Cet ouvrage est publié à l’occasion de l’exposition Greuze, l’enfance et la famille présentée à la galerie Éric Coatalem à Paris du 6 novembre au 20 décembre 2024.
~ quatrième de couverture ~ ~ cat. 13 ~ Tête d’homme, de profil vers la droite
à Charles, Louis, Pauline et Victor
p. 8
SOMMAIRE
INTRODUCTION
ÉRIC COATALEM
p. 11
ESSAI
EMMANUELLE BRUGEROLLES
Jean-Baptiste Greuze
p. 37
CATALOGUE
ANTOINE CHATELAIN
Jean-Baptiste Greuze, peintre de l’enfance et de la famille
p. 143
p. 153
Liste des œuvres
Bibliographie et sources
INTRODUCTION
Après les expositions consacrées à Hubert Robert, Jean-Honoré Fragonard et Anne Vallayer-Coster, l’immense générosité de vingt-cinq collectionneurs nous permet de dévoiler cinquante-neuf œuvres, souvent inédites ou cachées, de Jean-Baptiste Greuze (1725-1805).
Adulé au XVIIIe siècle par tous les collectionneurs européens et russes mais déjà démodé lors de la Révolution et sous l’Empire, période qui rêvait plus d’hommes visionnaires que de sentiments ou de vérités, il ne retrouvera la faveur des plus grands amateurs qu’à la fin du XIXe siècle. Au-delà de son œuvre, devenue presque une image d’Épinal tant elle a été illustrée dans toutes sortes d’ouvrages, il reste néanmoins un des artistes majeurs de la peinture de la deuxième moitié du XVIIIe siècle en ayant su analyser les aspirations intellectuelles et sociales de ses contemporains mais surtout, et aussi, en reconsidérant la place de l’enfant dans la famille.
Deux expositions majeures réalisées par le regretté grand spécialiste de Greuze, Edgar Munhall , en 1977 et 2002, permirent de redécouvrir un artiste dont la force du trait, la touche épaisse, voire abstraite avec des empâtements inimitables, le raffinement extrême des couleurs, l’intelligence des sentiments dévoilés, la théâtralité des scènes représentées afin d’être compréhensibles par tous, le reclassèrent enfin parmi les plus grands artistes de son siècle.
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier Emmanuelle Brugerolles pour son intéressant essai ainsi que sa lecture inédite de la théâtralité des œuvres de Jean-Baptiste Greuze mais surtout Antoine Chatelain, spécialiste de l’artiste, pour son superbe texte qui dévoile non seulement l’homme mais aussi l’artiste en pleine analyse et recherche.
Une pensée aussi pour mon assistante Agathe Dupont qui a, une nouvelle fois, su orchestrer admirablement et patiemment l’ensemble des étapes de cette exposition et de ce catalogue très documenté.
Je tenais à remercier pour leur aide et leur soutien Colin Bailey, Inna Bazhenova, Antoine de Bernon, Christopher Bishop, maître Adrien Blanchet, Christelle Brothier, Joseph Châtel, Sébastien Castel, Philippe Costamagna, Hélène David-Weill, François et Véronique Degand, Kate Delaney, Jody Egolf, Pierre Étienne, Yvan Farin, Matthieu Fournier, Anna Maria Franceschini, Angélique Franck, Mireille et Hubert Goldschmidt, Jonathan Graindorge-Lamour, Thomas Hennocque, Anna Korndorf, Sidonie Laude, Sabine de La Rochefoucauld, Jean Lavit, Dominique Le Marois, Carl de Lencquesaing, David Leventhal, Agnès Malpel, Paul-Marie Martel, Frédérique Mattei, Patrick Mauboussin, Sébastien Paraskevas, Benjamin Peronnet, Nathalie Petitdidier, Philippe Perrin, Diederick Poncelin de Raucourt, Blaise Porchez, François de Poortere, Laurent Ribes, Claire et Giovanni Sarti, Daniel Thierry, Ariane et Lionel Sauvage, Farida et Henri Seydoux, Rafael Valls, Dominique Vitart, Cydney W. Williams, Alan Wintermute.
Je remercie enfin, et une nouvelle fois, tous les collectionneurs qui ont préféré garder l’anonymat malgré la générosité de leurs prêts afin que nous puissions redécouvrir et partager l’amour de cet immense peintre.
ESSAI
Jean-Baptiste Greuze
« … votre peintre et le mien, le premier qui se soit avisé, parmi nous, de donner des mœurs à l’art, et d’enchaîner des événements d’après lesquels il serait facile de faire un roman. »
Denis Diderot Salon de 1765
LA QUÊTE DU « VRAI »
La question de la « vérité » des œuvres de Greuze, comme celle de la recherche du « vrai » dans sa démarche et sa méthode sont cruciales, pour l’artiste lui-même, qui s’en réclame de façon explicite dans les écrits qu’il a laissés, comme pour l’histoire de la réception de son œuvre – de son vivant jusqu’à nos jours –, laquelle met en évidence les significations et enjeux successifs de ce mot.
Une des premières étapes de cette histoire est sans doute le texte écrit, dès 1755, par l’abbé Joseph de La Porte1 qui s’arrête longuement devant le tableau La Lecture de la Bible, alors exposé au Salon, acquis peu après par le financier et collectionneur Ange-Laurent
La Live de Jully (1725-1779) (cat. 27) – lui-même peintre et graveur – puis entré dans les collections du musée du Louvre voici quelques années2 [ill. 1]
L’auteur décrit, parmi les personnages, successivement l’épouse du père de famille « assez belle femme et dont la beauté n’est point idéale, mais telle que nous la pouvons rencontrer chez les gens de la sorte », puis « le grand frère [qui] a une expression aussi singulière que vraie », enfin « le petit bonhomme qui fait un effort pour attraper sur la table un bâton […] est tout à fait dans la nature ». On ne saurait être plus clair et explicite quant au champ sémantique du « vrai » qui renvoie à la « nature », ainsi qu’à la réalité des « rencontres » quotidiennes, et s’oppose à l’« idéal ».
à la silhouette et à l’attitude d’une « fille charmante […] une légère et molle inflexion dans toute sa figure et dans tous ses membres qui la remplit de grâce et de vérité4 ». De cette vérité des sujets, des actions, du décor, des objets les plus modestes, des personnages, de leurs expressions et de leurs sentiments, de la facture et du coloris enfin,
l’auteur des Entretiens sur le Fils naturel (1757) fait donc la pierre de touche du génie de l’artiste. Il oppose ce dernier, à cet égard tout particulièrement et de façon en quelque sorte symétrique, à ses contemporains Boucher puis Chardin.
Le public, comme les historiens de l’art, a sans doute mieux encore retenu les éloges de Diderot qui a fait plus que quiconque pour le succès de l’artiste et la notoriété de ses œuvres. Quelques années plus tard, dans son Salon de 1761, il loue L’Accordée de village 3 [ill. 2] et place – dans des termes très proches mais plus clairement encore – la vérité au cœur de son commentaire. Il la voit chez
« l’enfant qui est entre les jambes du tabellion […] excellent pour la vérité de son action et de sa couleur », dans « les plis de tous les vêtements [qui] sont vrais » et relève, face
De La Halte de Boucher, présentée au même Salon de 17615 [ill. 3], il souligne l’invraisemblance, en feignant de se demander « quel sujet a jamais rassemblé dans un même endroit, en pleine campagne, sous les arches d’un pont, loin de toute habitation, des femmes, des hommes, des enfants, des bœufs, des vaches, des moutons, des chiens, des bottes de paille, de l’eau, du feu, une lanterne, des réchauds, des cruches, des chaudrons 6 ». Puis il dénonce un « tapage d’objets disparates » et, de l’artiste, « ose dire qu’il n’a pas vu un instant la nature, du moins celle qui est faite pour intéresser mon âme, la vôtre, celle d’un enfant bien né, celle d’une femme qui sent7 ». Autant d’indications précieuses sur ce que sont alors le « vrai » et la « nature », appréciés – ce point est crucial
1- Sentimens sur plusieurs tableaux exposés cette année au grand Sallon du Louvre, 1755, p. 15.
2- Acquis en 2016 ; Inv. n˚ RF 2016.3.
3- Tableau conservé au département des Peintures, musée du Louvre, Inv. n˚ 5037.
4- Denis Diderot, Salons, texte établi et présenté par Jean Seznec et Jean Adhémar, Oxford, The Clarendon Press, 1975, Salon de 1761, tome I, p. 141-144 et Diderot, Essais sur la peinture, Salons de 1759, 1761, 1763, textes établis et présentés par Jacques Chouillet, Paris, éd. Hermann, 2007, p. 166-167.
5- Tableau conservé au Museum of Fine Arts, Boston, Inv. n˚ 71.2.
6- Salon de 1761 : éd. 1975, op. cit., t. I, p. 112 et éd. 2007, op. cit., p. 120.
7- Salon de 1765 : éd. 1979 (J. Seznec et J. Adhémar), op. cit., p. 79-80 et Diderot, œuvres complètes, par Jules Assézat, Paris, éd. Garnier, t. X, 1876, p. 257.
ill. 1 - Jean-Baptiste Greuze, La lecture de la Bible, huile sur toile, Paris, musée du Louvre, Inv. n˚ 2016.3
– moins pour leur adéquation à la réalité qu’en référence à leur aptitude à constituer un « sujet », ainsi qu’à « intéresser », c’est-à-dire toucher le public, quel qu’il soit. En d’autres termes selon des critères qui relèvent explicitement des conventions esthétiques de l’époque et du goût de ses contemporains. S’y ajoute en outre une
que la richesse de son invention, servie par une technique et un coloris très sûrs, le préserve à la fois des poncifs, d’une forme de trivialité et d’une vaine virtuosité appliquée à la restitution servile du motif.
connotation morale implicite, l’auteur suggérant que l’artiste n’a pris ni le temps ni la peine de se mettre en quête de la « vérité », c’est-à-dire de répondre aux attentes de son public.
À Chardin, en revanche, Diderot reconnaît la constance dans l’étude du réel, notamment pour Le Bénédicité exposé au Salon de 17618 – « c’est toujours une imitation très fidèle de la nature9 » –. Pourtant, deux années plus tôt, il l’avait ironiquement félicité de pousser la fidélité jusqu’à l’illusionnisme – « vous prendriez les bouteilles au goulot, si vous aviez soif 10 » –, avant de lui reprocher « un faire dur et comme heurté », appliqué au traitement d’« une nature basse, commune et domestique11 ». On mesure mieux ainsi la portée de l’éloge fait à Greuze dont – si l’on a bien compris notre auteur – la vérité est à l’opposé de l’extravagance rocaille, cependant
Plus d’un siècle plus tard, dans L’Art du XVIII e siècle, les Goncourt, contemporains d’Émile Zola – chef de file et théoricien du roman naturaliste –, mais aussi collectionneurs d’œuvres de Greuze, tout particulièrement de ses dessins, dénoncent pourtant sans complaisance le caractère factice de ses compositions. Ils ironisent sur ses personnages qui « jouent et font tableau, [dont] les occupations semblent réglées, le travail est un simulacre, les savonneuses ne savonnent pas. Les murs mêmes, les fonds, les chambres, les intérieurs ont la rusticité convenue et décorative d’une chaumière du temps d’un parc de grand seigneur. Un opéracomique arrêté sur un coup de théâtre12 ». Ce réquisitoire passe sous silence tout ce qui sépare Greuze des artistes de la génération précédente, marquée par l’esthétique rocaille que Boucher a incarnée. À bien y regarder, il vise moins le peintre lui-même que le modèle des arts de la scène et l’influence de Diderot, « qui aspirait à réaliser le programme jeté en tête de son théâtre », celui d’un « art d’imitation » porté avant tout par la volonté d’édifier le public, d’« incarner une morale
8- Tableau conservé au département des Peintures, musée du Louvre, Inv. n˚ 3202 (voir note 3).
9- Salon de 1761 : éd. 1975, op. cit., p. 125 et éd. 2007, op. cit., p. 142.
10- Salon de 1759 : éd. 2007, Ibid., p. 97 ; allusion à peine voilée au livre XXXVI de l’Histoire naturelle de Pline et à l’anecdote relative au peintre antique Zeuxis dont les raisins abusaient même les oiseaux (Salon de 1763, éd.1975, op. cit., p. 223).
11- Salon de 1761 : éd.1975, op. cit., p. 125 et éd. 2007, op. cit., p. 143.
12- Jules et Edmond de Goncourt, L’art du XVIIIe siècle, Deuxième série, Paris, édition G. Charpentier, 1882, p. 23.
ill. 2 - Jean-Baptiste Greuze, L’Accordée de village, huile sur toile, Paris, musée du Louvre, Inv. n˚ 5037
ill. 3 - François Boucher, La Halte, huile sur toile, Boston, Museum of Fine Arts, Inv. n˚ 71.2
domestique, provoquer les bonnes mœurs à coup de pinceau, les répandre par l’image13 ». Et voici Greuze réduit au rang d’élève de « la déplorable école de la peinture littéraire et [de] l’art moralisateur » !
En 1964 paraît L’Invention de la Liberté de Jean Starobinski, vaste et ambitieuse synthèse portant sur les arts du XVIIIe siècle, où Greuze – étonnamment à peine présent par ses œuvres – est sévèrement condamné comme le représentant d’un « art bâtard, qui refuse l’idéalité des formes et des objets pour mieux exalter l’idéalité des sentiments coulés au moule d’une psychologie traditionnelle. Le fils est ingrat, le père généreux et digne, la fiancée timide… » L’auteur dénonce à vrai dire moins l’œuvre elle-même que la réalisation du projet, voué selon lui à l’échec, d’un « art qui, pour avoir voulu marier la présence vraie des objets et la rhétorique des passions, perd souvent sur les deux tableaux14 ». La réception d’une œuvre de cette ampleur et de cette importance ne se réduit pas à ces trois étapes et les auteurs
plus de nuances tant le peintre lui-même que son époque, à la redécouverte desquels ils ont apporté des contributions décisives. En outre, leur sévérité a contribué à mieux cerner l’originalité de la voie choisie, son inspiration, son ambition et sa difficulté. Enfin, on doit à des auteurs plus récents, au cours des dernières décennies, des lectures renouvelées, des nuances précieuses et des rapprochements éclairants15 . Il reste néanmoins un long malentendu entre Greuze et ses critiques, auquel même Diderot, en dépit de ses dispositions favorables, voire en raison de celles-ci qui l’ont aveuglé, n’a pas échappé : notre artiste est toujours animé d’une extrême détermination et rien ne l’en détourne, pas même les mises en garde qu’il n’a pas manqué de recevoir, notamment avant sa brève incursion dans le domaine de la peinture d’histoire, suivie de l’échec de Septime Sévère et Caracalla au Salon de 176916 [ill. 4].
13- Ibid., p. 24.
Après cet épisode douloureux, reçu à l’Académie Royale de peinture et de sculpture le 23 juillet 1769 mais en tant que peintre de genre, il poursuit sa carrière en solitaire ou presque et, loin de s’amender ou de réviser ses partis esthétiques, il reste fidèle à ses convictions. À l’exception de Jean-Georges Wille dont il peignit le portrait en 176517, qui fut le parrain de sa fille Louis-Gabrielle (cat. 41) et dont il forma le fils aîné Pierre-Alexandre mais dont il semble s’être éloigné par la suite18, on ne lui connaît d’ailleurs pas de relations étroites et suivies avec ses confrères.
14- L’Invention de la Liberté 1700-1789, chapitre IV, « L’imitation de la nature, le secret des visages », Genève, 1964, édition d’art Albert Skira, p. 136.
15- Walter E. Rex, « Diderot contre Greuze », in Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, année 1998 / 24, p. 7-25 ; Laurence Marie, « La scène de genre dans les Salons de Diderot », in Labyrinthe, 3 / 1999, p. 79-98 ; Mickael Szanto et Annick Lemoine, cat. exp. Greuze et l’affaire du Septime Sévère, musée Greuze, Tournus, 2005 ; Yuriko Jackall, Jean-Baptiste Greuze et ses têtes d’expression. La fortune d’un genre, Paris, INHA et Cths, 2022 ;
16- L’empereur Septime Sévère reproche à Caracalla, son fils, d’avoir voulu l’assassiner, musée du Louvre, département des Peintures, Inv. n˚ 5031 ; A. Lemoine et M. Szanto, op. cit., 2005, voir note 15.
17- Tableau conservé au musée Jacquemart André à Paris.
18- Le Journal de Wille mentionne Greuze comme un ami du peintre, à plusieurs reprises du 27 novembre 1759 au 30 mars 1765 ; voir E. Munhall, cat. exp. Paris, Diderot et l’Art de Boucher à David. Les Salons : 1759-1781, Hôtel de la Monnaie, 1984-1985, p. 244.
ill. 4 - Jean-Baptiste Greuze, Septime Sévère et Caracalla , huile sur toile, Paris, musée du Louvre, Inv. n˚ 5031
En revanche, malgré la décision qu’il prend en 1769 de ne plus exposer au Salon, où il n’est à nouveau présent qu’en 1800, l’idée qu’il se fait de son art et de ses talents lui vaut durablement l’enthousiasme et la fidélité des collectionneurs les plus prestigieux. Parmi ces derniers, le marquis de Marigny, Jean-Joseph de Laborde, le chevalier de Damery, Laurent Laperlier, Pierre Paul Louis Randon de Boisset, mais aussi le général Ivan Ivanovitch Betskoy (1704-1795), président de l’académie impériale des Arts de Saint-Pétersbourg et l’impératrice Catherine II elle-même. À ces derniers, il faut ajouter au XIXe puis au XXe siècles, outre les amateurs qui redécouvrent l’art français du XVIIIe siècle, les plus grands musées anglo-saxons comme la Wallace Collection à Londres ou le Metropolitan Museum of Art à New York et la National Gallery de Washington… Autant de raisons d’explorer les clefs de ce succès.
LE PRIMAT DU RÉCIT
La première est sans aucun doute son talent de narrateur, attesté à la fois par ses propres écrits et reconnu voire célébré par ses critiques. Cette dimension est toujours présente dans ses œuvres, tant peintes que dessinées – selon des modalités diverses, plus ou moins apparentes –, et soulignée par les observateurs les plus divers. Ce goût pour la narration s’exprime de façon immédiatement perceptible dans les scènes qui relatent apparemment un seul épisode, où l’artiste dépose avec
virtuosité des indices – traces ou signes avant-coureurs – de ceux qui l’ont précédé ou le suivront. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le recours à ce procédé suppose avec « la vérité » des libertés relevées voire condamnées par Diderot lui-même, à cet égard particulièrement sourcilleux. Ainsi de la présence dans le dessin La Mort d’un père regretté par ses enfants 19 [ill. 5], présenté au Salon de 1769, d’un « chandelier d’église et [d’un] bénitier » alors même que « ces accessoires sont faux : cet homme n’est pas mort et le prêtre ne s’en est pas encore emparé 20 »
Comme l’a montré Jacques Chouillet 21, l’enjeu de ces licences est d’abord l’expression du temps par le choix de l’instant le plus propre à suggérer, à lui seul, toute l’histoire. Toutefois cet exercice est rendu d’autant plus délicat pour Greuze que ce dernier s’attache à restituer aussi et surtout la morale qui résulte du dénouement. Pour ce faire, il joue parfois simultanément du « temps aristotélicien » et du « temps héraclitéen », c’est-à-dire du « cliché » qui isole le moment le plus significatif et de la « séquence » narrative qui le situe dans le cours d’une histoire.
Sa virtuosité dans cet exercice fait écho à l’évolution, sur cette question délicate, du point de vue de Diderot lui-même, qui se montre d’abord intransigeant, du moins dans l’article « composition » de l’Encyclopédie, où il affirme que « le peintre n’a qu’un instant presqu’indivisible ; c’est à cet instant que tous les mouvemens de sa composition doivent le rapporter : entre ces mouvemens, si j’en remarque quelques-uns qui soient de l’instant qui précède ou de l’instant qui suit, la loi de l’unité de tems est enfreinte22 » Ce, avant de s’incliner devant la maîtrise dont l’artiste fait preuve dans La Piété filiale [ill. 6], où la fille du personnage principal « est assise sur un tabouret ; […] elle a sur ses genoux l’Écriture sainte. Elle a suspendu la lecture qu’elle faisait au bonhomme […] Tout est rapporté au principal personnage et ce qu’on fait dans le moment présent, et ce qu’on faisait dans le moment précédent 23 ». Dès lors, « la présence d’un instant n’est pas incompatible avec les traces d’un instant passé » ni avec l’expression de l’attente de ce qui va survenir.
19- Musée du Louvre, département des arts Graphiques, Inv. n˚ RF 40440.
20- Salon de 1769, éd.1967 (J. Seznec et J. Adhémar), op. cit., p.108.
21- « Du langage pictural au langage littéraire », in cat. exp. Paris, op. cit., Hôtel de la Monnaie, 1984-1985, p. 43-44.
22- T. III, 1753, p. 772.
23- Salon de 1763 : éd. 2007, op. cit., p.235.
Le dispositif narratif est parfois plus complexe et plus manifeste à la fois, notamment dans le cas des dessins préparatoires pour le diptyque La Malédiction paternelle, dont les deux épisodes successifs Le Fils ingrat et Le Fils puni 24 sont présentés comme tels au public du Salon de 1765 [ill. 7 et ill. 8]. Diderot relève dans le second deux détails relatifs au personnage principal, éloquents à la fois quant aux efforts de l’artiste pour lier entre elles les compositions et quant aux sources bibliques25 de la morale qu’elles illustrent. Le comportement immoral du fils a en effet pour conséquences à la fois la mort du patriarche et son propre châtiment : « Il a perdu la jambe dont il a repoussé sa mère ; et il est perclus du bras dont il a menacé son père26 . »
~ cat. 17 ~
Quant aux dessins La Mort d’un père regretté par ses enfants 27 [ill. 5] et La Mort d’un père dénaturé, abandonné de ses enfants 28 [ill. 9], exposés au Salon de 1769, ils correspondent à un autre cas de figure, puisque ce diptyque met en quelque sorte en parallèle, là aussi à des fins d’édification, le récit de deux histoires distinctes que tout oppose diamétralement, sous ce rapport au moins, le spectacle de l’une contribuant par contraste à la bonne lecture de l’autre et réciproquement.
Plus subtilement, ce caractère narratif est perceptible dans l’ensemble de la production de Greuze, au-delà même des diptyques, comme celui du Départ et du Retour de la nourrice, conçu dans les mêmes années et connu par de nombreux dessins (cat. 17, cat. 18 et ill. 10) qui constituent autant de variations sur ces thèmes, mais dont il n’existe pas de version peinte. Leur font écho, moins dans une logique de récit linéaire que de contrepoint, le tableau La Mère bien aimée 29 [ill. 11], exposé au Salon de 1769, ainsi que les études qui le précèdent. Cette composition aborde elle aussi le sujet de la maternité à proprement parler mais elle met en scène une toute autre relation de la mère à ses enfants
24- Musée des Beaux-Arts de Lille, Inv. n˚ PI.1430 et n˚ PI. 1431.
et joue du décalage, voire de l’opposition des attitudes et des expressions des figures, comme de l’atmosphère. Ce cas est exemplaire du réseau de correspondances qui se tisse entre des œuvres disjointes ou présumées telles mais liées les unes aux autres par leur propos.
Par ailleurs, il faut souligner, s’agissant des Têtes et Têtes d’expression, dessinées (cat. 2 , cat. 12 , cat. 13 et cat. 48) ou peintes mais aussi gravées, que du vivant de Greuze les amateurs et plus encore les critiques les ont souvent spontanément identifiées, voire « reconnues » comme des fragments disjoints d’un même ensemble, parfois d’un même dispositif narratif. Ce, en raison de l’expression de ces figures, qui leur assigne, au moins virtuellement, une place dans une composition et une distribution – soit connues du spectateur soit imaginées par lui par analogie et grâce à sa familiarité avec la production de l’artiste –, c’est-à-dire dans un récit.
ill. 9 - Jean-Baptiste Greuze, La mort d’un père dénaturé, abandonné par ses enfants, dessin, Tournus, musée Greuze, Inv. n˚ 82-1519-01
Souvent même, si l’on n’en connaissait la date d’exécution, elles pourraient apparaître comme des produits d’étapes préalables à l’élaboration d’une composition complexe ou, à l’inverse, comme des motifs extraits a posteriori d’une œuvre aboutie dans le but d’isoler un personnage ou un
25- Ancien Testament, Livre de la Sagesse, XI, 16, « pour leur apprendre qu’on est puni par où l’on a péché ».
26- Salon de 1765, éd. 1876, op. cit., p. 356.
27- Musée du Louvre, département des arts Graphiques, Inv. n˚ RF 40440.
caractère, et d’en faire l’objet d’une œuvre autonome. Ainsi Diderot identifie-t-il, lors du Salon de 1765, un pastel aujourd’hui conservé à la National Gallery de Washington30 comme « l’étude de la mère bien aimée » [ill. 12], composition dont l’esquisse, aujourd’hui non localisée, est alors accrochée à proximité31 et dont la version peinte, objet d’une élaboration de longue haleine, n’est présentée au public du Salon – comme on l’a vu précédemment – que quatre ans plus tard. Quant à la série gravée des Têtes de différents caractères, dédiée à Wille et exécutée par François Robert Ingouf (1747-1812) en 1766, on y retrouve des visages regroupés de manière apparemment aléatoire, qui sont ceux de divers personnages de tableaux du peintre, aisément reconnaissables par un public averti32 .
Enfin, si Greuze s’est montré un remarquable portraitiste [ill. 13], il le doit aussi au talent avec lequel il prête vie à ses effigies, non seulement par l’expression du visage mais aussi par l’attitude, le vêtement, le décor, ainsi que les accessoires ou autres attributs, évocateurs d’une activité familière, d’une passion et d’une vie autant sinon plus que de la personnalité qu’elles ont forgée. On pense au Portrait de Claude-Henri Watelet (1718-1786) [ill. 14], receveur général des finances, collectionneur, peintre, graveur et écrivain (1765), assis un compas à la main face à son bureau où sont placés une Venus pudica , un recueil dessiné – ouvert à la page où cette œuvre est reproduite – et un encrier33 , ainsi qu’à celui d’Ange-Laurent de La Live de Jully jouant de la harpe34 .
30- Inv. n˚ 2000-15-1.
31- Salon de 1765, éd. 1876, op. cit., t. II, p. 154-155.
32- Voir à ce sujet Yuriko Jackall, op. cit., 2022, p.155-199 et p. 222.
33- Département des Peintures, musée du Louvre, Inv. n˚ RF 1982.66.
