LA NEIGE A MONTREAL, quels impacts dans la conception et la gestion de la ville ?

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LA NEIGE À MONTRÉAL quels impacts dans la conception et la gestion de la ville ? Clément Chapuis

sous la direction de Anahita Grisoni

Mémoire de Master ENSAL / UQÀM 2014-2015



« On jurerait que nous voulons abolir l’hiver, ou l’été, n’en retenir que l’expérience purement esthétique, exempte de toute repercussion sur notre quotidien »

«Sensations urbaines, une approche différente de l’urbanisme» Centre Canadien d’Architecture, Mirko Zardini, 2005, p.104



REMERCIEMENTS Ce travail de recherche s’est échelonné sur une durée de plus d’un an et n’aurait été possible sans l’aide de plusieurs personnes, qu’elles aient interféré de près ou de loin dans l’étude de ce sujet. Je tiens particulièrement à remercier l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon (ENSAL), sans laquelle mon année d’échange à Montréal n’aurait été possible. Je remercie également l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) pour l’accueil chaleureux et l’enseignement bénéfique qui m’y ont été inculqués durant ce séjour. Sans quoi ce sujet n’aurait jamais pu voir le jour. Je remercie personnellement ma directrice de mémoire, Mme Anahita Grisoni, pour m’avoir suivi durant cette longue recherche et avoir réussi à s’entretenir avec moi malgré la distance et le décalage horaire. Je tiens à souligner l’aide précieuse de M. Oscar Ramirez, ayant accepté de me recevoir et de prendre du temps de répondre à mes questions. J’ai également eu l’honneur de bénéficier des conseils de M. Patrick Evans, qui m’ont permis de préciser mon sujet et orienter mon questionnement. Enfin je remercie ma famille pour m’avoir suivi tout au cours de cette aventure et particulièrement ma Grandmère pour avoir eu la gentillesse d’effectuer la relecture de ce mémoire.


SOMMAIRE INTRODUCTION

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I) LA NEIGE, UNE VISION CULTURELLE ET SOCIALE.

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1. L’UNIVERS DE LA NEIGE.

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• Représentation positive • Expérience négative

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2. IMPACTS SOCIAUX

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• Changement du mode de vie en hiver. • Conséquences psychologiques • Une culture qui fait abstraction des problématiques • Des problématiques qui imposent une réflexion. _ Les personnes âgées _ Les sans-abris • Des problématiques quotidiennes

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3. COMPORTEMENT HUMAIN ET URBAIN

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• Adaptation de la ville aux conditions hivernales • Les lieux publics • Les lieux interstitiels • Les espaces privatifs

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4. POINTS DE VUES MONTRÉALAIS.

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• La démarche • Les modes de déplacements • Le déneigement • Loisirs et activités • Résultats

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II ) LA NEIGE, QUELLE PRISE EN COMPTE ?

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1. REMISE EN QUESTION DU SUJET.

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2. DENEIGER LA VILLE, QUELLES MÉTHODES ?

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a) L’épandage. b) Le déblaiement c) Le chargement d) Le stockage et l’élimination

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3. « RESO », LA VILLE SOUTERRAINE.

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4. MISE EN ÉVIDENCE D’ÉLÉMENTS ARCHITECTURAUX.

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• L’escalier montréalais • L’ossature • La toiture • Les balcons • Les sas d’entrée

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5. POINT DE VUE ARCHITECTURAL (interview d’oscar Ramirez)

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III) LA NEIGE, TRANSFORMER LA CONTRAINTE EN ATOUT.

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1. UNE APPROCHE DIFFÉRENTE.

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2. LA NEIGE ET LES CONDITIONS CLIMATIQUES, UN ATOUT TOURISTIQUE.

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• Neige et développement touristique • Le vieux port de Montréal • L’hôtel de glace de Québec

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3. PRISE DE CONSCIENCE ET MISE EN PLACE D’UNE DYNAMIQUE URBAINE.

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• Concours Luminothérapie • Concours Nordicité

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4. LA NEIGE COMME MOYEN D’INNOVATION URBAINE

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CONCLUSION

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ICONOGRAPHIE

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BIBLIOGRAPHIE

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SITOGRAPHIE

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INTRODUCTION Ce mémoire s'inscrit à la suite du travail précédemment réalisé, dans le cadre du rapport d'étude, pour lequel le sujet traitait des stations de sports d'hiver dans les Alpes françaises. Cherchant à poursuivre cette réflexion dans un contexte à la fois différent mais toujours en continuité, mon choix s'est porté vers la neige, élément faisant le lien entre l'activité touristique des stations et le fonctionnement de la ville en hiver. Ayant réalisé un année d'échange à Montréal, le contexte de recherche s'est imposé, principalement du fait que cette ville soit l'une des plus enneigées au monde. Suite au travail sur l'architecture des stations de sports d'hiver et mon questionnement sur la possibilité de produire à nouveau une architecture de montagne innovante, je me tourne vers la ville. A l'origine de ce travail de recherche, l'idée est de pouvoir approfondir la question de l'aménagement urbain en raison du climat hivernal. En effet, le premier enjeu aurait été de pouvoir établir des liens entre le fonctionnement de la ville sous la neige et celui des stations de sports d'hiver. Le but est de comprendre certains fonctionnements liés à ce que l'on nomme « nordicité » (0) de manière à l'appliquer à l'aménagement des stations de ski. Cependant, avant de pouvoir entamer cette réflexion, il faut se rendre compte de la différence de contexte qu'il existe. Les stations des alpes ont été conçues dans un but précis de revitalisation des régions montagnardes et sont destinées à une activité purement touristique, ce qui ne s'applique absolument pas à la ville. Celles-ci représentent uniquement des lieux de loisirs et de passage pour la plupart, tant dis que la ville présente bien plus de complexité. Du fait de sa taille et des activités qui y sont liées, les questionnements et enjeux ne sont pas les mêmes. D'un point de vue environnemental également, la montagne est un sujet géographique spécifique. C'est pourquoi avant de pouvoir affirmer la possibilité d'y appliquer les aménagements de la ville, il est nécessaire d'étudier le fonctionnement d'un ville nordique indépendamment. C'est ainsi que se met en forme la base du sujet, cherchant à mettre en rapport les enjeux que produisent ensemble la ville et la neige. Ce travail fait également état de la découverte d'une ville (Montréal), d'un pays (le Canada), de sa culture et du rapport qu'entretient la population au climat hivernal. La neige n'est autre qu'un événement climatique, résultat du refroidissement de l'eau lors de précipitations. D'ailleurs décrite par le dictionnaire Larousse comme « eau congelée qui tombe des nuages en flocons blancs et légers », la neige est le résultat d'un phénomène scientifique, qui pourtant suscite beaucoup d'intérêt. De nombreux ouvrages en témoignent et plus largement, l'ensemble des éléments qui y sont liés. Après réflexion, cette perturbation atmosphérique nous touche à de nombreux niveaux. Que l'on ait créé pour la neige ou bien que la neige nous ait fait créer, elle est responsable de nombreux de nos faits et gestes. Certaines pratiques telles que le ski, la luge ou bien tout ce qui touche aux autres sports d'hiver y sont extrêmement attachés. Toutes ces inventions créées en fonction de la neige, font de cet or blanc une source d'activité économique très importante. L'industrialisation de nombreux éléments en dépend et ne pourrait exister sans sa présence. L'importance qu'on peut lui apporter n'est donc pas négligeable. Il est souvent question d'environnement et de problèmes liés à l'eau mais beaucoup moins lorsque celle-ci se trouve sous forme de flocons. Malgré tout c'est une ressource et même si elle peut sembler secondaire, certaines personnes vivent de son exploitation. L'exemple des stations de sport d'hiver en est révélateur, puisque plus qu'un problème environnemental, la disparition de la neige signifierait la fin de toute l'activité qui en découle. Les enjeux se répandent jusqu'à toutes les professions la concernant et qui font parfois vivre certaines régions montagnardes (en ce qui concerne la France). L'architecture et le domaine de la construction y sont eux-mêmes directement assujettis. D'autres domaines, dont le rapport avec la neige est moins direct, trouvent également un intérêt à sa présence. De nombreux accessoires sont développés pour la neige, comme les skis, les

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luges, les pneus-neige, les bottes-neige ou bien les raquettes à neige. L’industrie de l’habillement en fait également partie. Ainsi se justifie l'intérêt que l'on peut porter à la neige, malgré son utilité à priori très limitée mais qui détermine et conditionne tout un système. Lorsque celle-ci vient se confronter à la ville, c'est d'un point vue géographique, social, urbanistique et architectural qu'elle nous intéresse. Son interaction avec le fonctionnement déjà fortement complexe de la ville, peut se révéler intéressant. De plus, il devient captivant d'observer comment la ville a pu s'y adapter et comment elle gère ce phénomène. Cependant toutes les villes n'y sont pas sujettes, c'est pourquoi le propos porte plus particulièrement sur Montréal. Seconde plus grande ville au Canada et plus grande ville francophone d'Amérique, Montréal semble être le territoire parfait pour cette étude. Faisant partie des villes hivernales ou « winter cities » comme les nomme Norman Pressman, professeur en Design urbain à l’université de Waterloo, Montréal est l'une des villes au monde recevant le plus de neige chaque année. De ce fait, en hiver la neige est courante et ses conséquences sont une habitude pour les habitants. Une telle quantité de neige dans un espace urbain si dense et si étendu ne peut qu'avoir des répercussions sur la gestion et l'aménagement de la ville. C'est ce que nous nous proposons d'étudier dans ce mémoire sous la problématique suivante : La neige à Montréal, quels impacts dans la conception et la gestion de la ville ? Effectivement, l'objectif est d'observer le fonctionnement de la ville durant la période hivernale, notamment de par les circonstances particulières qu'implique la neige. De manière à développer ce sujet il sera important d'étudier plusieurs notions liées à la neige et à la ville, de façon à en comprendre les interactions, problèmes et solutions apportées. Le but étant bien évidemment d'observer les interactions avec les questions architecturales et urbanistiques, dans une vision d'innovation et d'amélioration de l'aménagement urbain à l'avenir. Ainsi, dans le développement du sujet, nous évoquerons premièrement la neige de façon culturelle et sociale, puis des aspects plus formels de la neige et enfin la question technologique et novatrice de celle-ci, toujours en lien évident avec le périmètre d'étude, qui se limite à la ville de Montréal.

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I) LA NEIGE, UNE VISION CULTURELLE ET SOCIALE. 1. L'UNIVERS DE LA NEIGE. • Représentation positive La neige, comme l'évoque Jean michel Asselin (au travers de son ouvrage «Il neige»), « est un monde, elle transforme le paysage, repeint les arbres et les animaux, contraint nos architectures, réinvente nos vêtements, colore notre peau, bâtit ses civilisations » (1). C'est une façon poétique de décrire la neige, qu'elle nous paraisse attrayante, ou contraignante. Ainsi les visions auxquelles elle nous renvoie divergent et ce quelle que soit la personne, puisque chaque individu se la représente d'un certaine façon mais en connait un vécu différent. En effet, avant tout la neige est féérique, elle nous renvoie aux fêtes de noël, à l'image des flocons que l'on regarde tomber lorsque l'on se trouve au coin du feu, ou bien encore aux montagnes enneigées avec leurs pistes de ski. L'image qui en découle et qui est divulguée est certainement la même pour tout le monde à quelque chose près, bien que seuls les pays les plus au Nord puissent en profiter et en connaître les réels effets. Bien entendu le monde entier n'est pas touché par ce climat, qui reste fortement localisé mais qui touche tout de même l'ensemble des Nords Américain, Asiatique, ainsi que l'Europe et les pays nordiques. La neige crée, ou plutôt recrée un monde, recouvrant tout se son « manteau » blanc, qui d'ailleurs, est l'exemple parfait de l'imaginaire qui en résulte. La neige est blanche, étincelante, belle... et lorsqu'elle tombe, nos émotions nous renvoient aux souvenirs de notre enfance. En terme général, l'être humain est plutôt fasciné par la météorologie et on remarque que le temps est souvent associé à l'humeur de façon enfantine. Si l'on nous demandait de dessiner la tristesse, elle serait certainement associée à la pluie, tant dis que la joie au contraire serait représentée par le soleil. Et la neige dans tout cela? C'est ainsi que la neige démontre, à mon sens, sa particularité, puisqu'elle tombe comme la pluie mais qu'elle est étincelante comme le soleil. On pourrait alors aussi bien lui associer la joie que la tristesse, bien qu’il soit plus gai de lui attribuer un souvenir joyeux. Cela est également lié au temps, non pas météorologique mais au temps qui passe. C'est une question de période, de lieu et d'ambiance. Notre perception ainsi que notre imagination sont également liées à notre vécu et c'est pourquoi un canadien, un français, un russe ou un japonais n'en n'auront peut être pas la même perception. De plus, peut importe pour lequel d'entre eux, la neige est éphémère, bien qu'elle revienne chaque année, elle ne correspond qu'à une seule période de l'année que l'on assimile à l'hiver. C'est pourquoi le ressenti que l'on peut associer à la neige varie au cours de l'année. On l'attend en automne, on l'aime en hiver, on s'en est lassé au printemps et on l'a oubliée en été, jusqu'à ce que cela recommence. L’écart qu'il existe entre notre souvenir et notre vécu de la neige est flagrant. Selon un article paru le 9 janvier 2014 sur Le Devoir, « On rêve de Noël blanc «carte postale», mais on peste contre les affres qu'impose aux citadins la gestion de cette manne blanche tombée du ciel. Le combat est perpétuel. Dès la première bordée, les critiques fusent, le débat fait rage, l'affaire envahit le terrain politique. Neige oui, problèmes, non! » (2). On admire ainsi la neige pour sa capacité à façonner le paysage mais on arrive aussi à la détester pour les contraintes qu'elle engendre. Après l'aspect poétique et magique de la neige, il apparait un portrait négatif.

(1) «Il neige» Jean michel Asselin, Glénat, 2010, p.7 (2) « Reshaping winter cities » (concepts, strategies and trends, Norman Pressman, 1985

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• Expérience négative Il s'agissait alors jusque là de représentation, mais nous passons à présent au vécu, qui cette fois-ci évolue selon le contexte dans lequel nous nous plaçons. L'étude se focalise sur la vision Canadienne et plus particulièrement Montréalaise. Si la neige évoque un souvenir joyeux en premier lieu, pour toutes les personnes qui en ont connaissance, la réalité en est quelque peu différente. Lorsque les flocons tombent, que tout est blanc et que tout est encore calme, que le temps semble s'être arrêté, tout semble parfait. Lorsque la vie reprend son rythme, le paysage urbain prend alors une toute autre allure. A partir du moment où la neige encombre les rues, crée des embouteillages, qu'elle devient sale et mouillée, la perception que l'on a est quelque peu modifiée. Le travail photographique d'Antoine Rouleau évoque alors assez bien les nuances qu'il existe entre ce que l'on peut imaginer et vivre de la neige en ville. « On dit de l’hiver en ville qu’il est sale et gris, comme si la beauté de cette saison résidait uniquement dans la blancheur immaculée des étendues de campagne. L’hiver en ville recèle d’autres splendeurs, certes plus subtiles, mais riches de paradoxes reposant sur la notion même d’urbanité » (3). Cette seconde approche de la neige se traduit par une substance molle, mouillée, froide, qui fond et qui glisse. Cette idée dépeint largement le tableau précédent. L'or blanc devient sale et perd beaucoup de sa valeur. Au quotidien, il nous encombre, il nous fait perdre du temps, il nous oblige à nous habiller en conséquence et il en devient même parfois dangereux. Tout à coup cet aléa climatique prend le dessus et dérange nos habitudes, il devient contraignant. Du moins c'est peut être un point de vue Européen, mais c'est sur celle-ci que se basent les observations sur les décalages entre France et Canada. En France la neige est appréciée, mais surtout lorsqu'elle reste à une altitude élevée. Tant que celle-ci se concentre sur les montagnes elle est satisfaisante, cependant quand elle en vient à envahir nos villes, cela devient plus contraignant. Les villes françaises connaissent rarement de fortes chutes de neiges et c'est pourquoi elle sont très peu préparées à ce genre d'évènement. La nuance est qu'au Canada, la neige est une habitude, on vit avec, c'est un quotidien... ou bien peut être est-ce l'idée que l'on en a depuis l'étranger. Au départ de cette réflexion, depuis le point de vue Européen sur lequel s'appuie la recherche, la neige constitue un élément perturbateur et contraignant pour la ville. De telles quantités de neige peuvent nous sembler improbables. Surtout lorsque quelques centimètres de neige sont capables de paralyser une ville française, comment est-il possible d'en gérer parfois plus d'un mètre à Montréal ? C'est également cette vision et ce ressenti que nous cherchons à comprendre dans le comportement de la ville de Montréal. Car il ne s'agit pas simplement de s'intéresser aux aspects matériels et techniques inhérents à la neige à Montréal, mais également aux aspects sociaux et culturels qui en découlent. La ville et l'architecture sont construites par les hommes, pour les hommes, c'est pourquoi il est avant tout nécessaire de comprendre l'évolution des comportements humains visà-vis de la neige.

Image 1 : Exemple de représentation positive

Image 2 : Exemple d’expérience négative (3) HIVER, Elise LASSONDE, Presses Universite Quebec, Novembre 2009.

