Du sens à l’identité du territoire, la question du lieu.
DU SENS A L’IDENTITE DU TERRITOIRE, LA QUESTION DU LIEU. Comment l’architecture fait sens avec le lieu ?
Mémoire présenté par Clara DUCROND dans le cadre de l’obtention du diplôme d’architecte Référent interne : Agnès Mory Expert externe: Hélène Danel Promoteur d’atelier: Renaud Pleitinx, Bourrez Olivier, Chuillon Guillem Année Académique 2018-2019 Faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale et d’urbanisme - UCL /LOCI Tournai.
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SOMMAIRE
Préambule Remerciements Introduction
p.6-7 p.10-11 p.14-15
I. Sens et Architecture.
p.18-19
1. Définition des termes. 2. Relation entre l’homme et son milieu. 3. Architecture, interaction entre l’homme et son milieu.
p.20-21 p.26-27 p.32-33
II.
Elément du lieu, témoin de l’histoire du territoire.
p.40-41
p.42-43
1. Un territoire de culture. 2. Un « paysage culturel ».
III.
Expérience du lieu.
p.64-65
1. Urbanisation de la plaine. a. Une urbanisation historique.
p.48-49
p.66-67
b. Une nouvelle forme urbaine.
2. Un paysage d’eau. 3. Un paysage agricole.
p.98-99 p.124-12.5
IV.
Penser le territoire.
p.140-141
1. Le terrain d’étude. 2. Un double réseau. 3. Un réseau élargi. 4. Un espace inondable. 5. Un réseau semi-connecté. 6. Synthèse
p.142-143 p.156-157 p.166-167 p.174-175 p.184-185 p.194-195
Conclusion Sources
p.208-209 p.216- 217
Sauf mention contraire, tous les documents exposés dans cet écrit sont de l’auteur. Tous les documents présentants une * sont des documents existants mais modifés par l’auteur. Tous les plans sont orientés au nord, sauf indication contraire.
REMERCIEMENTS
REMERCIEMENTS
Je souhaite remercier quelques personnes pour leur participation à l’élaboration de ce mémoire. Agnès Mory, architecte et professeur au sein de l’UCL/ LOCI TOURNAI, qui m’a accompagnée et orientée durant ces deux dernières années. Renaud Pleitinx, Bourrez Olivier et Chuillon Guillem également architectes et professeurs d’atelier EN et SUR l’architecture au sein de l’UCL/ LOCI Tournai, pour les conversations constructives lors des ateliers ainsi que leur engouement à l’égard de mon travail. Les différents acteurs rencontrés, et particulièrement mon expert externe Hélène Danel, pour sa disponibilité et la transmission de ses connaissances. Mes amis pour leur entraide et leurs conseils, notamment Nawri Khamallah pour nos longues discussions autour de ce travail. Ma famille qui me soutient depuis cinq ans et sans qui suivre ces études n’aurait pas été possible. Ma maman pour sa patience et le temps passé à relire cet écrit.
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PRÉAMBULE
PREAMBULE
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J’ai le sentiment d’avoir toujours eu l’envie de devenir architecte. Même si, comme un grand nombre de petites filles, être chanteuse, coiffeuse ou encore vétérinaire me faisait rêver, mon intérêt pour la discipline commence assez tôt. Depuis mon plus jeune âge, j’ai une certaine aisance pour dessiner. Les illustrations de mes cahiers de poésie sont un des témoins de cet intérêt pour l’art graphique. La passion pour le dessin est une histoire de famille. Je garde le souvenir marquant des mercredis après-midi où je rentrais du collège et voyais mon grand-père vêtu d’une blouse blanche devant son chevalet, peignant de beaux paysages. Par ailleurs, mon père ayant également un joli coup de crayon, j’adorais lui demander de me dessiner des chevaux (autre de mes passions), que je m’amusais ensuite à reproduire sempiternellement. Aujourd’hui mes parents ont, dans leur bureau respectif, une exposition de mes réalisations d’alors, véritable « encyclopédie » de mes premiers pas « d’artiste ». Également très créative, j’adorais inventer de nouveaux espaces pour que mes jouets y prennent vie. Je me souviens notamment avoir imaginé avec mon père une grande maison en polystyrène pour accueillir mes Playmobil. Par ailleurs, je ne pourrais énoncer le nombre de fois où j’ai pu faire et défaire mes cabanes de vieux draps que je réalisais dans les arbres du jardin. Alors que c’est au travers des remarques de mes proches sur mes aptitudes à dessiner et créer que je commence à me tourner vers le métier d’architecte, me plonger dans mes souvenirs m’amène à réfléchir sur les éléments qui ont probablement influencer davantage le choix de mon
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avenir professionnel. Je me rends compte alors à quel point l’art de l’espace est une discipline qui m’a construite et fait grandir durant toute ma jeunesse et c’est assurément assez déroutant. En effet, depuis l’âge de 4 ans et durant 15 ans, je pratique l’art de la danse dans un conservatoire municipal. C’est à travers le classique, le jazz et particulièrement le contemporain que la réflexion spatio-temporelle s’ouvre à moi. Se déplacer dans l’espace, vivre et ressentir l’espace, lui donner une âme, un rôle sont autant d’éléments qui contribuent à mon appétence pour la construction au sens le plus large du terme. Bien qu’à l’époque je ne le conscientise pas réellement, je peux me permettre aujourd’hui d’émettre cette intime conviction. Au terme de ma formation, le travail que je présente est le fruit d’une rencontre nord-sud. En effet, le hasard de la vie me donne l’opportunité, depuis ces dernières années, de vivre quelques mois par an dans la région varoise. Confrontée à un environnement totalement différent de celui qui me voit naître, je constate qu’espace et architecture sont également tout aussi divergents. Je porte alors un intérêt grandissant à comparer les paysages, les villes et villages, les accès, les us et coutumes … Ma réflexion me conduit ainsi, petit à petit, à penser territoire, territorialité et identité régionale. Et c’est au regard de cette confrontation nord-sud que la vie me dévoile que je me tourne naturellement vers la recherche d’une forme de quête identitaire à travers l’architecture de la terre qui m’a vue grandir. Je souhaite comprendre le territoire où je vis, son identité au sein des Hauts de France et la manière dont l’homme l’a façonné.
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INTRODUCTION
INTRODUCTION
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Le Travail de Fin d’Etudes se doit d’être une initiation à la recherche. A ce titre, il permet de poser une hypothèse face à une problématique donnée et d’en vérifier ou d’en infirmer la validité. La recherche autour de la relation qu’entretiennent l’homme et son milieu me permet, en tant que future architecte, de me questionner sur la position à adopter lorsque l’on exerce ce métier. Je me demande ainsi quelle éthique les architectes doivent-ils adopter dans la profession. Aujourd’hui il est nécessaire de ne pas construire pour construire et de prendre conscience du milieu dans lequel nous vivons. S’il est important de parvenir à intégrer les imperfections éventuelles de l’environnement et/ou de les corriger, il paraît avant tout essentiel de préserver, respecter et conserver ses qualités et ses atouts. A cet égard, je porte un grand intérêt à la quête de sens en architecture dans la mesure où cette dernière nous parle et communique avec le lieu. L’architecture exprime et raconte une histoire, un vécu. C’est en éprouvant un lieu qu’elle transmet sa substance afin de le révéler. C’est alors naturellement que je me questionne sur la manière dont l’architecture fait sens avec le lieu.
1. FURNELLE Vincent, Profondeur de la peau, grain du paysage : Toucher le paysage, 2018, p.3.
Selon le livre, Profondeur de la peau, grain du paysage : Touche le paysage , il n’y a « pas que l’apparence physique d’un lieu. C’est l’identité du lieu et ses apparences qui le rendent unique. C’est pour cela que le paysage nous touche et s’imprègne en nous, nous habite et c’est pour 1 cela que nous faisons corps avec lui ». Ainsi, tout au long de ma réflexion, je tente de démontrer la manière dont
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l’homme a vécu avec son territoire et l’a construit, constatant qu’aujourd’hui cet homme tend à ne plus considérer le milieu dans lequel il vit comme un atout mais plutôt comme une contrainte à son épanouissement. En référence à la BRA (promotion d’architecture et de l’urbanisme du bureau de la recherche architecturale) qui précise, dans l’introduction de son ouvrage, Le sens du lieu , que « La question des lieux engage un rapport à l’identité individuelle et collective, un rapport à l’histoire, un rapport 2 aux sens. », mon travail a pour ambition de questionner l’évolution de la société pour tenter de lier l’homme et ses usages au milieu et à l’essence même des lieux. Après une partie théorique sur le sujet, j’introduis de manière générale mon terrain d’étude pour ensuite venir y déceler les éléments constructeurs de son paysage. Suite à cela, je mets en place une réflexion sous forme de spéculation proposant différents scénarios afin de penser l’avenir de ce territoire.
2. DEWITTE Jacques (dir.), Promotion d’architecture et de l’urbanisme du bureau de la recherche architecturale (BRA), Le sens du lieu, sld Jacques Dewitte et Philippe Nys, [RECEUIL], SLD, 1994, p.5.
I.
SENS ET ARCHITECTURE
I.
SENS ET ARCHITECTURE
1. Définition des termes.
2. Relation entre l’homme et son milieu.
3. Architecture, interaction entre l’homme et son milieu.
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Définition des termes
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Se demander « Comment l’architecture fait sens avec le lieu ? » exige avant tout de définir les principaux termes de la problématique afin d’en cerner plus finement l’intérêt. 3. PEROUSE DE MONTCLOS Jean-Marie, Vocabulaire de l’architecture, Paris, [FLEURON], 1972, p.18. 4. SURCHAMP, José (dir.). « Glossaire de termes techniques », s.l, [MCMLXXI ZODIAQUE], s.d p.48.
5. MERLIN Pierre, CHOAY Françoise, Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, Paris, [QUADRIGE], 2005, p.539,540.
L’architecture est un terme qui se définit de manière nuan3 cée. Selon le livre Vocabulaire de l’architecture, elle est un « art de construire les édifices et d’aménager les jardins 4 ». Le glossaire des termes techniques introduit quant à lui la notion de science à cette définition. Ces deux visions que je considère être étroitement intriquées participent à ma propre perception de l’architecture. En effet l’intérêt de la discipline s’ancre non seulement dans la construction d’édifices mais aussi dans le contexte de ceux-ci par le travail du paysage. A ce propos, le dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement définit le paysage comme « une étendue de pays qui se présente à un observateur. Le terme est aussi employé […] pour désigner le milieu naturel synthétique, objet d’une géographie physique globale. […] L’idée du paysage renvoie alors à la représentation de l’homme de 5 ce qui l’entoure » . Le paysage est donc un cadre sauvage et/ou bâti que chaque individu perçoit selon ses propres repères. Considéré également comme l’environnement de l’homme, le paysage se situe dans un territoire qui, selon le traité La Biorégion urbaine, « n’existe pas par nature ; dans l’acceptation territorialiste […], il ne se conçoit pas comme une simple aire géographique ou une pure entité spatiale. Le territoire n’est pas une chose, mais un ensemble de relations. Il est le produit des hommes, inhérent à l’art de
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Définition des termes
construire leur propre milieu de vie et à s’y établir selon les qualités requises par leur culture. […] Le territoire est le résultat matériel d’un processus de coévolution entre les établissements humains (organisé sur une base culturelle) et le milieu ambiant (organisé sur des bases géologiques et biologiques). A travers cette relation de domestication – en termes moins autoritaires, nous parlerons de fécondation – et dans le temps long de l’histoire, les sociétés hu6 maines produisent incessamment le « territoire ». » Ainsi celui-ci « se conçoit comme un sujet, un organisme vivant de haute complexité produit par la rencontre entre évènements culturels et nature, composé de lieux (ou de régions) dotés d’identité, d’histoire, d’un caractère et d’une 7 structure de longue durée. »
6. MAGNAGHI Alberto, La biorégion urbaine : petit traité sur le territoire bien commun, Les lilas, [ETEROTOPIA], 2014, p.9.
7. Ibidem
Cette définition très précise montre que le territoire est davantage qu’un espace sur une carte. Il est indubitablement le résultat des activités humaines et des liens que les hommes tissent en son sein. A ce titre, les lieux qui le composent s’inscrivent non seulement dans le passé mais sont aussi en perpétuelle évolution. Evoquer le lieu signifie, pour le centre national des ressources, parler d’« une portion déterminée de l’espace ». Christian Norberg Schulz, dans son livre, L’art du lieu, utilise quant à lui « le terme lieu pour désigner des totalités majeures et mineures appartenant soit au paysage soit à 8 l’intérieur d’un bâtiment » . Dans le cadre de ma réflexion le terme lieu signifie un extrait du paysage et donc du territoire dans lequel l’architecture s’inscrit. La notion de culture et, particulièrement, de culture territoriale est un élément clef de ma recherche. Selon Edgar
8. NORBERG SCHULZ Christian, L’art du lieu, Paris, [LE MONITEUR], 1997, p.194.
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Définition des termes
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Définition des termes
Illustration Paysage culturel de la plaine de la Lys.
Morin la culture « est un patrimoine informationnel constitué des savoirs, savoir-faire, règles, normes propres à une 9 société […]. » D’avantage développée dans la suite de mon travail, elle est, comme évoqué précédemment, un des éléments fondateurs de la conception du territoire. En effet, selon les écrits de Nicolas Canova et Pierre-Antoine Landel dans leur Essai de caractérisation des formes de développement territorial, il existe « une sphère culturelle 10 propre au territoire du projet » . Ils ajoutent également la description de Mr Michel de Certain pour qui « L’approche de la culture commence quand l’homme ordinaire devient le narrateur, quand il définit le lieu (commun) du 11 discours et l’espace (anonyme) de son développement ». Les termes essentiels qui jalonnent mon travail étant définis, il me parait intéressant d’introduire la quête de sens qui est à la fois l’origine et le stimulant de mon questionnement. Selon le dictionnaire Larousse, la notion de sens représente une « raison d’être, une finalité à quelque chose 12 » . A ce titre, le sens permet de justifier l’existence d’une chose par rapport à son contexte. Ainsi pour qu’une chose, une personne voire même une action fassent sens, elles se doivent d’être liées à leur environnement de manière cohérente. L’expression « faire sens » est un anglicisme (to make sense) qui se substitue souvent de nos jours à l’expression française « avoir du sens ». Ma réflexion peut donc également être formulée de la manière suivante : comment l’architecture a-t-elle du sens avec le lieu ?
9. MORIN Edgar, La-Philo, consulté le 07/05/2019, [en ligne], URL : https://la-philosophie.com/ culture-philosophie.
10. CANOVA Nicolas, LANDEL Pierre-Antoine, Expliciter la notion de culture territoriale, LABORATOIRE TERRITOIRES, consulté le 06/05/2019, [PDF en ligne], p.3, URL : http://www.asrdlf2013.org/ IMG/pdf/C_-_Canova_-_Expliciter_la_notion_de_culture_territoriale-2.pdf, 11. Ibidem
12. Dictionnaire La Rousse, consulté le 06/05/2019, [en ligne], URL : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/sens/72087
I.
SENS ET ARCHITECTURE
1. Définition des termes
2. Relation entre l’homme et son milieu
3. Architecture, interaction entre l’homme et son milieu.
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13. NORBERG SCHULZ Christian, L’art du lieu, Paris, [LE MONITEUR], 1997, p.36.
Relation entre l’homme et son milieu.
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En liant l’homme et ses actions avec le territoire, la notion de sens nécessite de prendre en considération la manière dont l’être humain gère le milieu. Christian Norbert Schulz en témoigne en exposant le fait que « Le cheminement comme la destination impliquent que l’on « fasse usage » du lieu. L’expression semblera peut être triviale ; pourtant elle va bien au-delà des notions d’« utilisation », de « besoin » et de « nécessité ». « L’usage du lieu » implique tout ce qui recouvre l’expression « avoir lieu », y compris 13 les actes, les significations et les conditions psychiques. » Questionner le lieu et le sens des actions humaines en son sein amène à interroger la place de l’homme dans le monde. La définition de la relation entre l’homme et son milieu semble devoir s’exposer en deux parties. Alors que l’une est physique parce qu’elle est de l’ordre du besoin, la seconde est davantage psychique puisque liée aux sentiments.
14. Ibidem p.40.
Depuis le début de son existence, l’homme n’a cessé d’avoir besoin de son environnement pour s’épanouir, générant une relation de presque dépendance avec celui-ci. 14 En effet l’être humain « voit dans le milieu des ressources naturelles capables de satisfaire ses besoins » . A l’instar de la sélection naturelle, l’être humain a dû s’adapter à son environnement quel qu’il soit afin que son existence perdure dans le temps. Par ses capacités et son intelligence, il a su travailler son milieu environnant et le détourner afin de faciliter leurs relations et vivre en totale communion. Avec l’évolution de la société et de la technologie, l’emprise du milieu sur les conditions de vie humaines est de
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Relation entre l’homme et son milieu.
moins en moins importante. Christian Norberg Schulz l’ex plique lorsqu’il dit : « Le lien avec le passé est supplanté par la science et la technologie ; quant à la nature, elle est 15 considérée comme un simple fond de ressources exploitables pour satisfaire des besoins immédiats » .