34- Œuvre peinte en 1759, National Gallery of Art, Washington, Inv. n˚ 1946.7.8.
ill. 13 - Jean-Baptiste Greuze, Portrait du duc d’Angiviller, huile sur toile, New York, Metropolitan Museum of Art, Inv. n˚ 66.28.1.4 Gift of Edith C. Blum (et al.) Executors, in memory of Mr. and Mrs. Albert Blum, 1966
ill. 14 - Jean-Baptiste Greuze, Portrait de Claude-Henri Watelet, huile sur toile, département des Peintures, musée du Louvre, Paris, Inv. n˚ RF 1982.66
NARRATION PICTURALE ET COMMENTAIRE LITTÉRAIRE
On peut donc affirmer que, même dans ses œuvres à caractère apparemment statique voire méditatif, vouées surtout à l’expression d’un état d’âme, notre artiste ne cesse sinon de relater du moins de suggérer des fragments de vie, des anecdotes, des événements voire des drames. L’indice le plus sûr de l’omniprésence de ce récit sousjacent est sans doute le don propre à Greuze d’inspirer ou de susciter les commentaires les plus éloquents sur le mode de l’ekphrasis. Ainsi, dans celui de La Piété filiale par Diderot [ill. 6], l’auteur explicite le temps à la fois imminent et lointain dans lequel s’inscrit le moment d’intimité domestique représenté, par l’évocation prémonitoire de l’« intérêt […] sinon éteint, du moins presque insensible dans la vieille mère 35 », apparemment peu affectée par l’état de son époux paralytique dans la mesure où elle est promise à brève échéance, on l’a compris, au même sort que lui.
Plus significatif encore et plus spectaculaire, le commentaire proposé par Diderot du Fils ingrat [ill. 7], exposé au Salon de 1765 avec le Fils puni [ill. 8], déjà mentionnés. La description y rend compte du décor dans lequel la scène se déroule – « une chambre où le jour n’entre guère que par la porte » –, elle en exprime l’atmosphère en évoquant la pénombre et qualifiant les sentiments qu’inspire « cette chambre triste », puis se substitue au lecteur pour interpréter ces indices – « vous n’y verrez
35- Salon de 1763, éd. 2007, op. cit., p. 236.
36- Salon de 1765, éd. 1876, op. cit., p. 354-355.
37- Voir note 36.
qu’indigence. » Les personnages sont décrits par leurs gestes – « le bras droit [du fils] élevé du côté de son père », la mère qui « le tient embrassé » – mais cette description se double à nouveau d’une interprétation des attitudes et des expressions : « il a l’air violent, insolent et fougueux », « son geste et son visage sont également insolents », « Son père en est indigné » et « Cette mère a l’air accablé, désolé36 … »
Tout se passe donc comme si Diderot, auteur de l’ekphrasis, procédait à rebours de l’usage en partant de l’œuvre achevée, non seulement pour la commenter mais pour nous en offrir les indications de mise en œuvre, en détaillant et explicitant les gestes caractérisés par les sentiments qu’ils doivent exprimer mais aussi en ébauchant les dialogues – « il n’épargne pas les mots durs. » Même le contexte, hors du champ temporel du tableau et de l’action, est explicité : « Malgré le secours dont le fils aîné de la maison peut être à son vieux père, à sa mère et à ses frères, il s’est enrôlé 37 ».
Diderot a donc rédigé, au vu de l’œuvre achevée, un véritable « livret » qui aurait pu ~ cat. 11 ~
ill. 7 - Jean-Baptiste Greuze, Le Fils ingrat, dessin, Lille, musée des Beaux-Arts, Inv. n˚ PI 1430
inspirer cette dernière, tant par le contenu du texte que par la forme, souvent elliptique à l’instar d’une esquisse ou d’un brouillon hâtivement jetés sur le papier et laissant des libertés à l’exécutant !
Ce constat paradoxal prend tout son sens quand on sait que Greuze s’est lui-même fait librettiste – ou scénariste – en rédigeant l’argument d’une histoire intitulée Basile et Thibaut ou les Deux Éducations, restée à l’état de projet, conçue semble-t-il pour servir de base à une série de vingt-six compositions ou « tableaux », dont certaines sont proches par leurs sujets de scènes peintes ou dessinées par l’artiste. Le manuscrit, longtemps en la possession de son élève Caroline de Valori (1789-1875), fut publié une première fois par ses soins peu après la mort de l’auteur, puis édité par Philippe de Chennevières sous le titre « Un roman de Greuze », dans l’Annuaire des artistes et amateurs en 186138
Ce dernier regrette que le peintre n’ait pas mené à son terme cette entreprise, sachant que « les romans des peintres sont rares : j’entends les romans de leur imagination », puis saisit cette occasion pour en expliciter avec une rare acuité les enjeux dans le contexte de l’époque : « Greuze, comme Hogarth, comme tous les peintres de mœurs, devait être entraîné à combiner des séries de sujets moraux, tout à fait dans le goût, d’ailleurs, de son époque […]. Nul doute que si Greuze eût exécuté les vingt-six compositions dont il avait si minutieusement prévu les détails, l’imagerie populaire ne s’en fût emparée et ne les eût répandues à foison dans le monde – au grand avantage de l’art des rues et des campagnes »39 .
Le jeu des diptyques lui a sans doute semblé plus efficace par sa densité, tant sa démarche s’accommodait mieux d’associations entre des scènes proches par leur propos, voire de reprises et de variantes, que d’un cadre plus rigoureux et contraignant. Enfin, le temps considérable qui s’écoulait souvent entre ses premières études dessinées pour une composition et la présentation d’une version peinte au Salon41, témoigne de la liberté avec laquelle son travail progressait et, a contrario , de la
On y reviendra, Greuze a soigneusement veillé à la reproduction de son œuvre par la gravure et la diffusion de ces compositions a longtemps été considérable, au point que les Goncourt ironisent sur le zèle avec lequel il se livre à cette activité lucrative 40. Pour autant, il ne semble pas qu’il ait jamais été attiré par la narration au long cours ni – quoi qu’en dise Philippe de Chennevières – par la forme de la série, sans doute en raison d’une sorte de réticence intime à toute espèce d’esprit de système.
39- Voir note 38.
difficulté qu’il aurait éprouvée à s’engager dans des chantiers de longue haleine, soumis à un calendrier prédéterminé.
Si son art relève de la « peinture littéraire », selon le mot des Goncourt, c’est donc sans aucun doute avec le théâtre qu’il a le plus d’affinités, à l’instar d’une tradition picturale française liée à la tragédie classique, qui se poursuit avec le néo-classicisme et ne s’éteint pas, bien au contraire, à l’époque du drame romantique, lequel sera une de ses sources d’inspiration et de renouvellement.
PEINTURE MORALE ET POÉSIE DRAMATIQUE, COMPOSITION ET MISE EN SCÈNE
La référence au théâtre fait partie intégrante du contexte de la production et de la réception des œuvres de Greuze à une époque où il est l’art majeur, au cœur de la société sous toutes ses formes, de la tragédie aux genres plus populaires, y compris d’inspiration burlesque. Ses tableaux ont donc aussi été appréciés et ont suscité ~ cat. 13 ~ ~ cat. 12 ~
38- Journal de l’Empire, II, Frimaire an XIV et Annuaire des artistes et amateurs, publié par Paul Lacroix, vol. 2, 1861, p. 265-273 ; voir Anita Brookner, Greuze : the Rise and Fall of an Eighteenth-Century Phenomenon, Norwalk (Connecticut), New York Graphic Society Ltd., 1972, p. 156
40- Edmond et Jules de Goncourt, L’art du XVIIIe siècle, Deuxième série, Paris, édition G. Charpentier,1882, p. 60.
41- E. Munhall (cat. exp. Paris, Hôtel de la Monnaie, 1984-1985, p. 235) prend l’exemple de la Piété Filiale pour laquelle il existe un premier dessin signé et daté de 1760 (vente Reveil, 1845) ; l’artiste a donc médité et travaillé sa composition présentée au Salon de 1763 pendant plus de trois ans.
enthousiasme ou scepticisme pour des raisons qui tenaient au rôle voire au primat de l’esthétique de la scène dans le jugement porté alors sur une composition peinte voire dessinée. D’ailleurs la désaffection dont ils ont pu souffrir par la suite a, elle aussi, à voir avec l’histoire du théâtre et de ses mutations, notamment au XIXe siècle.
Cette esthétique est indissociable de l’alliance entre la « peinture morale » et la « poésie dramatique » qui concourent « à nous toucher, à nous instruire, à nous corriger et à nous inviter à la vertu », alliance que Diderot tout à la fois proclame et encourage, précisément après avoir loué La Piété filiale [ill. 6], au Salon de 1763 42 .
à proprement parler aucun thème érotique », traitée « avec émotion et non sans pathétique ». On y trouve, déjà, « les larmes de Manon » qui « ne répond que par des soupirs [aux] pressantes questions » de son amant. Le caractère de l’action et l’atmosphère qui s’y attache doivent beaucoup au choix d’un « cadre domestique » qualifié d’« intérieur », propre à « camper les personnages dans des situations pathétiques où s’exprime une sentimentalité emphatique 44 »
Autant de traits qui font de ce passage un modèle du « style intermédiaire, dans lequel le réalisme s’unit au sérieux », voire à une « gravité tragique », modèle que Greuze et Diderot n’auraient pas désavoué, tant les tableaux du premier, commentés par le second, héritent de ces partis. Ceux-ci sont en effet inspirés par le jeu, le lexique et plus largement le langage de la scène, qui renouvellent tant la peinture que le théâtre de la seconde moitié du siècle, marquée par l’avènement du « drame bourgeois » porté notamment par les pièces de Beaumarchais et de Diderot, ainsi que par les écrits théoriques de ce dernier.
Elle imprègne en fait l’ensemble de la production littéraire et artistique française dès les premières décennies du XVIIIe siècle, comme Erich Auerbach l’a montré dans son essai « Le souper interrompu 43 », consacré non à une pièce de théâtre mais à l’épisode éponyme de La véritable histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, de l’abbé Prévost, publiée dès 1731. Il s’agit selon lui moins d’un épisode à proprement parler que d’une « scène […] vive, dramatique, presque théâtrale dans sa structure, et pleine de sentiment […] toute pénétrée de sensualité bien qu’on n’y rencontre
En témoigne, sur un mode qui ne peut être réduit à l’anecdote, la reprise sous forme d’un tableau vivant de la composition de L’Accordée de village [ill. 2] au cœur de la représentation des Noces d’Arlequin , pièce conçue par Carlo Bertinazzi dit Carlin et Antonio Collalto, donnée à l’hôtel de Bourgogne45 le 30 octobre 1761, soit l’année même où l’œuvre de Greuze avait été présentée au Salon. Silvia De Min a qualifié d’« ekphrasis performée » cette adaptation peu commune 46 d’une composition qui fut d’ailleurs à nouveau reprise et portée à la scène après la mort du peintre, le 31 mai 1813 au Théâtre du Vaudeville, dans une pièce éponyme due à sa biographe, Caroline de Valori, elle-même peintre et graveuse.
De fait, la méthode de travail de Greuze lui-même relève – les critiques l’ont très tôt compris – de la « mise en scène », avant même que ce terme ait fait son apparition.
42- Éd. 2007, op. cit., p. 234-236 ; voir aussi Entretiens sur le Fils naturel (1757) et Le Père de famille. De la poésie dramatique (1758).
43- Erich Auerbach, Mimésis. La représentation de la réalité dans la littérature occidentale, traduction de l’allemand par Cornelius Heim, Gallimard, Bibliothèque des idées, Paris, 1965, collection Tel, Paris, 1977, chapitre XVI, Le souper interrompu , p. 396-398.
44- Voir note 42.
45- Représentation mentionnée dans le Mercure de France en décembre 1761 (p. 194) ; Jean-Auguste-Julien Desboulmiers évoque la représentation : « Un rideau se lève, & laisse voir le tableau que M. Greuze exposa au Salon la même année. Cette idée heureuse qui est de M. Carlin, donna du succès à cette Pièce, qui finit avec beaucoup de gaieté », (Histoire Anecdotique et raisonnée du théâtre italien depuis son origine jusqu’à ce jour, Paris, chez Lacombe, libraire, rue Christine, 1769, p. 381-382) ; voir aussi Andrea Fabiano, « Carlo Goldoni et les comédiens-auteurs à la Comédie-Italienne de Paris » in Emanuele De Luca et Andrea Fabiano (Dir.) L’apothéose d’Arlequin. La Comédie-Italienne de Paris : un théâtre de l’expérimentation dramatique au XVIII e siècle, Paris, 2023, Sorbonne Université Presses.
46- Voir à ce sujet Silvia De Min, Ekphrasis in scena. Per una teoria della figurazione teatrale, Milan, Mimesis, 2017.
ill. 6 - Jean-Baptiste Greuze, La Piété filiale, dessin, Paris, musée du Louvre, Inv. n˚ 36504
Le nombre des études de visages et de figures, plus encore des variantes, dessinées et dans une moindre mesure peintes, qui précédent chacun de ses tableaux, en est un indice indiscutable. Ce au point que l’on ne peut s’empêcher de penser à un précédent célèbre, celui de l’attention portée, au XVIIe siècle, par Nicolas Poussin à l’élaboration de ses propres compositions et tout particulièrement au dispositif scénique de mannequins revêtus de drapés, installés et déplacés dans des « boîtes » savamment éclairées, qu’il avait conçu pour pouvoir, ensuite, arrêter l’attitude et la position de ses figures dans des dessins préparatoires 47 .
l’importance accordée à la composition, aux attitudes et aux expressions, jugées à l’aune de leur vraisemblance et de leur efficacité, c’est-à-dire de l’effet produit sur le spectateur et de l’aptitude à susciter ses émotions.
Le paradoxe, amplement commenté, des compositions de Greuze réside dans la transposition de moyens élaborés et cultivés par le théâtre tragique et par la peinture d’histoire, pour mettre en scène des situations inspirées de la vie quotidienne et camper des personnages apparemment issus de milieux – ou plus exactement de « conditions » – modestes. Comme Diderot l’appelle de ses vœux « le sujet en [est] important, et l’intrigue, simple, domestique et voisine de la vie réelle » ; quant à la figure principale elle peut être un « père de famille ! Quel sujet ! Dans un siècle tel que le nôtre, où il ne paraît pas qu’on ait la moindre idée de ce que c’est qu’un père de famille 48 ».
Qu’un soin tout aussi scrupuleux – servi il est vrai par des moyens techniques différents – soit apporté par notre peintre à l’élaboration de scènes pour la plupart familiales, situées dans un cadre domestique le plus souvent modeste et relevant de la peinture de genre, est particulièrement significatif du bouleversement qui affecte alors les convenances, les usages et les règles en vigueur. Ce qui est spécifiquement en jeu dans le contexte de la seconde moitié du XVIIIe siècle, c’est une aspiration –simultanément formulée par Diderot, comme par d’autres critiques, et incarnée par Greuze – au « naturel » dans la peinture comme dans le théâtre, aspiration qui suppose le primat de la « pantomime » sur les dialogues. D’où
En effet, l’enjeu réside, comme on l’a vu, dans la vérité des émotions exprimées et inspirées au public par les personnages. Une vérité que leur extraction sociale modeste, loin des héros antiques de la tragédie classique dont Voltaire prolonge alors la tradition avec succès, rend plausible, vraisemblable même car elle est conforme à l’idée que les spectateurs s’en font.
Une vérité de convention donc mais appliquée à une histoire commune et contemporaine, portée par le « naturel » de l’interprétation, c’est-à-dire du jeu des acteurs, et par l’efficacité de la fiction. À cette vérité, il faut un « metteur en scène » avant la lettre, qui conçoive le cadre et le décor de la scène ou du « tableau » ainsi que la « distribution » de la pièce, qui dispose ses personnages les uns par rapport aux autres et, on l’a dit, définisse leurs attitudes, arrête avec précision leurs gestes et choisisse les expressions appropriées à leurs visages.
Une large part de l’œuvre dessiné de Greuze doit donc être lue ou relue dans cette perspective, tant pour cerner les enjeux et les ressorts propres à sa démarche que pour
47- Joachim von Sandrart, Teutsche Academie der edeln Bau, Bild und Mahlerey-Künste, Nuremberg, [1675], éd. Peltzer, Munich, 1925, p. 184-258 : « […] il montait une planche à damiers, sur laquelle il disposait des figurines de cire qu’il faisait dans ce but, des figurines nues, placées selon l’action de « l’histoire » et conçues dans son esprit, qu’il habillait de papier mouillé et de taffetas très fin, pour les draperies, selon l’exigence, puis il équipait le tout de fils tirés de telle façon que chaque figurine trouvait sa place correcte par rapport à l’horizon ».
48- Entretiens sur le fils naturel , in Diderot. Œuvres, Paris, Gallimard, bibliothèque de la Pléiade, 1946, p. 1258-1273.
ill. 8 - Jean-Baptiste Greuze, Le Fils puni, dessin, Lille, musée des Beaux-Arts, Inv. n˚ PI 1431
mesurer ce qui la rapproche de celle des peintres d’histoire de son temps, par-delà tout ce qui oppose les conceptions qu’ils se faisaient de leur art. Il reste que la voie que notre artiste a choisie est lourde de conséquences car elle le prive du substrat d’une œuvre littéraire, de l’aura d’un grand texte auquel se référer et de figures d’hommes et de femmes illustres directement ou indirectement liées à l’Histoire.
Dès lors, il lui faut s’inspirer directement du réel, l’imiter tout en le magnifiant, en d’autres termes, pour éviter l’écueil de la peinture de genre, se faire non seulement l’interprète mais aussi l’auteur, l’inventeur, du sujet qu’il se choisit et de la composition qui le met en œuvre. Ce afin de susciter chez le spectateur sinon
DE L’INSTANT À L’ESPACE ET À L’EXPRESSION
On l’a vu dans l’invention de la composition, le choix de l’« instant » représenté est déterminant. Pour autant il n’est pas seul en cause : « le peintre n’a qu’un instant et il ne lui est pas plus permis d’embrasser deux instants que deux actions » écrit Diderot qui, sans la mentionner, se réfère implicitement à la règle classique dite des trois unités, résumée par Boileau dans L’Art poétique : « Nous voulons qu’avec art l’action se ménage / qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli / tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli49 . »
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les passions dont les héros antiques sont porteurs, du moins la compassion, les émotions et les sentiments vertueux propres à un tel spectacle, par essence familier mais qui doit aussi être édifiant.
L’action s’inscrit aussi dans la géométrie de la composition, dont l’exactitude est garante du sens de l’histoire et de l’efficacité de la mise en espace : aucune approximation n’est possible, tant les relations entre les personnages doivent à la fois être en parfaite adéquation tant avec l’action qu’avec le moment choisi ; s’inscrire dans un espace scénique resserré ; se prêter à une lecture univoque enfin. Cette triple exigence et ses contraintes expliquent la multiplicité des esquisses dessinées qui sont autant de variantes d’une structure parfois en frise mais fortement rythmée et animée, comme pour l’Accordée de village [ill. 2] et La Piété filiale 50 [ill. 6], ou triangulaire à l’instar de la plupart des variantes du D é part de la nourrice (cat. 17 et cat. 18). Cette géométrie repose à son tour sur le choix des attitudes et des expressions des personnages, clef d’une véritable dramaturgie muette où les gestes et les regards des uns répondent ou s’opposent à ceux des autres, parfois convergent, le tout selon un langage codifié, « une grammaire du pathétique » selon le mot de Laurence Marie51 En d’autres termes, dans ce dispositif la rhétorique académique des passions et de leurs expressions respectives – d’essence théâtrale – est associée non à la fable mais à la vérité et s’applique à des sujets quotidiens voire anecdotiques (cat. 16). Le peintre les puise dans une actualité brûlante, en abordant des thèmes qui « intéressent » le public, comme l’enrôlement des jeunes recrues ou la mise
49- 1674, chant III, vers 44 à 46, 1674, édition de 1881 par Eugène Géruzez, Paris, Hachette, p. 27-28.
50- E. Munhall, cat. exp. Paris, Hôtel de la Monnaie, 1984-1985, dans les rubriques analogies autographes des fiches descriptives des œuvres, pour l’Accordée de village cinq études d’ensemble sont recensées p. 227 et pour La Piété Filiale trois, p. 236.
51- Laurence Marie, « La scène de genre dans les Salons de Diderot », in Labyrinthe, 3 / 1999, p. 79-98.
en nourrice des enfants (cat. 17 et cat. 18). Si ce choix s’opère aux dépens du prestige de l’histoire mise en scène, la perte de cette grandeur est compensée par la relation immédiate que le spectateur entretient avec une œuvre accessible sans aucune autre référence que la connaissance des mœurs de son temps. L’échelle de la scène est certes plus modeste mais la dimension narrative tout aussi présente que dans la peinture d’histoire et l’argument assez familier pour que le public, sans rencontrer aucun obstacle au déchiffrement de l’action, entre de plein pied dans la fiction picturale.
La théâtralisation du tableau, expression du génie propre de Greuze au moins autant qu’emprunt à la peinture d’histoire, est la clef de la réussite esthétique et narrative de ses compositions. Dès lors, si l’on entre dans le jeu du peintre, tout y concourt, notamment l’invention et la mise en œuvre du décor et des objets apparemment les plus anecdotiques, en fait jamais anodins et toujours étroitement liés. Ainsi, Diderot souligne-t-il, dans son commentaire du Fils puni [ill. 8], que le peintre « médite ses accessoires aussi sérieusement que le fond de son sujet », puisqu’ils en font partie intégrante, en ce sens qu’ils l’éclairent et le situent dans un contexte qui lui est consubstantiel, mais aussi et surtout dans la mesure où ils sont, comme on l’a vu, autant de traces d’épisodes précédents et de présages d’un dénouement dont l’annonce confère l’essentiel de son sens à la scène.
Parmi ces facteurs et composantes il faut aussi évoquer le jeu des correspondances entre figures principales et secondaires, inspiré d’un procédé théâtral fréquent, selon des modalités diverses, dans la comédie comme dans la tragédie. Y sont en effet associés la reine et sa suivante, le roi et son conseiller, le héros et son ami ou confident, le maître et son domestique… De même les émotions qui affectent les personnages principaux des tableaux de Greuze trouvent un écho dans les attitudes, les mouvements et les expressions des enfants, voire des animaux domestiques, témoins de la scène. On pense au Geste napolitain52, au Départ de la nourrice (cat. 17 et cat. 18) et à la Réconciliation53 (cat. 15).
Toutefois, l’intérêt de ces figures dites secondaires est sans doute moins l’écho à proprement parler qu’elles font aux personnages principaux que leur statut de
52- 1757, Art Museum, Worcester, Inv. n˚ 1964.113.
53- Vers 1785, dessin, Phoenix Art Museum.
témoins de la scène, à même d’« intéresser » le spectateur en lui offrant une version moins retenue, parfois même exacerbée par la naïveté et la spontanéité, des sentiments que le peintre entend lui faire partager.
À cet égard, à l’exact opposé de la tradition de la scène de genre, les compositions de Greuze reposent sur une esthétique du « drame » et de l’« événement bouleversant » qui suscitent la « mimique éloquente ». Il faut, avec Jean Starobinski, citer les Réflexions critiques sur la Poésie et la Peinture de l’abbé Du Bos, lequel observe dès 1718 que « nous courons par instinct après les objets qui peuvent exciter nos passions, quoique ces objets fassent sur nous des impressions qui nous coûtent souvent des nuits inquiètes et des journées douloureuses : mais les hommes en général souffrent encore plus à vivre sans passions, que les passions ne les font souffrir54 »
De ce constat résulte, poursuit Jean Starobinski, le primat de la « fonction psychologique » de l’œuvre d’art « où prédomine la valeur de l’émoi et de l’intensité », mesurée à l’aune de « son effet subjectif : […] provoquer, par le moyen d’événements figurés, au travers d’une simulation réussie, un instant d’effervescence émotive55 ». Tel est le sens du lien étroit qui unit les compositions, sous toutes leurs formes successives, au corpus des études de têtes, dessinées ou gravées, apparemment autonomes ou reprises plus ou moins à l’identique. Les visages épanouis, parfois au bord de la pâmoison, y côtoient des moues rêveuses ou mélancoliques (cat. 55 et cat. 46) mais aussi des profils anguleux aux traits accusés (cat. 2 , cat. 12 et cat. 13), dont la parenté saisissante avec les têtes classiques et néoclassiques – de Le Brun à David – nous éclaire sur la culture, les préoccupations et les ambitions de Greuze.
Ces ambitions, à l’œuvre dans ses dessins et ses compositions, comme dans ses portraits, doivent beaucoup à Diderot qui, sans doute mieux que quiconque à son époque a fait le lien entre la peinture d’histoire et le portrait, le second se rattachant à la première dans la mesure où elle « embrasse à la fois toutes les formes de la nature, tous ses effets et toutes les affections que l’homme peut éprouver ». Avec un certain cynisme, l’auteur du Paradoxe sur le comédien n’a-t-il pas écrit, dans l’article « Portrait » de Encyclopédie méthodique, que le peintre d’histoire, « accoutumé aux grands mensonges de l’art » est le mieux à même de maîtriser l’exercice du portrait, lequel « lui-même est un mensonge56 » ?
54- Abbé Du Bos, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, collection Beaux Arts Histoire, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts, 1993, p. 4.
55- Jean Starobinski, op. cit., 1964, chapitre I « L’espace humain du XVIIIIe siècle ». « Agir et sentir », p. 11.
56- Diderot et D’Alembert, Encyclopédie méthodique, Beaux-Arts, Portrait, Paris, édition Panckoucke, 1791, tome II, chapitre « Portrait », p. 209.
Il est vrai que le modèle classique de l’expression des passions, issu des travaux et de l’enseignement de Charles Le Brun, s’impose encore aux peintres du XVIIIe siècle. Toutefois l’article « PASSION (Peinture) » de l’Encyclopédie 57, dû au Chevalier de Jaucourt, propose déjà de procéder à une véritable codification des expressions, qui les rendrait lisibles sans confusion possible58, projet où Jean Starobinski discerne l’esquisse « d’une pathognomonie des passions et d’une physiognomonie des caractères 59 », inspirées par Lavater, puis par Gall, lesquels furent à l’origine, quelques décennies plus tard, d’une conception plus systématique encore des types humains, à la croisée du déterminisme social et de la phrénolologie.
Si la production peinte et dessinée de Greuze n’offre que peu de prise à de telles interprétations, la force expres sive et l’énergie vitale de ses œuvres les plus dramatiques, exacerbées par une mise en scène d’essence théâtrale, ont frappé ses contemporains. Ce au point qu’un spectateur et lecteur du XXIe siècle devrait sans doute, pour en prendre la mesure et au risque de l’anachronisme, se référer au Théâtre et son double d’Antonin Artaud, publié en 1938 et empreint d’une même confiance dans le langage spécifique comme dans les pouvoirs cathartiques du spectacle vivant. L’auteur y écrit – et ce texte vaut manifeste – « que la scène est un lieu physique et concret, qui demande qu’on le remplisse, et qu’on lui fasse parler son langage concret […] destiné aux sens et indépendant de la parole, qu’il y a une poésie pour les sens comme il y en a une pour le langage, et que ce langage physique et concret […] n’est vraiment théâtral que dans la mesure où les pensées qu’il exprime échappent au langage articulé. » Il appelle de ses vœux un « langage théâtral pur, qui échappe à la parole, [un] langage par signes, par gestes et attitudes ayant une valeur idéographique tels qu’ils existent dans certaines pantomimes non perverties 60 ».
