEZ DES GENS INTERAGIR, QUAND VOUS VOYEZ UN IMPACT SUR LEUR VIE, ALORS JE SUPPOSE QUE D’UNE MANIÈRE PLUS PETITE, C’EST EN TRAIN DE CHANGER LE MONDE. DONC, C’EST CE QUE JE CROIS. C’EST POURQUOI JE SUIS DANS LA CRÉATION D’INTERACTIONS DE PLUS EN PLUS. » JR


L’IMPORTANCE DE L’EMPLACEMENT DE L’ŒUVRE

Il y aurait tout d’abord l’endroit où est située l’œuvre car ce lieu est signe de beaucoup d’informations, par rapport à la compréhension de l’œuvre et le message qu’elle en dégage. Il y a les œuvres créées en extérieur et qui sont visibles qu’en extérieur justement. Au delà de pouvoir faire des œuvres aux dimensions vertigineuses, exposer en «pleine nature» à bien d’autres avantages. JR, artiste de rue français d’origine tunisienne, a beaucoup travaillé avec ce type de médium, c’est à dire dans les rues, sur des murs, des façades de bidonvilles, mais aussi sur des bateaux trans-

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portant des cargaisons de gros conteneurs. En 2007, il a lancé Women are Heroes pour rendre hommage à celles qui jouent un rôle essentiel dans la société mais qui sont les premières victimes de la guerre, de crimes, viols ou fanatisme religieux. Des portraits et regards de femmes ont été collés sur un train au Kenya, dans une favela au Brésil, une maison détruite au Cambodge... Ces femmes ont fait confiance à JR, avec la seule promesse de faire voyager «leur histoire». JR l’a fait, des ponts de Paris aux murs de Phnom Penh, jusqu’aux gratte-ciels de New York. Grâce à ses œuvres, et à une dimension qui dépasse les frontières, il fait passer un message que tout le monde peut voir, c’est un message qui devient universel, touchant toutes les populations. Pas de discriminations, toute personne peut être touchée par son travail et se sentir concernée par le message qu’il en dégage.

Women are Heroes, 2008 JR Portraits de femmes sur les bidonvilles de Rio de Janeiro


« I HAVE TO KNOW ALL THE DEPTHS OF LIFE. THAT’S WHY I MADE A COMMITMENT FOR THE WAR. » « Je dois connaître toutes les profondeurs de la vie. C’est pour cela que je me suis engagé pour la guerre. »

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OTTO DIX

Ensuite, il y aurait les œuvres que l’on ne retrouve que dans les musées. L’exposition dans les musées a justement un côté plus conventionnel, avec des règles et un protocole à suivre. On se tourne peut être davantage sur la mise en forme de l’œuvre plutôt que sur l’œuvre elle-même. Dans un musée, le bruit est inexistant, si ce n’est le son des pas. Alors qu’en extérieur, il y a toute une ambiance autour de l’œuvre, le bruit, le temps (horaire ou météorologique), l’environnement aux alentours .. Tous ces critères viennent appuyer le discours de l’artiste. Prenons comme exemple le Louvre, à Paris, toutes les œuvres que l’on peut y voir sont pour la majorité sous vitrines ou alors entourées d’une ruban qui nous interdit d’y toucher. Tout cela créé une sorte de barrière entre le spectateur et l’œuvre. Elle parait trop protégée, et surtout hors d’atteinte. Le message qu’elle dégage est abîmé, bafoué. De plus, les musées sont réservés à une certaine élite, ce qui restreint le nombre d’admirateurs et donc le nombre de personne à recevoir le message.


FAIRE ÉVOLUER LES MENTALITÉS AVEC DES ŒUVRES ENGAGÉES

Tout au long de l’Histoire de L’art, les artistes, quels qu’ils soient, se sont battus pour faire évoluer les mentalités, avec des œuvres que l’on peut qualifier d’engagées, c’est à dire avec un vrai parti pris, qui s’inspire et qui dénonce la politique, la consommation, l’histoire en général et autres phénomènes dans l’époque dans laquelle ils vivaient. Otto Dix, peintre allemand, avec sa toile Der krieg, qui signifie La guerre, peut être qualifié d’œuvre engagée car il montre très clairement son dégoût de la

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Der Krieg, 1929-1932 Otto Dix Tempera sur bois Huile sur bois 204 x 204 cm pour le panneau central 204 x 102 cm pour les panneaux latéraux 60 x 204 cm pour la prédelle. Galerie Neue Meister, Dresde.


