piste de réflexion
par le Dr Gaétan A. Brouillard*
Une vision renouvelée de la santé Depuis quelques décennies, les problèmes de santé de la population nord-américaine se multiplient et semblent plus complexes à traiter. L’accroissement de la population et sa longévité donnent lieu à des processus chroniques où la santé s’estompe de plus en plus laissant derrière elle une piètre qualité de vie.
L
es Canadiens dépensent annuellement plus de 21 milliards $ en médicaments, ce qui représente 450 millions de prescriptions ! Une augmentation de plus de 7 % par an. Notre approche actuelle pour assurer une bonne santé n’est plus en mesure de faire face adéquatement aux dysfonctions et maladies chroniques causées par une société moderne férue de technologie, mais, hélas, produisant des xénotoxines nocives. La médecine et la biologie ont contribué activement à la compréhension de la physiologie et de la biochimie des différents organes du corps. Cela a permis une exploration détaillée du fonctionnement intime de ce dernier et a rendu possible la confirmation de diagnostics précis avec des solutions appropriées. Mais nous avons atteint un certain seuil dans le domaine purement physique et nous devons pénétrer le royaume de l’intangible en nous rapprochant du monde des causes. À près de 40 ans d’existence, le système de santé du Québec est une entreprise remarquable, mais qui demande à être repensée et restructurée. D’autant plus que nous évoluons dans un contexte où les conditions environnemen-
L’inflammation chronique : ennemi numéro un L’accent doit être placé sur le phénomène de la congestion cellulaire et de son élimination, car elle brouille la communication intercellulaire. La notion de désintoxication et de désinflammation est le premier jalon dans tout processus de rétablissement de la santé. L’inflammation aiguë est le premier signe d’alarme qui permet au corps de restaurer son intégrité, mais l’inflammation chronique est la source de la plupart des maladies chroniques. Les années à venir seront orientées vers le traitement de l’inflammation, cause initiatrice de cancers, de maladies cardiovasculaires, de maladies auto-immunes, de l’Alzheimer, du diabète, de l’ostéoporose, etc., plutôt que vers le contrôle ou le masquage des signes et symptômes.
tales ont changé dramatiquement et où les maladies chroniques occupent plus de 75 % des consultations en cabinet médical. Ce simple constat suppose que la majorité des dépenses sont dévolues à ce processus d’entretien. Si nous ne prenons pas un tournant radical vers la prévention et de saines habitudes de vie, la santé de la population risque de prendre un coup de vieux... Nous devons avoir comme nouvelle règle de regarder les maladies par la lorgnette des origines et des causes et non par celle des effets et des symptômes.
Un tournant Nous arrivons à un tournant précis de l’histoire de la médecine. Nous devons comprendre les dessous non seulement de la maladie, mais également ceux de la santé ! Nous devons réaliser que la plupart des maladies sont rarement le résultat d’un seul problème physiologique localisé à un seul organe. Cette situation demande une nouvelle approche clinique tant préventive que curative où le patient aura de plus en plus un rôle important à jouer pour se maintenir en santé. L’Organisation mondiale de la santé a répertorié plus de 12 000 maladies. Qu’en sera-t-il demain ? Autant de maladies, autant de remèdes et de médicaments, mais aussi autant de liaisons manquées entre toutes ces maladies et leurs causes profondes et souvent identiques au départ. La plupart des maladies présentent des dénominateurs communs. Elles ne sont que des effets différents partageant cependant les mêmes causes. Le corps humain participe à un immense réseau dont les communications métaboliques sont interdépendantes, et ce, dans des directions multiples. Il ne s’agit pas d’une simple voie métabolique qui fait défaut ou qu’il faudra freiner. Cette situation demande de nouvelles vision et compréhension d’un processus global. D’ailleurs, le concept même de maladie, pourrait-on dire, est un mot qu’utilise notre mental, mais qui n’a aucune connotation pour le corps lui-même. Par souci de simplification et de compréhension, la psyché humaine a tout divisé et séparé. Mais toute maladie n’est jamais simple et sans compromis avec le reste du corps. Toute altération métabolique influence à des niveaux et des directions multiples. Le syndrome métabolique en est un bel exemple et l’étude de ce syndrome nous montrera des solutions qui apporteront un soulagement à plusieurs « maladies » à la fois. Les médecines ancestrales s’exerçaient déjà avec une vision holistique. À cet égard, la médecine tibétaine est fondée sur les cinq éléments et toutes les modalités de traitement visaient la restauration et le maintien d’un juste équilibre entre les trois humeurs psychophysiologiques : air, bile et phlegme, tenant compte de
Il est plus important de connaître quel genre de personne souffre de cette maladie que de connaître la maladie de cette personne. – Dr Hans Selye
la personnalité, de la saison, de l’âge, du régime alimentaire, du mode de vie et de l’environnement physique du malade.