LA MORALE, LA FAMILLE, LES MŒURS
Une telle vision du théâtre n’est étrangère ni à l’art de Greuze ni aux thèses de Diderot, en ce sens qu’elle est non seulement radicale mais surtout fondamentalement expressive. Toutefois elle conduit à s’interroger sur la relation que les recherches expressives du peintre entretiennent avec la place occupée dans son œuvre par la morale, au cœur de ses préoccupations, dont son commentateur s’est fait suffisamment l’interprète pour que l’on s’y penche. Ce même si l’on ne saurait s’en tenir à la version que ce dernier en propose.
Ainsi Walter E. Rex 61 souligne-t-il, pour préciser les enjeux respectifs de la morale et de la quête de la vérité dans l’œuvre de Greuze, que Diderot utilise fréquemment le mot mœurs » pour aborder l’œuvre de l’artiste mais parfois dans son acception « plus neutre de « tableau de mœurs » » qui renvoie à la fois au « genre » et à une « vision sociale »… laquelle est à vrai dire la sienne propre. Pour autant le commentaire de la Piété filiale [ill. 6] du Salon de 1763 est explicite et édifiant : « D’abord le genre me plaît ; c’est de la peinture morale. Quoi donc ! Le pinceau n’a-t-il pas été trop longtemps consacré à la débauche et au vice ? Ne devons-nous pas être satisfait de le voir concourir enfin avec la poésie dramatique à nous toucher, à nous instruire et à nous inciter à la vertu ? Courage mon ami Greuze, fais de la morale en peinture, et fais-en toujours comme cela !62 »
Plus généralement, on constate que les visées morales – réelles ou présumées – du peintre sont à la fois la source d’une large part de son succès et, par la suite, la cause d’un désintérêt mêlé de condescendance de celles et ceux qui se refusent à réduire une œuvre à un quelconque enseignement. Pourtant ces deux attitudes reposent largement sur des malentendus.
57- Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, Paris, éd. André Le Breton, Laurent Durand, Antoine-Claude Briasson et Michel-Antoine David, tome XII, Paris, 1751-1765, p. 151.
58- René Démoris, « Le langage du corps et l’expression des passions de Félibien à Diderot », in Mots et Couleurs, sous la direction de P. Guillerm, Lille, PUL, p. 41-66.
59- Op. cit., 1964, chapitre 4, « Instants capturés. Le secret des visages », p. 136.
60- Antonin Artaud, Le Théâtre et son double, Paris, Gallimard, collection Idées,1964, p. 57.
61- « Diderot contre Greuze », in Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, année 1998 / 24, p. 7-25.
62- Salon de 1763 : éd. 1975, op. cit., p. 233-236 et éd. 2007, op. cit., p. 234.
ill. 15 - Jean-Baptiste Greuze, La Jeune fille pleurant son oiseau mort, huile sur toile, The National Galleries of Scotland, Edimbourg, Inv. n˚ NG435
En effet, comme le souligne Jean Starobinski, parmi les contemporains du peintre, les amateurs éclairés et les spectateurs attentifs sont nombreux à attendre avant tout que les tableaux en général et ceux de Greuze en particulier leur livrent moins un exemple et des préceptes moraux que la vérité d’un instant, « le choc d’une présence : l’être fugace […] capté dans son passage même63 », ce au risque d’une certaine superficialité… Parallèlement, l’article « Portrait » de l’Encyclopédie affirme que « tout est idéal, tout est magique dans l’art. Il fait entrer le mensonge jusque dans ses expressions les plus précises de la vérité […] il emploie encore plus le prestige que l’imitation fidèle 64 », ce inévitablement au prix de quelques accommodements avec la réalité donc avec la morale.
On comprend mieux, dès lors, que la subordination de l’art du peintre à un « discours », c’est-à-dire à l’expression d’une histoire édifiante, le conduise nécessairement à adopter une esthétique proche de celle du spectacle.
Quoi qu’il en soit, Greuze est bien un peintre de son siècle, celui où « la voix du critique et du philosophe, en matière d’art, commence à se faire entendre65 », celui où se dessinent les premières formes d’un « engagement » avant la lettre des artistes. L’attention qu’ils portent à l’expressivité s’accompagne donc inévitablement d’une « question inquiète sur sa fonction66 », ce que le comte de Caylus exprime en condamnant les artistes qui « ont négligé la peinture pour s’attacher au dessin [et] se sont uniquement livrés au charme flatteur de jeter promptement leurs idées sur le papier […], il faut en convenir, c’est toujours une espèce de libertinage que l’on doit blâmer67 . » Sous ce rapport, Greuze fait figure de peintre vertueux et son art répond à l’appel lancé par Jean-Jacques Rousseau, invitant dans sa Lettre à M. D’Alembert, en réponse à son article « Genève » paru dans l’Encyclopédie en 1757, « nos sublimes auteurs [à] descendre de leur continuelle élévation, et nous attendrir quelquefois pour la simple humanité souffrante, de peur que, n’ayant de la pitié que pour les héros malheureux, nous n’en ayons jamais pour personne68 . » De fait, les figures de notre artiste n’ont pas la stature imposante des héros, elles sont des êtres ordinaires dont la vie relève du quotidien. Lorsqu’elles atteignent au sublime, ce n’est pas par des actes d’exception mais par leur dignité ou leur souffrance dans des circonstances quotidiennes voire banales. Ce parti résulte assurément d’une conception morale de l’art.
63- Jean Starobinski, op. cit., 1964, chap. IV « L’imitation de la nature », « Le secret des visages », p. 135.
64- Diderot et d’Alembert, op. cit., 1751-1765, tome XIII, p. 152-154.
65- Jean Starobinski, op. cit., 1964, chapitre I, « L’espace humain du XVIIIe siècle ». « Agir et sentir », p. 9.
66- Jean Starobinski, Ibid., p. 9.
67- Charles-Philippe de Chennevières, « Discours du comte de Caylus sur les dessins », in Revue universelle des arts, n˚ 9, 1859, p. 314-323.
68- Jean-Jacques Rousseau, Lettre à d’Alembert, Paris, édition Garnier-Flammarion, 1967, p. 89.
ill. 16 - Jean-Baptiste Greuze, Le Miroir brisé, huile sur toile, Londres, The Wallace Collection, Inv. n˚ P442
~ cat. 7 ~
Très tôt Greuze opte – à l’exception de son morceau de réception exposé au Salon de 1769 [ill. 4] – pour l’abolition de toute distance historique entre le spectateur et le sujet qu’il lui propose, qui est, loin des passions héroïques, le plus souvent un événement familial banal mais propre à inspirer des sentiments qu’on peut qualifier d’honnêtes. L’enjeu est que la composition exalte, sous sa forme la plus immédiatement contemporaine et compréhensible, la vertu qu’il « ne trouve jamais assez visible, assez lisible69 . » Dès 1761 l’abbé Philippe Bridard de La Garde, auteur des Observations d’une Société d’amateurs sur les tableaux exposés au Salon cette Année 1761, loue les « sujets qu’imagine et que rend si bien ce jeune peintre », ajoutant qu’ils « pourront former un jour un
traité complet de morale domestique 70 », ce qu’il faut assurément, sous sa plume, lire comme un compliment (cat. 23). Diderot ne dit pas autre chose lorsqu’il formule, dans les Essais sur la peinture un ut pictura poesis radical : « La peinture a cela de commun avec la poésie, et il semble qu’on ne s’en soit pas encore avisé, que toutes deux elles doivent être bene moratae : il faut qu’elles aient des mœurs71 . » C’est bien de morale qu’il est question ici et plus précisément de celle que promeuvent tant les Saintes Écritures que l’histoire antique : « je proteste que Le Père qui fait la lecture à sa famille [ill. 1], Le Fils ingrat [ill. 7] et Les Fiançailles [ill. 2] de Greuze […] sont autant pour moi des tableaux d’histoire que les Sept Sacrements du Poussin, la Famille de Darius de Le Brun ou La Susanne de Vanloo72 . »
Sans doute l’expression la plus saisissante de cette conviction partagée par le peintre et son thuriféraire est-elle – a contrario – le passage du Salon de 1765 où l’auteur du Fils naturel commente sans ménagement La Fille qui reconnaît son enfant à Notre-Dame parmi les Enfants-Trouvés, ou la force du sang 73. Le sujet de ce tableau ne saurait le laisser indifférent mais le peintre, Pierre Antoine Baudoin, fait ici office de repoussoir. Diderot oppose donc « Greuze […] prédicateur des bonnes mœurs ; Baudoin, peintre, prédicateur des mauvaises. Greuze, peintre de famille et d’honnêtes gens, Baudoin, peintre des petites-maisons et des libertins74 . »
Plus précisément, il reproche au premier d’avoir « réduit un événement pathétique à un incident qu’on devine à peine », faute d’avoir exprimé ce qui devait l’être de façon explicite. Surtout, comme l’explique Laurence Marie, « après avoir décrit le tableau [de Baudoin] tel qu’il est, Diderot le réécrit tel qu’il devrait être, en mettant l’accent sur le pathétique 75 » qui fait défaut à l’original : « Voici comme il fallait s’y prendre et comme Greuze s’y serait pris… »… suit une leçon de peinture
69- Edmond et Jules de Goncourt, op. cit., 1882, p. 24.
70- Article publié dans L’Observateur littéraire, septembre 1761, p. 53 (archives Deloynes, tome VII, n˚ 94).
71- Diderot, op. cit., éd. 2007, p. 59.
72- Ibid., p. 66.
73- Tableau actuellement non localisé.
74- Salon de 1765 : éd. 1979 (J. Seznec et J. Adhémar), op. cit., p. 140 et éd. 1876, op. cit., p. 336.
75- Laurence Marie, « La scène de genre dans les Salons de Diderot », in Labyrinthe, 3 / 1999, p. 79-98.
sous la forme de l’ekphrasis d’une œuvre inexistante, pur produit de l’imagi nation du commentateur.
Diderot voit en effet dans l’œuvre de Greuze une peinture au moins aussi édifiante que la peinture d’histoire, un art qui vaut par l’humilité de son sujet, réputé accessible à tous, autant que par son caractère moral. La formule qui résume cette fusion de l’esthétique et de la morale accompagne le commen taire de la Mère bien aimée dans le Salon de 1765 : « Cela est excellent et pour le talent et pour les mœurs. Cela prêche la population, et peint très pathétique ment le bonheur et le prix inestimables de la paix domestique76 ».
Cette « vision idyllique de la proliféra tion des enfants77 » rappelle la définition que Philippe Ariès donne de la famille dans L’Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime publié en 196078, comme d’un « centre de relations sociales caractérisé par une « énorme masse de sociabilité », faisant observer que la cellule familiale se réduit, au fil des décennies et des siècles suivants, à la communauté resserrée des parents et des enfants. Elle n’est – sous cette forme élargie et ouverte – sans doute jamais aussi bien révélée dans les œuvres de Greuze qu’a contrario par les compositions où des événements dramatiques viennent troubler voire bouleverser le cours de l’idylle. Ainsi des différentes versions dessinées du Départ de la nourrice (cat.17 et cat. 18) ou du Retour de la nourrice [ill. 10], où la confusion règne et où l’attitude des enfants désorientés par l’irruption d’intrus dans le foyer trahit leur émotion, pour ne rien dire des animaux domestiques aux abois.
dessin, Galerie Coatalem, Paris ; collection particulière.
est lui aussi le témoin non pas d’un événement mis en scène […] mais de la réalité même ».
La préoccupation morale qui sous-tend les œuvres de Greuze a donc partie liée avec l’attention scrupuleuse à la vérité de la vie familiale et plus largement sociale. Walter E. Rex commente ainsi L’Accordée de village [ill. 2] en s’attachant à la « figure imposante du tabellion » dont le rôle est de « marquer les fiançailles du sceau de la légitimité » et dont la présence « certifie que le spectateur
76- Salon de 1765 : éd. 1979, op. cit., p. 155 et éd. 1876, op. cit., p. 354.
77- Laurence Marie, op. cit., 1999, p. 79-98.
78- Paris chez Plon.
79- Voir note 59.
En accordant cette importance à un tel personnage, le peintre offre des gages de sa propre vertu et témoigne du scrupule avec lequel il traite son sujet, sans rien ignorer du cadre juridique dans lequel il s’inscrit. Il en va de même de la remise de la bourse qui contient l’argent de la dot. Placé au centre de la composition, ce détail est explicitement mentionné dans le Livret du Salon de 1761 qui mentionne l’œuvre comme Un Mariage, & l’instant où le père de l’Accordée délivre la dot à son Gendre. Il peut aujourd’hui paraître trivial, alors même qu’il est l’expression de la transparence du contrat, la preuve que cet argent « a été gagné de façon honorable », à l’exact opposé des scènes de taverne caravagesques où celui qui reçoit la bourse s’en saisit à la dérobée et fuit les regards, preuve que le marché qui lui profite est honteux79
De façon presque symétrique, dans Le Fils puni [ill. 8] l’artiste s’est efforcé de montrer que l’égoïsme et le cynisme aventureux du fils conduisent irrémédiablement au dénuement, à une misère tragique puis à la mort du père et à la destruction de la famille. Le réalisme des détails matériels, comme le jeu des attitudes exacerbées, en administre la preuve. Loin de toute convention factice, l’impératif de la lisibilité résulte d’une obligation morale qui s’impose à l’artiste, celle de la justesse, condition de l’intelligibilité de l’œuvre. Comme Diderot l’écrit dans ses Essais sur la peinture : « L’expression est faible ou fausse si elle laisse incertain sur le sentiment. »
ENTRE INNOCENCE ET PROVOCATION
L’ÉQUIVOQUE
Pourtant, sans doute est-ce précisément, comme l’a relevé Leo Spitzer80 , dans cette alliance de la vérité de la représentation et de la critique des mœurs dissolues de l’époque que peut résider, selon les sujets et les motifs, une ambivalence sinon un paradoxe, dénoncés sans ménagement, on l’a vu, par Jean Starobinski. En d’autres termes, il n’est pas aisé, même à Greuze, de dénoncer le libertinage sans le montrer et de résister à une certaine complaisance dans sa présentation [ill. 12]. Parmi les œuvres qui incarnent cette difficulté, à moins qu’il ne s’agisse d’une véritable ambiguïté, il faut mentionner celles – nombreuses – qui offrent le spectacle des émotions féminines dont le motif n’est pas spécifique à Greuze, comme l’illustrent les « larmes de Manon » versées lors du « souper interrompu » avec le chevalier Des Grieux. Leur « pouvoir se situe à la limite du spirituel et du sensuel », il réside dans un « mélange de réalisme et de gravité tragique […] extrêmement plaisant […] d’une superficialité assez frivole », écrit Erich Auerbach 81, lequel souligne que cette alliance, caractéristique de la morale de Diderot, est « fondée sur une sentimentalité enthousiaste dans laquelle l’élément érotique n’est pas sans jouer un rôle », puis rappelle que l’œuvre de Jean-Jacques Rousseau présente elle aussi « quelques traces de cet amalgame82 ». Les Goncourt sont parmi les premiers à avoir nommé et cerné cette part de l’œuvre de Greuze, née du « raffinement » de son
invention et de son pinceau, entre « innocence » et « provocation ».
« Entre la femme représentée par Greuze et le Désir, il n’y a plus de barrière, le fourreau rigide, le fichu sobre, la toilette droite, solide, presque monastique, des bourgeois de Chardin ; tout flotte, tout vole, tout est nuage, caprice et liberté autour des membres, le linge joue avec ce qu’il ensevelissait de ses grâces, et ce linge, jeté par Greuze sur la peau de la femme, la chatouillant à la saignée des bras, à la naissance des seins, n’est plus le rude linge de ménage, frais sorti, un peu bis, du caveau et de la lessive de la ferme : il est le linge du déshabillé galant […] c’est là le raffinement de Greuze : il change en provocation la simplicité et le négligé de la jeune fille […] Quelle femme, quelle figure fait sortir le peintre de la Cruche cassée, de l’ Oiseau mort [ill. 15 et cat. 7] , du Miroir brisé 83 [ill. 16] . C’est l’innocence de Paris et du XVIIIe siècle, une innocence facile et tout près de sa chute […]. Ce type d’ingénue de Greuze, qui fit son succès et sa gloire : il nous semblera que le peintre l’a apporté à un siècle vieux, aux appétits usé du XVIIIe siècle, ainsi qu’on mène à un vieillard l’enfance perverse d’une femme pour le réveiller.84 »
Outre les trois tableaux mentionnés, les exemples abondent, parmi les peintures et les dessins (cat. 7, cat. 52 et cat. 57), de ce « lien érotique [qui] réunit l’artiste et l’œuvre dans une ardente unité », comme en écho à l’histoire de Pygmalion, devenue l’emblème du « pouvoir vivifiant du génie85 ». C’est évidemment le cas d’œuvres tout à la fois délicates, intimes et d’une sensualité irrésistible, comme la Jeune fille aux colombes 86 [ill. 17] mais aussi et peut-être plus encore des scènes complexes conçues par l’artiste pour représenter le Retour de la nourrice, où cette dernière forme le plus souvent la clef de voûte de la composition et domine toutes les autres figures – dont celles des parents –, telle une majestueuse et paradoxale déesse de la maternité offrant aux regards sa généreuse poitrine (cat. 18).
On pourrait y ajouter un autre dessin, d’inspiration plus satirique, La Scène d’alcôve 87 [ill. 18] où à vrai dire la morale qui s’exprime est celle du boudoir, puisque la jeune femme en est réduite à réconforter son amant
80- Études de style, Paris, Gallimard, Collection Bibliothèque des idées, NRF Éditions, 1970.
81- Voir note 42.
82- E. Auerbach, op. cit., 1965, p. 396-398.
83- Édimbourg, National Galleries of Scotland, Inv. n˚ NG435 et Londres, The Wallace collection, Inv. n˚ P442.
84- Edmond et Jules de Goncourt, op. cit., 1882, p. 59-60.
85- Jean Starobinski, op. cit., 1964, p. 146.
86- Beaux-Arts de Paris, Inv. n˚ EBA 1040.
87- Beaux-Arts de Paris, Inv. n˚ EBA 7388.
ill. 18 - Jean-Baptiste Greuze, Scène d’alcôve, dessin, Beaux-Arts de Paris, Inv. n˚ EBA 7388
ill. 17 - Jean-Baptiste Greuze, La jeune fille aux colombes, dessin, Beaux-Arts de Paris, Inv. n˚ EBA 1040
pitoyablement assis à côté du lit, sous les yeux de sa servante qui soulève le rideau du baldaquin pour présenter le spectacle à un chien – sans doute un bichon frisé –manifestement bien plus alerte.
Bien au-delà de cette frivolité teintée d’ironie, certains tableaux de Greuze ont frappé et souvent conquis ses contemporains par l’audace avec laquelle ils représentent une scène susceptible de faire l’objet d’au moins deux de rhétorique.
On pense d’abord à la Jeune fille qui pleure son oiseau mort [ill. 15], présentée au Salon de 1765, portrait d’une figure éplorée dont la tristesse et la jeunesse peuvent susciter attendrissement et compassion avant que s’impose une autre lecture, métaphorique et dramatique à la fois, celle de la perte de la virginité. Le public ne s’y est pas trompé, à l’instar de Diderot qui s’attarde moins sur le malheur de la jeune fille que sur sa tête, son visage, sa main, son bras, ses doigts, ses fossettes, son charme en un mot. Plus encore il assure que l’on « s’approcherait de cette main pour la baiser, si on ne respectait cette enfant et sa douleur », puis « se surprend conversant avec [elle] et la consolant », devine une visite, une défaillance
et soutire des confidences à son interlocutrice avant de conclure « Je n’aime point à affliger, malgré cela, il ne me déplairait pas trop d’être la cause de sa peine88 ». Au cœur de cette équivoque, l’incertitude dans laquelle le peintre nous a laissés quant à l’âge de son personnage, tour à tour qualifié par l’auteur d’« enfant » voire de « petite », de « jeune fille » et de « grande fille » : « Mais quel âge a-t-elle donc ? – Que vous répondrai-je, et quelle question m’avez-vous faite ? Sa tête est de quinze à seize ans, et son bras et sa main de dix-huit à dix-neuf 89 » Dans ce contexte, la mise à nu de la vraie nature du drame résulte de l’étroite imbrication de la sympathie et de la sensualité, de l’émotion esthétique et du désir amoureux, de la confession et du marivaudage mais, surtout, elle révèle une liberté de mœurs proche du cynisme. Sinon l’œuvre à proprement parler, du moins le dialogue, à la fois subtil et pervers, qui lui tient lieu de commentaire annonce par sa rhétorique manipulatrice l’intrigue et les lettres des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, parues en 1782. Il faut à cet égard à nouveau évoquer le La Mère bien aimée [ill. 11] et l’étude préparatoire pour la tête de son personnage principal, elle aussi commentée par Diderot qui ne manque pas de détailler la carnation, les traits bouleversés, l’extrême sensualité avec laquelle l’artiste a traité ce motif, au point que l’on reste interdit devant sa reprise dans la composition finale. Comment mieux dire, en effet, que l’intensité des plaisirs de la vertu égale celle que les libertins attendent de la débauche, voire qu’il y a entre elles une forme d’analogie, voire une indicible identité de nature ?
Après avoir reconnu le modèle, Diderot expose le paradoxe qui entre pleinement dans ses vues. Il convient d’abord que « l’expression mêlée de peine et de plaisir, montre […] un paroxisme plus doux à éprouver qu’honnête à peindre […] et [fait] baisser les yeux et rougir les honnêtes femmes » ; puis il s’interroge – « Comment se fait-il qu’ici un caractère soit décent, et que là il cesse de l’être » –, avant de conclure en faisant la part de la morale et de l’esthétique, cette dernière ayant significativement le mot de la fin : « Il faut voir les détails de ce cou gonflé, et n’en pas parler. Cela est tout-à-fait beau, vrai et savant90 . »
88- Salon de 1765 : éd. 1876, op. cit., p. 343-345.
89- Ibid., p. 346.
90- Salon de 1765 : éd. 1960 (J. Seznec et J. Adhémar), op. cit., t. II, p. 151 et éd. 1876, op. cit., p. 352.
LA VIOLENCE ET LE CRIME
Loin des évocations flatteuses des émotions érotiques, l’audace des moyens expressifs mis par Greuze au service de sa peinture morale revêt parfois d’autres formes, plus explicites encore et théâtrales, lorsqu’il recourt à la violence pour exprimer l’acuité des drames familiaux. Sans doute l’exemple le plus connu est-il, à nouveau, le fameux diptyque de la Malédiction paternelle dont les versions dessinées et peintes [ill. 7, 8, 19 et 20] décrivent sans ménagements les effets sur un foyer modeste de l’appât du gain, de l’inconséquence et de l’égoïsme du fils de famille : le déchirement, la misère et la mort. À l’opposition entre le père mourant et son fils invalide ainsi qu’à l’échange verbal qui l’accompagne, il existe au moins une source littéraire, dans la scène de Manon Lescaut où
Des Grieux quitte la maison paternelle – non pour s’engager mais pour rejoindre sa maîtresse –, soit deux brèves répliques : « Adieu, fils ingrat et rebelle ! lance le père au chevalier ; Adieu, père barbare et dénaturé ! réplique le fils ». Erich Auerbach y voit le signe que l’abbé Prévost « aime à camper ces personnages dans des situations pathétiques où s’exprime une sentimentalité emphatique […] c’est le ton de la comédie larmoyante, dont la mode s’annonce à la même époque91 ».
En fait, le drame dessiné puis peint par Greuze dépasse de loin en intensité cette scène et les deux répliques très convenues que l’abbé Prévost a placées dans la bouche de ses personnages. On en donnera pour preuve les réactions d’effroi que les deux études préparatoires pour
La Malédiction paternelle [ill. 7 et 8] inspirèrent, lors de leur présentation au Salon de 1765, au critique Joseph Mathon de la Cour : « Ces deux scènes effrayantes sont rendues de la manière la plus forte dans les esquisses.
Je ne conseillerois jamais à M. Greuze de les exécuter. On souffre trop à les voir. Elles empoisonnent l’âme d’un sentiment si profond et si terrible, qu’on est forcé d’en détourner les yeux 92 »
Dans cette œuvre en effet, la recherche du pathétique est à son comble. Il est vrai que le peintre ne saurait représenter la corruption des mœurs sans la peindre dans toutes ses conséquences, même les plus immorales et les plus violentes, jusqu’à l’inhumanité, au risque de choquer. S’annoncent ici, un siècle après les mesures –vite levées – qui suspendirent la représentation du Tartuffe ou du Dom Juan de Molière, les échanges bien plus vifs qui animèrent les milieux artistiques et littéraires au XIXe siècle autour du réalisme puis du naturalisme en peinture comme en littérature et de leur immoralité présumée93 .
Cette peinture sans complaisance, à bien y réfléchir très éloignée de l’image moralisatrice la plus communément répandue de notre artiste, peut aussi se lire comme
91- Erich Auerbach, op. cit.,1965, p. 400.
92- Joseph Mathon de la Cour, troisième lettre à monsieur…, sur les Peintures, les Sculptures & les Gravures, exposées au Sallon du Louvre en 1765, Paris, 28 septembre 1765, p. 11-13.
93- On pense notamment aux procès intentés en 1857 à Gustave Flaubert pour son roman Madame Bovary, puis à Charles Baudelaire pour son recueil Les Fleurs du mal Le premier fut acquitté, le second condamné pour « délit d’outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs, après avoir défendu la « terrible moralité » de son œuvre en réclamant qu’elle soit jugée « dans son ensemble. »
ill. 12 - Jean-Baptiste Greuze, Tête de la mère bien aimée, pastel, Washington, National Gallery of Art, 2000.15.1
l’expression d’une véritable « morale de l’énergie [qui] a besoin de l’opposition entre vice et vertu pour manifester qu’elle vit de leur conflit tout en le transcendant94 ». De fait, à Diderot on doit un manifeste particulièrement éclairant qui accompagne son introduction au Salon de 1765 : « je ne hais pas les grands crimes : premièrement parce qu’on en fait de beaux tableaux et de belles tragédies ; et puis, c’est que les grandes et sublimes actions et les grands crimes, portent le même caractère d’énergie95 »
traditionnellement ? À tout le moins, on ne saurait ignorer que sa peinture prend aussi pour sujet la violence sans retenue et l’immoralité, tant la représentation des « grands crimes » est consubstantiellement liée à celle de leurs victimes, puisqu’elle est le corrélat indissociable de la représentation de la vertu méprisée, offensée voire anéantie.