« THE PURPOSE OF ART IS WASHING THE DUST OF DAILY LIFE OFF OUR SOULS. » « Le but de l’art est de laver la poussière de la vie quotidienne au large de nos âmes. » PABLO PICASSO

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guerre car lui même la vécue. Il souhaite, grâce à l’art, témoigner de la souffrance mais aussi de la brutalité et de la violence sans précédent de la Première Guerre Mondiale. Otto Dix, pacifiste, exprime ses sentiments de révolte face à l’horreur de la guerre. Son œuvre met aussi en évidence le caractère traumatisant d’une guerre totale et industrielle qui tue en masse et enlève aux combattants leur part d’humanité. À travers son travail, il veut nous convaincre, nous spectateurs, de l’horreur et de la bêtise de la guerre. C’est certainement pour cela qu’il se représente en sauveur : il est celui qui nous met en garde contre la guerre et ses atrocités.

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L’œuvre de Picasso, Guernica s’inscrit dans le même registre. Elle a été réalisée en 1937, en réaction au bombardement de la ville de Guernica par les partisans du général Franco (opposants au régime républicain légitime), lors de la guerre civile espagnole (juillet 1936 - avril 1939). Picasso, horrifié par l’événement, se met immédiatement à la réalisation

Guernica, 1937 Picasso Huile sur toile 349,31 × 776,61 cm Musée Reina Sofía, Madrid


de son œuvre. Durant deux mois il va travailler activement, et faire une centaine d’ébauches et d’esquisses avant d’achever le tableau. Il s’agit d’une œuvre d’art engagée, d’une œuvre d’art politique. Même si un événement précis est à l’origine du tableau, Guernica évoque toutes les guerres, passées

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et à venir. « La peinture n’est pas faite pour décorer les appartements; c’est une arme offensive et défensive contre l’ennemi », c’est ce que déclara d’ailleurs Picasso à propos de Guernica. La peinture, comme la sculpture, les installations et autres projets d’Art Plastiques ou Appliqués servent donc aussi à faire réagir les populations, à leur faire ouvrir les yeux sur ce qui les entoure.

« IF THE WORK IS POOR, THE PUBLIC TASTE WILL SOON DO IT JUSTICE. AND THE AUTHOR, REAPING NEITHER GLORY NOR FORTUNE, WILL LEARN BY HARD EXPERIENCE HOW TO CORRECT HIS MISTAKES. »

« Si le travail est pauvre, le goût du public fera bientôt sa justice. Et l’auteur, récoltant ni gloire ni fortune, va apprendre par de dures expériences comment corriger ses erreurs. » JACQUES-LOUIS DAVID


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Le Sacre de Napoléon, entre 1805 et 1807 Jacques-Louis David Huile sur toile 6,21 × 9,79 m Paysage Musée du Louvre, Paris

LA PROPAGANDE, TREMPLIN POUR RÉAGIR

Contrairement à l’art sacré ou l’art politique (comme Le Sacre de Napoléon de Jacques-Louis David), l’art de la propagande proprement dit agit davantage comme de la publicité, pour en changer les codes. Dans ce cas, l’art est souvent placé sous la coupe du pouvoir et doit participer à l’éducation des esprits, à l’implantation d’idées politiques dans le pays. Au XXe siècle, la propagande est souvent associée au culte de la personnalité, notamment celle d’un leader politique.


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Hope, 2008 Shepard Fairey Affiche


« I DON’T HAVE THIS OBSESSIVE NEED TO DO STREET ART ALL THE TIME BECAUSE IT’S ALREADY OPENED DOORS FOR ME. » 67

« Je n’ai pas ce besoin obsessionnel de faire de l’art de rue tout le temps parce que les portes sont déjà ouvertes à moi. » SHEPARD FAIREY

Celle-ci a beaucoup évoluée avec l’arrivée de la télévision et la démocratisation de la caméra. Cette forme d’art s’est alors diversifiée et est devenue plus délicate et détournée: de la simplification du message au glissement de sens du vocabulaire choisi, ce message étant véhiculé à travers les médias modernes, en passant par l’utilisation de la peur, de faux témoignages, des apparitions de spécialistes factices ... Plus récemment, l’affiche de Shepard Fairey a considérablement aidé à vendre l’image d’Obama lors de sa première campagne présidentielle, en 2008. Shepard Fairey n’était alors qu’un artiste underground issu de la scène du street art. L’affiche originale disait PROGRESS (progrès) mais l’équipe de campagne l’avait recontacté pour le remplacer par un message plus cohérent avec celui de la campagne. Fairey a distribué à ses frais 300 000 autocollants et 500 000 affiches pendant la campagne, se finançant par la vente d’affiches et de dérivés. Cette image fut reproduite et imitée, le HOPE (espoir) étant parfois remplacé par CHANGE (change) ou VOTE (vote) sur des affiches. Barack Obama lui a envoyé une lettre de remerciements pour son soutien : « Je veux vous remercier d’avoir utilisé votre talent au service de ma campagne. Vos messages politiques ont encouragé les Américains à croire qu’ils pouvaient changer le statu quo. Vos images ont un effet profond sur les gens, qu’elles soient vues dans une galerie ou sur un panneau indicateur.