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2. IMPACTS SOCIAUX • Changement du mode de vie en hiver. Comme évoqué précédemment, l'imaginaire et le ressenti jouent un rôle important vis à vis de la neige. La perception que l'on a de l'espace est métamorphosée, ce qui transforme la vision globale que l'on a de la ville. L'environnement habituel est transformé et nous appréhendons de toute autre manière la ville que durant le reste de l'année. Ces changements sont perturbateurs et cela entraine des modifications des comportements humains. Bien qu'à Montréal la neige puisse être une « habitude », il semblerait d'après les québécois, que l'on ne s'y accoutume jamais tout à fait. Ainsi l'ensemble de la population doit se réhabituer au climat, à chaque hiver. « Malgré les progrets technologiques, le climat rigoureux force les habitants à aiguiser leur conscience de la nature, collaborer entre eux, ménager energie et ressources et adopter des configurations urbaines adaptées au climat» (4). La ville est vécue d'une autre façon et il me semble important, pour pouvoir l'aménager et l'habiter, de comprendre quels problématiques en découlent et quelles solutions peuvent être apportées. D'après Norman Pressman, « plusieurs études ont indiqué que durant les longs mois d'hiver, la majorité des résidents du nord ne passaient pas moins de 95% de leur temps à l'intérieur. » et que d'ailleurs, « avec autant de temps passé à l'intérieur, il est particulièrement important de maximiser l'aspect positif du contact avec l'environnement extérieur, en prolongeant la saison extérieur et en optimisant les effets bénéfiques du climat » (1). Ceci démontre notre vulnérabilité face au climat et indique que l'une des principales conséquences du climat hivernal est le temps que l'on passe à l'intérieur. Ce n'est bien entendu pas uniquement dû à la neige, mais également à la température qui est plutôt conséquente à Montréal et qui atteint facilement les -30°c ressentis. A une telle température, il est bien évident qu'il devient difficile de passer du temps à l'extérieur, et qu' il est compliqué de se déplacer dans les rues. Même avec plusieurs épaisseurs de vêtements adaptés, il devient impossible de s'exposer au froid. Ainsi s'explique le fait que les montréalais passent la plus grande partie de leur temps en intérieur. La ville est aménagée en conséquence, puisque des réseaux de souterrains permettent de se déplacer en sous-sol, de manière à éviter le moindre contact avec l'extérieur. Le trajet en surface est donc réduit au fait de sortir de chez soi pour rejoindre le métro le plus proche, ensuite il est possible de vivre et de faire toutes activités quotidiennes (travail, loisirs, restauration, shopping etc.) sans jamais avoir besoin de sortir. De ce fait, il est évident que l'on ne vit pas la même expérience de la ville l' hiver que durant le reste de l'année. • Conséquences psychologiques Si cette manière de vivre la ville en intérieur semble répondre intelligemment aux questions du froid et de la neige, elle interroge tout de même sur l'influence que cela peut avoir sur l'être humain. Le climat hivernal du à la neige, au froid et à la glace réduit les possibilités ainsi que les temps d'activités en extérieur. Il est évident que sur la durée, le risque de voir apparaître une dégradation des comportements humains est accentué. C'est ce qu'évoque également Norman Pressman, au travers de l'association pour l'animation des villes en hiver, lorsqu'il parle du fait que « l'hiver est perçu par beaucoup comme sombre, déprimant et triste »(2). En effet, bien que la neige puisse avoir des effets fantastiques sur notre imagination, elle agit également sur le moral avec pour conséquences fatigue et dépression. Oliver Legault, au travers des recherches de Manon Otto évoque également que (1) (2) (3) traduit de « Reshaping winter cities » (concepts, strategies and trends, Norman Pressman, 1985

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« l’augmentation de la fréquence des évènements stressants dus aux froids extrêmes et le confinement prolongé dû à l’inhospitalité de l’environnement extérieur entraînent des cas de dépression que l’on nomme "cabin fever" dans le monde anglophone »(30)Le design hivernal des espaces publics : Études de cas scandinaves, Olivier Legault, Université de Montréal, 2013. Vivre la ville en hiver signifie aussi se couvrir, se découvrir à chaque fois que l'on rentre et que l'on sort, mettre plus de temps que d'ordinaire à parcourir nos trajets quotidiens etc. et tout cela influence notre perception et notre vécu de l'espace. D'ailleurs, la « météo, de façon générale, affecte les performances et les attitudes mentales à un degré significatif. Parexemple, les conditions hivernales (la neige présente ou prévue, le vent et le froid, affectant zones de confort, état des routes, visibilité et autres dangers potentiels) vont influencer la décision d'une personne à voyager ou le mode de transport sélectionné, ainsi que le type de vêtements à porter ou à emporter pour rester confortable » (3). Et si ce point de vue peut paraître dérisoire, il faut tout de même noter que la neige et le mauvais temps hivernal entrainent de nombreuses dépressions chez certaines personnes. Par ailleurs, « La dépression est la première cause de maladie et de handicap »(4) selon un communiqué de l'organisation mondiale de la santé. Il est de même prouvé que le nombre de suicides, entrainés par les dépressions augmente de façon non négligeable en hiver. C'est un point de vue inquiétant, qu'il est intéressant de prendre en compte dans notre réflexion sur la neige, puisqu'elle contraint fortement nos déplacements, et contribue à l'isolement. Cet aspect de la neige ressort également au travers des photographies d'Antoine Rouleau, desquelles « résulte une représentation de la solitude, de l’isolement, du silence de la tempête »(5). Dans la réflexion et la conception de la ville, cela pourrait avoir des conséquences importantes, bien qu'elles ne soient pas ignorées, puisque M. Pressman les évoquait déjà dans son ouvrage «Reshaping winter cities». En revanche, si l'effet négatif des conditions hivernales sur les relations humaines est aujourd'hui vérifié, il ne semble cependant que très peu pris en compte par les aménageurs. Ceux-ci rétorquent alors qu'il est impossible de réfléchir uniquement en fonction de l'hiver, qui ne représente qu'une saison sur l'ensemble de l'année. Cependant cette période et son climat posent des questions importantes en termes de santé, d'économie, de politique ou d'environnement. C'est peut être pourquoi le sujet difficile à résoudre semble avoir été contourné jusqu'à présent. • Une culture qui fait abstraction des problématiques Au travers des recherches que l'on peut effectuer sur le sujet de la neige et du climat hivernal, on remarque que les problématiques ont été ciblées depuis les années 1980 (Pressman) mais qu'aucune solution concrète n'a tenté d'y répondre jusqu'à nos jours. Il semblerait que la ville ait fait abstraction de ces problématiques. Un élément révélateur de ce rejet face au climat hivernal est la tendance des québécois à se diriger vers des destinations chaudes durant l'hiver. Cuba en est l'exemple, au travers des nombreuses offres de séjour qui y sont proposées. De nombreuses publicités de tours opérateurs sont visibles dans les rues, mais également les passages couverts et souterrains, promettant aux vacanciers des séjours ensoleillés. Le désir d'échapper au climat rigoureux est fortement prononcé et révèle le désir de vivre en extérieur. Le bus qui sillonne la ville à destination de l'aéroport est lui-même recouvert de publicités attrayantes, qui véhiculent l'envie d'un climat meilleur et plus chaleureux. Ces destinations au soleil, restent cependant onéreuses et ne sont de ce fait, pas à la portée de tout le monde. Bien que le désir de se rendre à la plage durant l'hiver soit très réjouissant, cela demeure un luxe accessible à l'élite de la population. Le désir d 'échapper à la période froide est également dû aux difficultés de déplacement dans la ville. Les nombreuses contraintes liées aux aléas climatiques sont ainsi rejetées au profit des nombreuses activités et sports d'hiver qui sont permises. Les québécois semblent de ce fait être partagés entre la haine et l'amour qu'ils vouent à l'hiver.

(4) site de l’Organisation Mondiale de la Santé : http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2014/focus-adolescent-health/fr/ (5) HIVER, Elise LASSONDE, Presses Universite Quebec, Novembre 2009.

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Olivier Legault indique d'ailleurs que « s’il est de nos jours difficile de définir ce qu’est un Québécois, il est cependant possible d’avancer, sans trop avoir peur de se tromper, que l’hiver est l’un des éléments qui définit la culture de ceux qui habitent la province de Québec. »(1). Le design hivernal des espaces publics : Études de cas scandinaves, Olivier Legault, Université de Montréal, 2013. L'hiver et la neige font partie de la culture des québécois, qui en subissent les conséquences autant qu'ils jouissent de leurs bienfaits. La neige fait partie de la culture du pays et explique peut être pourquoi les problématiques qui y sont liées ne sont pas perçues comme des inconvénients mais plutôt des aléas que l'on a appris à contourner plutôt qu'à prévenir et limiter. • Des problématiques qui imposent une réflexion. Les personnes âgées Il est cependant évident que l'on ne peut pas négliger toutes les conséquences de l'hiver sur l'aménagement de la ville. Si certaines contraintes sont bénignes, d'autres nécessitent une meilleure prise en compte. Le cas des personnes âgées est alors très parlant. Disposant de difficultés pour se déplacer en temps normal, il est évident que les séniors se trouvent d'autant plus limités dans leurs déplacements durant l'hiver. Cependant l'imaginaire et les expériences liées à la neige semblent provoquer différentes émotions selon les personnes. Il se trouve que « Les caractéristiques de la saison hivernale sont perçues et interprétées par les individus en fonction d'une part des caractéristiques physiques, physiologiques, psychiques et socio-économiques, et d'autre part en fonction de leur expérience vécue de l'hiver et des souvenirs qui l'accompagnent. Ces facteurs contribuent à générer une image modifiée de la réalité, laquelle influera sur le discours qu'ils tiennent en regard de l'hiver, sur leurs attitudes et sur leurs comportements »(2). Ceci étant extrait d'un étude basée sur celle de Gumuchian, réalisée dans les Alpes, et reprise à Montréal pour l'étude de la perception de la ville en hiver par les personnes âgées. Les résultats de l'étude ont été publiés dans un article de la revue de géographie alpine, et bien qu'ils datent de 1997, leur exactitude reste certainement inchangée à nos jours. Les témoignages ayant été regroupés selon différentes catégories, il en ressort que la catégorie « «hiver occasion d'intériorité» regroupe des personnes pour qui l'hiver semble l'occasion de se retrouver soi-même. L'hiver devient moment de méditation, de repli sur soi, sur le passé. Les sentiments s'expriment plus facilement : la tristesse, la mélancolie, l'angoisse »(3). Ainsi on observe l'importance de la vision négative que peuvent avoir l'hiver et la neige sur les personnes âgées. Bien que la neige soit considérée comme « composante essentielle du paysage, à la fois thématique et catégorie, (elle) a été identifiée comme un des traits usuels de la saison hivernale. Bien qu'elle puisse signifier la chute ou encore le manteau nival, la neige est toujours associée à un qualificatif lié à l'espace de vie. Ainsi, on parlera de la neige sale des rues, reflet du paysage urbain, ou encore de la beauté ou de la pureté de la neige, reflet d'un paysage plutôt champêtre »(4). De ce fait la neige, comme nous l'évoquions précédemment, renvoie à deux images opposées, à la fois celle d'un paysage féérique et celle d'un paysage souillé par la vie urbaine. De plus, l'étude fait une comparaison intéressante, entre la perception des personnes âgées et différents échantillons de population de tous âges. Il en ressort alors que « la neige, composante du paysage, est plus mentionnée par les jeunes adultes que par les individus des trois autres classes d'âge. Pour ces jeunes adultes, la neige est une caractéristique de l'hiver, par sa présence, par le couvert nival. Ils mentionnent également plus que les autres la neige sale des rues (slush, gadoue) associée aux pratiques urbaines de gestion de la voirie. Par ailleurs, les termes associés à l'esthétique (beau paysage, beauté...) et à la pureté de la neige (blanc, blancheur...) sont surtout l'apanage des personnes âgées. (1) Le design hivernal des espaces publics : Études de cas scandinaves, Olivier Legault, Université de Montréal, 2013 (2) (3) (4) (5) « Les personnes âgées et l’hiver à Montréal » (Québec, Canada) Gumuchian ,Claude Marois ,Isabelle Trudeau ,Pierre André,Revue de géographie alpine Année, 1997, Volume 85, Numéro 85-1, p. 61-73

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La neige semble passer successivement d'occasion d'activité chez les adolescents, à contrainte pour les adultes, puis à contemplation pour les personnes âgées »(5). Ainsi, on peut former des catégories de population en fonction de l’appropriation que les individus font de la neige et leur tranche d'âge. Il est ainsi possible de décrire différentes gradations et dégradations temporelles, selon la perception de la neige qui évolue au cours de la saison ou de la vie d’un individu. Les personnes âgées ne trouvent plus d'attrait à la présence de neige à part d'un point de vue contemplatif. Il leur est difficile de profiter des activités hivernales extérieures ou tout simplement impossible de se déplacer dans les rues verglacées. Une attention toute particulière doit alors être apportée à cette partie de la population, que l'hiver rend d'autant plus vulnérable et sujette à se retrouver dans une situation d'isolement. Les sans-abris La question des Sans abris s'ajoute aux problématiques à prendre en compte, d'autant plus que leur nombre est important à Montréal. On parle même, selon le gouvernement fédéral, de 30 000 « itinérants » dans les rues de la ville, bien que les chiffres soient remis en cause, de par la difficulté de recensement de cette partie de la population. Selon un article de Radio Canada International «La situation des Canadiens sans-abris pourrait apparaître surprenante aux regards des étrangers. Nos sans-logements vivent dans l’une des nations les plus riches du monde. De 200 000 a 300 000 citoyens itinérants, c’est beaucoup dans une nation où il n’y a que 35 millions de citoyens» (6). Le chiffre n'est pas constant, mais tout de même important et inquiétant, puisqu'il est en progression. Cette situation est préoccupante, surtout lorsque les vêtements ne suffisent pas à supporter le froid plus de 10 minutes et qu'il est donc impossible de vivre à l'extérieur de façon constante. La neige occupe les rues, ne permettant pas beaucoup d'espaces appropriables et où se réfugier. Malgré les foyers d'accueil mis à disposition, le nombre de sans abris dans Montréal reste extrêmement important. Nul besoin de chiffre pour le prouver lorsque l'on sillonne les rues de la ville. De ce fait, de nombreuses personnes décèdent chaque années dans les rues de Montréal à cause des températures négatives. Parfois leurs corps ne sont retrouvés qu'au printemps, lorsqu'enfin les amas de neige accumulés au bord des rues fondent. Bien qu'il existe des aides, des organismes ainsi que des foyers pour aider ceux que l'on nomme « itinérants », les mesures misent en œuvre restent insuffisantes. D'après certaines estimations lors de manifestations en 2011, il y aurait 30 000 personnes ayant des problèmes de logements à Montréal et cela nécessiterait 300 lits de plus dans les foyers, ainsi que 25 000 logements à loyers abordables. Ainsi, si la situation des personnes sans domicile fixe peut paraître préoccupante en France, elle l'est également au Canada et d'autant plus à cause du froid et de la neige qui est abondante et qui perdure

Image 3 : Les «itinérants» ou «sans abris» au Canada en 2014 (6) «Pourquoi le Canada ne donne-t-il pas un toit à tous ses sans-abris?», Stéphane Parent, Radio Canada International, 3 Novembre 2014

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jusqu'à l'arrivée du printemps. Ce genre de cas déjà critique en France, l'est encore plus au Canada avec une chance de survie quasiment impossible dans la rue. Le sujet, bien que certainement tabou, serait propice à une réflexion urbaine. Concevoir la ville consiste également à prendre en compte ce genre de réflexion, et davantage en hiver. • Des problématiques quotidiennes D'autres problématiques beaucoup moins alarmantes nécessitent tout de même une attention particulière dans la vie de tous les jours. Les intempéries et la fraicheur extérieure nécessitent par exemple des tenues vestimentaires adaptées. Selon le site « Immigrantquébec », il est nécessaire d'utiliser « la technique de l'oignon » pour se vêtir, aussi appelée «règle des trois couches» (image 4). Cela se traduit par l'empilement de plusieurs couches de vêtements les uns par dessus les autres. La technique n’est pas nouvelle, puisqu’elle était déjà utilisée par le «Canayens», ancêtres des Québécois (image 5). La problématique des vêtements est d'autant plus accentuée par les variations de températures qu'il existe entre l'extérieur et l'intérieur des bâtiments surchauffés. Les ressources énergétiques étant accessibles au Canada, les intérieurs ont tendance a être très bien chauffés alors que les bâtiments ne sont pour la plupart même pas isolés. C'est pourquoi un seul vêtement très chaud n'est pas idéal, tandis qu'un empilement de vêtements permet à la fois de se tenir au chaud, de se couper du vent ainsi que de se protéger de l'eau. Il est conseillé de porter trois couches de vêtements, la première, en contact direct avec la peau doit permettre une évacuation efficace de la transpiration, de façon à rester au sec. La seconde couche vise à garder la chaleur à l'intérieur et la troisième à se protéger et s'isoler du vent, de l'eau et de la neige. Si cela semble quelque peu hors de propos, l'intérêt architectural et urbain est pourtant bien réel. Ainsi la nécessité de concevoir des bâtiments publics ou privés comportant de confortables et vastes vestiaires présente un intérêt urbain primoridial, sans négliger l’aspect architectural et l’agencement intérieur. Cet empilement de vêtements doit être transporté et surtout doit pouvoir être entreposé durant la journée. Cela nécessite une place importance, qui doit être prise en compte lors de l'aménagement d'un espace, surtout lorsqu'il est public. Prenons l'exemple de la faculté, où de nombreux casiers sont mis à disposition des élèves à tel point que des salles entières de casiers sont nécessaires pour que toutes les affaires puissent être entreposées. En effet, les étudiants, comme une grande partie des gens travaillant à Montréal, vont prévoir de s'habiller chaudement depuis leur lieu d'habitation jusqu'à leur lieu de travail. Une fois sur place, ils enlèveront leurs équipements, parfois même ils changeront de chaussures, pour vivre en intérieur durant la journée. Les gestes inverses devront être répétés le soir avant de faire le trajet inverse jusqu'à leur domicile. La neige devient un élément très gênant dans ce cas ci, puisque les chaussures et les vêtements étant mouillés, de grandes quantités d'eau sont transportées et déversées à l'intérieur, salissant et rendant les sols glissants. Au quotidien, cette situation peut facilement devenir dangereuse et demande beaucoup plus d'entretien que d'ordinaire. En somme, ce qui peut paraître insignifiant, tel que le fait de devoir se vêtir et se dévêtir, peut devenir ici source d'aménagement, d'espace et d'organisation, autant dans les espaces publics que privés.