En ce sens il est au moins aussi important, pour comprendre cette part de l’œuvre de Greuze, de reconsidérer la mesure
Il semble bien qu’il faille reconnaître au peintre l’audace d’avoir répondu à cette attente, si toutefois il ne l’a pas lui-même pour partie suscitée, loin de l’opposition réductrice entre un « vertueux et larmoyant Greuze » et un « Diderot qui ne s’enferme pas dans un moralisme bourgeois 96 ». Dès lors comment réduire l’artiste à l’enseignement moral auquel on l’associe
94- Jean Starobinski, cat. exp. Paris, Hôtel de la Monnaie, 1984-1985, p. 32.
95- Diderot, éd. 1876, p. 342 ; voir à ce sujet W. Rex, op. cit., 1988 / 24, p. 7-25.
dans laquelle son art de la composition et de la mise en scène est le vecteur principal de l’expression d’un jugement moral que tous les moyens mis en œuvre concourent à inspirer et à formuler. Scott Bryson a mis en évidence la part de contrainte visuelle inhérente à ce dispositif et l’habileté avec laquelle le peintre y soumet le spectateur devenu « captif 97 », ce qui peut expliquer l’effroi du
96- Michel Delon, « La beauté du crime », in Europe, n˚ 62, mai 1984, p. 73-83 ; voir aussi Michel Delon, « Violences peintes » in Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, numéros 18-19, octobre 1995, p. 71-79.
97- Scott Bryson, The Chastised Stage : Bourgeois Drama and the Exercise of Power, collection Stanford French and Italian Studies, University of Southern California, Anma Libri, Saratoga, 1991.
ill. 19 - Jean-Baptiste Greuze, Le Fils ingrat, huile sur toile, Paris, musée du Louvre, Inv. n˚ 5038
critique Mathon de la Cour, victime lucide de cette « machination98 ». On l’a compris, l’influence de l’esthétique de la scène est ici cruciale. Elle nous renvoie aux thèses de Beaumarchais et – à nouveau – à celles de Diderot mais aussi au théâtre de Schiller dont les Brigands sont publiés en 1781, ainsi qu’à ses écrits théoriques où il milite pour un théâtre conçu comme une institution morale et éducative, à l’instar d’un tribunal99
DE LA MÉTHODE À L’ŒUVRE
Malgré les tensions internes, les ambivalences voire les contradictions apparentes, l’œuvre de Greuze, se caractérise à la fois par son originalité et sa forte cohérence, telles qu’elles lui ont valu des critiques insistantes quant à son style qu’il n’aurait pas su renouveler, quant au genre et aux sujets qu’il affectionne, marqués par l’unité de leur inspiration, voire la reprise des mêmes thèmes, à l’exception bien sûr de son morceau de réception [ill. 4].
La voie qu’il a choisie, définie et suivie avec constance n’a pas toujours été comprise, comme l’attestent les critiques insistantes de Jean Starobinski. Ce dernier lui reproche en effet à la fois sa double fidélité, d’une part au « pathos théâtral de la peinture d’histoire », d’autre part à une « psychologie traditionnelle » reposant sur la « rhétorique des passions », qui ne peut enfanter que des « types moraux ou passionnels assez peu diversifiés ». Il juge enfin ce choix incompatible avec un parti résolument novateur, celui de la représentation d’un « univers réaliste », du « monde de l’expérience quotidienne » et de la « présence vraie des objets100 . »
C’est oublier que, loin de l’image naïve et bien-pensante communément répandue, l’équivoque assumée de certaines des œuvres de Greuze a pu dépasser par son audace les compositions délibérément libertines de ses contemporains, au point de bouleverser les critiques les moins enclins à s’effaroucher. D’autre part, son goût pour la reprise de sujets qu’il remet plusieurs fois sur le métier – du dessin à la peinture et de la peinture au dessin, sans oublier la reproduction de ses compositions par l’estampe – est tout sauf une facilité. Il est au contraire
le moteur d’une recherche inquiète de la forme qu’appellent, jusque dans les détails apparemment anodins, une idée et un sujet.
Cette quête infatigable du motif explique largement l’imbrication permanente de l’expérience personnelle et quotidienne d’une part, du long travail d’élaboration des compositions de l’autre. Si l’on doit à Diderot la genèse de la Piété filiale [ill. 6], retracée dans son Salon de 1763, l’artiste lui-même, dans une lettre publiée le 13 avril 1781 par le Journal de Paris 101 , narre avec une précision fiévreuse la scène de rue parisienne qui lui a inspiré, comme « un coup de lumière », l’idée de la Bellemère102 : la « belle-mère, la fille de la défunte et la grandmère de l’orpheline, la fille de la belle-mère et un enfant de trois ans », animées d’expressions de « haine », de « modestie et de crainte », de « douleur », idée aussitôt étudiée dans l’atelier, reprise, traitée sous forme de variations innombrables, corrigée…
La succession paradoxale de l’inspiration soudaine –d’essence romantique avant la lettre – et du labeur acharné sans lequel l’œuvre ne saurait voir le jour, résume à elle seule la méthode de Greuze, qui n’a alors guère d’équivalent, du moins aussi explicitement revendiqué. Tout d’abord, elle illustre l’exigence d’authenticité formulée par Diderot dans son Salon de 1767 – « La nature ! La nature ! Quelle différence entre celui qui l’a vue chez elle et celui qui l’a vue en visite chez son voisin » – et la mise en pratique des recommandations que ce dernier adresse aux peintres : « Cherchez les scènes publiques ; soyez observateurs dans les rues, dans les jardins, dans les marchés, dans les maisons, et vous y prendrez des idées justes du vrai mouvement dans les actions de la vie103 . »
D’autre part, elle confirme la place dans la production de Greuze des dessins, c’est-à-dire non seulement leur nombre considérable mais aussi leur fonction qu’expriment les déclinaisons et reprises d’un même motif, les variations sur ses thèmes de prédilection, révélatrices de recherches sans cesse renouvelées pour fixer la forme idéale d’un souvenir, d’une attitude, d’une figure, d’une scène.
98- Dans l’acception du terme qui renvoie au genre des « pièces à machines », florissant, il est vrai, un siècle plus tôt.
99- Schiller prononce en 1784 un discours intitulé « Quel effet peut produire un bon théâtre permanent ? », discours qu’il publie en 1787 dans la Thalie Rhénane sous le titre « Le théâtre considéré comme une institution morale » ; ce texte n’est traduit en français qu’en 1861 dans Œuvres de Schiller, tome VII « Mélanges de Schiller précédés du Visionnaire », traduction nouvelle par Ad. Régnier, p. 290 ; voir aussi l’éd. Belles Lettres, dans Schiller, Ecrits sur le théâtre, traduit par Gilles Darg, 2012 ; Pierre Frantz, « Le crime devant le tribunal du théâtre : les Brigands de Schiller et leur fortune sur la scène française », in Littératures classiques, 2008 / 3, n˚ 67, p. 219-230.
100- Op. cit., 1964, p. 136.
101- Cité par E. et J. de Goncourt, op. cit., 1882, p. 19-20.
102- Dessin conservé au musée Bonnat-Helleu à Bayonne, provenant de la collection Jacques Petithory, Inv. n˚ RF 50998.
103- Éd. 2007, op. cit., chapitre « Mes pensées bizarres sur le dessin », p. 16.
Enfin, elle suppose, à bien lire l’artiste lui-même, la mise en œuvre d’une autre injonction de Diderot, celle de peindre non des « caractères » mais des « conditions104 . » L’enjeu n’est donc plus tant de codifier les expressions pour les rendre compréhensibles, que de mettre en scène des types humains et sociaux, significatifs par leurs expressions, attitudes et vêtements comme par les accessoires qui les entourent, à la fois d’un contexte social contemporain et d’une œuvre – littéraire ou artistique – autonome, microcosme conçu comme le reflet de cette réalité.
Le « tableau de mœurs » qui en résulte est à cet égard le lointain ancêtre de la « description des Espèces Sociales » que Balzac – sous l’influence de Walter Scott mais aussi de Cuvier et Lavater – se fixe comme but dans l’« AvantPropos » de la Comédie humaine. Le travail de l’artiste n’a d’autre but que de conférer à ses personnages, aux décors et aux accessoires de ses scènes une réalité plus convaincante, plus efficace, plus vraie donc que la nature ellemême. En ce sens, sa volonté semble s’effacer – il l’écrit lui-même – devant l’évidence de ses œuvres, comme si ces dernières étaient dotées d’une vie propre, à l’instar de « maillons dans une chaîne d’événements, […] tels qu’on en trouve dans un roman », fait observer Walter E. Rex105 .
Diderot, dans son commentaire de la Piété filiale [ill. 6], ne dit pas autre chose, lorsqu’à un interlocuteur indigné que « toutes les têtes de cette scène [soient] les mêmes que celles de son tableau des Fiançailles [ill. 2], et celles de ses Fiançailles les mêmes que celles de son Paysan qui fait la lecture à ses enfants [ill. 1] » il répond « D’accord ; mais si le peintre l’a voulu ainsi ? S’il a suivi l’histoire de la même famille ?106 », et l’on devine qu’il s’agit là non d’une hypothèse mais d’une certitude. Deux ans plus tard, le même auteur se fait plus péremptoire encore à propos de L’Enfant gâté dont il fait l’épisode d’un véritable feuilleton : « Tout cela signifie que c’est sa petite blanchisseuse d’il y a quatre ans qui s’est mariée, et dont il se propose de suivre l’histoire107 . »
En d’autres termes, la création de « types » humains et sociaux serait indissociable de l’ambition de créer une œuvre à l’échelle non de chaque dessin ou tableau pris isolément mais de l’ensemble de la production. Ce procédé, qui ne doit rien au hasard et qui annonce le
« retour des personnages » balzacien, d’une part relie entre eux les travaux de toutes natures de l’artiste et d’autre part confère à chacun une épaisseur, une réalité, une vie autonome, un destin qui les soustraient en quelque sorte à la fiction picturale.
C’est ce processus qui donne aux diptyques, comme aux jeux de correspondances et d’échos entre compositions, tout leur sens au sein d’une narration « réticulaire », selon la formule de Laurence Marie108 , chaque personnage se nourrissant non seulement de la scène où le spectateur le découvre mais aussi et surtout de ses apparitions successives qui le chargent d’une histoire propre, d’un réseau familial et social. À cette aune d’ailleurs les efforts des amateurs, comme ceux des érudits, destinés à identifier les têtes dessinées ou peintes et à les rapprocher des personnages des compositions, pour vains qu’ils soient parfois, n’en sont pas moins justifiés et en parfait accord avec le génie propre de l’œuvre qui invite le spectateur à une exploration fiévreuse, à l’instar des commentaires de Diderot.
La référence au théâtre s’impose pour aborder l’art de Greuze, tant en raison de l’omniprésence de cet art dans la vie sociale et culturelle de son temps que de la lecture que Diderot propose de ses œuvres. Toutefois elle n’épuise pas – et de loin – à elle seule le talent littéraire du peintre, manifestement excellent romancier. Comme l’écrit Régis Michel le « principe de fiction continue renforce l’efficacité dramatique des personnages ; ils sont des protagonistes attitrés d’une saga familiale dont la plupart des épisodes se relient109 . » Pour décrire cette esthétique propre à la seconde moitié du XVIIIe siècle, Leo Spitzer a forgé le concept de « réalisme sentimental », applicable au théâtre comme au roman et à la peinture, qui dessine une postérité tant littéraire qu’artistique, au moins jusqu’à la Comédie humaine de Balzac et l’on voit bien que, dans ce contexte, le terme de « mœurs » doit s’entendre dans son acception sociale au moins autant que morale.
Je tiens à remercier pour leurs précieux conseils Antoine Chatelain, Éric Coatalem et David Guillet.
Emmanuelle Brugerolles
conservatrice générale honoraire du patrimoine Directrice d’études émérite à l’École pratique des Hautes Études
104- Entretiens sur le Fils naturel , dans Œuvres. Esthétique et théâtre, tome IV, présenté par Laurent Versini, Paris, éd. Laffont, 1996, p. 1167-1168.
105- Voir note 59.
106- Salon de 1763 : éd. 2007, op. cit., p. 238.
107- Salon de 1765 : éd. 1876, op. cit., p. 347.
108- Voir note 75.
109- Cat. exp. Paris, Hôtel de la Monnaie, 1984-1985, p. 111.
ill. 20 - Jean-Baptiste Greuze, Le Fils puni, huile sur toile, Paris, musée du Louvre, Inv. n˚ 5039
CATALOGUE
Jean-Baptiste Greuze, peintre de l’enfance
et de la famille
Introduction
« L’ascension et la chute d’un phénomène » : c’est ainsi qu’Anita Brookner1 titrait sa monographie sur Jean-Baptiste Greuze, mettant en évidence l’incroyable succès de l’artiste jusqu’à son quasi discrédit à la fin du siècle. Inventeur d’un genre nouveau qui devait « inspir[er] la vertu par les yeux 2 », Greuze élabore une peinture morale à un moment où l’art se doit d’édifier dans un esprit bien différent des pastorales de François Boucher (1703-1770). La sensibilité nouvelle, insufflée par les théories sensualistes de Locke (1632-1704) et de Condillac (1714-1780), a ouvert la voie à une recherche du naturel qui rencontre un goût pour les expressions dont Greuze se fait l’un des meilleurs représentants. Longtemps négligé par les historiens, son art a bénéficié ces dernières décennies de plusieurs travaux qui ont permis de lui rendre sa juste place entre Boucher et Jacques Louis David (1748-1825). Si les études greuziennes bénéficient depuis 1908 du catalogue raisonné de Jean Martin3, elles ont été largement complétées par les nombreux travaux d’Edgar Munhall. La rétrospective qu’il organisa en 1977 4, aux États-Unis et en France, puis son exposition de 20025 autour de Greuze dessinateur, marquent en effet le renouveau des travaux sur l’artiste. Les études de Mark Ledbury6 et d’Emma Barker 7 ont permis de contextualiser son œuvre dans un environnement culturel plus large, insistant sur l’importance du théâtre dans ses compositions et explicitant la vision morale de Greuze au prisme des idéaux et questionnements contemporains. À ces travaux, il faut aussi ajouter les nombreux ouvrages8 et expositions9 qui abordent son
lien avec Denis Diderot (1713-1784). Sa réputation a souffert des « Greuze girls10 », piquante expression utilisée par les historiens de l’art pour définir ses jeunes filles éplorées à la connotation érotique, ainsi que de ses nombreuses têtes d’expression dont la récente thèse de Yuriko Jackall11 a su cependant montrer toute l’originalité.
Né à Tournus le 21 août 1725, Greuze est le sixième enfant du maître couvreur Jean-Louis Greuze et de Claudine Roch. Sa jeunesse et sa formation demeurent floues mais c’est vraisemblablement vers 1750 qu’il arrive à Paris après un premier passage dans l’atelier du peintre Charles Grandon (1691-1762) à Lyon. Grâce à l’amitié du sculpteur Jean-Baptiste Pigalle (1714-1785), il parvient à présenter des œuvres aux membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture qui l’élisent membre agréé en juin 1755 en tant que peintre de genre. Il est découvert par le public au Salon de la même année avec un premier envoi particulièrement remarqué. Parmi les œuvres qu’il expose alors, La Lecture de la Bible 12 est sans doute son tableau le plus ambitieux [ill. 1]. Qualifié de « jeune émulateur des Téniers13 » par Guillaume Baillet de Saint-Julien (1726-1795), Greuze « charme tout le monde14 ». Ses tableaux reçoivent des « applaudissements universels15 » selon l’abbé Gougenot (17191767) et inaugurent auprès du public et de la critique un succès sans précédent. Sa réussite incite l’abbé à lui proposer de l’accompagner dans son voyage d’Italie qu’il entreprend en septembre 1755. Si ce dernier rentre en France dès 1756, Greuze reste à Rome jusqu’en 1757.
1- A. Brookner, Greuze: The Rise and Fall of an Eighteenth-century Phenomenon, Greenwich, Conn., 1972.
2- Anonyme, Journal de politique et de littérature, 1775, p. 230.
3- J. Martin, Œuvre de J.-B. Greuze : catalogue raisonné, suivi de la liste des gravures exécutées d’après ses ouvrages, Paris, G. Rapilly, 1908.
5- Greuze the Draftsman, cat. exp. New York, Los-Angeles, 2002.
6- M. Ledbury, Sedaine, Greuze and the boundaries of genre, Oxford, Voltaire Foundation 2000.
7- E. Barker, Greuze and the painting of sentiment, New York, Cambridge University Press, 2005.
8- Voir par exemple, S. Lojkine, 2007, p. 115-128, et É. Lavezzi, 2009.
9- Voir notamment Paris, 1984-1985, et Montpellier, Lausanne 2013-2014.
10- John Rivers (Greuze and His Models, 1912) est le premier à avoir utilisé cette appellation, sur ce sujet, voir B. Fort, 2007.
11- Y. Jackall, Jean-Baptiste Greuze et ses têtes d’expression. La fortune d’un genre, Paris, CTHS, 2022.
12- Huile sur toile, H. 65,3 ; L. 82,4 cm, Paris, musée du Louvre, inv. RF 2016 3.
13- G. Baillet de Saint-Julien, 1755, p. 6.
14- Anonyme, L’Année littéraire, 1755, p. 59.
15- Abbé Gougenot, éd. 2023, t. I, p. 6.
Au cours de ces quinze mois passés dans la capitale italienne, il exécute un nombre important de dessins et notamment quatre tableaux qui seront unanimement salués lors du Salon de 1757. À son retour en France, il épouse Anne-Gabrielle Babuty (1732-1…) en janvier 1759 et n’aura de cesse de la portraiturer, tantôt en vestale, tantôt alanguie, jusqu’à leur divorce en 1793 au terme de plusieurs années d’un mariage chaotique.
Les années 1760 comptent parmi les plus fastes pour Greuze, qui triomphe au Salon avec un genre nouveau alliant les ressorts de la peinture d’histoire à son goût pour le naturel. Avec ses scènes moralisantes qui transportent le spectateur dans un cadre domestique et familial, il s’impose comme l’un des artistes les plus originaux de sa génération. Adoubées par la critique, Diderot en tête, ses grandes compositions édifiantes, comme L’Accordée de village 16 (1761) [ill. 2] ou La Piété filiale 17 (1763) [ill. 3] exploitent le sentimentalisme qui touche le mitan du siècle avec un remarquable sens de la narration. L’échec de son morceau de réception présenté en 1769 marque un tournant important dans la carrière de l’artiste puisqu’il refuse par la suite d’exposer au Salon jusqu’en 1801. Son Caracalla 18 , dont la genèse et la fortune ont été analysées par Annick Lemoine et Michaël Szanto19 , provoque en effet une vive polémique et met fin aux prétentions de Greuze comme peintre d’histoire, puisque l’Académie le confirme comme « peintre de genre particulier ». Son retrait volontaire l’oblige alors à mettre au point différentes méthodes qui lui permettent de créer l’événement à l’intérieur même de son atelier, dans un esprit de provocation face à l’institution. Grâce à la presse qui annonce ses compositions et aux gravures 20 qui en assurent la publicité, il fait naître un intérêt grandissant pour ses œuvres, témoignant d’une volonté d’indépen-
dance et participant à l’autonomie des mondes de l’art qui se conquiert au XVIIIe siècle. De La Dame de Charité 21 au diptyque de La Malédiction paternelle 22, les tableaux exécutés au cours des années 1770 sont acclamés par le public. Greuze poursuit ses recherches vers des œuvres plus majestueuses, moins anecdotiques, où l’exemple de Poussin demeure important. Il confirme aussi sa place comme l’inventeur d’un genre nouveau qui se fait plus explicitement moralisateur.
1 - Jean-Baptiste
La fin du siècle correspond à une période plus sombre pour Greuze, tant du point de vue professionnel que personnel. Son divorce est prononcé le 4 août 1793 et ses nouvelles œuvres ne rencontrent pas le succès espéré. Appauvri, il revient au Salon au début du XIXe siècle avec des compositions qui exploitent sa réussite passée mais qui ne correspondent plus au goût des contemporains. C’est en revanche dans le domaine du portrait qu’il se fait plus novateur. Avec des effigies d’une étonnante simplicité qui se concentrent sur la psychologie de la personne portraiturée, il se rapproche de David et peint le milieu bonapartiste. Son Portrait de Vivant Denon 23 , daté de 1804, est, par exemple, d’une redoutable sobriété : sa touche se fait moins empâtée, il élimine tout détail superflu pour se concentrer sur l’expression de son modèle. Greuze meurt dans son atelier du Louvre le 21 mars 1805.
Organisée à l’occasion du tricentenaire de la naissance de Greuze, cette exposition a l’originalité de ne présenter que des œuvres de collections particulières rassemblées par Éric Coatalem. Les grandes compositions moralisantes qui ont fait la renommée de l’artiste sont évoquées par leurs dessins préparatoires permettant de rentrer dans l’intimité de la création de celui qui n’aura cessé de vouloir « peindre l’homme dans la vie privée24 ».
16- Huile sur toile, H. 92 ; L. 117 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 5037.
17- Huile sur toile, H. 115 ; L. 146 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, inv. ГЭ -1168.
18- Huile sur toile, H. 124 ; L. 106 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 5031.
19- Greuze et l’affaire du Septime Sévère, cat. exp. Tournus, 2005.
20- Voir É. Dacier, 1926, et Ch. Michel, 1984.
21- Huile sur toile, H. 112 ; L. 146 cm, Lyon, musée des Beaux-Arts, inv. B 576.
22- Le Fils ingrat et Le Fils puni, huile sur toile, H. 130 ; L. 163 cm, et H. 130 ; L. 164 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 5038 et 5039.
23- Huile sur bois, H. 60,4 ; L. 50 cm, Cherbourg, musée Thomas Henry, inv. 835.117.
24- Abbé Le Brun, 1776, p. 92.
ill.
Greuze, La Lecture de la Bible, huile sur toile, H. 65,3 ; L. 82,4 cm, Paris, musée du Louvre, inv. RF 2016 3.
ill. 2 - Jean-Baptiste Greuze, L’Accordée de village, huile sur toile, H. 92 ; L. 117 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 5037.
ill. 3 - Jean-Baptiste Greuze, La Piété filiale, huile sur toile, H. 115 ; L. 146 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, inv. ГЭ -1168.
De Pierre-Jean Mariette (1694-1774) à Diderot, tous les contemporains ont rapporté le caractère particulièrement changeant de Greuze, relevant sa vanité et son orgueil. Dans l’éloge funèbre que Lecarpentier écrit peu après sa mort, il semble résumer son tempérament en affirmant qu’il avait « la noble fierté d’un homme pénétré par son mérite25 ». Les témoi gnages sur sa personnalité sont nombreux : si certains louaient sa « figure spirituelle26 », l’abbé Mulot (1749-1804) lui trouvait au contraire « un air de charlatanisme être à l’origine de la vogue donnée à ses ouvrages. Le « célèbre, glorieux et suffisant Greuze28 », dont la physionomie est connue tant par les descriptions des contemporains que par ses multiples autoportraits, a laissé l’image d’un artiste sûr de son art et soucieux d’en laisser la trace à la postérité. L’autoportrait [cat. 1] présenté dans l’exposition est une redécouverte récente qui alimente le corpus des portraits de l’artiste, mais s’en distingue aussi par certains points. Il s’y donne à voir de trois quarts, regardant le spectateur, vêtu d’un costume d’atelier bleu sous lequel se devine une chemise blanche agrémentée d’un jabot de dentelle. Représenté plus jeune que sur l’autoportrait de l’Ermitage29, mais légèrement plus âgé que sur celui de Tournus30 , il apparaît dans une toilette simple quoique rendue magistralement par la touche vive de son pinceau. La sobriété du fond renforce l’expressivité et la luminosité de son visage. Point d’idéalisation, il s’y montre sans concession, n’hésitant pas à laisser deviner de légers cernes bleus sous ses yeux. Proche dans la physionomie de son portrait dessiné de profil31 [ill. 4] et de celui du musée du Louvre32 [ill. 5], tous deux situés vers 1760, ce tableau doit être daté de la même période et peut peut-être se confondre avec l’autoportrait du Salon de 1761 (n˚ 98), où il se représente alors âgé de 36 ans. Les dimensions similaires
(2 pieds de haut sur 1,5 de large selon le livret) ainsi que le témoignage de Diderot qui note un peu fatigué33 » du modèle pourraient en effet encourager cette identification. Il semble également possible de rapprocher cet autoportrait du tableau exposé chez Ange Laurent de La Live de Jully (1725-1779), dans la seconde pièce sur la cour, entre un Portrait de femme d’Alexis-Simon Belle (1674-1734) et le Portrait de Everhard Jabach34 de Hyacinthe Rigaud (1659-1743). Dans le catalogue de son cabinet que La Live rédige avec l’aide de Mariette, il considère ce portrait d’une parfaite ressemblance & d’une vérité de teintes prises dans la nature35 ».
Pierre Rémy, dans le catalogue de la vente La Live de Jully en 1770, le décrit plus précisément : « il [Greuze] s’est représenté presque à mi-corps, la tête découverte, le col de sa chemise déboutonné, & en robe de chambre bleuâtre » avant d’ajouter qu’il « a le mérite des morceaux que cet habile artiste sait si bien perfectionner36 ».
ill. 5 - Jean-Baptiste Greuze, Portrait de l’artiste, huile sur toile, H. 65 ; L. 51,5 cm, Paris, musée du Louvre, inv. MI 1071.
25- C.-L. F. Lecarpentier, Notice sur Greuze lue dans la séance de la société libre d’Émulation de Rouen, 1805, p. 6, cité par E. Munhall dans cat. exp. Hartford, San Francisco, Dijon, 1976-1977, p. 8.
26- C.-L. F. Lecarpentier, op. cit., p. 214.
27- Abbé Mulot, 1778, éd. 1902, p. 23.
28- Ryhiner à Desfriches, lettre datée du 18 mai 1785, citée par P. Ratouis de Limay, 1907, p. 42.
29- Huile sur toile, H. 55,5 ; L. 46 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, inv. ГЭ -5644.
30- Huile sur toile, H. 55 ; L. 49,5 cm, Tournus, musée Greuze-Hôtel Dieu, inv. 82.1565.
31- Plume, encre noire et lavis gris sur papier vergé, H. 14,7 ; L. 11,9 cm, Oxford, Ashmolean Museum, inv. WA1947.176. Une étiquette ancienne, autrefois sur le revers du cadre, indique : « J.B. Greuze peint / par lui-même à l’âge de 35 ans. »
32- Huile sur toile, H. 65 ; L. 51,5 cm, Paris, musée du Louvre, inv. MI 1071.