C’est un privilège pour moi d’avoir été l’objet de votre travail d’artiste et une fierté d’avoir eu votre soutien.». Il s’agit donc dans ce cas d’une œuvre de propagande à l’origine d’un changement de mentalité, car, Barack Obama est le premier président noir des États-Unis à avoir été élu par la population. Il a été adopté grâce à tous ces médiums distribués dans las rues, affichés sur les murs de nombreux bâtiments, dans toute l’Amérique. L’art de la propagande met en confiance celui qui la regarde, il le fait réfléchir sur ce qu’il vit, ce qui l’entoure. C’est un stratagème de manipulation tout simplement. 68

J’acuse, 29 mars 2010 Damien Saez Enregistré en 2009 65’00 min Rock, Rock français Wagram Music


« SI NOTRE PLANÈTE SE RÉCHAUFFE C’EST QU’ON SE RAPPROCHE DE L’ENFER, LA PLANÈTE BLEU VIRE AU ROUGE, ON L’A POIGNARDÉ EN PLEIN CŒUR. » DAMIEN SAEZ 69

LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION COMME MODE

s’agit d’une métaphore du propos : une femme La politique n’est pas le nue dans un caddie ; tout seul sujet auquel l’art s’in- s’achète et tout se jette, téresse. Effectivement, même l’amour. Censutout le système dans le- rée immédiatement par quel on vit est critiquable, l’ARPP prétextant que et notamment la société l’image était dégradante de consommation. Bar- pour l’image de la femme bara Kruger s’en inspire : «L’affiche présente un énormément pour créer caractère dégradant pour ses œuvres et dénoncer l’image de la femme tous ces achats de masse. dans la mesure où elle Mais elle n’est pas la seule. apparaît nue, et qui plus Damien Saez, auteur-com- est dans un chariot de supositeur-interprète écrit « permarché, donc comme J’accuse », sorti en 2010, une marchandise (...) La qui est un coup d’éclat publicité ne peut réduire pour dénoncer la société la personne humaine, et de consommation. La pho- en particulier la femme, tographie de la pochette, à une fonction d’objet». prise par le photographe Elle est alors retirée Jean-Baptiste Mondino, des stations de métro montre une femme nue parisiennes et des affidans un caddie, titrée avec chages publics. Ce à quoi la mention « j’accuse ». Il Damien Saez répondra


quelques jours plus tard : «Une femme nue dans un caddie, outrage aux mœurs du commerce ? Remise en question du système ? Droit d’informer ? Cette interdiction aurait pour but de protéger l’image de la nature humaine, j’en doute. Mais protéger l’image du caddie ? (...) Une chose est sûre, les caddies valent plus que les hommes dans nos pays». Le ton de cet album est celui de la révolte contestataire, les vérités justes et assommantes dénoncent la mondialisation, et la consommation de masse.

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Autre exemple, avec les sculptures de Duane Hanson, artiste lucide, critique, humaniste, respectueux de la vie, aucun sujet épineux ne lui échappe. Il couvre quasiment tous les sujets qui dérangent : des multiples facettes du racisme, en passant par la pauvreté (les sans domiciles), la dépendance (avec drug addict) et la maltraitance (les bleus de la supermarket shopper). Il modélise Supermarket lady entre 1969 et 1970. Elle représente la société de consommation américaine des années 60 : consommation de masse avec l’apparition des supermarchés. La ménagère peut presque tout acheter au même endroit, elle remplit son caddy

« J’ai découvert qu’on n’était pas obligé de frapper à chaque fois le spectateur au visage, que l’on pouvait l’aborder d’une façon plus sournoise et lâche, et fait passer le message tout de même. » DUANE HANSON


« I DISCOVERED THAT WE WERE NOT FORCED TO HIT EACH TIME THE VIEWER IN THE FACE, ONE COULD APROACH IT IN A MORE SUBTLE AND LOOSELY, AND SENDS THE MESSAGE ANYWAY. »

Supermarket Lady (ou Caddie), 1969 Duane Hanson 166 cm de hauteur Fibre de verre, résine de polyester. Ludwig forum, Aix-la-Chapelle.