15. Ibidem p.263.
Ainsi, la notion « d’usage du lieu » en tant que « nécessité » ou « besoin » perd de plus en plus son sens au même titre que la communion entre l’homme et le milieu disparait.
A contrario, cette forme de dépendance du milieu par l’être humain pour que ce dernier puisse s’épanouir témoigne d’une « interaction chargée de sens dans la mesure 16 où le milieu est en relation avec l’homme » . En perdurant dans le temps grâce à la richesse qu’offre l’environnement, l’homme développe au fur et à mesure une forme de reconnaissance face à un milieu donné. C’est ce qui fait dire à Christian Norberg Schulz que « Le paysage habité devient donc le paysage conscient et l’homme, qui y prend place en terre et ciel, en fait un usage respectueux en y habitant 17 en poète » . C’est donc à partir de cette dimension psychique que génère la relation entre l’homme et son milieu qu’un sentiment d’identité propre à un territoire se met en place. Ce lien d’appartenance et de reconnaissance tient en partie à la représentation sensorielle voire émotionnelle que l’individu a de son environnement puisque, comme le souligne à nouveau Christian Norberg Schulz, « Un lieu […] se caractérise par une atmosphère ineffable qui émane de chacun de ses éléments et lui confère une personnalité 18 propre, une âme. »
16. NORBERG SCHULZ Christian, L’art du lieu, Paris, [LE MONITEUR], 1997, p.40.
17. Ibidem, p.265.
18. Ibidem, p.43.
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Relation entre l’homme et son milieu.
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Relation entre l’homme et son milieu.
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Illustration Paysage culturel de la plaine de la Lys.
Il n’en demeure pas moins vrai que ce sentiment d’appartenance à un lieu risque de s’amoindrir avec l’évolution des technologies dont les performances éloignent de plus en plus l’homme du milieu dans lequel il vit. Elément que nous allons pouvoir constater par la suite à travers l’analyse du terrain d’étude.
I.
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1. Définition des termes
2. Relation entre l’homme et son milieu
3. Architecture, interaction entre l’homme et son milieu.
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Architecture, interaction entre l’homme et son milieu.
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Comme exposé précédemment, le développement du territoire n’a de sens que si l’homme qui le travaille prend en considération le milieu et en fait un « usage respectueux » afin d’aboutir à une totale communion.
19. PAOLO Amaldi, Architecture profondeur mouvement, Paris, [Infolio], 2011, p.408.
20. NORBERG SCHULZ Christian, L’art du lieu, Paris, [LE MONITEUR], 1997, p.262.
Par ailleurs, l’architecture n’est pas seulement l’art de construire des édifices mais est aussi celui de travailler le lieu. Si le moindre élément du territoire travaillé par l’homme est de ce fait une forme d’architecture, l’accumulation de toutes ces architectures crée le paysage. Paysage où l’interaction entre l’homme et son milieu se perçoit mais doit surtout faire sens. Pour être intelligible, l’architecture peut alors être pensée comme un « langage qui transmet 19 un message ou exprime un contenu » en lien avec le contenant qu’est le lieu. Toujours selon Christian Norberg Schulz, « la présence implique nécessairement une localisation ; la tradition constructive grâce à son appartenance au lieu, a toujours 20 contribué à déterminer des variantes dans l’architecture » . Ces propos démontrent à nouveau à quel point l’architecture doit être mise en résonnance avec le lieu pour qu’elle fasse sens avec lui. A cet égard, une architecture typique du nord n’est pas semblable à une architecture typique du sud. En effet, alors même que l’une et l’autre naissent de l’interaction entre l’homme et un territoire, ce dernier est fondamentalement différent d’une région à l’autre et l’adaptation comme les besoins de l’être humain y sont inégaux puisque conditionnés autrement. Merleau Ponty écrit également dans son livre, Phénoménologie de la perception, que « L’architecture élabore et communique la pensée de l’homme dans sa confrontation
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avec le monde ».21 Cette affirmation pourrait, de manière extrapolée, témoigner de la crainte éprouvée devant l’évolution de la société. En effet, l’homme capable aujourd’hui de grandes performances technologiques, tend à ne plus considérer le milieu dans lequel il vit. N’étant plus élément moteur induisant le projet, le lieu deviendrait alors un élément banal dans lequel l’être humain s’épanouit. Il serait ainsi imaginable que les technologies, ayant pris une très grande ampleur, réduisent de plus en plus les interactions entre l’homme et le milieu, phénomène qui aboutirait à ce que l’architecture perde tout son sens. L’évolution de notre société et le progrès qui l’accompagne ne sont pas niables. Être capable de lier l’évolution de la société et le sens du territoire serait idéal, me semble t’il, pour penser l’avenir de n’importe quel lieu. On pourrait ainsi tenter de pallier le risque d’appauvrissement des interactions entre l’homme et l’environnement qui génère des lieux sans identité et sans âme. Evoquer, à ce stade de la réflexion, le travail de Palladio me semble intéressant ; ces œuvres étant les témoins d’une quête de communion totale entre architecture et paysage. Architecte de renommée mondiale, André Palladio est un architecte de la Renaissance italienne. Son œuvre architecturale se compose essentiellement de villas et de palais situés le plus souvent en Vénétie. A côté des grandes qualités spatiales qu’offrent ses réalisations, l’architecte a à cœur de lier ses édifices à leur environnement pour créer une architecture en totale correspondance avec le lieu. Caroline Constant en fait le témoignage dans le guide Palladio lorsqu’elle explique : « Les plats paysages de Vénétie, qui
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21. MERLEAU PONTY Maurice, Phénoménologie de la perception, [Gallimard], Paris, 1945, p.79.
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Illustration Filippo Romano, photographe. Villa Rotonda, Vicence, Photo 2014. Andrea Palladio, architecte.
semblent aller se perdre à l’infini, ont contribué à la nou22 veauté de la conception palladienne de l’espace. » De plus, au lieu de n’être « qu’une partie intrinsèque du monde naturel, le terrain représentait conceptuellement pour Palladio une surface créée par l’homme et, par extension, une tabula rasa. […]. Palladio faisait ressortir l’idéalisation du terrain en créant un nouveau sol d’où contempler le domaine environnant. Sans le bâtiment, nous ne verrions pas le paysage de la même façon. L’architecture intègre le pay23 sage dans son domaine et le remodèle. » . Palladio utilise ainsi architecture et paysage pour une mise en valeur mutuelle. Si d’une part, il considère le paysage comme un élément moteur à la réalisation architecturale dont il se sert pour permettre à ses édifices d’émerger, il donne d’autre part à ses œuvres le moyen de magnifier l’environnement existant. La villa « Rotonda » en est l’exemple le plus connu. Conçue vers 1569, elle est le dernier projet de l’architecte. Résidence de campagne en Vénétie, elle se situe en hauteur, entourée de collines et de cultures. Mondialement connue pour son plan parfaitement symétrique, la demeure doit, selon la conception de l’artiste, permettre à ses habitants de profiter du paysage environnant. Il la pense comme un belvédère qui cadre sur le paysage. Caroline Constant en parle en ces termes : « Si la maison en elle-même reste modeste, sa conception et sa relation au site lui donnent la grandeur qui en fait le sommet de l’architecture séculière 24 de Palladio ». Dans la mesure où Palladio ne perçoit pas uniquement le paysage comme une terre d’accueil à mettre en valeur par son intervention, mais qu’il perçoit en chaque élément de
22. Constant Caroline, Guide Palladio, Paris, [HAZAN], 1987, p.21.
23. Ibidem p.22
24. Ibidem p.120
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Illustration Villa Rotonda, Vicence, Photo 2016. Andrea Palladio, architecte.
l’environnement existant le moyen d’être utile à un autre, ses édifices ont dans le paysage une position stratégique. Celle-ci offre ainsi une gestion globale du paysage des alentours. Le professeur associé à l’université de Warwick, Lorenzo Pericollo, expose d’ailleurs le fait que « D’entrée de jeu, le souci principal de l’architecte se porte sur des pro25 blèmes de gestion économique du domaine. » Il cite les propos de l’architecte qui témoignent de son intérêt pour l’organisation complète du paysage: « Si l’on peut bâtir auprès de quelque rivière, ce sera une belle et avantageuse commodité, parce que l’on pourra faire transporter par bateau, en tout temps et pour peu de frais, les revenus des terres dans les villes [...], outre qu’elle donnera de la fraîcheur en été et sera plaisante à voir, et par son moyen on arrosera facilement les prairies, les jardins à fleurs et les 26 potagers qui sont l’âme et les délices de la campagne. » La réflexion de Palladio est donc complète quant aux relations qu’entretiennent ses œuvres et le paysages. Elle démontre la quête de sens qu’a l’architecte de ses édifices avec le lieu. Cet intérêt et l’intelligibilité recherchée entre villa et environnement sont probablement l’une des raisons pour lesquelles les architectures de Palladio perdurent dans le temps et possèdent aujourd’hui une valeur encore plus prégnante que jadis.
25. PERICOLLO Lorenzo, Andrea Palladio, architecte humaniste, 2004, consulté le 07/05/2019 [PDF en ligne], URL : https://www.clio.fr/ bibliotheque/pdf/pdf_andrea_palladio_architecte_humaniste.pdf
26. Caroline Constant, Guide Palladio, Paris, [HAZAN], 1987, p.119.
II.
Elément du lieu, témoin de l’histoire du territoire
II.
Elément du lieu, témoin de l’histoire du territoire
1. Un territoire de culture. 2. Un « paysage culturel ».
ELÉMENT DU LIEU, TÉMOIN DE L’HISTOIRE DU TERRITOIRE
Un territoire de culture.
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Comme évoqué dans l’introduction des termes principaux de ce mémoire, la culture est un élément clef de ma recherche. Cependant, dans la mesure où le terme « culture » regroupe un vaste panel d’idées, il nécessite que je m’y intéresse plus en détails.
27. MAGNAGHI Alberto, La biorégion urbaine : petit traité sur le territoire bien commun, Les lilas, [ETEROTOPIA], 2014, p.9.
Lorsque, dans son traité de La Biorégion urbaine, Alberto Magnaghi décrit le territoire, il évoque la notion de culture comme un élément fondateur du développement de celui-ci. Il considère que l’équilibre du territoire « évolue en tant que fruit d’une relation, il nécessite une continuité dans le temps. En fonction de sa propre médiance culturelle […] chaque civilisation a façonné son territoire par l’interprétation de sa relation au milieu ambiant et à ses ressources. Mais parce que les civilisations successives des derniers millénaires […] se sont établies et chevauchées dans le même milieu ambiant, le territoire que nous foulons est par conséquent le résultat contemporain des traces stratifiées de nombreux processus de territorialisation. Chaque lieu est le résultat d’une histoire de longue durée et de la manière dont à un moment donné sur la terre, chaque civilisation a réinterprété les signes et les structures des précédentes, les détruisant parfois mais très souvent les recyclant et les réutilisant avec des nou27 velles significations. » . Il existe donc un lien étroit entre la grande Histoire et le territoire d’aujourd’hui, les siècles passés et notre environnement actuel. Conservé ou démoli, réhabilité ou modifié, restauré ou actualisé, tout espace du territoire planétaire est le fruit de la conjugaison de l’ancien et du présent, voire parfois même et pourquoi pas de la perspective du futur. Sous un angle semblable de transmission mais abordé dif
ELÉMENT DU LIEU, TÉMOIN DE L’HISTOIRE DU TERRITOIRE
Un territoire de culture.
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féremment, Edgar Morin définit la culture comme « un patrimoine informationnel constitué des savoirs, savoir-faire, règles, normes propres à une société […]. La culture s’apprend, se réapprend, se retransmet, se reproduit de génération en génération. Elle n’est pas inscrite dans les gênes, mais au contraire dans l’esprit-cerveau des êtres humains ». Ainsi là aussi la cuture se nourrit du passé et de la mémoire intergénérationnelle qui offrent à l’homme certaines connaissances. C’est lui qui la fait vivre en en conservant certains éléments et en en faisant évoluer d’autres au regard des avancées sociétales. Ces deux façons d’aborder la même notion s’entremêlent ainsi à souhait pour identifier la culture comme messager 28 et de témoin de l’histoire. La notion de « sphère culturelle » montre la nécessité de connaître le passé dans toutes ses dimensions pour comprendre le présent puisque « chaque 29 lieu est le résultat d’une histoire » . La culture, essentielle à la transmission de cette connaissance, permet de lire le paysage et de le comprendre. Et, c’est en le comprenant que l’homme est capable d’y déceler une forme d’identité. Considérant ainsi que le paysage est un héritage dont seule la culture permet la lisibilité, il offre à l’homme une identité territoriale. Par la multitude de repères auxquels l’individu peut se raccrocher, il lui permet de se situer. C’est donc en assimilant l’ensemble de ces données que l’homme crée un sentiment d’appartenance au territoire dans lequel il vit. Le concept de culture se retrouve par ailleurs à différentes échelles, de celle du globe terrestre à celle infiniment plus petite du voisinage. Il différencie les populations entre elles mais permet aussi de les rassembler au regard de
28. CANOVA Nicolas, LANDEL Pierre-Antoine, Expliciter la notion de culture territoriale, [LABORATOIRE TERRITOIRES], consulté le 07/05/2019, [PDF en ligne], p.2., URL : http://www.asrdlf2013.org/ IMG/pdf/C_-_Canova_-_Expliciter_la_notion_de_culture_territoriale-2.pdf 29. MAGNAGHI Alberto, La biorégion urbaine : petit traité sur le territoire bien commun, Les lilas, [ETEROTOPIA], 2014, p.10.
ELÉMENT DU LIEU, TÉMOIN DE L’HISTOIRE DU TERRITOIRE
Un territoire de culture
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ELÉMENT DU LIEU, TÉMOIN DE L’HISTOIRE DU TERRITOIRE
Un territoire de culture.
46 47 Illustration Récurrence paysagère, les réseaux d’eau.
connaissances et d’intérêts communs. Ainsi les européens se distinguent des américains ou des africains non seulement par leurs habitudes de vie mais aussi par les caractéristiques de leur milieu de vie. Il en est également ainsi, par exemple, d’une même rue où deux habitations (familles) se différencient par leur éducation familiale mais peuvent néanmoins se rassembler à travers la culture de leur village et donc d’intérêts communs. Cette idée est mise en exergue par Nicolas CANOVA et Pierre-Antoine LANDEL qui spécifient dans leur essai que « La culture est alors appréhendée d’une part, selon une logique d’identification et de distinction d’un territoire, d’autre part, comme un instrument de cohésion. Elle est faite « des savoirs, des valeurs, des normes et des symboles partagés par certains acteurs de façon discriminée vis à vis d’autres acteurs » (Pecqueur, 2004, p1). C’est de cette façon qu’elle est souvent considérée comme pouvant contribuer au développe30 ment local. » On peut alors en déduire qu’à travers les liens qu’elle crée la culture joue le rôle de signification collective du territoire. Au regard de ces idées, comprendre les us et coutumes transmis grâce à la culture d’un territoire précis est un élément majeur de mon questionnement. Force est de constater, aujourd’hui, que les liens entre être humain et paysage sont de plus en plus minimes et que, négligés, ils pourraient peut-être un jour se défaire. Je me demande alors si l’héritage paysager du territoire peut être un élément moteur pour penser l’avenir de cet environnement et continuer à associer activité humaine et culturelle au développement du territoire pour que sa projection ait du sens.
30. CANOVA Nicolas, LANDEL Pierre-Antoine, Expliciter la notion de culture territoriale, LABORATOIRE TERRITOIRES, consulté le 07/05/2019, [PDF en ligne], p.3, URL : http://www.asrdlf2013.org/ IMG/pdf/C_-_Canova_-_Expliciter_la_notion_de_culture_territoriale-2.pdf
II.
Elément du lieu, témoin de l’histoire du territoire
1. Un territoire de culture. 2. Un « paysage culturel ».
ELÉMENT DU LIEU, TÉMOIN DE L’HISTOIRE DU TERRITOIRE
Un « paysage culturel »
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ELÉMENT DU LIEU, TÉMOIN DE L’HISTOIRE DU TERRITOIRE
Un « paysage culturel ».
50 51 Illustration Village de Hinges traversé par le canal d’Aire .
La vision d’ensemble exposée dans ce paragraphe porte sur la compréhension de l’habiter et des lieux de l’habiter comme éléments soulevant un questionnement. Ces interrogations, qui introduisent la notion d’essence des lieux de l’habiter,nécessitent alors de remonter à la source même de l’existence de ces lieux. Les prémisses de ma réflexion doivent de ce fait être exposées à ce stade afin de cerner le contexte de ma réflexion. Je suis originaire d’une petite commune des Hauts de France et plus précisément du Pas de Calais. Dénommé Hinges, mon village perdu entre les champs, est traversé par un canal qui serpente de la ville d’Aire sur la Lys à celle de La Bassée. Toute mon enfance est ainsi rythmée par ce grand édifice qui sillonne le paysage rural. Les chemins de halage qui le longent offrent un large panel de promenades ponctuées de champs, de prairies, de quelques habitations, de bois ou encore de péniches ... au cœur d’un environnement qui fut le théâtre de nombreuses batailles lors des deux guerres mondiales. D’ailleurs, en stimulant mon imagination d’enfant, ces péniches me permettaient de simuler le débarquement des allemands sous le petit pont de fer proche de la maison. A la lumière de mon vécu, aujourd’hui encore je me demande souvent si un enfant né dans une autre région, au cœur d’un paysage témoin particulier d’une autre période de l’histoire, aurait joué à ce jeu et aurait été transporté dans une autre époque.