À la surface des choses Le nouveau défi de la médecine du 21e siècle sera justement de comprendre les mécanismes sousjacents au lieu de mettre l’étiquette « maladie » sur des symptômes. L’évolution croissante des connaissances médicales et pharmaceutiques face au corps humain nous a tout de même, avouons-le, laissé à la surface des choses. Que connaissons-nous de l’être mystérieux que nous appelons l’Homme ? Il faudrait une expertise plus complète et globale, tenir compte de notre environnement extérieur, regarder notre environnement intérieur, prendre conscience de nos attitudes, de nos pensées, de nos émotions, de nos expressions inhibées ou excessives, ainsi que du manque d’harmonie et d’ajustement entre la matière et l’esprit. Nous sommes rendus à la limite de ce que notre système de santé actuel peut nous apporter. Il faut redéfinir un nouveau paradigme de soins de santé. Être à l’écoute pour comprendre qu’il n’y a rien à retrancher ou à jeter, mais un modèle à transformer. Il faut investir dans la santé, mais pas de la manière dont nous avons agi depuis des décennies. Ce n’est pas de capitaux financiers énormes dont il s’agit, mais plutôt d’une réorientation des effectifs qui pourront soulager le fardeau financier actuel. Malheureusement, nous ne nous préoccupons de notre santé que le jour où nous tombons malades. Certes, cette santé avait commencé à décliner des mois auparavant, sinon des années. Aurions-nous pu reconnaître un verre quasi plein avant qu’une goutte de trop ne le fasse déborder ? Une médecine de coopération et d’unité La plupart des médecins n’ont pas été formés pour solutionner des problèmes chroniques et complexes. Qu’on prescrive de plus en plus d’analgésiques, d’antidépresseurs, d’antiacides, etc., témoigne de notre incompréhension et de notre manque de ressources. Plusieurs médecins peuvent perdre leur passion dans l’art d’exercer la médecine; les patients désenchantés se tourneront alors vers certaines thérapeutiques alternatives parfois futiles et risqueront de tomber sous l’emprise de fanatiques aux solutions supposément miraculeuses. La médecine de l’avenir sera une médecine de coopération et d’unité. Les médecins de demain devront avoir l’esprit ouvert et être prêts à adapter ce qui est nouveau
ou inhabituel et qui est validé professionnellement. Il est rassurant de constater que le Dr Jeffrey Bland, président de Metapronomic, a récemment rencontré les dirigeants américains sur la question de la santé nationale. Il a consacré plus d’une semaine avec les hauts dirigeants et sénateurs autant à la Maison Blanche qu’à
exige une approche dynamique pour prévenir et traiter les troubles complexes chroniques dont souffre la majorité de la population. Ces dysfonctions sont le résultat d’une interaction entre notre environnement, notre mode de vie et notre prédisposition génétique. L’individu devient donc l’aboutissement unique et complexe d’un amalgame issu des influences externes et de son propre milieu interne le maintenant en santé ou l’entraînant vers la maladie. La médecine fonctionnelle s’adresse d’abord au patient dans
Principes généraux de la médecine fonctionnelle Reconnaître l’individualité biochimique de chaque être humain. Favoriser une approche centrée sur l’individu plutôt que sur la maladie. Appuyer l’équilibre corps, mental et esprit. Se familiariser avec les interconnexions physiologiques. Promouvoir l’idée que la santé est plus qu’une absence de maladie. Prévoir une « réserve pour les organes » pour assurer une santé optimale jusqu’à un âge avancé.
« La médecine de l’avenir sera une médecine de coopération et d’unité. Les médecins de demain devront avoir l’esprit ouvert et être prêts à adapter ce qui est nouveau ou inhabituel et qui est validé professionnellement. » New York. Le Dr Bland est également le directeur scientifique de Metagenic et il a été le fondateur du renommé Institute for Functional Medicine (affilié avec Havard) et il est reconnu comme un chef de file international dans la médecine nutritionnelle depuis 30 ans. Pour la première fois de l’histoire médicale, on assiste à l’élaboration d’un plan de santé où tous les acteurs sérieux en santé sont entendus pour le futur plan de la réforme de la santé du président Obama.
toutes ses dimensions, qui va à la source d’abord, remonte à contrecourant, refait l’histoire de l’individu dans son environnement et qui élimine les causes plutôt que de traiter les symptômes. Le diagnostic n’est pas évincé, mais l’accent est mis sur la compréhension des processus qui ont généré la maladie. Notre « livre de la vie » est inscrit dans nos 23 chapitres (nos chromosomes) composés de nos gènes. Il est étonnant de réaliser que 98 % des gènes qui font l’être humain se retrouvent de façon identique chez... le chimpanzé. Ce n’est pas tant les gènes que leur expression qui crée la différence de structures. La médecine fonctionnelle peut changer l’évolution des maladies dites génétiques. Si nous ne pouvons changer la génétique, nous pouvons cependant modifier son expression. L’alimentation, les nutriments et le mode de vie peuvent moduler l’expression de la génétique (nous parlons d’instabilité génomique). Voilà une nouvelle vision de la médecine. Une porte vient de s’ouvrir : il s’agit de la communication intercellulaire entre la médecine nutritionnelle, la médecine environnementale et même la médecine physique et psychique.
La médecine fonctionnelle Si vous avez des questions Une approche intéressante dans ce ou si cette approche vous nouveau paradigme est la médeintéresse, veuillez cine fonctionnelle. Elle s’appuie communiquer avec : Dr Gaétan A. Brouillard, sur la biologie, c’est une médecine Clinique Santé Asclépius agréable, claire, accessible, prati450 661-4865 que et intéressante pour tout médecin à l’esprit ouvert. Elle s’adresse non pas à la maladie, mais aux * Médecin généraliste à Laval exerçant la médecine fonctionnelle et la thérapie de causes, au dysfonctionnement des la douleur chronique; chargé organes et aux altérations biochid’enseignement clinique à l’hôpital miques qui en découlent. Plus Maisonneuve-Rosemont. qu’une médecine intégrative, elle 8 juillet 2009 | L’actualité médicale | 31