Mallette pédagogique "Justice climatique" - Le guide de l'utilisateur

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guide de l’utilisatrice/teur

justice climatique


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dossier table des matières

Édito

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CNCD-11.11.11 Questions/réponses sur mallette pédagogique

Partie I : repères de campagne

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Présentation de la campagne en 3 minutes 1/ Environnement et développement : « Je t’aime, moi non plus » Où l’on verra qu’environnement et développement forment un couple, mais qu’il est en danger. Si nous réchauffons le climat depuis 1860, rien de sérieux n’est encore fait pour éviter les catastrophes qui s’en suivent et s’en suivront ! De Stockholm à Rio. – Au menu des Nations Unies (1972) – « Cocoyoc » versus « Coyotes » (1974) – Brundtland rapporte (1983) – Sommet de la Terre (1992) – Rio + 20 (2012)

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2/ Le climat, une urgence sans cesse reportée 12 Où l’on verra que progressivement, à l’instar de l’environnement, le climat aussi devient une préoccupation des Nations Unies, mais que, de conférences en sommets, la Communauté internationale ne semble pas prête à passer des paroles aux actes ! De Kyoto à Durban. – Création du GIEC (1988) – Protocole de Kyoto (1997) – En route vers Durban (2011)

Partie II : fiches de présentation et d’exploitation des 19 outils pédagogiques 7 outils « papier » ≥ 1. Jeu de rôles « Le climat change, et nous ? » – CNCD-11.11.11 ≥ 2. Photo-langage « Environnement et inégalités Nord-Sud » – Frères des hommes ≥ 3. Jeu d’images « La spirale des ressources » – Dynamo ≥ 4. Cartes à débat « Carrés genre et développement durable » – Le Monde selon les Femmes ≥ 5. Quizz : « Derrière l’écran. La face cachée du numérique » – Cellule Rise/CSC ≥ 6. Quizz « Les agrocarburants : FBI (Fausse Bonne Idée) ? » – Cellule Rise/FGTB ≥ 7. « Les Négociations Climatiques » SCI Projets Internationaux 8 outils « films-documentaires » ≥ 8. La malédiction des ressources /

26’ – CNCD-11.11.11 ≥ 9. De plein fouet : le climat vu du Sud /

52’ – CNCD-11.11.11 ≥ 10. Avis de tempête sur l’agriculture /

7’ – Entraide et fraternité 3/ Des ressources naturelles essentielles : focus sur la terre, l’eau et la forêt 15 Où l’on verra que les ressources naturelles sont au cœur du couple environnement – développement et qu’elles sont à réfléchir en termes de gestion durable et équitable, car si elles constituent toujours un enjeu économique, elles recouvrent aussi un enjeu social et environnemental. – Terre – Eau – Forêt 4. Comment passer à l’action dans le cadre de la campagne ? 27 Où l’on verra que la campagne 11.11.11 propose de passer à l’action, que ce soit en soutenant des actions de plaidoyer, en participant à des actions de sensibilisation, à des actions de soutien aux partenaires Sud… ou encore, en agissant ici et maintenant aux niveaux individuel ou collectif pour réduire son empreinte écologique. – Plaidoyer – Sensibilisation – Opération 11.11.11 – Agir ici et maintenant Effets de jeunes contre effets de serre Quelques références/sources bibliographiques/ internet pour aller plus loin

≥ 11. Une question de développement /

13’ – SOS Faim ≥ 12. La déforestation : si loin, si proche /

3’ – Greenpeace ≥ 13. La gestion environnementale des

déchets. Les solutions d’un Sud qui bouge / 9’ – Ingénieurs sans frontières ≥ 14. La era del buen vivir (Une nouvelle vision du bien-vivre des paysans mayas) / 52’ – Quinoa ≥ 15. Palestine, une terre privée de son eau / 11’ – CNCD-11.11.11 4 outils « internet » ≥ 16. « Le jeu de la ficelle » – Quinoa ≥ 17. « Pourvu que ça dure.

L’eau et l’empreinte écologique » Oxfam-Magasins du Monde ≥ 18. « Nous on se mouille » – Protos ≥ 19. « Carrefour du monde Bolivie » Oxfam-Solidarité


03 édito

Bonjour et

bienvenue !

Vous avez à vos côtés la mallette pédagogique qui accompagne la campagne 11.11.11 2011-2013. Vous avez entre les mains le guide de l’utilisateur. Nous vous en souhaitons évidemment une bonne lecture, mais aussi et surtout une très bonne utilisation ! Notre mallette offre des connaissances sur le Sud et les rapports Nord-Sud, mais aussi des pistes d’actions. Car à quoi bon prendre conscience des problèmes du monde si ce n’est pas pour essayer de l’améliorer concrètement ? Cette mallette s’inscrit dans le cadre de la campagne 11.11.11 pour la « justice climatique », à savoir une vaste campagne de sensibilisation sur le climat et les relations Nord/Sud. Cette campagne s’étalera de l’été 2011 à l’été 2013. Pour nous, le développement est non seulement un droit, mais également une nécessité pour le monde de demain ! Le développement doit être partagé, durable, juste… mais aussi et surtout construit avec les acteurs de terrain du Nord et du Sud, raison pour laquelle nous vous proposons, avec cette mallette, d’agir avec le Sud pour ne pas perdre le Nord ! Pour y arriver, une quinzaine d’acteurs belges de la solidarité internationale se sont mobilisés et ont réuni leurs compétences et expertises afin de vous proposer des outils pédagogiques liés à la campagne 11.11.11. La question de la justice climatique est intimement liée à celle de l’environnement et du développement. Pour mieux comprendre l’enjeu, la présente mallette s’est centrée sur trois ressources naturelles essentielles : la terre, l’eau et la forêt. C’est à travers la réalité concrète de ces ressources que sera résolument observé le binôme formé par l’environnement et le développement, binôme que certains intérêts économiques et courants de pensée refusent de reconnaître, la notion de développement recouvrant pour eux un contenu par trop « social ». Si, pour sa survie, l’Humanité entière dépend de la terre, de l’eau et de la forêt, ces ressources sont également l’outil de travail de nombreuses personnes à savoir, pour l’essentiel, des paysans. Ceux-ci représentent 40% de la population mondiale et vivent, pour les neuf dixièmes, dans les pays du Sud. Ce groupe est aussi le plus pauvre de la planète. Il constitue, pour nous, une priorité en termes de développement. Comme vous le découvrirez, tout porte à croire que ces ressources naturelles sont en quelque sorte aussi « maudites », tant elles sont, et continuent d’être, exploitées sans que les dividendes de leur exploitation ne retournent aux populations ! Alors que ces richesses partent vers les pays du Nord, les populations locales des pays du Sud restent dans la pauvreté. Comment dès lors défendre une gestion durable, participative et équitable de ces ressources ?


04 édito

Il y a aujourd’hui une urgence dans le domaine de l’environnement qui doit attirer toute notre attention: le dérèglement climatique. Les pays industrialisés de longue date, le « Nord », sont aujourd’hui responsables de 70% des gaz à effet de serre accumulés dans l’atmosphère et provoquant un réchauffement dangereux du climat. Les pays pauvres, qui n’ont quant à eux contribué que de très loin à cet effet de serre, en subissent pourtant les conséquences délétères : sécheresses prolongées, inondations plus fréquentes, insécurité alimentaire, etc. Le Nord a donc une « dette climatique » vis-à-vis du Sud ! Alors, allons-nous rester les bras ballants face à cette situation, non seulement injuste, mais également dangereuse pour toute l’Humanité ? La présente mallette poursuit donc le double objectif de partager des connaissances via une offre pédagogique large et variée, et des pistes d’action pour mettre la main à la pâte ! Elle est composée de 19 outils d’éducation au développement : 7 outils « papier », présents sous des formats différents, 8 films-documentaires de longueurs variables présents sur deux DVDs, et 4 outils téléchargeables via internet. Pour chacun de ces outils, vous découvrirez une brève fiche de présentation et d’exploitation sur laquelle seront mentionnées les coordonnées de l’organisation qui l’a produit, ainsi que des références pour aller plus loin. Ces 19 fiches figurent dans la partie II du présent manuel d’accompagnement de la mallette, tandis que la partie I fixe des repères théoriques et politiques pour la campagne 11.11.11 sur la justice climatique et analyse la façon dont environnement et développement sont étroitement liés. Cette partie I développe aussi différentes pistes d’action qui peuvent appuyer les missions du CNCD-11.11.11, et surtout démultiplier l’action de la campagne 11.11.11 avec votre concours ! Nous vous souhaitons une bonne utilisation de la présente mallette, et nous espérons pouvoir compter sur votre soutien tout au long de la campagne 11.11.11 ! Amitié et Solidarité

ARNAUD ZACHARIE, secrétaire général

ALEXANDRE SERON, responsable campagne


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© Ian MacKenzie

Le CNCD-11.11.11 Le Centre National de Coopération au Développement (CNCD-11.11.11) est la coupole des ONG de développement, des mouvements sociaux et d’éducation permanente en Belgique francophone et germanophone. C’est un lieu de coordination des réflexions et des actions en matière de solidarité internationale et de coopération au développement, au travers de 3 missions : – sensibiliser les citoyens belges aux enjeux de la coopération internationale et du droit au développement, grâce à une campagne thématique bisannuelle ; – interpeller les décideurs politiques pour promouvoir des règles internationales équitables et un monde plus juste ; – financer des projets et programmes de développement dans le Sud grâce à l’organisation annuelle de la récolte de fonds « Opération 11.11.11 » Pour aller à la rencontre des personnes et des projets soutenus en Amérique latine, en Asie et en Afrique, rendez-vous sur www.cncd.be/projets

Ecoles et CNCD-11.11.11 : un partenariat de sens Préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures est une des missions de l’école. Les relations Nord-Sud sont donc en soi intégrées dans les programmes scolaires, mais il arrive que les enseignant(e)s ne se sentent pas suffisamment outillé(e)s pour aborder les questions de solidarité internationale. Le CNCD-11.11.11, au travers de sa mission d’éducation au développement, peut, en collaborant avec les écoles, apporter une véritable expertise sur ces matières et participer ainsi à la formation des élèves.

Une approche éducative en trois axes – Le CNCD-11.11.11 développe des partenariats avec des écoles ou des enseignant(e)s dans une optique de processus à long terme, pour favoriser des changements d’attitudes et de mentalités en vue d’un monde meilleur. – Le CNCD-11.11.11 répond aux demandes d’animations ponctuelles diverses sur la campagne 11.11.11 en lien avec la mission de financement de partenaires, c’est-à-dire dans le cadre de la récolte de fonds. – Le CNCD-11.11.11 sensibilise et forme les enseignant(e)s aux questions Nord-Sud afin qu’ils puissent être le relais de ces sujets dans le cadre d’activités et de mises en projets avec leurs élèves.

De bonnes raisons pour une école de faire appel au CNCD11.11.11 – Pour son rôle de coupole pluraliste des ONG de développement, des mouvements sociaux et d’éducation permanente en Belgique francophone et germanophone, permettant ainsi une certaine cohérence du secteur. – Pour sa vision du développement qui se décline en 4 points cardinaux : l’accomplissement des droits humains fondamentaux, l’expansion de la démocratie, le respect de l’environnement et la diversité culturelle. Nous pouvons donc aider les élèves à devenir des citoyens critiques et responsables. Pour tout connaître de la Charte politique du CNCD-11.11.11 : www.cncd.be/charte – Pour ses compétences sur des thématiques Nord-Sud, qu’il propose de mettre au profit des écoles, dans le cadre des campagnes 11.11.11. © UN Photo / Tim McKulka


06 Mallette pédagogique Cette mallette pédagogique est un outil collectif « autoportant » permettant à son utilisateur de mettre en place des actions de sensibilisation autour des relations Nord/Sud et des enjeux de la campagne 11.11.11, tout en explorant des pistes d’action avec les jeunes.