Image 4 : Règle des trois couches ou technique de «l’oignon»

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Image 5 : Technique ancienne utilisée par les «Canayens».


3. COMPORTEMENT HUMAIN ET URBAIN • Adaptation de la ville aux conditions hivernales Après avoir étudié les conséquences psychologiques et physiques de la neige sur l'être humain, nous observons le rapport qu'il existe entre nos comportements et la gestion de l'espace urbain. La ville est en perpétuel mouvement et se présente comme un ensemble d'interactions compliquées. De ce fait, la neige ne fait qu'ajouter un élément perturbateur, dans l'ensemble du mécanisme urbain. Toutes les conséquences résultant de ce climat, que ce soit au niveau social, économique ou politique , entrainent des modifications dans la gestion et l'entretien de la ville. Dans ce système urbain, déjà compliqué de part le nombre d'acteurs et d'éléments qui interagissent, il est évident que des adaptations, qu'elles soient conscientes ou inconscientes, se font par rapport à la neige et au froid. Nous pourrions alors classer ces interactions avec le paysage urbain selon trois catégories principales que sont, en premier lieu les espaces publics, puis en second les espaces semi-publics et enfin les espaces privés. De façon plus générale, on évoluera des espaces de la ville qui sont communs à toute la population, jusqu’à l'espace le plus privatif, qu'est le logement. Cela est facilement associable au plan de la ville de Montréal, qui est construite sur le modèle américain du plan carré (ou en damier). Ainsi Montréal présente un centre économique et financier, lié à un centre ancien et touristique, auxquels viennent se juxtaposer des quartiers résidentiels, formés par une multitude de petites maisons, elles-mêmes divisées en appartements. Leurs façades avant donnent sur des rues principales circulantes et séparées par des ruelles de services à l’arrière. De cette manière la ville connait une gradation allant des espaces publics vers les espaces privés, depuis le centre ville « actif » vers la périphérie plutôt résidentielle. • Les lieux publics En ce qui concerne les lieux publics tels que les rues, les places ou les parcs, on remarque une diminution de leur occupation et des activités qui y sont liées en hiver. En effet, lorsque les beaux jours reviennent, on ressent une effervescence dans les rues de Montréal, faisant ressortir le contraste entre la saison hivernale, durant laquelle les rues sont très peu occupées et le reste de l'année où la ville devient festive et fortement animée. Lorsque le froid et la neige se préparent à envahir et détériorer les rues, la ville semble se replier sur elle même. Certaines places publiques, nombreuses à Montréal, disparaissent presque durant l'hiver. Par exemple, la place Emilie-Gamelin devient un espace presque inoccupé et non déblayé durant tout l'hiver, la rendant donc impraticable si aucune installation y est implantée. C'est alors seulement à la fonte des neiges que sont redécouverts ces espaces, que l'on aurait presque oubliés durant les quatre mois d'hiver. Cela entraine également des modifications dans notre parcours et notre orientation. En effet, le fait de ne plus pouvoir circuler au centre d'une place ou d'un espace de circulation, nous oblige à le contourner et cela implique également un changement quant à notre perception de l'espace. Ce ne sont pas des éléments incommodants, puisque nous n'y apportons que très peu d'attention dans notre pratique quotidienne de la ville. Cependant il est intéressant de remarquer que nos habitudes en sont modifiées et que nous y sommes contraints. Toujours en ce qui concerne les espaces publics, on remarque que certaines rues, qui sont marchandes et piétonnes durant une grande partie de l'été, redeviennent circulantes durant l'hiver. Cela peut s'expliquer par un nombre d'activités réduit à cause du climat. Pourtant la ville extérieure, en opposition à ce que l'on appelle la ville intérieure, n'est pas déserte pour autant durant l'hiver. Au contraire, l'hiver et la neige sont de bonnes raisons de pratiquer des activités hivernales en extérieur. Là encore la ville se transforme de façon à s'adapter aux pratiques,

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principalement sportives. L'élément le plus révélateur étant certainement l'apparition de nombreuses patinoires dans la ville. Certains espaces urbains sont d'ailleurs aménagés en conséquence. Par exemple, le lac artificiel du parc Lafontaine se transforme en une grande patinoire publique et libre d'accès, ou bien alors certains terrains de foot se voient détournés en patinoire de Hockey. Le Hockey étant bien entendu le sport national au Canada, il se pratique de façon courante dans les nombreuses patinoires installées à cet effet. Ces espaces qui pourraient devenir impraticables durant l'hiver, sont au contraire transformés et font partie du paysage urbain, dès lors que la neige et le gel se font ressentir. Un autre élément fort dans le paysage quotidien des montréalais est le Mont-royal, véritable « montagne » au cœur de la ville et lieu de détente et de repos pour de nombreux citadins. Celui-ci trouve également autant d'adeptes en été qu'en hiver, puisque les jogger et cyclistes se transforment en skieurs et randonneurs. Cet immense parc reste en tous temps un lieu d'activité sportive et de détente, que la population sait s'approprier au cours des saisons. Des pistes de ski de fond y sont aménagées et de nombreuses activités de loisir y sont organisées. Toujours sur le Mont-royal, les cimetières qui occupent en partie le versant Nord, prennent également un autre visage. Les tombes dépassent à peine du manteau neigeux qui les recouvre. Dans ces espaces de culte aussi, les pierres tombales s'adaptent au climat, en laissant apparaître des inscriptions sur leur sommet. Plus étonnant encore, les bouquets de fleurs peuvent être déposés au dessus, sans être pour autant ensevelis sous la neige. Ce sont autant d'éléments qui montrent à quel point l'aspect et l'environnement de l'espace urbain peuvent être modifiés par la neige et le climat hivernal.

Image 6 et 7 : Espace public, rue résidentielle

• Les lieux interstitiels Pour ce qui est par la suite des espaces semi-publics, on se concentre plus particulièrement sur les espaces interstitiels, les rues secondaires à l'échelle d'un quartier plutôt que de la ville dans son ensemble. Ce sont certes des espaces un peu moins occupés, qui sont seulement des lieux de passage où se déroulent peu d'évènements. Ils participent tout de même au paysage urbain et ils sont tout autant atteints par les problématiques liées à la neige. Les rues principales desservant les logements et permettant le stationnement des résidents sont efficacement déneigées. En revanche, ce n'est pas le cas pour les petites ruelles de service à l'arrière des maisons, qui ne sont pas du tout déneigées. Celles-ci deviennent impraticables et la neige qui les encombre n'est pas gérée par la ville. Les maisons disposent

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généralement d'arrière cours ou de petits jardins, qui sont totalement ensevelis durant l'hiver. Il en est de même pour les petits parcs, ou terrains de jeux pour enfants, qui restent inoccupés et recouverts durant tout l'hiver. L'ensemble de ces espaces sont inoccupés durant les quatre mois hivernaux. Il forment un réseaux d'espaces éparpilles dans l'ensemble de la ville. Ces lieux de regroupement et de vie de quartier sont abandonnés durant l'hiver, délaissés pour d'autres espaces tels que les patinoires publiques mentionnées auparavant. Ainsi la neige impose aux quartiers montréalais un mode de vie plutôt singulier, modifiant les habitudes de vie en collectivité. Certains quartiers paraissent sans vie et inhabités puisque les activités en extérieur deviennent impossibles et que les espaces de regroupement et de vie commune disparaissent. On rejoint ainsi la réflexion de M. Pressman sur l'exclusion sociale qu'entrainent la neige et le climat hivernal de manière générale.

Image 8 : Parc de jeux pour enfants sous la neige

Image 9 : Ruelle secondaire de desserte

• Les espaces privatifs Enfin, la neige envahit Montréal jusque dans les espaces privatifs, que l'on peut assimiler de manière globale aux logements. En effet, comme évoqués plus haut, les espaces extérieurs liés aux logements sont également sujets aux intempéries et restent inutilisés durant l'hiver. Cependant, à l'inverse des espaces semi-publics, qui perdent toute utilité en cette saison, les espaces privés doivent être entretenus. Il est par exemple nécessaire que les entrées arrières des logements, permettant l'accès aux ruelles de service, soient déneigées régulièrement, de façon à ce que ces issues de secours restent praticables. De même, les escaliers que l'on retrouve souvent dans le paysage montréalais, installés en façade avant des bâtisses, doivent évidemment être déneigés eux aussi, puisque ce sont là les accès principaux aux logements. On remarquera le traitements de surface de ces escaliers, veillant à la sureté de leurs usagers. Certains ont les marches recouvertes d'un matériau antidérapant, tant dis que d'autres sont parfois équipés d'un système amovible, permettant de venir y fixer un revêtement ayant les mêmes atouts en terme de sécurité. L'apparition des escaliers en façade peut alors paraître contradictoire, du fait de leur dangerosité dès les premiers gels. Ils font cependant partie du paysage de la ville et représentent même une particularité propre à Montréal, que l'on ne retrouve pas ailleurs. Si leur utilisation n'est peut être pas la solution la plus judicieuse dans une ville dite « d'hiver », il est

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impossible de les enlever, notamment d'un point de vue culturel. Les montréalais s'en accoutument et les adaptent à la situation. C'est pourquoi, même si les techniques mises en place ne sont pas marquantes et visibles dans le paysage urbain, elles sont tout de même intéressantes à distinguer. D'ailleurs le fait qu'elles soient très peu perceptibles prouve leur efficacité et leur bonne intégration dans l'ensemble. D'autres moyens d'adaptation sont mis en place par les habitants pour cohabiter avec la neige. Celle-ci se déposant jusqu’au pied des portes, il est facile de la transporter à l'intérieur. Le fait de pouvoir se dévêtir et se déchausser à l'entrée des logements devient donc important, d'autant plus que la neige fond et transporte avec elle d'autres résidus provenant de l'extérieur. Malgré tout, ces problématiques du quotidien sont à prendre en compte et demandent des équipements spécifiques. Ce sont ces aménagements discrets qui montrent à quel point la ville et ses habitants s'adaptent à un climat particulier, bien que ce ne soient pas des solutions générales mais propres à chacun. En effet, tout le monde s'y adapte à sa manière et et développe ses propres habitudes. Il n'existe pas de solution unique face à la neige, mais de nombreux éléments, qui démontrent à quel point la neige, la ville et ses habitants interagissent et évoluent conjointement.

Image 10 : Bac plastique, Egouttoir pour chaussures

Image 11 : Bac pour chaussures décoratif

4. POINTS DE VUES MONTRÉALAIS. • La démarche Cette partie se consacre à l'étude des résultats de l'enquête réalisée auprès d'un échantillon de population, ainsi que de mon expérience et de mes observations durant un hiver passé à Montréal. De manière à comprendre la relation des citadins avec la neige, un questionnaire a été mis en place, cherchant à comprendre les modes de vie et habitudes liées à ce phénomène. Ainsi les questionnements se concentrent sur trois principaux thèmes que je relie à la neige et qui sont les déplacements, le déneigement ainsi que les activités de loisir. Pour obtenir le maximum de réponses, le questionnaire a été divulgué auprès d'une partie de la population, principalement représentée par des étudiants et travailleurs dont les tranches d'âges s’échelonnent de 18 et 25 ans et de 25 à 40 ans. L'échantillon se compose alors de 40 personnes. Il se trouve que 70% d'entre eux vivent au centre de Montréal, sujet principal de cette étude. De plus, seulement 27% sont originaires de la ville et parmi les 73% restant, une majorité y est installée depuis 2 à 5 ans. Ainsi est formée notre échantillon qui, bien qu'il ne soit peut être pas représentatif de la globalité de la population, définit tout de même un groupe jeune et actif de la société. 15


• Les modes de déplacements En premier lieu, l'interrogation se porte sur l’impact que peut avoir la neige sur les modes de déplacements dans la ville. En fonction du moyen de locomotion utilisé, il est probable que la neige puisse devenir une contrainte, notamment en ce qui concerne la voiture, le bus ou bien le vélo. Dans les villes françaises par exemple, les chutes de neiges sont souvent la cause d'embouteillages et de problèmes de circulation de façon générale et dans l'ensemble de la ville. Qu'en est-il à Montréal ? Etonnement, à l'inverse de ce que l'on pourrait s'imaginer, lorsque de grandes quantités de neige viennent envahir les rues, la ville ne se paralyse pas pour autant. La question se pose alors de savoir comment cela est possible ? Quelle gestion de la circulation diffère au Canada ? Autant de questions qui, lorsqu'elles sont posées, ne semblent pas pertinentes et pour lesquelles les réponses semblent parfois évidentes. Dans notre échantillon, la plus grande partie utilise les transports en communs, avec 34% le métro et 25% le bus. Un quart se déplace principalement à pied et seulement 7% se déplace en voiture, mais cela s'explique certainement par le problème financier que représente une voiture en ville et pour un étudiant. Cependant lorsque la question se pose de savoir si la neige est contraignante dans le mode de déplacement de ces usagers, la réponse est mitigée, avec 57% de oui contre 43% de non. Pour les montréalais, la neige n'est pas un élément perturbateur et occasionnel comme on pourrait le considérer en France. Au Canada la neige est une habitude. Ces questions ne se posent même pas, puisque la neige fait partie du quotidien. Les Québécois en ont certainement beaucoup moins peur et ne se questionnent pas vis à vis des problèmes que cela peut engendrer. En temps de neige, la circulation ne ralentit pas, les voitures se déplacent quasiment à allure normale et ce, même sur les routes enneigées. De même pour les bus et les camions. Le métro étant le moyen de locomotion le plus utilisé, il ne pose aucun problème de ce côté là. En revanche, la contrainte survient beaucoup plus lorsque l'on parle de se déplacer à pied. Les trottoirs de la ville n'étant pas constamment déneigés, il est plus difficile et plus dangereux pour les piétons de se déplacer. Néanmoins, Montréal étant tout de même une ville construite sur le modèle américain, l'automobile y est très présente, et cela pose des problèmes de stationnement que l'hiver amplifie. Les voitures stationnées dans les rues, nécessitent elles-aussi d'être déneigées et finissent parfois même par disparaître sous les amas de neige, qui s'accumulent suite aux déblaiements successifs des rues. Avoir une voiture dans Montréal signifie alors une perte de temps et d'argent, compte tenu des coûts de stationnement. En revanche, en ce qui concerne les prix, la grande majorité de notre échantillon de citadins (78%) ne considère pas dépenser plus d'argent dans les transports en hiver qu'en temps normal. La neige ne représente donc pas une perte économique concernant les transports, à part pour ceux qui se déplacent le reste de l'année à pied ou à vélo. Une parenthèse peut d'ailleurs être faite concernant les vélos, puisque Montréal semble être une ville très appréciée des cyclistes. Effectivement, en dehors de la période hivernale, la ville est sillonnée par de nombreux cyclistes, utilisant ce moyen transport économique et pratique, pour se rendre principalement de leur lieu d'habitation vers leur lieu de travail. La preuve en est le nombre important de vélos que l'on peut quotidiennement observer en centre ville, accrochés à peu près partout, jusqu'à la moindre rambarde disponible. La neige et le froid limitant un tel mode de transport en hiver, quelles sont les solutions pour les cyclistes en cette saison ? Parmi notre échantillon une minorité de 43% estime se déplacer en vélo dans Montréal habituellement et selon 87% d'entre eux, la solution la plus simple en hiver est d'utiliser les transports en commun. Il faut alors noter que les pistes cyclables dans la ville sont impraticables en hiver puisqu'elles ne sont tout simplement pas déneigées. Cependant, une nouvelle tendance voit le jour, celle de se déplacer en vélo sur la neige, malgré les températures excessivement basses et les sols gelés. Des conseils sont d'ailleurs disponibles en ligne quant au choix