ELÉMENT DU LIEU, TÉMOIN DE L’HISTOIRE DU TERRITOIRE
Bassin minier
Un « paysage culturel ».
Plaine de la Lys
Monts des Flandres
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Un « paysage culturel ».
Illustration Coupe conceptuelle du territoire. Carte des réseaux fluviaux principaux du Nord-Pas-de-Calais.
L’évocation de cette contextualisation me conduit à faire référence à l’ouvrage, Architecture Profondeur Mouvement , dans lequel Paolo Amaldi parle du contexte comme d’un élément « chargé d’une dimension psychologique, d’un vécu et d’une valeur d’usage. Renvoie à une localisation de l’architecture, à un ancrage sur un site qui est censé 31 lui transférer une partie de sa substance. ». Transposé à mon souvenir d’enfance, cette définition démontrerait l’importance du paysage qui me voit évoluer durant mes dix-huit premières années d’existence. En introduisant un contexte précis, l’environnement influence inconsciemment les histoires de mon imaginaire. Si je n’avais pas grandi dans ce village, l’intérêt que je porte au canal n’aurait peut-être jamais existé et ne ferait probablement pas partie de mon travail de fin d’étude.
31. PAOLO Amaldi, Architecture profondeur mouvement, Paris, [Infolio], 2011, p.415.
A la lumière de ce constat, je réalise aujourd’hui que l’ensemble de mon travail commence partir du moment où je décide de ne plus voir le canal mais de le regarder. Je me plonge dans son histoire que je dépouille avec avidité tant elle est riche, étroitement liée non seulement au contexte physique mais aussi à l’environnement culturel, tous deux évoluant au fil du temps, de l’histoire du territoire et de celle de la société. Cette notion d’évolution se retrouve chez Paolo Amaldi lorsqu’il dit « Il faut connaitre la conception du monde d’une époque donnée, pour réussir à la comprendre. Ainsi, il faut s’interroger sur notre société, pour comprendre 32 l’homme qui en fait partie ». Il s’agit donc pour moi de « comprendre le territoire du canal » à travers l’appropriation du milieu dans lequel il serpente, la connaissance de son histoire et des enjeux de sa création.
32. Ibidem p.416.
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Un « paysage culturel ».
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Un « paysage culturel ».
54 55 Illustration Territoire traversé par le canal d’Aire - carte de Cassini.
Je m’intéresse alors à la région traversée par le Canal d’Aire sur la Lys à la Bassée (communément appelé « Canal d’Aire à la Bassée »). Divisée en deux parties, elle comporte la plaine de la Lys d’une part et le bassin minier d’autre part. Tous deux sont, de manière simplifiée, les témoins de 4 étapes majeures dans l’évolution du territoire. Selon l’atlas des paysages du Nord, réalisé par la direction régionale de l’environnement du Nord, la plaine de la Lys est connue pour sa planéité impressionnante. Il précise également que les mouvements tectoniques qui en résultent créent des failles dans ses couches dures et profondes. L’ouvrage indique alors que le terrain se casse sous la pression en créant un réseau de failles que l’érosion atténue au fil du temps. De ce fait, « La plaine de la Lys, s’étant ainsi trouvée en position basse, a constitué une vaste zone humide. La pente insignifiante […] entraîne une stagnation importante des eaux. Un vaste marécage s’installe alors qui va constituer 33 une barrière majeure pour les populations humaines. » Ainsi les temps anciens virent utiliser cette limite naturelle comme protection contre l’envahisseur ennemi justifiant ainsi l’installation stratégique des villes importantes que sont Béthune, Aire sur la Lys, La Bassée ou encore Merville. Celles-ci sont venues se construire à la périphérie de la barrière naturelle tout en cherchant une proximité avec les axes hydrauliques importants permettant leur développement.
33. DIRECTION REGIONALE DU L’ENVIRONNEMENT DU NORD, Atlas des paysages du Nord : Plaine de la Lys, consulté le 02/04/2019, [en ligne], p.9., file:///C:/Users/Clara%20 Ducrond/Documents/Cours%20M2/ TFE/2.%20Plaine%20de%20la%20Lys/ plaine_de_la_lys-.pdf
ELÉMENT DU LIEU, TÉMOIN DE L’HISTOIRE DU TERRITOIRE
Un « paysage culturel »
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Un « paysage culturel »
Illustration Territoire traversé par le canal d’Aire, document réalisé à partir de la carte de l’Etat Major *
Composée d’un grand nombre de forêts et de marécages, la plaine subit un assainissement et un défrichement vers le 12ème siècle. Ce sont les moines qui participent en premier à la transformation du paysage, puis viennent les agriculteurs avec le travail de la terre et les cantonniers des communes durant les siècles suivants. Au fil des ans, un grand réseau de fossés appelés becques est mis en place afin de drainer, aérer et désengorger les sols. Alors qu’il permet à l’homme de travailler davantage la terre à travers la polyculture et l’élevage, ce réseau de fossés constitue aujourd’hui « l’élément patrimonial et écologique majeur 34 de la plaine de la Lys, une sorte de bocage aquatique » . Il est d’ailleurs encore possible d’apercevoir dans le paysage certains témoins de ces anciennes pratiques. Les champs bombés sont, par exemple, le « résultat d’un travail patient et de longue haleine de générations de paysans qui ont labouré depuis l’extérieur vers l’intérieur autour 34 des champs ». Cette façon de procéder permet de protéger les parcelles des risques de crue avant l’apparition « 35 des techniques d’assainissement moderne » . Lorsque l’on observe la carte du territoire recomposée à l’aide de celle de l’Etat-Major, on perçoit clairement que le territoire traversé par le canal est désormais entièrement agricole et comprend un habitat dispersé. A contrario, de par sa position haute, le bassin minier n’a pas nécessité la création de becques pour être cultivé.
34. Ibidem, p.13.
35. Ibidem, p.12.
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Un « paysage culturel »
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Un « paysage culturel »
Illustration Territoire traversé par le canal d’Aire, document réalisé à partir de la carte de 1950. *
C’est à l’ère de l’explosion industrielle à proximité de la Lys que le développement du territoire prend une tout autre tournure. Cette rivière est un atout majeur pour l’accroissement de l’industrie qui s’en est donc « accaparée les 36 rives ». En augmentant la croissance des villes, le développement économique entraine la population ouvrière modeste ou aisée à « étirer les villages d’origine le long 37 des axes routiers » . Les habitations viennent alors s’insérer entre les fermes et les maisons de campagne faisant du territoire non plus une région d’habitat dispersé mais une région d’habitat linéaire. A cette période, il est facile d’observer à quel point l’eau est la contrainte principale pour construire le territoire. Elle dirige en effet l’urbanisation en justifiant le chemin qui à son tour justifie la rue ainsi que la ligne d’arbres et, par la suite, l’installation d’habitations. On perçoit ainsi une multitude d’éléments générateurs d’un système qui se répète à l’infini et dont la linéarité peut parfois dérouter. Ces particularités s’inscrivent d’ailleurs dans les propos des auteurs de l’atlas lorsqu’ils écrivent : « La route suit l’eau… qui suit l’invisible ! La platitude des sols de la plaine de la Lys est une illusion d’optique. La réalité est beaucoup plus complexe et explique sans doute le plaisir répété que prennent les watergangs à changer sans cesse de direction. Les déplacements dans la plaine ont ainsi quelque chose d’absurde : 38 au plat pays, la route droite d’existe pas. » .
36. Ibidem, p.17
37. Ibidem
38. DIRECTION REGIONALE DU L’ENVIRONNEMENT DU NORD, Atlas des paysages du Nord : Plaine de la Lys, consulté le 02/04/2019, [en ligne], p.5., file:///C:/Users/Clara%20 Ducrond/Documents/Cours%20M2/ TFE/2.%20Plaine%20de%20la%20Lys/ plaine_de_la_lys-.pdf
ELÉMENT DU LIEU, TÉMOIN DE L’HISTOIRE DU TERRITOIRE
Un « paysage culturel »
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ELÉMENT DU LIEU, TÉMOIN DE L’HISTOIRE DU TERRITOIRE
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Un « paysage culturel »
Illustration Territoire traversé par le canal d’Aire, document réalisé à partir de la carte IGN. *
Le bassin minier développe lui aussi cette forme historique d’urbanisme linéaire où l’économie est fondée sur l’agriculture. Néanmoins il le fait d’une toute autre manière. « C’est sur cette strate que se développe à une vitesse fulgurante un nouveau paysage totalement différent, lié à la découverte du charbon et à son exploitation. Mais l’industrie charbonnière n’a pas totalement absorbé le pay39 sage antérieur. » Ainsi, le territoire rural et linéaire joue le rôle de « toile de fond, dans laquelle se détachent parfaitement terrils, chevalements, cités minières » et « offre 40 une remarquable lisibilité sur le patrimoine minier » . Un sentiment d’identité culturelle va donc naitre, généré par la quête de revalorisation de ce territoire ainsi que par la compréhension du paysage. A ce titre, depuis juin 2012, le « paysage culturel » du bassin minier est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette reconnaissance permet aujourd’hui d’offrir une nouvelle considération de ces lieux parfois difficiles et pourtant témoins importants de l’histoire de la région mais aussi de la nation française A ce stade de la démarche, la dénomination « paysage culturel » m’interroge sur la considération portée au paysage de la plaine de la Lys qui pourrait également être défini par cette appellation. En effet, contrairement au bassin minier dont le développement économique lié à son exploitation génère un impact culturel d’ordre national, l’échelle culturelle du paysage de la Plaine paraît beaucoup plus petite, se limitant à la région du Nord-Pas- de-Calais. Elle est néanmoins à mes yeux tout aussi intéressante considérant que notre culture intellectuelle, paysagère voire même artistique ne dépend pas seulement de ce qui « saute aux yeux » tels ses éléments patrimoniaux miniers. Il en va aussi d’un entremêlement de petites données du paysage qui
39. [en ligne], p.57., URL : https://www.bassinminier-patrimoinemondial.org/ wp-content/uploads/2015/03/ Synth%C3%A8se-du-dossier-dinscription.pdf 40. Ibidem
ELÉMENT DU LIEU, TÉMOIN DE L’HISTOIRE DU TERRITOIRE
Un « paysage culturel »
Légende Zone industrielle Habitat linéaire Impact urbanisation minière Ville importante
Plaine de la Lys
Bassin minier
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Un « paysage culturel »
62 63 Illustration Synthèse schématique du territoire traversé par le canal d’Aire, document réalisé à partir de l’Atlas des paysage du nord. *
témoignent d’un savoir-faire local et d’une identité propre à un territoire. C’est pourquoi la suite de ma réflexion se concentre davantage sur la plaine de la Lys et plus particulièrement sur la plaine habitée qui se situe entre le canal et la Lys. La plaine habitée est un territoire qui se situe à proximité de la MEL (métropole européenne de Lille) dont l’attractivité influe sur celle-ci. En effet, suite au développement des transports et à l’offre considérable de travail générée par la MEL, la plaine de la Lys devient de plus en plus un territoire résidentiel, qualifié même de terre « néo-urbaine ». Force est de constater qu’aujourd’hui l’eau dicte de moins en moins l’urbanisation et semble manquer de considération. L’habitat traditionnel fait place à l’habitation de masse, dépourvu de sens par rapport au paysage dans lequel il s’installe. Il paraît donc nécessaire de se questionner sur les raisons de ce changement de cap. L’une des causes peut-elle être la pression urbaine engendrée par l’agglomération lilloise toute proche ? La plaine est un territoire qui possède un grand nombre de qualités paysagères qui reprennent l’image de la « campagne urbaine » mais dont les spécificités semblent toutefois tendre vers un appauvrissement du paysage. Le besoin de rendement du foncier n’engendre-t-il pas un manque de prise en compte du paysage existant et par la même occasion une installation dénuée de sens avec le lieu ?
III.
ExpĂŠrience du lieu.
III.
ExpĂŠrience du lieu.
1. Urbanisation de la plaine. a. Une urbanisation historique.
b. Une nouvelle forme urbaine.
2. Un paysage d’eau. 3. Un paysage agricole.
EXPÉRIENCE DU LIEU
Urbanisation de la plaine
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EXPÉRIENCE DU LIEU
Urbanisation de la plaine
68 69 Illustration La plaine de la lys vue du ciel.
L’une des finalités de l’architecture est la création de lieux. La diversité de ceux-ci s’alimente en partie de la dimension culturelle dans laquelle ils s’insèrent. Elle pose le cadre dont le territoire est la fondation. Culture et territoire sont ainsi les piliers d’un paysage construit à qui ils confèrent son identité. Ce chapitre a donc pour but d’observer, au sein du territoire, les éléments principaux qui structurent la plaine habitée afin d’en saisir les nécessités. Ce sont ces dernières qui définissent la culture paysagère même du territoire.
a. Urbanisation historique
Parler de l’urbanisation historique de la plaine habitée, définie comme urbanisation linéaire, exige de s’intéresser d’avantage aux éléments qui permirent ce type d’urbanisation. Cet intérêt est démontré dans les propos de Laurence Morice-Perlei, architecte-urbaniste, dans Lotir autrement : « Les implantations bâties dans le département sont issues d’un subtil mélange entre contexte historique, 41 réalités géographiques et opportunités économiques ». Ainsi la mise en œuvre d’un vaste réseau hydraulique se « répercute sur l’implantation de l’habitat » comme le soulignent également Françoise Sibowitch et Max Brismaïl dans la troisième partie de leur étude, Environnement 42 Bas-Pays. Ils expliquent notamment que l’abondance de l’eau sur le territoire, en rendant la circulation difficile en son sein, associée à l’importante exploitation agricole des terres lourdes et argileuses, ont induit une dispersion des lieux de vie. Cette caractéristique est la première étape du travail de l’homme pour habiter le territoire.
41. MORICE PERLEIN Laurence, Lotir autrement, CAUE [PDF].
42. SIBOWITCH Françoise, BRISMAIL Max, Environnement BasPays 3ème partie, Arras, [A.A.R], 1980, p.2.
EXPÉRIENCE DU LIEU
Légende Fermes et maison rurales
Urbanisation de la plaine
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EXPÉRIENCE DU LIEU
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Urbanisation de la plaine
Illustration Exemple de la ville de Neuve Chapelle, document réalisé à partir de la carte de l’Etat Major, insertion des fermes*
- Habitat dispersé, fermes et maisons rurales.
Dans un territoire difficile à exploiter tel que la plaine de la Lys, la coopération entre l’homme et le milieu est primordiale pour que vivre soit possible. Ainsi, cerner les enjeux du territoire et décrypter son fonctionnement permettent à nos aïeux d’édifier leurs habitats avec le paysage et non contre ce dernier. Comme expliqué précédemment, la ferme et la maison rurale isolée sont les édifices les plus adaptés au contexte de la plaine. Dispersées sur l’ensemble du territoire, ses habitations dont les occupants des siècles précédents vivent quasiment en totale autarcie, s’éparpillent le long des axes de communication de l’époque. L’homme subvient ainsi à ses besoins par une gestion maitrisée du paysage. Si je me réfère de nouveau à la troisième partie de l’étude, Environnement Bas-Pays, c’est à travers l’environnement végétal que l’habitat rural régit et diversifie le territoire de la plaine puisque « Les lignes d’arbres à hautes tiges, les vergers, les haies, la végétation qui court le long des fossés ou qui encadre la mare, les prairies, le jardin, tous ces éléments végétaux vont s’organiser rationnellement 43 autour de la ferme et la faire composer avec la plaine ». De la même manière, cet environnement végétal permet à l’homme de se couper du vent et de se protéger des intempéries. Par ailleurs, la colorimétrie des éléments architecturaux d’alors répond également au contexte environnant. Elle renvoie en effet à un savoir-faire régional à travers l’utilisation de matériaux locaux (tuiles et briques en terre cuites)
43. Ibidem p.10.
EXPÉRIENCE DU LIEU
Urbanisation de la plaine
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EXPÉRIENCE DU LIEU
Urbanisation de la plaine
72 73 Illustration Coupe et plan illustrant l’insertion des fermes dans le paysage. Typologie de fermes du Bas pays, Enviornnement du bas pays, 1980.
issus des paysages de proximité. Organisées sous la forme de cours fermées, les fermes ont une typologie plus souple grâce à l’habitat dispersé. Leur volumétrie est ainsi moins rigoureuse et s’agrémente de décrochés. Peu haute et très allongée, la physionomie des fermes leur permet d’autant plus de s’intégrer dans le paysage très plat qui les entoure. Les exploitations agricoles se caractérisent également par la proximité avec l’eau qui oblige les occupants à surélever leurs habitations pour ne pas vivre « les pieds dans l’eau ». Pour ce faire, ils utilisent la terre récoltée en creusant des fossés. La partie domicile se situe face à la rue afin de faciliter les connexions sociales avec l’extérieur alors que les parties agricoles sont à proximité des terres. L’implantation fréquente des exploitations au milieu des parcelles permet aux agriculteurs de faciliter leur travail de surveillance du bétail et des cultures. A l’heure actuelle, ce type de ferme est toujours visible sur la plaine bien que certaines d’entre-elles furent détruites durant les deux guerres mondiales. Elles se composent néanmoins aujourd’hui d’une nouvelle typologie de bâtiment, le hangar, qui offre une grande capacité de stockage notamment pour les engins agricoles.