Pourquoi ? Cette mallette vous permet de mener des actions de sensibilisation sur le thème « environnement et développement » en mettant en avant d’une part des constats et problématiques, et d’autre part des réponses et alternatives pour passer à l’action. Nous avons travaillé pour que les propositions soient complémentaires et variées, et, quand c’était possible, pour qu’elles puissent être mises en lien les unes avec les autres tout en variant les supports.

Quels mots clés ? Environnement, développement, forêts, eau, terre, changements climatiques, relations Nord-Sud, justice, transition, alternatives, adaptation.

Quels outils ? Les outils existent sous 3 formats : – 7 animations en version papier. – 8 documentaires sur 2 DVDs. – 4 outils téléchargeables sur internet.

Comment ? Ces actions de sensibilisation peuvent être menées de façon autonome par l’utilisateur. Pour ce faire, le guide de l’utilisateur sera un accompagnateur utile. Mais deux options complémentaires, à mettre en place en fonction des demandes, sont à souligner : a) des formations sur la mallette et sur un/plusieurs outils peuvent être organisées, b) des animateurs expérimentés peuvent être sollicités auprès des organisations qui vous proposent les outils.

Quels concepteurs ? Vous trouverez des propositions pédagogiques d’une quinzaine d’acteurs de la solidarité internationale, à savoir : Dynamo International, Entraide et Fraternité, Frères des hommes, Greenpeace, Ingénieurs Sans Frontières, Le Monde Selon les Femmes, Oxfam Magasins du Monde, Oxfam-Solidarité, Protos, Quinoa, SCI, SOS Faim, mais aussi la CSC et la FGTB, et enfin le CNCD-11.11.11.

Quels utilisateurs ? Cette mallette est destinée en priorité aux enseignants du secondaire supérieur, voire du supérieur universitaire ou non-universitaire. La pratique des mallettes précédentes nous a cependant permis de nous rendre compte qu’elles peuvent aussi servir à des animateurs hors cadre scolaire, que ce soit en maison de jeunes, maison de quartier, association d’accueil extra-scolaire, ou encore dans des mouvements de jeunesse. Merci à toutes celles/tous ceux qui y ont contribué de près ou de loin à la réussite de cette mallette, à savoir : Alain, Alexandre, Alice, Anaële, Anne, Antonella, Aurélie, Claudine, Corentin, Emma, Estelle, Géraldine, Hugo, Jan, Jonathan, Kasper, Lydie, Mathilde, Michel, Pascale, Roland, Séverine, Stefanie, Tania, Véronica, et Virginie.

Quels publics bénéficiaires ? Les différents outils peuvent être utilisés avec un public de jeunes ou d’adultes, de type 15 ans et +, dans un cadre scolaire secondaire, supérieur ou hors-école.

Plus d’infos ? www.cncd.be/mallette

Qui contacter ? education@cncd.be


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repères de campagne La campagne 11.11.11 se propose de construire avec vous un seuil de connaissances sur la « justice climatique » et plus spécifiquement sur l’enjeu « environnement et développement » au regard des relations Nord/Sud. Pour ce faire, nous commencerons par rappeler quelques balises importantes qui sont autant de repères institutionnels ou historiques, mais aussi et surtout politiques et internationaux. La campagne 11.11.11 pour la justice climatique en 3 minutes 1/ Le réchauffement climatique est aujourd’hui un fait incontestable et il n’y a guère de doute qu’il soit dû aux activités humaines. L’utilisation massive de pétrole, de gaz naturel et de charbon, la déforestation massive et l’agriculture intensive ont déjà réchauffé notre planète de près d’un degré et ce processus va continuer si nous ne faisons rien. 2/ Le problème, c’est que les principales conséquences de ces changements climatiques se font et se feront sentir dans les pays en développement, qui n’en sont pourtant pas responsables (les 4/5 des émissions de gaz à effet de serre ont été faites par les pays du Nord). Sécheresses, hausse du niveau des mers, famines, migrations massives pourraient se multiplier dans les décennies à venir. 3/ Face à ce constat, la justice climatique implique que les pays et les citoyens du Nord s’engagent vis-à-vis du Sud, en (A) adaptant leur consommation pour diminuer leurs émissions de CO2, en (B) soutenant financièrement et techniquement les pays du Sud pour les aider à faire face au changement climatique et (C) en mettant en place des mécanismes internationaux de lutte contre le changement qui respectent les droits des populations locales, notamment leur accès à l’eau, aux forêts (dont 1/3 de l’Humanité dépend directement pour sa survie) et à la terre.


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environnement et développement :

« je t’aime moi non plus » Environnement et développement forment un couple, mais il est en danger, et si nous réchauffons le climat depuis 1860, rien de sérieux n’est encore fait pour éviter les catastrophes qui s’ensuivent et s’ensuivront !

© UN Photo / Eskinder Debebe


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1/ environnement et développement

Si pour le CNCD-11.11.11 et ses membres, environnement et développement sont interdépendants, il n’en va pas de même pour certains gouvernements, en général ceux du Nord. Les rapports de forces qui s’exercent au sein des Nations Unies sont, à cet égard, édifiants ! Au final, le problème est aussi et surtout le passage manqué de la parole aux actes ! De Stockholm à Rio.

Au menu des Nations Unies (1972) À la fin des années soixante, alors que les pays industrialisés vivent l’apogée de la société de consommation de masse, la situation environnementale devient de plus en plus préoccupante. Les premières marées noires, les pluies acides, les essais d’armements nucléaires inquiètent et choquent. En même temps, à l’autre bout du monde, éclatent des famines et autres misères. C’est dans ce contexte que, en 1972, les Nations Unies organisent à Stockholm leur première Conférence sur l’environnement. Si pour les grandes puissances la Conférence devait s’en tenir aux questions purement environnementales, Indira Gandhi, Premier ministre de l’Inde, amènera une surprise. Elle parviendra à infléchir l’ordre du jour vers les préoccupations des pays en développement, et affirmera même que la pauvreté est la pire forme de pollution ! Certains principes édictés par la déclaration émanant de la Conférence pointeront clairement l’interdépendance entre développement et environnement. L’article 10 demande par exemple que le Nord rétribue mieux le Sud pour ses produits d’exportation afin qu’il puisse se développer et se donner les moyens de préserver l’environnement. Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, le PNUE, fut créé immédiatement après la Conférence. Sa mission est d’impulser, dans les pays membres, des politiques de sauvegarde de l’environnement, en les informant et en les aidant. Cependant, un courant parmi les experts des Nations Unies et certains gouvernements n’a pas voulu que le PNUE s’enferme dans les questions exclusivement environnementales.

« Cocoyoc » versus « Coyotes » (1974) Au-delà des avancées qu’il permit sur le plan strictement environnemental, comme la signature d’une série de conventions sur la protection des oiseaux, ou la création de réserves naturelles, le PNUE sera amené à mettre en place une réflexion qui intègre des préoccupations sociales. C’est ainsi qu’il organisera un colloque pour dresser la liste des facteurs économiques et sociaux qui entraînent une détérioration de l’environnement. Ce colloque a lieu en 1974 à Cocoyoc, au Mexique. La Déclaration de Cocoyoc, rédigée au terme de la rencontre, met en avant les notions de « limite interne » et de « limite externe » de la société humaine. Les droits humains fondamentaux comme manger, habiter, être instruit, etc. forment la limite interne. Si ces droits ne sont pas respectés pour tout le monde, la limite interne est alors dépassée. La notion de limite externe, quant à elle, vise le fait que l’activité humaine ne peut aller jusqu’à mettre en danger l’intégrité physique et biophysique de la planète. Un lien est ainsi fait entre développement – arriver à ce que les droits humains soient respectés pour tout le monde – et environnement. Or, nous dépassons sans cesse ces deux limites ! Pour les respecter à l’échelle du globe, il faut réviser la nature des relations Nord-Sud : selon la Déclaration de Cocoyoc, lutter contre le « sous-développement » des pays pauvres demande d’arrêter le « sur-développement » des pays riches. Affirmation plus que jamais pertinente ! Et la déclaration précise : « Nous avons besoin d’une redéfinition de nos objectifs, de nouvelles stratégies de développement, de nouveaux modes de vie et, notamment, parmi les riches, de modes de consommation plus modestes ». Nous sommes en 1974 ! La réponse des États-Unis à cette déclaration ne s’est pas fait attendre. Ha les « coyotes » ! Pour eux, le PNUE ne doit s’occuper que de dépollution, et non d’imaginer des modes alternatifs de développement économique et social! Il faudra attendre une dizaine d’années pour que les gouvernements se remettent à croire qu’il est important de penser développement et environnement ensemble.


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1/ environnement et développement

Vous avez dit développement durable ? Le terme « développement durable » est la traduction de « sustainable development », terme anglo-saxon qui désigne une notion proposée par le rapport « Notre avenir à tous » rédigé par la commission Brundtland en 1987. Ce rapport dit en substance que « l’humanité a la capacité de rendre le développement durable, de telle sorte qu’il puisse rencontrer les besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de rencontrer leurs propres besoins ». Le rapport fait allusion à la notion de développement qui prévalait jusque là, c’est-à-dire essentiellement une modernisation du monde fondée sur l’industrialisation. La notion de développement durable pose donc la question de l’épuisement des ressources naturelles, renouvelables ou non. Pêche-t-on par exemple trop de poissons ? Coupe-t-on trop de bois ? Pollue-t-on trop l’atmosphère, la terre, etc. ? La prise en compte des ressources naturelles, et de l’environnement en général, amène ainsi une notion de limite mais, selon le rapport Brundtland, l’évolution de la technologie et de l’organisation de la société peut néanmoins être façonnée de façon à mettre en place une nouvelle ère de croissance économique. Cette croissance doit surtout avoir lieu dans les pays où la majorité des gens sont pauvres, bien qu’elle doive être entraînée par la croissance des pays riches. Pauvreté et environnement sont également liés dans le sens où un monde dans lequel la pauvreté est massivement répandue est propice aux catastrophes écologiques. Le développement durable requiert par ailleurs que les populations riches adoptent des modes de consommation adaptés aux possibilités écologiques de la planète tandis que les rythmes de croissance des populations, surtout au Sud, doivent également y être adaptés. La notion de « développement durable » ne vise pas une situation idéale et en équilibre, mais plutôt un processus de changement. Ce processus n’est pas facile et il requiert des choix souvent douloureux. Il repose donc de façon incontournable sur une volonté politique.