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de vélo qu'il est conseillé d'utiliser dans de telles conditions. Une étude a également été réalisée par un élève de la faculté d'aménagement de l'Université de Montréal, « A vélo sous zéro, le vélo d'hiver à Montréal ». Celle-ci révèle que les facteurs incitatifs sont en premier, le déplacement plus rapide à vélo, puis l'autonomie que cela procure et en troisième position, l'activité physique. Le faible coût lié à ce moyen de transport ne venant qu'en cinquième position. Le but de l'étude étant de montrer l'ampleur de ce phénomène, pour lequel les réponses en terme d'aménagement de la ville sont insuffisantes. Car malgré les risques de dérapages et chutes malencontreuses sur des pistes cyclables rendues parfois presque impraticables, certains utilisent tout de même leur bicyclette en hiver. Se déplacer à vélo est d'autant plus risqué si l'aménagement cycliste ne le permet pas. D'ailleurs, le tiers des répondants au sondage indiquent ne pas emprunter les pistes cyclables. La demande en infrastructures et services liés à la pratique du vélo est grandissante et 54% des répondants à l'étude indiquent qu'avec de meilleures conditions, il utiliseraient ce mode de déplacement plus souvent. Il se trouve également que les vélos en libre service, connus sous le nom de BIXI sont retirés l'hiver, ne permettant donc pas leur utilisation durant cette partie de l'année. Ces stations de vélos en libre service sont mobiles et transportables et représentent un aménagement temporaire jouant un rôle dans le changement de paysage urbain. • Le déneigement En ce qui concerne à présent l'avis sur le déneigement, le but était également au travers de ce sondage, de connaître l'avis des résidents face à ce phénomène, qui sera développé dans la seconde partie de ce mémoire. Ainsi, lorsque l'on demande aux résidents ce qu'ils considèrent comme le plus incommodant parmi les conditions météorologiques liées à l'hiver, la neige arrive en dernière position. En revanche si les avis sont partagés, le vent semble être la plus grande contrainte, suivi de ce qu'on appelle « la slush », expression venant de l'anglais et définissant la neige partiellement fondue. La neige en elle même n'apparait pas comme désagréable, en revanche c'est sous une forme semi-fondue qu'elle apparait comme contraignante. C'est pourquoi son déblaiement est important, avant même qu'elle commence sa transformation. On évoque ainsi le déneigement, sans le considérer pour l'instant à l'échelle urbaine, mais seulement à l'échelle du logement et de l'individu. A ce niveau d’intervention,, la méthode la plus coutante reste le pelletage de la neige à la main. Néanmoins, le fait de devoir évacuer la neige ne semble pas être considéré comme problématique. Les réponses à la questions sont plutôt simples, la neige étant présente, il n'y a pas d'autre choix que de la déplacer. Les espaces extérieurs ne sont pas tous utilisés durant la période hivernale, ce qui réduit l’espace à déneiger au strict nécessaire. La neige est présente et s'accumule au cours du temps, mais elle ne tombe pas de façon constante. Le déneigement chez les particuliers reste donc occasionnel. De plus, l'avis de la population face au déneigement de la ville semble positif, puisque 86% de notre échantillon dit en être satisfait. En ce qui concerne les 14% restant, les remarques se portent sur le mauvais déneigement des trottoirs et des pistes cyclables, renvoyant à l'influence de la neige sur les modes de déplacement. • Loisirs et activités Enfin, pour ce qui est des activités de loisir, la neige démontre ses qualités, au delà de ses nombreuses contraintes. Au travers de l'étude réalisée, 62% de l'échantillon déclare pratiquer des activités sportives ou de loisir dans Montréal. Parmi eux, 56% estiment l'influence de la neige positive sur leur pratique. En effet, la neige est souvent liée aux sports d'hiver, nombreux et massivement pratiqués, surtout grâce aux aménagements offerts par la ville. Comme évoqué précédemment, Montréal se dote de nombreuses patinoires de plein air aménagées et entretenues par les différents arrondissements. Le patinage est d'ailleurs l'activité qui se place numéro un aux vues du sondage. 27% de l'échantillon

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indique pratiquer le patin à glace, suivi en deuxième et troisième position par les jeux dans la neige et la randonnée. Le climat hivernal joue un rôle positif sur les activités sportives et certaines personnes affirment être « optimiste à l'idée de pouvoir faire du snowboard et du ski de fond » et ne pas pouvoir se passer de l'hiver, même à Montréal. La ville propose également d'autres activités telles que les glissades sur neige ou bien le ski de fond. Le jardin botanique, tout comme le Mont Royal sont aussi convertis en aires d'activité, ouverts au public gratuitement et disposant de pistes de randonnée et de ski de fond. Dans ce sens, on observe que la ville se sert de la neige comme ressource, de façon à offrir à ses habitants des espaces de loisirs, praticables quelle que soit la saison. Ainsi certains espaces restent des lieux de récréation collectifs et conviviaux, qui s'adaptent à de nouvelles fonctions hivernales. Il est alors courant d'aller faire quelques tours de patinoire en sortant du travail. Pour ceux qui pratiquent d'autres sports, l’accommodation au climat ne semble pas être un soucis. Certains sports sont pratiqués en intérieur durant l'hiver, ou bien si cela n'est pas possible, on peut adapter sa pratique sportive en fonction de la saison. Plus simple encore, il suffit pour certains de se couvrir chaudement. En somme, la neige permet selon les montréalais, de nombreuses activités, qui donnent un caractère attrayant a ce climat qui leur convient. • Résultats Au final, de ce point du vue social et culturel, il en ressort différentes images et représentations de la neige, qu'elles soient positives ou négatives. Les avis sont souvent partagés, mais la réponse n'est pas singulière. Il n'existe pas de réponse exacte, la neige n’est pas considérée comme belle ou moche, attrayante ou repoussante, pratique ou contraignante, mais condense l’ensemble de ces adjectifs. Selon des paroles rapportées, « La neige est un élément négatif pour beaucoup, mais elle amène beaucoup de bonheur et de réconfort moral pour certain: il est possible d'être actif et de savoir profiter du froid et de la neige lors de l'hiver! ». Ainsi, les visions sont multiples et évoluent pour chacun tout au long de la saison. Cette perception se dégrade au cours de la période hivernale, bien que le souvenir de la neige reste généralement positif. Nous l'avons vu, le ressenti varie également en fonction de l'âge et surtout de la capacité physique des personnes. D'après cet autre témoignage : « La neige, ce n'est pas un problème en soi. La température, la slush, les jours qui raccourcissent en sont. Après avoir passé un an en Australie, là où il n'y a pas de neige en ville, même au sud, le fait de ne pas vivre le cycle des saisons comme j'y ai été habituée, avec les joies et les peines de la neige, ça m'a beaucoup affecté. De toute les formes que puisse prendre l'eau, je pense que c'est la plus féérique ». La population montréalaise porte malgré tout un sentiment affectif envers la neige. Les contraintes que celle-ci peut engendrer ne semblent finalement pas aussi incommodantes qu'il pourrait paraître. Selon le point de vue, il est tout aussi possible de subir la neige que de l'apprécier, cela variant en fonction des nombreuses perceptions que l'on peut adopter vis à vis de la ville. Ainsi l'espace urbain agit sur notre perception de la neige et à l'inverse, la neige modifie notre expérience de la ville. C'est pourquoi leurs contrôles et leurs gestions peuvent être déterminants.

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II ) LA NEIGE, QUELLE PRISE EN COMPTE ? 1. REMISE EN QUESTION DU SUJET. Après avoir étudié la manière dont l'homme se comporte vis à vis de la neige, il nous intéresse d'observer comment la ville s'y adapte. L'arrivée de l'hiver et de la neige en ville entraine des modifications de l'aménagement urbain. En effet, certains éléments sont révélateurs d'une métamorphose de la ville en vue de la saison hivernale. Par exemple les terrasses des bars et des restaurants, qui sont installées de façon temporaire sur des places de stationnement, sont démontées et entreposées jusqu'à l'été suivant. Il est intéressant de voir à quel point la vie peut s'étaler dans l'espace urbain durant les périodes chaudes, puis se recroqueviller à l'intérieur durant les périodes froides. De la même manière, la rue commerçante Sainte Catherine qui traverse Montréal d'Est en Ouest, reste entièrement piétonne en été et devient circulante l'hiver. D'autres évènements et aménagements tels que ceux-ci se font en prévention de la période hivernale. Il est alors possible d'observer la mise en place de revêtements antidérapants sur les escaliers de certaines habitations, ou bien la disparition de certains éléments du mobilier urbain. Le parc la Fontaine se voit dépourvu de ses nombreuses tables à pic-nique et l'eau des fontaines ne jaillit plus. Les stations de vélos BIXI (vélos en libre service) sont elles aussi déplacées et entreposées. La préparation de l'hiver à Montréal se traduit par un ensemble de petites adaptations, qui malgré tout représentent la mise en place de moyens techniques et humains importants. En revanche, nous remarquons que l'ensemble de ces interventions ne se traduit pas par la mise en place d'aménagements dédiés à la neige, mais à l'inverse, à la disparition des installations d'été. En ce sens, il est contradictoire de dire que la ville s'adapte aux conditions hivernales. Le seul élément que j'ai pu identifier comme une infrastructure spécifique à la neige est en lien avec les bornes à incendie (image 12). Celles-ci sont indiquées en hiver par des tiges allongées en hauteur, qui permettent de les repérer, malgré le fait qu'elles soient ensevelies sous la neige.

Image 12 : Borne incendie

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Image 13 : Pierres tombales


Un autre aménagement serait celui évoqué auparavant à propos des pierres tombales (image 13). Cellesci présentant les indications concernant le défunt sur une plaque recouvrant le sommet de la stèle qui lui est dédiée. D'autres étant conçues en hauteur de manière à rester constamment visibles. Néanmoins ces éléments indicatifs n'ont pour seuls buts : le repère ou l'information. D'autres éléments de ce genre pourraient probablement être énoncés. Cette recherche avait au départ pour objectif d'énoncer des innovations urbanistiques liées à la neige, ainsi que des infrastructures et des aménagements beaucoup plus significatifs. Il ne serait pas juste de dire qu’il n’en existe pas, cependant les éléments que nous pouvons relever se travduisent par de petites interventions dans la ville ou bien par de plus gros aménagements qui ne sont pas spécifiques à la neige. Certains exemples existent tels que les arrêts de bus permettant une protection contre le vent, ou la ville souterraine, qui sera développée plus tard. Toutefois, ces interventions ne concernent pas uniquement la problématique de la neige, mais touchent plus largement le froid et le climat hivernal de manière générale. Ainsi il est possible de discerner une remise en question du sujet, à la base duquel les recherches visaient les aménagements conçus pour la neige et prévus pour palier aux désagréments causés par celle-ci. L’étude révèle que les questionnements et hypothèses posés en amont de cette recherche, ne sont pas validés. De plus, les premières interrogations portées aux Montréalais concernant la neige ne leurs semblent pas pertinentes. Notamment du fait que le sujet leur apparait comme extrêmement commun. La neige dans Montréal apparaît comme une fatalité, un élément que la population subit et avec lequel les montréalais vivent au quotidien. Il est d’ailleurs possible de remarquer que d'après l'enquête précédente, l'élément placé en première position des contraintes hivernales est le vent et non pas la neige. La température est certainement le sujet le plus compliqué à traiter dans ce contexte. En plus de cela, aucun équipement urbain remarquable ne semble répondre à la question de la neige en ville et il en est de même concernant l'architecture. D'après ces premières observations, aucune prise en compte de la neige n’est perceptible dans la conception et la planification de la ville. Tout du moins, aucun équipement spécifique et analysable comme tel. Il s'agit alors de prendre en compte le fait que la neige n'est pas perçue comme une contrainte dans l'aménagement urbain mais plutôt dans la gestion de la ville. En effet, si Montréal ne considère pas la neige comme un élément de conception de la ville, elle est forcée de s'adapter à sa présence. Une telle quantité de neige ne peut être ignorée et nécessite forcément des actions appropriées. Que ce soit pour des questions de sécurité, de déplacement ou de fonctionnement. De ce fait, il s'agit à présent de s'interroger sur l'impact de la neige en terme de gestion de la ville. L'entretien d'une ville enneigée entraine des besoins particuliers qui vont avoir un impact en terme d'espace urbain. Au delà des enjeux matériels, il s'agit également d'observer les conséquences de la neige en terme de politique et d'économie de la ville. Nous verrons quelles questions cela pose et si des solutions y sont apportées.

2. DÉNEIGER LA VILLE, QUELLES MÉTHODES ? La première conséquence de la neige en terme de gestion et d'économie n'est autre que le déneigement. Il existe différentes étapes dans le déneigement de Montréal. Contrairement aux méthodes qui peuvent être observées en France, la neige ne peut être déblayée en une seule étape. Nous parlons de plusieurs centimètres à plusieurs mètres de neige qui s'accumulent sur l'année. Ainsi, des méthodes appropriées et une gestion particulière doivent être être mises en place, pour assurer le bon fonctionnement de la ville. Diverses interventions successives sont alors nécessaires et sont définies selon la quantité de neige tombée ou en prévision. La situation météorologique est de ce fait très

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importante et nécessite d'être anticipée. D'après les conditions envisagées, les services de déneigement de la ville vont pouvoir se préparer en conséquence. Les engins utilisés n'étant pas les mêmes selon le travail a effectuer. Le déneigement se compose de quatre étapes définies par la ville de Montréal (L'épandage, le déblaiement, le chargement et l'élimination). Celles-ci sont toutes dépendantes d'un quantité de neige minimum. De plus, la mise en place du déneigement, n'est définie que par la météorologie et peut être de durée variable selon les chutes de neige. Il est également important de mentionner que Montréal présente 4100 km de rues et 6550 km de trottoirs, d'où l'envergure de telles interventions. a) L'épandage. (image 14) La première étape du déneigement est l'épandage. Elle intervient pour une quantité de neige de moins de 2,5 cm au sol. Il s'agit alors, dès les premiers flocons de neige, de répandre ce que l'on appel des « fondants » ou « abrasifs » sur les trottoirs et chaussées de la ville. On cherche ainsi à faire fondre la neige avant même qu'elle ait le temps de s'accumuler. La sécurité est alors avant tout le but d'une telle manipulation, car bien qu'il n'y ait que peu de neige, celle-ci s'accumule rapidement. Une fois tassée par les passants, puis gelée par le froid, elle peut devenir très dangereuse. La ville de Montréal essaie cependant de limiter et d'optimiser cet épandage, à cause du coût des matériaux déversés, ainsi que de leur pollution. D'après le site de la ville, ce sont « En moyenne, 140 000 tonnes de fondants et d’abrasifs qui sont épandues chaque hiver. Quelque 180 appareils sont utilisés pour la chaussée et 190 pour les trottoirs de l’ensemble de la Ville de Montréal »(1). Les sels de voirie utilisés jusque là étaient extrêmement corrosifs, notamment pour les végétaux. Cependant la ville tend à utiliser des produits de déglaçage de plus en plus écologiques, tels que le « Bleu fuzion, dix fois moins corrosif que le sel ordinaire, ce produit est aussi peu toxique que le bicarbonate de soude ou la vitamine C »(2). Cependant, « le déneigement n'est pas encore complètement écologique à cause de l'essence consommée par la souffleuse et d'autres machineries lourdes »(2). L'épandage n'est pourtant que la première étape du déneigement mais elle nécessite tout de même l'intervention d'engins et de moyens humains importants. b) Le déblaiement. (image 15) La seconde étape en terme de déneigement de la ville est le déblaiement. Elle est mise en place lorsque l'on compte plus de 2,5 cm de neige au sol et peut être réalisée à la suite ou en même temps que l'épandage. Cela dépendra des quantités de neige qu'il tombe à ce moment là. Lors du déblaiement, il s'agit principalement de mettre la neige de côté en créant des talus aux abords des rues. Le but principal étant de permettre la libre circulation des automobilistes ainsi que des piétons. Une fois de plus cette manœuvre nécessite l'utilisation d'engins spécifiques et notamment de tailles différentes, de manière à pouvoir nettoyer aussi bien les rues que les trottoirs de la ville. « 1 000 appareils servent au déblaiement de la chaussée et des trottoirs (chenillettes de trottoir, niveleuses, chasse-neige, tracteurschargeurs) »(1). En comptant les 4100 km de rues et les 6550 km de trottoirs, il est évident que le déblaiement de la totalité des rues de Montréal représente un temps considérable. D'autant plus si la neige continue de tomber et que le travail effectué est à recommencer quelques heures plus tard. La limite d'un telle intervention en espace urbain est le manque d'espace. L'hiver étant de longue durée et la neige ne fondant pas à cause des températures négatives, il devient difficile de la stocker dans les rues. La ville interdit d'ailleurs aux habitants de déverser la neige qui se trouve sur les terrains privés dans l'espace public de la rue. La neige s'entasse ainsi dans les cours et jardins se trouvant à l'arrière des logements, les privant de tout usage et accès durant la saison. Les couches successives de neige pouvant dépasser 1m de hauteur au cours de l'hiver. (1) Site de la ville de Montréal, Opérations de déneigement, http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=8217,136273620&_ dad=portal&_schema=PORTALpageid=8217,136273620&_dad=portal&_schema=PORTAL (2) Enlever le manteau blanc de dame nature, article Métro, Noreau Sonia, 10 janvier 2013, http://journalmetro.com/local/saintlaurent/actualites/613271/article-slug/

