Mémoire de fin d'étude

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LE FACADISME Pourquoi cette pratique est-elle si controversée aujourd’hui ?

Les cas du Caixa Forum à Madrid et des Arenas de Barcelone

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris Val de Seine Mémoire de Master Clémence de Villèle
 Enseignant tuteur: Patrice Bazaud Janvier 2014


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En tout premier lieu, je tiens à remercier les personnes qui m’ont aidée dans la réalisation de ce mémoire et je remercie particulièrement mon tuteur, Monsieur Bazaud qui m’a guidée dans mon travail et m’a aidée à trouver des solutions pour avancer.

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SOMMAIRE

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INTRODUCTION

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I- LE BATIMENT DANS SON CONTEXTE

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1. La façade « classique » ou néo-classique

p9

1.1 Des bâtiments chargés d’histoire 1.1.1 La centrale électrique de Madrid 1.1.2 Les arènes de Barcelone 1.2 Le statut particulier de la façade « classique »

p9

1.2.1 L’autonomie de la façade 1.2.2 Le rôle urbain de la façade : ordonnancement d’ensemble ou cas singulier 1.2.3 Deux exemples qui se rattachent à cette conception classique 1.3 La position moderne de la façade : de nouveaux enjeux par rapport à la façade classique

p 11

2. La façade comme partie du paysage de la ville

p 21

2.1 La façade : vecteur de l’image d’une ville 2.2 Mémoire individuelle et collective 2.3 Une autre vision de la ville : la ville générique de Rem Koolhaas

p 21

3. Des bâtiments devenus obsolètes

p 27

3.1 Changements sociaux et d’usage. 3.2 Des volumes et des typologies existantes inadéquates 3.2.1 Une volumétrie peu adaptée 3.2.2 Le façadisme : une manière de déjouer les règles d’urbanisme 3.3 De nouvelles normes techniques

p 27

p9 p 11 p 11 p 15 p 17 p 19

p 23 p 25

p 29 p 29 p 31 p 37


II- DES TRANSFORMATIONS LOURDES POUR MÊLER PRÉSERVATION DE LA FAÇADE ET NOUVEAUX USAGES.

p 41

1. Des changements profonds entrainant une incohérence

p 41

1.1 Incohérences structurelles 1.1.1 Mise en suspension de la structure existante d´un bâtiment Le Caixa Forum, Madrid 1.1.2 Suspension temporaire des murs périphériques Les arenas, Barcelone 1.2 Incohérences fonctionnelles

p 41

2. Des incohérences en contradiction avec le mouvement moderne

p 49

2.1 La formule “form follows function”1 est bousculée 2.2 Déconnexion entre intérieur et extérieur 2.3 La vérité du matériau

p 49

3. Le rôle de l’architecte aujourd’hui face à cette pratique

p 57

3.1 Répondre ou non au fonctionnalisme ? 3.1.1 Le fonctionnalisme : une approche culturellement récente 3.1.2 Le fonctionnalisme : un argument pour une destruction intégrale du bâti 3.2 Une opération au cas par cas 3.3 Une lecture plus anthropologique du patrimoine 3.4 Une architecture flexible pour répondre aux nouveaux usages

p 57

CONCLUSION

p 69

BIBLIOGRAPHIE

p 73

ICONOGRAPHIE

p 75

GLOSSAIRE

p 77

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p 41 p 43 p 47

p 51 p 53

p 57 p 57 p 59 p 61 p 63

Louis Sullivan Façadisme

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INTRODUCTION

Actuellement plus de 80% des interventions de construction se font sur l’existant. Nous nous trouvons dans un monde déjà construit, dans une culture où pour créer il faut transformer tout en se posant la question de l’identité du lieu. Je pense qu’il est essentiel de penser la reconversion non seulement à l’échelle de l’édifice mais également à l’échelle urbaine et c’est pourquoi je voudrais pour ce mémoire m’intéresser à la notion de façadisme, qu’il est important dans un premier temps de définir. Il s’agit d’une intervention sur le bâti historique qui ne conserve de celui-ci que les façades. L’espace intérieur est démoli intégralement pour faire place à une nouvelle construction répondant à un tout nouveau programme. Durant ce mémoire, nous nous concentrerons sur deux opérations qui ont eu lieu en Espagne et qu’il me paraît intéressant de comparer. Pour ces deux exemples, il est question d’édifices emblématiques pour leur ville dans la mesure où il s’agit d’une ancienne arène à Barcelone et d’une ancienne centrale électrique à Madrid, que j’ai eu la chance de visiter. Ces deux lieux désaffectés ont une réelle valeur patrimoniale et l’enjeu a été, à travers ce processus, de redonner à ces espaces un nouvel usage tout en préservant leur façade. Cette pratique est de plus en plus critiquée aujourd’hui et il est intéressant de constater que dans le langage courant, le terme de façadisme est également employé pour exprimer des choses superficielles, sans profondeur. Cette pratique de conserver la façade et de venir construire derrière des volumes totalement indépendants n’est pas nouvelle. Ainsi, la question que je me pose aujourd’hui est la suivante : pourquoi ce procédé est-il si controversé aujourd’hui ? Pourquoi entreprendre des chantiers extrêmement complexes pour sauvegarder une façade non classée alors qu’une simple destruction pourrait être envisagée ? Pour répondre à cette problématique, nous nous intéresserons dans un premier temps au contexte du bâtiment d’origine, à sa façade, et à son histoire afin de comprendre pour quelle raison seule la façade a été conservée. Ensuite, nous verrons que le façadisme engendre des transformations lourdes qui peuvent entraîner de profondes incohérences et nous nous pencherons sur le rôle de l’architecte face à cette procédure.

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Figure 1 Vue aérienne de l’ancienne centrale électrique de Madrid

Figure 2 Façade principale en brique

Figure 3 Soubassement en granit

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I- LE BATIMENT DANS SON CONTEXTE 1. La façade classique et néo classique

1.1 Des bâtiments chargés d’histoire Avant de développer et de comprendre comment ces bâtiments on été transformés tout en gardant la façade originelle, il convient d’expliquer le contexte historique de ces deux édifices qui naturellement a un impact sur le dessin de la façade.

1.1.1 La centrale électrique de Madrid Tout d’abord, à Madrid, il s’agit d’une ancienne centrale électrique, la « Central Eléctrica del Mediodia ». Elle a été projetée en 1899 et le projet fut réalisé en 1900 par l’architecte Jesus Carrasco y Encina et l’ingénieur José Maria Hernandez, chargé de l’installation de la machinerie. Cet édifice avait un impact fort sur la capitale espagnole dans la mesure où la combustion du charbon devait fournir en énergie toute la partie sud du centre historique de Madrid. Le bâtiment, construit en brique, est formé de deux grandes nefs parallèles (figure 1), une structure caractéristique des centrales électriques qui se construisirent à Madrid à la fin du XIXème siècle et au début du XXème. La façade en brique repose sur un soubassement en granit (figure 3) et la couverture est formée de pans inclinés, bénéficiant d’un puit de lumière au milieu afin de profiter d’un éclairage zénithal. Cet édifice reste aujourd’hui un des seuls exemples d’architecture industrielle qui perdurent dans le centre historique de Madrid.

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Figure 4 Arenas de Barcelone

Figure 5 EntrĂŠe principale des arenas

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1.1.2 Les arènes de Barcelone Construites à la même époque, mais pour un usage totalement différent, les arènes de Barcelone, projetées par l’architecte August Font Carreras, ont été inaugurées le 29 juin 1900. De style hispano-musulman, l’enceinte de l’édifice est construite en brique de terre cuite. La piste avait un diamètre de 52 mètres et ses gradins couverts pouvaient accueillir près de 16000 personnes. L’édifice étant situé au sommet d’un monticule, une ascension était nécessaire pour accéder au bâtiment (figures 4 et 5). Cet édifice emblématique s’est adapté au fil du temps aux différents évènements historiques de la ville. En effet, durant la guerre civile espagnole, l’arène s’est transformée en caserne de l’armée républicaine, pour devenir après la guerre une scène importante d’évènements sportifs. Le 19 juin 1977, l’ultime corrida fut célébrée devant l’hostilité d’une partie de l’opinion publique catalane vis-à-vis de la corrida. La baisse toujours plus importante de la fréquentation des corridas fut la principale cause de l’abandon de cet espace et à partir de là, des tentatives commencèrent à être étudiées pour tenter de réhabiliter ce lieu symbolique de la ville de Barcelone. Pour González Moreno-Navarro, architecte espagnol, “c’est sans doute l’arène la plus artistique et la plus solide d’Espagne. On arrive à un haut niveau de perfection au sein de ce type d’édifice ». Ainsi, ce lieu demeure un symbole de Barcelone, représentatif de l’histoire de la ville, en étant le siège d’évènements qui ont marqué ses citoyens.