EXPÉRIENCE DU LIEU
Urbanisation de la plaine
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EXPÉRIENCE DU LIEU
Urbanisation de la plaine
74 75 Illustration Insertion paysagère de la ferme
EXPÉRIENCE DU LIEU
Urbanisation de la plaine
76 77
45°
O
SO
NE
E
EXPÉRIENCE DU LIEU
Urbanisation de la plaine
76 77 Illustration Coupe et plan illustrant l’insertion paysagère de la maison rurale isolée
La maison rurale isolée, quant à elle, s’implante à la limite de la parcelle avec un léger recul pour permettre l’entretien de sa façade. Son orientation se fait généralement selon l’axe SO/O et E /NE afin que le pignon soit face aux vents dominants de la région et que la façade s’ouvre côté jardin vers le sud. Également peu haute et en longueur, la maison rurale s’intègre tout aussi bien dans le paysage de la plaine. La toiture à 45 ° est conçue pour faciliter l’écoulement des pluies relativement fréquentes sur le territoire. Le fossé ayant à cette époque une large vocation agricole, son absence à proximité de la maison rurale engendre une surélévation de celle-ci d’environ 50 cm pour que ses occupants ne vivent pas non plus les « pied dans l’eau ». Cette explication succincte de l’insertion et de l’aménagement de l’habitat rural démontre la manière dont fermes et maisons rurales isolées sont les témoins d’une intégration subtile dans le paysage de la plaine habitée des siècles derniers. Il est assez déroutant de réaliser que c’est à travers une rationalité architecturale minimale où l’homme ne cherche pas à donner sens au paysage, qu’il lui donne en définitive le plus de sens. En effet l’exploitation rationnelle et maitrisée du milieu par l’homme offre à ce dernier un subtil équilibre pour lui permettre de vivre en communion avec son environnement.
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78 79 Illustration Témoins non réhabilités de maisons rurales isolées.
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Légende Fermes et maison rurales Maisons ouvrières agricoles
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Urbanisation de la plaine
Exemple de la ville de Neuve Chapelle, document réalisé à partir de la carte de 1950, insertion des maisons ouvrières agricoles.*
- Hameaux avec maisons ouvrière agricoles.
Pour étayer mes connaissances sur le territoire, j’entre en contact avec des professionnels d’Artois Comm (Communauté d’agglomération de Béthune-Bruay, Artois Lys) et rencontre une urbaniste en la personne de Mme Hélène Danel qui, par la suite, accepte d’être l’experte externe de mon étude. Nos discussions me permettent de comprendre l’étape suivante de la construction du territoire de la plaine de la Lys. C’est en raison d’une demande grandissante de main d’œuvre liée au développement des productions agricoles que de petits hameaux voient le jour. Composés de maisons ouvrières agricoles, ils s’installent entre les habitats ruraux et mitent l’ensemble de la plaine. Également bâties selon des techniques traditionnelles, les constructions s’installent au croisement de deux rues principales et créent la partie centrale de ces petits villages où viennent ensuite s’installer les bâtiments communaux importants de l’époque tels que la mairie et l’église. La végétation est un élément important du paysage et se trouve favorisée par la présence abondante de l’eau sur le territoire. A cet effet, Françoise Sibowitch et Max Brismaïl précisent que la ceinture végétale qui entoure la maison rurale se retrouve souvent dans ce type d’habitat et constitue une organisation systématique que l’on retrouve 44 dans le « cas d’implantions diffuses ». Les auteurs affirment d’ailleurs que « Dans les villages, la végétation délimite la parcelle à l’arrière des habitations et marque l’organisation linéaire du bâti. La végétation est donc un élément capital 45 dans la structure du paysage. »
44. Ibidem
45. Ibidem
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Urbanisation de la plaine
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82 83 Illustration Insertion paysagère des maisons ouvrières agricoles
EXPÉRIENCE DU LIEU
Légende Fermes et maison rurales Maisons ouvrières agricoles Maisons ouvrières
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Urbanisation de la plaine
Illustration Exemple de la ville de Neuve Chapelle, document réalisé à partir de la carte de 1950, insertion des maisons ouvrières*
-
Maisons ouvrières, habitat linéaire.
La constitution des villages se poursuit avec l’apparition des maisons ouvrières front à rue qui, à leur tour, s’installent entre les habitations existantes. Elles étirent les villages le long des routes et génèrent une urbanisation linéaire. L’explosion de l’industrie textile le long de la Lys engendre une offre de travail très conséquente qui stimule considérablement l’attractivité de la plaine. Un cadre paysager sympathique et maitrisé par l’homme ajoute à cet environnement générateur d’emplois un lieu agréable à vivre. En me référant toujours à la troisième partie de l’Environnement Bas-Pays, je constate qu’à cette époque les anciennes rues sont détruites pour être reconstruites et bitumées. Ainsi, « la rue n’est plus ressentie comme l’espace interstitiel entre les constructions, support des relations publiques / privées. Elle n’est plus qu’un passage automo46 bile. » L’étude du Bas-Pays explique par ailleurs que la maison ouvrière est « massive ». Sa construction se fait en effet essentiellement sur la hauteur et la longueur. S’immisçant entre les murs pignons, elle ne dispose donc que de peu de largeur. Également construites selon les méthodes et matériaux traditionnels, ces habitations offrent des couleurs locales. Ainsi, elles « présentent les mêmes caractéristiques chromatiques que l’habitat rural isolé […] mais elles sont peintes ou crépies plus fréquemment : les teintes varient des blancs rosés et ocres clairs aux rouges et bruns foncés, elles individualisent la maison de ses voisines et créent des 47 ruptures visuelles dans le linéaire des façades. »
46. Ibidem p.21.
47. Ibidem
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Urbanisation de la plaine
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Urbanisation de la plaine
86 87 Illustration Insertion paysagère des maisons ouvrières.
Au regard des connaissances développées lors de mes recherches, je constate que les habitations ouvrières composent l’héritage principal du développement du territoire de la plaine mais également de l’ensemble du nord de la France puisqu’elles « constituent la plus grande partie du 48 bâti régional d’habitat (près de ¼) » . Il est facile d’en faire l’expérience en évoquant le NordPas-de-Calais à une personne qui ne réside pas dans la région. Elle ne parle que de ces alignements de maisons semblables les unes aux autres et de ces rues peu aérées à l’instar de la vision qu’en donnent le bassin minier. Il existe une méconnaissance certaine de la diversité de notre patrimoine architectural et culturel. La région et plus particulièrement la plaine de la Lys disposent d’un héritage riche et diversifié, autre que celui lié la culture ouvrière, méritant d’être d’avantage mis en exergue. A ce stade du questionnement, la continuité dans l’évolution du paysage est évidente. Il s’est construit en fonction des usages et possibilités offerts par la plaine. Les constructions forment à la fois un ensemble cohérent et singulier. Elles sont à l’unisson ou rivalisent de particularités selon les époques pour faire du territoire qu’elles occupent le témoin du vivre ensemble au fil de l’Histoire. S’il est de notoriété publique que cette architecture de briques et de tuiles rouges n’est pas la plus appréciée au regard de celles d’autres régions, elle est le reflet de l’essence même du territoire et fait sens avec la plaine.
48. CAUE, Patrimoine urbain remarquable du nord- Typologie, 2006, p.15.
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88 89 Illustration Insertion paysagère des maisons ouvrières.
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Légende Fermes et maison rurales Maisons ouvrières agricoles Maisons ouvrières Maisons résidentielles
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b. Nouvelle structure paysagère - Maison résidentielle
Si la plaine de la Lys contemporaine conserve les grandes qualités paysagères introduites par les longues décennies de construction du territoire, elle voit néanmoins celles-ci s’amoindrir avec l’évolution de notre société. Les maisons traditionnelles changent pour laisser place à de nouvelles générations d’habitations dont l’usage est uniquement résidentiel. Parfois mitoyens mais le plus souvent individuels, ces logements s’installent dans les espaces vides qui longent encore les routes et prolongent ainsi l’urbanisation linéaire. A la suite du remembrement, de nombreux agriculteurs cèdent en effet une partie de leurs terres le long des axes routiers pour percevoir de l’argent. Ils offrent ainsi et aujourd’hui encore une grande capacité d’accueil pour de nouvelles constructions résidentielles le long de certaines voies de communication. L’atlas des paysages du Nord témoigne de cette évolution territoriale lorsqu’il précise : « Avec la proximité de la MEL, la Lys est aujourd’hui une terre néo-urbaine en expansion à coup de constructions individuelles, elles aussi principalement réparties le long des voies existantes ».49 Le paysage montre que même si certaines habitations reprennent la logique constructive de la plaine à travers l’utilisation de matériaux locaux ou encore de typologies typiques, d’autres s’en détachent totalement et ne répondent plus aux enjeux du contexte. Il est à noter par ailleurs qu’à à la suite du remembrement, de grandes parcelles agricoles permettent des opportunités foncières pour les promoteurs immobiliers.
49. DIRECTION REGIONALE DU L’ENVIRONNEMENT DU NORD, Atlas des paysages du Nord : Plaine de la Lys, consulté le 04/05/2019, [en ligne], p.5., file:///C:/Users/Clara%20 Ducrond/Documents/Cours%20M2/ TFE/2.%20Plaine%20de%20la%20Lys/ plaine_de_la_lys-.pdf
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92 93 Illustration Insertion paysagère de maisons résidentielles sous formes de « grappe de raisin » et sous forme linéaire.
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Illustration Hypothèse d’une urbanisation linéaire poussée à son extrème, territoire de la plaine habitée au sein de la plaine de la Lys, document réalisé à partir de la carte IGN.*
Avec l’appât du gain comme unique motivation, ils insèrent un maximum d’habitations dans un lieu défini. Cette manière de faire engendre aujourd’hui de nouvelles formes d’urbanisation dites en « grappes de raisins » qui dénaturent considérablement le paysage existant.
- Quel avenir ?
La plaine habitée est un territoire qui semble aujourd’hui complètement mité, fruit de longues décennies d’urbanisation ordonnée et dictée par la construction historique du paysage. Cet ordre qui offre à la plaine de grandes qualités paysagères est mis en péril par des nouvelles organisations type « grappe de raisins » totalement étrangères à l’ADN même du territoire. A ce titre, l’urbanisation future de la plaine de la Lys est une question qu’il me paraît primordial de prendre en considération pour penser l’avenir de son territoire. Ce n’est pas sans raison que l’Atlas des paysages du Nord parle de ce phénomène en ces termes :« Ce qui pourrait être décrit comme le « risque majeur », tient à la nature de l’urbanisation ».50 Cependant, si le processus d’habitations linéaires déjà engagé se poursuit, il ne nuira pas à la logique urbaine et historique introduite dans le paysage. En revanche, le nombre d’hectares consommés sera quant à lui à déplorer puisqu’il réduira considérablement la quantité d’espace naturel et agricole. De plus, voir l’urbanisme linéaire poussé un jour à son extrême, c’est probablement refermer à jamais toutes les fenêtres sur le paysage. Celui-ci, en se retrouvant ainsi dans « les cœurs de grands îlots », aboutira à ne plus pouvoir être regarder que du fond de son jardin.
50. Ibidem p.32.
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La volonté des urbanistes de pallier ce phénomène leur demande de tendre vers un habitat plus centré vers le cœur des communes pour laisser à la plaine de la Lys les qualités paysagères dont elle est reine. Cette solution qui semble toutefois logique et intéressante peut néanmoins poser problème. En proposant un système différent de celui constituant la plaine, elle serait comme en contradiction avec celle-ci. Alors même que cette proposition a pour but de conserver le paysage existant, une question peut se poser. En effet, y a-t-il nécessité de vivre de manière centrée dans un territoire organisé sous la forme d’un réseau où « tout 51 semble être habité » comme le stipule l’Atlas des paysages du Nord ? Il me semble que la solution ne peut être ni binaire ni unique. Si trouver une réponse à ce problème dépasse l’ensemble de mes capacités, le sujet peut néanmoins faire l’objet d’une discussion dans le cadre de mon étude. A la lumière de mes recherches, je peux uniquement évoquer mon intime conviction quant à la nécessiter de lier cette nouvelle urbanisation au paysage et à sa détermination. L’une des clefs pourrait se trouver dans les éléments constitutifs du paysage qui participent à l’essence même du territoire tels l’eau, l’agriculture, les bocages où même le bâti existant.
51. Ibidem p17
III.
ExpĂŠrience du lieu.
1. Urbanisation de la plaine. a. Une urbanisation historique.
b. Une nouvelle forme urbaine.
2. Un paysage d’eau. 3. Un paysage agricole.
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100 101 Illustration Canal d’Aire à La Bassée.
Dans ce territoire où l’eau a conditionné l’urbanisation, la valeur qui est attribuée à cet élément pose question. Caractéristique historique et fondatrice du paysage, l’eau bénéficie aujourd’hui d’une gestion laissant penser qu’elle n’est plus considérée comme un avantage mais plutôt comme un inconvénient. En effet, en souhaitant absolument apprivoiser, maitriser et évacuer cet élément à la fois naturel et artificiel, l’homme en oublie sa nécessité première au sein du territoire. Aussi, comprendre chaque ficelle de ce grand réseau hydraulique et la manière dont il fait sens avec le territoire demande de revenir à l’intérêt premier de mon travail : le canal d’Aire à La Bassée. Construit en 1825 à des fins économiques, le canal est à considérer, si je me réfère au propos de Maxence Catry, directeur des milieux aquatiques et risques au sein de la communauté d’agglomérations de Béthune-Bruay-ArtoisLys (Artois’Com), comme «une grande bassine de 41 km de long». Sa position transversale aux réseaux hydrauliques naturels répond à un besoin d’efficacité et de profit de l’homme pour se rapprocher des grandes villes qui structurent le territoire. La présence de cet édifice dans le paysage de la plaine de la Lys témoigne de l’importance de l’eau « artificielle » pour développer économiquement le territoire. L’eau est en effet, avec le train, l’un des intermédiaires les plus importants pour développer l’industrie et donc par ricochet accroître la demande de main-d’œuvre et le nombre de villes. Lors de l’explosion de l’exploitation du charbon, le canal permet le transport d’environ 1/3 de l’export de ce combustible. L’évolution de la société et des technologies voit le gabarit du canal s’agrandir pour accueillir des
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102 103 Illustration Coupe du fonctionnement d’un siphon.
péniches de plus en plus grandes et proposer un transport commercial plus conséquent. Ainsi sa physionomie change, il s’éloigne des villes afin que de gros bateaux puissent y naviguer. Le tracé initial du canal se retrouve ainsi aujourd’hui au cœur des villes de La Bassée, Béthune et Aire sur la Lys, témoins de l’histoire du développement de cet édifice et de la société. Asséché à certains endroits et conservés en d’autres, le canal délimite, entre son ancien tracé et son cheminement actuel, une zone d’expansion industrielle des villes qui se sont installées le long de ses rives pour bénéficier des facilités de transport de marchandises. Alors qu’un système d’écluses permet aux rivières que sont la Lys et la Deûle de se connecter dans le canal, ce sont 23 siphons qui assurent l’écoulement naturel de l’ensemble des réseaux que traverse l’édifice. La découverte de ces nombreux siphons suscite alors mon intérêt et je décide de concentrer mes recherches sur l’entièreté du réseau de la plaine. De manière schématique, il est possible d’imaginer l’ensemble du territoire sillonné par le canal établi comme une maille avec 4 échelles de réseaux d’eau. Cette maille est le fruit d’un jeu savant créé par l’homme entre réseau ancestral et réseau fabriqué. Cette particularité offre aujourd’hui un paysage d’ordre naturel dont le fond est pourtant presque entièrement artificiel. Ainsi les fossés affluent dans les courants qui se déversent dans les rivières et qui, par la suite, se jettent dans la Lys, réceptacle de l’ensemble du réseau hydraulique du territoire. Cette hiérarchie peut également être légèrement nuancée puisque, se formant comme une maille, certains petits réseaux peuvent de temps à autre se déverser directement dans les rivières.