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c) Le chargement. (image 16) Pour pallier à ce manque d'espace, la seule solution envisageable est de stocker le trop-plein de neige en dehors de la ville, ou bien dans des espaces inoccupés. C'est pourquoi la troisième étape du déneigement consiste à charger la neige ramassée dans les rues, pour l'emmener dans des sites d'élimination. On parle alors de chargement de la neige. Cette étape intervient lorsque l'on dépasse les 15 cm de neige en ville. Pour ce faire, de nouveaux engins viennent compléter les précédents, afin de permettre le ramassage. Un cortège de véhicules spécialisés prend ainsi place dans la rue, amassant la neige répandue sur le sol, puis la récoltant petit à petit, tout en la déversant dans de grands camions bennes. Ces derniers se relayent pour acheminer la neige jusqu'aux centres de stockage et d'élimination. « Le volume annuel moyen de neige éliminée est de 12 millions de m3, soit 300 000 voyages de camions»(1). La mise en place de telles interventions est impressionnante et démontre à quel point la ville est soumise aux conditions météorologiques. En effet, les interventions de déneigement sont difficilement prévisibles à l'avance et dépendent du temps que peut durer une tempête. Cela peut aller de seulement quelques heures à plus d'une journée d'intempérie. Les travaux de déblaiement ne peuvent pas être interrompus tant que la neige ne cesse de tomber. De plus, cet entretient se prolonge plusieurs heures après que la neige ait finit de tomber. Les besoins d'extraction et d'entreposage de la neige entrainent des conséquences économiques faramineuses, qui révèlent les limites d'un tel fonctionnement. Toujours d'après le site de la ville « Le coût moyen d'une tempête de neige avec une accumulation au sol de 20 cm est de 17 M$, soit 1 M$ pour le déblaiement, 14 M$ pour le chargement et 2 M$ pour l'élimination »(1). D'où l'enjeu économique de telles interventions et l'intérêt pour la ville de rendre ce système le plus efficace possible. Enfin, cela met en avant des problèmes de prise en considération de la neige dans la conception, l'aménagement et la gestion de l'espace urbain. d) Le stockage et l'élimination. (image 17) Une fois la neige ramassée, il est nécessaire de la transporter dans des espaces périphériques ou inoccupés. De véritables montagnes de neige prennent alors forme dans des sites d'élimination , dans lesquels on attend que la neige fonde pour la rediriger vers les égouts de la ville. Il existe ainsi deux grands types de sites liés à l'élimination de la neige. Les premiers sont les sites dits de « chute à l'égout » et les seconds sont des sites « d'entassement en surface ». Dans le premier cas, la neige fondue se dirige directement dans le système d'égout de la ville, de manière à être traitée dans les stations d'épuration, de façon identique aux eaux usées de la ville. En ce qui concerne les sites d'entassement, la neige fondue séjourne dans des bassins de décantation avant d'être rejetée dans les cours d'eau. Il faut alors savoir que l'élimination de la neige est un élément controversé et pris en considération depuis très peu de temps au Canada. Ce n'est qu'à partir des années 1980 que l'on prend en compte les risques majeurs que cela implique sur l'environnement. En effet, la neige récoltée en ville est extrêmement polluée, que ce soit par les déchets, les hydrocarbures ou bien même les abrasifs et fondants qui lui sont ajoutés. Cependant, jusqu'en 1988 les neiges usées étaient simplement déversées dans les cours d'eau, sans aucun traitement préalable. D'après le ministère de l'environnement du Québec, « En 1995, près de 80 municipalités rejetaient encore la totalité ou une partie de leurs neiges usées directement dans les cours d'eau ou en bordure de ceux-ci, dans plus de 100 décharges »(1). Aujourd'hui, une politique sur l'élimination des neiges usées a été mise en place et définit des règles d'aménagement quant aux sites d'élimination. De ce fait les polluants ne sont plus directement déversés dans le cours d'eau. En revanche, si c'est le cas pour la ville de Montréal, qu’en est-il du reste des communes québécoises ? Et bien que l'on ne rejette plus la neige fondue dans les cours d'eau, qu'advient-il de l'eau qui s'infiltre dans le sol et dans la nappe phréatique ? Il semblerait alors que la prise de conscience concernant les eaux

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souterraines soit tout aussi récente. Cela étant principalement dû à certains accidents environnementaux ayant tué ou rendus malades certains individus. En revanche, il est très peu question de l'impact de la neige et de sa pollution dans les études liées à l'infiltration de l'eau en souterrain. Sachant que plus de 30% de la population canadienne dépend des ressources en eaux souterraines, il serait intéressant de se poser la question, notamment en terme de risques humains et environnementaux. Malgré les interrogations et pour en revenir à la ville, on se questionne sur les conséquences urbaines qu'entraine cette gestion de la neige. En effet, après avoir décrit les différentes étapes indispensables au déneigement de Montréal, on peut également raisonner en terme d'espace. La neige étant un élément extrêmement volumineux, son stockage implique une place non négligeable. Le déneigement se définit au travers de parcours urbains pré-établis ainsi que de zones de déneigement prioritaires. Pour rendre le système le plus efficace possible, la ville à tout de même mis en place un plan permettant d'optimiser le nettoyage des rues selon leur ordre d'importance, en fonction de la circulation (piétonne et automobile). D'autre part, le déneigement se définit par des trajets entre le centre ville et les zones de stockage et d'élimination de la neige en périphérie. En somme, l'ensemble des parcours effectués ainsi que la multiplicité des sites d'entreposage représentent des surfaces urbaines ou péri-urbaines importantes. De plus, si ces lieux et leur accessibilité entrainent des coûts d'utilisation, de maintenance et d'entretien élevés, ils ne sont pas rentables pour la ville. Difficile alors de croire que la ville n'ait encore jamais mis en avant de projets visant a réduire l'impact économique de telles interventions. Connaissant à présent les moyens financiers nécessaires au déneigement de la ville, il pourrait être avantageux d'envisager des solutions novatrices en terme de réutilisation de la neige. À l'heure de l'écologie et du recyclage il me semble étonnant que Montréal ne mette pas en avant des éléments de recherche sur le sujet. Si la neige n'est considérée que du point de vue de la contrainte saisonnière et passagère, son impact budgétaire est pourtant bien réel. Il pourrait alors être intéressant d’investir dans la recherche de méthodes de gestion de la neige plus économiques ou du moins rentables pour la ville. Cependant l'intérêt public n’influe peut être pas dans ce sens. Les montréalais, bien que conscients de ce phénomène, n'y prêtent que peu d'importance puisque la neige reste en surface et qu'il est possible de se déplacer en sous sol.

3. « RESO », LA VILLE SOUTERRAINE. Montréal est connue dans le monde entier pour son réseau souterrain, permettant de se déplacer en sous-sol en évitant les incommodités de l'hiver à la surface. Ce n'est pas la seule ville à en bénéficier, puisque qu'il existe deux modèles de développement de la ville souterraine selon Michel Boisvert : le modèle Nord-américain et le le modèle Japonais. Le premier, dont fait partie le « RESO » de Montréal, équivaut à des liens entre « les espaces souterrains des immeubles avec seulement 10 à 15% du réseau sous les parcs ou rues » (2). Les villes souterraines Nord Américaines et Canadiennes sont ainsi construites sur le principe d'une continuité de sous-sols reliés entre-eux par des couloirs et/ou par un réseau de transport urbain, se trouvant généralement être le métro. A l'inverse, le modèle japonais est basé sur un réseau qui « équivaut plutôt à un réseau d'utilité publique comme l'eau ou l’électricité »(2). Le premier système (Nord-Américain) consiste à mettre en réseau des immeubles, permettant de se déplacer en passant de l'un à l'autre, tandis que le second système (Japonais) vise à créer un réseau autonome permettant d’accéder à chacun des bâtiments indépendamment. La différence entre les deux réside principalement dans la conception et la façon dont ces espaces souterrains ont été mis en place. L'histoire et le contexte de leur création varie mais leur intérêt est commun et consiste à se protéger du (1) Guide d’aménagement des lieux d’élimination de neige et mise en oeuvre du Règlement sur les lieux d’élimination de neige, Introduction Environnement Québec, Gouvernement du Québec, 2002 (2) «Montréal et Toronto, Villes intérieures», Michel Boisvert, 256 pages, mai 2011

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• Epandage

Image 14

• Déblaiement

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• Chargement

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• Stockage et Elimination

Image 17

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climat extérieur tout en permettant aux habitants de poursuivre leurs activités quotidiennes. La neige n'est pas la seule raison d'une telle infrastructure, néanmoins elle y est directement liée. Les passages souterrains résolvent en partie les problèmes de déplacement dans la neige et d'autant plus grâce au fait qu'ils soient reliés au métro. Cependant, la mise en place de telles circulations pose de nombreuses questions, notamment en terme de gestion des différents espaces mis en relation. Le RESO impose également une nécessuté de cohésion vis à vis des différents acteurs impliqués, notamment dans le cas de ce système Nord-américain. En ce qui concerne Montréal, le premier passage créé en 1962 fut celui qui se trouve sous le boulevard René Levesque, entre la place Ville marie (centre commercial) et la gare centrale. A l'époque on ne parle pas encore de ville souterraine puisque le passage en sous-sol fait partie d'un ensemble appartenant à un seul propriétaire. C'est à partir du moment où l'on développe le métro ( depuis 1966) que va se répandre de façon importante la ville souterraine, devenue la plus importante au monde et nommée officiellement « RESO » en 2004. Aujourd'hui ce réseau souterrain voit circuler pas moins de 240 000 personnes par jour sur une distance de 29,7 km qui relie 92 immeubles entre eux (selon les chiffres évoqués par Michel Boisvert(1)). L'importance de cette infrastructure souterraine est d'ailleurs appuyée par la mise en place depuis 2002 d'un Observatoire de la Ville Intérieure (OVI) actuellement présidée par M. Boisvert. La recherche autour de ce sujet vise à développer le RESO montréalais comme un exemple à l'échelle internationale et tend à devenir « un lieu d'expérimentation pour des solutions novatrices en termes de coordination dans la planification, de coopération dans la gestion et d'innovation dans le design, au bénéfice des usagers, des gestionnaires immobiliers, des autorités responsables de l'urbanisme et plus globalement de l'environnement urbain »(2) d'après le site internet de l'OVI. Si la ville intérieure de Montréal est certainement le plus important aménagement urbain se préoccupant des problématiques hivernales, il reste tout de même limité. Le réseau souterrain de la ville se réduit en réalité au centre ville de Montréal et notamment à sa partie la plus dense, comprenant les nombreuses tours de bureaux construites entre les années 1970 et 1980. L'OVI définit la ville intérieure comme un « ensemble d'immeubles raccordés par des liens piétonniers, protégés, appartenant à plusieurs propriétaires, offrant une diversité de fonctions, notamment du transport collectif, du commerce de détail, des espaces de bureaux et des activités de divertissement, et disposant d'ententes avec les autorités locales, pour l'occupation du domaine public »(2). Les passages souterrains permettent seulement de relier directement les grandes infrastructures et architectures urbaines que sont les universités, bureaux ou centres commerciaux. En revanche, dès que l'on s'éloigne du centre, seul le métro permet de relier les quartiers historiques et d'affaires de la ville aux quartiers résidentiels. L'éloignement et l'étalement de la ville ne permet bien évidemment pas de déployer une infrastructure aussi vaste sur l'ensemble du territoire urbain. Malgré tout cela démontre la nécessité d'investissements et de moyens importants dont la ville, elle seule, ne peut pas disposer. D'où la nécessité pour la municipalité de pouvoir gérer la mise en relation de lieux appartenant au domaine privé, grâce aux espaces faisant partie du domaine public. Les grands propriétaires immobiliers ont tout intérêt à se relier au RESO mais ne peuvent créer des passages souterrains sous l'espace publique, qu'à la seule condition de permettre une libre circulation dans la partie souterraine du ou des bâtiments. Cela faisant aussi bien la force que la fragilité de ce système qui réside sur une bonne coordination entre les propriétaires privés et les autorités locales. Ainsi le RESO fonctionne à condition que chacun des acteurs y trouve son compte. En revanche, il suffirait d'un désaccord ou de la fermeture d'un des sous-sol privés pour compromettre la continuité du parcours souterrain actuel.

(1) «Montréal et Toronto, Villes intérieures», Michel Boisvert, 256 pages, mai 2011 (2) Site de l’Observatoire de la ville intérieure : http://www.ovi.umontreal.ca/

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Michel Boisvert définit alors trois « niveaux d'accessibilité » qui catégorisent les différentes typologies d'espaces que le ville intérieure met en relation. Il les définit selon trois types de réseaux : « _ Réseau primaire : Liens entre les immeubles et cheminement au travers des immeubles : entente entre les autorités municipales et propriétaires immobiliers. _ Réseau secondaire : Tous les autres lieux d'accès public à l'intérieur des immeubles. Espaces communs (espace en location) : ce sont les corridors et places qui y mènent mais non les espaces euxmêmes. Ainsi que les chemins permettant de rejoindre le réseau primaire. _ Réseau tertiaire : Aires de circulation publique dont l'accès est contrôlé. Réseau commun mais à un nombre limité de personnes. Ce réseau est exclu du calcul de superficie du réseau piéton intérieur. »(1) Une autre problématique que soulève la présence de la ville souterraine concerne l'activité commerciale qui y est liée. Le RESO fonctionne de par la facilité de déplacement qu'il propose mais également grâce à la diversité des activités qu'il met en relation (bureaux, universités, centres commerciaux, lieux de divertissement...). Cependant, il vient concurrencer l'activité de la rue présente en surface. Le But n'étant pas de rassembler les activités et les transports en sous-sol, à l'encontre de ceux présents en surface. Il devient alors nécessaire de maitriser ce développement souterrain en proposant des solutions en terme d'espace et d'aménagement de la ville. Il faut permettre le fonctionnement des différents espaces publics, qu'ils soient souterrains ou non. La ville intérieure vient de ce fait renforcer l'importance de l'aménagement des rues extérieures de la ville et d'autant plus durant la période hivernale. Les deux couches de réseaux superposées ne doivent pas être concurrentes mais peuvent offrir des qualités complémentaires. De plus, comme évoqué précédemment, bien que le RESO s'étende sur une distance de 30 km, il ne remplacera jamais les quelques 4100 km de rues que comporte Montréal. La neige reste de ce fait une problématique importante et une source de réflexion et d'inspiration pour l'aménagement de la ville. La création de circulations sous la surface de la terre appuie le point de vue négatif que l'on peut avoir de la neige. On la considère comme une contrainte que l'on cherche à esquiver alors que l'on peut s'en servir comme moteur de développement et de mise en valeur de l'espace public.

Image 18 : Plan du «RESO» souterrain

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4. MISE EN ÉVIDENCE D'ÉLÉMENTS ARCHITECTURAUX. De la même manière qu'il paraît surprenant de ne pas prendre en compte la neige dans la conception de l'espace urbain, il semble inconcevable de ne pas en tenir compte dans l'architecture. Cependant, on ne peut pas considérer l'hiver comme la seule saison de l'année. Montréal connait aussi durant l'été, des périodes très chaudes que les concepteurs doivent prendre en considération. Il est étonnant d'apprendre que la ville de Montréal est bâtie de manière détachée du contexte géographique et climatique dans lequel elle s'implante. On remarque le fait que « Depuis longtemps, les concepteurs et urbanistes du Nord canadien ne tiennent pas compte des hivers interminables, voire insupportables. Ils se concentrent sur les périodes « plus chaudes », parce qu'ils n'ont pas été formés pour « penser saison », encore moins « penser hiver » ! »(1). La mise en évidence d'un manque de prise en considération de l'hiver et de la neige dans la conception architecturale est donc vérifiée. Elle est même reconnue par le Centre Canadien d'Architecture (CCA) et l'association Villes habitables en hiver qui cherchent à mettre en oeuvre une meilleure prise en compte de cette thématique hivernale : « On constate une véritable « prise de conscience de l'hiver » depuis la création – au milieu des années 1980 – de l'association « villes habitables en hiver » (…) Cette association a exercé une certaine influence sur les comités municipaux chargés d'étudier la qualité urbaine afin de s'assurer qu'ils tiennent compte des contraintes climatiques »(1). Si les réflexions urbaines ont tenu compte des conditions météorologiques, cette exigence n’a cependant pas modifié de façon signifiante l'architecture de la ville. En ce qui concerne les maisons traditionnelles de Montréal, on remarque une contradiction entre le fait que l'architecture ne soit pas conçue en fonction de la neige et le fait que certains éléments traduisent des adaptations au climat hivernal. En se promenant dans la ville, il est possible de remarquer des aménagements (temporaires ou non) qui tentent de pallier aux contraintes causées par la neige. Les éléments suivants visent alors à regrouper les aménagements prenant en compte la neige dans l'architecture urbaine. • L'escalier montréalais (image 19) Une des premières particularités de Montréal réside dans le charme de ses rues animées par les nombreux escaliers extérieurs permettant l'accès aux logements supérieurs des bâtiments ne dépassant généralement pas les trois ou quatre niveaux. Si aujourd'hui cet élément caractéristique de Montréal est devenu un élément de charme pour les quartiers les plus huppés de la ville, il n'a pas été conçu dans cette optique. En réalité, il s'agit d'un solution technique qui a su répondre à la densification de la ville. Les habitations urbaines traditionnelles se sont vues coiffées de logements supérieurs auxquels l'accès se faisait par l'extérieur. « L'escalier extérieur, en soi une version élaborée de l'échelle, se présenta alors comme le moyen le plus commode et plus économique d'accéder à ces logements de fortune »(2). On aurait pu croire que la neige soit une explication à la présence de ces escaliers mais ce n'est pourtant pas le cas. Au contraire, souvent très raides, exigus et tortueux, les escaliers montréalais sont plutôt glissants et dangereux durant l'hiver. De plus, rarement couverts, il est nécessaire de les déblayer quotidiennement. Ainsi le premier aménagement que l'on note consiste à recouvrir les marches par des revêtements anti-dérapants durant l'hiver. Ceux-ci se présentent sous différentes formes. Certains sont temporaires, tant dis que d'autres sont permanents. Souvent dépourvus de contremarches les escaliers peuvent aisément être déneigés, bien que la raison première soit certainement de maximiser la lumière en rez-de-chaussée. (1) «Sensations urbaines, une approche différente de l’urbanisme», Centre Canadien d’Architecture, 2005, 352 pages, p. 131 (2) «Montréal et son aménagement, vivre la ville» , Jean Claude Marsan, Presse de l’Université du Québec, 2012, 320 pages, p.120