33- D. Diderot, Salon de 1761, éd. J. Seznec et J. Adhémar, 1957, p. 134. Je remercie Emmanuelle Brugerolles de m’avoir suggéré cette identification.
34- Huile sur toile, H. 138 ; L. 105 cm, Bussy-le-Grand, château de Bussy-Rabutin, inv. PM21002829, voir A. James-Sarazin, 2016, t. II, p. 51-52, n˚ P.130.
35- A. L. de La Live de Jully, 1764, p. 17.
36- Catalogue raisonné des tableaux, de différentes écoles […] qui composent le Cabinet de M. La Live de Jully, 5 mars 1770 et jours suiv., p. 52, n˚ 108.
~ cat. 1 ~ Autoportrait
Huile sur toile
H. 61,3 ; L. 50,1 cm
~ cat. 2 ~
Tête de vieil homme, le regard levé
Sanguine sur papier vergé H. 45,2 ; L. 37,4 cm
I. Une « morale en peinture »
« Courage, mon ami Greuze, fais de la morale en peinture, et fais-en toujours comme cela ! 37 »
L’injonction de Diderot à Greuze lors du Salon de 1763 est restée célèbre par la verve du philosophe, mais aussi parce qu’elle qualifie un genre qui apparaît alors comme nouveau et dont il reconnaît à Greuze la paternité38. C’est « le premier qui se soit avisé parmi nous de donner des mœurs à l’art39 » écrit-il encore au Salon suivant. Les scènes de genre peintes par Greuze ne sont pas, en effet, de simples représentations d’images domestiques, elles donnent l’exemple, elles doivent parler au cœur et émouvoir le spectateur. C’est la confrontation avec la scène dramatique qui offre au regardeur la leçon cathartique dont Greuze s’est fait la spécialité. Rapprochées du drame bourgeois par les historiens, ses compositions sont « au carrefour du théâtre et du roman40 ». En choisissant des sujets tirés de la vie quotidienne, il déplace les exemples de vertu de la peinture d’histoire vers des représentations plus triviales mais qui, par leur naturel et leur sensibilité, peuvent élever l’âme. La grande narrativité des tableaux de Greuze a été relevée par Diderot qui proposait de suivre « l’histoire de la même famille41 » : le fameux « casting d’enfer42 » décrit par Régis Michel. La force du récit, mis en avant par une gestuelle et des expressions soutenues, confère à ses compositions une puissance romanesque singulière. Les tableaux de Greuze, tout comme le drame bourgeois, exploitent l’ensemble de la gamme émotionnelle et tendent à représenter l’acmé du récit, un instantané qui doit pouvoir être directement compris par le spectateur. L’émotion parfois exagérée des différents personnages, mais nécessaire pour la compréhension de l’action, concourt à cette vision et produit la charge émotionnelle recherchée43. Le dispositif théâtral mis en œuvre par Greuze sert en effet à mettre en avant les principaux personnages de ses compositions autour desquels le drame se joue. Dans sa Piété filiale, le père attire tous les regards, « sa belle tête est d’un caractère si
37- D. Diderot, Salon de 1763, éd. J. Seznec et J. Adhémar, 1957, p. 233.
38- Sur la spécificité des scènes de genre de Greuze, voir notamment É. Lavezzi, 2009.
39- D. Diderot, Salon de 1765, éd. J. Seznec et J. Adhémar, 1960, p. 144.
40- É. Lavezzi, 2009, p. 86.
41- D. Diderot, Salon de 1763, op. cit., p. 236.
42- R. Michel dans cat. exp. Paris, 2000, p. 100-101.
43- N. Bryson, 1981, p. 127.
44- D. Diderot, Salon de 1763, op. cit., p. 234.
45- Y. Jackall, 2022, p. 221-223.
46- Huile sur toile, H. 113 ; L. 147 cm, collection particulière.
touchant44 » selon Diderot. Cette tête fait l’objet de nombreux dessins, certains préparatoires [cat. 2], d’autres semblent plutôt être des variations qui dérivent de la toile peinte et qui constituent autant d’œuvres autonomes45. Comme le philosophe, les nombreux commentateurs mettent en avant cette émotion face aux œuvres de Greuze qui témoignent d’une pénétration de la morale bourgeoise dans la société de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Tous les acteurs font l’objet d’un soin particulier, Greuze multipliant les dessins préparatoires pour concevoir l’attitude la plus à même d’exprimer son idée. Pour La Distribution des rosaires 46 [ill. 6], une toile tardive (v. 1780) qui met en scène un groupe de jeunes filles rendant visite à un ermite, l’artiste étudie scrupuleusement toutes les figures de son image pour trouver les attitudes et les expressions lui convenant [cat. 3 et 4]. Cette toile diffère, par son sujet religieux, des drames bourgeois des années 1760, mais elle permet de mettre en scène la vertu des jeunes filles et, à l’artiste, de montrer tout son talent dans la représentation d’une large gamme émotionnelle.
Influence nordique
ill. 6 - Jean-Baptiste Greuze, L’Ermite ou La Distribution des rosaires, huile sur toile, H. 113 ; L. 147 cm, collection particulière.
~
~ cat. 3
Jeune fille debout, la main droite sur l’oreille
Sanguine sur papier vergé
H. 47,1 ; L. 30,5 cm
~
Sanguine sur papier vergé
~ cat. 4
Jeune fille debout vue de dos
H. 47,1 ; L. 30,8 cm
Influence nordique
Si la peinture morale telle qu’elle est décrite par Diderot sert à caractériser les grandes compositions de Greuze comme La Piété filiale ou La Malédiction paternelle, son art est dès ses débuts marqué par une recherche de la vertu. Déjà au Salon de 1755, l’artiste s’impose en effet comme le peintre de la représentation vertueuse de la famille avec sa présentation de La Lecture de la Bible. L’influence nordique de ce tableau a été soulignée par les contemporains qui l’ont rapprochée des œuvres de Teniers47. L’engouement exceptionnel que connaissent les peintres du Nord au cours du XVIIIe siècle encourage en effet les artistes français à puiser au sein de leur répertoire mais en le transformant et en l’adaptant au goût de leur temps. Au cours du séjour italien de Greuze (1755-1757), l’influence nordique demeure importante même s’il n’ignore pas l’art antique et les maîtres qu’il copie à Rome notamment. Au Salon de 1757, il expose le fruit de son voyage en présentant quatre tableaux dans le costume d’Italie : L’Oiseleur qui au retour de la chasse accorde sa guitare 48 , La Paresseuse italienne 49 ainsi que Le Geste napolitain 50 et Les Œufs cassés 51 [ill. 7]. Propriété de l’abbé Gougenot, ces deux derniers tableaux constituent un jalon essentiel dans la mise au point de la structure narrative et dramatique des œuvres de Greuze. Plus qu’ailleurs, il parvient dans Les Œufs cassés à une remarquable synthèse de ses sources visuelles, entre goût pour l’art nordique et intérêt pour l’antique. La jeune fille avec son panier d’œufs semble directement reprise de l’œuvre éponyme de Franz van Mieris (1635-1681), une toile aujourd’hui à l’Ermitage mais conservée dans la collection du comte de Brühl (1700-1763) au XVIIIe siècle et gravée par Pierre Étienne Moitte (1722-1780) dès 175452 [ill. 8]. Willibald Sauerländer53 est le premier à avoir mis en avant les résurgences de l’art antique dans l’œuvre de Greuze qui depuis les Goncourt 54 apparaissait comme hermétique aux leçons italiennes. L’historien allemand a ainsi reconnu dans la pose du marchand portugais celle de
l’Hercule Farnèse, « une des belles statues grecques qui soit à Rome55 » selon Gougenot. À ces différentes sources, Greuze ajoute à sa composition une connotation érotique évidente avec les œufs cassés, symbole traditionnel de la perte de la virginité. Le dessin préparatoire [cat. 5] présente quelques différences avec la toile, notamment dans le décor et les accessoires, mais les gestes et les attitudes des personnages sont déjà bien arrêtés56 . Ils sont aussi représentés légèrement plus jeunes que dans le tableau, selon un procédé qui sera récurrent chez Greuze. Exécuté à la pierre noire rehaussé de craie blanche et largement estompé, ce dessin évoque les études pour Le Geste napolitain , mais dans une manière plus expressive et peut-être plus naïve qu’on retrouve
ill. 9 - Jean-Baptiste Greuze, Jeune garçon raccommodant un œuf, pierre noire, sanguine et rehauts de craie blanche, H. 33,8 ; L. 27,4 cm, Vienne, Albertina, inv. 12165.
47- « Nous finirons cette partie par deux tableaux de M. Greuze, qui cherchent bien les Teniers », Annonces, affiches, et avis divers, 10 septembre 1755, p. 148.
48- Huile sur toile, H. 64 ; L. 48 cm, Varsovie, Muzeum Narodowe, inv. M.Ob.914 (211718).
49- Huile sur toile, H. 64,8 ; L. 48,9 cm, Hartford, Wadsworth Atheneum, inv. 1934.11.
50- Huile sur toile, H. 73 ; L. 94,4 cm, Worcester, Worcester Art Museum, inv. 1964.113.
51- Huile sur toile, H. 73 ; L. 94 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 20.155.8.
52- A. Brookner, 1972, p. 40.
53- W. Sauerländer, 1965.
54- « Greuze […] reste français en Italie [il] échappe à l’air de Rome, à ses leçons, à la contagion des beautés et des grandeurs de l’art italien », E. et J. de Goncourt, 1880-1884, p. 297.
55- Abbé Gougenot, éd. 2023, t. III, p. 118.
56- J. Thompson (1984, p. 48, n. 7) cite deux autres dessins préparatoires passés en vente à la fin du XIXe siècle : Hôtel Drouot, 19 mars 1890, n˚ 43 : « Greuze : Étude du maître pour le tableau gravé par Moitte sous le titre les Œufs cassés » ; Hôtel Drouot, 16-17 mai 1898, n˚ 143 : « Les Œufs cassés, beau dessin aux trois crayons, rehaussé de pastel. Signé : Greuze, année 1756. 41 x 53 cm ».
~ cat. 5 ~
Les Œufs cassés
Pierre noire, fusain et rehauts de craie blanche sur papier vergé H. 27,8 ; L. 38 cm
Inscription en bas à droite à la pierre noire : « Greuze f. Rome 1756 »
ill. 7 - Jean-Baptiste Greuze, Les Œufs cassés, huile sur toile, H. 73 ; L. 94 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 20.155.8.
dans ses œuvres de jeunesse57. Le jeune garçon à droite, essayant en vain de raccommoder un œuf, a retenu l’attention du public et des chercheurs qui y ont vu les traits de Cupidon, accompagné de son arc et de ses flèches58 . Il incarne la naïveté de l’enfance face « aux conséquences irréparables de l’abandon amoureux 59 ». Il fait également l’objet d’un dessin très soigné aux trois crayons 60 [ill. 9], sans doute plutôt une répétition 61 qu’un dessin préparatoire, à destination d’un amateur sensible à ce détail pittoresque.
Après son retour en France et sans doute au début des années 1760, Greuze poursuit ses recherches autour de thématiques à la dimension moralisante dont il trouve l’origine chez les peintres du Nord. Les Offres malhonnêtes [cat. 6] appartiennent à cet ensemble et explorent le
l’Antiquité et qui connaît au Nord de l’Europe une grande popularité entre le XVIe et le XVIIe siècle. Dans la scène imaginée par Greuze, un vieillard offre une bourse à une jeune fille qui le repousse, tandis qu’il se fait surprendre par celle qui pourrait bien être sa femme de l’autre côté de la fenêtre. Le chat tout comme le jeune garçon qui tente de retenir le vieillard ajoutent un aspect dramatique absent chez les peintres hollandais. Leurs gestes condamnent l’attitude moralement critiquable du vieux barbon et mettent en avant sa lubricité. Deux dessins62 permettent de suivre le processus créatif de l’artiste qui avait d’abord imaginé le groupe central dans le sens inverse [ill. 10]. Notre feuille a appartenu à Claude Henri Watelet (17181786), l’un des plus fervents amateurs de peinture hollandaise, qui l’a gravé dans sa manière rembranesque 63 , renforçant le caractère nordique de la composition.
Une Jeune fille qui pleure la mort de son oiseau
La critique de Diderot sur la Jeune fille qui pleure la mort de son oiseau 64 [ill. 11], que Greuze présente au Salon de 1765 (n˚ 110), est sans doute l’un de ses commentaires les plus fameux. La conversation qu’il imagine avec la jeune fille le porte à la rêverie et lui permet d’exposer son analyse sur la véritable cause de sa tristesse : « Mais, petite, votre douleur est bien profonde, bien réfléchie ! Que signifie cet air rêveur et mélancolique ? Quoi ! pour un oiseau ! Vous ne pleurez pas. Vous êtes affligée, et la pensée accompagne votre affliction. Çà, petite, ouvrez-moi votre cœur : parlez-moi vrai ; est-ce bien la mort de cet oiseau qui vous retire si fortement et si tristement en vous-même ?… Vous baissez les yeux ; vous ne me répondez pas ». « Cette enfant pleure autre chose 65 », écrit-il encore. Diderot voit en effet dans cette image la représentation symbolique de la perte de la virginité, allusion qu’il avait déjà perçue dans Le Miroir brisé 66, un tableau annoncé dans le livret du Salon de 1763 (n˚ 139), mais finalement non exposé67 .
57- Sur Greuze dessinateur en Italie, voir E. Munhall dans cat. exp. New York, Los Angeles 2002, p. 44-54, nos 4 à 7, et A. Chatelain, 2022.
58- E. Munhall dans cat. exp. Hartford, San Francisco, Dijon, 1976-1977, p. 40, et J. Thompson, 1984.
59- C. B. Bailey dans cat. exp. Ottawa, Washington, Berlin, 2003-2004, p. 248.
60- Pierre noire, sanguine et rehauts de craie blanche sur papier vergé, H. 33,8 ; L. 27,4 cm, Vienne, Albertina, inv. 12165.
61- J. Thompson, 1984, p. 48.
62- Sanguine sur papier vergé, H. 22,3 ; L. 17,6 cm, ancienne collection de l’Académie des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg, loc. actuelle inconnue ; autre version (ou copie du dessin précédent ?), sanguine sur papier vergé, H. 24,9 ; L. 18,7 cm, vente Londres, Christie’s, 5 juillet 2022, n˚ 59.
63- E. Munhall dans cat. exp. Hartford, San Francisco, Dijon, 1976-1977, p. 76, n˚ 28.
64- Huile sur toile, H. 52 ; L. 45,6 cm, de forme ovale, Édimbourg, National Galleries of Scotland, inv. NG 435.
65- D. Diderot, Salon de 1765, éd. J. Seznec et J. Adhémar, 1960, p. 145-146.
66- Huile sur toile, H. 56 ; L. 45,6 cm, Londres, The Wallace Collection, inv. P442.
67- E. Munhall dans cat. exp. Paris, 1984-1985, p. 240, sous le n˚ 63.
~ cat. 6 ~
Les Offres malhonnêtes
Plume, encre noire, lavis gris et encre brune sur traits de crayon noir, sur papier vergé H. 33,5 ; L. 26,2 cm
« Le sujet de ce petit poème est si fin, que beaucoup de personnes ne l’ont pas entendu ; ils ont cru que cette jeune fille ne pleurait que son serin 68 » remarque-t-il une nouvelle fois. Il est vrai qu’aucun autre critique ne relève la connotation érotique pourtant déjà exploitée par Greuze dès 1756 dans son tableau des Œufs cassés [cat. 5] où l’allusion était peut-être plus explicite. Alors que l’interprétation du philosophe a prévalu chez les historiens de l’art, Emma Barker69 a cependant proposé une lecture moins restrictive, en montrant que le tableau ne représente pas seulement la perte de la virginité, mais aussi et plus largement la perte de l’innocence. En s’appuyant notamment sur la littérature du temps, elle voit aussi dans cette image s’élever et, dans un même temps, être réprimé le spectre de l’inceste. Selon elle, le spectateur implicite à qui s’adresse la toile serait une figure « quasi paternelle70 » qui dans un mouvement contradictoire désavouerait son propre désir pour la jeune fille, tout en jouissant néanmoins d’une intimité
68- D. Diderot, Salon de 1765, op. cit., p. 147.
69- E. Barker, 2012.
70- Ibid., p. 89.
71- Anonyme, L’Année littéraire, 1759, lettre 10, p. 226.
72- D. Diderot, Salon de 1759, éd. J. Seznec et J. Adhémar, 1957, p. 68.
Si le tableau de 1765 est resté célèbre grâce au commentaire de Diderot, Greuze avait déjà peint le même sujet quelques années auparavant [cat. 7]. Le prototype, signé et daté de 1757, est présenté au Salon de 1759 (n˚ 107) et représente également une jeune femme en méditation devant la mort de son oiseau, se tenant la tête avec sa main gauche. Sa toilette est sophistiquée, elle porte un collier de perles et un châle dans un tissu léger qu’elle a noué autour du cou. L’attention de l’artiste au rendu des matières, le réalisme avec lequel il peint l’oiseau et sa cage sont le signe de l’influence encore importante des peintres nordiques sur Greuze au tournant des années 1750. Le tableau retient peu l’attention des critiques si ce n’est l’auteur anonyme de L’Année littéraire qui écrit que les ouvrages de Greuze « les plus piquants sont ces têtesétudes d’après nature qui sont vraiment peintes de main de maître, telle […] la Jeune fille qui pleure son oiseau 71 ». Dans une tout autre appréciation, Diderot écrit que « les Greuze ne sont pas merveilleux cette année. Le faire en est raide, et la couleur fade et blanchâtre72 », un jugement qui apparaît quelque peu injuste au regard de la délicatesse des blancs et de la manière dont le peintre parvient à rendre la carnation de son modèle. Sa coiffure et son
11 - Jean-Baptiste Greuze, Jeune fille qui pleure la mort de son oiseau mort, huile sur toile, H. 53,30 ; L. 46 cm, de forme ovale, Édimbourg, National Galleries of Scotland, inv. NG 435.
cat. 7 ~
Une Jeune fille qui pleure la mort de son oiseau
Signé et daté en bas, à droite, sur la cage : « I. Greuze.
»
Huile sur toile
H. 71 ; L. 61 cm, de forme ovale
1757
ajustement sont particulièrement proches de ceux d’une jeune femme donnant la becquée à des oisillons que Greuze dessine également en 1757 73 [ill. 12]. Cette feuille, issue de la collection de l’abbé Gougenot, sera gravée par Moitte sous le titre de La Jeune nourrice et annoncée dans L’Avant-coureur le 14 mars 1768. Tout comme un autre dessin conservé à l’Ermitage74 , cette feuille et notre toile témoignent des recherches de Greuze autour du thème de la jeune femme contemplant des oiseaux morts ou plus rarement vivants. Edgar Munhall a rapproché ces représentations d’un poème de Catulle que l’artiste aurait pu connaître grâce à la traduction qu’en donne Michel de Marolles (1600-1681) en 1653 75. Outre l’allusion symbolique mise en avant par Diderot, il faut voir, dans cette représentation, l’image de l’émotion ressentie devant la première confrontation avec la mort. L’intention morale qui se lit en filigrane dans cette œuvre se retrouve dans d’autres allégories, notamment dans La Cruche cassée 76 qui, comme La Jeune fille qui pleure la mort de son oiseau , joue sur l’ambiguïté d’une représentation à plusieurs niveaux de lecture.
Autour du « Fils ingrat »
Au Salon de 1765, Greuze expose deux dessins77 qui retiennent l’attention des visiteurs. Le Fils ingrat et Le Fils puni explorent le thème de la malédiction paternelle, une réinterprétation moderne de la parabole du fils prodigue78 [ill. 13]. Peut-être inspirés par Diderot qui avait écrit en 1758 Le Père de famille, une pièce en cinq actes qui met en scène la malédiction d’un père à son fils, les pendants de Greuze choquent les spectateurs par l’émotion qu’ils suscitent. Dans son commentaire du Salon, Mathon de La Cour (1738-1793) décrit précisément les scènes : le départ du fils enrôlé dans l’armée laissant sa famille dans la plus grande misère ainsi que son retour, quelques années plus tard, où il découvre, en passant le seuil du foyer, le corps mort de son père laissant alors transparaître ses remords et sa douleur. Le critique « souffre trop à les voir » et conclut en ces termes : « elles empoisonnent l’âme d’un sentiment si profond & si terrible qu’on est forcé d’en détourner les yeux » à tel point qu’il « ne sai[t] si [il] conseillerai[t] à M. Greuze de les exécuter79 ».
C’est seulement entre 1777 et 1778, soit plus de dix ans plus tard, que l’artiste exécute les versions peintes qu’il présentera directement dans son atelier, n’exposant plus au Salon depuis 1769. Les compositions ont subi quelques changements, elles présentent moins de détails pittoresques, elles sont plus majestueuses, Greuze ayant privilégié une sobre simplicité qui convenait sans doute mieux au message moral qu’il souhaitait exprimer. Dans Le Fils ingrat [ill. 14], le dessinateur a inverti sa composition par rapport au dessin de 1765 et en modifie le décor. Comme à son habitude, Greuze multiplie les dessins de figures pour préparer ses images, méthode qui s’inscrit dans l’enseignement classique du dessin en France tel qu’il est théorisé au cours du XVIIe siècle. Son expérience de la peinture d’histoire l’a sans doute encouragé à multiplier les dessins de nu qui peuvent parfois se confondre avec de véritables académies et qu’il traite toujours avec une grande force comme dans une feuille [cat. 8] où les hachures viennent heurter le corps pour mettre en valeur la musculature. Ce procédé se retrouve dans une puissante étude pour le fils ingrat que Greuze dessine d’après nature où le modèle prend la pose de sa figure [cat. 9]. Cette pose correspond à celle du
73- Pinceau, encre noire et lavis gris sur papier vergé, H. 16,4 ; L. 11,9 cm, de forme ovale, Rouen, musée des Beaux-Arts, inv. AG.1822.1.71.
74- Sanguine sur papier vergé, H. 38,8 ; L. 30,9 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, inv. OP-14800. Sur les autres représentations de femmes et d’oiseaux, voir E. Munhall dans cat. exp. New York, Los Angeles, 2002, p. 62.
75- E. Munhall dans cat. exp. Hartford, San Francisco, Dijon, 1976-1977, p. 104, sous le n˚ 44.
76- Huile sur toile, H. 109 ; L. 87 cm, de forme ovale, Paris, musée du Louvre, inv. NV 503.
77- Plume, encre noire, lavis gris et brun sur traits de crayon graphite, sur papier vergé, H. 32 ; L. 42 cm, Lille, Palais des Beaux-Arts, inv. Pl. 1430 et Pl. 1431, voir S. Raux, 1995, nos 26-27.
78- J.-C. Bonnet, 1980, p. 198.
79- C.-J. Mathon de La Cour, 1765, p. 61.
ill. 13 - Jean-Baptiste Greuze, Le Fils ingrat, pinceau, lavis brun et gris sur traits au crayon graphite, sur papier vergé, H. 32 ; L. 42 cm, Lille, Palais des Beaux-Arts, inv. Pl. 1431.
ill. 14 - Jean-Baptiste Greuze, Le Fils ingrat, huile sur toile, H. 130 ; L. 164 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 5039.
~ cat. 8 ~
Homme nu debout, regardant vers la gauche et tendant le bras
Sanguine sur papier vergé H. 51,6 ; L. 32 cm
~ cat. 10 ~ Buste de jeune homme, la tête de trois quarts vers la gauche
Huile sur toile
H. 40,6 ; L. 32,4 cm
~ cat. 9 ~
Homme nu debout le bras droit tendu
Sanguine sur papier vergé H. 60,4 ; L. 38,1 cm
ill. 16 - Jean-Baptiste Greuze, Étude d’un homme et d’un jeune enfant, sanguine sur papier vergé, H. 43,7 ; L. 34 cm, Dijon, musée des Beaux-Arts, inv. 4730.
pinceau, encre noire et lavis gris sur traits de crayon noir et rehauts de gouache blanche, sur papier vergé, H. 51,5 ; L. 63,7 cm, Vienne, Albertina, inv. 15374.
jeune homme dans le dessin de Lille (en sens inverse néanmoins) et dans celui plus tardif de l’Albertina [ill. 15], sans doute réalisé peu avant l’exécution de la toile. Son poing gauche serré marque sa détermination à quitter le foyer familial tandis que son bras droit avec la main tombante indique déjà le départ qui semble inéluctable. Dans une autre étude pour le même personnage [ill. 16], vêtu cependant et accompagné de son frère qui s’accroche à lui, Greuze modifie définitivement ce geste pour un mouvement plus expressif et plus à même d’incarner le drame qui se joue alors. Aux recherches autour du fils, il faut peut-être ajouter une étude peinte très achevée que l’artiste aurait exécutée avant d’invertir sa composition, à moins qu’il s’agisse plutôt d’une variation autonome autour de cette figure [cat. 10].
Le fils n’est pas le seul à retenir l’attention de l’artiste qui se concentre aussi sur la figure du père, l’autre protagoniste de la scène. Plusieurs dessins documentent en effet la démarche de Greuze et sa méthode de travail, permettant de mettre en lumière « une chronologie de la conception 80 ». Le dessin de la collection Castel 81 constitue sans doute la première recherche autour de ce personnage qu’il représente avec sa fille en train de le consoler [ill. 17]. Il est directement lié au dessin de Lille où il sera intégré au reste de la scène. L’inversion de la composition pour le passage à la peinture engendre des modifications conséquentes dans l’expression du père : d’une figure suppliante, il devient plus maudissant. Dans une esquisse rapide, Greuze détermine d’abord la position du père [cat. 11]. À ce stade de la création, il s’intéresse
80- É. Pagliano, 2013, p. 215.
peu à l’expression de son personnage mais travaille autour de ses gestes et de son vêtement qu’il anime de plis mouvementés qui servent à exprimer l’instantanéité de l’action représentée. Deux dessins étudient plus précisément son expression [cat. 12 et 13], une expression particulière que les contemporains ont tenté de caractériser à l’instar de Sautreau de Marsy (1740-1815) qui Journal de Paris :
Il faut voir ce père infortuné dans une attitude qui exprime à la fois l’indignation, la colère & la douleur ; ses cheveux se hérissent ; tout annonce le trouble de ; une de ses mains à l’air de repousser le fils qui a répondu si mal à ses soins ; de l’autre, il lui donne sa malédiction : mais sa tendresse perce encore au milieu de sa colère ; il n’est personne qui ne se dise en soi-même : « il le frappe, mais son cœur se déchire »82 .