de produits de l’industrie agroalimentaire. Celui-ci regorge de produits qui montrent l’opulence de l’Amérique de ces années. De même l’embonpoint de cette femme fait référence à l’abondance de cette société. Les sculptures Duane Hanson, appartenant au courant de l’hypperréaliste, sont la transposition de scènes de la vie quotidienne américaine dans le domaine de l’art. Hanson y représente des sujets graves, en marge de l’american way of life : la pauvreté, la guerre, les manifestations, la violence, la pauvreté, l’alcool, l’hyper consommation et la dépendance aux drogues... Tous les sombres replis du rêve américain sont disséqués dans ses sculptures, jusqu’à provoquer parfois le dégoût du public. Il dit : « Mes motifs préférés sont les américains de la classe inférieure et moyenne. Pour moi la résignation, le vide et la solitude de leur existence rendent bien la véritable réalité de la vie de ces gens». Pour lui, l’art est donc un moyen de refléter la vérité aux spectateurs, de leur montrer ce qu’ils sont vraiment, ou du moins ce qu’ils ont été vraiment.


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De haut en bas, de gauche à droite. Rosa Bonheur, Berthe Morisot, Eva Gonzalès, Mary Cassatt, Suzanne Valadon, Marie Bracquemont, Camille Claudel, Julia Margaret Cameron et Gertrude Kasebier.


LA PLACE DE LA FEMME DANS LA SOCIÉTÉ, REPRIT PAR PLUSIEURS FORMES, PAR PLUSIEURS SYSTÈMES

Enfin, un des sujets importants dans l’art comme dans l’histoire a été la place de la femme dans l’évolution des pensées. Au XXe, Paris est le centre du monde artistique. Les artistes femmes s’organisent et commencent alors à exister en tant que tel, c’est à dire, de vraies vedettes. Rosa Bonheur, peintre animalier de réputation européenne, Berthe Morisot, peintre, modèle et belle-sœur de Manet, Eva Gonzalès, peintre, modèle et élève de Manet, Mary Cassatt, peintre, protégée et amie de Degas, Suzanne Valadon, modèle de Renoir, Marie Bracquemont, graveur, intime du groupe du bateau lavoir, Camille Claudel, sculptrice et 73

élève de Rodin, ou encore les photographes Julia Margaret Cameron et Gertrude Kasebier. Elles s’émancipent et crééent elle même de véritables oeuvres. On les laisse enfin s’exprimer. Mais tout est encore à faire. Plus contemporaine, Niki de St Phalle dénonce les inégalités et certaines violences faites aux femmes. Avec son œuvre La mariée, produite à la suite d’un mariage raté, en 1963,

« THE CAPACITY FOR DELIGHT IS THE GIFT OF PAYING ATTENTION. » « La capacité pour le plaisir est le don de faire attention. » JULIA MARGARET CAMERON


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La mariée, 1963 Niki de St Phalle Grillage, plâtre, dentelle encollée, jouets divers peints 226 x 200 x 100 cm

Les Mères dévorantes, 1970 Niki de St Phalle Grillage, plâtre

Les Nanas, 1965 Niki de St Phalle

Hon, 1966 Niki de St Phalle 28 x 9 m 6 tonnes


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Niki de St Phalle illustre le refus de se laisser enfermer dans le rôle d’épouse et de mère au foyer. Ses idées rejoignent celles des mouvements féministes, ils sont l’écho des revendications sociétales de son époque, avant tout celles féministes: elle veut choisir sa vie et ne plus être celle destinée au mariage (série des Mariées, Mères dévorantes);

ses femmes deviennent des héroïnes (séries des Nanas), elles sont enceintes (Hon), avortent, dansent et vivent librement. Les thèmes de ses œuvres proviennent parfois de sa propre expérience mais elle souhaite aussi toucher un public féminin plus large en dénonçant des événements communs à toutes. Autre plasticienne, figure du mouve-

ment féministe dans l’art n’est autre que ORLAN. Tout au long de son travail, elle se questionne sur les canons de beauté, et l’utilisation, par la société, du corps de la femme. Le moyen le plus direct qu’elle a trouvé pour dénoncer ce phénomène n’est autre que l’hybridation et la modification de son propre corps : scarifications, implants, teintures,

pigmentations, elle va à l’extrême de ses principes pour faire réagir. Jusqu’où la femme est-elle prête à aller pour satisfaire cette société où les codes deviennent draconiens ?