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• L'ossature (image 20) Les maisons traditionnelles montréalaises sont construites sur le modèle américain, c'est à dire en ossature bois. Cela explique la faible hauteur des bâtiments dans les quartiers résidentiels. Les maisons sont ensuite généralement recouvertes par des parements en brique et ne disposent d'aucune isolation. D'un point de vue européen, cela semble paradoxal de construire des maisons non isolées dans une ville où la température moyenne l'hiver se situe autour des -10°c à – 15°c. Jusqu'ici la neige et le froid sont seulement subis par les québécois et non perçus par leurs potentiels. Ce raisonnement n'implique pas une protection face à l'hiver mais plutôt une adaptation au climat lorsque nécessaire. • La toiture Les toitures à Montréal sont généralement plates. Cela ne semble pas être la solution adaptée à de telles conditions d'enneigement. A titre de comparaison, dans un contexte montagnard, où les évènements climatiques sont à peu près similaires, les habitations disposent en général de toit à double pente. L'atout de ce type de toiture est de supporter de plus grandes charges de neige. Pourquoi les toits plats sont ils privilégiés dans une ville où s'accumulent plusieurs mètres de neige sur l'ensemble de la saison ? Une des réponses possibles est liée à la caractéristique isolante de la neige. Ceci expliquerait l'accumulation de la neige sur les toits durant l'hiver. Une autre possibilité provient de l'écoulement de l'eau en toiture. Celle-ci se fait par l'intérieur de la maison, «la forme du «toit montréalais» convenant bien au drainage»(3). Les basses températures ne permettant pas à la neige de fondre, il est plus simple d'utiliser la chaleur de la maison pour faire fondre la neige et permettre son écoulement par l'intérieur. A l'extérieur l'eau gèle quasiment instantanément, ce qui empêche d'évacuer les eaux pluviales en surface. L'écoulement par l'intérieur permet certainement de réchauffer la surface de toiture afin que la neige et la glace fondent et s'écoulent. De cette manière, il est également possible d'éviter le surpoids de la neige sur la toiture. Ces suppositions ne permettent pas d'affirmer que l'intention première était bien celle-ci mais elles sont réalistes et expliquent le choix de toits plats plutôt que de toits en pentes.

Image 19 : Escaliers extérieurs

Image 20 : Ossature traditionnelle des bâtiments d’habitation

(3) «Sensations urbaines, une approche différente de l’urbanisme», Centre Canadien d’Architecture, 2005, 352 pages, p. 25

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• Les balcons (image 21) Lorsque l'on se promène dans les rues de Montréal, certains balcons semblent être inclinés. On pourrait douter de leur fiabilité en observant la manière dont ils sont inclinés. Cependant une telle pente dirigée vers l'extérieur du bâtiment nous invite à penser qu'il s'agit d'une question d'écoulement de l'eau. On peut se questionner sur l'intérêt que cela apporte dans la gestion de la neige. Ce n'est peut être pas directement lié à la question de la neige car l'inclinaison n'est pas assez forte pour empêcher la neige se s'y accumuler. En revanche les balcons sont généralement couverts et/ou servent de toiture aux porches d'entrée. Ainsi ils permettent de protéger en partie les entrées des bâtisses et créent une distance par rapport à la rue. • Les Sas d'entrée (image 22) Un autre élément facilement observable dans Montréal est la présence de Sas d'entrée, notamment lorsqu'il s'agit de bâtiments publics. Certains appartements, ou condominiums tels qu'on les nomme au Québec, disposent également de halls d'entrée ou d'espaces transitoires entre l'extérieur et l'intérieur. Dans les grandes infrastructures telles que les centres commerciaux, ces espaces sont clairement marqués par deux rangées de portes successives permettant de créer un sas, limitant les échanges d'air entre les deux milieux. Ainsi on empêche l'air frais de s’infiltrer dans le bâtiment, réduisant de manière économique et écologique les pertes de chaleur. En terme de gestion de la neige, on remarque également que ces espaces permettent, par leurs revêtements de sol, de limiter la dispersion de la neige au sein du bâtiment. La neige transportée sous les chaussures se déverse alors dans les entrées chauffées, faisant fondre la neige qui peut ensuite facilement être évacuée, notamment grâce à des revêtements de sols adaptés. La liste de ces éléments d'aménagements conçus pour le climat hivernal et la neige démontre l’existence d'une conscience vis-à-vis de cette contrainte. En fait, c’est une adaptation au climat développant des solutions techniques et pratiques plutôt qu'architecturales. Ces premiers éléments architecturaux quotidiens sont facilement intégrables dans une conception architecturale. Il s'agit parfois seulement de d'observer certaines contraintes de la vie quotidienne en milieu enneigé, sans pour autant vouloir y répondre par de nouvelles solutions architecturales. Ainsi cette réflexion pose question quant à la position que prend l'architecture face à la neige (contrainte ou atout). De nouvelles manières de concevoir et vivre avec la neige peuvent être imaginées et les problématiques en terme d'architecture sont souvent à l'échelle du détail et de l'individu.

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Image 21 : Balcons

Image 22 : Halls et Sas d’entrée


5. POINT DE VUE ARCHITECTURAL (interview d'oscar Ramirez, architecte Montréalais). Oscar Ramirez est installé depuis trente ans à Montréal et cela fait une vingtaine d'années qu'il y exerce en tant qu'architecte. Il est aujourd'hui à la tête d'une agence comprenant quinze employés et qui aborde tous types de projets architecturaux. Selon lui, il existe deux manières d'aborder la question de la neige dans l'architecture, qui sont le concept et la technique. Il semble que ce ne soit pas la neige qui intervienne dans le processus de conceptualisation mais plutôt la température. On conçoit des bâtiments à Montréal que l'on pourrait construire n'importe où ailleurs dans le monde. D'après M. Ramirez, la seule différence se fait au niveau de la technique constructive. On réalise le bâtiment avec des techniques qui permettent de se protéger du froid et de la neige mais on ne cherche pas à intégrer la neige dans le concept architectural. Il s'avère alors que dans le processus de réalisation d'un bâtiment, les problématiques concernant la température et la neige n'apparaissent qu'à partir des plans d’exécution, lorsque l'on cherche à mettre en cohérence l'ensemble des questions techniques. On ne peut pas non plus concevoir les bâtiments en ne prenant en compte que les contraintes hivernales. Il est nécessaire de construire des bâtiments fonctionnels durant toutes les périodes de l'année. Il est autant nécessaire de se protéger de la neige que du soleil à Montréal. Si les hivers sont très froids, les étés sont à l'inverse très chauds. Les architectes montréalais ne semblent donc pas non plus voir la neige comme une élément de conception architecturale. Cependant M. Ramirez y perçoit tout de même un élément indicateur et révélateur. En effet, il explique que celle-ci est un excellent moyen de mettre en évidence le sens du vent, ce qui permet de repérer les endroits ou la neige s'accumule . En fonction de là où elle reste, il est possible d'orienter le bâtiment et choisir le meilleur emplacement pour la porte d'entrée. De simples observations logiques et pratiques telles que celle-ci entrent alors en jeu dans la conception d'un bâtiment. Oscar Ramirez explique également que les techniques et formes architecturales choisies s'expliquent par l'histoire particulière de la ville de Montréal. L'architecture de la ville ne s'est pas construite en fonction du contexte mais elle découle de la colonisation des anglo-saxons et des français. Dans le centre ancien les bâtiments sont construits en pierre, à l'image des constructions françaises, tant dis que les constructions modernes et contemporaines s'inspirent de traditions anglaises puis américaines. La seule particularité de Montréal résulte dans la présence d'escaliers extérieurs que l'on peut observer dans un grand nombre de rues et qui sont spécifiques à Montréal. Il est également étonnant que les maisons traditionnelles de Montréal ne soient pas isolées. Oscar Ramirez explique ce phénomène par le coût du chauffage, très peu cher à Montréal, d'où son utilisation excessive. En revanche on note une prise de conscience depuis la crise du pétrole et la mise en place de réglementations qui visent à réduire les consommations d'énergie. Une attitude envers l'environnement commence à se mettre en place mais semble encore très éloignée de celle que l'on véhicule en France. Des normes sont tout de même mises en place concernant l'épaisseur du vitrage et la résistance thermique du bâtiment. La technique évolue mais principalement dans une optique environnementale, sans pour autant évoquer un désir d'amélioration des conditions de vie. M. Ramirez évoque certains éléments architecturaux complémentaires à ceux évoqués précédemment. Ainsi le fait que les toits soient plats n'apporte pas seulement des solutions, puisque l'eau est de ce fait drainée à l'intérieur de la maison, causant de gros problèmes d'humidité. Il s'avère également que les

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maisons sont surélevées du sol naturel de manière à ce que le gel ne fasse pas éclater les dalles par l'insertion de glace en dessous. Il est alors nécessaire de construire des fondations à plus de 8 pieds sous terre (environ 2,4m) pour atteindre un sol a température suffisante pour ne pas geler. Aujourd’hui on remarque souvent qu’au lieu de surélever le sol de la maison, on intègre un niveau semi enterré, permettant d’atteindre la profondeur nécessaire tout en aménageant un espace à vivre en sous-sol (images 23 et 24). La multitude de garages dans la ville est en corrélation avec le froid et de la neige, puisque le fait de déneiger les voitures est une contrainte quotidienne. De plus, les maisons sont collées les unes aux autres de façon à réduire les transferts de chaleur vers l'extérieur en réduisant au maximum le nombre de façades exposées au froid. L'architecte évoque également, comme conséquence directe du froid et de la neige, la présence de vestibules à l'entrée des bâtiments. Cet interview avec Oscar Ramirez confirme l'ambiguité qu'il existe à Montréal entre le fait que l'on se trouve dans une ville aux conditions hivernales particulières et aux réponses architecturales limitées. En revanche on comprend également à quel point l'histoire de la ville permet de comprendre les modes de conceptions actuels. De plus, on remarque un changement d'attitude vis-à-vis de l'environnement et une meilleure prise en compte de conditions hivernales dans la construction des bâtiments. En revanche, aucune construction ne semble chercher à s'inspirer de la nordicité pour créer une architecture différente. Bien qu'il ne soit pas possible de prendre la neige comme seul élément de contexte, il serait intéressant de s'en inspirer, telle une ressource ou un matériau, afin de développer une architecture responsable. A l'image des habitants qui considèrent la neige comme une élément quotidien, l'architecture s'adapte au climat mais ne cherche pas à construire avec la neige, la glace ou bien le vent.

Images 23 et 24 : Surrélévation du Rez-de-chaussée et sous-bassement semi-enterré accessible.

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III) LA NEIGE, TRANSFORMER LA CONTRAINTE EN ATOUT. 1. UNE APPROCHE DIFFÉRENTE. L'ensemble des constats que nous avons pu faire jusque là nous permet de dire que la neige fait partie intégrante de la vie au Québec. En effet, la population ne perçoit pas la neige comme une contrainte mais plutôt comme un élément de la vie quotidienne, auquel on s'adapte en temps voulu. Elle semble être seulement perçue comme une problématique et jamais comme une solution. Par ailleurs, la gestion des rues et des déplacements est extrêmement impactée par le déneigement, sans pour autant mettre en œuvre d'alternative ou d'amélioration à ce système. L'architecture n'utilise pas non plus la neige comme sujet de conception mais répond simplement à sa présence par des solutions constructives et techniques. Tout cela met en avant un système de pensée linéaire qui vise à s'adapter au climat sans pour autant mettre en avant ses qualités. La neige peut aussi bien être source de contraintes que d'attraits. La problématique la plus importante reste alors la température, qui est difficilement contrôlable dans l'espace urbain et donc seulement perçue et vécue comme une contrainte incommodante. En revanche, nous verrons que la neige, comme le froid, font partie d'une atmosphère dont la ville de Montréal, le Québec et la Canada de manière plus générale, savent tirer partie, notamment grâce à l'atout touristique d'un climat aussi particulier. Nous cherchons alors à mettre en avant un autre mode de réflexion, qui ne vise pas seulement à chercher des solutions contre la neige, mais qui, au contraire, tend à utiliser la neige comme une solution. Pourquoi ne pas tirer partie de ce climat, qui semble n'avoir que des conséquences négatives sur la ville et la population ? Le but étant de faire de la neige, un sujet de recherche et de développement pour la conception et la gestion de la ville. On passe ainsi d'un mode de réflexion linéaire à un mode de réflexion circulaire (cyclique) visant à développer et rentabiliser l'utilisation de la neige. Le principe serait de faire en sorte que la neige réponde à ses propres contraintes ou bien à d'autres problématiques, tel un système de recyclage. Elle pourrait devenir un élément de conception, d'aménagement ou bien de gestion, ayant un intérêt pour la communauté urbaine et pour l'aménagement urbain. Elle constitue déjà une source d'attractivité touristique et pourrait dans la même logique être exploitée et considérée comme un élément de conception. Cela en prenant garde à ce que la neige ne devienne pas pour autant un élément de consommation. Aux vues des volumes considérables déblayés durant l'hiver à Montréal, il est évidemment impossible que l'intégralité soit recyclée. Le but n'est pas de trouver une alternative au déneigement mais de permettre à celui-ci de trouver une valorisation au déneigement des volumes de neige encombrants de la ville. Le déneigement pourrait de ce fait devenir acteur du développement urbain et les bénéfices qui en découleraient justifieraient, en partie tout au moins, l'importance du coût financier qui y est investi chaque année. L'intérêt est aussi important pour la gestion de la ville que pour l'ensemble de la population. On cherche ainsi à répondre à une problématique par une autre problématique. C'est en quelque sorte la réponse à une formule mathématique telle que moins plus moins est égal à plus. Deux contraintes ou problématiques, aux relations préalables non évidentes, peuvent former un atout commun. Pour ce faire il est nécessaire de s’appuyer sur les spécificités de la neige de manière à les associer à d'autres problématiques urbaines et architecturales. Le but étant de répondre à certains enjeux et créer de nouvelles dynamiques avec pour seule ambition d'y intégrer la composante neige. Ainsi la ville enneigée pourrait devenir un sujet de recherche et d’expérimentation pour de nombreux concepteurs, constructeurs et autres intervenants. Le site d'intervention étant très vaste, les thématiques d'intervention seraient variées et le matériau de construction abondant.

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2. LA NEIGE ET LES CONDITIONS CLIMATIQUES, UN ATOUT TOURISTIQUE. Se servir de la neige comme élément de conception et de construction n'est cependant pas nouveau. Différents projets en relation avec la neige existent déjà mais restent cependant déconnectés des problématiques que l'on a pu mettre en avant auparavant. La neige et la glace sont utilisées comme attractions touristiques et font également la renommée internationale de villes telles que Montréal et Québec. De nombreux évènements sont mis en place chaque année afin d'animer la saison hivernale. Ces manifestations telles que le Carnaval de Québec, le Village des neiges de Montréal, le festival Montréal en lumières ou bien le festival de musique électronique Igloofest participent à l'animation des rues et des places en hiver. Les nombreuses activités et animations proposées permettent, jour et nuit, d'animer la ville. Ces évènements extérieurs modifient ainsi la perception que l'on peut avoir des conditions climatiques peu accommodantes. L'esprit festif et chaleureux qui en découle, contraste avec la froideur des températures négatives. Cette animation participe ainsi à diminuer l'isolement de la population en supportant plus facilement les conditions hivernales. L'atout de ces festivités n'est donc pas seulement touristique mais profite à l'ensemble de la population locale également. La prise en compte de ces préoccupations n'est cependant pas nouvelle. Montréal avait déjà mis en place son Carnaval d'hiver qui avait lieu chaque année de 1883 à 1889. Celui-ci avait déjà pour ambition de devenir un événement touristique et était le premier carnaval d'hiver mis en place en Amérique. Le premier palais de glace nord-américain a été construit pour l'occasion, montrant dès lors un intérêt pour la construction en neige et en glace. • Neige et développement touristique La neige est devenue, d'une certaine manière, une source de revenus, un produit commercial vendu par les offices de tourisme et les agences de voyages. Si des stratégies marketing et touristiques sont développées pour les visiteurs étrangers, il en existe également à destination des québécois. L'exemple de la campagne de publicité pour la ville de Québec, dessinée en animation 3D apporte une vision nouvelle et féérique de la ville et de ses activités en hiver (image 25). Elle est ainsi réalisée dans le but de faire connaître la ville autrement et d'apporter une vision qui varie de celle que l'on a pu en garder. La neige ne contribue pas directement à l'attrait touristique, mais participe activement au travers des différentes activités et loisirs qu'elle permet d'effectuer. Les pratiques sportives et divertissements liés à la neige sont nombreux et variés : ski de piste, ski nordique, patinage, randonnée, hockey, promenade en chiens de traineaux, promenade en ski-doo (motoneige), glissades, etc. Une multitude d'offres et de services qui réussit à transformer un climat redoutable en un atout économique, touristique et urbain. Cette méthode renvoie aux différentes représentations que l'on peut avoir de la neige et de la saison hivernale. L'industrie du tourisme véhicule ainsi une image positive et festive concernant la neige et le froid. En terme de gestion et d'aménagement de la ville, cela démontre la possibilité de modifier la perception négative d'un lieu par l'usage qu'on lui donne.