Brundtland rapporte (1983) Les Nations Unies créent ainsi, en 1983, la Commission mondiale sur l’environnement et le développement. Dirigée par Madame Gro Harlem Brundtland, ancien Premier ministre de Norvège, cette commission procédera à des auditions dans le monde entier auprès de membres de gouvernements, de chefs d’entreprises, d’organisations internationales ou d’organisations de la société civile. La Commission remettra son rapport en 1987. L’intitulé « Notre avenir à tous », il restera dans l’histoire comme le « Rapport Brundtland ». Ce rapport fait date. Il constate que la pauvreté est à la fois l’effet et la cause de problèmes d’environnement mondiaux, et qu’il serait futile de s’attaquer à ceux-ci sans s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté et de l’injustice. Le rapport Brundtland affirme, entre autres choses, que la crise de la dette des pays du tiers-monde amène l’Afrique à surexploiter ses sols agricoles pour exporter des produits alimentaires afin de rembourser des créanciers étrangers, avec pour résultat la transformation de terres autrefois fertiles en déserts. Le rapport signale également que les politiques agricoles doivent changer, dénonçant par exemple l’agriculture intensive des pays riches, qui détruit le sol et pousse à l’exportation de produits agricoles bon marché. Ceux-ci ruinent, dans les pays pauvres, de nombreux agriculteurs traditionnels incapables de soutenir une concurrence aussi violente. Remarquons au passage qu’en 2011 cette situation n’a pas tellement changé ! Le Rapport avançait la notion de « développement durable » en le définissant comme le développement qui satisfait les besoins des générations présentes sans compromettre l’aptitude des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Il spécifiait toutefois que les dispositions institutionnelles nationales et internationales existantes ne pouvaient pas faire face aux exigences du développement durable ! Depuis, le concept de développement durable a fait couler beaucoup d’encre. Toujours est-il qu’il constitue un jalon dans l’histoire de la pensée sur les liens entre environnement et développement.


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1/ environnement et développement

Sommet de la Terre (1992)

Rio + 20 (2012)

Le Rapport Brundtland convainquit les gouvernements qu’il fallait renouer avec l’esprit de la Conférence de Stockholm de 1972 en relançant une réflexion qui intègre environnement et développement. Vingt ans après Stockholm, c’est-à-dire en 1992, on organise la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement. Elle a lieu à Rio de Janeiro et porte le nom de « Sommet de la Terre ».

À l’heure où nous écrivons ces lignes, le prochain Sommet de la Terre est en préparation. Il devrait se dérouler en mai 2012. Une Conférence « Rio + 10 » avait eu lieu à Johannesburg dix ans après Rio, mais elle s’était contentée de palabres sans conséquences pratiques. Un intervalle de vingt ans et un retour dans la ville de Rio permettront-ils de recréer un sommet qui comptera dans l’Histoire du développement et de la sauvegarde de l’environnement ? Il semble pour le moment que les entreprises multinationales soient en train d’en accaparer l’ordre du jour en cherchant à privatiser les enjeux tels que le climat, la biodiversité, les forêts ou le patrimoine génétique, et à en faire autant de marchés! Les mouvements sociaux, les syndicats, les mouvements paysans seront également au rendez-vous et tenteront, quant à eux, de faire valoir un point de vue différent. À suivre…

Rio 1992 permit certaines avancées. Citons parmi les plus importantes le fait que 150 pays créeront des institutions nationales relatives au développement durable1, qu’une Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques sera adoptée2 et qu’un recueil de directives concernant l’environnement et le développement pour le 21e siècle sera produit sous le nom d’« Agenda 21 ». Si le Sommet de la Terre fut un grand événement, les effets qu’on en attendait sur le plan des progrès sociaux et environnementaux furent plutôt décevants. L’Agenda 21 par exemple, aurait dû se décliner en milliers d’Agendas 21 locaux élaborés collectivement, or à ce jour on n’en compte que très peu. Le manque d’efforts de diffusion de l’Agenda 21 par les Nations Unies en est sans doute la cause. Au-delà de cet exemple, les recommandations du Sommet de la Terre furent généralement peu suivies. Elles allaient, en effet, trop à contre-courant de la réforme néolibérale qui à l’époque battait son plein. Le développement socialement incluant et respectueux de l’environnement n’est pas compatible avec le laisser-faire économique ! Si le Sommet de Rio 1992 n’a pas vraiment changé la face du monde, tel ne fut pas le cas de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) instituée trois ans plus tard. La construction de l’OMC, dont le but est la libéralisation du commerce mondial, s’est faite quant à elle dans l’indifférence la plus parfaite à l’égard du développement durable et de ses critères environnementaux et sociaux. Le commerce ne connaît ni la justice sociale ni le respect de l’environnement !

1/ En Belgique le gouvernement créera un Service public fédéral de programmation (SPP) Développement durable et mettra en place un organe de concertation multi-acteurs, le Conseil fédéral du développement durable (CFDD) où sont représentés différents corps constitués, comme les entreprises, les syndicats mais aussi les organisations non gouvernementales d’environnement, comme Greenpeace, ou de développement, comme le CNCD-11.11.11. 2/ Deux autres conventions sont à signaler : sur la biodiversité et la désertification.

Outil pédagogique en lien avec l’environnement : ≥ Photo-langage « Environnement et inégalités Nord-Sud » Frères des Hommes (FICHE 2)


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© UN Photo / Tim McKulka

2/ le climat,

une urgence sans cesse reportée Progressivement, à l’instar de l’environnement, le climat aussi devient une préoccupation des Nations Unies. Mais de conférences en sommets, la Communauté internationale ne semble pas prête à passer des paroles aux actes !

© UN photo Martine Perret


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2/ le climat

Si la Convention cadre sur les changements climatiques adoptée par les États à Rio en 1992 fut une avancée historique, elle n’en fut pas moins fort tardive. En 1957, des scientifiques avaient déjà donné l’alerte quant aux effets qu’aurait sur le climat le CO2 répandu dans l’atmosphère par les activités humaines. Ces effets étaient même connus du monde scientifique depuis 1896, lorsque le savant suédois Svante Arrhenius publia un article sur la question. Arrhenius pensait toutefois que le réchauffement du climat se ferait de façon extrêmement lente – sur des milliers d’années - et que globalement, ce réchauffement constituait plutôt un bienfait dans la mesure où il améliorerait les récoltes agricoles, ce qui est vrai au Nord… mais pas ailleurs ! De Kyoto à Durban.

Création du GIEC (1988) La communauté internationale sera donc extrêmement lente à prendre au sérieux le problème du climat et le long cortège de catastrophes en tous genres qu’il promet. Ce n’est qu’en 1979, soit une vingtaine d’années après l’alerte de 1957, que les Nations Unies organisent la première Conférence mondiale sur le climat. Celle-ci reconnait officiellement que les émissions de CO2 provenant des activités humaines pouvaient avoir un effet à long terme sur le climat. Quel progrès !

Dix ans plus tard, en 1988, le PNUE et l’Organisation météorologique mondiale créent le Groupe intergouvernemental des Experts sur l’Evolution du Climat, mieux connu sous le nom de « GIEC ». Le GIEC est une instance clé dans l’analyse scientifique du problème climatique et dans l’élaboration des recommandations sur les mesures concrètes à prendre. En Belgique sa figure de proue est le climatologue de l’UCL, Jean-Pascal van Ypersele, également vice-président du GIEC.

Protocole de Kyoto (1997) Nous sommes déjà en 1992 lorsque la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) est adoptée à l’occasion du Sommet de Rio. Elle mentionne, dans son article 2, qu’il faut « stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique1 dangereuse du système climatique ». Le même article mentionne qu’il faut atteindre ce niveau dans un « délai suffisant » pour que, notamment, la production alimentaire ne soit pas menacée ! C’est gentil d’y penser, mais on a réalisé si peu en termes de lutte contre le réchauffement du climat qu’aujourd’hui ces effets se manifestent déjà, en Afrique notamment! 1/ C’est-à-dire d’origine humaine.

L’atmosphère change ! Oui, l’atmosphère terrestre change. Elle se charge de dioxyde de carbone qui s’y accumule depuis la révolution industrielle du XIXe siècle et qui, avec d’autres gaz rejetés par l’activité humaine, renforce l’effet de serre. Le climat terrestre se réchauffe ainsi peu à peu. Le dioxyde de carbone (CO2) joue le rôle principal dans le renforcement de l’effet de serre, car il est rejeté massivement dans l’atmosphère par les activités humaines. La nature produit également du CO2, mais le réabsorbe. L’être humain, par contre, va chercher du carbone enfoui sous terre – le charbon, le gaz, le pétrole, en d’autres mots, les « énergies fossiles » – et le brûle à la surface du globe pour se chauffer, se déplacer, etc. En brûlant, ce carbone s’allie à l’oxygène de l’atmosphère pour former du CO2. L’effet de serre, indispensable à la vie (sans lui il ferait beaucoup trop froid), est un équilibre précaire dont une toute petite augmentation peut entraîner des conséquences incontrôlables. Or, il n’y a aujourd’hui plus de doutes à ce sujet : le climat se réchauffe ! La légère augmentation de sa température a déjà engendré, au cours des trente dernières années, une augmentation significative des vagues de chaleur – meurtrières pour les personnes âgées –, et des pluies violentes - qui provoquent des inondations, pour ne citer que quelques exemples.


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2/ le climat

Cinq ans plus tard, on arrive enfin à adopter, en 1997, le « Protocole de Kyoto », protocole nécessaire à la mise en œuvre de la CCNUCC. Bravo ! Mais cela ne suffit pas, il faut aussi que chaque État ratifie ce Protocole et qu’un quorum d’États signataires soit atteint pour qu’il entre en vigueur. Bref (si l’on peut dire), il faudra ajouter encore une petite dizaine d’années pour que « Kyoto » entre enfin en vigueur, en 2005. Le Protocole expirera en 2012. Mais il reste un petit « hic » : les États-Unis, premier pays pollueur au niveau mondial, refusent de ratifier le protocole… Ouf ! Que d’efforts ! Mais pour quoi au juste ? Le Protocole de Kyoto prévoit des mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais selon certains, elles sont dix fois insuffisantes comparé à ce qu’il faudrait réellement. Le GIEC luimême recommande des engagements beaucoup plus forts !

Des responsabilités à reconnaître ! En s’industrialisant au fil des XIXe et XXe siècles, les pays dits « développés » ont massivement utilisé les énergies fossiles. Ce fut le charbon au XIXe siècle et ensuite le pétrole et le gaz naturel au XXe siècle. Les pays d’Europe, d’Amérique du Nord et le Japon ont suivi cette voie, dégageant des quantités toujours plus grandes de CO2 dans l’atmosphère. Or, une fois que du CO2 est diffusé dans l’atmosphère, il y produit un effet de serre pendant une centaine d’années ! Ce sont donc les quantités de CO2 accumulées au fil des décennies qui renforcent peu à peu l’effet de serre, et pas ce qui est émis seulement sur une année. Les pays développés sont à l’origine du réchauffement climatique, même si depuis 2008, avec l’industrialisation de pays comme la Chine et l’Inde, le reste du monde produit plus de CO2 chaque année que les pays développés. Globalement, les pays développés sont responsables des 7/10 du réchauffement climatique, alors qu’ils ne représentent qu’1/5 de la population mondiale.

En route vers Durban (2011) Un demi-siècle s’est maintenant écoulé depuis l’alarme de 1957. Nous sommes en 2007, et la communauté internationale se penche sur « l’après-Kyoto » ce qui, au vu de la faiblesse du Protocole, n’est d’ailleurs pas une mauvaise chose. Cela se passe dans le cadre de la Conférence de Bali, une des conférences annuelles qui font le suivi du Protocole de Kyoto. On y adopte une « feuille de route » pour les négociations autours de « l’après-Kyoto ». Cette feuille de route définit 4 piliers dits « de Bali » : – La réduction des émissions de gaz à effet de serre par des mesures d’« atténuation » ; – La mise en place de mesures d’« adaptation » pour se prémunir contre les effets destructeurs des changements climatique d’ores et déjà inévitables; – Des transferts de technologies propres vers les pays en développement pour les aider à réduire leurs émissions et faciliter leur adaptation ; – La constitution des fonds nécessaires au financement des mesures précédentes. C’est sur base de cette feuille de route qu’un nouveau protocole succédant à celui de Kyoto aurait dû être signé à la conférence de Copenhague en 2009. Mais ce fut l’échec qu’on connaît ! À la conférence suivante, qui se déroule à Cancun en 2010, on n’y arrive pas davantage. Des avancées réelles à divers niveaux y sont cependant enregistrées, mais aucun progrès dans le domaine de la réduction des gaz à effet de serre! À l’heure où nous écrivons ces lignes, la conférence de Durban en 2011 semble s’orienter vers une simple « préparation » de la conférence suivante ! Faut-il rire ou pleurer ?