1.2 Le statut particulier de la façade « classique » et néo classique 1.2.1 L’autonomie de la façade La façade classique, que ce soit la façade antique, de la renaissance, ou encore la façade éclectique du XIXème siècle, a toujours respecté certaines règles de proportion et d’harmonie. L’architecture antique, à travers les temples grecs par exemple, respecte des règles de proportion pour répondre à une esthétique du bâtiment du point de vue de l’observateur. Pour le cas du Parthénon d’Athènes, l’enjeu était de concevoir une façade qui devait satisfaire visuellement l’observateur. Des changements subtils apparaissent dans les lignes de la construc-

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Figure 6 Proportion de la façade du Parthénon

Figure 7 Façade principale du château de Versailles

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tion afin de corriger les déformations subies par le point de vue humain. En effet, les « astuces » sont nombreuses. La plate-forme a été légèrement bombée, le profil vertical des colonnes incurvé, les colonnes d’angle sont plus importantes afin de donner plus de stabilité à l’édifice et enfin, l’entablement est déplacé vers l’avant pour marquer son horizontalité. La façade de ce temple a ainsi été réalisée en utilisant des proportions qui, selon les Grecs, étaient considérées comme « idéales » (figure 6), le Parthénon s’inscrivant dans un rectangle d’or. Concernant la façade de la Renaissance, elle ne cherche pas à simplement imiter la façade antique mais à s’en inspirer pour l’égaler, voire la surpasser. Le style Renaissance met également en valeur les notions de symétrie, de proportion, de régularité et d’équilibre. Les ordres des colonnes (colonne dorique, colonne ionique et colonne corinthienne), la position des pilastres et des linteaux, de même que les voûtes en plein cintre, les dômes ou les niches sont autant d’éléments qui participent à l’harmonie de la façade, une façade autonome prônant l’ordre et la symétrie. Quant à l’architecture classique française, elle est également issue de l’admiration et de l’inspiration de l’Antiquité. Elle fut inventée pour magnifier la gloire de Louis XIV et se caractérise par une étude rationnelle des proportions héritées de l’Antiquité et par la recherche de compositions symétriques (figure 7). Les lignes nobles et simples sont recherchées, ainsi que l’équilibre et la sobriété du décor, le but étant que les détails répondent à l’ensemble. Elle représente un idéal d’ordre et de raison. La façade classique, tout comme le façadisme, allait déjà dans le sens d’une certaine disjonction entre l’extérieur et l’intérieur, notion que nous développerons par la suite. Dans les façades classiques, les baies peuvent parfois n’avoir qu’un but ornemental en mettant en valeur la symétrie. Les baies aveugles permettaient la création d’une façade équilibrée au regard de l’ensemble bâti en privilégiant l’aspect extérieur, l’aspect depuis l’espace public. En effet, les aménagements internes d’origine ne correspondent pas toujours aux dessins de la façade, les cloisonnements internes étant indépendants et allant même parfois jusqu’à contredire le rythme des baies. Ainsi, pour l’époque « classique », la façade primait sur l’ensemble du bâtiment. C’est par la seule qualité de la façade, sa composition, ses matériaux et sa décoration que l’architecte pouvait se distinguer. « Cette concentration de la qualité architecturale sur la seule façade a culmi-

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Figure 8 Fa莽ade classique de la place Vend么me

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né à la charnière des XIX et XXème siècle. Les immeubles 1900 d’Hector Guimard, de Jules Lavirotte ou d’Henri Sauvage brillent plus par leur façade que par leur distribution. Les concours de façades organisés à partis de 1987 par la ville de Paris ont exacerbé l’autonomie des façades »1 . Nous pouvons ainsi considérer la façade classique comme un élément autonome, répondant à des règles de proportions qui devaient « satisfaire » l’œil de l’observateur et participer au « décor de la rue »2. 1.2.2 Le rôle urbain de la façade: ordonnancement d’ensemble ou cas singulier. La façade classique va avoir pour enjeu la cohérence du paysage urbain. Le dessin de la première place Vendôme est un exemple intéressant lorsque l’on étudie la façade classique. Cette place est imaginée en 1685 par l’architecte Jules Hardouin-Mansart, surintendant des bâtiments du roi. De forme octogonale et symétrique, elle est destinée à être entourée de grands bâtiments dont les façades sont déjà toutes construites sur un même modèle. En 1699, le programme public est abandonné au profit d’une opération privée. Le roi vend le terrain à la ville et les façades, qui avaient été construites, sont démolies pour laisser place à des hôtels particuliers derrière des façades uniformes. Déjà, en concevant cette place, l’architecte composait une façade qui répondait plus à une volonté de scénarisation de l’espace urbain qu’à une volonté de cohérence entre un intérieur et un extérieur. En effet, même si, en fin de compte ce projet n’a pas été réalisé, la démarche de l’architecte a été de concevoir, avant même de construire le corps du bâtiment, des façades régulières, en imposant une ordonnance qui répondaient à certains critères de symétrie, d’harmonie et de cohérence, une démarche de « projet urbain » de la place. « Derrière, la disposition des locaux « s’arrange » avec l’ordonnancement d’une façade qui est destinée plus à la ville qu’aux habitants eux-mêmes. Considérés un par un, les édifices qui la composent peuvent être d’un intérêt majeur ou ne présenter qu’un faible intérêt alors que l’ensemble a une grande valeur par sa cohérence ou par sa signification. Imaginons un instant le remplacement d’une des façades de la place des Vosges par un mur-rideau. »3. 1 Pierre Pinon, 2011, Paris détruit, du vandalisme architectural aux grandes opérations

d’urbanisme, Parigramme, p 290 2 M.Cantelli, 1991 3 Alexandre Melissinos, 1999, Colloque internationale Façadisme et identité urbaine, Edition du patrimoine, Paris, p66

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Figure 9 Façade des arènes de Nîmes

Figure 10 Façade des arenas de Barcelone

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Il est également intéressant de faire référence au cirque romain qui, cette fois, ne répond pas à un ordonnancement d’ensemble mais à un cas singulier. Il présente de fortes similarités avec les arènes de Barcelone dans la conception de sa façade. Nous prendrons ici l’exemple des arènes de Nîmes (figure 9), un amphithéâtre romain faisant l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis 1840. Cet espace, a accueilli divers usages au cours de l’histoire. L’édifice a été bâti à la fin du Ier siècle et a tout d’abord eu pour vocation de divertir la population de Nîmes et de ses environs. Lors des Grandes Invasions, il s’est ensuite transformé en village fortifié où la population venait se réfugier. Au XIXème siècle, le monument est enfin reconverti en arènes pour accueillir une vingtaine de corridas et courses camarguaises par an ainsi que diverses manifestations culturelles. Cette façade antique, d’une hauteur de 21 mètres, est composée de deux niveaux, chaque niveau étant constitué de 60 arcades alignées verticalement. Chaque arcade est encadrée par des colonnes doriques et surmontée d’une corniche et d’un attique, autant d’éléments qui participent au rythme de la façade. L’édifice présente peu de décors sculptés puisque son architecture suffit à lui donner une allure monumentale. Les façades classiques vont ainsi être composées rigoureusement et c’est la clarté des lignes, le paysage urbain et l’effet théâtral qui priment.

1.2.3 Deux exemples qui se rattachent à cette conception classique Ces deux exemples espagnols se rattachent à cette conception classique de la façade. Dés la conception des bâtiments d’origine, le statut de la façade était déjà assez ambigü. La façade allait déjà dans le sens d’une certaine disjonction entre l’intérieur et l’extérieur d’un bâtiment, où c’est le rythme et l’harmonie qui devaient primer au détriment des espaces intérieurs. Pour le cas de l’ancienne centrale électrique de Madrid, les baies aveugles répondaient seulement à un souci d’alignement et de proportion mais ne correspondaient en rien à ce qui pouvait se passer à l’intérieur de l’édifice, une centrale électrique. L’enjeu était de concevoir un bâtiment qui exprimait une identité forte, par sa forme et sa matérialité, un bâtiment qui répondait au principe de l’architecture industrielle de l’époque.

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Pour le cas des arènes de Barcelone, l’édifice représente un cas singulier en plein cœur de la ville, un objet autonome qui pourrait être à l’image du temple grec par sa position ou du cirque romain par sa typologie. Le traitement des ouvertures suit une certaine répétition, des règles de proportion ce qui favorise une harmonisation et une cohérence de l’ensemble du point de vue de l’espace public. Les arenas se rattachent à cette conception classique de la façade par la répétition, le rythme créé par les arcs présents sur chaque niveau et la hiérarchie des niveaux. En revanche, ce qui différencie ce bâtiment de l’architecture classique, car il n’est pas à proprement parler réellement classique, c’est la présence sur la façade d’éléments « décoratifs », sculptés et propre de l’architecture néo mudéjar, style hispanique que nous analyserons plus spécifiquement par la suite.

1.3 La position moderne de la façade : de nouveaux enjeux par rapport à la façade classique Il convient, avant de poursuivre ce développement, d’expliquer la position moderne de la façade, mouvement qui s’est développé au début du XXème siècle et qui a encore une forte influence aujourd’hui. La façade moderne n’a pas la même destination que la façade classique dans la mesure où c’est la cohérence entre l’extérieur et l’intérieur qui prime et elle devient autonome par rapport à la structure du bâtiment. L’architecture du mouvement moderne comporte de nombreux éléments innovants par rapport à la tradition de l’architecture classique et les modernistes parleront de « rupture avec le passé ». Ils privilégieront l’utilisation de nouveaux matériaux comme le béton ou l’acier, pouvant offrir la possibilité de créer des murs rideaux, des façades légères qui seront indépendantes de la structure de l’édifice. La façade devient une peau mince composée de baies autonomes par rapport à la structure. L’architecture du mouvement moderne veut parvenir à l’essentiel par une simplification des formes. Elle cherche à atteindre une certaine pureté en exposant les matériaux eux-mêmes et en laissant de côté toute ornementation. Par la suite, quand nous évoquerons le thème de la « cohérence de la façade », ou de « la vérité », nous nous réfèrerons à la position moderne de cette dernière même si nous le verrons également, les architectes peuvent s’en détacher. Les modernes ont développé des concepts très forts qui sont toujours encrés dans les mentalités actuelles.

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Figure 11 Style néo-mudéjar des arenas

Figure 12 Colonnade de la plaza de España à Séville

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2. La façade comme élément du paysage de la ville Après avoir analysé le contexte et la composition de ces deux façades espagnoles, je voudrais dans cette partie souligner les véritables raisons de garder ces dernières, qu’est ce qui est considéré comme patrimoine du point de vue de la façade, de la vision depuis l’espace public. Nous développerons ainsi les notions de paysage urbain et de mémoire individuelle et collective qui sont essentielles pour comprendre la démarche de sauvegarde d’une façade en ville.