« ON PEUT CONSIDÉRER MON TRAVAIL COMME UN TRAVAIL CLASSIQUE D’AUTOPORTRAIT. POUR MA PART, JE PARLERAI D’UN ART CHARNEL. » ORLAN Performance, 7ème opération chirurgicale, 21 novembre 1993 ORLAN New York


Enfin, Nicole Tran Ba Vang, photographe et artiste contemporaine travaille elle aussi sur la question du corps, et pas seulement celui de la femme, et de son image dans la société. Ses images interrogent le culte de l’apparence et ce qu’il dévoile de nos préoccupations identitaires. Nicole Tran Ba Vang s’est fait connaître avec des images paradoxales dans lesquelles elle déshabille ses modèles en les habillant d’une seconde peau, les parant d’étranges « habits de nudité ». Ces images à la fois séduisantes et

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dérangeantes perturbent la perception. « Etre ou ne paraître », c’est par ce jeu de mot que Nicole Tran Ba Vang aime définir les enjeux de son travail. À travers son travail, la plasticienne pose tout un problème autour de l’être et du paraître, et de ce que nous sommes réellement. La société est telle que chaque personne doit rentrer «dans un moule». Les femmes comme les hommes doivent suivre des protocoles s’ils veulent être acceptés dans la société. L’art aide alors à voir autrement, à se poser de nouvelles questions sur qui l’on est, et sur notre place avec les autres.

Collection printemps/été 2001, Sans titre 06, 2001 Nicole Tran Ba Vang Photographie couleur 120 x 120 cm


BIEN PLUS QU’UNE ŒUVRE, C’EST UN MESSAGE

Derrière la couche de peinture d’une toile, le bras levé d’une sculpture, ou autre aspect d’une œuvre, il existe bien plus. L’art est aussi là pour dénoncer, faire réagir et surtout, transmettre un message. Le travail de l’artiste conceptuelle Jenny Holzer peut être rapproché du travail de Barbara Kruger car elle utilise elle aussi, des structures de phrases déclaratives. Son travail est projeté par voie électronique sur un espace public en utilisant le texte à transmettre par message. Jenny Holzer a un discours profondément subversif et provocateur, d’autant plus qu’elle tient à diffuser ses messages dans la sphère sociale de la façon la plus large possible. Elle se revendique 77

« THE MOST PROFOUND THINGS ARE INEXPRESSIBLE. » « Les choses les plus profondes sont inexprimables. » JENNY HOLZER

Sans titre 2007 Jenny Holzer Projection


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Knigi, 1924 Rodtchenko Affiche Photographie, graphisme et typographie

Maquette du Monument à la Troisième internationale, 1919-1920 Tatlin Bois et métal 420 cm de diamètre


elle-même comme artiste publique, reprenant ainsi l’héritage des artistes constructivistes, comme Tatlin ou Rodtchenko, qui prônaient la fonction utilitaire de l’art. Pour elle l’art doit être non seulement dans la rue, mais doit utiliser les moyens de communication les plus visibles, afin d’être perçu par le plus grand nombre, et par des publics différents. Elle est en cela héritière du pop art, d’Andy Warhol, et

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« AN ARTIST IS SOMEBODY WHO PRODUCES THINGS THAT PEOPLE DON’T NEED TO HAVE. » « Un artiste est quelqu’un qui produit des choses que les gens n’ont pas besoin d’avoir. » ANDY WARHOL

de toute la génération imprégnée de la culture des médias, de la télévision et de la publicité. Qu’il soit alors implicite ou explicite, le message que l’artiste veut faire passer peut être caché. Néanmoins, avec des artistes comme Kruger, Holzer et d’autres, le message est crié, et doit être entendu de tous. Il est là pour appeler à la mobilisation, aux revendications. La population peut faire bouger les choses, même avec un sujet partant d’une initiative artistique. Campbell’s Soup Cans, 1962 Andy Warhol Acrylique et liquitex peint en sérigraphie sur toile 510x410 cm Série de 32 toiles de 50,8x40,6 cm chacune Museum of Modern Art, New York


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Le métier d’artiste s’est considérablement transformé au cours du XXe siècle, changeant le rôle de celui-ci dans la société. En effet, l’artiste crée à partir de nouveaux supports et matériaux dans le but d’interpeller le spectateur par le développement de théories parfois provocatrices. Le musée, qui autrefois jouait un rôle central au sein de la création, a véritablement perdu sa valeur d’intermédiaire entre l’artiste, les œuvres et le public. Ses trois fonctions principales, de choix, de protection et d’exposition ne sont plus toutes nécessaires, et de plus en plus, le musée joue un rôle secondaire au sein du monde artistique. D’un côté le contact entre artistes et public est brouillé par certaines institutions jouant un rôle de censure, limitant parfois la création, d’un autre côté, le public et les artistes sont deux entités très proches dans la mesure où l’on reflète les travers de la société : elle a donc essentiellement besoin d’art pour exister.





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