Outils pédagogiques en lien avec le climat : ≥ « Les négociations climatiques » – SCI Projets Internationaux (FICHE 7) ≥ « Le réchauffement climatique : une question de développement » – Entraide et Fraternité (FICHE11)


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des ressources naturelles essentielles :

focus sur la terre, l’eau et la forêt Les ressources naturelles sont au cœur du couple environnement – développement. Elles sont à réfléchir en termes de gestion durable et équitable, car si elles constituent toujours un enjeu économique convoité par les uns et les autres, elles recouvrent aussi et surtout un défi social et environnemental, défi que les changements climatiques viennent encore compliquer.

© UN Ky Chung


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Nous mangeons, nous buvons, nous nous vêtissons, nous nous meublons, etc. Nous avons des besoins, nous avons des envies, et nous essayons de les satisfaire. Il faut pour cela produire de nombreuses choses. Production et consommation assurent la survie de l’être humain sur terre et constituent ce que l’on appelle l’« économie ». Quand l’être humain est producteur, il peut exercer son travail dans des organisations grandes ou petites, puissantes ou modestes, ou encore travailler à son compte. Il peut aussi ne pas avoir de travail. Quand il est consommateur, il peut disposer d’un pouvoir d’achat grand, voire gigantesque, ou au contraire petit, voire insuffisant à sa survie. Comme on le voit, les forces de l’économie laissées à elles-mêmes ne garantissent pas la justice sociale, qui comme le voulait la « limite interne » de la Déclaration de Cocoyoc, ferait que tous les êtres humains voient leurs besoins fondamentaux satisfaits. On en est très loin : 1 milliard de personnes souffrent de la faim ! Les forces de l’économie seules ne garantissent pas non plus que l’on reste en deçà de la « limite externe » de Cocoyoc, c’est-à-dire que l’on produise et consomme sans épuiser la nature, donc en assurant la sauvegarde de l’environnement. On en est également très loin ! La terre, l’eau et la forêt sont trois ressources naturelles fondamentales dont nous dépendons. Or, elles sont en danger : la terre est de plus en plus polluée, l’eau se fait rare et la forêt primaire disparaît. Les changements climatiques viennent encore compliquer les choses en interagissant avec ces trois ressources fondamentales et ce de façon préjudiciable pour l’être humain. Une catégorie socioprofessionnelle pourrait garantir la sauvegarde de ces ressources et même aider à juguler les changements climatiques. Il s’agit des paysans. Cet immense pan de l’humanité, qui en représente 40%, est localisé pour ses 90% dans les pays en développement. Encore faut-il qu’ils soient décemment rémunérés pour le faire et qu’ils aient accès aux ressources nécessaires à leur travail : la terre, l’eau ou pour certains la forêt. Or ce n’est pas exactement ce qui se passe aujourd’hui. Si les agriculteurs belges, et européens en général, vivent une situation de plus en plus difficile, les paysans des pays en développement forment, quant à eux, la catégorie socioprofessionnelle la plus pauvre au monde : ils représentent 70% des cas de sous-alimentation ! Un paradoxe. On ne peut donc pas parler de rémunération décente ! Nombre d’entre eux, comme on le verra, sont aussi privés des ressources naturelles nécessaires à leur travail : exclus de la terre, spoliés de l’eau, chassés de la forêt. Le soutien, la défense et le développement des petits agriculteurs est un impératif social prioritaire vu l’ampleur du problème. Mais c’est également un impératif écologique, vu le rythme auquel la nature se dégrade, climat y compris. C’est encore un impératif écologique sur le plan urbain dans le sens où la croissance monstrueuse des « bidonvilles » des agglomérations du Sud est alimentée, pour l’essentiel, par des paysans quittant les campagnes, la profession d’agriculteur étant devenue impossible. Cet « exode rural » concerne chaque année 50 millions de paysans dans le monde. Le réduire est un enjeu essentiel pour une meilleure gestion de l’environnement urbain. C’est non seulement une question d’environnement, mais c’est aussi et surtout une question de développement !


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terre Aspects sociaux Agriculteurs et agricultrices qui travaillent la terre dans les pays en développement forment la catégorie socioprofessionnelle la plus pauvre. Les problèmes de sous-alimentation qui règnent chez eux constituent un fait inadmissible, une injustice sociale, car il y a assez de ressources sur terre pour pouvoir nourrir tout le monde. Une large part de la population urbaine des pays du Sud souffre également de problèmes alimentaires comme on a pu le voir ces dernières années suite aux augmentations brusques des prix alimentaires. Chez nous aussi, les fluctuations de prix, toujours à la hausse, se font sentir dans le portefeuille des ménages, en particulier celui des couches les plus démunies de la population. Les fluctuations de prix ayant lieu au Sud sont cependant plus violentes qu’au Nord.

Aspects économiques Plusieurs types d’agricultures coexistent. L’agriculture intensive, pratiquée dans les pays industriels et de plus en plus dans les pays émergents, utilise d’importants moyens mécaniques et chimiques, et de plus en plus des semences génétiquement modifiées. Elle existe aussi, mais dans des proportions encore réduites, dans toute une série de pays en développement. Cette agriculture est souvent mise en œuvre dans les pays du Sud par des acteurs économiques locaux puissants, des multinationales ou encore des sociétés mixtes à capital local et multinational. Elle se pratique dans des exploitations agricoles dont la taille est fortement variable. Les acteurs économiques puissants ont des monocultures s’étalant parfois sur des dizaines, voire de centaines de milliers d’hectares. Ces exploitations produisent en grande partie pour l’exportation. Face à ces grands acteurs économiques, il en existe d’innombrables petits. Ceux-ci peuvent pratiquer une agriculture plus ou moins « moderne ». Les plus modernes d’entre eux sont ceux qui ont appliqué les méthodes de la « révolution verte ». Cette « révolution », lancée dans les années soixante, visait à augmenter les rendements agricoles pour lutter contre les famines. Elle fut diffusée principalement en Asie et Amérique latine. Ce type d’agriculture se fonde sur l’usage d’un « package » technologique comprenant semences à haut rendements, pesticides et engrais chimiques. Elle consomme de grandes quantités d’eau, ce qui nécessite l’irrigation des terres cultivées.

© Tomas de Mul IRIN 2009


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Enfin, la grande majorité de celles et ceux qui travaillent la terre dans les pays du Sud le font de façon traditionnelle, sans aucuns apports chimiques ni mécaniques. Les plus chanceux d’entre eux ont des animaux de trait, mais beaucoup sont tellement pauvres qu’ils doivent faire tout le travail à la main ! Un match inégal Différents acteurs économiques sont donc de plus en plus mis en concurrence, notamment à cause du développement du commerce international des produits agricoles. Cette mise en concurrence concerne des pays qui n’ont pas le même pouvoir commercial, alors que l’OMC cherche à ôter à tous les « obstacles » au commerce (comme les droits de douane), alors que ces obstacles représentent pour certains un moyen de protection nécessaire à leur survie. Les petits agriculteurs se retrouvent ainsi confrontés à la concurrence insoutenable de certains produits importés chez eux, pareils aux leurs, mais bien meilleur marché car issus de l’agriculture intensive, souvent subsidiée. Il s’agit par exemple du maïs étatsunien, du poulet d’élevage intensif européen ou brésilien, des tomates italiennes qui arrivent en Afrique. La confrontation avec l’agriculture intensive, quasi « industrielle » ruine la plupart du temps les petits agriculteurs, les oblige à abandonner l’agriculture et constitue une des causes de l’exode rural. Une autre cause réside dans le fait que pour développer des grandes exploitations d’agriculture intensive, il faut chasser les petits paysans qui se trouvent déjà sur les terrains convoités. En général, ces paysans doivent alors vendre leurs terres, souvent pour un prix dérisoire, et sous la menace. Ce genre de tractations fait souvent fi des droits de l’Homme ! Ce que le Nord veut… Ce sont souvent les besoins des consommateurs des pays industriels disposant d’un plus grand pouvoir d’achat mais aussi les choix des distributeurs dans ces mêmes pays qui définissent ce qui sera cultivé en grandes monocultures dans les pays du Sud. Notre désir de café, de cacao, de bananes, d’ananas, etc. a défini depuis longtemps ce qui serait cultivé dans les « plantations ». Aujourd’hui les « agrocarburants », carburants d’origine végétale, constituent une nouvelle grande demande des pays industriels. Anticipant progressivement la fin des réserves terrestres de pétrole et voulant réduire l’usage de combustibles fossiles afin de lutter contre les changements climatiques, les gouvernements des pays

du Nord se tournent vers les agrocarburants (sans que soit remis en cause le fait qu’on utilise peut-être trop les véhicules à moteur !). Suite à une directive européenne par exemple, un agrocarburant sera mélangé au carburant habituel, tiré du pétrole, à concurrence de 1/10 de son volume d’ici 2020. L’Europe n’étant pas à même de produire tous les agrocarburants dont elle a besoin, son choix a immédiatement des répercussions sur des paysans à l’autre bout du monde. Selon une organisation d’agriculteurs touchés par la production d’huile de palme destinée à l’agrodiesel en Indonésie, « les décisions prises en Europe en matière d’agrocarburants ont des conséquences directes sur des millions de personnes en Indonésie. Dans leur course folle, les puissants producteurs d’huile de palme n’hésitent pas à chasser les communautés des terres qu’elles cultivent depuis de nombreuses générations… Si rien ne change, les pauvres seront de plus en plus nombreux et toutes les terres termineront dans les mains de quelques-uns. ». En Colombie, en ce qui concerne la demande étrangère d’agrocarburants, l’effet est le même, mais on opère dans un style un peu différent : on massacre par-ci par-là des paysans afin de créer un climat de terreur. On exige ensuite des autres qu’ils vendent leurs terres, en général à bas prix, en leur rappelant la menace qui pèse sur eux : « si tu ne me vends pas ta terre, je l’achèterai à ta veuve ! ». Les forces de l’économie ne s’embarrassent pas de considérations « sociales »… Manger ou rouler ! Si l’être humain exploite traditionnellement la terre pour se nourrir et se vêtir (coton, lin, laine, etc.), la demande d’agrocarburants constitue une nouvelle pression sur les marchés agricoles. En 2007, près de cent millions de tonnes de grains ont été transformées en agrocarburants, alors qu’à l’époque près d’un milliard de personnes souffraient de la faim ! Pour la fabrication des agrocarburants, on utilise aujourd’hui diverses matières premières d’origine agricole, comme les maïs, le soja, la betterave sucrière, la canne à sucre, l’huile de colza, les fruits du palmier à huile, etc. Les États-Unis et le Brésil sont les deux plus grands producteurs. La demande d’agrocarburants est une demande nouvelle qui s’ajoute à la demande habituelle pour ces produits, et en fait donc monter le prix. L’impact sur les populations démunies s’est vu clairement lors des émeutes de la faim qui ont eu lieu dans de nombreux pays du Sud en 2008 et 2009. Pour Jean Ziegler, qui à l’époque était rapporteur de la Commission des droits de l’Homme des Nations-Unies pour le droit à l’alimentation, « la fabrication de biocarburants est un crime contre l’Humanité ». Faudra-t-il à l’avenir choisir : rouler ou manger ?