2.1 La façade : vecteur de l’image d’une ville A l’échelle du bâtiment, la façade va avoir diverses vocations: protéger contre les intempéries, les intrusions, offrir une apparence valorisante de ce qui se passe à l’intérieur ou encore « dissimuler des horreurs ou les atténuer »1 . Mais, à une plus grande échelle, elle fait partie de la structure organique du paysage de la rue et peut garder la mémoire d’un ancien usage correspondant à une époque précise. Nous retrouvons cette vocation à travers la façade de l’ancienne usine électrique de Madrid dans la mesure où elle fait référence à une période d’industrialisation de la capitale, correspondant à une architecture singulière de cette ère industrielle. En ce qui concerne les anciennes arènes de Barcelone, cette fois ci, la façade suscite de l’intérêt par son style néo-mudéjar, revendiqué comme un style national, proprement hispanique qui utilise la brique et les arcs outrepassés. Ce style artistique et architectural s’est développé principalement dans la péninsule ibérique à la fin du XIXème et au début du XXème et fut utilisé essentiellement pour des gares, des arènes, des casinos, des saunas, des espaces bénéficiant d’un caractère festif, de loisir et reprenait des figures historiques de l’architecture espagnole. Ainsi, pour ces deux exemples, la façade est propre à une époque précise et fait partie de l’image d’une ville et de son paysage urbain.

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David Lowenthal, 1999, Colloque internationale Façadisme et identité urbaine, Edition du patrimoine, Paris, p 55 Façadisme

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Figure 13 Façades haussmanniennes avenue de l’Opéra, Paris

Figure 14 Passage de Choiseul, Paris

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Nous parlons ici de façades espagnoles, mais il en est de même à Paris à travers les façades haussmanniennes (figure 13). Ces dernières, par leur uniformité, sont emblématiques du paysage urbain parisien légué par le XIXème siècle. Les nombreuses caractéristiques de ces façades vont favoriser l’unité depuis l’espace public : des façades en pierre de taille, des moulures, des balcons filants et une limitation de la hauteur du bâtiment en fonction de la largeur de la voie qu’il borde, d’où l’impression d’unité donnée par les rues reconstruites à cette époque. La façade au sein d’une ville permet également une organisation urbaine qui répond à un ordre social et à des modes de vie. En effet, elle permet la distinction entre le privé et le public, par la présence d’éléments favorisant la transition entre ces espaces comme les porches par exemples (figure 14). La façade révèle également par son dessin la distinction entre des activités commerçantes et des logements. Ainsi, on peut porter une attention particulière à la façade du point de vue du bâtiment, mais ici c’est l’échelle urbaine qui nous intéresse principalement pour comprendre la démarche de sauvegarde d’une façade en ville.

2.2 Mémoire individuelle et mémoire partagée Les façades qualifient l’espace urbain et permettent de relier les générations entre elles et c’est là qu’interviennent les notions de mémoire individuelle et de mémoire collective. D’après Halbwachs, « la mémoire collective se présente comme un des outils privilégiés de l’enquête urbaine, d’une construction de l’histoire de la ville. La mémoire collective est la mémoire que le groupe ne partage avec aucun autre groupe. Cette mémoire ne connaît pas de rupture car elle entretient avec le passé un rapport continu. Le passé est transmis par une mémoire vivante, réelle, par le milieu matériel qui nous entoure, et non savante. La mémoire collective c’est l’album de photo de famille ; c’est une collection d’images non légendées qui n’a de signification que pour le groupe qui a entretenu des relations. » L’espace urbain est le support privilégié de la mémoire collective qui va être inscrite à travers les noms de rue qui se réfèrent au passé de la ville, aux façades qui rappellent aux citadins une ère achevée comme l’époque industrielle pour revenir au cas de l’ancienne centrale électrique. La mémoire collective permet la reconstitution du passé in situ

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et fait référence au « souvenir ou à l’ensemble de souvenirs, conscients ou non, d’une expérience vécue et/ou mythifiée par une collectivité vivante de l’identité de laquelle le sentiment du passé fait partie intégrante »1 . La mémoire individuelle quant à elle, fait référence à la propre expérience d’une personne, à ses propres souvenirs qui naturellement vont être différents d’un individu à un autre pour un même espace. Ainsi, Maurice Halbwachs souhaite démontrer que le passé se conserve à la fois dans une mémoire individuelle et dans les mémoires collectives, historiques et sociales. Dans la mémoire, subsistent seulement des « fragments » et des « images » et la conservation d’une façade favorise la mémoire d’une ville passée.

2.3 Une autre vision de la ville : la ville générique de Rem Koolhaas Rem Koolhaas, dans son essai « La ville Générique » nous propose une toute autre vision du paysage urbain. Il nous invite à prendre conscience de ce que la ville est devenue aujourd’hui ou peut devenir dans un futur proche. D’après Rem Koolhaas, « du fait que la croissance humaine est exponentielle, le passé, à un certain moment, va devenir trop « petit » pour être habité et partagé par les vivants. Nous l’épuisons nous même dans la mesure où l’histoire se sédimente dans l’architecture, la masse actuelle des hommes va inévitablement faire éclater et vider la substance antérieure. L’identité ainsi conçue comme partage du passé, est un pari perdu d’avance : non seulement il y a proportionnellement – dans un schéma stable d’expansion continue de la population – de moins en moins à partager, mais l’histoire connaît une demi-vie ingrate – plus on en abuse, plus elle perd son sens – si bien que son maigre pécule en devient misérable »2 . Nous sommes à travers les opérations de façadisme, dans une démarche inverse au propos de Rem Koolhaas sur la ville générique qui est selon lui, « la ville libérée de l’emprise du centre, du carcan de l’identité ».

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Pierre Nora, « Mémoire collective », dans Jacques Le Goff, Roger Chartier et Jacques Revel (éd). La nouvelle histoire, Paris, Retz-C.E.P.L, 1978, p. 398 2 Rem Koolhass, 2011, Junkspace, la ville générique, Manuels Payot Façadisme

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« La ville générique rompt avec ce cycle destructeur de la dépendance: elle n’est rien d’autre qu’un reflet des besoins actuels et des moyens actuels. Elle est la ville sans histoire… », « elle est superficielle – comme un studio hollywoodien, elle peut produire une nouvelle identité du jour au lendemain ». « L’idée qu’il faudrait passer une nouvelle couche, intensifier, compléter, lui est étrangère : elle n’a pas de couche. Sa prochaine couche se situera autre part, soit juste à côté – ce qui peut s’entendre à l’échelle d’un pays, soit même complètement ailleurs »1 . L’espace, selon lui, ne peut plus se définir par l’identité du site et encore moins par ses habitants mais plutôt par son flux d’usagers. Cette vision de la ville comme étant étrangère à toute forme d’identité est en totale contradiction avec la notion de paysage urbain que nous avons énoncée auparavant et qui justifierait la pratique du façadisme au sein de la ville. Nous devons comprendre cet essai non pas comme une réalité mais comme un questionnement sur le paysage urbain et son évolution future. Ainsi, préserver une façade ancienne permet la sauvegarde de l’image de la ville et a essentiellement un rôle social : éviter la douleur d’avoir perdu une ville et les lieux urbains qui lui appartenaient auparavant. Si le processus façadiste favorise la préservation du paysage urbain, il permet également de redonner un nouvel usage à des bâtiments devenus obsolètes.

3. Des bâtiments devenus obsolètes

3.1 Changements sociaux et d’usage A travers ces deux exemples, l’évolution de la société et de ses besoins a entraîné un changement d’usage du bâtiment initial afin de lui donner une deuxième vie. Pour le cas des Arenas de Barcelone, ce sont des facteurs sociaux, et plus particulièrement la législation espagnole concernant l’interdiction de la tauromachie, qui ont poussé ce lieu emblématique à accueillir un nouvel usage, un centre commercial comprenant des espaces culturels, des restaurants et des cinémas.

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Rem Koolhass, 2011, Junkspace, la ville générique, Manuels Payot Façadisme

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Dans le cas de la centrale électrique, bien que construite à la même époque, la démarche est différente. Il s’agit d’un ancien bâtiment industriel désaffecté pour lequel il a fallu trouver un nouvel usage, ici un musée en plein centre de la capitale. Comme nous l’avons énoncé dans les paragraphes précédents, si le paysage de la ville se doit d’être conservé par la sauvegarde de la façade, c’est l’usage du bâtiment qui doit s’adapter à l’évolution de la société. On peut également illustrer cette notion de changement d’usage à travers l’exemple des façades haussmanniennes. Il ne s’agit pas, comme pour les deux exemples espagnols, de traiter des bâtiments « objets » mais de s’intéresser à un ensemble de bâtiments, à une organisation qui crée une unité dans la ville parisienne. La présence dominante de l’architecture haussmannienne dans certains quartiers comme le 9ème arrondissement, est soumise à de fortes mutations fonctionnelles et notamment au remplacement de logements par des activités tertiaires. Cette tertiarisation a posé problème pour ces bâtiments haussmanniens dans la mesure où il fallait créer des surfaces adaptables à des espaces de bureaux tout en gardant la façade qui a une réelle valeur patrimoniale et une grande cohérence dans le paysage urbain parisien. Ainsi, dans ces exemples espagnols, les bâtiments sont devenus obsolètes car l’usage d’origine a disparu. L’usage étant en lien étroit avec la forme, si l’usage n’est plus adapté, cela va naturellement engendrer des volumes existants inadéquats aux besoins contemporains.