Images 25 : Publicité pour la ville de Québec

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• Le Vieux Port de Montréal Le vieux port à Montréal en est l'exemple. La médiatisation et la promotion du lieu en font un des espaces les plus touristiques de la ville. Son aménagement et les activités qui y sont proposées s'adaptent en fonction de la saison. Eté comme Hiver l'ancien port offre des divertissements extérieurs et intérieurs. Durant la saison chaude le port retrouve son activité maritime et accueille un port de plaisance. Une plage de sable (la plage de l'horloge) est également aménagée pour permettre aux citadins de profiter de la fraicheur du Saint Laurent. L'ancien site industriel est ainsi divisé en plusieurs sections qui se voient attribuer des usages variables au cours de l'année. Le parc et le bassin Bonsecours, aménagés dans une ancienne darse du port, offrent des activités de promenade et de divertissements sur l'eau en été (Pédalos, voiliers radiocommandés). Bien que la bassin reprenne la formes des quais originaux, il est aujourd'hui artificialisé et se détache ainsi du reste du port. L'hiver venu, cela permet l'aménagement d'une patinoire sur l'ensemble du bassin. De la même manière, le quai Jacques Cartier, qui borde le bassin, offre une esplanade au cœur du port, capable d'accueillir de grands évènements tels que le festival Igloofest en hiver ou le Cirque du soleil en été. La prise en compte des conditions climatiques dans l'aménagement du Vieux Port permet ainsi l'adaptation de l'espace et une complémentarité des activités au cours de l'année. Malgré les variations liées au climat, il est tout de même possible de concevoir des espaces adaptables, permettant de tirer parti des atouts liés à la neige. Que ce soit d'un point de vue fonctionnel ou d'un point de vue récréatif, la neige peut être perçue comme attrayante plus que comme contraignante. De plus, elle dispose de capacités en termes d'innovations et d'aménagement urbain.

Images 26 : bassin Bonsecours en été

Images 27 : bassin Bonsecours en hiver

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• L’hôtel de glace de Québec L'hôtel de glace de Québec s'intègre également dans le développement du tourisme hivernal. Bien que celui-ci ne soit pourtant pas construit sur le modèle du palais de glace de Montréal, mais inspiré du Icehotel suédois érigé dans le petit village lapon de Jukkasjärvi. L'hôtel de glace participe au développement touristique de la ville de Québec, qui vise à devenir la « capitale de l'hiver ». Cet établissement est certainement l'un des projets les plus notables dans son genre, puisqu'il est reconstruit chaque année durant la période hivernale et qu'il est devenu une attraction touristique majeure au Québec. Construit à partir de 15 000 tonnes de neige et 500 tonnes de glace, l'hôtel démontre ainsi à quel point l'utilisation de la neige peut être un avantage pour le développement touristique et économique local. En effet, grâce à cette construction estivale « plus d’une centaine d’emplois directs à temps complet ou saisonniers sont créés ainsi qu’un certain nombre d’emplois indirects »(1). De plus, « Selon l’OTCQ, l’Hôtel de Glace génère annuellement des retombées de plus de 10 millions de dollars au niveau de l’économie locale, régionale et nationale »(1). Réelle œuvre d'art dont la décoration et les sculptures sont repensées chaque année, l'hôtel dispose de 36 chambres, d'un bar et même d'une chapelle dans laquelle des mariages sont organisés chaque saison. Cependant, si la construction de l'édifice nécessite de grandes quantités de neige, celle-ci est créée à partir de canons à neige. Avec les quantités de neige déblayées en ville, on regrette que l’hôtel soit construit à partir de neige artificielle et non pas de neige recyclée. L'explication vient alors des propriétés de la neige, qui doivent être optimales pour la construction. Selon le site de l'hôtel, « il est impossible d’utiliser la neige en provenance du ciel puisque celle-ci est trop sèche et aérée »(2). En revanche, si le mode de construction ne prend pas en compte les problématiques liées à la neige, l'hôtel contribue fortement à l'image festive et chaleureuse que cherche à véhiculer le Québec durant la période hivernale. De plus, cet exemple démontre les capacités de la neige en terme de construction. Ce qui nous permet d'envisager de larges possibilités de création, sous de multiples formes et pour de nombreuses utilisations.

Images 28 et 29 : Hôtel de glace, Québec.

(1) PDF « Historique de l’Hôtel de glace » https://www.hoteldeglace-canada.com/Fichiers/Histoire%20de%20l’Hotel%20de%20Glace.pdf (2) PDF « Construction et réalisation »http://www.hoteldeglace-canada.com/Fichiers/3%20-%20Construction%20et%20Realisation.pdf

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3. PRISE DE CONSCIENCE ET MISE EN PLACE D'UNE DYNAMIQUE URBAINE. De plus en plus nombreux et variés sont les festivals et animations qui mettent en scène la neige et la glace. Nous en avons déjà évoqué certains tels que le festival Luminothérapie, Montréal en lumières, l'Hôtel de glace, ou l'Igloofest. Quel que soit l'évènement, il prend place dans l'espace urbain et interagit avec celui-ci. Les multiples catégories d'espace urbains (Parcs, Places, Rues, Avenues, Carrefours etc.) sont susceptibles de devenir des espaces privilégiés lors d'évènements hivernaux. Tout élément de l'aménagement urbain qui est soumis aux conditions neigeuses, de la plus petite échelle (un seul élément) à la plus grande (un territoire dans son ensemble) est ainsi capable de devenir un sujet d'étude dans cette recherche. Dans un souci de développement urbain, les problématiques liées à la neige sont nombreuses et variées. Quelles soient de natures économiques, sociales, touristiques, fonctionnelles ou récréatives, les thématiques mettant en lien la neige et l'espace urbain sont nombreuses et parfois combinées. Les études regroupées par Olivier Legault (2013) et réalisées notamment par Jan Ghel (1987), Eliasson et al. (2007) ou Knez et al. (2009), démontrent que l'aménagement d'une place peut induire différentes conséquences en terme de comportements sociaux et économiques. Prendre en compte la neige dans l'aménagement de la ville permet ainsi une meilleure occupation des espaces urbains durant l'hiver. On constate à Montréal, qu'une conscience de l'hiver se met en place petit à petit. La dynamique urbaine et climatique est en marche et tend à se développer à l'avenir. Cependant, les interventions semblent jusqu'ici se limiter à des manifestations festives et culturelles. La conception et la planification urbaine avaient jusqu'à ce jour tendance à contourner les questions climatiques plutôt que de les affronter. Selon Norman Pressman, Les aménagements architecturaux et urbains réalisés depuis les années 1950 ont entrainé le développement de formes urbaines anti-climatiques. L'exemple de la ville souterraine confirme cette tendance à vouloir éviter au maximum les perturbations climatiques. « Ainsi, on enlève la totalité de la neige, on lie les immeubles par des tunnels ou des passerelles et on développe les espaces publics à l’intérieur des bâtiments (Pressman, 2004) »(3). Aujourd'hui la tendance s'inverse et la ville prend conscience du fait qu'il faille tenir compte des conditions climatiques plutôt que de les éviter. La conception des espaces publics nécessiterait de ce fait une réflexion en amont concernant l'occupation hivernale. D'autant qu'il a été prouvé que « le climat est responsable de 47 à 50% de la fréquentation des espaces publics »(3), d'où l'intérêt de prendre en compte la neige lors de la conception de ces espaces publics et architecturaux. Le bassin Bonsecours, dans le Vieux Port de Montréal, démontre par exemple à quel point les variations de températures au cours de l'année peuvent produire différentes formes d'occupation de l'espace. La différence de température de l'eau permettant d'utiliser le plan d'eau comme base nautique l'été et comme patinoire l'hiver. Cependant très peu d'espaces publics tels que celui-ci dans la ville semblent avoir été conçus et pensés dans l'optique d'être occupés été comme hiver. Des manifestations sont organisées et permettent l'aménagement temporaire des espaces publics mais ces espaces eux-même, n'ont pas été conçus dans cette optique. Il serait de ce fait pertinent de concevoir les aménagements urbains en adéquation avec le climat plutôt que de devoir les adapter par la suite. En revanche il est important que certains lieux soient adaptables de façon à répondre aux évènements divers qui peuvent s'y produire. Des projets artistiques et architecturaux tel que le concours Luminothérapie, prennent appui sur l'aménagement existant pour créer chaque année un univers différent.

(3) «Le design hivernal des espaces public : Études de cas scandinaves», Olivier Legault, Université de Montréal, 2013

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• Concours Luminothérapie Au travers de ce concours de design lancé chaque année, la neige est « mise en lumière » de manière artistique, architecturale et urbaine, contribuant à valoriser la ville à différentes échelles. Montréal fait partie des villes UNESCO de Design, au même titre que onze autres villes dans le monde, telles que St Etienne pour la France ou bien Berlin pour l'Allemagne et Beijing pour la Chine. Dans ce cadre, le bureau en charge de valoriser le Design à Montréal a mis en place un concours nommé Luminothérapie, visant à aménager la place des Arts (Quartier des spectacles) chaque mois de décembre, par une installation artistique. Les mises en scènes développées tiennent compte de l'espace, de l'éclairage et du climat hivernal, tout en mettant ces composantes en concordance. Différents thèmes sont développés chaque année et permettent d'exposer au public certains designers et architectes canadiens. Le Lauréat en 2013 était le projet « Entre les rangs » de l'agence d'architecture Kanva. Celui-ci proposait un nouvel aménagement de l'espace au travers d'un parcours. Le public était amené à se déplacer parmi de grandes tiges souples surmontées par des réflecteurs, rappelant un champ de blé dans la campagne. Les concepteurs ont ainsi voulu reproduire le paysage d'un champ dans le vent, par des effets de réflexion, de lumière et de mouvement grâce à la souplesse des tiges. De plus, l'ajout d'effets sonores rend l'expérience multi-sensorielle. L'installation crée ainsi « un lien entre les saisons, installant l’été céréalier au cœur de l’hiver. Le visiteur se promène ainsi dans un espace intemporel, entre deux âges et deux saisons »(1). . Outre l'aspect esthétique et poétique de cette réalisation, l'intérêt est également urbain. Il contribue à valoriser l'espace et à le rendre festif durant l'hiver. Cette initiative de la part de la ville permet que la place, qui serait inoccupée lorsqu'elle est enneigée, de trouver un nouvel attrait. On retrouve alors dans cette démarche la réflexion de Norman Pressman, visant à célébrer l'hivernité pour développer la qualité de vie et l'économie locale, qui sont intimement liées. Olivier Legault résume ainsi que « la fréquentation des espaces publics participe au développement de l’économie locale, mais modifie également la perception qu’ont les gens d’un espace et le rend plus attractif. »(2). L'organisation d'évènements et la mise en place d'installations éphémères améliore notre perception des espaces publics, nous permettant de mieux supporter les conditions climatiques. Les lieux sont ainsi plus fréquentés, ce qui permet un développement économique local et touristique et participe ainsi au développement urbain. L'intérêt d'aménager les espaces publics en tenant compte de la neige et des conditions hivernales est ainsi validé selon les différentes études qui ont été réalisées et regroupées au travers du travail de recherche d'Olivier Legault.

Image 30: «entre les rangs», Kanva architecture, édition 2013

Image 31: «Prismatica», Raw design, édition 2014

(1) Projet «Entre les rangs», http://mtlunescodesign.com/fr/projet/2013-Animation-des-espaces-publics/1

(2) «Le design hivernal des espaces public : Études de cas scandinaves», Olivier Legault, Université de Montréal, 2013

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• Concours Nordicité Dans une dynamique similaire, le concours « Nordicité » développé en 2013 par L'association du design urbain du Québec, l'organisation Vivre en ville et le Bureau de Design de Montréal, cherche à développer des installations urbaines novatrices et propres à l'hiver. Les lauréats, répartis dans deux catégories, professionnels et étudiants, font ressortir les possibilités d'aménagements et d'innovations en terme d'aménagements hivernaux. Dans l'ensemble de ces travaux sélectionnes on remarque la place centrale que prend la neige dans l'aménagement des espaces. Les différents travaux mettent également en jeu la notion actuelle de résilience saisonnière que Legault définit comme un « terme provenant de la biologie qui définit un écosystème capable de s’adapter aux changements (Ranara, 2012). Dans la discipline du design urbain, la résilience saisonnière définit un lieu qui s’adapte de lui-même aux changements saisonniers, sans nécessiter de transformation majeure ou coûteuse. »(2). On cherche ainsi, au delà du fait de vouloir adapter l'espace aux conditions climatiques, à ce que les interventions soient responsables envers l'environnement, économiques et utiles à l'amélioration des conditions de vie dans la ville. Le projet « Backwash » développé par Jean-Daniel Mercier et Alexandre Guilbeault utilise les notions de résilience et de réversibilité évoqués précédemment. Le projet se base sur l'observation de la non utilisation de certains équipements publiques durant la saison hivernale. Backwash propose alors la réappropriation du bassin d'une piscine ayant l'avantage de rafraichir durant l'été et ayant le potentiel de protéger des conditions hivernales une fois l'eau retirée. Le bassin servirait alors d'espace protégé du vent et permettrait d'accueillir de petits évènements regroupant un public restreint mais dense. Cette double utilisation de la piscine vise, dans une optique de résilience, à utiliser des équipements présents, en leur offrant de nouveaux usages selon les saisons. Cela permet de ne pas créer d'espace mais de le rentabiliser en utilisant les ressources déjà disponibles. Cependant, dans le cas de notre étude, le projet tel qu'il est présenté n'apporte aucune réponse en terme de gestion de la neige. La neige serait d'ailleurs certainement une contrainte pour l'organisation d'évènements dans le bassin, à moins que l'évolution du projet propose une utilisation particulière de la neige.

Image 32: «BACKWASH», Jean-Daniel Mercier et Alexandre Guilbeault

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Le second projet sélectionné dans la catégorie professionnelle est « Korridor Nordik », développé par Francis Falardeau-Laperle et Janie Hemond. Leur proposition repose sur la réflexion des modes de déplacements dans la ville de Québec. Le projet propose d'utiliser les pistes de ski de fond existantes pour se déplacer, comme une alternative aux modes de déplacements actuels. L'intérêt est également de réduire l'utilisation de la voiture en ville et d'adapter les rues à de tels déplacements. L'idée est intéressante du fait que, comme le projet précédent, la résilience soit au cœur de la réflexion. Le projet se base sur des aménagements existants et utilise de plus la neige comme moyen de déplacement. Une place pourrait alors être réservée aux pistes de ski de fond dans la ville. Notamment à Montréal, il serait facilement imaginable que les pistes cyclables l'été deviennent des pistes de ski de fond l'hiver. Cela réduirait également la surface de neige à déblayer. On peut entrevoir dans ce projet un début de réponse aux questions de déneigement et d'élimination de la neige en ville.

Image 33: «Korirdor Nordik», Francis Falardeau-Laperle et Janie Hemond.

Image 34: adaptation des déplacements urbains par la neige.

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4. LA NEIGE COMME MOYEN D'INNOVATION URBAINE Toujours dans le cadre du concours « Nordicité » nous retiendrons particulièrement dans la catégorie étudiants, le projet « Hivernité » développé par Manon Otto. Celui-ci met directement en jeu les problématiques liées à la gestion de la neige, tout en reprenant les différentes études et observations faites sur l'intérêt de concevoir la ville en lien avec le climat. Le projet propose, dans un environnement en cœur d'îlot, de récolter et d'enfouir la neige dans le sol afin de profiter de la neige comme moyen de rafraichissement et de climatisation durant le reste de l'année. Au delà du cadre du concours, ce projet développé par Manon Otto est le résultat d'un travail de recherche que la jeune designer a présenté lors de sa Maitrise. Plus largement, elle propose un nouveau plan d'urbanisation pour le quartier HochelagaMaisonneuve de Montréal. Ce nouveau plan d'urbanisme questionne l'aménagement ainsi que la gestion de la ville vis à vis de la neige. Selon Otto, « Si on considère la neige comme une ressource, il faut investir dans son exploitation »(1). Ce point de vue met ainsi en concordance l'ensemble des problématiques et observations que l'on a pu développer jusque là. Le projet de Manon Otto, de par l'implication que celle-ci a su mettre en œuvre, connait une forte reconnaissance et de nombreuses publications. Les propositions et solutions qu'elle apporte au travers de son étude démontrent la capacité à concevoir avec la neige, tout en tenant compte de l'ensemble des saisons. Le travail de Otto prend également appui sur le mode de vie nordique des Suédois, au travers notamment de la technique du « snow-cooling » que nous développerons par la suite.