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Aspects environnementaux Le secteur agricole est responsable de 14% des émissions de gaz à effet de serre. L’agriculture intensive y participe notoirement. En effet, les engrais azotés qu’elle utilise produisent, une fois répandus sur les champs, un gaz ayant un effet de serre 300 plus fort que le CO2. La production desdits engrais nécessite par ailleurs l’usage d’énergies fossiles qui diffusent de grandes quantités de CO2 dans l’atmosphère. L’élevage, quant à lui, diffuse du méthane dans l’atmosphère, un autre gaz à effet de serre qui provient de la digestion des ruminants. L’agriculture intensive, si elle permet de produire des aliments bon marché, a donc un coût écologique important. Celui-ci est encore plus grand si on prend en compte d’autres détériorations qu’elle engendre, comme la pollution des nappes phréatiques, l’érosion des sols, la réduction de la biodiversité et de la fertilité de la terre. Face à la pollution occasionnée par certaines cultures d’agrocarburants, on est en droit de se demander s’il n’est pas moins polluant de continuer à utiliser des énergies fossiles. Si elle contribue aux changements climatiques, l’agriculture en subit aussi les conséquences, avec toutes les répercussions que cela peut avoir en termes de sécurité alimentaire pour l’être humain. D’après les projections du GIEC, le réchauffement climatique augmentera de façon quasi certaine les sécheresses et les inondations dans la zone intertropicale, ce qui affectera profondément la production agricole. Dans de nombreux pays d’Afrique l’accès à la nourriture sera sérieusement compromis et les famines deviendront de plus en plus courantes. Il en sera de même dans certaines régions d’Amérique latine et d’Asie. Des variétés végétales essentielles à l’alimentation humaine ne pousseront plus dans certaines régions déjà très chaudes et où la température a déjà augmenté de 1 degré. C’est le cas du riz en Inde ou de certaines céréales en Afrique.

Le droit de posséder la terre à titre individuel, c’est-à-dire « privé », n’est pas nécessairement un droit naturel. Dans de nombreuses sociétés à travers l’Histoire, la terre était le patrimoine de toute la communauté et son usage agricole était attribué aux familles selon des règles précises garantissant l’équilibre de la société. Chez certains peuples, la terre appartenait aux dieux et aux ancêtres et ne pouvait dès lors pas faire l’objet d’un commerce entre les êtres humains. Aujourd’hui, de tels modes d’attribution de la terre existent toujours dans certaines régions du monde. Les sociétés dont l’équilibre repose sur un mode de gestion collectif du sol ont le droit de maintenir ce mode de gestion. Mais ce n’est pas le point de vue d’institutions internationales comme la Banque mondiale ou le FMI. La notion de « souveraineté alimentaire », élaborée par la Via Campesina, mouvement mondial des paysans du Nord et du Sud, vise le fait que chaque population puisse se nourrir et, pour ce faire, peser dans les choix des politiques agricoles et alimentaires de sorte que le droit à l’alimentation soit partout respecté. Dans le cadre des rapports Nord-Sud déséquilibrés, souvent soumis au joug des institutions internationales dirigées par les pays du Nord, comme le FMI et la Banque mondiale, l’enjeu pour les pays du Sud est de pouvoir récupérer leur « souveraineté » en ce qui concerne leur agriculture. Ils devraient pouvoir définir eux-mêmes leurs politiques agricoles, sans ingérence de la part d’institutions extérieures. Cette souveraineté doit pouvoir se traduire, entre autres, par le droit, pour les nombreux petits agriculteurs des pays du Sud, d’être protégés contre les importations de produits bon marché dont la concurrence annihile l’activité économique locale. Face aux grands projets d’agriculture intensive, dont le développement est souvent aidé par l’État (qui construit les routes et les installations portuaires pour l’exportation par exemple), l’agriculture familiale devrait pouvoir jouir, elle aussi, de soutiens pour son développement.

Question de droits La mondialisation de l’économie renforce le fait que la possession de la terre a tendance à concentrer dans les mains d’un groupe toujours plus restreint de grands propriétaires (qui de ce fait deviennent de plus en plus grands). Face à cette tendance, il y a lieu d’opérer des arbitrages. Tel est le but des « réformes agraires », qui doivent permettre de rétablir un équilibre en offrant des parcelles de terre correctes aux petits exploitants, et en en restituant aux « paysans sans terre ».

Ce qu’il faut faire Le soutien aux petits agriculteurs est un impératif de justice sociale mais il permet aussi de rencontrer un impératif environnemental majeur. Pour autant qu’ils soient rémunérés décemment pour leur travail et formés à des méthodes de culture respectueuses de l’environnement, les paysans peuvent être les gardiens des trois ressources fondamentales que sont la terre, l’eau et la forêt. Celles-ci représentant leurs moyens d’existence, ils n’ont pas tendance à les


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détruire. Au contraire, ils sont soucieux, en tant qu’acteurs économiques, de préserver leurs moyens de production, pour eux et pour leurs descendants. Les petits producteurs impliqués dans la « révolution verte » l’ont souvent été malgré eux et ont vu en direct comment ces technologies ont pu détériorer leurs terres ainsi que leur santé. Si aujourd’hui ces méthodes de culture, couplées aux OGM, continuent d’être prônées, c’est sous l’égide du lobby des multinationales de l’agrobusiness infiltrées partout dans le monde. La FAO (Food and Agriculture Organization) a mené l’une des plus vastes études scientifiques jamais réalisées, faisant appel à la collaboration de 400 scientifiques issus de divers pays. Elle a permis de démontrer qu’on pouvait nourrir l’ensemble de l’Humanité, compte tenu de son évolution démographique, c’est-à-dire une stabilisation de la population mondiale autour de 10 milliards d’êtres humains vers 2050. De plus, cet objectif est parfaitement réalisable sur base d’une agriculture multifonctionnelle, durable et respectueuse de l’environnement. Même si aujourd’hui la production d’agroénergies (gaz, éthanol, agrodiesel, etc) est, comme on l’a vu, problématique, elle pourrait évoluer et constituer une source valable d’énergie pour le futur. L’agroénergie ne pourrait toutefois pas à elle seule remplacer les énergies fossiles, et d’autre énergies douces restent nécessaires. Il faudra de toute façon apprendre à limiter nos besoins, à changer en profondeur notre modèle de consommation et à utiliser plus efficacement les produits énergétiques. La possibilité d’utiliser les synergies entre différentes cultures et élevages à l’intérieur de systèmes intégrés où sont produits à la fois aliments et agroénergies est tout à fait possible. De telles entités pourraient créer des emplois ruraux tout en respectant les critères du travail décent. La production intégrée d’aliments et d’agroénergies permet d’éviter que des terrains qui pourraient servir à produire des aliments soient accaparés par la production d’agrocarburants, les déchets de certaines productions devenant les matières premières des suivantes, etc.

Terre

≥ synthèse – Les personnes vivant du travail de la terre représentent presque la moitié de l’Humanité. – Elles vivent pour les 9/10 dans les pays en développement et sont souvent très pauvres. – Elles font partie de la réponse sur l’enjeu pour l’environnement – y compris pour ce qui est du climat – car elles pourraient, si elles étaient soutenues, préserver l’environnement par des méthodes agricoles durables. De taille familiale, cette agriculture préserve la biodiversité. – L’agriculture intensive à grande échelle produit à bon marché mais avec de lourds coûts écologiques qu’on paie(ra) par ailleurs. Elle émet des gaz à effet de serre. Faisant concurrence aux petits paysans, elle ruine ceux-ci et les chasse de leurs terres. – La lutte contre le réchauffement climatique et l’anticipation de la fin du pétrole provoque une nouvelle poussée de monocultures pour produire des agro-carburants. – Le développement des agro-carburants provoque la hausse des prix agricoles, donc des produits alimentaires, et provoque des famines dans les pays pauvres.

Outils pédagogiques en lien avec la terre : ≥ Jeu de rôles « Le climat change, et nous ? » – CNCD-11.11.11 (FICHE 1) ≥ Cartes à débat « Carrés genre et développement durable » le Monde selon les Femmes (FICHE 4) ≥ Quizz « Les agrocarburants : FBI (Fausse Bonne Idée) ? » Cellule Rise FGTB (FICHE 6) ≥ « Avis de tempête sur l’agriculture » – Entraide et Fraternité (FICHE 10) ≥ « La era del buen vivir (une nouvelle vision du bien-vivre des paysans mayas) » – Quinoa (FICHE 14) ≥ « Le jeu de la ficelle » – Quinoa (FICHE 16) ≥ « Carrefour du monde Bolivie » – Oxfam-Solidarité (FICHE 19)


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eau Aspects sociaux Dans les pays riches, le consommateur ne perçoit pas l’eau comme un problème. Moyennant le paiement d’une facture, on ouvre le robinet, on la fait couler à volonté, et elle est parfaitement potable. Pas loin de chez nous cependant, dans les pays d’Europe de l’Est, l’accès à l’eau est déjà problématique pour une frange de la population. La proportion d’habitants n’ayant pas accès à l’eau potable dans les pays en développement est, quant à elle, très importante : 15% en Amérique latine et en Inde, 25% en Chine, et 45% en moyenne dans les pays d’Afrique subsaharienne. Les problèmes de santé liés à l’eau de boisson sont en général aussi liés au fait que les habitants ne jouissent pas de système valable d’évacuation des eaux usées, et que cellesci contaminent l’eau de boisson. Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), les insuffisances en termes d’eau potable et d’assainissement tuent 1.800.000 enfants chaque année !