3.2 Des volumes et des typologies existantes inadéquates 3.2.1 Une volumétrie peu adaptée Les arènes de Barcelone ayant été désaffectées en raison de la législation espagnole, la ville bénéficie alors d’un espace atypique, en lien avec l’usage originel. Ce type d’usage très spécifique engendre forcément sa propre organisation spatiale. On retrouve la célèbre phrase de Louis Sullivan, « Form follows function », un édifice étant toujours construit pour une

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fonction précise tout en correspondant à une intention architecturale et au site sur lequel il est construit. L’architecte est ici confronté à un grand vide qui sera probablement inadapté au futur usage s’il est gardé tel quel. C’est une typologie propre à une fonction bien précise, qui est d’accueillir et de permettre à une foule de Barcelonais de participer à un événement national. La typologie de l’ancienne centrale électrique de Madrid est très différente de celle des arènes dans la mesure où la destination du bâtiment n’est pas du tout la même. Dans un cas, il s’agit d’accueillir dans un lieu public un grand nombre de personnes et dans l’autre cas, il est question d’un espace industriel plus fermé, plus privé. Cette fois ci, dans l’ancienne usine, la volumétrie n’est pas incompatible avec un nouvel usage, mais la difficulté peut se trouver au niveau de la façade, extrêmement massive et aveugle.

3.2.2 Le façadisme : une manière de déjouer les règles d’urbanisme Les volumes initiaux étant en règle générale peu adaptés à une nouvelle destination du bâtiment, l’architecte à travers le façadisme va pouvoir remodeler entièrement l’intérieur sans porter atteinte à la préservation du paysage urbain. Le fait de ne pas toucher à la façade d’origine a permis d’échapper à certains règlements urbanistiques et nous allons nous intéresser à la ville de Paris pour approfondir ce processus. Le souci de l’espace public au sein de cette ville a très vite entraîné une pratique juridique de réglementation et d’harmonisation et nous allons nous intéresser à l’évolution du règlement d’urbanisme parisien au fil de l’histoire qui a abouti au paroxysme de l’haussmannien. L’un des premiers règlements d’architecture et d’urbanisme est l’édit de 1607, promulgué par Henri IV. Par crainte des incendies, cet édit interdit les constructions en pan de bois et limite les saillies. Soixante ans plus tard, l’ordonnance du 18 août 1667 fixe la hauteur maximale des corniches parisiennes à 16 mètres et on remarque que cette limitation du gabarit n’a guère varié depuis cette époque dans le centre de la capitale en ce qui concerne la façade sur rue. La déclaration royale du 10 avril 1783 poursuit dans cette voie qui consiste à homogénéiser les façades sur la rue. L’intervention est de plus en plus urbanistique et plus seulement architectural. La hauteur des immeubles est pour la première fois déterminée par rapport à la largeur de la rue, pour des raisons d’hygiène.

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Figure 15 Fonctionnement d’une façade haussmannienne

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En effet, l’état des rues de Paris, depuis la fin de l’ancien régime jusqu’aux grands travaux réalisés par Haussmann, ne cesse d’être la préoccupation de la ville. « On s’indigne des embarras de la ville, de l’étroitesse de sa chaussée et de sa saleté » . Déjà sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, la ville de Paris portera une grande attention à régler ces problèmes d’insalubrité. L’action des préfets de Seine ne se limitait pas à la rénovation et à l’aménagement des voies publiques mais également au statut de la façade au sein de la ville. Des règles sont rapidement mises en place concernant la hauteur des immeubles. Dans les rues de plus de 10 mètres de large, leur hauteur ne pouvait excéder 17 mètres et 14 mètres pour des voies d’une largeur inférieure à 11 mètres. De plus, « ces mesures générales sont complétées par de nombreuses obligations touchant la sécurité et la liberté d’accès à la voie publique. Une ordonnance de police, du 18 maris 1819, défend ainsi à tout propriétaire et à tout locataire de déposer sur les toits, les gouttières, les terrasses ou autres lieux élevés des maisons, caisses, pots à fleurs, pouvant nuire par leur chute »1 . L’enjeu est ainsi d’améliorer les conditions de vie générales du passant de l ‘époque. Le processus s’accélère avec l’arrivée du baron Haussmann. La rue est transformée en avenue et la ville entière est conçue comme un seul monument à travers le dessin des façades (figure 15). Ces dernières devaient être harmonieuses tout en obéissant à certaines règles et aux pratiques sociales qui s’abritent derrière. On retrouve systématiquement une façade régulière et uniforme en pierre de taille, la présence d’un balcon filant à l’étage noble du premier étage ainsi qu’un autre au cinquième et un l’attique en retrait. Le préfet Haussmann s’assure ainsi que, au sein d’un même îlot, les lignes des balcons et des séparations d’étages forment des lignes continues d’un immeuble à l’autre. A partir des années 1970, s’est développé au sein de la capitale le phénomène de tertiarisation. Les VIIIe et IXe arrondissements de Paris ont été touchés par d’importantes opérations de rénovation, généralement à usage de bureaux en investissant le cœur historique du Paris haussmannien. La solution architecturale adoptée a été le plus souvent celle du façadisme afin de préserver le paysage urbain parisien tout en remodelant profondément l’intérieur. Dans ce cas, même si cette pratique est tout d’abord fondée sur le respect du paysage urbain, les facteurs juridiques n’y sont pas étrangers. Le POS (Plan d’Occupation des Sols) de Paris va être établi en 1977 et sera complété par le Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région île de France.

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p102

Jean Robert Pitte, 1993, Paris Histoire d’une ville, Editions Didier Millet, Paris, Façadisme

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Figure 16 Faรงade de la Fondation Cartier de Jean Nouvel, boulevard Raspail, Paris

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A travers ce nouveau plan, le façadisme sera encouragé par la dynamique réglementaire du “Coefficient d’Occupation des Sols (COS) de fait” qui est intégrée au POS de Paris lors de la révision de 1989. La façade va alors être conservée dans le but d’échapper à de nouvelles réglementations concernant le COS actuel. En effet, les bâtiments existants dont la densité dépasse les droits à construire résultant des COS peuvent être aménagés ou reconstruits sur place avec une densité au plus égale à celle qui était initialement bâtie, à condition de respecter la « règle du COS de fait ». A Paris, la plupart des opérations de rénovation conservent les façades, permettant à leurs promoteurs de bénéficier du coefficient d’occupation des sols- dit « de fait », plus généreux que le COS en vigueur pour les constructions neuves, et ainsi de déroger aux nouvelles règles de gabarit et de prospect dans les rues étroites, bordées d’immeubles anciens de grande hauteur. Aujourd’hui, c’est le PLU, depuis la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain du 13 décembre 2000, qui dicte la réglementation urbaine de la capitale. Ainsi, c’est en concevant la façade que les règlements d’urbanisme ont pu être contournés à travers le POS de 1977. La conservation des façades était un moyen d’obtenir un plein rendement du COS de fait. Nombreux sont les architectes qui en gardant la façade, correspondant à une époque où la législation n’était pas la même, « détournent » la réglementation actuelle en construisant des mètres carrés supplémentaires. Le projet de la fondation Cartier de Jean Nouvel se trouve également dans une démarche de « contournement » des règles à travers la façade. Dans cet exemple, elle n’a pas le même statut, n’étant pas le fruit de la sauvegarde d’une façade ancienne, mais elle est présente pour « déjouer » les règles d’urbanisme de la vile de Paris. Le visiteur qui vient pour la première fois à la Fondation Cartier est soumis à une expérience quelque peu déroutante. Quand il est sur le boulevard Raspail, il découvre tout d’abord un mur de verre qu’il doit longer pour accéder à l’entrée (figure 16). Persuadé qu’il est au pied d’une façade vitrée comme on en voit si souvent, il associe ce mur à la façade du bâtiment. Cette « astuce » de l’architecte, permet de respecter les règles d’alignement et de gabarit tout en permettant de construire des volumes à l’arrière en toute liberté. Cet exemple est alors très proche du façadisme dans la mesure où c’est la vision depuis l’espace public qui prime pour des raisons esthétiques et juridiques.

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Figure 17 Façade de l’ancienne usine avec un ajout contemporain

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3.3 De nouvelles normes techniques Nombreux sont les exemples d’immeubles anciens qui sont devenus obsolètes concernant les normes actuelles de sécurité et de confort. En effet, beaucoup d’édifices présentent un véritable danger d’incendie. A travers le façadisme, ces derniers vont pouvoir être adaptés aux normes modernes de sécurité et d’accessibilité tout en conservant l’aspect initial depuis la rue. La démolition de l’intérieur de l’édifice permet une construction en accord avec les nouvelles exigences techniques, règlementaires et avec celle du marché. Il existe cependant une certaine confusion concernant l’application de nouvelles normes à des bâtiments historiques. D’après Giorgio Croci, ingénieur et professeur à l’université de Rome, « il nous faut peser deux exigences : la conception moderne de la sécurité selon laquelle la valeur de la vie humaine est la considération suprême, et la notion de culture originelle qui donne à l’architecture sa valeur historique »1 . Les nouvelles normes actuelles ne doivent en aucun cas servir de prétexte pour dénaturer un édifice ancien et plus particulièrement la façade. Aujourd’hui, on assiste également à une démarche inverse qui consiste à préserver le corps du bâtiment et sa structure mais à remplacer sa façade ou à lui ajouter un élément contemporain. Pour illustrer ce propos, nous nous intéresserons à la maison Folie Wazemmes, un équipement culturel de Lille, implanté au cœur d’un quartier populaire (figure 17). Vestige du patrimoine ouvrier lillois, cette ancienne filature, fermée en 1990, a été réhabilitée par Lars Spuybroek (Agence Nox) et représente un équipement culturel important pour la ville de Lille en étant un lieu de création, de spectacles, de festivals et d’animations. L’ancienne usine est constituée de deux corps de bâtiments en brique disposés face à face et séparés par une rue intérieure. Cette friche industrielle s’est aujourd’hui métamorphosée en un projet architectural contemporain par la présence d’une enveloppe métallique qui vient se “coller” au bâtiment d’origine et se prolonger sur une nouvelle construction. Il est intéressant de faire référence à ce projet dans la mesure où la démarche ici peut être perçue comme l’inverse du façadisme. En effet, le corps du bâtiment est préservé et réhabilité en conservant sa structure originelle mais l’architecte a fait le choix de venir ajouter un élément contemporain sur une façade historique. 1