Avec ces études – qui comptent sans doute parmi ses plus brillants dessins –, Greuze affirme son talent dans la représentation des émotions. C’est la colère unie à la douleur qu’il dépeint ici à l’aide d’une sanguine grasse et épaisse qu’il affectionne. S’il est tentant de voir dans ces feuilles des dessins préparatoires, il pourrait aussi s’agir d’œuvres autonomes, exécutées après la peinture à destination des amateurs, sensibles à l’expressivité des têtes de l’artiste. Le diptyque de La Malédiction familiale est sans doute l’œuvre de Greuze où la portée morale de son art est la plus clairement exprimée. Après avoir commenté et admiré les tableaux, le même Sautreau de Marsy conclut en semblant résumer les recherches de l’artiste : « on se sent disposé à devenir meilleur après les avoir vus83 ».
ill. 17 - Jean-Baptiste Greuze, Étude d’une femme agenouillée prenant dans ses bras un homme assis, pinceau et encre brune sur traits de crayon noir, sur papier vergé, H. 21,2 ; L. 27,4 cm, collection particulière, Paris.
81- Plume et encre brune sur traits de crayon noir, sur papier vergé, H. 21,2 ; L. 27,4 cm, collection particulière.
82- C.-S. Sautreau de Marsy, 1777, p. 2
83- Ibid., p. 3.
~ cat. 11 ~
Sanguine sur papier vergé
H. 43 ; L. 33,2 cm
Homme assis, vu de profil, les bras tendus
~ cat. 12 ~ Tête d’homme, de profil vers la droite
Sanguine sur papier vergé H. 43,9 ; L. 32,7 cm
~ cat. 13 ~
Tête d’homme, de profil vers la droite
Sanguine sur papier vergé H. 47,4 ; L. 32,5 cm
II. Représenter l’intime
La sensibilité nouvelle qui touche la seconde moitié du XVIIIe siècle encourage la représentation de scènes de la vie quotidienne plus intimes qui valorisent une « harmonie entre générations, dans la famille comme dans la société84 ». Le bonheur se fait plus individuel et les conditions de vie s’améliorent. Au sein de la famille, l’enfant prend une place de plus en plus importante et devient le sujet pour un nombre croissant de peintres qui mettent en scène le nouvel idéal porté par l’esprit des Lumières85. De profonds changements sociaux ont encouragé un nouveau « sentiment de l’enfance86 » se traduisant par une plus grande individualisation de l’enfant qui acquiert alors « droit de cité dans la littérature et dans la vie sociale87 ». L’ouvrage de Jean-Jacques Rousseau (17121778), Émile ou De l’éducation, publié en 1762, marque un tournant et bouleverse la parentalité. Promoteur d’idées largement partagées par les contemporains, il ouvre la voie à une éducation qui privilégie le jeu et l’épanouissement de la liberté. À partir du mitan du siècle, le rôle éducatif de la mère devient de plus en plus important tandis que la figure du père se fait bienveillante et aimante, témoignant de ce que Michel Foucault a appelé « l’intensification affective de l’espace familial 88 ». Peut-être influencée par la Réforme et par la Contre-Réforme, la famille se resserre au XVIIIe siècle autour d’un noyau plus restreint. Les représentations de Greuze donnent à voir cette nouvelle conception de la famille. Chez lui plus qu’ailleurs, « la sphère familiale devient aussi un théâtre d’une palette nuancée d’émotions89 ». Tantôt attentif, tantôt défaillant, le groupe de la famille est mis à l’épreuve dans des mises en scène qui exploitent le « besoin inédit d’émotions90 » propre à la période.
Dans La Réconciliation 91 [ill. 18], un tableau perdu ou jamais exécuté92, Greuze met en scène le retour d’un mari volage dans le foyer familial. La mère, fâchée et accoudée à une table, est située à l’extrémité de la scène, le père à l’autre, et entre eux, la fille aînée tente de réconcilier ses parents. Son geste ainsi que ceux de sa sœur et de ses frères montrent que les enfants sont
84- V. Gourdon, 2012, p. 140.
indirectement les victimes du mauvais comportement des adultes, dans une pensée moralisante chère à l’artiste. Les nombreux feuillets préparatoires liés à cette composition, connue par pas moins de trois dessins d’ensemble93 , prouvent le soin apporté par Greuze à la construction de sa scène qu’il conçoit en frise. Le jeune
ill. 18 - Jean-Baptiste Greuze, La Réconciliation, plume, encre noire, lavis gris sur traits au crayon noir, sur papier vergé, H. 48,2 ; L. 62,5 cm, Collection of Phoenix Art Museum, Gift of Mr. and Mrs. Randall Barton in memory of Mr. Bruce Barton, Jr. (1964.209).
garçon s’approchant de sa mère pour la consoler fait l’objet d’une puissante et séduisante sanguine [cat. 14]. Son caractère très abouti laisse songeur sur sa fonction, entre dessin préparatoire et motif exécuté après le tableau, s’il eût existé. L’expression du garçon est difficile à caractériser, entre tristesse de la situation et espoir de la réconciliation. Le plus jeune des fils se console auprès d’un des chiens de la famille dans un geste tendre qui rappelle l’importance des animaux dans les scènes de Greuze [cat. 15]. Plus que de simples observateurs, ils renforcent bien souvent le sens des compositions : celui aux pieds de la fille aînée traduit au contraire l’agitation ambiante. Le propos d’un tel dessin résonne particulièrement chez Greuze qui connaît d’importants déboires avec son épouse, Anne-Gabrielle Babuty, et montre bien l’importance des allusions autobiographiques dans son
85- Sur la représentation de l’enfant au XVIIIe siècle, voir notamment les catalogues des expositions : Marly, Cholet, 2003, et Paris, 2016 ; ainsi que les actes du colloque de Nancy en 2005, L’enfant dans la ville et dans l’art au XVIIIe siècle
86- P. Ariès, 1975, p. 29. Voir aussi J. Gélis, « L’individualisation de l’enfant » dans P. Ariès et G. Duby (dir.), 1986, p. 311-329.
87- C. Georgel, 1989, p. 5.
88- A. Farge et M. Foucault, 1982.
89- A. Corbin, « Introduction », dans A. Corbin, J.-J. Courtine, G. Vigarello (dir.), 2016, p. 6.
90- Ibid., p. 5.
91- Plume, lavis d’encre noire sur traits au crayon noir, sur papier vergé, H. 48,2 ; L. 62,5 cm, Phoenix, Art Museum, inv. 1964.209.
92- M. Szanto dans cat. exp. Paris, 2016-2017, p. 116, sous le n˚ 34.
93- Sur les différents dessins liés à cette composition voir P. Rosenberg dans cat. exp. Paris, Édimbourg, Oxford, 1995, p. 130-131, n˚ 48.
~ cat. 14 ~
Tête de jeune garçon, la bouche entrouverte
Sanguine sur papier vergé H. 37,5 ; L. 30,7 cm
~ cat. 15 ~
Un Enfant embrassant un chien
Plume et lavis gris sur traits au crayon graphite, sur papier vergé H. 20,5 ; L. 24 cm
œuvre. Nos études ainsi que les dessins d’ensemble sont traditionnellement situés vers 1785 94, comme La Femme colère du Metropolitan Museum95 où le caractère personnel est encore plus présent. Il faudrait cependant envisager une date légèrement antérieure à la fin des années 1770, en raison du témoignage de Pahin de La Blancherie (1752-1811) qui annonce dans les Nouvelles de la République des Lettres et des Arts du 13 juillet 1779 « un nouveau tableau […] des mains de ce peintre philosophe ; son sujet est la réconciliation de deux époux, leurs enfants sont chargés du soin touchant de les réunir…96 ».
admirateur, Greuze se plaît à dépeindre des scènes de la vie quotidienne qui rejoignent parfois le goût pour les représentations de marchands ambulants ou de petits métiers non qualifiés. Au cours des années 1760, il exécute en effet un ensemble de dessins exploitant ces thématiques, dessins qui ne sont pas liés à des compositions peintes mais qui constituent des œuvres autonomes à destination des amateurs. Le Ramoneur [cat. 16] offre un bel exemple
de ces scènes de genre qui diffèrent de la traditionnelle représentation des « Cris de Paris » puisqu’il y ajoute une narration et autant d’accessoires qui confèrent à ses images un esprit familial et intimiste qui lui est propre. Dans une cuisine où fourmille un joyeux désordre, Greuze choisit de représenter le moment où le ramoneur vient de descendre de l’échelle et effraie la petite fille, l’obligeant à se cacher derrière sa mère. Cette dernière est en train d’enlever le linge qui protégeait la tête du jeune garçon ; elle tient dans sa main gauche un balai, s’apprêtant à mettre de l’ordre dans son ménage. Le petit chien, comme souvent chez Greuze, participe au récit et semble lui aussi apeuré par l’arrivée du ramoneur. Il s’agit vraisemblablement d’un petit Savoyard dont la plupart passent en France pour rejoindre les villes où ils « parcourent les rues depuis le matin jusqu’au soir, le visage barbouillé de suie97 » selon les mots de Louis-Sébastien Mercier (1740-1814). Dans son Tableau de Paris, il livre une description du difficile métier de ces pauvres garçons :
Il est bien cruel de voir un pauvre enfant de huit ans, les yeux bandés & la tête couverte d’un sac, monter des genoux & du dos dans une cheminée étroite & haute de cinquante pieds ; ne pouvoir respirer qu’au sommet périlleux, redescendre comme il est monté, au risque de se rompre le col, pour peu que la vétusté du plâtre forme un vide sous son frêle point d’appui ; & la bouche remplie de suie, étouffant presque, les paupières chargées, vous demande cinq sols, pour prix de son danger & de ses peines. C’est ainsi que se ramonent toutes les cheminées de Paris98
Il semble que Greuze ait exécuté plusieurs dessins autour de ce sujet avec des compositions relativement identiques. Le chevalier de Damery (1723-1803), un important collectionneur qui entreprend de faire graver son cabinet à partir de 175799 , possédait en effet une version très semblable connue aujourd’hui par la gravure de Nicolas-Joseph Voyez (1742-1806) [ill. 19]. Ce dessin diffère cependant de notre feuille, notamment dans la position du ramoneur, accroupi et non debout, ainsi que dans le décor et les accessoires. Le soin que Greuze apportait à la diffusion de son œuvre n’autorise pas, en effet, à penser que le graveur aurait pu prendre tant de liberté avec son modèle.
94- E. Munhall dans cat. exp. Hartford, San Francisco, Dijon, 1976-1977, p. 206, sous le n˚ 97.
95- Plume, encre noire et rehauts de craie blanche sur traits de crayon noir, sur papier vergé, H. 51,1 ; L. 64 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, inv. 61.1.1.
96- Nouvelles de la République des Lettres et des Arts, mardi 13 juillet 1779, n˚ 22, p. 170.
97- L.-S. Mercier, Tableau de Paris, éd. corrigée & augmentée, Amsterdam, 1782, t. IV, chap. CCCXVIII « Savoyards », p. 101.
98- Ibid., p. 101-102.
99- Sur la collection du chevalier de Damery, voir W. McAllister Johnson et V. Meyer, 2009.
cat. 16 ~
Plume, encre noire et lavis gris sur traits de crayon noir, sur papier vergé H. 45 ; L. 36 cm
~
Le Ramoneur
La mise en nourrice
Au cours des années 1760, Greuze se fait l’écho des préoccupations sociales contemporaines en exécutant un ensemble de dessins sur le thème de la mise en nourrice100 . Porté par un « modèle culturel imposé par l’entourage familial et social101 », cet usage s’est particulièrement développé dans l’espace urbain et touche au siècle des Lumières presque toutes les couches de la société, excepté les plus pauvres102. Même si elle demeure encore largement d’usage, cette pratique est cependant critiquée au cours de la seconde moitié du siècle, notamment par les philosophes tels que Rousseau ou Diderot. L’Encyclopédie se fait en quelque sorte le porte-parole de cette nouvelle sensibilité ; on lit ainsi à l’article « mère » rédigé par Boucher d’Argis (1708-1791) : « Le premier devoir d’une mère est d’allaiter ses enfants, & de les nourrir & entretenir jusqu’à ce qu’ils soient en âge de gagner leur vie, lorsque le père n’est pas en état d’y pourvoir103 ». Dans son Avis aux mères qui veulent nourrir leurs enfans, Marie-Angélique Le Rebours (1731-1821) ne dit pas autre chose et met en garde contre l’importante mortalité des enfants envoyés chez la nourrice104. À ces préoccupations contemporaines, Greuze mêle dans ses représentations des allusions personnelles évidentes puisqu’elles font en effet directement référence à sa propre expérience de la paternité. Greuze épouse AnneGabrielle Babuty en janvier 1759. Ils ont trois enfants, une première fille morte en bas âge en novembre de la même année, puis une deuxième Anne-Geneviève, née le 16 avril 1762, et une troisième, Louise-Gabrielle, née le 14 mai 1764105 . Grâce aux écrits du graveur et ami de Greuze, Jean-Georges Wille (1715-1808)106 , on sait que la deuxième fille du couple est en nourrice à Champigny, en proche banlieue parisienne, en 1763.
Les dessins de Greuze autour de cette thématique sont assez nombreux et ne paraissent pas avoir été conçus en vue de l’élaboration d’un tableau peint. Il semble qu’il s’y soit intéressé à travers deux compositions principales, sans qu’on puisse néanmoins déterminer
l’antériorité de l’une vis-à-vis de l’autre. Elles représentent toutes les deux le départ de l’enfant chez la nourrice, un moment particulièrement déchirant pour la famille du nouveau-né. La composition verticale [cat. 17], gravée par Jean-Baptiste Blaise Simonet (17421817) sous le titre de La Privation sensible, a largement été commentée par les historiens de l’art qui ont relevé la présence d’une forte sensibilité maternelle107. Elle est préparée par une rapide esquisse à la plume où tous les personnages sont déjà clairement indiqués [ill. 20] Dans les versions horizontales [cat. 18 et ill. 21], Greuze construit de manière plus inédite sa scène autour du père et rajoute des personnages qui participent au récit de l’action représentée. L’artiste campe la scène sur le palier de la maison familiale, ce qui lui permet de fermer la composition dans sa partie droite. Le perron fonctionne comme une scène de théâtre et offre au
ill. 20 - Jean-Baptiste Greuze, Le Départ en nourrice ou La Privation sensible, plume, encre noire, lavis gris sur traits de crayon noir, sur papier vergé, H. 29,5 ; L. 25,2 cm, collection particulière.
100- Je résume ici l’analyse plus détaillée déjà abordée dans ma communication « Expérience personnelle de la paternité et représentation(s) chez Greuze », lors du colloque Histoire des pères et de la paternité en Occident XVe-XXe siècle (2022), sous la dir. d’Emmanuelle Berthiaud et d’Isaure Boitel, Amiens, Université de Picardie-Jules Verne (actes à paraître).
101- A. Chamoux, 1985, p. 1025.
102- C. Rollet et M.-F. Morel, 2000, p. 140.
103- A.-G. Boucher d’Argis, article « mère », Encyclopédie, 1765, t. X, p. 379.
104- « Lorsqu’on donne un enfant en nourrice, on espère qu’il viendra bien, parce que dans la qualité de ceux qui y sont mis, on en voit qui ont le bonheur d’en revenir : mais on ne tient pas registre dans les villes de tous ceux qui ont péri en nourrice faute de bons soins. Je suppose qu’il revienne la moitié […] », M.-A. Le Rebours, 1765, p. 38-39.
105- F. Arquié-Bruley, 1981, p. 152.
106- « Le 19 [septembre 1763] M. Greuze me vint voir de très-grand matin, et me proposa de l’accompagner, en compagnie de madame Greuze et de M. Doyen, peintre, à Champigny, pour voir leur enfant, qui y est en nourrice. Je consentis d’autant plus volontiers, qu’il est mon ami particulier, et, comme nous avions un bon carrosse de remise, nous étions de retour sur les six heures du soir » J.-G. Wille, éd., 1857, t. I, p. 230.
107- Sur la représentation de la tendresse maternelle au XVIIIe siècle, voir en particulier C. Duncan, 1973 et E. Barker, 2005, p. 90-112.
~ cat. 17 ~
Le Départ en nourrice ou La Privation sensible Plume, encre noire et lavis gris sur traits de crayon noir, sur papier vergé
H. 32 ; L. 27, 5 cm
Signé en bas à droite : « Greuze »
dessinateur la possibilité de disposer ses acteurs autour de la nourrice et du père, les deux principaux protagonistes. Perchée sur son cheval prêt à partir, la nourrice tient dans ses bras le nouveau-né emmailloté. Elle est représentée vêtue d’une robe au large décolleté, laissant apparaître une poitrine généreuse, signe de bonne santé et d’abondance en lait. Traditionnellement, c’est le père qui s’occupe de la mise en nourrice et qui participe au
ill. 21 - Jean-Baptiste Greuze, Le Départ en nourrice, plume, encre noire, lavis gris et brun sur traits de crayon noir, sur papier vergé, H. 38,5 ; L. 51 cm, collection particulière.
semble postérieure, à l’arrière-plan de la scène dans une gestuelle particulièrement emphatique qui correspond bien au goût de Greuze pour le drame et le monde théâtral [cat. 18]. Le dessin est particulièrement pictural et frappe par ses grandes dimensions. Le père reste au centre de la composition. Dès ses premières recherches, l’artiste insiste sur sa place essentielle. L’esquisse conservée
baptême, la mère demeurant alitée une semaine, voire un peu plus après l’accouchement108 . Avant les relevailles, la mère est en effet absente des premières étapes de la vie du nouveau-né. Le témoignage de Wille confirme cet usage dans le ménage Greuze, puisqu’on sait grâce à lui que c’est sa femme qui « a tenu sur les fonts de baptême une fille dont Madame Greuze venait d’accoucher109 » en mai 1764. Aux deux acteurs principaux, l’artiste ajoute un certain nombre de figurants, au premier lieu desquels la grand-mère dispensant d’ultimes recommandations à la nourrice. Les différentes feuilles qui traitent du départ en nourrice et qui constituent autant d’étapes dans la préparation de la composition permettent de suivre le cheminement de l’artiste et l’évolution de la place et du rôle des différents personnages au sein de la scène. Il hésite d’abord quant à la place d’une femme qui est traditionnellement identifiée comme la mère, mais qu’on serait tenté de reconnaître comme une parente, la mère étant alitée. Elle est d’abord représentée en train d’embrasser l’enfant [ill. 21], puis elle se voit rejetée, dans une version qui
108- C. Rollet et M.-F. Morel, 2000, p. 78.
109- J.-G. Wille, éd. 1857, t. I, p. 255.
pierre noire et rehauts de craie blanche, sur papier vergé, H. 41,8 ; L. 52 cm, Paris, musée du Louvre, inv. RF 26954.
de la composition où Greuze s’intéresse à la position des différents personnages autour de la nourrice. L’attitude du père est déjà clairement définie. Son émotion est bien sensible sur son visage, renforcée par l’usage de la diagonale qui symbolise le lien entre le père et l’enfant ainsi que le drame qui se joue alors. Dans le dessin de l’ancienne collection de l’Académie des BeauxArts de Saint-Pétersbourg110 [ill. 21] , la diagonale induite par le bras extrêmement long de la nourrice renforce aussi la symbolique du récit en matérialisant la rupture entre elle et le groupe de la famille. Les gestes et les expressions emphatiques participent ainsi à la sensibilité de la scène et intensifient la tendresse et l’attachement domestique. Les représentations de Greuze ne sont pas sans évoquer les écrits du for privé contemporain qui mettent en avant cette nouvelle tendresse familiale. La popularité de ces images a incité d’autres artistes à investir cette sentimentalité, à l’instar de Fragonard (1732-1806) qui peint autour des années 1770 pas moins de trois versions de La Visite à la nourrice 111 .
110- Plume, encre noire, pinceau, lavis gris et brun sur traits de crayon noir, sur papier vergé, H. 38,5 ; L. 51 cm, vente New York, Sotheby’s, 13 janvier 1993, n˚ 133, voir F. Monod et L. Hautecœur, 1922, p. 25, n˚ 26.
111- Sur les différentes versions du tableau de Fragonard, voir M.-A. Dupuy-Vachey dans cat. exp. Paris, 2007-2008, p. 100, nos 45-47.
~ cat. 18 ~
Le Départ en nourrice
Sanguine, pierre noire, plume et encre noire, lavis gris, rehauts de gouache blanche, sur papier vergé H. 41,5 ; L. 53 cm
Comme souvent chez Greuze, la portée morale se trouve renforcée par une autre composition qu’il imagine en pendant. Formant une paire avec la composition verticale, Le Retour de la nourrice 112 [ill. 23] représente la mère de substitution en compagnie du « père nourricier113 », ou du meneur, ramenant l’enfant à sa famille. Ce dernier ne reconnaît pas sa mère et « se rejette avec effroi sur sa nourrice qui le reçoit entre ses mains114 »
ou Les Préjugés de l’enfance, plume, encre noire et lavis gris sur traits de crayon noir, sur papier vergé, H. 29,9 ; L. 25,9 cm, galerie Coatalem, Paris ; collection particulière.
selon les mots du critique de L’Avant-coureur, qui ajoute que « cette scène est remplie, mais sans confusion. Chacun y joue son rôle & chaque personnage a son caractère propre » avant de conclure : « c’est la nature même115 » suivant une rhétorique bien établie face à l’œuvre de Greuze. La composition, dont on connaît une autre version116 rehaussée de lavis brun [ill. 24], est gravée deux fois, par François Hubert (1744-1809) en 1767 sous le titre du Retour de la nourrice 117 et une seconde fois, en manière de lavis par François Philippe Charpentier
(1734-1817) et intitulée Les Préjugés de l’enfance 118 . La portée morale de ces représentations est intensifiée par un récit de Greuze Bazile et Thibaut ou Les Deux éducations – peut-être inspiré des Contes moraux de Marmontel (1723-1799) ou des séries gravées de William Hogarth (1697-1764) – un roman vraisemblablement imaginé vers 1765-1769, mais publié après la mort de l’artiste119 . Dans cette fiction, Greuze met en scène deux types d’éducation, celle de Bazile et celle de Thibaut. La finalité de son texte est difficile à déterminer, mais il semble que Greuze avait pour intention d’illustrer son récit afin de créer une grande fresque à vocation morale où s’opposeraient deux systèmes éducatifs. Le texte est conçu par tableau et alterne épisodes de la vie de l’un et de l’autre des jeunes garçons. Si aucune peinture de Greuze liée à ce projet n’est connue, quelques dessins peuvent néanmoins être plus ou moins rapprochés du texte. Le roman débute avec l’enfance des deux protagonistes. Pour Bazile, Greuze dépeint une éducation aimante où tout concourt au bien-être familial. En opposition à cette enfance heureuse, le petit Thibaut est quant à lui envoyé chez une nourrice et Greuze précise dans son texte l’indifférence des parents face au départ de leur enfant. À la tendresse des parents de Bazile, Greuze oppose ainsi l’indifférence de ceux de Thibaut, participant à la « valorisation des rôles éducatifs et des responsabilités paternelles120 » qui touche la seconde moitié du XVIIIe siècle. Anita Brookner121 est la première à avoir rapproché le récit de Greuze des représentations du départ et du retour de la nourrice. Le deuxième épisode est, en effet, presque identique au Retour de la nourrice [ill. 23 et 24] et correspond également à la description du critique de L’Avant-coureur. Bernadette Fort122 a bien montré qu’à travers ces images, Greuze ne critique ni la mère ni la nourrice mais souligne plutôt la puissance émotionnelle de l’éloignement chez les mères et les enfants. Les dessins de Greuze témoignent en effet de l’affirmation et de la valorisation de la tendresse maternelle et paternelle au sein du dispositif familial qui connaît une forte intensification au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle.
112- Plume, encre noire et lavis gris sur traits de crayon noir, sur papier vergé, H. 29,9 ; L. 25,9 cm, collection particulière.
113- Anonyme, « Arts. Gravure », L’Avant-coureur, n˚ 22, 1er juin 1767, p. 338.
114- Ibid.
115- Ibid.
116- Pinceau, encre noire, lavis gris et brun sur traits de crayon noir, sur papier vergé, H. 47,7 ; L. 43, 4 cm, Londres, The British Museum, inv. 1846,0509.152, voir P. Stein, New York, Londres, 2005-2006, p. 140, n˚ 55.
117- IFF18, t. XI, article « Hubert (François) », p. 406, n˚ 2.
118- IFF18, t. IV, article « Charpentier (François-Philippe) », p. 216, n˚ 70.
119- Voir P. de Chennevières, 1861.
120- J.-C. Bonnet, op. cit., 2000, p. 242.
121- A. Brookner, 1972, p. 66, 111 et 156.
plume, encre noire, et lavis gris et brun sur traits de crayon noir, sur papier vergé,
H. 47,7 ; L. 43,4 cm, Londres, The British Museum, inv. 1846,0509.152.
Figure(s) de la mère
De la mère bienveillante…
À partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, le rôle de la mère dans l’éducation des enfants devient de plus en plus important123. Aux côtés du père qui demeure le responsable légal, la mère prend une place nouvelle au sein du foyer familial et n’est plus seulement considérée comme la « compagne de l’homme124 ». Dans une conception chère aux philosophes des Lumières, l’éducation des jeunes gens devient en effet un véritable enjeu sociétal125. Les images que Greuze produit sont liées au nouveau langage de la sensibilité qui a encouragé la représentation de scènes plus intimes, valorisant la tendresse des mères envers leurs enfants. Dans un dessin qui a vraisemblablement appartenu à La Live de Jully, qui l’a gravé en sens inverse sous le titre de « La Mère de famille126 », Greuze investit cette nouvelle sensibilité [cat. 19]. Il représente une mère portant deux de ses enfants, un sur le dos et un autre, plus petit, emmailloté auprès d’elle, tandis que les deux plus grands marchent à ses côtés. La tendresse qui émane de l’image n’omet pas l’importante charge de travail incombant à la mère qui s’occupe ici seule de ses quatre enfants. La composition est gravée une seconde fois par Philippe-François Charpentier (1734-1817) en manière de lavis sous le titre d’« Étude de Mandiants [sic]127 », situant la scène au bas de l’échelle sociale et non sans rappeler la Famille de mendiants 128 que Greuze présente au Salon de 1761 (n˚ 107). Si la mère prend une part plus impor-
tante dans l’éducation des enfants, elle reste toutefois souvent cantonnée au foyer et à l’économie domestique. « Elle doit prendre soin de leur éducation en tout ce qui est de sa compétence, & singulièrement pour les filles, auxquelles elle doit enseigner l’économie du ménage129 » selon l’Encyclopédie. Dans les Soins maternels [cat. 20], un charmant dessin à la plume et au lavis noir, la mère est représentée portant sur ses genoux sa fille à qui elle apprend à tricoter. Cette dernière lève la tête pour la regarder dans un tendre mouvement d’amour filial tandis que son frère est appuyé sur la cuisse de leur mère. Posé sur le plateau du buffet, un chat observe la scène en fixant le spectateur. Gravée par JacquesFirmin Beauvarlet130 [ill. 25], cette composition illustre bien l’importance des travaux manuels dans l’éducation des jeunes filles. Les recherches de Martine Sonnet ont bien montré qu’elles étaient souvent assignées à des activités de couture et plus largement au monde du textile et de la mode, renvoyant à « deux réalités dominantes, l’une mentale et l’autre économique131 ». Dans le Paris du XVIIIe siècle, le domaine du textile est en effet un secteur dont l’importance économique n’est pas à négliger et dont la demande en main-d’œuvre qualifiée est croissante. La jeune fille dessinée par Greuze n’appartient pas à la couche supérieure de la société, et sans doute sa mère tente dès sa tendre enfance de la familiariser au fil et à l’aiguille.