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Légende Canal Rivière Courant Fossé
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Illustration Représentation schématique des 4 échelles de réseaux hydrauliques sur le terrtoire traversé par le canal d’Aire, document réalisé à l’aide de la carte IGN.*
Un tel état de fait permet une grande flexibilité quant à la capacité de retirer ou de rajouter des éléments à cette maille. A partir du moment où chaque élément d’envergure plus petite peut affluer dans un élément de plus grande capacité, le système est fonctionnel. Il faut savoir également que la qualité particulièrement argileuse du sol de la plaine de la Lys rend celui-ci imperméable en profondeur, empêchant l’eau de s’infiltrer davantage dans le sous-sol. Ainsi, la couche supérieure du sol qui se gorge d’eau encore et encore à l’image d’une éponge, explique le vaste marécage qui existait autrefois sur le territoire. Dans la troisième partie de leur étude sur l’environnement du Bas Pays, Françoise Sibowitch et Max Brismail exposent le fait que « L’absence presque totale de relief (pente inférieure à 0,5 %) a obligé à un maillage très dense et géo52 métrique du réseau de drainage et donc du réseau viaire. » Cette particularité démontre l’importance du réseau d’assainissement mis en place pour désengorger la surface superficielle du sol, la rendre cultivable et vivable pour l’être humain. La carte actuelle que j’ai retravaillée à l’aide du plan IGN du territoire exposé ci-dessous permet le constat suivant : « A l’ouest, la plaine se referme, les nombreuses rivières et courants qui alimentent la Lys ont provoqué un mini relief confus, aux directions de Ia pente multiples. Le réseau de drainage est plus large et moins rigide, il ne fait que conforter les ruisseaux existants. L’habitat, attiré par les cours d’eau, libère de vastes espaces de plaine. Le regard peut circuler le long des masses végétales entourant les constructions. Leur répartition par plans plus ou moins éloignés va animer le paysage en variant la profondeur de 53 l’espace perceptible. » Il est alors aisé de comprendre la
52. SIBOWITCH Françoise, BRISMAIL Max, Environnement BasPays 3ème partie, Arras, [A.A.R], 1980, p.8.
53. Ibidem
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106 107 Illustration Récurence paysagère, alignement de saules .
densité plus importante du réseau hydraulique à l’est de la plaine destinée à compenser le manque de réseaux hydrauliques naturels. Ainsi, les fossés créés par l’homme viennent contrebalancer l’absence ou le peu de rivières présentes sur certains espaces de la plaine de la Lys. Les masses végétales implantées le long de ces fossés et généralement composées de saules jouent également un rôle important. En captant une certaine quantité d’eau, elles participent au drainage du sol et créent la diversité visuelle de la plaine.
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108 109 Illustration Différentes échelles de réseaux hydrauliques: le fossé le courant
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110 111 Illustration Différentes échelles de réseaux hydrauliques: la rivière le canal
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Légende Fossés Fossés canalisés
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Illustration Exemple au sein de la plaine de la Lys démontrant la co-évolution de l’urbanisation et de la gestion de l’eau.
A ce stade d’avancement, il me semble pertinent de nuancer certains termes de l’atlas des paysages du nord dans le paragraphe ci-après déjà cité auparavant : « La route suit l’eau… qui suit l’invisible ! La platitude des sols de la plaine de la Lys est une illusion d’optique. La réalité est beaucoup plus complexe et explique sans doute le plaisir répété que prennent les watergangs à changer sans cesse de direction. Les déplacements dans la plaine ont ainsi quelque chose d’absurde : au plat pays, la route droite d’existe pas. 54 » . Il expose également le fait que « Les parcelles restent petites en moyenne et sont séparées par de nombreux fossés. Les routes conservent des traces du passé car elles ondulent du fait de l’hydraulique alors que la topographie 55 permettrait des lignes droites. » En effet, si ces propos reflètent parfaitement l’ambiance paysagère du territoire, je pense néanmoins qu’ils ne sont pas tout à fait exacts. Etudier plus en détails les cartes du territoire me conduit à remarquer que certaines routes plutôt droites existent tout de même. Elles correspondent aux premières routes construites, celles qui permettent la communication entre les bourgs et les villes. A cette époque, la route ne suit pas l’eau car celle-ci, non bitumée, la laisse s’infiltrer dans le sol. De plus, les fossés dont la vocation est avant tout agricole, s’implantent le long des parcelles pour protéger les habitations et les terres cultivées. Avec le développement du territoire et comme expliqué précédemment, le nombre d’habitations augmente ainsi que celui des routes. Leurs installations sont néanmoins contraintes par les fossés déjà existants. Et c’est à la lecture de tout un ensemble de plans que je me permets d’apporter un bémol à l’affirmation des auteurs.
54. DIRECTION REGIONALE DU L’ENVIRONNEMENT DU NORD, Atlas des paysages du Nord : Plaine de la Lys, consulté le 02/04/2019, [en ligne], p.5., file:///C:/Users/Clara%20 Ducrond/Documents/Cours%20M2/ TFE/2.%20Plaine%20de%20la%20Lys/ plaine_de_la_lys-.pdf 55. Ibidem p.13.
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Légende Fossés Fossés canalisés
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114 115 Illustration Exemple au sein de la plaine de la Lys démontrant la co-évolution de l’urbanisation et de la gestion de l’eau.
A mon sens, les nouvelles routes sont venues longer les fossés provoquant leurs changements incessants de direction. Cette lecture de cartes enrichit également les propos de Maxence Catry qui, lors d’une de nos discussions, m’explique que l’installation de fossés dans le territoire ne correspond à aucune trame particulière. Il précise qu’elle témoigne uniquement de la gestion du parcellaire, évolutive dans le temps, et de la création de nouveaux axes de communication. De nouveaux réseaux drainants le long des routes déjà existantes apparaissent en parallèle. Ils laissent supposer que l’homme bitume les routes et continue d’installer de nouvelles habitations le long de celles-ci nécessitant un drainage plus important du sol. Cet urbanisme linéaire de plus en plus conséquent est donc venu ajouter une charge d’eau pluviale supplémentaire aux fossés dont la vocation première est le désengorgement des sols pour leur exploitation agricole. L’apparition d’eau pluviale dans l’ensemble de ces fossés nécessite une capacité de stockage plus importante. Même si l’eau située dans la première couche du sol correspond également à l’eau de pluie, elle se démarque de l’eau de ruissellement (eau récupérée des toitures et se rejetant directement dans le réseau) par son écoulement différé. Elle s’infiltre d’abord dans le sol avant d’être évacuée par le réseau de drainage existant. A la suite du remembrement, les agriculteurs revendent une partie de leurs terres le long des routes entraînant la création d’un nombre croissant d’habitations. A l’heure actuelle, l’homme canalise de plus en plus les fossés car non seulement il ne souhaite pas les entretenir mais en plus il
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116 117 Illustration Exemple au sein de la plaine de la Lys démontrant la co-évolution de l’urbanisation et de la gestion de l’eau.
ne les considère pas comme élément esthétique. Ce fait réduit considérablement la capacité de stockage du réseau artificiel. Par ailleurs, l’urbanisation linéaire offre aux habitations une typologie très gourmande en termes d’espace (la maison 4 façades en plein milieu de sa grande parcelle). Le problème s’accentue avec les parcelles anciennement agricoles ou naturelles qui, une fois transformés en jardins, ne font pas l’objet d’un drainage sérieux ou ne sont tout simplement pas drainés. Enfin, souhaitant des parcelles de plus grande envergure pour cultiver plus facilement à l’aide des nouvelles technologies que sont les grands engins agricoles, les agriculteurs retirent une grande quantité des fossés. Ils mettent en place des drains sous leurs terres afin de récolter l’eau sur toute sa longueur et la déverser dans les fossés restants. Chaque élément ainsi exposé peut sembler insignifiant comparé à l’immensité du réseau hydraulique en place mais, une fois cumulés, ils prennent une ampleur tout à fait significative que l’on ne peut négliger. En effet, l’évolution de la société démontre une augmentation considérable de l’exploitation du territoire qui n’est plus proportionnée à la quantité en décroissance des fossés réalisés initialement pour permettre à l’homme de vivre en ces lieux. Même si la hiérarchie des réseaux est toujours respectée, la quantité de stockage devient de plus en plus limitée et engendre des dysfonctionnements du système. L’architecture du paysage et l’héritage historique de l’exploitation de l’homme pour vivre et cultiver en ces lieux tendent doucement vers une perte de sens en raison du déclin des capacités de stockage du réseau. De sérieux problèmes d’inondation
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118 119 Illustration Récurence paysagère, le fossé.
se posent déjà sur la plaine, notamment au niveau des petites rivières et de la Lys. Selon les dires de Maxence Catry, si la plaine de la Lys continue à se développer ainsi, la vocation de ces réseaux ne fonctionnera plus et l’on courra à la catastrophe. A cette situation s’ajoute l’effet du réchauffement climatique qu’en ce début du XXIème siècle il n’est plus possible de nier. La hausse de la température modifie considérablement les phénomènes climatiques de la région. La fréquence pluviométrique se calcule de moins en moins en cumul sur l’année mais d’avantage en intensité. Aussi, avec sa capacité de plus en plus minime à stocker l’eau, le réseau surchargé par ces pluies intenses mais courtes, provoquerait des inondations toujours plus importantes. Ainsi le paysage naturel c’est à dire marécageux viendrait reprendre ses droits sur l’artificialisation humaine du territoire comme un retour à la case départ. Même si aujourd’hui on tend à ne plus considérer l’eau comme l’élément le plus important du territoire, ne pas en parler en évoquant la plaine de la Lys serait une aberration tant elle fait partie de l’essence même de son développement. Ne plus gérer l’eau que pour la contenir et continuer la construction intensive au sein du territoire de la plaine de la Lys incite l’atlas des paysages du Nord à tenir ces propos non équivoques « Si l’urbanisation devait se poursuivre « au fil de l’eau » (rarement cette expression n’a eu de sens tant ici le fil du chemin suit celui de l’eau), les déplacements au sein de la plaine de la Lys s’apparenteraient de plus en plus à des « corridors de briques » fermant toute perception de
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Illustration Biodiversité au sein d’un fossé.
la réalité intime et agricole des paysages ».56 L’étude de l’hydraulique territoriale dont je viens de parler résonne d’autant plus en moi que ces lignes expriment une crainte pour l’avenir de cet environnement. Puisque l’eau est un des éléments fondateurs de l’évolution de la plaine de la Lys, ne doit-elle pas être aussi celui de sa future gouvernance afin qu’elle puisse faire sens. Ne pas se préoccuper des désavantages qu’engendrerait la poursuite du processus déjà engagé d’urbanisation linéaire nuirait non seulement à la beauté de ce paysage mais aussi à son organisation. Ainsi ne faut-il pas repenser l’eau et sa gestion afin de la relier avec son histoire et à ce qu’est le territoire ? Cet intérêt porté à l’eau ou plutôt à son absence est encore présent dans l’atlas précité puisqu’il précise : « Enfin, dans la plaine de la Lys […], l’eau est particulièrement absente ! Nul ici ne peut ignorer les lois de la gravitation, nul ne peut échapper au caractère collectif de la gestion de cette alliée domestiquée, pourtant les éléments du « vocabulaire 57 » paysager de l’eau semblent souffrir de délaissement » . En tenant compte de l’histoire du territoire pour penser l’avenir de celui-ci, la nouvelle considération portée à l’eau ne pourrait-elle pas être génératrice d’une nouvelle forme d’urbanisation ? La plaine de la Lys a une histoire dans laquelle l’homme s’inscrit. S’il n’en tient pas compte et continue à s’en détacher, alors son existence dans ce milieu perdrait tout son sens.
56. DIRECTION REGIONALE DU L’ENVIRONNEMENT DU NORD, Atlas des paysages du Nord : Plaine de la Lys, consulté le 02/04/2019, [en ligne], p.25., file:///C:/Users/ Clara%20Ducrond/Documents/ Cours%20M2/TFE/2.%20Plaine%20 de%20la%20Lys/plaine_de_la_lys-. pdf
57. Ibidem p.15.
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122 123 Illustration Perméabilité visuelle du paysage
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1. Urbanisation de la plaine. a. Une urbanisation historique
b. Une nouvelle forme urbaine.
2. Un paysage d’eau. 3. Un paysage agricole.
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Illustration Champs de pommes de terre.
La plaine de la Lys est un territoire à la ruralité marquée, la culture du sol faisant entièrement partie de son identité. Dans ce paysage très diversifié, l’agriculture est donc, avec l’eau, l’un des éléments les plus déterminants. En effet, si l’eau est domestiquée c’est dans un premier temps pour assécher la couche supérieure du sol et permettre l’agriculture sur le territoire. Comme en témoigne la publication sur le parc bleu de l’Eurométropole, « l’agri58 culture ne peut se passer d’eau » ce qui rend leur « relation 59 très intense ». La communion entre ces deux éléments fondateurs du paysage n’a jamais autant de sens que dans le cadre de la plaine de la Lys. L’Eurométropole est une région transfrontalière qui allie une partie du Nord-Pas-de-Calais à la Belgique. La mise en place d’une « trame bleue » en son sein est un projet en cours dont l’un des objectifs est de renforcer l’ensemble des réseaux hydrauliques pour contrebalancer les cycles de sécheresse et les périodes courtes mais intenses de pluie qui devraient s’accentuer avec le réchauffement climatique. Il est néanmoins déplorable de constater que ce travail qui comprend les rives de la Lys n’ait pas été étendu à l’entièreté de sa plaine. L’ensemble de mon questionnement démontre pourtant combien il est important de prendre en compte l’eau et sa gestion sur le territoire ainsi que son lien étroit avec l’activité agricole. En effet, la création du réseau de fossés ajoutée à la proximité des axes fluviaux importants tel que la Lys et le Canal d’Aire à La Bassée permirent l’accroissement de cette activité comme en témoigne l’ouvrage sur le parc bleu : « Le transport de matières premières pour les fourrages passe essentiellement par l’eau, ce qui a contribué au développe-
58. L’EUROMETROPOLE, Le parc bleu de l’Eurométropole, 2018, p.118. 59. Ibidem, p.117.
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60. Ibidem, p.18.
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ment de l’élevage et des activités apparentées ».60 Lors de ma discussion avec Maxence Catry, directeur des milieux aquatiques et risques au sein de la communauté d’agglomérations de Béthune-Bruay-Artois-Lys (Artois’Com), je comprends que les agriculteurs, pour pallier les périodes de sécheresse en saison estivale, installent un système de pompage permettant au réseau hydraulique de fonctionner selon la saison dans un sens ou dans l’autre. En période hivernale, la terre est gorgée d’eau et les fossés fonctionnent de la manière la plus connue, en drainant le sol pour affluer dans les courants. Il faut noter que ces derniers ne se jettent pas naturellement dans les rivières. Rajoutés bien après la création du réseau hydraulique, la mise en place des courants par les agriculteurs nécessite d’utiliser une technologie moderne. Ainsi pour faire transiter l’eau des courants vers les rivières l’homme met en place un système de relèvement avec pompe. A contrario, durant l’autre partie de l’année, lorsqu’il n’y a plus assez d’eau dans ces courants, la pompe est coupée permettant ainsi d’en activer une autre qui fonctionne, elle, dans l’autre sens. L’eau qui est cette fois récupérée des rivières afflue dans les courants et les remplit au fur et à mesure. Ceux-ci jouant le rôle de grands bassins font transiter de nouveau l’eau dans les fossés pour la faire remonter jusqu’aux champs 15 à 20 km plus haut et les irriguer. Cette pratique offre aux agriculteurs la possibilité d’avoir de l’eau à proximité de leurs parcelles et d’en gérer la quantité. Ce système ingénieux n’est capable d’exister que sur un territoire extrêmement plat comme l’est la plaine de la Lys. Il témoigne également de la faculté dont l’
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être humain fait preuve en observant son environnement, en le comprenant et en le détournant de manière raisonnée. Ce genre d’action qui ne dénature pas le paysage mais qui, au contraire, en joue pour améliorer le cadre de vie fait sens en ces lieux puisqu’il ne pourrait exister nulle part ailleurs. Cette considération sur le « faire sens », sujet de mon travail, m’amène à formuler une nouvelle fois l’une des hypothèses précédemment exposées, à savoir : « L’une des clefs pourrait se trouver dans les éléments constitutifs du paysage qui participent à l’essence même du territoire tel 61 l’eau, l’agriculture, les bocages où même le bâti existant. » Au regard des données recueillies tout au long de mon questionnement, ce qui n’est au départ qu’une simple hypothèse semble devenir de plus en plus une intime conviction.
61. Hypothèse énoncée dans la partie « Nouvelle structure paysagère ».
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Illustration Schéma exposant le drainage des terres agricoles.*
Il est néanmoins important de préciser que l’usage intensif de l’agriculture peut nuire au bon fonctionnement de l’ensemble du territoire. Comme énoncé brièvement dans le chapitre sur un paysage d’eau, les parcelles agricoles s’agrandissent considérablement à la suite du remembrement mais également suite à la diminution du nombre de fermes en activité. Soucieux de faciliter le travail de leurs terres, les agriculteurs retirent les nombreux fossés situés au cœur de leurs champs. Ils utilisent alors un système de drains pour quadriller leurs parcelles et désengorger suffisamment le sol. Ces drains, longs tuyaux en plastique percés, attirent l’eau et l’évacuent non seulement le plus vite possible mais aussi et surtout plus loin vers les fossés conservés. Un tel système impacte également l’effet de la pluviométrie. Lorsqu’il pleut, le phénomène d’éponge et de tampon du sol ne se fait pas de suite car l’eau infiltrée est attirée par les drains et se restitue plus rapidement vers l’exutoire que sont les fossés. Mais, dans la mesure où les agriculteurs retirent un grand nombre de fossés, la capacité de stockage est considérablement réduite et les fossés encore présents sont ainsi plus rapidement remplis. S’écoulant de moins en moins facilement dans les fossés, l’eau s’accumule au niveau des drains enfouis dans le sol. S’ensuit une stagnation de l’eau dans la couche supérieure du sol avec un effet retard. Cette particularité fait que, dans les premiers temps d’une inondation, l’impact sur les parcelles agricoles n’est pas perceptible. En revanche lorsque les fossés sont pleins et que les drains le sont également, les terres se gorgent complètement d’eau.