Image 35: Projet «Hivernité», Manon Otto.

Le projet White is the new green questionne également le mode de gestion de la ville au travers du déneigement. Il propose une alternative à l'élimination de la neige dans la ville en considérant la neige comme une ressource. L'idée de développer des cœurs d'îlots proposant à la fois des espaces conviviaux et des espaces de stockage de la neige, combine avec intelligence les projets de snow-cooling suédois et le travail de Patrick Evans. En effet, les idées présentées par Manon Otto font directement référence à l'ouvrage « Où va la neige » (2005) de Patrick Evans, architecte, chercheur et professeur à l'UQAM, dont le travail porte sur l'architecture et les infrastructures urbaines dans les climats nordiques. Son ouvrage sous forme de livre pour enfant dénonce les problématiques liées au déneigement et propose une alternative par l'enfouissement de neige dans un parc urbain. Le projet qu'il développe vise avant tout à trouver une alternative aux questions du déneigement et à l'élimination de la neige, par l'utilisation de celle-ci comme moyen de refroidissement. Il propose ainsi d'enfouir profondément la neige dans une fosse, permettant la constitution d'un glaçon qui, avec le réchauffement du climat, fondra et restera en surface pour rafraîchir le parc durant l'été. Le projet de Manon Otto s'inscrit ainsi dans la continuité de la réflexion lancée par Evans. Tous deux soulèvent des tabous concernant la gestion politique et économique liée à la neige dans Montréal mais ne s'arrêtent pas là et cherchent (1) White is the new green – portrait de Manon Otto, l’inter urbain, 2 Août 2013, https://infointerurbain.wordpress.com/2013/08/02/white-is-the-new-green-portrait-de-manon-otto/

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à proposer des solutions. Ainsi ils prouvent, avec l'appui de leurs précurseurs, qu'il est possible de considérer la neige autrement que comme une contrainte et que celle-ci peut également être bénéfique pour un développement durable et rentable de la ville. En revanche aucun de ces projets ne semble s'être concrétisé jusqu'à présent. Selon ses dires, M. Evans explique que la concrétisation de son idée, pourtant très novatrice, n'a pu voir le jour pour cause de problématiques environnementales. Il se trouve que la neige collectée en ville est extrêmement sale et polluée et de ce fait très peu propice à être utilisée à l'air libre et de manière accessible au public. D'autres enjeux certainement économiques ont une grande importance et la réticence à investir dans de telles installations demande de nombreuses études, ainsi que des preuves quant à l'efficacité et la rentabilité de tels systèmes. En revanche Manon Otto a très bien su rebondir sur le sujet, en y intégrant son expérience suédoise et en développant un projet dans lequel la neige n'est pas exposée mais enterrée afin de refroidir indirectement les résidences alentours par un système de climatisation.

Images 36 et 37 : Projet «Hivernité», Manon Otto.

Ce principe de refroidissement nommé snow-cooling a déjà fait ses preuves en Suède. En effet, l’hôpital régional de Sundsvall est équipé de ce système, utilisant la neige comme moyen de climatisation. La neige est ainsi collectée dans une grande fosse la conservant sous des copeaux de bois, qui permettent de la maintenir à bonne température. La neige est ensuite pompée, filtrée et mise en contact avec le système de refroidissement de l'hôpital afin de rafraichir celui-ci. Le principe est alors assez simple et utilise une technique courante de conduction et de convection de la chaleur, à l'image de ce que l'on connait déjà en matière de chauffage central. Cependant si ce système fonctionne avec le climat suédois, il serait certainement difficile de contenir la neige en surface dans les conditions climatiques de Montréal, dont les températures sont beaucoup plus chaudes en été. La réflexion développée dans le projet « white is the new green » propose une adaptation du système suédois en enterrant complètement la neige en sous-sol. La terre excavée pour construire la fosse est également réutilisée, de manière à créer une topographie par dessus et au centre de l'ensemble bâti. Le projet tient ainsi compte des différents enjeux liés à la gestion de la neige. Il répond notamment à un problématique climatique, par des solutions environnementales, urbaines et architecturales efficaces et créatrices de lieux. C'est un réel travail de recherche qui regroupe les diverses études sur le propos. L'ensemble conjugue des études sociologiques, environnementales, économiques, architecturales et urbaines. De plus, les techniques utilisées sont simples et ont prouvé leur efficacité.

Image 38: Projet «Hivernité», Manon Otto.

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L'intérêt de concrétiser un tel projet est alors pratiquement validé mais nécessiterait de très gros engagements économiques et politiques. Cela impliquerait également une organisation et une maintenance conséquente pour permettre le fonctionnement durable de tels aménagements. Plus particulièrement encore, cela demande une organisation en terme de gestion de la ville et d'organisation du déneigement. On se confronte également au même inconvénient que celui évoqué par Patrick Evans, à savoir la pollution de la neige. Le projet pose question quant au traitement de la neige polluée qui ne doit pas être un danger en cas de rejet dans la nature. En revanche les avantages de telles infrastructures peuvent être de différentes natures et peuvent profiter à la communauté dans son ensemble. La prise en compte du déneigement dans l'aménagement urbain permettrait de réduire les coûts liés au déneigement, en réduisant les trajets effectués jusqu'aux centres d'élimination de la neige. La neige ne serait plus traitée comme une déchet mais comme une ressource utile à la qualité de vie des habitants. Elle serait d'autant plus un moyen de climatisation économique et environnemental. Les espaces créés pour développer ses infrastructures pourraient être, comme le démontre Manon Otto, des lieux d'échange et de vie urbaine. L'enjeu est également humain et pourrait répondre aux problèmes de confinement en proposant des interactions entre les individus. Une telle gestion de la neige pourrait d'ailleurs proposer une participation collective et favoriser les relations humaines durant l'hiver.

Images 39 et 40 : Fonctionnement du système de snow-cooling pour l’hopital de Sundsvall

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L'intérêt humain est non négligeable et l'homme peut aussi être acteur de ce développement. En sollicitant les habitants de la ville, les rapports humains peuvent être améliorés, de nouvelles activités développées et ainsi l'aspect négatif et déprimant de l'hiver peut être réduit. La mise à contribution de la population pourrait entrainer une augmentation de la qualité de vie et par la même occasion, une meilleure gestion de la neige puis de la ville. Dans ce cas de figure, l'homme est autant acteur que spectateur. Certains urbanistes ont également pris conscience de cet intérêt mutuel dans l'aménagement de la ville et se sont servis de nos déplacements dans la neige pour rentabiliser l'espace. Connu sous le nom de « sneckdown », la méthode consiste à localiser après une chute de neige, les espaces de rues non altérés par nos déplacements. Ainsi, il est possible d'en déduire les espaces qui ne sont nullement utiles au déplacement et /ou au stationnement des véhicules et qui pourraient être réutilisés à bon escient. La neige sert de méthode d'analyse de la ville et l'homme apporte sa contribution à l'amélioration de son propre environnement. Le phénomène permet à chacun de s'impliquer dans cette démarche, grâce au partage sur les réseaux sociaux. Cela nous fait également remarquer que la cause principale du déneigement est liée aux déplacements automobiles. Ainsi la réduction de l'utilisation de la voiture en hiver permettrait également de réduire les coûts liés au déneigement. Une centralisation de la voiture en ville serait peut être un moyen de réduire les kilomètres de rues qu'il est nécessaire de déneiger et d'entretenir. Ainsi on démontre qu'une multitude de possibilités en terme d'innovation est envisageable, et ce sur des thématiques très variées. Le potentiel que l'on peut attribuer à la neige est certainement très peu exploité à l'heure actuelle et nécessite une meilleure prise en considération, autant de la part de la ville que de ses habitants.

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CONCLUSION : A son commencement, ce travail de recherche visait à mettre en avant les conséquences de la neige sur l'aménagement d'une ville. Le cas de Montréal se prêtait parfaitement à l'étude des éléments architecturaux et urbains induits par le volume considérable de neige dans la ville en hiver. Cependant la première partie de ce mémoire de recherche démontre que la neige n'est en aucun cas perçue comme une contrainte pour les citadins, qui la considèrent comme un élément du paysage à part entière. Ce qui pourrait être abordé comme une difficulté se révèle être une banalité pour les québécois. On comprend également que la neige fait partie de la culture du pays. Décrite au travers de nombreux moyens d'expressions, tels que la peinture, la poésie, la photographie ou bien la musique, la neige est largement inscrite dans le patrimoine Canadien. Cependant nous avons mis en évidence que l'impact des conditions climatiques hivernales sur l'être humain n'étaient pas à négliger. En effet, la neige évoque, selon les individus, des souvenirs d'enfance et des expériences vécues. De ce fait le climat affecte notre perception du paysage et agit sur notre état mental. Cet impact psychologique est renforcé par des conséquences physiques, notamment liées aux difficultés de déplacement. Le climat hivernal agit ainsi sur les relations humaines et réduit fortement la fréquentation des espaces publics. Cela entraine l'isolement de certains groupes d'individus tels que les personnes âgées et implique une augmentation des risques de dépressions. Ainsi nous avons pu élargir l'étude urbaine aux comportements humains afin de justifier l'importance de la neige dans la gestion et l'aménagement de la ville. La ville étant avant tout un lieu de vie, il est de ce fait nécessaire de comprendre et d'observer les comportements humains et urbains qui y sont liés. Par la suite les recherches ont permis de recentrer plus précisément le sujet et de s'interroger sur la réelle prise en compte de la neige dans la ville. Les problématiques soulevées au travers des rapports qu'entretiennent la ville et la neige ont permis de cerner les attentes en terme d'aménagement urbain. Il a été permis de démontrer l'intérêt pour la ville de Montréal de prendre en compte les conditions climatiques hivernales dans sa conception et son aménagement. D'un point de vue politique, économique et environnemental, la neige représente une importante contrainte pour la ville. Celleci investit plusieurs milliards de dollars chaque année afin de déblayer les rues et permettre le bon fonctionnement de la métropole. Les techniques de déneigement sont extrêmement précises et imposent une gestion urbaine très particulière. Les aménagements architecturaux et urbains propres à la neige que l'on peut relever sont très restreints. L'ensemble des observations conduit à la conclusion selon laquelle les mécanismes mis en place contournent les problématiques liées à la neige. De plus celle-ci est considérée de fait comme un déchêt plutôt que comme une ressource. La présence de souterrains entre les bâtiments du centre ville illustre ce désir de développer une ville « anti-climatique » qui rejette les intempéries au lieu de les mette à contribution. Jusqu'ici les aménagements liés à l'hivernité ont contribué à contourner l'environnement extérieur, au détriment des espaces publics. En revanche, on a également pu mette en avant une prise de conscience récente de la part de la ville et de la communauté urbaine. Il est évident que les espaces publics ne peuvent être pensés uniquement en fonction des conditions hivernales. En revanche très peu d'aménagements tiennent compte des variations de climat. L'exemple des bassins qui se convertissent en patinoires démontre pourtant qu'il est possible de créer des espaces fonctionnels quelles que soient les saisons. Les nombreux évènements développés en hiver attestent également de la prise de conscience qui consiste à développer l'activité des espaces publics l'hiver. Le concours luminothérapie expérimente l'espace en prouvant la possibilité de modifier la perception d'une place en fonction de son aménagement. Les interventions artistiques et temporaires permettent ainsi une fréquentation de la place des arts durant toute l'année. Ce phénomène contribue

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également à la renommée de Montréal au travers du tourisme. L'hiver et la neige sont ainsi devenus des opportunités commerciales. Les intérêts en ce qui concerne la prise en compte de la neige dans la gestion et l'aménagement de la ville sont ainsi vérifiés. Plus encore, il a été permis de démontrer les capacités de la neige en terme de conception et d'innovation. Sur les exemples de travaux développés entre autres par Patrick Evans ainsi que Manon Otto, il est possible d'affirmer la possibilité de concevoir la ville et l'architecture en tenant compte de la neige. Les deux architectes ont su regrouper différentes problématiques urbaines et climatiques afin d'y répondre de manière intelligente. Chacun des projets utilise la neige comme source de conception et conduit à des solutions environnementales et urbaines de qualités. Leurs conceptions tiennent également compte des saisons en permettant d'offrir des moyens économiques pour climatiser les espaces. Egalement basées sur des techniques suédoises, leurs études prouvent l'intérêt d'intégrer la neige à la conception plutôt que de l'exclure. Ainsi ils combinent les problématiques urbaines afin d'en faire ressortir des opportunités. Leurs projets, bien que non concrétisés interrogent fortement les possibilités de développement urbain en relation avec la neige. En somme, le potentiel qui émane de ces interventions résulte d'un changement d'attitude contribuant à considérer la neige non pas comme un déchet mais comme une ressource. Si Montréal a aujourd'hui conscience du pouvoir qui réside dans l'aménagement des espaces publics en hiver, des efforts sont encore nécessaires pour permettre d'intégrer l'ensemble de ces réflexions dans la conception de l'espace public. Le potentiel de la neige en terme d'aménagement et de gestion de la ville est encore très peu exploité mais nous comprenons tout son intérêt. De plus les avantages sont nombreux et peuvent tout autant profiter à la ville qu'à ses habitants.

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ICONOGRAPHIE Image 1 : http://www.tourisme-montreal.org/meetings/fr/2015/01/08/congres-en-hiver/ Image 2 : photographie personnelle

Image 3 : http://m.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2014/10/29/002-itinerance-rapport-logement.shtml Image 4 : http://www.coureurdesbois.fr/comment-adapter-la-regle-des-3-couches/ Image 5 : http://www.les7duquebec.com/tag/couches/ Images 6 et 7 : photgraphies personnelles Image 8 : http://nicolasetalexiane.com/2014/01/parc-de-jeux.html Image 9 : photographie personnelle

Image 10 : http://letohubohudecaro.canalblog.com/archives/2011/01/17/20151602.html Image 11 : http://blog.thisga.com/39-ingenieuses-idees-pour-ranger-ses-chaussures-la-suite_a502.html Images 12 et 13 : photographies personnelles Image 14 : http://www.schiavon-sa.com/2014/01/comment-reduire-limpacte-environnemental-du-salage-des-routes/ Images 15 et 17 : http://m.immigrer.com/blog/futurquebecois/5074-le-dneigement-un-travail-de-titans Image 16 : http://www.lapresse.ca/actualites/montreal/200912/04/01-927953-chargement-de-la-neige-a-la-carte.php Image 18 : http://readingcities.com/index.php/montreal/comments/the_underground_city_iv/

Image 19 : http://www.photo2ville.com/photos/canada/montreal/des-escaliers-exterieurs-a-montreal.jpg Image 20 : photographie personnelle Images 21 et 22 : photographies personnelles Images 23 et 24 : photographies personnelles Image 25 : http://www.squeezestudio.com/projects-fr.html

Image 26 : http://miglego.photoshelter.com/image/I0000OLtINSLNIQ8 Image 27 : http://ou-trouver-a-montreal.ca/1598/ou-faire-du-patin-a-glace-a-montreal/ Images 28 et 29 : http://www.hoteldeglace-canada.com/visite.php?langue=fr Image 30 : photographie personnelle Image 31 : http://v2com-newswire.com/data/photo/image/19066/preview_562-53_19066_sc_v2com.jpg Image 32 : http://aduq.ca/concours/concours-nordicite/propositions-professionnelles/ Image 33 : http://aduq.ca/concours/concours-nordicite/propositions-professionnelles/ Image 34 : https://maximedefoy.wordpress.com/2012/01/

Image 35 : http://aduq.ca/wp-content/uploads/2013/01/Concours-Nordicite-Rapport-de-Jury.pdf Images 36, 37 et 38 : https://greenmente.wordpress.com/2013/08/12/white-is-the-new-green-the-way-of

manon-otto/

Images 39 et 40 : http://www.lvn.se/v1/In-english1/In-english/Environment-and-energy/Energy-Factor-2/

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Snow-cooling-in-Sundsvall/


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https://infointerurbain.wordpress.com/2013/08/02/white-is-the-new-green-portrait-de-manon-otto/

Immigrant québec : conseils pour affronter l’hiver :

http://www.immigrantquebec.com/nos-conseils-pour-affronter-lhiver-au-quebec/

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À une époque où le climat remet en question nos modes de vie et demande à ce qu’on agisse efficacement, il devient important d’adapter nos méthodes de conception et de construction. Le réchauffement climatique est souvent mis en cause, mais on ne questionne que rarement les problématiques liées au froid. La recherche architecturale et urbaine développée au travers de ce mémoire traite plus particulièrement des conditions hivernales, au travers de la problématique de la neige à Montréal. Un état des lieux tente de mettre en avant les enjeux liés à ce phénomène météorologique, au coeur de la métropole québécoise. L’étude des impacts sociaux, architecturaux et urbains introduit le raisonemment sur la possibilité de concevoir et d’aménager la ville grâce à la neige. Montréal est connue pour son climat rude et son paysage enneigé, cependant l’envers du décor dévoile de lourdes conséquences en terme de déneigement. Bien que les contraintes soient nombreuses, différents points de vues entrent en jeu et doivent être pris en considération. Les enjeux sont variés et les premiers éléments de réponse laissent transparaitre de grandes perspectives en ce qui concerne l’environnement, l’aménagement et la gestion de la ville.


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