122- B. Fort, 2006, p. 124.
123- E. Berthiaud, C. Fuchs et S. Le Clech, 2021, p. 148.
124- C. Kayser dans cat. exp. Marly, Cholet, 2003, p. 17.
125- « Les enfants qui viennent au monde, doivent former un jour la société dans laquelle ils auront à vivre : leur éducation est donc l’objet le plus intéressant, 1˚ pour eux-mêmes, que l’éducation doit rendre tels, qu’ils soient utiles à cette société, qu’ils en obtiennent l’estime, & qu’ils y trouvent leur bien-être : 2˚ pour leurs familles, qu’ils doivent soutenir & décorer : 3˚ pour l’état même, qui doit recueillir les fruits de la bonne éducation que reçoivent les citoyens qui le composent », Encyclopédie, t. V, 1755, p. 397.
126- IFF18, t. XII, article « La Live de Jully (Ange Laurent de) », p. 332, n˚ 48.
127- IFF18, t. IV, article « Charpentier (François-Philippe) », p. 217, n˚ 72.
128- Plume, encre noire et brune sur traits de crayon noir, sur papier vergé, H. 45,87 ; L. 37,6 cm, Chantilly, musée Condé, inv. DE 478.
129- Encyclopédie, t. X, 1765, p. 379.
130- IFF18, t. II, article « Beauvarlet (Jacques-Firmin) », p. 228, n˚ 53.
131- M. Sonnet, 1988, p. 68.
~ cat. 20 ~ Les Soins maternels
Plume, encre noire et lavis gris sur traits de crayon noir, sur papier vergé H. 41,5 ; L. 31,5 cm
Ce dessin est à rapprocher d’un petit ensemble de feuilles aux thématiques similaires que Greuze exécute au cours des années 1760 et qui mettent en scène une mère et ses enfants. Par ses images, il donne à voir une intimité nouvelle et valorise la place de la mère. Si la société se sécularise, la religion occupe encore une place importante au sein du foyer familial. Son Bénédicité 132 , qui évoque les œuvres de Chardin et des maîtres du Nord, est la preuve de la place encore prégnante de la religiosité dans les ménages et du rôle de la mère dans la transmission des valeurs133 . C’est elle qui fait réciter en effet la prière à ses deux enfants avant de leur donner la soupe. La gravure de Pierre-François Laurent [ill. 26], annoncée dans L’Avant-coureur et dans Le Mercure de France en 1773, a permis de diffuser largement cette image qui se dote d’une dimension édifiante propre à Greuze. Dans une autre feuille134 , gravée par Beauvarlet sous le titre de La Maman135 [ill. 27], le dessinateur se fait plus explicitement moral. Alors que la mère est en train de donner la becquée à
l’un de ses enfants, son frère, impatient, le repousse pour profiter de la cuillère. La portée morale est renforcée par les vers apposés sur l’estampe, qui exhortent les mères à la bonne conduite :
La jalousie est de tout âge ; Mère, dans ta famille, étouffe la soudain : Entre ces deux enfants que ton cœur se partage, Et ne fais pas de Benjamin
Le caractère naturel de ces représentations ne doit pas faire croire à des images qui respectent scrupuleusement la réalité. Le désordre qui règne ainsi que l’apparente pauvreté du ménage permettent à Greuze d’ancrer sa scène au sein d’une classe populaire, plus proche de la nature, dans un esprit rousseauiste. « Plus prédicateur que chroniqueur136 », il propage, par les gravures qui popularisent ses compositions, une vision qui lui est chère et dont il savait qu’elles trouveraient des échos favorables parmi ses contemporains.
de crayon noir, sur papier vergé, H. 31,7 ; L. 27,4 cm, collection particulière.
132- Plume, encre noire et lavis gris sur traits au crayon noir, sur papier vergé, H. 41,5 ; L. 35,1 cm, collection particulière.
133- O. Hufton dans G. Duby et M. Perrot (dir.), 1991, p. 52.
134- Plume, encre noire et brune sur traits de crayon noir, sur papier vergé, H. 31,7 ; L. 27,4 cm, collection particulière.
135- IFF18, t. II, article « Beauvarlet (Jacques-Firmin) », p. 226-227, n˚ 50.
136- A. Ehrard dans cat. exp. Clermont-Ferrand, 1984, p. 21.
~ cat. 19 ~
Une Mère et ses enfants ou Étude de Mendiants
Plume, encre noire et lavis gris sur papier vergé H. 20,4 ; L. 13,9 cm
… à la mère sévère
Aux côtés de ces images qui mettent en scène la tendresse maternelle, Greuze exécute également des dessins où la mère se fait plus sévère qu’affectueuse. Le dessin, gravé par Devisse 137 [ill. 28], représente une scène de correction d’enfant [cat. 21]. Dans un salon
agrémenté d’une imposante cheminée, un jeune garçon est enjoint à se diriger vers sa mère qui l’attend avec des verges dans la main droite. Ému aux larmes et intimidé par sa grand-mère qui le tient par la main, il s’avance au centre de la scène dont la composition en frise accentue la solennité. Le pot de confiture qu’il a autour du cou est, semble-t-il, l’objet de sa réprimande qui ne manque pas de faire réagir le petit chien dont les aboiements accompagnent les remontrances de la mère. À gauche, deux grandes sœurs sont en train de menacer leur frère qui lève les bras pour démentir leur accusation. Si l’image se veut moralisante, son sens est accentué par les vers qui accompagnent l’estampe où Greuze interpelle lui-même le spectateur et, plus précisément les spectatrices :
Sur la scène qu’ici je présente à vos yeux Arrêtez-vous, trop indulgentes mères : Combien d’enfans deviendroient vicieux S’il n’étoient corrigés par des mamans sévères.
137- IFF18, t. VII, article « Devisse », p. 273, n˚ 2.
L’injonction de l’artiste condamne directement les mères plus adeptes du laxisme que de la correction, poussant les enfants vers quelques habitudes portant au mal. Au Salon de 1765, Greuze expose L’Enfant gâté 138 (n˚ 111), un tableau qui exploite la même thématique mais en représentant précisément une mère trop indulgente envers la mauvaise conduite de son jeune fils [ill. 29]. « Il a peint une de ces femmes paresseuses & faciles qui laissent faire à leurs enfants tout ce qu’ils veulent » selon Mathon de La Cour qui commente aussi largement la figure du jeune espiègle : « son petit garçon est bien frais, bien nourri, bien stupide. On voit sur sa physionomie, écrit-il encore, les traces de cet ennui où sont sujet les enfants quand on ne les occupe à rien de peur de les fatiguer. On vient de lui donner une soupe : au lieu de la manger, il en donne tout doucement des cuillerées à un chien139 » Trois dessins préparent la figure du jeune garçon. Si une rapide esquisse140 à l’encre rehaussée d’aquarelle le représente donnant sa cuillère au chien [ill. 30], deux autres feuilles s’attachent à définir sa position. Dans la sanguine provenant de
inv. ГЭ -5725.
138- Huile sur toile, H. 66,5 ; L. 56 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, inv. ГЭ -5725.
139- C.-J. Mathon de La Cour, 1765, p. 55.
140- Plume, encre noire et brune sur traits de crayon graphite, sur papier vergé, H. 19,5 ; L. 15,1 cm, collection particulière.
ill. 29 - Jean-Baptiste Greuze, L’Enfant gâté, huile sur toile, H. 66,5 ; L. 56 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage,
~ cat. 21 ~
La Mère sévère
Plume, encre noire et lavis gris sur traits au crayon noir, sur papier vergé H. 18,3 ; L. 25, 7 cm
l’ancienne collection de l’Académie des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg [cat. 22], le geste du garçonnet est déjà bien arrêté et quelques traits vifs matérialisent le tabouret sur lequel sera posée l’assiette de soupe. Cette feuille, traitée avec la plus grande énergie, est antérieure
au dessin de Lyon qui la reprend, mais dans une manière plus achevée, où Greuze modifie la veste et affine l’expression du garçon141 [ill. 31]. À la mère trop indulgente représentée dans L’Enfant gâté, Greuze oppose, dans un dessin aujourd’hui au Clark Institut142 [ill. 32], une mère autrement plus sévère, puisqu’il la donne à voir réprimandant son enfant en train de nourrir un chien. Cette feuille, ainsi que le dessin préparatoire de la petite fille donnant son biscuit 143 [ill. 33] , prouvent les recherches de Greuze autour des questions éducatives qui mettent en avant une « sévérité appliquée aux fautes mineures pour en éviter de plus graves144 ».
Bien que le bonheur familial constitue l’un des sujets de prédilection de Greuze, il montre également des relations plus conflictuelles. Dans La Mère en cour-
roux, un intéressant dessin exécuté à la plume, il représente une mère adressant de vifs reproches à sa fille [cat. 23]. La confusion de cette dernière ainsi que le geste de celle qui la condamne indiquent clairement l’objet du conflit et semblent avertir d’une grossesse à
sur papier vergé, H. 32,3 ; L. 24,5 cm, Lyon, musée des Beaux-Arts, inv. B 1043-2.
venir. La petite sœur, entourée de sa poupée et de son chien, observe la scène sans parvenir à comprendre le drame qui se joue alors. Le dessin de Washington145 [ill. 34] reprend la même composition mais avec un plus grand degré d’achèvement. L’artiste a transposé sa scène dans un milieu plus aisé et la mère tient à présent une lettre dans sa main droite. La petite sœur a délaissé sa poupée, elle tend les bras pour consoler son aînée. La gravure de Pierre-Étienne Moitte [ill. 35] est vraisemblablement tirée d’après une composition intermédiaire : le décor correspond davantage à la version du dessin américain tandis que les gestes sont plus proches de la feuille présentée dans l’exposition. Dans son
141- Sanguine sur papier vergé, H. 32,3 ; L. 24,5 cm, Lyon, musée des Beaux-Arts, inv. B 1043-2.
142- Plume, pinceau, encre noire, lavis gris et bruns sur traits de crayon noir, mis aux carreaux, H. 45,6 ; L. 34,4 cm, Williamstown, Sterling and Francine Clark Institute, inv. 1955.1660, voir cat. exp. Hartford, San Francisco, Dijon, 1976-1977, p. 102, n˚ 43.
143- Plume, encre noire et lavis gris sur traits au crayon graphite, sur papier vergé, H. 19,7 ; L. 16 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 26957.
144- A. Ehrard dans cat. exp. Clermont-Ferrand, 1984, p. 46, sous le n˚ 29.
145- Plume, encre noire et lavis noir sur traits de crayon graphite, sur papier vergé, H. 35,7 ; L. 30,5 cm, Washington, National Gallery of Art, inv. 1992.87.29.
ill. 30 - Jean-Baptiste Greuze, Jeune garçon donnant une cuillerée à un chien , plume, encre noire et brune sur traits de crayon graphite, sur papier vergé, H. 19,5 ; L. 15,1 cm, collection particulière.
ill. 31 - Jean-Baptiste Greuze, Étude de jeune garçon, debout, de profil vers la droite, penché en avant, le bras gauche étendu sur un appui carré, sanguine
cat. 22 ~
Étude de jeune garçon, debout, de profil vers la droite, penché en avant, le bras gauche étendu sur un appui carré
Sanguine sur papier vergé H. 31,1 ; L. 21,8 cm
ill. 32 - Jean-Baptiste Greuze, Une Mère réprimandant son enfant, plume, pinceau, encre noire, lavis gris et brun sur traits de crayon noir, mis aux carreaux, H. 45,6 ; L. 34,4 cm, Williamstown, Sterling and Francine Clark Institute, inv. 1955.1660.
ill. 33 - Jean-Baptiste Greuze, Une Jeune fille donnant un biscuit à un chien,
ill. 34 - Jean-Baptiste Greuze, La Mère en courroux, plume, encre noire et lavis gris sur traits de crayon graphite, sur papier vergé, H. 35,7 ; L. 30,5 cm, Washington, National Gallery of Art, inv. 1992.87.29.
~ cat. 23 ~
La Mère en courroux
Plume, lavis gris et brun sur traits de crayon noir, sur papier vergé H. 18,3 ; L. 14,4 cm
commentaire sur cette estampe, Élie Fréron critique la composition, considérant que la mère s’adresse à la petite sœur en lui faisant « sans doute un beau sermon sur le dérèglement des mœurs de sa fille [mais] la petite n’est pas en âge de comprendre, à beaucoup près146 ».
Selon un procédé récurrent chez Greuze, la portée morale est renforcée par son pendant, un dessin également gravé par Moitte sous le titre du Repentir [ill. 36].
Les expressions ne semblent pas convenir à Fréron qui ne voit « ni dans les têtes ni dans les attitudes […] l’expression du repentir147 », mais il note toutefois l’intention de Greuze de représenter les mêmes personnages que sur le dessin précédent. Le caractère narratif de ses compositions, relevé également par Diderot, permet en effet la leçon morale dont il s’est fait la spécialité.
De l’apprentissage
Depuis son Écolier qui étudie sa leçon 148 présenté au Salon de 1757 (n˚ 119), Greuze n’a cessé de manifester son intérêt pour l’éducation enfantine. Œuvre plus tardive qu’il faut sans doute situer vers 1780, son Petit mathématicien 24] illustre bien la vogue des images à mi-chemin entre le portrait et la scène de genre qui valorisent la pédagogie et qui s’inscrivent dans la tradition nordique du jeune garçon à son étude. La pratique des mathématiques et de la géométrie est encouragée par les nouveaux traités d’éducation qui font, à la suite des théories de John Lock, de la raison la clef de l’apprentissage. Dans son roman Adèle et Théodore, Madame de Genlis (1746-1830) fait ainsi valoir l’importance des mathématiques pour la vie future des enfants149. Le vêtement blanc du jeune garçon, à la collerette largement échancrée, témoigne de l’influence anglaise sur la mode française dans la décennie précédant la révolution française ainsi que de la veine rousseauiste qui préconise pour les enfants des chemises fluides et souples150. Si le prototype de notre tableau est sans doute la toile de l’ancienne collection du notaire DuclosDufresnoy aujourd’hui conservée au musée Fabre151 , cette belle réplique autographe atteste du succès de la composition. Greuze n’hésite pas en effet à exécuter plusieurs versions d’un même tableau dans une perspective commerciale évidente.
146- É. Fréron, 1772, p. 118.
147- Ibid., p. 119.
148- Huile sur toile, H. 63 ; L. 54,4 cm, Montpellier, musée Fabre, inv. 837.1.35.
149- Adèle et Théodore, ou Lettres sur l’éducation, Paris, 1782, t. II, p. 120.
150- S. Champion-Balan dans cat. exp. Nantes, Dijon, 2021-2022, p. 279.
151- Huile sur toile, H. 46 ; L. 38,5 cm, Montpellier, musée Fabre, inv. 836.4.22.
~
cat. 24 ~ Le Petit mathématicien
Huile sur toile
H. 46,2 ; L. 38,3 cm
III. Greuze portraitiste
« […] il avait annoncé qu’à son talent de peintre de bambochade, il réunissait celui du portrait.152 »
Alors que La Lecture de la Bible attire tous les regards lors du premier Salon de Greuze, c’est pourtant grâce à son Portrait de Louis de Silvestre 153 , peint « si parfaitement et sous les yeux de toute l’Académie154 », qu’il se fait remarquer par les membres de l’institution. La ressemblance du modèle et la vérité des coloris ont été relevées par les contemporains qui n’auront de cesse de comparer sa manière à celle de Van Dyck. En se limitant le plus souvent à des portraits en buste, Greuze fait le choix d’un format qui met en valeur avant tout l’expression du modèle. Nulle idéalisation dans ses portraits, ils sont sans concession et ne présentent aucun détail inutile. « Greuze a fait plusieurs portraits qui portent un caractère de vérité qui les doit faire priser » selon Mariette, qui rajoute cependant que : « c’est peut-être par cela même qu’ils ne feraient pas fortune. Trop de simplicité et de naïveté déplairaient à bien des gens155 ». La citation du collectionneur met en avant la capacité de Greuze à saisir les traits du modèle en privilégiant une représentation réaliste, parfois assez différents des portraits de François Drouais (1727-1775) ou de Joseph Siffred Duplessis (1725-1802). Toute sa carrière est cependant jalonnée de commandes importantes, une seule de la cour de France mais surtout de la bourgeoisie éclairée et de l’aristocratie russe qui, à partir des années 1760, fait de Greuze l’un des peintres français les plus représentés à Saint-Pétersbourg156 . Souvent considéré comme l’un des meilleurs portraitistes de son temps157 , il n’hésite pas à choisir une facture libre et à jouer avec la matière pour animer sa toile. Sa touche vive lui permet en effet d’insuffler une expression de vie à tel point que
152- Abbé Gougenot, éd. 2023, t. I, p. 6.
le critique du Journal encyclopédique écrit, à propos de son portrait du Dauphin : « […] cette beauté de carnation qui fait presque voir le sang circulant dans les chairs158 ».
39,2 cm, collection particulière.
Les portraits que Greuze exécute à son retour de Rome comptent parmi ses plus brillants. L’artiste y démontre son talent dans la représentation des carnations et des étoffes qu’il rend avec précision, comme dans ceux des époux Gougenot de Croissy159 . Le beau Portrait de Madame de Courcelles à sa toilette doit être situé à la même période, à la fin des années 1750 [cat. 25]. Elle est représentée dans son boudoir, assise sur une chaise délicatement sculptée, de face, le regard vers la gauche et esquissant un timide sourire. Sur sa table, recouverte comme il se doit d’un léger tissu, sont disposés un petit pot de poudre et une houppe servant à l’appliquer ainsi que ce qui semble être un coussin pique-épingles. Elle est vêtue d’une élégante robe à la française avec un corsage décoré d’une échelle de rubans de soie, rayés blanc et rose, agrémentée d’un voile clair. La position des bras et des mains est préparée par un dessin160 à la sanguine que Greuze respecte scrupuleusement pour sa peinture [ill. 37]. Le bracelet est déjà rapidement esquissé, il est composé d’un camée monté sur sept rangs de perles et constitue l’ornement principal de sa toilette. La qualité des blancs et la délicatesse des tissus sont comparables à ceux du portrait de Mademoiselle Barberie de Courteilles161. Exposé au Salon de 1759 (n˚ 111), il présente la même attention portée au traitement des étoffes et témoigne de l’influence de Boucher sur Greuze à la fin des années 1750 et au tout début des années 1760.
153- Huile sur toile, H. 60 ; L. 73 cm, Munich, Alte Pinakothek, inv. Nr. PV 7.
154- Abbé Gougenot, éd. 2023, t. I, p. 6.
155- P.-J. Mariette, éd. 1853-1854, t. II, p. 330, cité par J. Baillo, 1993, p. 135.
156- L. Réau, 1920.
157- J. Baillo, 1993, p. 135.
158- Anonyme, Journal encyclopédique, t. VII, deuxième partie, 15 octobre 1761, p. 60.
159- Portrait de Marie-Angélique de Varenne, huile sur toile, H. 80 ; L. 63 cm, New Orleans, Museum of Art, inv. 76.268, Portrait de Georges Gougenot de Croissy, huile sur toile, H. 81 ; L. 64 cm, Bruxelles, musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, inv. 6553.
160- Sanguine sur papier vergé, H. 31,1 ; L. 39,2 cm, collection particulière.
161- Huile sur toile, H. 77,4 ; L. 63 cm, Brunswick, Herzog Anton Ulrich-Museum, inv. Nr. GGL. 2.
ill. 37 - Jean-Baptiste Greuze, Étude de mains, sanguine sur papier vergé, H. 31,1 ; L.
~ cat. 25 ~
Portrait de Madame de Courcelles à sa toilette
Huile sur toile
H. 81,2 ; L. 65 cm, de forme ovale
De sa mère à ses filles, en passant par les innombrables portraits de son épouse [ill. 38], Greuze ne cesse de représenter les siens. Au Salon de 1761 (n˚ 97), il présente un tableau qui retient l’attention des critiques par la présence qui émane du personnage : le portrait de son beau-père est sans doute l’un des plus expressifs de l’artiste, peint avec une fougue et une matière qui anime la carnation du vieil homme [cat. 26]. Originaire d’Annecy162, François Babuty (v. 1683-1768) se marie à Margueritte Desgodets en 1715 qui meurt à peine deux ans après. De son second mariage avec Marie Anne Réal (1696-1786), il aura trois enfants : Jacques Christophe, François Joachim et Anne-Gabrielle qu’il baptise en 1732. Libraire important de Paris, il est installé rue Saint-Jacques et devient doyen de la communauté en 1768. Le portrait de Greuze le dépeint sans concession, vêtu sobrement d’une veste et d’un jabot de dentelle. Le
fond sombre et dépouillé met en avant la physionomie de Babuty avec un caractère vrai qui a marqué les contemporains, Diderot notamment qui estime le portrait « de toute beauté ». Il fait remarquer les détails naturalistes : « Et ces yeux éraillés et larmoyants, et cette chevelure grisâtre, et ces chairs, et ces détails de vieillesse qui sont infinis au bas du visage et autour du cou, Greuze les a tous rendus ; et cependant sa peinture est large163 . »
La puissance expressive de ce portrait est renforcée par le faire de l’artiste, qui n’hésite pas à animer sa toile d’empâtements, ce qui fait dire à Élie Fréron que sa tête est « heurtée en partie », mais « traitée avec beaucoup d’art & de goût164 ». L’abbé Le Blanc compare le portrait à un ouvrage de Van Dyck en raison de la couleur « si vraie » mais reconnaît en revanche la touche particulière de Greuze « qu’on ne peut confondre avec celle d’aucun autre peintre165 ».
164-
165-
162- Sur François Babuty, voir Y. Zéphirin, 1987, et F. Barbier, S. Juratic et A. Mellerio, 2007, p. 101-105, n˚ 51.
163- D. Diderot, Salon de 1761, op. cit., p. 134.
É. Fréron, 1761, p. 14.
Abbé Le Blanc, 1761, p. 160.
ill. 38 - Jean-Baptiste Greuze, Madame Greuze endormie, pierre noire, plume, encre noire et lavis gris sur traits au crayon graphite, sur papier vergé, H. 34,3 ; L. 46,8 cm, Amsterdam, Rijksmuseum, inv. RP-T-1953-203.
26 ~
~ cat.
Portrait de François Babuty (v. 1683-1768)
Huile sur toile
H. 59,7 ; L. 48,2 cm, de forme ovale
C’est aussi vers 1760, qu’il faut situer l’élégant portrait au pastel d’Ange Laurent de La Live de Jully (17251779) [cat. 27]. Publié pour la première fois par Colin Bailey sous l’attribution à Louis Tocqué (1696-1772)166, il a été rendu à Greuze par Neil Jeffares167. Le collectionneur est représenté de trois quarts, le regard face au spectateur, esquivant un léger sourire, une physionomie joyeuse qui semble bien ressemblante si on la compare aux autres portraits de Greuze ou au tableau de Louis Tocqué le représentant en chasseur168. Ici, point de mise en scène, le modèle se détache sur un fond neutre subtilement éclairé qui fait ressortir sa carnation. Le dessinateur applique la craie par quelques coups vifs, notamment au niveau du visage. La Live de Jully est l’une des figures d’amateur les plus importantes et innovantes du milieu du XVIIIe siècle, tant par la qualité de ses œuvres que par sa volonté de « former un très beau Cabinet d’école françoise en peinture169 » comme il l’écrit lui-même dans le catalogue qu’il dresse de sa collection en 1764. Au sein de cet ensemble, dix tableaux de Greuze sont mentionnés :
il est sans aucun doute son peintre favori. Dès ses débuts, il apparaît comme son promoteur, il lui achète en effet ses premiers tableaux qu’il prêtera par ailleurs lors du Salon de 1755. Greuze le représente à de nombreuses reprises. Le portrait qu’il expose au Salon de 1759 (n˚ 108) est resté célèbre par la représentation du mobilier dit « à la grecque » qui ornait le « cabinet flamand » du collectionneur [ill. 39]. L’image se veut quasi officielle bien que La Live de Jully soit simplement vêtu d’un « déshabillé galant170 ». Il est portraituré jouant de la harpe, entouré d’œuvres et de documents qui fonctionnent comme autant d’attributs valorisant son statut d’amateur. Au Salon de 1765 (n˚ 122), Greuze expose un autre portrait de son protecteur qui est aujourd’hui perdu mais vraisemblablement documenté par la gravure d’Augustin de Saint-Aubin (1736-1807) [ill. 40]. Exécuté au pastel, ce portrait le représentait assis à sa table de travail en train de rédiger son histoire des Hommes illustres de France, ouvrage qu’il avait commencé en 1752 mais qui ne fut jamais terminé171
166- C. B Bailey, 2001, p. 42, et 2002, p. 61.
167- N. Jeffares, 2006, p. 214, et [en ligne], n˚ J 361.159.
168- Huile sur toile, H. 135 ; L. 106 cm, collection particulière.
169- A. L. de La Live de Jully, 1764, p. VI, voir C. B. Bailey, 2002, p. 33-64.
170- Anonyme, La Feuille nécessaire, 1759, p. 502.
171- Voir E. Munhall dans cat. exp. Hartford, San Francisco, Dijon, 1976-1977, p. 64, sous le n˚ 22, et M.-A. Dupuy-Vachey dans cat. exp. Tournus, 2005, p. 74-75, n˚ 2.
ill. 40 - Augustin de Saint-Aubin d’après Greuze, Portrait d’Ange Laurent de La Live de Jully, eau-forte, H. 37,5 ; L. 23,8 cm, Tournus, musée Greuze-Hôtel Dieu, inv. 82.2094.
ill. 39 - Jean-Baptiste Greuze, Ange Laurent de La Live de Jully jouant de la harpe, huile sur toile, H. 117 ; L. 88,5 cm, Washington, National Gallery of Art, Samuel H. Kress Collection, inv. 1946.7.8.