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132 133 Illustration Sortie des drains agricoles
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134 135 Illustration Paysage agricole de la plaine de la Lys.
Au vu de ces phénomènes, l’impact hydrologique dans l’agriculture doit être absolument bien connu des agriculteurs pour qu’un nouvel élément ne s’ajoute pas à la liste des facteurs qui engendrent le dysfonctionnement de l’organisation du territoire.Ainsi pour faire sens avec le lieu chaque action mise en place se doit d’être maitrisée et non surexploitée par l’homme. L’élevage et la culture légumière sont des pratiques également à considérer car témoins, elles aussi, des activités ancestrales sur la plaine de la Lys. Nécessitant un personnel agricole qualifié de plus en plus difficile à recruter, certains agriculteurs, en quête d’amélioration de leur qualité de vie, se tournent néanmoins vers d’autres types de cultures. Ces dernières sont fortement dépendantes de la localisation des grandes entreprises agroalimentaires d’échelle nationale qui, par leurs grandes demandes, génèrent l’augmentation des parcelles agricoles et par ricochet la diminution du nombre de fossés. (Mc Cain : Pomme de terre, Roquette : Céréale, Tereos : Betterave). A la situation ainsi présentée vient s’ajouter la pression urbaine influencée par l’urbanisation linéaire. Selon les données de l’étude prospective et stratégique sur le de-62 venir des exploitations agricoles du secteur du Bas Pays, entre 1.4 et 1.7 hectares sont consommés par commune en une année, représentant sur 10 ans environ 15 ha par commune. Ces chiffres rapportés à l’agriculture interpellent tout de suite car ils contextualisent le caractère gourmand de l’urbanisation linéaire. C’est comme un cercle infernal où l’homme cherche à produire davantage avec de moins en moins d’espace tout en retirant les éléments du paysage comme les fossés nécessaires cependant à son bon fonctionnement.
62. COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION BETHUNE-BRUAY ARTOIS LYS ROMANE, étude prospective et stratégique sur le devenir des exploitations agricoles du secteur du Bas Pays, 2018, [PDF], p.7.
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136 137 Illustration Agriculture coincée en «coeur d’ilot »
Ce point critiquese trouve accentué par l’urbanisation linéaire et l’étalement des habitations qu’elle engendre. Le déploiement des constructions vient clôturer de plus en plus les parcelles agricoles et les intègrent dans d’immenses cœurs d’îlots rendant leur accès difficile pour cultiver. Des problèmes de gestion apparaissent inévitablement entre les agriculteurs et les habitants qui viennent vivre à la campagne. Les résidents ne souhaitent pas en effet être confrontés aux désagréments qu’une vie en ruralité peut engendrer, à savoir le bruit des engins agricoles , l’odeur du lisier déversé dans les champs ... A ce niveau, ne faut-il pas se demander si un changement des mentalités ne serait pas bienvenu ? Il s’agirait de revaloriser les connexions entre les différents facteurs et acteurs de construction du territoire pour penser un avenir qui relierait l’homme et son travail du paysage à l’identité de la plaine. Il est certain qu’il y a nécessité à quitter cette spirale négative voire destructrice. Engendrée par l’accumulation des facteurs exposés dans l’ensemble de mon questionnement, elle s’inscrit étroitement dans la surexploitation maladroite du territoire. Aussi, se demander comment renverser cette tendance qui asphyxie le territoire pourtant si qualitatif est une évidence. L’une des réponses peut-elle être la renaissance du sentiment commun d’appartenance à la plaine ? Peut-on s’appuyer sur les éléments du patrimoine paysager et culturel pour changer le regard des hommes ? Faut-il leur révéler de ce fait combien ils font sens avec la plaine et combien ils représentent l’identité de leur environnement pour faire en sorte qu’ils deviennent l’ossature d’un potentiel projet de territoire ?
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Un paysage agricole
138 139 Illustration Evolution des parcelles agricoles de 1950 Ă nos jours.
IV.
Penser le territoire
IV.
Penser le territoire
1. Le terrain d’étude 2. Un double réseau 3. Un réseau élargi 4. Un espace inondable 5. Un réseau semi-connecté 6. Synthèse
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Illustration Sur la plaine de la Lys, les seuls points hauts sont les clochers des églises et les châteaux d’eau.
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146 147 Illustration Ambiance paysagère
Introduire cette dernière partie en citant les propos d’Alberto Magnaghi permet de récapituler l’ensemble des enjeux soulevés tout au long de ce travail de fin d’étude. « Le territoire étant donné comme le produit de processus de coévolution entre le travail humain et la nature, ces processus ne produisent pas un artifice total, mais des néo-écosystème vivants où la nature transformée assume tour à tour des équilibres différents. Villes, collines en terrasses, campagnes travaillées, forêts animées ont chacune des métabolismes qui se sont transformés à travers les civilisations successives, mais qui toujours entretiennent des structures vivantes. Le territoire compris comme un être vivant naît et grandit. Il peut tomber malade, il peut mourir quand la relation de synergie est interrompue -nous parlerons alors de « crises de civilisations » - mais il peut aussi renaître […] Par cette essence de néo-écosystème, le territoire n’est pas un témoignage muséographique du passé. Cela revient à dire qu’il n’est pas un travail achevé et objectivé sous la forme de l’espace édifié […] mais se conçoit comme un sujet, un organisme vivant de haute complexité produit par la rencontre entre évènements culturels et nature, composé de lieux (ou de régions) dotés d’identité, d’histoire, d’un caractère et d’une structure de longue du63 rée. » Ainsi, comme en témoigne Alberto Maghaghi, le territoire n’est pas une élaboration terminée du paysage. Son évolution est donc un possible que nous pouvons penser afin que la plaine de la Lys n’entre pas dans une « crise de civilisation » vers laquelle elle est entrain de tendre. La quête de sens à travers la compréhension du territoire
63. MAGNAGHI Alberto, La biorégion urbaine : petit traité sur le territoire bien commun, Les lilas, [ETEROTOPIA], 2014, p.10.
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148 149 Illustration Situation du site, document réalisé à l’aide de la carte ICN.*
telle qu’elle est soulevée dans l’ensemble de mon questionnement permet d’introduire la suite de mon travail sous la forme d’une réflexion spéculative. Ne pouvant affirmer que LA solution pour renverser la tournure asphyxiante que prend la plaine de la Lys sera trouvée, je pense vraiment que cette manière d’aborder le territoire est un levier particulièrement intéressant. Elle permet de mettre en évidence certains éléments et de les tester pour en comprendre les enjeux, les intérêts et les désagréments. Parce que je ne propose pas une solution mais présente plusieurs hypothèses, cette autre approche de lecture du territoire pour penser son avenir m’a permis d’en décortiquer davantage encore les éléments et de le regarder alors à travers un nouveau prisme. Instaurer une telle réflexion exige néanmoins de spéculer sur une partie plus précise du territoire, ce dernier ayant jusqu’alors été exposé sur une surface beaucoup trop grande pour pouvoir en travailler l’entièreté. Cette contrainte est cependant facilitée par l’une des caractéristiques de la plaine habitée. En effet, comme expliqué précédemment, celle-ci est réputée pour son caractère linéaire lié à la répétition infinie d’un système dont les éléments récurrents constituent le paysage. Il est donc possible de partir du principe que chaque élément caractéristique au sein d’un territoire plus petit de la plaine comprend forcément le système répétitif qui s’applique à l’ensemble du bas pays. Le territoire choisi pour la spéculation comporte 5 communes : Neuve-Chapelle, Lorgies, Vieille-Chapelle, La Cou-
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ture et Richebourg. Le choix de ce site se définit par sa position au cœur de la plaine de la Lys, mais également parce qu’il est représentatif de son développement et se compose de l’ensemble des éléments du système répétitif de la plaine habitée. Il serait toutefois très ambitieux de ma part de spéculer sur l’ensemble des facteurs identifiés tout au long de mon questionnement tant leur analyse approfondie exige énormément de temps. Dans la mesure où ce travail de fin d’étude ne me permet pas ce temps et que je ne peux pas me contenter de survoler les différents items, ma spéculation ne porte que sur l’un d’entre eux : l’eau. Si j’ai choisi d’explorer cet élément factoriel c’est parce qu’il s’entremêle à l’ensemble des éléments qui définissent la plaine. A ce titre, je le considère comme le plus déterminant du développement du territoire. Définissable comme la clef du système de la plaine, l’eau se conjugue à d’autres organisations complémentaires. En effet, que ce soit dans le cadre de l’urbanisation ou de l’agriculture, l’eau est et a toujours été un élément constitutif de chacun des facteurs. Par ailleurs, réfléchir autour de ce thème rejoint mon intérêt premier qu’est le canal d’Aire à La Bassée, à l’origine du déroulé de ma recherche.
64. DIRECTION REGIONALE DU L’ENVIRONNEMENT DU NORD, Atlas des paysages du Nord : Plaine de la Lys, consulté le 20/05/2019, [en ligne], p.25., file:///C:/Users/ Clara%20Ducrond/Documents/ Cours%20M2/TFE/2.%20Plaine%20 de%20la%20Lys/plaine_de_la_lys-. pdf
A ce stade d’avancement, il est aisé de percevoir à quel point l’eau est l’élément récurrent qui ponctue la compréhension de la plaine de la Lys. L’atlas des paysages du Nord stipule d’ailleurs : « Vivre avec la plaine c’est vivre 64 avec l’eau. » Cette formule ancre davantage encore la prise en considération de ce facteur pour penser l’évolution du territoire.
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Comme le souligne les précédents chapitres, la présence de l’eau sur la plaine de la Lys, bien qu’ancestrale, pose aujourd’hui problème. L’évolution de la société génère chez l’homme un manque d’intérêt pour cet élément naturel qui, nié ou camouflé, est pourtant le paramètre le plus important à prendre en compte pour que la vie humaine puisse s’établir sur le territoire. Ce paradoxe transparaît également dans l’atlas des paysages du nord qui précise qu’«il existe une sorte de décalage entre le regard patient des pêcheurs et l’abandon des fossés au droit des zones urbanisées ». Cette disconcordance fait écho au cercle infernal évoqué précédemment, celui où l’homme cherche à vivre dans un paysage tout en niant les paramètres nécessaires à son bon épanouissement. Composante principale du territoire, l’eau joue un rôle primordial. Aussi, pour que l’activité humaine puisse faire sens en ces lieux, elle se doit nécessairement de faire sens avec l’eau. La plaine de la Lys a une histoire dans laquelle l’homme s’inscrit. S’il n’en tient pas compte et continue à s’en détacher, son existence dans ce milieu perdrait tout son sens. Les différents scénarios mis en place au cours de la réflexion spéculative tentent donc de lier la présence de l’homme et celle de l’eau sur le territoire de la plaine. L’intérêt d’un tel lien et par conséquent de la démarche au cœur de ma spéculation se retrouve dans les propos de Christian Norbert Schutlz lorsqu’il dit que « La compréhension du lieu est fondée sur le respect. Et respecter les choses implique de les accepter telles qu’elles sont sans pour autant s’interdire 65 d’intervenir sur ce qui est donné. » Ainsi ce travail a pour but de déceler les potentialités qu’offre l’eau et de les exploiter afin que celles-ci puissent être génératrices d’une
65. NORBERG SCHULZ Christian, L’art du lieu, Paris, [LE MONITEUR], 1997, p.58.
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152 153 Illustration Impact de l’urbanisation sur le terrain d’étude.
nouvelle approche territoriale pour penser l’avenir de la plaine de la Lys. Cet objectif semble d’ailleurs légitimé dans l’atlas des paysages du nord où sont tenus les propos suivants : « La question de l’eau pourrait servir de témoin à ce renouveau d’un paysage transformé au bénéfice de chacun de ses membres. L’eau n’est pas uniquement une 66 question agricole »
66. DIRECTION REGIONALE DU L’ENVIRONNEMENT DU NORD, Atlas des paysages du Nord : Plaine de la Lys, consulté le 20/05/2019, [en ligne], p.25., file:///C:/Users/ Clara%20Ducrond/Documents/ Cours%20M2/TFE/2.%20Plaine%20 de%20la%20Lys/plaine_de_la_lys-. pdf
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Légende Fossés canalisés Fossés Courants Rivières
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Légende Cultures céréalières Cultures maraichères Zone boisées Prairies
Illustration Gestion hiérarchique de l’eau Un territoire agricole
IV.
Penser le territoire
1. Le terrain d’étude 2. Un double réseau 3. Un réseau élargi 4. Un espace inondable 5. Un réseau semi connecté 6. Synthèse
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Légende Réseau secondaire eau de ruissellement Réseau principal eau de ruisellement Rivière Réseau de drainage des sols Joction à recréer au réseau de drainage Zone à aménager
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Un double réseau
158 159 Illustration Mise en place d’un double réseau
Lors d’une de mes discussions avec Maxence Catry, j’ai réalisé à quel point le visage hydrologique d’un territoire devait toujours être remis en question. Ainsi c’est d’une hypothèse évoquée lors de cette rencontre que découle le premier scénario. De manière technique, l’amélioration de la gestion de l’eau possède deux objectifs. Il s’agit d’évacuer l’eau de pluie sur les parcelles urbanisées (eau de ruissellement) et de désengorger la première couche de sol du surplus d’eau car, de nature argileuse, celui-ci ne facilite pas l’infiltration de l’eau. La première hypothèse consiste alors à créer, sur les bases de l’existant, un double réseau. Le premier reprendrait l’ensemble des eaux de ruissellement des surfaces urbanisées alors que le second serait destiné à traiter la problématique agricole. Le réseau existant le long des axes routiers serait isolé et permettrait de récupérer uniquement les eaux de ruissellement, alors que celui à vocation agricole se composerait du réseau restant en « cœur » de parcelles. Ainsi séparés, les réseaux seraient moins impactés par l’urbanisation linéaire. L’écoulement des eaux agricoles n’étant plus entravée, il y aurait diminution de la surcharge d’eau. Mais la difficulté dans ce cas de figure réside dans les jonctions de ces deux organisations puisque le chevelu de fossés tel qu’il est aujourd’hui mélange les deux paramètres, à savoir évacuer les eaux de pluie et rejeter celles liées aux problèmes d’infiltration des sols. Il serait alors possible d’imaginer la création d’une multitude de siphons à l’image de ceux qui jalonnent le canal d’Aire afin de permettre à l’eau de pluie de s’écouler sans impacter la gestion des eaux agricoles.
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Légende Réseau secondaire eau de ruissellement Réseau principal eau de ruisellement Rivière Zone à aménager
Un double réseau
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Légende Rivière Réseau de drainage des sols Jonction à recréer au réseau de drainage
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160 161 Illustration Mise en place d’un double réseau: Réseau pour les eaux de ruissellement Réseau de drainage du sol
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La mise en œuvre de cette proposition demande cependant une main d’œuvre importante dont le rôle serait d’assurer le croisement de ces deux réseaux qui ne doivent plus interférer l’un avec l’autre. L’impact constructif de cette technique soulève la question du nombre conséquent d’enchevêtrements devant constituer le chevelu mais également celle de l’empreinte paysagère d’un fossé. En effet, la mise en place d’un canal et son installation dans le paysage justifient la présence de siphons afin qu’il y ait un écoulement naturel hydraulique. La présence d’un fossé justifie-t-elle la mise en œuvre d’une telle technique pour assurer l’écoulement d’un autre ? Cet écart d’échelle ne semble-t-elle pas un peu absurde pour défendre une telle mise en œuvre ? Pour répondre à cette problématique, il existe très certainement d’autres moyens techniques dont je n’ai pas la connaissance mais ces autres solutions, tout comme celle présentée, ne répondraient à la question que de manière technique et ne proposeraient aucun autre usage à ces architectures paysagères. De plus, même si les réseaux sont séparés, ils correspondent au même type d’eau, l’eau de pluie, puisque ce qui les différencie est leur instantanéité. L’un récupère de manière immédiate les eaux qui ruissellent sur les zones urbanisées alors que l’autre capte les eaux de pluie qui se sont infiltrées dans le sol argileux, sol dont la capacité d’infiltration est très limitée. Cependant le captage de ces eaux par les fossés génère un écoulement plus différé. Composés tous deux d’eau de pluie, leurs affluences se doit d’être rejetées aux réseaux hydrauliques naturels c’est-àdire aux rivières. L’observation de la carte constituée des deux réseaux met aisément en exergue le fait que celui qui
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Un double réseau
reprend les eaux agricoles se rejette de manière répétée et dispersée sur les réseaux plus conséquents et n’engendre aucun impact. Cependant, la logique d’urbanisation linéaire impliqua la création de routes à distance des voies hydrauliques importantes et ancestrales, générant un nombre de croisements beaucoup plus restreint. Ainsi les points d’affluence du réseau de ruissellement urbain sont donc peu nombreux et nécessitent un travail au niveau de la rivière qui les accueille. Il faut alors prendre en compte la quantité d’eau déversée qui est instantanée et qui correspond aux périodes de pluie qui, au regard du réchauffement climatique, seront certes de plus en plus espacées mais aussi de plus en plus intenses. Ces lieux de déversement de l’eau pluviale recevront ainsi une quantité plus importante d’eau sur un instant court or la rivière ne possède pas forcément la capacité d’écoulement. C’est pourquoi prévoir des espaces d’accueil en ces lieux semblent nécessaire. Ce constat ajoute un nouvel aménagement à la liste des actions nécessaires pour que cette hypothèse puisse être mise en place. Cependant de nouveau cette spéculation a pour unique but de résoudre de manière technique la question de l’eau sur le territoire sans chercher à lier d’avantage l’homme à la question de l’identité territoriale. Or cette quête identitaire pourrait s’inscrire dans le travail des points stratégiques d’augmentation de la capacité de stockage de la rivière. Leur création engendrerait des espaces de rencontre et donc de mixité sociale comme je l’avais proposé dans une de mes prémisses de réflexion sur le territoire de la plaine de la Lys.