Giorgio Croci, 1999, Colloque internationale Façadisme et identité urbaine, Edition du patrimoine, Paris, p 124 Façadisme

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Cette démarche peut être justifiée dans la mesure où elle permet de respecter les nouvelles normes sécuritaires. En effet, les escaliers de secours prennent place entre la façade en brique de l’ancienne filature et la nouvelle peau contemporaine. Ainsi, pour conclure cette première partie, de nombreux édifices sont devenus obsolètes dans la mesure où leurs usages ne répondent plus aux besoins de la société. A partir de cette réalité, plusieurs options se présentent à l’architecte. Une première, la plus radicale, serait de détruire intégralement ces édifices désaffectés, de faire une opération de « tabula rasa » afin de reconstruire un édifice neuf, répondant à un nouveau programme en adéquation avec les besoins actuels. Cette solution n’est que peut concluante si on suit la démarche énoncée auparavant de sauvegarder le paysage urbain, le souvenir d’une ville passée. Une autre solution envisageable par l’architecte serait de venir « bricoler » dans le bâtiment ancien afin d’essayer d’adapter un bâtiment ancien à un nouvel usage, c’est à dire le reconvertir tout en prenant soin de ne pas dénaturer l’identité de l’édifice en lui donnant une deuxième vie. Enfin, la solution que nous développerons dans cette deuxième partie, toujours à travers ces deux exemples de transformation, est la sauvegarde de la façade tout en créant un nouvel espace intérieur répondant aux besoins contemporains. Cette démarche peut être justifiée dans la mesure où l’enjeu consiste, en conservant la façade, à respecter un paysage urbain familier tout en donnant une nouvelle vie au bâtiment. En revanche, le fait de concilier les deux engendre naturellement des modifications profondes qui peuvent entraîner des incohérences.

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Figure 19 Figure 18: Façade principale du Caixa Forum

Evolution des travaux

Figure 20 Coupe de dĂŠtail du plancher suspendu

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II- DES TRANSFORMATIONS LOURDES POUR MÊLER PRÉSERVATION DE LA FAÇADE ET NOUVEAUX USAGES. 1. Des changements profonds entrainant une incohérence Nous allons voir à travers cette partie, que les chantiers d’une telle opération sont souvent spectaculaires et extrêmement lourds. Après avoir traité ce sujet d’un point de vue urbain pour en comprendre les raisons premières, nous l’aborderons cette fois d’un point de vue constructif et fonctionnel.

1.1 Incohérence structurelle 1.2.1 Mise en suspension de la structure existante d´un bâtiment en briques Le Caixa Forum, Madrid Vouloir préserver la façade ancienne d’un bâtiment est une chose mais les architectes Herzog et de Meuron vont plus loin à travers ce projet. Ils ont fait le choix de mettre en suspension la structure existante en brique afin de créer une place sous l’édifice et de faciliter l’entrée au musée (figure 18). En effet, ils mettent en œuvre un plancher suspendu à la structure de l’étage supérieur. Le premier étage du bâtiment est suspendu par onze tirants aux poutres du deuxième niveau, ce qui a ainsi permis de supprimer l’ensemble des poteaux sur la place couverte du dessous (figure 20). Si ce mode structurel est possible, c’est grâce aux caissons du plafond qui constituent une sous-face polygonale structurelle. Au premier étage, le niveau d’accueil expose le fonctionnement structurel de la suspension avec ses tirants aux poutres mixtes en acier laqué couleur gris métal du deuxième étage. La structure, les équipements techniques de ventilation, de climatisation ou d’éclairage sont laissés volontairement visibles. 

 Les meubles des comptoirs d’accueil et du vestiaire, exécutés en bois sombre, sont suspendus, à l’image de l’édifice, afin d’accentuer le système constructif du nouveau musée. Avant cette mise en suspension, la transformation de l’ancienne centrale électrique de Madrid a débuté par une véritable opération chirurgicale (figure 19): le maintien en l’air de ses murs de briques et de la super structure d’acier qui la surplombe est réalisé au moyen de trois plots disposés

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Figure 21

Figure 22

SchÊma du processus de transformation des arènes de Barcelone en quatre phases

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Figure 23


en triangle et contenant les circulations verticales (ascenseurs, monte-charges et cage d’escalier). Cette super structure constituée d’un réseau de poutres et de voiles porte l’enveloppe de brique renforcée par un corset. Détaché du sol, le bâtiment défie les lois de la gravité en mettant en place un système constructif très audacieux. La structure de brique est coiffée par une structure métallique pour augmenter la hauteur et le nombre d’étages du bâtiment d’origine afin de faire correspondre le nouvel édifice à un nouvel usage (figure 21).

1.1.2 Suspension temporaire des murs périphériques Les arenas, Barcelone L’objectif principal de cette opération a consisté à rénover la façade historique en brique tout en créant quatre grandes entrées afin de pouvoir faciliter l’accès aux nouveaux espaces dédiés au nouvel usage du lieu. Pour faire de l’enceinte un lieu accessible depuis le niveau de la rue, l’édifice d’origine étant situé sur un monticule, la base de la façade a été excavée et on a mis l’arène en sustentation sur un ensemble de 20 paires de poteaux en acier en forme de boomerang (figures 22 et 23). Pour ce projet, l’enjeu était, tout comme le Caixa forum, de taille. En effet, mettre en lévitation une « couronne de brique » de 100 mètres de diamètre et modifier les transferts d’effort d’un ouvrage existant mis en totale sustentation est un exercice très délicat durant les phases de travaux. « Le raccord des arènes, initialement placées sur un monticule, avec la rue en contrebas a nécessité une excavation sous la structure initiale produisant une coupure du transfert direct des charges dans les fondations existantes. Pour restaurer ce transfert, en tenant compte des nouveaux impératifs structuraux, la création d’un niveau d’arcades supplémentaire est réalisée par la mise un place d’une ceinture périphérique en béton précontraint posée sur des poteaux en acier qui vient moiser la maçonnerie d’origine. Le travail consistait ici a étayer d’abord les étages supérieurs de l’arène par des béquilles en acier pour ensuite construire la ceinture périphérique puis excaver progressivement en étayant la structure pas à pas pour ensuite reconstruire de nouvelles fondations et poser les poteaux boomerang »1 .

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Pierre Engel, www.constructalia.com Façadisme

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Figure 24 Evolution des travaux

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Figure 25: maintien de la façade en brique

Figure 26: poteaux métalliques remplaçant le talus

Figure 28: centre commerciale des arenas

Figure 27: nouvelle ouverture sur la façade

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Figure 29: centre commerciale des arenas


Même si dans la pratique du façadisme, la façade ne représente plus un élément structurel, ne participant plus à la stabilité du bâtiment, sa cohérence doit cependant être préservée. Pour le cas du Caixa Forum, selon moi, la façade joue seulement un rôle de décor, un élément théâtral. En effet, le soubassement en granit a été supprimé et la façade semble “flotter” au-dessus d’une place relativement sombre. Le fait que la façade industrielle en brique, matériau relativement lourd, paraissent léviter au dessus du visiteur, ajoute à l’incohérence structurelle du bâtiment. Dans le cas des arènes de Barcelone, même si la façade n’est plus structurelle, elle est préservée dans son intégralité et c’est le talus qui a été supprimé et remplacé par des poteaux métalliques, qui n’ont naturellement pas les mêmes propriétés que la brique (figure 26). Dans cet exemple, contrairement au Caixa Forum, la façade a totalement été préservée mais le fait que le talus soit supprimé pour permettre un accès au niveau de la rue, change le bâtiment du point de vue de la mobilité. En effet, du temps des corridas, les Barcelonais montaient pour entrer dans l’arène, celle-ci surplombant la ville. Aujourd’hui, les poteaux métalliques remplacent le talus et une certaine transparence est créée. Certes, le mouvement vers un centre commercial est moins solennel que celui qui mène à la corrida mais ce monticule faisait parti du paysage de la ville. 1.2 Incohérence fonctionnelle Donner un nouvel usage à un bâtiment tout en préservant sa façade d’origine engendre forcément des incohérences au niveau de la fonctionnalité. Pour le cas du Caixa Forum, la façade en brique perdure mais en raison de son absence d’ouverture comme nous l’avons vu dans la première partie, il a été nécessaire de créer de « nouveaux trous » pour éclairer les espaces intérieurs, ce qui contrastent avec le dessin de la façade d’origine (figure 27). Il semble également dommage que les arènes, après avoir été le siège de Corridas, un événement important pour les espagnols, finissent par loger des grandes enseignes de prêt-à-porter, des chaînes de restaurants, des supermarchés…(figures 28 et 29). Certes, il s’agit de s’adapter aux nouveaux besoins d’une société contemporaine, mais on peut se demander dans ce cas pourquoi se donner tant de mal à préserver une façade ancienne lors du chantier pour qu’à l’intérieur de l’édifice on ne retrouve aucune trace du passé.