Aspects économiques Selon l’Organisation mondiale de la santé, tout être humain a besoin de 20 à 50 litres d’eau potable par jour. Actuellement, 2 milliards de personnes vivent en deçà de cette norme. Or il y a, selon le PNUD, assez d’eau douce dans le monde pour pouvoir offrir 20 litres d’eau potable à chaque être humain. Ce qui manque dans beaucoup de pays en développement, ce n’est pas tellement l’eau, mais plutôt les ressources financières pour la construction des infrastructures de distribution. Globalement, les villes des pays en développement comptent 60 millions d’habitants supplémentaires chaque année, habitants dont la très grande majorité provient de l’exode rural. Or rien n’est fait pour accueillir ces nouveaux arrivants. Ceux-ci construisent des bidonvilles sans que les autorités municipales n’aient les moyens de leur fournir des infrastructures de distribution d’eau et des égouts pour l’évacuation des eaux usées. D’où les problèmes si répandus des maladies liées à l’eau. Dans certaines régions, l’eau est très abondante mais les moyens financiers manquent aux pouvoirs publics pour pouvoir offrir un accès à l’eau à la population. En République démocratique du Congo, plus de la moitié de la population n’a pas accès à l’eau potable alors qu’un des plus grands fleuves du monde parcourt le pays. Les ressources en eau du Congo © UN Photo / Ky Chung 2008


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3/ des ressources naturelles essentielles eau

pourraient même être diffusées vers d’autres pays d’Afrique. Dans d’autres régions, l’eau commence réellement à manquer et on se met à puiser dans les nappes phréatiques au point qu’elles ne peuvent plus se reconstituer. C’est le cas par exemple en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Où va l’eau ? Au cours du XXe siècle, à l’échelle mondiale, l’utilisation d’eau douce a augmenté deux fois plus vite que la population. Comment est-ce possible ? Cette croissance deux fois plus rapide est due au développement de l’agriculture irriguée et de l’industrie. À l’échelle mondiale, l’agriculture est la grande championne en termes de consommation d’eau. C’est elle qui en accapare la majeure partie, à savoir les deux tiers ! Il s’agit de l’agriculture irriguée par des canaux ou arrosée par des jets d’eau pompée dans les rivières. Vient ensuite l’industrie, qui en consomme un cinquième. Et enfin l’être humain qui, pour ses besoins domestiques, n’en a besoin que d’un dixième. On prévoit qu’en 2025 la majeure partie de la population mondiale vivra dans des zones où il y aura pénurie d’eau. Les ressources en eau sont cependant mal utilisées. On estime que 60% de l’eau prélevée sont aujourd’hui perdus à cause de fuites dans les circuits de distribution et d’inefficacités dans ses usages agricoles. Dans l’agriculture irriguée, moins de la moitié de l’eau utilisée est réellement utile, et ce à cause des fuites dans les canaux et de l’évaporation. Tensions autour de l’eau Les petits agriculteurs, qui comme on l’a vu sont nombreux, éprouvent de plus en plus de difficultés à se procurer l’eau nécessaire à l’agriculture, car celle-ci est captée par des acteurs beaucoup plus puissants qu’eux, comme les propriétaires de grandes monocultures d’agriculture intensive – qui produisent souvent pour l’exportation – ou encore ceux de l’industrie, en ce compris l’industrie touristique. L’accès à l’eau devient de plus en plus un rapport de forces entre acteurs économiques, au désavantage bien entendu des petits agriculteurs pour qui bien souvent l’agriculture cesse d’être rentable, ce qui les amène à grossir encore l’exode rural.

Aspects environnementaux Si l’accès à l’eau devient de plus en plus difficile en raison de la croissance démographique – qui a lieu principalement dans les pays en développement –, il le sera également dans diverses régions du monde à cause des changements climatiques. Ceux-ci provoqueront l’augmentation des précipitations et du débit des cours d’eau dans certaines régions, et leur réduction dans d’autres. Si la Chine et l’Asie du sud-est recevront plus d’eau, le pourtour de la Méditerranée, le MoyenOrient, le sud et l’ouest de l’Afrique en recevront moins. Une part importante des deux milliards de personnes n’ayant actuellement pas accès à une eau ni à des installations sanitaires correctes vit dans des régions arides ou semi-arides. Le réchauffement climatique rendra leur situation encore plus difficile, non seulement à cause du manque d’eau, mais aussi de l’accélération de la transmission des maladies liées aux eaux polluées. La baisse des précipitations affectera l’agriculture non irriguée dans les régions tropicales et subtropicales, par exemple en Afrique, entraînant des baisses de rendement qui auront un impact en termes de famines. Le nombre de personnes souffrant de la faim pourrait augmenter de plusieurs centaines de millions d’ici 2080 à cause du réchauffement climatique, particulièrement en Afrique. Si on n’agit pas pour freiner le réchauffement climatique, il y aura également plusieurs centaines de millions de personnes supplémentaires qui manqueront d’eau potable avant la fin du siècle.

Question de droits Au-delà du problème climatique, l’eau se raréfie, comme on l’a vu, à cause de la croissance démographique et de l’industrialisation (en ce compris l’agriculture). Face à cette rareté croissante ainsi qu’au manque de justice dans la distribution de l’eau, la question de faire de celle-ci un droit universel est débattue depuis une quinzaine d’années.


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3/ des ressources naturelles essentielles eau

L’Assemblée générale des Nations Unies a reconnu ce droit en juillet 2010. Le texte, voté par 122 pays (et 41 abstentions) « déclare que le droit à une eau potable propre et de qualité et à des installations sanitaires est un droit de l’Homme indispensable à la pleine jouissance du droit à la vie ». Ce qu’il faut faire Une part très conséquente de l’eau puisée par l’être humain est gaspillée en fuites dans les canalisations et en inefficacités dans l’agriculture. Une meilleure gestion technique de l’eau est donc nécessaire. Dans l’agriculture irriguée par exemple, des systèmes de « goutte-à-goutte » permettent d’économiser jusqu’à 70% de l’eau utilisée selon les cas, tout en augmentant très nettement la récolte. Cette conversion implique toutefois des coûts importants. Très souvent, dans les pays du Sud, les pouvoirs publics n’ont pas les moyens de permettre l’accès de tout le monde à l’eau potable, ce qui est cependant devenu un droit universel que l’État doit réaliser. Il faut dès lors que la solidarité internationale prenne le relais et que les pouvoirs publics du Nord aident ceux du Sud à garantir l’accès de tous les citoyens à l’eau potable et à des installations sanitaires correctes.

eau

≥ synthèse – L’accès à l’eau potable et à des sanitaires corrects manque respectivement à 900.000 et 2,6 milliards d’êtres humains. Chaque être humain a besoin au minimum de 20 litres d’eau potable par jour pour survivre. – Dans de nombreux pays en développement, c’est davantage les moyens financiers pour amener l’eau potable aux populations qui pose problème, plutôt que le manque d’eau. – La croissance démographique exerce une pression sur l’eau dans certaines régions, mais le développement de l’agriculture intensive irriguée et celui de l’industrie également. – L’agriculture utilise 2/3 de l’eau prélevée, l’industrie 1/5 et les usagers domestiques 1/10. – Les petits agriculteurs sont de plus en plus spoliés de l’eau nécessaire à leurs cultures par les grands acteurs, tant agricoles qu’industriels. – Une grande partie de l’eau est gaspillée à cause des fuites dans les canalisations et des systèmes d’irrigation dans l’agriculture.

Outils pédagogiques en lien avec l’eau : Mais au-delà de la solidarité, les options prises dans les projets d’accès à l’eau ne sont pas innocentes. Ainsi, le choix de confier la gestion de l’eau à des multinationales occidentales dans un grand nombre de mégalopoles du Sud (Manille, Buenos Aires, Casablanca…) tout au long des années 1990 a entraîné des conséquences pas toujours sympathiques pour leurs habitants. Ces entreprises investissent en effet là où elles peuvent faire du bénéfice, à savoir prioritairement dans les quartiers riches… et tant pis pour les pauvres ! Donner l’accès à l’eau n’est donc pas uniquement un choix technique, il a des conséquences sociales majeures pour les populations du Sud.

≥ Jeu de rôles « Le climat change, et nous ? » – CNCD-11.11.11 (FICHE 1) ≥Cartes à débat « Genre et développement durable » le Monde selon les Femmes (FICHE 4) ≥ « De plein fouet : le climat vu du Sud » – CNCD-11.11.11 (FICHE 9) ≥ « Palestine, une terre privée de son eau » – CNCD-11.11.11 (FICHE 15) ≥ « Pourvu que ça dure. L’eau et l’empreinte écologique » Oxfam-Magasins du Monde (FICHE 17) ≥ « Nous on se mouille » – Protos (FICHE 18)


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forêt Aspects sociaux

© UN Photo / Eskinder Debebe

Des millions de personnes habitent dans les forêts anciennes de la zone intertropicale. Elles vivent de la chasse et de la cueillette, ou encore de formes adaptées d’agriculture complétée par celles-ci. La forêt équatoriale en République démocratique du Congo, par exemple, compte 40 millions d’habitants. Elle représente une ressource alimentaire et médicinale d’une telle importance pour eux qu’ils l’appellent « notre supermarché », ou « notre pharmacie ». Humour congolais ! En Indonésie, les communautés indigènes dépendant de la forêt représentent 100 millions de personnes. Le déboisement de la forêt à des fins économiques met en péril ces populations, quand ce n’est pas pour les chasser, et ce par des méthodes faisant souvent fi des droits de l’Homme, et bien sûr du droit coutumier local. Or rendre les forêts silencieuses, à savoir en chasser les habitants, ne fait qu’empirer la situation du couvert végétal qui perd ses défenseurs premiers et aggraver la situation des populations qui une fois chassées perdent leurs repères, leur environnement et migrent vers les villes.

Aspects économiques Si les petits acteurs économiques vivent dans les forêts de la zone intertropicale depuis toujours, ils sont confrontés depuis plusieurs décennies à des acteurs économiques puissants qui viennent exploiter la forêt pour diverses raisons. Ce phénomène s’est fortement accéléré ces dernières années. La forêt recouvrait autrefois de très grandes parties du globe. C’était le cas en Europe jusqu’au Moyen-Âge, après quoi le territoire fut presque entièrement dégarni de sa forêt. Aux États-Unis, colonie de peuplement européen, la forêt primaire a été rasée aux XVIIIe et XIXe siècles pour développer une agriculture de plantations et construire les maisons des colons. Ces pays ont épuisé leurs forêts pour construire leur développement. En Angleterre, berceau de la Révolution industrielle, la forêt a été dévorée dès le XVIIIe siècle par la production du fer, qui à l’époque était extrait grâce au charbon de bois, comme on le faisait depuis l’âge du fer. C’est même la pénurie de bois qui a obligé les sidérurgistes anglais à se tourner vers le charbon comme combustible. La demande en bois des populations des pays industriels n’en a pas disparu pour autant. Nous avons toujours besoin de meubles, d’escaliers, de charpentes, de parquets, etc. Dès lors, ce que nous ne trouvons plus ici nous allons le chercher ailleurs. Rainforest Action Network


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3/ des ressources naturelles essentielles forêt

Ce que le Nord veut… Si la déforestation a été intense dans les pays du Nord autrefois, elle l’est aujourd’hui dans les régions boisées du Sud. Elle frappe l’Amérique latine depuis plusieurs décennies, surtout en Amazonie. Plus récemment, c’est l’Asie du Sud-Est qui s’est engagée sur la voie de la déforestation, principalement en Indonésie et en Malaisie. La déforestation y sévit à un rythme effréné ! La forêt d’Afrique centrale n’est bien sûr pas épargnée et risque de rattraper les deux précédentes. Les causes de la déforestation Elles sont de quatre types : l’agriculture intensive, l’agriculture de subsistance, le bois de chauffe pour les populations locales et… le bois d’exploitation principalement destiné à l’exportation. Les causes économiques actuelles de la déforestation n’ont en général rien de neuf. Comme autrefois, on coupe du bois car on en a besoin, et on défriche pour faire avancer la « frontière agricole ». Cependant, avec la mondialisation, les acteurs économiques qui abattent la forêt le font souvent, que ce soit pour le tout ou pour une partie, en vue de l’exportation. Treize millions d’hectares de forêt primaire disparaissent ainsi chaque année. Pour alimenter le commerce du bois et répondre à la demande mondiale en parquets, matériaux de construction, papier, etc. les zones forestières sont éventrées afin de faciliter l’accès aux essences que l’on recherche. On coupe alors les arbres, on transporte ce qui peut être vendu, et on laisse se décomposer ou on brûle ce qui ne peut pas l’être. Par ces méthodes, la forêt est détruite à vive allure. En réalité, une grande part des arbres coupés dans la forêt l’est de façon tout à fait illégale. Stopper ces abattages illégaux permettrait déjà de résoudre une partie du problème de la déforestation. Les gros importateurs de bois sont l’Union européenne, les États-Unis, le Japon et la Chine. L’industrie agroalimentaire est le responsable numéro un de la déforestation. En Amazonie brésilienne par exemple, la forêt est détruite pour faire place en premier lieu à l’élevage. On dénombre sur ces pâturages près de 60 millions de têtes de bétail. Le Brésil est devenu le premier exportateur de bœuf au monde. Vient ensuite la culture du soja, dont une grande partie est exportée, notamment vers l’Europe où elle sert de plus en plus à nourrir le bétail. Un territoire équivalent à plusieurs fois la Belgique a été déboisé pour la culture du soja ces 15 dernières années !