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164 165 Illustration Plan et coupe des prémisses de reflexion, zone inondable.
A cette époque, ne conscientisant que les problèmes d’inondation liés aux crues de la Lawe, mon but était de créer en cœur de ville un espace d’accueil pour le surplus d’eau instantané, tel un espace hybride dont l’activité aurait la possibilité d’évoluer au fil de l’eau.
IV.
Penser le territoire
1. Le terrain d’étude 2. Un double réseau 3. Un réseau élargi 4. Un espace inondable 5. Un réseau semi connecté 6. Synthèse
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Légende Réseau capable d’être élargit Réseau ne pouvant être élargit
Un réseau élargit
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168 169 Illustration Possibilité d’élargissement du réseau.
Le deuxième scénario s’alimente de la disparition actuelle de nombreux fossés au profit de l’urbanisation et de l’agriculture ainsi que des conséquences de celleci. Ces dernières sont essentiellement liées à la capacité insuffisante des fossés restants qui ne parviennent pas à drainer correctement l’ensemble des parcelles. Ma seconde proposition fait également suite à une rencontre avec Maxence Catry qui tentait de répondre de nouveau à ce problème sur un plan purement technique. Son hypothèse conduisait à redimensionner, agrandir et aménager le réseau en place afin que l’eau s’écoule davantage sur un instant plus court et éviter ainsi non seulement les risques d’inondation mais aussi de mise en eau des terres. Une telle proposition amène à réfléchir sur la capacité du réseau et à se dire que plus celle-ci sera importante, plus l’affluent dans lequel il se déverse devra l’être aussi. Le calibre des réservoirs d’eau doit donc être absolument connu et maitrisé pour faire preuve d’efficacité. Enfin, dans la même logique que la première hypothèse, les rivières, seconds lieux d’accueil de ces eaux de pluie, devront être réaménagées et calibrées. Retravailler ces cours d’eau plus conséquents pourrait alors être un atout majeur pour la mise en place des espaces d’accueil précédemment évoqués, ces lieux où l’homme et ses activités se reconnecteraient et se lieraient autour de l’élément eau. Lors des prémisses de ma réflexion autour de ce thème de l’eau sur le territoire, mon attention s’était également portée sur le cours de la Lawe, autre rivière qui traverse la plaine de la Lys. Elle parcourt le paysage pour courir vers la Lys, figurant la manière la plus directe pour traverser le territoire. En élargissant son lit et donc sa capacité d’accueil,
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Un double réseau
170 171 Illustration Plan des prémisses de réflexion, aménagement du long de la Lawe.
une circulation douce put être mise en œuvre par l’intermédiaire d’une passerelle, témoin fixe des variations du niveau de l’eau. Ainsi la promenade au fil de l’eau peut d’un jour à l’autre prendre une tout autre allure. Allier activité humaine et gestion de l’eau présente, dans ce cas, la possibilité de profiter du cours d’eau pour se déplacer plus rapidement grâce aux circulations douces. La rivière offrant un cadre agréable, le parcours en son sein fait de l’eau non plus une contrainte à supporter mais un atout à valoriser pour l’épanouissement de l’homme et ses déplacements. En revanche l’élargissement des réseaux existants pose quelques problèmes. Alors qu’un tel agrandissement du chevelu de fossé se fait aisément au sein des parcelles agricoles, il n’en est pas de même partout. Elargir les fossés à proximité des axes routiers ou des zones urbanisées engendrent des questions relatives au calibre. En effet, en zone urbanisée, même si le fossé est ouvert, son contexte environnant est parfois si construit que son élargissement peut se faire. De plus, se crée parfois une alternance entre fossés ouverts et fossés busés ou canalisés. Si certains fossés ouverts se prêtent à un possible agrandissement, il n’en va pas de même pour ceux qui sont busés ou canalisés. Comme je l’ai expliqué précédemment, pour que cette hypothèse fonctionne, il faut que l’ensemble du système soit parfaitement calibré de sorte que les réseaux puissent s’écouler de la même manière dans un réceptacle de plus grande capacité. Cette contrainte laisse supposer que l’entièreté des fossés mis « sous terre » et donc non visibles soit également agrandie. Si leur élargissement au cœur des parcelles agricoles et le travail le long des rivières se
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Réseau élargi
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172 173 Illustration Potentialités d’élargissment du réseau. Limites engendrées par cette hypthèse
prêtent à cette proposition, ces actions génèrent par ailleurs aux fossés un rôle d’acteur dans la création d’un lien entre les pratiques de l’homme et l’eau. Mais là aussi se pose la question de la justification de tels travaux urbains. N’existe-t ’il pas des solutions plus simples nécessitant une mise en œuvre plus rationnelle et proportionnée à l’échelle des enjeux de la plaine et de son enchevêtrement de fossés ? La quête de sens qui chemine tout au long de ce travail de fin d’étude démontre bien la nécessité de lier l’homme à l’eau. Or ces hypothèses principalement techniques offrent peu de possibilités pour détourner l’eau et en faire un élément fédérateur entre l’activité humaine et le paysage.
IV.
Penser le territoire
1. Terrain d’étude 2. Un double réseau 3. Un réseau élargi 4. Un espace inondable 5. Réseau semi connecté 6. Synthèse
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Espace inondable
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Espace inondable
176 177 Illustration Insertion de zone inondable
Cette troisième hypothèse est le fruit de plusieurs constats élaborés tout au long de ma réflexion. L’urbanisation linéaire isole les populations entre elles et n’offre plus de lien social. L’homme replié sur lui-même ne cherche plus à se lier avec le paysage environnant, le considérant même presque comme un désagrément. Pour atténuer cet effet, les urbanistes quant à eux cherchent à récréer des centralités urbaines afin de protéger le paysage de l’installation invasive et dénuée de sens de l’homme en son sein, qui se coupe littéralement de tout rapport avec son environnement. Une telle forme d’urbanisation crée également de grands « cœurs d’ilot » dans lesquels l’agriculture se fait de plus en plus difficilement. L’eau qui est pourtant l’élément fondateur du paysage n’est plus considérée à sa juste valeur et se voit dénigrée. Cette hypothèse a donc pour objectif de prendre le contrepied de ces constats pour tenter de répondre à la problématique posée. En effet, la création de zones inondables offre des espaces naturels où la biodiversité est reine. Les bocages, autre élément important du paysage de la plaine (se réduisant de plus en plus avec la diminution du nombre de fossés) pourraient reprendre vie eux aussi en ces lieux. Positionnées au centre des grands cœurs d’ilots, ces aires inondables serviraient de lieux d’accueil aux habitants de ceux-ci. En proposant différentes potentialités d’occupation, ces espaces tampons, dont le rôle est celui d’amortissement hydraulique, seraient perçus comme de grands jardins communs où les citoyens auraient la possibilité de se retrouver et de créer une vie en communauté. Ainsi l’habitat linéaire réputé pour l’isolement social qu’il génère possèderait un espace naturel facilement accessible et proche à l’origine d’une potentielle vie communautaire autour de
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Espace inondable
Paysage actuel
Paysage retravaillé
Paysage innondé
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178 179 Illustration Insertion de zone inondable
l’eau et de sa mouvance. Ainsi, au-delà de l’augmentation de la capacité de stockage des réseaux d’eau, de tels espaces associés à l’élément eau créeraient non seulement un lien entre les habitants mais aussi avec le paysage environnant. Par ailleurs, afin de ne pas être installée au milieu d’une parcelle agricole, chaque zone inondable serait positionnée au niveau des prairies ou autres espaces naturels et ne gênerait en rien l’exécution du travail des agriculteurs. De tels espaces parmi les champs inciteraient peut-être et malgré tout l’homme à renouer avec les activités environnant son habitation comme l’agriculture.
Dans une quête de sens il est cependant nécessaire de se demander si la création de ces zones correspondrait à l’ADN du paysage et si des espaces tampons feraient sens dans un territoire construit sous forme de réseaux ? L’histoire même du paysage démontre comment, par le biais du drainage, l’homme a su faire disparaitre l’eau de la surface alors qu’initialement les lieux étaient totalement marécageux. Ne suivant peut-être pas la logique constructive de la plaine de la Lys, ces interventions seraient néanmoins un clin d’œil au passé du paysage. Lorsque je m’intéresse aux cartes du terroire, je m’aperçois toutefois que quelques zones marécageuses persistent par endroit, sous la forme de petits étangs ou de petites mares. La réalisation de ces espaces tampons ne serait donc qu’un ajout à l’existant.
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Paysage actuel
Paysage retravaillé
Paysage inondé
Espace inondable
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Espace inondable
180 181 Illustration Insertion de zone inondable
Paysage actuel
Paysage retravaillé
Paysage inondé
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Espace inondable
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Espace inondable
182 183 Illustration Insertion de zone inondable
IV.
Penser le territoire
1. Le terrain d’étude 2. Un double réseau 3. Un réseau élargi 4. Un espace inondable 5. Un réseau semi connecté 6. Synthèse
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Légende Réseau existant Réseau semi connecté
Un réseau semi-connecté
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Un réseau semi-connecté
186 187 Illustration Insertion d’un réseau semi-connecté
En plus d’isoler les populations entre elles, l’urbanisation linéaire tend à cloîtrer du paysage environnant ses habitants dans leurs parcelles. Refermés sur eux même, ils vivent souvent comme dans une bulle, résidant sur la plaine de la Lys pour ses qualités paysagères qu’ils ne regardent que peu ou plus. Aujourd’hui, les désordres engendrés par le manque de gestion qualitative de l’eau sont également dûs la baisse de popularité des fossés. Lorsque l’ensemble des habitants vivait exclusivement des rentes agricoles, les fossés avaient un grand intérêt connu de tous. Lorsqu’à la suite du développement des transports et à la proximité de la MEL, cette terre devient de plus en plus résidentielle, de moins en moins d’individus la travaillent. Le rôle fondamental du chevelu dans le paysage s’en trouve méconnu faisant de ces fossés des éléments de plus en plus délaissés. Relier les activités humaines avec l’eau c’est donc rapprocher l’homme des fossés sans qui la vie humaine ne serait pas possible sur ce territoire. Cette dernière hypothèse a ainsi pour objectif de casser l’enclavement social et paysager qu’engendre l’habitation linéaire et d’offrir aux individus un lien physique mais également humain avec la plaine. La création de fossés en fond de parcelles est un moyen de les abouter les unes aux autres et de les rendre communicantes par l’arrière. Une fois ces fonds de propriétés individuelles dégagés, la vue sur le paysage environnant serait éclaircie et la biodiversité se développerait autour des fossés. Comme relaté dans le paragraphe « un paysage d’eau », dans la mesure où toutes les parcelles habitées ne font pas l’objet d’un drainage sérieux, il est courant de voir de l’eau stagnante au fond des jardins. Les fossés qui seraient alors semi-connectés joueraient aussi le rôle de tampon en
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Un réseau semi-connecté
Aménagement actuel
Insertion réseau semi-connecté
Réduction de la taille des jardins privés
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Un réseau semi-connecté
188 189 Illustration Principes d’insertion d’un réseau semi-connecté
drainant l’extrémité arrière des terrains privés ainsi que les champs ou espaces naturels environnants. Le fait d’être semi-connectés permet aux fossés de jouer avec la différence d’instantanéité entre les « différentes eaux de pluie ». Lorsque d’importantes quantité d’eau tombent sur les terres, le réseau instauré viendra tamponner son écoulement en stockant et drainant les eaux infiltrées dans la couche supérieure du sol. L’eau ruisselant sur les parties urbanisées (où l’infiltration ne se fait pas) s’évacuera plus rapidement dans le réseau. Et c’est uniquement lorsque la hauteur d’eau dans les fossés atteindra un certain niveau que le surplus s’écoulera au niveau du réseau existant. Ce scenario opte ainsi pour l’ajout d’un sous réseau de fossés au réseau de drainage existant qui ne se connecterait qu’en cas de surplus d’eau. Drainant ainsi une plus grande surface de terre, le système augmente la quantité d’eau recueillie qui, stockée en première intention dans ces nouveaux fossés, s’écoulera de manière diffuse. La mise en place de ce dispositif hydraulique ne nécessite donc pas le recalibrage du réseau existant sensé recueillir l’ensemble des eaux de pluie. Mais il est possible de pousser le raisonnement plus loin. Il faut dans ce cas imaginer que chaque habitant décide de réduire de manière considérable son fond de parcelle privée pour générer un grand espace commun qui communiquerait avec toutes les extrémités arrières de jardin. Cette organisation se traduirait par une possible vie en communauté partagée autour des nouveaux fossés, là où le paysage de la plaine de la Lys s’offre à ses habitants. N’étant plus uniquement reclus dans leurs terrains privés, les individus auraient la possibilité de communiquer entre eux, de
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Aménagement actuel
Insertion réseau semi-connecté
Réduction de la taille des jardins privés
Période normale
Fossé semi-connecté
Fossé actuel
Fossé actuel
Fossé semi-connecté
Période de forte pluie
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190 191 Illustration Principes d’insertion d’un réseau semi-connecté
nouer des liens et de partager des instants de vie tant par l’aménagement de l’eau que par le regard porté sur le paysage environnant. Leur représentation du territoire s’en trouverait probablement modifier et s’orienterait peut-être vers une vision commune. La nouvelle considération pour le fossé en tant que tel serait un élément de connexion entre la vie privée et le monde environnant qu’il soit humain ou paysager. Cette perception par un grand nombre voire par tous élargirait le prisme du regard sur le territoire et pourrait être un facteur conséquent d’une reconnaissance identitaire nouvellement partagée. Ainsi, cette intervention, en offrant une nouvelle couche d’histoire au paysage, ferait pleinement sens avec le territoire. Son installation dans l’ADN même de la plaine de la Lys en est un critère essentiel qui tente de renouer l’homme et ses activités à l’élément fondateur des lieux, l’eau.
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192 193 Illustration Insertion d’un réseau semi-connecté
IV.
Penser le territoire
1. Le errain d’étude 2. Un double réseau 3. Un réseau élargi 4. Un espace inondable 5. Un réseau semi connecté 6. Synthèse
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L’ensemble de ces scenarios offre une lecture nouvelle et plus précise du paysage de la plaine. La prise de conscience des potentielles évolutions de celle-ci à travers la réflexion sur l’eau cerne de manière plus fine les enjeux et désavantages de tels remaniements territoriaux. Par ailleurs, la spéculation autour des organisations paysagères complémentaires à l’eau revêt un caractère tout aussi important pour poursuivre l’approfondissement de la connaissance de l’environnement et ses potentialités. De plus, les données recueillies depuis les prémisses de ce travail et les quelques hypothèses élaborées à la suite permettent de présenter de manière générale les principaux intérêts de la plaine et de susciter la discussion. La complexité de la gestion de l’eau sur le territoire est le premier élément mis en exergue. Nécessitant un maniement précis, elle s’envisage au regard de l’évolution climatique annoncée et des risques de pluies intenses mais brèves dont la fréquence diminuera probablement de plus en plus. Que ce soit sous forme de stockage ou d’évacuation, la capacité à gérer l’eau est donc un enjeu de taille. Si je me réfère de nouveau à la réflexion de Maxence Catry, palier le risque d’inondation est inscrit dans le PPRI (plan de prévention risque inondation) à travers une loi instaurée à sa suite. Celle-ci stipule que dorénavant, pour 100 m² d’imperméabilisé, il faut prévoir 4 mètre-cube de stockage d’eau. Les différentes propositions énoncées lors de la spéculation montrent que stocker l’eau peut se faire selon des approches autres que purement techniques, c’est-à-dire autres que celles qui répondent à un dysfonctionnement territorial. Il s’agit d’utiliser la nécessité de stocker l’eau comme un moyen de réanimer le paysage passé de la
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plaine de la Lys à travers, par exemple, les bocages tout en provoquant l’engouement des hommes pour le territoire. En développant l’attractivité du lieu, la population peut partager des instants de vie en son sein et se reconnaitre autour de cet élément qu’elle ne voit plus ou même qu’elle nie.