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Figure 30 Faรงade des arenas de nuit, Barcelone

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Poussés à leur extrême, on peut trouver dans l’architecture haussmannienne, des exemples de façadisme où en plus de l’incohérence structurelle, la façade sauvegardée n’est plus du tout fonctionnelle. Nombreuses sont les façades préservées où de nouveaux planchers ont été construits derrière en rupture totale avec les ouvertures existantes. En effet, on va pouvoir, depuis la rue, observer un plancher « filer » au milieu du cadre de la fenêtre. Dans cet exemple, on peut encore assimiler la façade à un élément théâtral qui ne reflète en rien son intériorité. Cette incohérence entre l’extérieur et l’intérieur se manifeste par exemple le soir, quand l’éclairage artificiel laisse deviner le nouvel ordre spatial derrière les façades. Les magasins cachés derrière la façade des arènes se dévoilent avec les lumières de la nuit (figure 30). Après avoir constaté ces incohérences qui proviennent des modifications lourdes afin de juxtaposer façade ancienne et nouveaux usages, on remarque qu’elles sont en contradiction totale avec le mouvement moderne et ses principes. 2. Des incohérences en contradiction avec le mouvement moderne 2.1 La formule “form follows function” est bousculée Le mouvement moderne n’adhère pas à cette démarche de préserver une façade et de construire à partir de là de nouveaux espaces répondant à un nouvel usage. En effet, ce mouvement s’est construit en réaction contre « l’ordre ancien » : il ne se situait donc pas dans une perspective de reconversion mais au contraire de « tabula rasa ». Lorsqu’ aujourd’hui, on reconvertit un édifice, on « impose » à un bâtiment un autre usage que celui pour lequel il a été conçu initialement. Pour le mouvement moderne, c’est la fonction qui définit la forme tout en correspondant à une intention architecturale et à un contexte d’où la célèbre phrase « Form follows function » de Louis Sullivan, chef de file de l’école de Chicago. Cette expression résumait sa pensée suivant laquelle la forme d’un bâtiment devait dériver uniquement de sa fonction. Si la fonctionnalité était respectée, la beauté architecturale en découlait naturellement. Au même moment en 1908 à Vienne, Adolf Loos a publié son oeuvre Ornement et Crime où il combattait l’ornementation au profit de la lecture claire de la fonction dans la forme d’un bâtiment, en opposition aux styles éclectiques et académiques du XIXe siècle plaqués sur les façades. Façadisme

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2.2 Déconnexion entre intérieur et extérieur Le travail de Le Corbusier ou de Loos nous a affirmé que la façade possède un intérieur et une enveloppe qu’il n’est pas possible de désolidariser. La façade ne peut se contenter d’être un pur dehors, ni un pur dedans. La surface est toujours une interface, une surface qui possède une face « tournée vers le dedans, une autre vers le dehors »1 , une surface à vivre et à envisager des deux côtés en même temps. La façade constituait un plan à deux dimensions qui annonçait un dedans et qui dévoilait la structure et la fonction. Le Corbusier nous rappelle dans Vers une architecture, qu’ « un volume est enveloppé par une surface, une surface qui est divisée suivant les directrices et les génératrices du volume, accusant l’individualité de ce volume. Le plan procède du dedans au dehors ; l’extérieur est le résultat d’un intérieur »2 . La façade devenant libre et plastique selon les termes de Le Corbusier, elle a pu s’adapter à tous les principes sans menacer la stabilité de l’édifice. Les bâtiments étant perçus comme des objets autonomes, le tissu urbain dans sa forme traditionnelle, avec ses alignements, était donc rejeté. L’élément qui vient tout de même intégrer la notion de préservation du paysage urbain traditionnel est la Charte de Venise, ou charte internationale de la restauration. Créée en 1964, elle vise à protéger les monuments mais aussi d’autres bâtiments plus anodins mais qui sont porteurs d’une symbolique historique et culturelle. Il ne s’agit pas de substituer à un bâtiment ancien une nouvelle fonction qui puisse le «dénaturer» mais cette charte semble au contraire empêcher l’architecture de s’adapter aux exigences d’une société contemporaine en considérant ces édifices comme des objets non-évolutifs à protéger. Avec le façadisme, on est dans une démarche totalement opposée à celle du mouvement moderne car on assiste à une réelle déconnexion entre l’extérieur et l’intérieur. L’architecture est considérée dans ce cas comme étant évolutive et la démarche de tabula rasa ou au contraire de protection du bâtiment dans sa totalité est absente. L’architecture à travers ce processus est transformable, adaptable aux changements d’usage, notion que nous développerons par la suite. L’extérieur ne reflète pas l’intériorité de l’édifice et il est vrai que toute personne ne connaissant pas les projets des Arenas ou du Caixa Forum, ne peut deviner depuis l’espace public le nouvel usage du bâtiment, le but premier étant de préserver le paysage urbain en conservant la façade.

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Anzieu, 1995, Le Moi peau, Dunod, Paris Le Corbusier, 1995, Vers une architecture (orig 1924), Flammarion, p 23 Façadisme

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Aujourd’hui, dans la conception des nouvelles façades, même si certains architectes ont toujours ce souci d’exprimer l’intériorité du bâtiment au niveau de la conception de la façade, il apparaît de nouvelles formes, de nouvelles techniques. On va désormais pouvoir parler d’enveloppe plus que de façade. Les doubles peaux et les résilles se développent de plus en plus et la façade va davantage se soucier de sa matérialité que de sa vocation à exprimer une intériorité. Ces « deuxièmes façades » sont devenus courantes aujourd’hui et sont considérés comme un phénomène à la « mode ». Elles affranchissent la façade de toute composition en plus d’être autonome par rapport à l’intérieur de l’édifice. Même si on retrouve cette dissociation amorcée depuis le XIXème siècle entre structure et enveloppe, on ne retrouve pas cette interdépendance entre l’extérieur et l’intérieur. Il y a également un risque de considérer la façade comme un « emballage » qui réduirait l’architecture à des images ou à des textures au mépris de l’espace créé.

2.3 La vérité du matériau Pour comprendre cette notion de vérité du matériau, il convient d’entendre la théorie d’Adolf Loos à propos de l’ornement. Ce dernier était pour lui « un apanage des sociétés primitives et relevait d’une pulsion naturelle et instinctuelle qui n’avait plus aucune raison d’être dans le monde contemporain civilisé et qu’il fallait abandonner. S’il perdurait, il révélait une société malade, un esprit attardé, une dégénérescence ou un crime »1 . Dans la continuité, d’après Semper, « les matériaux en brique, le bois, et surtout le fer, le métal et le zinc, ont remplacé les pierres taillées et le marbre, et il serait inconvenant de continuer à les proposer sous de fausses apparences. Que l’on défende le matériau en soi et que l’on montre sans voiles sous les formes et les conditions qui, sur la base de la science et de l’expérience, se sont révélées les plus appropriées pour lui. Dans la brique on doit voir la brique, dans le bois le bois, dans le fer le fer, chacun avec ses propres lois statiques. Là est la vraie simplicité : c’est à elle que nous devons nous consacrer entièrement, en sacrifiant notre goût pour les broderies naïves de la décoration »2 . Dans nos deux exemples, la brique n’est plus utilisée pour ses qualités constructives mais comme un élément « ornemental » qui joue le rôle de symbole de la ville passée, du souvenir d’une ville industrielle… 1 2

Adolf Loos, 2003, Ornement et crime, Rivages Semper, 1884, Kleine Schriften Façadisme

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Figure 31 Placette créée par la mise en suspension de la façade.

Figure 32 Poteaux boomerang métalliques 54


Pour le Caixa Forum, la brique a été utilisée à l’origine dans une démarche moderne, adaptée à ses qualités constructives et la présence du soubassement en granit renforçait cette démarche. Ce qui est discutable dans ce cas, c’est la suppression de ce soubassement pour créer une place ce qui trahit, dans la vision de Loos, le bon usage du matériaux d’origine et ainsi une perte de vérité (figure 31). Alexandre Melissinos, architecte urbaniste français, s’indigne lorsque certains documents émanant de l’Etat (en l’occurrence POS et paysage, voir annexe) vont jusqu’à écrire que les plans d’urbanisme doivent se limiter à régler le seul « aspect » hors de toute prescription sur la matérialité des choses. D’après Melissinos, « selon ce document, le Formica-imitation-bois vaut le chêne, la tuile plastique vaut la terre cuite, la photocopie de la Joconde vaut la Joconde et la tromperie vaut la culture »1 . Du point de vue moderne, protéger seul l’aspect extérieur d’un édifice revient alors à réduire l’architecture à du spectacle, à un décor théâtral. Dans les Arenes, ont applique une technique contemporaine de reprise en sous-œuvre des fondations dont les principes sont conformes à la théorie moderne, puisque chacun des nouveaux matériaux, ici le béton et l’acier, sont visibles et utilisés de manière optimale. Les architectes ne cherchent pas à « camoufler » ces nouveaux matériaux mais au contraire, ils sont assumés, bien visibles et permettent une compréhension facile de la structure de l’ensemble (figure 32). Nous avons ainsi compris que les opérations de façadisme étaient en désaccord avec les principes du mouvement moderne et du fonctionnalisme, mais ceci n’est pas surprenant dans la mesure où ce processus, en conservant une partie ancienne, s’oppose à la tabula rasa prônée par les modernes. Si le façadisme aujourd’hui est discutable, c’est parce que le mouvement moderne nous à léguer une exigence « morale » de fusion entre la forme et la fonction.

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Alexandre Melissinos, 1999, Colloque internationale Façadisme et identité urbaine, Edition du patrimoine, Paris, p 67 Façadisme

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3. Le rôle de l’architecte aujourd’hui face à cette pratique 3.1 Répondre ou non au fonctionnalisme ? 3.1.1 Le fonctionnalisme : une approche culturellement récente Si cette opération de façadisme est vivement critiquée aujourd’hui, c’est parce qu’on assiste à une perte de cohérence totale entre l’extérieur et l ‘intérieur du bâtiment. Mais, concevoir la façade comme une partie indissociable du corps bâti et de ses espaces intérieurs relève d’une approche fonctionnaliste culturellement récente. La façade avant le mouvement moderne devait répondre à d’autres enjeux. Elle voulait représenter la dimension historique de la ville, faisant partie d’un ensemble cohérent en donnant un rôle primordial à l’espace public. Comme nous l’avons énoncé dans la première partie, on recherchait par le dessin de la façade davantage une harmonie et des proportions qu’une correspondance évidente entre l’espace extérieur de la rue et l’intériorité de l’édifice. Si on cherchait cette correspondance, c’était l’ordonnancement de la façade qui le dictait au fonctionnement intérieur. Cette approche fonctionnaliste créée par le mouvement moderne, posant la façade comme une surface qui serait l’expression fidèle du plan de l’édifice, réduit l’architecture à l’état d’objet, où il existerait « un rapport mécanique entre contenant et contenu »1. Le Corbusier emploie même le terme de « machine à habiter » dans son livre Vers une architecture. Cette considération de la façade, comme corps indissociable du bâti, risque d’empêcher une quelconque capacité d’évolution et de conservation à la fois.