En Asie du Sud-Est, on déboise surtout pour planter des palmiers à huile. La demande mondiale pour l’huile de palme connait une forte croissance depuis une quinzaine d’années. L’Union européenne et la Chine en sont les principaux acheteurs. L’huile de palme est un composant essentiel de l’industrie agro-alimentaire : on en retrouve dans les margarines, les pâtes à tartiner, certaines huiles alimentaires, les biscuits, les glaces, le chocolat et autres confiseries. L’huile de palme est un produit traditionnel consommé depuis la nuit des temps en Afrique. Les pays européens en ont importé dès le XVIIIe siècle, et ce fut une des premières cultures d’exportation du Congo belge pour faire de la margarine. Aujourd’hui, ce sont toutefois essentiellement les plantations d’Indonésie et de Malaisie qui alimentent le marché international. Ces deux pays exportent plus des trois quarts de leur production qui, à elle seule, représente les huit dixièmes de la production mondiale. Le développement de l’huile de palme se fait au détriment de la forêt que l’on coupe pour y planter les palmiers à huile. La dernière cause de déforestation en date est liée aux agrocarburants, ce qui constitue la plus parfaite aberration environnementale ! En effet la plupart du temps, pour déboiser des pans de forêt en vue d’y planter les végétaux desquels on tirera des agrocarburants, on brûle la forêt, ce qui rejette d’énormes quantités de CO2 dans l’atmosphère ! Pour enlever du CO2, on en rajoute ! On n’est pas sortis de l’auberge ! C’est le cas d’une partie du soja brésilien, qui sert à produire un agrocarburant remplaçant le diesel, ou « agrodiesel », c’est le cas également de l’huile de palme. La demande d’agrodiesel a toutes les chances de croître car la tendance sur les marchés automobiles est de plus en plus aux moteurs diesel. En Malaisie, l’État s’est associé à des partenaires privés pour construire trois usines de production d’agrodiesel à base d’huile de palme destiné à l’exportation. En Indonésie, l’avènement des agrocarburants entraîne les investissements de firmes transnationales européennes, japonaises, chinoises et étatsuniennes. L’évolution de ces marchés devrait entrainer la plantation de millions d’hectares de palmiers à huile. Même si ceux-ci sont également des arbres, qui absorbent du carbone de l’atmosphère pour pousser, il faudra cent ans avant de retrouver l’équilibre qui prévalait avant qu’on ne déboise la forêt primaire.

Aspects environnementaux La déforestation est aujourd’hui responsable de près de 20% des émissions de gaz à effet de serre. C’est donc une cause majeure du réchauffement climatique. Lorsqu’on déboise une forêt, si on coupe et emporte les troncs, on brûle et perd les branches et les feuilles, ce qui envoie du CO2 dans l’atmosphère. Si on ne les brûle pas, leur pourrissement sur le sol émet de toute façon des gaz à effet de serre. Une fois découvert, le sol forestier, qui contient beaucoup de carbone, rejette celui-ci dans l’atmosphère.


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3/ des ressources naturelles essentielles forêt

Qu’en est-il de l’absorption du CO2 par la nature ? Les végétaux, tout comme l’océan, produisent et absorbent du CO2. Ces deux systèmes sont équilibrés : sans modifications, ils réabsorbent ce qu’ils rejettent. L’activité humaine rejette quant à elle environ 30 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère chaque année, mais ne les réabsorbe pas. Il s’agit essentiellement de carbone extrait du sous-sol (pétrole et charbon) et qui, bien sûr, n’y retourne pas. Cependant, la moitié de ce CO2 est absorbé par la nature sans que les scientifiques n’aient pu déterminer avec beaucoup précision comment. Une étude menée dans les forêts amazonienne et d’Afrique centrale sur une période de quarante ans a permis récemment de mettre en évidence le fait que les forêts tropicales absorbent du CO2. En fait, l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère relance légèrement la croissance des arbres, qui pour constituer leur bois absorbent du CO2. Selon les auteurs de cette recherche, l’ensemble des forêts tropicales du monde absorberait 18% du CO2 émis par les activités humaines. Pourrait-on planter des forêts pour absorber nos émissions de CO2, puisque le bois des arbres capte du CO2 pour grandir? Pour répondre correctement à cette question, il faut voir ce que la forêt remplace. Si elle remplace une prairie, l’opération ne sert à rien car la prairie stocke autant de carbone que la forêt. L’opération permettrait d’absorber du CO2 si on plantait la forêt sur du sol agricole, ce qui reviendrait à provoquer des problèmes alimentaires ! Pour absorber tout le CO2 qu’on produira en 2020 si on continue à en produire au rythme actuel, il faudrait planter des arbres sur toute la superficie des terres actuellement consacrées à l’agriculture ! N’oublions pas non plus le fait que le réchauffement luimême entraîne la déforestation, ce qui boucle la boucle…

Question de droits La forêt est aujourd’hui devenue un patrimoine duquel toute l’humanité dépend. Chaque hectare déboisé provoque des émissions de gaz à effet de serre et réchauffe un peu plus le climat qui est, lui aussi, un patrimoine commun de l’humanité, c’est-à-dire un bien collectif, duquel tout le monde dépend, et qu’il faut gérer ensemble. La forêt tropicale renferme aussi une immense part de la biodiversité terrestre, qui constitue elle aussi un patrimoine commun. Il faut donc la conserver à tout prix. Car ce sont 2 milliards d’êtres humains qui dépendent directement de la forêt. Les populations autochtones vivant dans la forêt doivent être respectées et leur milieu de vie protégé.

Ce qu’il faut faire Il faut absolument conserver la forêt et arrêter le déboisement ! Il faut en premier lieu mettre fin à l’exploitation illégale de la forêt. À ce titre, on peut déjà agir à un niveau individuel en n’achetant que du bois certifié (FSC par exemple). C’est un premier pas sachant que les labels sur le bois ne sont pas encore assez exigeants. Globalement, il faut arrêter tout

déboisement. Or les pays du Nord ont déboisé leurs forêts autrefois, il leur est donc difficile d’exiger que les pays du Sud s’en privent aujourd’hui. Il est donc nécessaire que les pays grands émetteurs de CO2 offrent des compensations financières aux pays ayant des portions de forêt primaire, afin de les encourager à préserver la forêt plutôt que de l’exploiter. Arrêter le déboisement ne veut pas dire s’abstenir d’exploiter la forêt. On peut en prélever du bois de façon durable, notamment en replantant ce qui est prélevé. L’Union européenne a entamé avec la République démocratique du Congo la négociation d’un accord sur le commerce du bois congolais permettant d’aider la RDC à lutter contre l’exploitation illégale du bois. Cet accord devrait être finalisé en 2013. Les États doivent reconnaître les droits des populations autochtones vivant dans la forêt. Quand des projets d’exploitation de la forêt sont mis en place, elles doivent être consultées, et si ces projets sont de nature à modifier leur façon de vivre et leur accès aux ressources, il faut leur proposer des compensations réellement équitables, conclure un accord et le respecter.

forêts

≥ synthèse – Plus de 350 millions de personnes vivent dans la forêt tropicale, 2 milliards en dépendent. – Leur existence est mise en danger par l’exploitation de plus en plus « industrielle » de la forêt. – La déforestation a lieu actuellement en Amérique latine, Asie du Sud-Est et l’Afrique centrale. – Les causes en sont l’exploitation pour le commerce international du bois, des produits agroalimentaires et des agrocarburants. – La déforestation est responsable de 20% des émissions de gaz à effet de serre. – La forêt absorbe une petite partie du CO2 diffusé par l’être humain dans l’atmosphère. – La forêt doit donc impérativement être préservée.

Outils pédagogiques en lien avec les forêts : ≥ Jeu d’images « la spirale des ressources » Dynamo International (FICHE 3) ≥ Quizz « Derrière l’écran. La face cachée du numérique » Cellule Rise CSC (FICHE 5) ≥ « La malédiction des ressources » – CNCD-11.11.11 (FICHE 8) ≥ « La déforestation, si loin, si proche » – Greenpeace (FICHE 12) ≥ « La gestion environnementale des déchets, les solutions d’un Sud qui bouge » – Ingénieurs sans frontières (FICHE 13) ≥ Jeu de rôles « le climat change, et nous ? » – CNCD-11.11.11 (FICHE 1)


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4/ Passons à l’action :

signons un accord 11.11.11 en faveur du climat! Agir ici et maintenant est un impératif. Il existe 1001 façons d’agir pour la justice climatique.

Ainhoa Goma Oxfam international 2010


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passons à l’action

à un échelon individuel et au sein de petites collectivités comme une classe, une école, une entreprise, voire une commune, dans une réforme du mode de consommation, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre ? Car tout le monde peut contribuer à freiner le réchauffement climatique. Nous vous proposons donc de passer à l’acte et de signer un accord dont le leitmotiv est : « Le climat change… mais nous aussi ! ».

Dans le cadre de la campagne 11.11.11, le CNCD-11.11.11 et ses membres souhaitent sensibiliser sur les effets dans le Sud des changements climatiques et sur leur impact sur les populations, sur l’environnement et plus largement sur le développement. La campagne 11.11.11 cherche aussi à montrer les causes de ces dérèglements, raison pour laquelle mener des actions de sensibilisation et de plaidoyer est fondamental. Il est également important d’agir directement dans le Sud via des partenariats solides et durables avec des acteurs de la société civile de pays en développement. Enfin, des actes individuels et collectifs peuvent être posés pour réduire notre empreinte écologique. La campagne 11.11.11 vous propose donc de passer à l’action ! La question que nous posons est la suivante : n’est-il pas extrêmement dangereux, pour tous les êtres humains, d’attendre que la « communauté internationale » parvienne à se mettre d’accord sur des mesures réellement efficaces permettant d’éviter que le climat terrestre devienne bientôt invivable? En effet alors que, de conférences en sommets, les discussions continuent sans passage à l’acte, au Sud l’impact des dérèglements climatiques fait déjà des dégâts ! Donc, c’est le Sud qui paie la facture climatique du train de vie du Nord. C’est évidemment injuste et c’est pour cette raison que la campagne 11.11.11 défend la « justice climatique ». Du coup, ne faut-il pas aussi s’engager rapidement,

Évidemment en utilisant la présente mallette pédagogique, nous sommes déjà en pleine sensibilisation sur l’enjeu de la justice climatique dans les relations Nord-Sud. D’autres actions de sensibilisation peuvent être menées au sein de votre établissement par vous-mêmes, voire mieux par la classe avec laquelle vous travaillez. Le CNCD-11.11.11 vous propose trois modes d’action complémentaires : – Soutenir les revendications politiques et interpeller des décideurs politiques – Soutenir des partenaires au Sud et financer leurs actions – Réduire son empreinte écologique La signature de cet accord est symbolique. Mais dans un moment où la communauté internationale peine et où nos gouvernements tremblent, il est important d’envoyer un message à nos dirigeants : nous attendons un accord climatique au niveau international, mais nous commençons déjà à agir ici, maintenant et à notre niveau ! Nos homologues néerlandophones (11.11.11) nous emboitent le pas dans cette démarche. Nous espérons ainsi pouvoir envoyer un message politique fort – en Belgique, la population s’engage aux côtés des pays du Sud pour la justice climatique – et un signal citoyen à nos responsables politiques de sorte qu’ils promeuvent des mesures audacieuses et ambitieuses, tant en termes de coopération internationale que de politiques nationales ou européennes.