Alors que le début de ce mémoire voit mon intérêt se porter exclusivement sur la Lawe, une des rivières qui traversent le territoire, ma réflexion me conduit à considérer comme plus judicieux de poursuivre la démarche par un travail en amont. Je constate ainsi que mieux stocker l’eau à l’échelle de l’habitation rapporté au nombre de celles-ci peut considérablement réduire le risque de débordement des rivières. A partir de là, le travail des zones de stockage doit se faire de manière à ce qu’elles aient un impact physique et social sur l’environnement paysager et sociétal. Il va de soi à ce niveau, qu’en fonction de certaines spécificités, tous les lieux nécessitant un stockage de l’eau ne pourront pas être dotés d’un tel aménagement. D’autres solutions plus techniques existent, sans aucun ancrage paysager, mais toutes aussi efficaces. Il en est ainsi par exemple des citernes. C’est pourquoi penser l’avenir territorial et son urbanisation future en y intégrant l’eau et sa gestion engendrera forcément une uniformité constructive en lien avec l’essence même du territoire. Ainsi, au lieu de continuer à construire égoïstement, l’homme renouera avec son architecture tandis que ses activités le feront avec le paysage, tous deux coexisteront alors en harmonie. En repositionnant l’eau au cœur du développement territorial, l’être humain redonnera du sens à ses interventions sur la plaine.
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Fenêtres sur le paysage actel
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Fenêtres morcelées par l’habitat linéaire aléatoire
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Taille fenêtres conservées par un habitat linéaire pensé
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198 199 Illustration Conserver les fenètres sur le paysage
En parallèle, diminuer l’impact hydrologique et pluviométrique nécessite l’évolution de la réglementation ainsi que celle de ses différents acteurs. A cet égard, les fossés construits en fond de parcelles ou toutes autres interventions paysagères en lien avec l’aménagement rural devraient être à la charge d’entretien des habitants, résolvant de ce fait l’incidence de leurs parcelles sur l’ensemble du territoire. Ainsi, comme il ne serait pas demandé à la communauté urbaine de régler les dysfonctionnements générés en amont par les habitations individuelles, cela semblerait politiquement plus juste. L’homme qui vient vivre sur la plaine de la Lys se doit d’être conscient de l’impact qu’il a sur ce territoire. Afin d’y vivre sereinement et de faire sens avec lui, il faut que l’habitant s’engage à minimiser son empreinte en ne générant aucun dysfonctionnement du paysage. En revanche, les communautés urbaines auraient à charge l’impact causé par les aménagements publics. Toujours dans le but d’amoindrir les effets de l’urbanisation des sols, de nombreux espaces publics pourraient être réaménagés. Leur réorganisation diminuerait l’imperméabilisation des sols réduisant ainsi la quantité des eaux de ruissellement produites par ces espaces que sont par exemple les parkings ou les places. Penser l’avenir du territoire de la plaine de la Lys nécessite certes de s’attarder sur la question de l’eau mais pas uniquement. Mon travail montre que l’urbanisation linéaire et l’agriculture jouent également un rôle prépondérant dans la définition du paysage. Aujourd’hui se pose la question de savoir s’il faut continuer l’urbanisation linéaire déjà engagée ou s’il est préférable de créer une centralité au cœur des communes, une volonté que les urbanistes revendiquent pour pallier les méfaits de la surexploitation
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200 201 Illustration Urbanisation sous forme de «grappe de raisins» Urbanisation linéaire
de l’urbanisation historique. Si selon moi ce ne peut être un choix entièrement binaire mais un choix plutôt orienté en fonction des spécificités de chaque lieu, la lecture du territoire permet néanmoins de proposer quelques pistes d’orientation pour continuer à penser une urbanisation sensée et en lien avec l’environnement. En effet, si l’urbanisation devait être poursuivie à certains endroits de manière linaire, il serait préférable d’essayer de conserver au maximum les fenêtres qui ouvrent sur le paysage afin que le territoire continue d’offrir cette perméabilité visuelle qui fait tout son charme. De plus, que ce soit dans le cadre d’une urbanisation linéaire ou plus centrée, les nouvelles organisations type « grappe de raisin » liées aux opportunités foncières doivent être considérablement limitées. Totalement étrangère à l’ADN même du territoire, cette forme d’urbanisation dénature en effet la logique constructive de la plaine qui se voit dénuée de sens en ces lieux. Afin de limiter l’impact visuel qu’engendre ce type d’urbanisation, le travail de l’eau en fond de parcelle peut être un atout pour recréer des bocages et intégrer les constructions aux caractéristiques du paysage actuel. Il faudrait alors peut-être imaginer, en des lieux donnés, une densification du tissu urbain de manière tout aussi linéaire. Ainsi, que l’on soit dans un tissu dense ou dans une trame espacée, la linéarité du territoire continue à prôner et faire sens.
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202 203 Illustration Réduction de l’impact visuel par l’insertion de bocage.
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Cette urbanisation linéaire est également connue pour son caractère gourmand en espaces. Cette typologie représentée par la maison individuelle au cœur d’une grand parcelle continue aujourd’hui à réduire considérablement la quantité de terre agricole ou d’espace naturel au profit de l’habitation résidentielle. Il est donc également nécessaire de se demander si une évolution de cette typologie ne devrait pas se mettre en place afin d’être plus économe avec la gestion de l’espace. Ainsi l’homme continuerait à construire de manière linéaire mais sur des espaces plus restreints. C’est pourquoi avoir évoqué précédemment la nécessité de changer la mentalité s’avère également important dans ce cadre. Même si construire de manière plus dense et moins pavillonnaire ne correspond pas à l’attente de la population en ces lieux, continuer à grignoter davantage le territoire ne semble pas être pour autant la bonne solution. La question du sens que prend une typologie plus dense au sein de la plaine de la Lys doit également être posée. Ne faudrait-il pas s’inspirer des potentialités qu’offre cette urbanisation historique pour penser un habitat plus dense ? C’est d’ailleurs autour de ce sujet, que dans le cadre d’une discussion avec mon experte externe, Hélène Danel, urbaniste au sein de la communauté d’agglomération de Béthune- Bruay Artois Lys, elle m’expose le besoin de s’appuyer sur les architectes afin de changer les mentalités. Ainsi, en proposant de nouveau projets qui allient densité et mixité, les architectes pourraient venir réduire l’enclavement social engendré par l’urbanisme linéaire et également démontrer qu’une promiscuité relative peut être
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tout aussi agréable pour s’épanouir sur le territoire. Nuancer les propos que je viens d’exposer est également primordial pour la compréhension de cette réflexion. L’habitat plus dense ne doit pas être assimilé à un habitat urbain de grande ville qui n’aurait pas sens d’exister sur le territoire. Il pourrait simplement être pensé à travers des lieux par tagés à plusieurs habitations comme les jardins, ce qui per mettrait de profiter d’un grand espace tout en réduisant le nombre d’espaces utilisés.
A la lumière des hypothèses avancées, définir de manière précise LA solution susceptible de répondre à la problématique posée est clairement impossible tant le territoire de la plaine est grand et subtil. Il en va de même des prescriptions à définir (qui ne peuvent qu’être générales) pour penser l’avenir du bas pays puisque chaque lieu, tout en répondant à une culture paysagère commune, s’avère singulier. Le parallèle avec l’homme est évident, les êtres humains se ressemblant par leur ADN, leur aspect physique… mais se différenciant aussi par leur histoire, leur singularité… De façon plus précise, cette analogie se traduit dans l’environnement par une la plaine de la Lys qui, comme énoncé tout au long de mon travail, offre un cadre précis aux lieux mais des lieux qui pour autant se différencient les uns des autres à divers niveaux comme leur installation dans le paysage, les habitants qui les composent, leur proximité avec tel ou tel élément du paysage, etc.
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206 207 Illustration Citoyen entrenant le fossé devant son habitation.
Je suis néanmoins intimement convaincue de la nécessité de lier l’homme à son milieu afin que tous deux coexistent en harmonie et continuent de générer un paysage tout aussi qualitatif que celui construit durant des décennies. Tenter de limiter les dysfonctionnements vers lesquels tend le paysage de la plaine paraît tout aussi nécessaire et trouve une réponse dans la mise en place de moyens techniques. Il semble également évident que la dimension humaine est à considérer absolument et doit être transmise afin que toutes ces dispositions techniques prennent sens sur le territoire. L’objectif est bien de créer un sentiment commun d’appartenance à la plaine de la Lys en trouvant les éléments valorisants et valorisables à l’origine d’un projet d’avenir.
Conclusion
CONCLUSION
67. DIRECTION REGIONALE DU L’ENVIRONNEMENT DU NORD, Atlas des paysages du Nord : Plaine de la Lys, consulté le 22/05/2019, [en ligne], p.5., file:///C:/Users/Clara%20 Ducrond/Documents/Cours%20M2/ TFE/2.%20Plaine%20de%20la%20Lys/ plaine_de_la_lys-.pdf
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La plaine de la Lys est un territoire fascinant tant elle est mystérieuse. Elle est le fruit d’un jeu savant entre paysage naturel et paysage artificiel que seul un regard averti et attentif est capable de déceler. Comme l’explique également l’atlas des paysages du nord : « Le paradoxe de ces paysages est qu’ils sont sans doute parmi les plus regardés, mais également les plus méconnus de la région 67 ». Il est vrai que, pour y être née et y avoir grandi, la méconnaissance dont j’ai fait preuve à l’égard de ce territoire, durant toutes ces années, me frappe encore. Il me semble aujourd’hui nécessaire de repréciser l’optique qui était la mienne au commencement de ce travail. Soucieuse des relations entre l’homme et le paysage, ma première approche cherchait à comprendre les enjeux d’un territoire afin de les dénoncer à travers l’architecture et plus précisément à travers l’émotion qu’elle évoque. Mais plus mes recherches avançaient, plus mes connaissances se précisaient à l’égard de la plaine et plus je réalisais que le travail que je menais était tout autre. En comprenant les détails des relations entretenues entre l’homme et son environnement, je cherchais non pas un message à véhiculer à travers l’émotion mais plutôt à trouver ce qui faisait réellement sens entre ces différentes relations. Je repris alors l’ensemble de mes recherches pour les réinterpréter à la lumière de cette prise de conscience. Auparavant marécageuse, le plaine de la Lys se voit sortir des eaux grâce au travail patient de l’homme. Cet assainissement nécessite alors la création d’un énorme réseau de fossés qui devient une des caractéristiques principales et fondatrices du paysage. S’ensuit une expansion agricole
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si conséquente qu’elle devient l’activité principale du territoire. Une urbanisation historique se développe également, conditionnée principalement par l’eau et sa gestion. Cette urbanisation linéaire, aujourd’hui associée aux difficultés de gestion de l’eau et à la surexploitation agricole du réseau mis en place, atteint certaines limites et dérègle le fonctionnement paysager. La plaine est en effet un territoire possédant un grand nombre de qualités paysagères qui reprennent l’image de la « campagne urbaine » mais dont les spécificités semblent toutefois tendre vers un appauvrissement du paysage et une perte de sens. L’ensemble de la recherche permet alors de comprendre que, pour faire sens avec le lieu, l’architecture doit relever d’une attention particulière vis-à-vis de ce qu’il lui dicte. Elle n’est donc pas forcément bâtie, elle peut se présenter sous la forme d’un travail paysager à l’image du chevelu de fossés créé par l’homme pour subvenir à ses besoins. Cependant, telle que j’en parle dans ce travail, l’architecture n’existerait pas sans l’homme et sa réflexion sur le paysage. Réflexion qui l’amène à en redessiner les contours pour y vivre. Les propos de Christian Norberg Schulz permettent d’illustrer parfaitement la posture que doit adopter cet art afin de faire sens avec le lieu :« La compréhension du lieu est fondée sur le respect. Et respecter les choses implique de les accepter telles qu’elles sont sans pour autant s’inter68 dire d’intervenir sur ce qui est donné. » L’architecture n’a donc de sens avec le lieu que si elle permet de relier l’homme (l’être qui la pense) au paysage (lieu qui la reçoit). Elle n’existe ainsi simplement que pour « construire une pensée » à travers laquelle l’homme module le paysage et le réinterprète pour subvenir à ses besoins.
68. NORBERG SCHULZ Christian, L’art du lieu, Paris, [LE MONITEUR], 1997, p.58.
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Le problème que rencontre notre société actuelle est la perte de prise en compte du paysage pour mettre en place l’architecture, générant des constructions de plus en plus dénuées de sens. L’évolution de la société et des technologies ne nécessite plus que l’homme vive en totale communion avec son environnement pour subvenir à ses besoins. Il s’en détache alors peu à peu pour finalement en nier de plus en plus les éléments caractéristiques qui sont cependant primordiaux pour son épanouissement en ces lieux. Ainsi l’installation de l’individu dans le paysage n’est plus dictée par ce dernier et n’a plus de sens avec l’essence même de la plaine de la Lys. A cet égard, la notion de culture paysagère est un élément clef de ma réflexion. A travers cette quête de sens, il était nécessaire de comprendre les us et coutumes transmis grâce à la culture du territoire de la plaine. Force est de constater, aujourd’hui, que les liens entre être humain et paysage sont de plus en plus minimes et que, négligés, ils pourraient peut-être un jour se défaire. Les hypothèses conçues lors de la spéculation tentent de recréer un sentiment d’identité territoriale. C’est en liant les enjeux territoriaux à l’héritage paysager de la plaine ainsi qu’à l’homme et ses activités qu’un regain d’intérêt de l’être humain à leur égard peut être généré. L’homme se doit de comprendre et de transmettre, à travers la culture, l’importance de se lier au paysage pour que son évolution en son sein ait du sens. Bien que mon mémoire n’ait pas fait l’objet d’un projet d’architecture à proprement parlé, décortiquer l’ensemble du territoire pour en cerner les différents acteurs et les liens entre eux fût pour moi un réel projet.
CONCLUSION
L’analyse de la plaine me mène aujourd’hui à une conscientisation de l’impact humain sur un territoire donné, qu’il soit positif ou négatif. Ce constat est, à mon sens, la plus grande leçon que je souhaite retenir de ce travail. Par ailleurs, réapprendre ce territoire que je connais depuis toujours à travers mon regard de « future » architecte ne fait que conforter en moi le réel sentiment de chance d’avoir effectué des études d’architecture car j’ai éprouvé un réel plaisir à réaliser l’ensemble de ce travail. La découverte de nouvelles grilles de lecture est un point tout aussi essentiel de ce mémoirel. Elle enrichit les connaissances que je pourrais mobiliser et les outils dont je pourrais user lorsque je défendrais demain un projet architectural. Ainsi, avec l’œil avisé grâce aux études et l’œil qui, je l’espère, s’avisera davantage durant la pratique du métier, je pourrais lire le monde autrement et comprendre plus finement l’environnement qui nous entoure. C’est aujourd’hui avec une certaine fierté que je regarde les cinq années qui viennent de s’écouler au sein de la faculté d’architecture de l’UCL. Elles m’ont apporté un socle de connaissances solide ainsi qu’un savoir-faire et un savoir-être en totale adéquation avec ma vision du métier d’architecte. Même si je me doute que la réalité professionnelle m’apportera d’autres approches du métier, j’ose espérer pouvoir exprimer demain les valeurs qui m’ont été transmises lors de ces études, à savoir rigueur, écoute mais également humilité.
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Au terme de cet apprentissage, j’émets le souhait que le travail ici présenté puisse être une contribution à la valorisation du territoire fascinant qu’est la plaine de la Lys. Il serait néanmoins intéressant d’approfondir la spéculation afin d’accroître davantage la connaissance du territoire et des éventuelles possibilités qui lui sont offertes. Cette réflexion entame, je l’espère, un long processus d’amélioration du territoire dans lequel s’inscrit la démarche de mon expert externe, Hélène Danel. Ce travail dont l’enjeu se révèle être l’inversion de la tournure négative vers laquelle tend la plaine de la Lys montre que l’objectif est de s’appuyer sur le patrimoine paysager dorénavant mis en lumière pour servir d’ossature à la création d’un éventuel futur projet de territoire.
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Sources
SOURCES
Bibliographieet sources web
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Iconographie
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Tous les documents (plans, photos, cartes, graphiques, schémas) dont la source n’est pas citée sont de l’auteur. Ceux égalements signalés par une * sont une évolution de documents existants, modifiés par l’auteur.
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Mémoire présenté par Clara DUCROND en vue de l’obtention du diplôme d’architecte Référent interne : Agnès Mory Expert externe: Hélène Danel Promoteur d’atelier: Renaud Pleitinx, Bourrez Olivier, Chuillon Guillem Année Académique 2018-2019 Faculté d’architecture, d’ingénierie architecturale et d’urbanisme - UCL /LOCI Tournai.
Merci pour votre lecture
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