3.1.2 Le fonctionnalisme : un argument pour une destruction intégrale du bâti Si on suit cette logique, le fonctionnalisme est en contradiction totale avec la notion de façadisme. L’intérieur va être remodelé intégralement pour répondre à de nouveaux besoins et la façade va être préservée pour des soucis de paysage urbain. La façade va ainsi être en désaccord avec la nouvelle intériorité. Si le rôle de l’architecte aujourd’hui est de continuer à répondre à un certain fonctionnalisme, le façadisme n’a pas sa place et cette pensée justifie

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Alexandre Melissinos, 1999, Colloque internationale Façadisme et identité urbaine, Edition du patrimoine, Paris, p 67 Façadisme

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la destruction intégrale des bâtiments sous prétexte de manque de cohérence et de sincérité. Cette indissociabilité entre la façade et le volume bâti refuse cette autonomie de la façade et permet la justification de la démolition intégrale des édifices au nom de cette solidarité des parties. Pour un architecte moderniste, le point principal est le plan et la façade n’est vue que comme une surface. Le façadisme apparaît alors comme une sorte de fiction dans les rues, la façade idéale étant une expression fidèle du plan d’un édifice. Deux interventions sont alors possibles : soit l’architecte choisit la conservation du monument dans sa globalité car il est qualifié de monument historique exceptionnel, soit il se résout au remplacement total de l’édifice par une construction contemporaine. Ces deux interventions sont de toutes manières en opposition avec le façadisme. Je trouve la réflexion de François Barré particulièrement intéressante sur ce sujet. Il se pose la question de savoir si le dehors doit dire le dedans, si la lecture de la façade doit révéler l’organisation intérieure, si des relations de vérité, de transparence doivent exister, mettant en valeur l’intérieur par la découverte de l’extérieur. Pour lui, la façade doit révéler autant qu’elle doit cacher et il refuse deux pensées radicales : l’une qui voudrait qu’il existe une séparation absolue entre l’intérieur et l’extérieur (on parlerait ainsi d’architecture d’intérieur et d’architecture d’extérieur) et l’autre qui voudrait que « si la façade meurt, l’intérieur trépasse »1 . Il paraît pertinent d’accepter la transformation et la conservation plutôt que la destruction totale d’un édifice. L’architecte doit juger au cas par cas et ne doit pas avoir une attitude dogmatique, incontestable. 3.2 Une opération au cas par cas Si le façadisme est une pratique condamnable aujourd’hui, c’est surtout lorsqu’elle est considérée comme une pratique généralisée et appliquée de manière systématique comme forme de réhabilitation urbaine. Dans les exemples de façadismes haussmanniens, on peut retrouver facilement cette généralisation favorisée entre autres par la spéculation immobilière. Si cette pratique est vue comme telle, on assiste rapidement à une « disneylandisation » de la ville, qui encourage la vision de l’espace public comme un décor théâtral. La façade n’est évidemment pas le seul élément à prendre en compte dans ce sujet. 1

François Barré, 1999, Colloque internationale Façadisme et identité urbaine, Edition du patrimoine, Paris, p 31 Façadisme

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Avec le façadisme, nous nous trouvons davantage dans une volonté d’embellissement de la ville, de contemplation du patrimoine que dans une politique de conservation de ce dernier. Dans certains cas, nous sommes en droit de regretter la construction d’espaces contemporains qui répondraient à un nouvel usage au détriment d’intérieurs historiques souvent remarquables. Pour les exemples des arènes et du Caixa forum, nous ne nous trouvons pas dans une pratique généralisée en étant appliquée de manière systématique comme un « mode d’emploi ». Les projets sont perçus comme deux « objets », deux « entités » autonomes au sein de la ville. Ils ne sont pas considérés à l’image des bâtiments haussmanniens, comme formant parti d’une composition urbaine répondant à une unité. A partir de là, les architectes ont traité ces deux exemples non pas comme un modèle ayant déjà été appliqué auparavant mais comme une façon de les adapter aux « goûts du jour » en leur donnant une nouvelle vie. 3.3 Une lecture anthropologique du patrimoine Comme nous l’avons vu auparavant, le façadisme peut être considéré comme l’expression d’une conception contemplative de la ville. Les valeurs esthétiques et historiques priment au détriment d’une valeur plus humaniste. En effet, Yves Robert, historien d’art et archéologue, lors du colloque international « Façadisme et identité urbaine » souligne le fait que les consciences doivent être plus anthropologiques concernant le patrimoine urbain. Il recentre le patrimoine autour de l’homme, de ses modes de vie, l’homme étant l’habitant de son héritage culturel. La ville est constituée de lieux historiques, mais également de lieux sociaux favorisant une réelle sociabilité entre les habitants de la vile. En effet, une ville est composée de divers espaces où les gens se rencontrent, discutent, se reposent… « Ces lieux sans être nécessairement historiques contribuent à renforcer le sentiment d’identité. Ils fondent chez les habitants un rapport d’appartenance à la ville. C’est dans ce sens qu’il faut renouer avec la dimension sociale du patrimoine. L’espace protégé en tant que patrimoine n’est jamais simplement historique. Il est aussi une « topographie de notre être intime, un instrument d’analyse pour l’âme humaine. »1

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Marc Auger, 1992, Non lieux : introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, p69 Façadisme

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Figure 33 AxonomĂŠtrie du principe structurel

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« L’intérêt d’une lecture anthropologique du patrimoine est qu’elle nous oblige à reconsidérer l’architecture comme un ensemble complexe de phénomènes, qui concernent non seulement l’habitation, mais aussi l’habitat, l’organisation de l’espace, les modes de vie, les formes d’organisation économique, sociale et politique, les systèmes symboliques et religieux »1. Le fait de réduire l’architecture à une attitude contemplative ne fait que favoriser la conception narcissique du patrimoine dénoncée par Françoise Choay.2 La sauvegarde du patrimoine est étroitement liée à la place des hommes au sein de la ville. Cette dernière est un patrimoine que parce que ses habitants la vivent comme tel. Le patrimoine est vie avant d’être esthétisme et mémoire. « La société doit espérer faire de sa population, non pas des spectateurs, mais des habitants du patrimoine ! »3. A partir de là, le rôle de l’architecte à travers cette pratique, n’est pas seulement de conserver une façade qui répondrait à des valeurs esthétiques et historiques du patrimoine, en considérant seulement l’homme comme un observateur, un passant au sein de la ville mais au contraire, de l’envisager comme un habitant de ce patrimoine bâti. 3.4 Une architecture flexible pour répondre aux nouveaux usages Le cycle de vie de nos bâtiments, concernant leur usage, étant toujours plus court, je pense que le rôle de l’architecte aujourd’hui est de prendre en compte l’évolution de la société et de ses besoins. Herzog et de Meuron, pour permettre cette flexibilité et cette adaptabilité à un usage futur, ont porté une attention particulière à l’emplacement des éléments qui malgré un changement d’usage, perdureront au fil du temps comme par exemple, les noyaux de services et les communications verticales (ascenseurs, escaliers de secours, monte charge). De plus, la structure de la coupole est indépendante du reste de l’édifice favorisant une indépendance et une flexibilité des espaces. Pour cela, je pense qu’il est important, dés la conception du nouvel espace intérieur, de prendre en compte le côté évolutif d’un édifice et sa capacité à se recycler tout en conservant des éléments qui sont les vecteurs d’une identité forte de la ville.

1

Pierre Bonte, Michel Izard, 1991, Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Paris, Presses universitaires de France, p79 2 Françoise Choay, 1970, L’allégorie du patrimoine, Seuil 3 Yves Robert, 1999, Colloque internationale Façadisme et identité urbaine, Edition du patrimoine, Paris Façadisme

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Figure 34 Crown Hall, Illinois Institute of Technology, Chicago, 1956, Mies van der Rohe

Figure 35 Façade du Centre Georges Pompidou, Rogers, Piano

Figure 36 Espace intĂŠrieur du centre George Pompidou, exposition

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Dès la conception du bâtiment neuf, il serait nécessaire de prendre en compte, dans le contexte de l’évolution durable d’un site, ses possibilités de transformations fonctionnelles, de reconversion dans le futur. En quelque sorte, il doit être facilement « recyclable » pour favoriser sa durée de vie.
 L’architecture flexible permet de s’adapter aux nouveaux usages et répond aux changements plutôt que de le rejeter. Elle est mobile et non statique. Concevoir une architecture adaptable, c’est reconnaître que le changement est inévitable. Les édifices adaptables sont destinés à répondre facilement à diverses fonctions, à différents mode d’usage et enfin, à différentes exigences des usagers.
Cela n’empêche pas que les ouvrages d’architecture doivent garder leur pertinence et leur utilité au fur et à mesure que le temps passe et que les circonstances changent.
Au fil du temps, les normes, les obligations de sécurité vont inévitablement se transformer mais doivent s’intégrer de façon à ce que les anciens systèmes s’interconnectent avec les nouveaux. Par exemple, prévoir des gaines flexibles permet non seulement leur remplacement mais aussi de planifier les changements d’agencement de l’espace lorsque celui-ci n’est plus fonctionnel. Toujours en lien avec ce thème de la flexibilité d’un bâtiment, Mies Van der Rohe, dans sa quête de la fonction en rapport à la forme, développe la notion d’espace universel, associé à son concept de plan ouvert, c’est-à-dire une recherche d’espace polyvalent, multi fonctionnel et permanent (figure 35). Il cherche ainsi à anticiper le développement du bâtiment au fil du temps, en lui donnant une forte flexibilité. Mais, assimiler cet espace flexible de Mies van der Rohe à un lieu facilement reconvertible ne serait pas correct à mon sens. En effet, son oeuvre est tellement épurée qu’on aurait du mal à la reconvertir. Son projet forme un tout et rien ne peut être enlevé ni ajouté sans perdre sa cohérence. Actuellement, cette notion d’espace universel développée par Mies van der Rohe est toujours appliquée dans certains projets, essentiellement dans les Etablissements Recevant du Public. La logique de l’espace universel est présente dans le travail de Rogers et Piano pour le projet du centre Georges Pompidou à Paris (figure 36). La grande flexibilité des espaces intérieurs est due au rejet de tous les éléments structurels, des circulations et des gaines à l’extérieur. L’espace intérieur est alors très souple, mais s’applique seulement dans le cas de scénographie.
Il n’est donc pas réellement universel, car restreint à n’accueillir que des expositions. Le tout est de ne pas confondre la notion d’espace flexible et la notion d’espace transformable. L’exemple du palais