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passons à l’action

Nous signons un accord 11.11.11 « le climat change… mais nous aussi ! » En lien avec le jeu de rôle proposé par le CNCD-11.11.11, « le climat change… et nous ? », il est proposé à la classe de signer un accord où sont inscrits les engagements qu’elle s’engage à respecter durant l’année scolaire en cours.

Un accord ? À l’heure où les négociations internationales patinent, de sommet en conférence, au niveau international ou européen, il est important de montrer à une classe qu’arriver à un accord peut être certes laborieux, mais possible quand on partage la compréhension commune de l’enjeu climatique, la conviction de l’urgence et surtout l’envie d’y arriver ! Signer un accord avec la classe puis en faire la publicité via www.cncd.be/accord , c’est aussi un message à nos décideurs politiques ! Nous devons, nous pouvons et nous voulons y arriver !

Quel modèle d’accord ? Cet accord va plus loin que la traditionnelle pétition, vu qu’il propose que le groupe s’engage non seulement à soutenir des revendications politiques, mais aussi à participer ou organiser des actions de sensibilisation et/ou de récolte de fonds, et surtout à poser des actes pour réduire son empreinte écologique, tant en termes individuels que collectifs.

Comment le signer ? Vous trouverez dans la présente mallette des accords-types. Vous pouvez également les télécharger sur www.cncd.be/accord . Vous pouvez faire signer ces accords dans la foulée d’une ou plusieurs actions de sensibilisation. Vous pourrez ainsi poursuivre la démarche avec votre classe/groupe en proposant de déterminer ensemble quelles actions mettre en place. À cet égard l’outil « Le climat change. Et nous ? » du CNCD-11.11.11 permet de donner quelques idées. Il existe aussi des appels à action chez Oxfam-Magasin du Monde et OxfamSolidarité, SOS Faim ou encore Entraide et Fraternité.

Quelques exemples « 11.11.11, je participe » : ≥ Nivelles : projection-débat du documentaire « De plein fouet : le climat vu du Sud », organisé à pour certaines classes du secondaire. ≥ Comines : grâce à l’appui du Centre culturel, projection d’un documentaire et animation via l’outil « le climat change… et nous ? ». ≥ Audegherm : mobilisation pour vendre du cacao chaud durant la récréation au bénéfice de l’Opération 11.11.11. ≥ Mons : réalisation par une classe de secondaire d’un petit calendrier avec les caricatures de Kroll en vente au bénéfice de l’Opération 11.11.11.

Quels engagements prendre ? Quels actes poser ? Ma classe s’engage à sensibiliser l’école en organisant une projection-débat sur un temps de midi. Ma classe s’engage à organiser une action de récolte de fonds en faveur de l’Opération 11.11.11. Ma classe reçoit pendant les cours un intervenant d’une ONG ou un partenaire Sud pour approfondir l’enjeu de la justice climatique. Ma classe interpelle la direction sur les actes à poser collectivement pour mieux respecter l’environnement et le climat au sein de l’établissement. Ma classe organise une rencontre, voire un débat au sein de l’établissement avec des décideurs politiques pour mesurer leur engagement en faveur de la justice climatique.

Comment faire vivre cet accord ? Nous vous proposons de le visibiliser/médiatiser à travers notre site internet www.cncd.be et en organisant un moment de restitution sur l’évolution de vos engagements. NB : sur www.cncd.be/accord , vous pourrez prendre connaissance des accords signés ailleurs, par qui, et avec quel type d’engagement.

Des classes et écoles réduisent leur empreinte écologique ! Plusieurs associations peuvent vous permettre de poursuivre le travail avec la présente mallette pédagogique : ≥ Green : www.greenbelgium.org ≥ Inter Environnement Wallonie : www.iewonline.be ≥ IBGE : www.ibgebim.be ≥ ASBL Empreinte : www.empreinteasbl.be ≥ Réseau éco-consommation : www.ecoconso.be ≥ Autre Terre : www.autreterre.org ≥…


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passons à l’action

pour développer en Amérique centrale un programme visant à rendre les populations d’une trentaine de communes conscientes de leur droit à l’eau potable. Ce programme, mené avec des organisations locales de défense des consommateurs, vise également à aider ces populations à s’organiser pour faire valoir leur droit à l’eau auprès des élus politiques locaux et nationaux. Ceux-ci devront opérer un arbitrage entre les différents acteurs utilisant l’eau afin que celle-ci soit répartie avec plus de justice.

Revendications politiques 1/ Réduire les émissions de gaz à effet de serre – Au Nord : réduction de 30% à 40% d’ici 2020 – Au Sud : gestion durable et participative des forêts (REDD)

2/ Développer des stratégies d’adaptation – Une eau potable de qualité – Une transition juste – Un accès à la terre et un appui à une agriculture familiale durable

3/ Favoriser le transfert de technologies – Développement et transfert solidaire de technologies – Accès aux droits de propriété intellectuelle

4/ Financer l’adaptation et l’atténuation – Nouvelles sources de financement – Gestion des fonds au sein des Nations Unies

L’Opération 11.11.11. soutient : – Le Réseau Ressources Naturelles (RRN), une organisation de la société civile en RDC a pour but de lutter contre l’exploitation illégale du bois en RDC en formant les populations vivant dans la forêt sur leurs droits et sur la valeur réelle du bois prélevé sous leurs yeux par les sociétés multinationales. Les populations locales sont amenées, grâce au RRN, soit à refuser l’exploitation du bois, soit à exiger des retombées économiques correctes pour leur développement. Le soutien financier du CNCD-11.11.11 permet au RRN de développer la traçabilité du bois coupé dans la forêt afin que des fonds pour le développement soient restitués aux zones où le bois a été prélevé. – En Amérique centrale, comme dans beaucoup de régions du Sud, les populations pauvres n’ont pas les moyens de se fournir en eau potable alors que les riches en ont autant qu’ils le veulent. De plus, les entreprises multinationales pompent l’eau du sous-sol et privent de celle-ci les populations voisines. Oxfam-Solidarité reçoit un appui du CNCD-11.11.11

– La culture sur brûlis se pratique depuis la nuit des temps. Elle consiste à brûler une partie de la forêt pour y cultiver, les cendres servant d’engrais. Cette opération se reproduit de parcelle en parcelle, et au bout de 20 ans on recommence à l’endroit initial, quand la forêt a repoussé. Toutefois, lorsque la population s’agrandit, la forêt est de plus en plus déboisée et elle disparaît peu à peu. C’est ce qui se passe actuellement dans toute la zone intertropicale, et constitue une cause importante de déforestation. L’ONG Service laïc de coopération au développent (SLCD), qui travaille en partenariat avec des organisations paysannes en République démocratique du Congo, reçoit un financement du CNCD-11.11.11 pour mettre en place des alternatives à la culture sur brûlis. Il s’agit d’un programme de diffusion de l’agroforesterie, une méthode qui permet de sauvegarder la forêt tout en répondant aux besoins alimentaires de la population en développant l’agriculture. L’agroforesterie permet, en effet, de faire pousser des arbres et de cultiver sur une même parcelle. – Pour les très nombreux petits paysans du Sud, l’achat d’engrais et de pesticides chimiques afin d’exercer une agriculture « moderne » est très cher, et souvent source de surendettement. C’est par ailleurs une cause de pollution de l’environnement et de dégradation de la terre. Or celle-ci est leur moyen de survie. Ils n’ont donc pas envie de la détruire. Les engrais chimiques comportent par ailleurs de l’azote qui, lorsqu’il est répandu sur les champs, se diffuse ensuite dans l’atmosphère sous forme d’oxyde et constitue un gaz à effet de serre très nocif! L’ONG Aide au développement – Gembloux mène au Pérou, en partenariat avec des organisations paysannes et écologiques locales, un programme de promotion de méthodes de culture entièrement naturelles. Celles-ci permettent aux paysans de produire eux-mêmes leurs engrais de façon naturelle et de ne plus devoir se ruiner à acheter des produits chimiques. La méthode utilisée permet d’augmenter les rendements des cultures de 20% au moins, tout en luttant contre la dégradation des sols et les changements climatiques.


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« Effet de jeunes contre effet de serre : en action pour le climat » Pour lutter contre les effets des changements climatiques au Sud, nous devons agir au Nord. Voici une campagne, lancée par GREEN, qui vous propose de vous engager pratiquement et simplement, ici et maintenant ! La campagne « Effet de jeunes contre effet de serre » mobilise les écoles sur le thème des changements climatiques grâce à 5 journées d’action collective. Le même jour, tous les participants réalisent un geste concret et symbolique ayant un impact sur les émissions de CO2. Ce geste est simple pour rallier le plus grand nombre.

Une année scolaire = cinq actions climat Octobre : Action « Croque ta pomme » ≥ Collation fruits de saison

Novembre : Action « Récup’ Attitude » ≥ Collecte de livres & vêtements pour le réseau de seconde main

Février : Action « Gros Pull » ≥ Diminution du chauffage de 1°C

Mars : Action « Eau Secours » ≥ Diminution des déchets de boissons et valorisation de l’eau du robinet

Mai : Action « Bouger CO2 léger » ≥ Valorisation des transports en commun, co-voiturage et vélo Les dates précises changent chaque année, référez-vous au site www.effetdejeunes.be pour les connaître. Ces journées sont l’occasion de mener une réflexion sur divers thèmes : alimentation et transport, récupération et prévention des déchets, chauffage et électricité, consommation et énergie grise, mobilité…. Le CO2 se cache derrière toutes ces activités et nous pouvons agir pour en diminuer la production. GREEN asbl vous accompagne tout au long de cette aventure. Nous vous soutenons dans la préparation et le suivi des actions : dossier d’accompagnement, affiches de promotion, newsletters... Nous médiatisons aussi les actions afin de valoriser les jeunes et d’inviter le grand public à leur emboiter le pas. Ce projet est à la carte, vous pouvez participer à une seule action ou aux 5, à vous de choisir. Amplifiez l’ « Effet de jeunes contre l’effet de serre » !

Plus d’informations ? www.effetdejeunes.be et chez GREEN asbl au 02 893 08 08 – www.greenbelgium.org © UN Photo / Eskinder Debebe

© CNCD-11.11.11 © Alexandre Seron


Environnement et développement ≥ Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) : www.unep.org ≥ Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) : www.undp.org

Climat ≥ GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) : www.ipcc.ch ≥ Centre de recherche sur la Terre et le climat Georges Lemaître : www.uclouvain.be/teclim ≥ Coalition climat : www.climate.be ≥ Conseil fédéral du développement durable : www.cfdd.be

Terre ≥ Plate-Forme pour la Souveraineté Alimentaire : www.pfsa.be ≥ Rapport IAASTD : www.agassessment.org

Eau Institut Européen de Recherche sur la Politique de l’Eau (IERPE) : www.ierpe.eu

Forêt FAO (Food and Agriculture Organization) : www.fao.org/forestry/publications/fr

Éditeur responsable : Arnaud Zacharie – Quai du Commerce, 9 – 1000 Bruxelles

Quelques références et sources bibliographiques pour aller plus loin


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