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omnisport de Paris Bercy en est le témoin. Ce grand complexe contient un intérieur extrêmement modulable, transformable, allant de la salle de concert, à la patinoire. Mais cet espace ne répond pas toujours de façon pertinente aux fonctions qui lui sont attribuées. La polyvalence n’est pas toujours la solution dans la mesure ou cette dernière peut diminuer la qualité de chacune des fonctions: manque de visibilité lors d’un match, problème d’acoustique pendant un concert... L’évolutivité nécessaire des intérieurs semble s’accommoder assez bien d’une façade ancienne et permet une justification du façadisme. La façade va être conservée afin de préserver le paysage urbain et l’intérieur quand à lui pourra s’adapter à l’évolution des usages, les bâtiments ayant des cycles de vie de plus en plus courts.

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CONCLUSION

Nous avons pu voir à travers ce mémoire que, si au départ des opérations de façadismes sont envisagées, c’est essentiellement pour préserver un certain paysage urbain, le souvenir d’une ville passée, tout en permettant à des édifices d’avoir une deuxième vie. Mais, nous nous sommes rapidement rendu compte que mêler préservation d’une façade et nouvel usage engendre des chantiers extrêmement lourds et des incohérences profondes qu’elles soient structurelles ou fonctionnelles. Le recours au façadisme, au premier abord, peut paraître comme la solution idéale afin de mêler préservation de l’identité et nouvel usage. Mais nous avons pu voir à travers ces deux exemples, qu’un simple maintien de la façade ne résout pas tout. Pour répondre à la problématique initiale, si cette pratique est vivement critiquée aujourd’hui, ce n’est pas parce que la façade a cessé de refléter l’intérieur du bâtiment. En effet, je pense qu’aujourd’hui l’architecte, même s’il a connaissance du mouvement moderne et de ses principes, ne conçoit pas une façade dans le but premier de révéler au mieux la fonction mais va travailler sur sa forme et sa matérialité. Le travail des résilles et des doubles peaux en est la preuve même et on peut considérer que les résilles ne sont qu’une étape de plus pour que la façade « visible » n’ait plus d’autre fonction que le décor. Je pense que si le façadisme est critiqué, c’est parce que dans certains exemples la façade est considérée comme un élément théâtral qui participe à la muséification de la ville et la fige dans le temps. En effet, d’après François Barré, « si le façadisme lui-même, tel qu’il se révèle dans un certain nombre d’exemples, caricaturaux certes, mais qui font actualité, nous interpelle, c’est qu’il ne s’inscrit pas précisément dans cette volonté de changement, d’évolution, de continuité mais qu’il révèle une sorte de fixité qui en appelle au décor. Cela fait penser à des bibliothèques feintes où il n’y a que le dos des livres : simulacre pauvre de respectabilité »1 . Nous en venons alors au rôle de l’architecte face à cette pratique certes contestée mais qui peut être justifiée dans certains cas. Il doit prendre conscience de l’évolution de la société contemporaine. Il ne doit pas « figer » les choses mais au contraires accepter le changement et les dynamiques sociales de la vie urbaine. Des choix doivent être faits : il existe des façades qui méritent une plus grande protection que d’autres

1

François Barré, 1999, Colloque internationale Façadisme et identité urbaine, Edition du patrimoine, Paris, p33 Façadisme

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et il faut savoir également dans certains cas accepter des interventions plus radicales comme la destruction totale. Il faut pouvoir accepter le neuf et s’ouvrir à l’innovation architecturale. On est ainsi face à une architecture du cas par cas. Dans un deuxième temps, je pense qu’il ne faut pas seulement mettre en valeur les aspects historiques et esthétiques du patrimoine bâti mais l’architecte doit également prendre en compte la dimension humaine, les modes de vie et en d’autres termes, avoir une approche anthropologique du patrimoine. Ces deux exemples nous permettent de conclure sur le fait que chaque architecte va avoir une approche différente sur la préservation de la façade. Le Caixa ne cherche en aucun cas à mettre en valeur l’existant mais au contraire Herzog et de Meuron cherchent peut être à montrer à quel point il est ridicule de le conserver. En revanche, dans les arènes, l’approche se fait dans une démarche de continuité, en considérant le façadisme comme une manière de préserver l’essentiel, un héritage des époques ou la façade primait sur le reste du bâtiment. En se projetant dans le futur, on peut se demander jusqu’à quel point ce processus du façadisme peut se développer et si l’image de la ville d’aujourd’hui perdurera. Aujourd’hui, étudiants du XXIème siècle, nous n’apprenons plus à faire de façade. Chaque architecte va avoir ses propres règles, sa propre vision de la façade tout en respectant le contexte réglementaire de la ville. L’architecte comprend la logique de préservation du paysage urbain mais va concevoir des façades à travers une démarche personnelle et inventive.

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BIBLIOGRAPHIE

Livres - Façadisme et identité urbaine, Editions du patrimoine, 1999, 384p - Histoire de l’architecture de l’antiquité à nos jours, Gympel, Jan, 1997 - Junkspace, la ville générique, Rem Koolhaas, Manuels Payot, 1995, 121p - L’allégorie du patrimoine, Françoise Choay, Editions du seuil, 1992, 272p - L’art décoratif d’aujourd’hui, Le Corbusier, 1925 - Le Paris du Baron Haussmann, Patrice de Moncan et Christine Mahout, Seesam, 2001, 415p - Ornement et crime, Adolf Loos, Rivages poche/Petite bibliothèque, 2003 - Paris détruit, du vandalisme architectural aux grandes opérations d’urbanisme, Pierre Pinon, Parigramme, 2011, 318p - Vers une architecture, Le Corbusier, Flammarion, 1995, 253p

Articles Façade et façadisme, Architecture intérieure, CREE, n°289,1959, Façade ou façadisme, D’A D’Architecture, N°91, mars 1999, p24 à 38 Le moniteur des travaux publics et du bâtiment, N°5188, 2 mai 2003

Sites internet www.contructalia.com http://www.dezeen.com/2011/05/27/las-arenas-by-rogers-stirk-harbourpartners/ http://www.arcspace.com/features/herzog--de-meuron/caixa-forum/ http://fr.wikiarquitectura.com/index.php/Caixa_Forum_Madrid

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ICONOGRAPHIE

Figure 1: http://viajesarquitectura.blogspot.fr Figure 2: http://www.aq.upm.es Figure 3: http://www.architecturetoday.co.uk Figures 4 et 5: www.todocoleccion.net Figure 6: Parthenon
Gyorgy Doczi, The Power of Limits: Proportional Harmonies in Nature, Art & Architecture. (Boston: Shhambhala, 2005) Figure 7: http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Versailles-FacadeJardin.jpg Figure8: http://5ko.fr Figure 9: http://www.taxi-nimesmetropole.fr Figure 10: http://www.aviewoncities.com Figure 11: http://fr.123rf.com Figure 12: photo prise par Artur Bogacki, plaza de españa Séville Figure 13: http://www.pss-archi.eu Figures 14 et 15: http://passagechoiseuil.canalblog.com Figure 16: http://www.lankaart.org Figure 17: http://www.lille-21eme-siecle.fr Figures 18 et 19: http://circarq.wordpress.com Figures 20 et 21: http://www.constructalia.com Figures 22 et 23: http://www.constructalia.com Figure 24: www.plataformaarquitectura Figures 25, 26, 28 et 29: http://www.dezeen.com Figure 27: http://www.pinterest.com Figure 30: http://www.only-apartments.fr Figure 31: http://es.wikiarquitectura.com Figure 32: http://www.detailsdarchitecture.com Figure 33: http://www.constructalia.com Figure 34: http://www.harboearch.com Figure 35: http://leluft.blogspot.fr Figure 36: http://www.encyclopedie-universelle.com

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GLOSSAIRE

Façadisme : « Rénovation d’un immeuble par destruction volontaire de structures internes et conservation de la seule façade, au profit d’un réaménagement intérieur motivé par un usage nouveau »1 . Rénover latin renovare : apporter des transformations profondes Réhabiliter latin habilitare : rendre apte, rendre ses droits Reconvertir latin convertere : s’adapter à de nouvelles fonctions Restaurer latin restaurare : remettre en bon état Restructure latin structurare : donner une organisation nouvelle Reconstruire latin construere : construire après démolition Cohérence : nous nous référons ici à la cohérence entre la forme, la fonction et la structure, du point de vue « morale » du mouvement moderne. Façade: élément de la ville et de son architecture, elle appartient à la fois à l’habitat (espace intérieur) et à l’espace urbain (espace extérieur). Elle est le lieu de transition entre ces deux espaces. Structure : éléments formants le squelette d’un bâtiment, participant à sa stabilité. Décor : élément indépendant de la structure et renvoyant seulement une image.

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Dinu Bumbaru, 1982, Le façadisme : le décors à l’envers ! et Less is decor ! Façadisme

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