~ cat. 27 ~
Portrait d’Ange-Laurent de La Live de Jully (1725-1779)
Pastel
H. 46,5 ; L. 38,5 cm
La sensualité que Greuze insuffle à ses nombreuses têtes de caractère se retrouve dans certains de ses portraits, comme dans celui du musée d’Angers172 qui est l’un des plus célèbres de l’artiste [ill. 41]. C’est à Pierre de Sentout, dans le catalogue de la collection du marquis de Livois qu’il dresse en 1791173, que nous devons l’identification de la jeune femme avec une certaine Madame de Porcin, bien que le patronyme ne puisse être rattaché à aucune famille connue174. Le charme de ce portrait doit autant à la figure du modèle qu’au petit épagneul à qui elle passe une couronne de fleurs autour du cou. Notre feuille ne peut pas être considérée comme une œuvre préparatoire [cat. 28]. Il s’agit sans doute d’un dessin destiné au graveur qui devait reproduire le tableau, même si aucune estampe n’est documentée pour ce portrait, contraire ment à ceux du lieutenant de police Lenoir (1732-1807) et de Simon-Nicolas-Henri Linguet (1736-1794) qui documentent le genre. Les archives publiées par Françoise Arquié-Bruley175 ont mis en avant le modus operandi de Greuze qui, pour s’assurer de la qualité des estampes tirées d’après son œuvre, n’hésitait pas à fournir au graveur un dessin très achevé pour lui servir de modèle. À cette catégorie se rattachent les feuilles de l’Albertina176 ou de Sydney177 qui présentent une technique et une facture
ill. 41 - Jean-Baptiste Greuze, Portrait présumé de Madame de Porcin, huile sur toile, H. 72 ; L. 57 cm, de forme ovale, Angers, musée des Beaux-Arts, inv. MBA-J74J1881P.
semblables à notre dessin. Plus généralement utilisé par Greuze pour ses premières pensées, le lavis est ici appliqué très finement à la plume et au pinceau tandis que le travail subtil de la réserve assure à son dessin une belle luminosité. Proche dans l’esprit, quoique moins terminé, son Portrait d’un jeune moine [cat. 29] présente la même composition : un cadrage resserré au niveau du buste et un fond sobre qui permet à l’artiste de se concentrer sur l’expression de son modèle. La même formule est utilisée dans un séduisant portrait dessiné plus tardivement, à situer au milieu des années 1790 [cat. 30]. Remarquablement exécuté au crayon noir et à la sanguine, il représente un jeune homme vu de face et vêtu d’une redingote en partie boutonnée. L’estompage délicat confère à l’effigie une douceur et une sobriété caractéristiques des portraits tardifs de Greuze. À la fin du siècle, il élimine en effet tous les détails inutiles pour se focaliser sur la personne portraiturée178 Il est tentant de voir dans ce dessin celui exposé à l’École des Beaux-Arts en 1879179 et identifié comme le portrait de M. Legrand, ancien marchand de tableaux. Il s’agit vraisemblablement du graveur et marchand d’estampes, Augustin-Claude-Simon Legrand (1765-1856), le fils du graveur Louis Legrand (1723-1807) et l’élève de Louis-Marin Bonnet (1736-1793).
172- Huile sur toile, H. 72 ; L. 57 cm, de forme ovale, Angers, musée des Beaux-Arts, inv. MBA-J74J1881P.
173- P. Sentout, 1791, p. 83.
174- P. Le Nouëne, dans cat. exp. Gunna, Chiba, Wakayama, Kure, 2002, p. 151, n˚ 25.
175- F. Arquié-Bruley, 1981.
176- Plume, encre noire et lavis noir sur traits de crayon noir, sur papier vergé, H. 45 ; L. 34 cm, Vienne, Albertina, inv. 12762.
177- Plume, encre noire et lavis noir sur traits de crayon noir, sur papier vergé, H. 49 ; L. 62,4 cm, Sydney, Art Gallery of New South Wales, inv. 111.1999.
178- E. Munhall dans cat. exp. Hartford, San Francisco, Dijon, 1976-1977, p. 222.
179- « Portrait de M. Legrand, ancien marchand de tableaux, vu à mi-corps, presque de face, vers la droite. Redingote boutonnée, avec grande pèlerme ; haute cravate blanche ; cheveux longs et bouclés. Aux deux crayons, lavé d’encre de Chine. H 0.365, L. 0.290. Appartenait à M.C. Pillet ».
~ cat. 28 ~
Portrait présumé de Madame de Porcin couronnant son chien
Pinceau et lavis d’encre noire sur papier vergé H. 28 ; L. 24 cm, de forme ovale
~ cat. 29 ~ Portrait d’un jeune moine
Pinceau, encre noire et lavis noir sur traits de crayon graphite, sur papier vergé H. 23 ; L. 18,3 cm, de forme ovale
~ cat. 30 ~ Portrait de jeune homme à mi-corps
Pierre noire, sanguine et estompe, traits d’encadrement à la plume et encre brune, sur papier vergé
H. 35,9 ; L. 30,8 cm
ill. 42 - Jean-Baptiste Greuze, Portrait d’enfant, huile sur toile, H. 40 ; L. 32,5 cm, galerie Coatalem, Paris ; collection particulière.
Greuze, « peintre de l’enfance 180 »
Edmond et Charles de Goncourt voyaient en Greuze le peintre de l’enfance : « encore aujourd’hui, écrivent-ils, le charme de Greuze, sa vocation, son originalité, sa force apparaît là, et ne se montre que là, dans ces têtes enfantines. […] Que l’on rouvre les yeux sur une de ces petites têtes blondes qu’un rayon éveille, que le soleil caresse et frise, on sent que la main, la main inspirée d’un véritable peintre a passé sur ces joues fouettées par le pinceau, du rouge de la santé, a bombé et lissé ce petit front où le jour vit, a mis dans cet œil, au regard bleu, l’éclair et le ciel, a jeté une caresse d’ombre sous le sourcil ébauché, a fait de l’arc de la bouche, pressé par les deux joues, la moue d’un chérubin181 ». Le développement des portraits d’enfant au cours du XVIIIe siècle est lié à leur place nouvelle au sein du foyer familial. Ces effigies sont le signe d’une sensibilité renouvelée, mais ne correspondent pas forcément à la réalité ; ils sont plutôt le reflet d’un nouvel idéal social182. Pour mettre en valeur la carnation blanche des enfants qu’il peint, Greuze les situe sur un fond sombre et neutre qui abstrait le modèle d’un contexte précis. Son sens de l’observation lui permet de caractériser la personnalité des jeunes gens, « tout en créant une sorte d’image emblématique de l’enfance183 » [cat. 31]. Les portraits de Greuze se confondent souvent en effet avec des têtes d’expression, s’inscrivant dans un phénomène fondamental au XVIIIe siècle : l’hybridation des genres184. L’artiste mêle concomitamment les deux approches, s’intéressant avant tout au naturel du caractère ainsi qu’à la vérité, les deux qualités principales d’un beau portrait. Les images de l’enfance doivent rendre compte de la naïveté des petits êtres représentés, mais elles se dotent aussi chez Greuze d’une remarquable profondeur psychologique [ill. 42]. Sa charmante Jeune fille accoudée à une chaise [cat. 32] est bien représentative de son réalisme dans la représentation des enfants. La tonalité tout à l’antique de ce qui semble être un véritable portrait l’apparente aux effigies d’Élisabeth Louise Vigée
Le Brun (1755-1842). Le bandeau entremêlé dans ses cheveux ajoute un caractère pittoresque évident, mais la sobriété de la robe violette ceinturée à la taille permet de dater le tableau de la fin du XVIIIe siècle. Les portraits que Greuze peint à la fin de sa vie sont traités avec la
180- E. et J. de Goncourt, 1906, p. 14.
181- Ibid., p. 13-14.
182- C. Kayser dans cat. exp. Marly, Cholet, 2003, p. 14.
183- C. Guérin-Pierre dans cat. exp. Marly, Cholet, 2003, p. 102, sous le n˚ 39.
184- É. Jollet, 2012, p. 60.
185- Voir R. de Portalis, 1901, p. 9, et L. Hugues dans cat. exp. Marly, Cholet, 2003, p. 80.
plus grande simplicité, la touche est plus lisse, moins empâtée. La palette chromatique se fait plus réduite, comme dans le portrait d’un jeune garçon vêtu d’une sobre veste grise [cat. 33] Le Petit paysan, de l’ancienne collection Demidoff, n’est peut-être pas un véritable portrait, même si le modèle semble relativement individualisé [cat. 34]. Par l’innocence qui émane de son visage, ce garçon incarne une certaine image de l’enfance. Il apparaît moins comme le fils d’un paysan que comme celui d’une famille aisée, sensible au goût pour le naturel qui pousse à adopter des vêtements faussement rustiques. Son petit gilet rouge apporte une touche de couleur. Le bleu de ses yeux ressort particulièrement et contraste avec son teint clair. Le fond rapidement brossé confère à l’image une intemporalité et une présence caractéristique des œuvres de Greuze. Aux côtés de Drouais et de Vigée Le Brun, il participe à renouveler le genre du portrait d’enfant par la profondeur psychologique et expressive de ses images.
Les portraits des fils de Jean-Baptiste Thomas de Pange (1717-1780) et de Renée d’Épinoy (1733-1780) comptent parmi les plus séduisants de l’artiste [cat. 35 et 36]. Peints au pastel en 1770, ils représentent MarieLouis Thomas, marquis de Pange (1763-1796), et son frère, le petit Marie-François-Denis Thomas, chevalier de Pange (1764-1796) ; ils sont tous les deux vêtus d’une veste et d’un gilet croisé d’où sort une chemise en linon au large col. Greuze choisit de figurer l’aîné de face, le regard un brin mélancolique, tandis que son petit frère est campé légèrement de trois quarts, regardant vers la droite. Tout indique ici la naïveté de l’enfance. La maîtrise parfaite du pastel permet au peintre d’illuminer subtilement les visages des deux garçons qui prennent place sur un fond sobre caractéristique, dans un esprit assez éloigné des portraits plus pittoresques que Drouais avait exécutés en 1769 185 . Même si les liens de Greuze avec la famille de Pange ne sont pas documentés, il semble avoir été proche du marquis puisqu’il a également portraituré une certaine M lle de Pange qui est vraisemblablement la sœur des deux frères, Françoise Louise (1757-1777), à moins qu’il s’agisse plutôt d’Anne-Louise Adélaïde (1752-1777), la fille qu’il eût avec sa première
~ cat. 31 ~
Jeune fille en buste de trois quarts, la tête penchée sur l’épaule, vêtue d’un châle noir
Huile sur bois
H. 38 ; L. 30 cm
~ cat. 32 ~
Jeune fille à mi-corps, les cheveux retenus par un léger bandeau
Huile sur toile
H. 46 ; L. 36,8 cm
~ cat. 33 ~
Jeune garçon vu à mi-corps de trois quarts vers la gauche
Huile sur toile
H. 60 ; L. 49,5 cm, de forme ovale
~ cat. 34 ~
Le Petit paysan
Huile sur bois
H. 40,6 ; L. 32,1 cm
~ cat. 35 ~
Portrait de Marie-Louis Thomas, marquis de Pange (1763-1796)
Pastel
H. 41,5 ; L. 33,5 cm
~ cat. 36 ~
Portrait de Marie-François-Denis Thomas, chevalier de Pange (1764-1796)
Pastel
H. 41 ; L. 33 cm
épouse Marie Adélaïde de Chambon d’Arbouville, morte en 1753. Le portrait de M lle de Pange est exposé au Salon de 1763 (n˚ 132) où Mathon de La Cour le remarque : « le désordre de la coiffure [ainsi que] l’air mutin & boudeur avec lequel cet enfant empoigne un bouquet, écrit-il, ont fait plaisir à tout le monde186 ». Outre les portraits de ses enfants, le marquis de Pange possédait également d’autres tableaux de Greuze, dont Le Petit paresseux, aujourd’hui au musée Fabre187, ainsi qu’une vaste collection de tableaux nordiques et italiens qui prenait place dans son hôtel particulier rue des Saints-Pères jusqu’à sa vente après décès en mars 1781.
Plus spontanés peut-être que ses peintures, les nombreux dessins d’enfants – têtes ou bustes – qu’il exécute témoignent aussi de sa faculté à saisir la psychologie de son modèle. Son beau Portrait d’Alexandre Brongniart (1770-1847), proche dans la mise en page des feuilles de Carle Vanloo (1705-1765), le représente de trois quarts, doucement songeur et empli de naturel [cat. 37]. Le profil est nettement contourné par de vifs traits de sanguine et le fond de hachures renforce l’attention du spectateur sur la noble expression de celui qui sera le futur directeur de la manufacture de Sèvres. Il est le fils de l’architecte Alexandre-Théodore Brongniart (1739-1813) et de Louise Dégremont (1744-1829) qui firent appel aux meilleurs artistes pour portraiturer leurs enfants. D’Alexandre, nous connaissons aussi ses traits grâce au buste de Jean-Antoine Houdon (1741-1828) qui le modèle un peu plus jeune que sur le dessin de Greuze188 [ill. 43]. Élisabeth Vigée Le Brun le représente adolescent et peint également sa sœur, la petite Alexandrine-Émilie (1780–1847), dans un portrait plein de vie en train de chercher une pelote de laine dans un sac189 Grâce à une sanguine grasse et épaisse, Greuze répond à la demande des collectionneurs pour des têtes expressives où la naïveté coexiste souvent avec une certaine mélancolie, voire parfois une inquiétude, rappelant que
les enfants sont fréquemment les témoins impuissants des drames familiaux qui se jouent dans son œuvre [cat. 38 et 39]. Plus encore que dans ses portraits peints en buste, Greuze choisit un cadrage qui isole la tête, renforçant la portée universelle de son image. Certaines de ses têtes d’enfants seront largement diffusées par l’estampe, notamment dans les Suites de différents caractères tirées principalement à partir de ses dessins190 . Le Jeune garçon de profil à droite [cat. 40] a ainsi servi de modèle à Charles-François Letellier (1743-1800) pour la première planche du IIIe Cahier de têtes de différents caractères qui fait suite aux deux premiers, édités par François Robert Ingouf (1747-1812) et Carl Wilhelm Weisbrod (1743-1806).
186- C.-J. Mathon de La Cour, 1763, p. 62-63.
187- Huile sur toile, H. 65 ; L. 54,50 cm, Montpellier, musée Fabre, inv. 837.1.35.
188- Terre cuite, H. 36,4 m, Paris, musée du Louvre, inv. RF 1280.
189- Huile sur bois, H. 65,1 ; L. 53,3 cm, Londres, The National Gallery, inv. NG 5871.
190- Y. Jackall, 2022, p. 153.
ill. 43 - Jean-Antoine Houdon, Portrait d’Alexandre Brongniart, terre-cuite, H. 36,4 cm, Paris, musée du Louvre, RF 1280.
~ cat. 37 ~
Portrait d’Alexandre Brongniart (1770-1847)
Sanguine sur papier vergé H. 33 ; L. 26 cm
~ cat. 38 ~
Fillette de trois quarts, vue en buste
Sanguine sur papier vergé
H. 34 ; L. 25 cm
~ cat. 39 ~
Étude d’un enfant en buste, regardant vers la gauche, les yeux levés
Sanguine sur papier vergé H. 34,7 ; L. 30,3 cm
~ cat. 40 ~
Tête de jeune enfant, de trois quarts à droite
Sanguine sur papier vergé H. 36,9 ; L. 31,1 cm
Les portraits des filles
de l’artiste
Le 14 juin 1766, le graveur et ami de Greuze, JeanGeorges Wille consigne dans son journal : « J’ai mené M. le comte de Moltke et M. Hellfried chez M. Greuze, de qui j’ai acheté deux têtes superbes, représentant deux filles. Je les ai payées quarante louis d’or pour M. le comte de Moltke. J’avais carte blanche pour cela191 ». Comme souvent, son témoignage est particulièrement précieux et instructif. Figure centrale du marché de l’art européen dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Wille a su constituer un subtil réseau d’échanges d’œuvres d’art à destination notamment de la Saxe et de la Prusse, mais aussi vers des lieux plus périphériques, comme le Danemark par exemple. Les tableaux mentionnés par Wille seront conservés à Copenhague, dans la collection des comtes de Moltke, jusqu’en 1931, date de leur mise en vente sur le marché de l’art. Dans l’étude qu’il a consacrée à ces deux tableaux, Edgar Munhall192 a bien analysé le rôle de Wille qui fait véritablement figure de promoteur de l’art de Greuze durant plusieurs décennies. Avant de rencontrer le comte de Moltke, il était déjà lié à de nombreuses personnalités danoises qui ont pour certaines joué les intermédiaires. C’est le 25 janvier 1766 que Wille rencontre pour la première fois le comte ; il le reverra à de nombreuses reprises au théâtre ou pour dîner, mais ce dernier quitte définitivement Paris le 19 septembre de la même année, nommé chambellan de la nouvelle reine du Danemark. « Il a été constamment honnête et aimable193 » écrit Wille dans son journal qui note également qu’il a expédié une caisse de curiosités pour le comte. Nul détail du chargement, mais il se pourrait que les deux toiles achetées à Greuze quelques mois auparavant aient fait partie de la cargaison.
Les tableaux représentent les filles de l’artiste : Anne-Geneviève, dite Caroline (1762-1842) [cat. 41], et sa petite sœur Louise-Gabrielle Greuze (1764-1812) [cat. 42]. Ils sont tous les deux signés et datés de 1766, les enfants ont alors respectivement quatre et deux ans. La plus grande, Caroline, est représentée de face, vêtue de noir, la main droite appuyée sur une table sur laquelle reposent une petite assiette et une tasse en faïence vernissée dans une écuelle en argent. Edgar Munhall a rapproché ces éléments de mobilier à l’inventaire après divorce de Greuze et de Anne-Gabrielle Babuty, daté du 30 août 1793. Louise-Gabrielle, que son père appelait Antigone, est portraiturée légèrement de trois quarts, portant une chemise blanche sous une robe jaune avec un tablier noir dont une seule bretelle est encore accrochée. Les portraits sont saisissants de réalisme et de candeur, bien caractéristiques du charme enfantin. La finesse des glacis et le raffinement de la gamme chromatique sont mis en avant par les fonds sombres qui soulignent le visage des fillettes, remarquablement éclairé par quelques pointes de blanc. Le regard fixe de Caroline et la mine plus mélancolique de sa sœur confèrent à ces portraits une puissance psychologique rare dans les représentations d’enfants. Comme leur mère, les filles de Greuze constituent sans nul doute des modèles privilégiés pour leur père. La Jeune fille jouant avec un chien 194, qui rencontre tant de succès lors du Salon de 1769 (n˚ 155), n’est autre que Louise-Gabrielle coiffée d’un petit bonnet de coton blanc comme l’indique la note manuscrite d’Augustin de Saint-Aubin dans le livret de l’exposition195 [ill. 44].
191- J.-G. Wille, éd. 1857, t. I, p. 322.
192- E. Munhall, 2006.
193- J.-G. Wille, éd. 1857, t. I, p. 322.
194- Huile sur toile, H. 62,9 ; L. 52,7 cm, collection particulière.
195- Voir E. Barker, 2009.
ill. 44 - Jean-Baptiste Greuze, Jeune fille jouant avec un chien, huile sur toile, H. 62,9 ; L. 52,7 cm, collection particulière.
Signés et datés en bas à droite : « J. B. Greuze / 1766 »
Huile sur toile
~ cat. 42 ~
Portrait de Louise-Gabrielle Greuze (1764-1812)
Signés et datés en bas à droite : « J. B. Greuze / 1766 »
Huile sur toile
H. 41 ; L. 33 cm
~ cat. 43 ~
Tête de femme inclinée de trois quarts vers la droite
Sanguine sur papier vergé H. 38 ; L. 28 cm
IV. « Un spectateur qui guette continuellement la nature 196 »
La capacité de Greuze à saisir « la nature même » a été relevée par les contemporains qui insistent tous sur la vraisemblance de ses compositions. « Rien n’y sent la palette197 » déclare un critique anonyme dans L’Avantcoureur, mettant ainsi en avant le « vrai simple » dont l’artiste s’est fait la spécialité. Digne observateur des mœurs de son époque, Greuze apparaît toujours alerte pour capturer la meilleure expression et la position la plus naturelle avec toujours une grande vitalité [cat. 43 et cat. 59]. « Il est sans cesse observateur dans les rues, dans les églises, dans les marchés, dans les spectacles, dans les promenades, dans les assemblées publiques198 » écrit Diderot dans une belle accumulation. Le dessin permet à Greuze de tracer rapidement des scènes et des silhouettes qui témoignent de sa faculté à croquer des instants de vie. Dans une feuille provenant de l’ancienne collection de l’Académie des Beaux-Arts de SaintPétersbourg, il esquisse une jeune femme assise sur une chaise, les bras croisés, recroquevillée sur elle-même [cat. 44]. Coiffée d’un petit bonnet à volants ceint d’un nœud, elle paraît perdue dans ses pensées et empreinte d’une certaine mélancolie. Le soufflet à ses côtés semble indiquer face à elle une cheminée dont l’attraction est forte au XVIIIe siècle. Greuze donne à voir la « sensibilité au spectacle des flammes199 » dans un goût intimiste propre à l’artiste qui s’inscrit dans la tradition des scènes de genre hollandaises du siècle précédent.
Son Jeune garçon endormi évoque également les tableaux des maîtres du Nord [cat. 45]. Bien qu’il soit considéré par Edgar Munhall200 comme une étude préliminaire pour l’enfant représenté en bas à droite dans Le Silence !, une toile présentée au Salon de 1759 (n˚ 103)201 , il pourrait aussi s’agir d’une œuvre indépendante, non liée à une composition peinte. La vogue des peintures nordiques a en effet encouragé les artistes français à exécuter des œuvres de petits formats, plus propices à prendre place dans les intérieurs de la seconde moitié du siècle. Greuze saisit ici la juste nature d’un enfant âgé
196- J. de La Porte, 1755, p. 17.
197- L’Avant-coureur, n˚ 36, 9 septembre 1765, p. 555.
198- D. Diderot, Salon de 1763, op. cit., p. 236.
199- O. Jandot, 2017, p. 236.
200- Comm. écrite à la galerie Éric Coatalem, juillet 2015.
201- Huile sur toile, H. 62,2 ; L. 50,5 cm, collection royale anglaise, inv. RCIN 405080.
entre quatre et six ans venant de s’endormir sur le coin d’une table. La rondeur du visage enfantin est rendue avec la plus grande vérité, de même que sa chevelure où se dessinent de délicates boucles dorées. Il est tentant de voir dans ce tableau l’étude vendue par le peintre PierreÉtienne Lesueur (17..-1802) en 1791 lorsqu’il décide de se dessaisir de sa collection pour partir voyager et peindre sur le motif (« Un buste de jeune garçon de grandeur naturelle ; il est appuyé contre une table, & endormi »).
L’expert Paillet précise que « ce tableau [est] d’une touche facile & savante202 », faisant sans doute référence aux empâtements visibles notamment sur la joue et sur l’épaule du garçon, ainsi qu’au drapé rapidement esquissé. Le caractère libre et virtuose de la touche correspond au goût des amateurs pour des peintures savamment brossées qui laissent exprimer tout le feu de l’artiste. En 1765, après une visite dans l’atelier de Greuze, Diderot écrit un long commentaire à propos d’un tableau qui le marque par sa narrativité et par la capacité du peintre à saisir la vérité de l’action représentée, comme un instantané pris sur le vif. Le Baiser envoyé 203 [ill. 45] est commandé par la duchesse de Grammont (1729-1794) pour l’offrir à son frère le duc de Choiseul (1719-1785) comme étrenne de bonne année. L’enthousiasme de Diderot est bien sensible dans le long et savoureux commentaire que nous reproduisons dans sa totalité :
Avant que de finir, il faut que je vous dise un mot d’un tableau charmant qui ne sera peutêtre jamais exposé au Salon. Ce sont les Étrennes de madame de Grammont à M. de Choiseul. J’ai vu ce tableau ; il est de Greuze. Vous n’y reconnaîtriez ni le genre ni peut être le pinceau de l’artiste : pour son esprit, sa finesse ils y sont. Imaginez une fenêtre sur la rue ; à cette fenêtre un rideau vert entrouvert, derrière ce rideau, une jeune fille charmante sortant de son lit, et n’ayant pas eu le temps de se vêtir. Elle vient de recevoir un billet
202- Catalogue de tableaux des trois écoles, gouaches, dessins et estampes, composant le cabinet de M. Le Sueur, peintre, vente Paris, 22 novembre 1791, p. 11, n˚ 33.
203- Huile sur toile, H. 100 ; L. 81 cm, autrefois Pregny, collection Rothschild.
~ cat. 44 ~
Une Femme assise sur une chaise
Sanguine sur papier vergé H. 37,5 ; L. 30 cm
~ cat. 45 ~
Jeune garçon endormi
Huile sur toile
H. 46 ; L. 38,1 cm
~ cat. 59 ~
Tête de jeune fille, vue de trois quarts, penchée en avant, et vers la droite, le corsage lâche, les cheveux s’échappant en boucles d’un ruban
Sanguine, craie noire, estompe et rehauts de craie blanche, sur un papier vergé préparé avec un léger lavis brun H. 27,2 ; L. 22,4 cm
Christopher Bishop Fine Art, New York
de son amant. Cet amant passe sous sa fenêtre et elle lui jette un baiser en passant. Il est impossible de vous peindre toute la volupté de cette figure : ses yeux, ses paupières en sont chargés. Quelle main que celle qui a jeté le baiser ! quelle physionomie ! quelle bouche ! quelles lèvres ! quelles dents ! quelle gorge ! On la voit cette gorge, et on la voit tout entière quoiqu’elle soit couverte d’un voile léger. Le bras gauche… Elle est ivre, elle n’y est plus, elle ne sait plus ce qu’elle fait ; ni moi presque ce que j’écris… Ce bras gauche, qu’elle n’a plus la force de soutenir, est allé tomber sur un pot de fleurs qui en sont toutes brisées ; le billet s’est échappé de sa main ; l’extrémité de ses doigts s’est allée reposer sur le bord de la fenêtre, qui a disposé de leur position. Il faut voir comme ils sont mollement repliés ! et ce rideau, comme il est large et vrai ! et ce pot, comme il est de belle forme ! et ces fleurs comme elles sont bien peintes ! et cette tête, comme elle est nonchalamment renversée ! et ces cheveux châtains, comme ils naissent du front et des chairs ! et la finesse de l’ombre du rideau sur ce bras ; de l’ombre de ces doigts sur le dedans de la main ; de l’ombre de cette main et de ce bras sur la poitrine ! la beauté et la délicatesse des passages du front aux joues, des joues au cou, du cou à la gorge ! Comme elle est coiffée ! comme cette tête est bien par plans ! comme elle est hors de la toile ! et la mollesse voluptueuse qui règne depuis l’extrémité des doigts de la main, et qu’on suit de là dans tout le reste de la figure ; et comme cette mollesse vous gagne, et serpente dans les veines du spectateur ! comme il la voit serpenter dans la figure ! C’est un tableau à tourner la tête, la vôtre même, qui est si bonne204
Le tableau sera finalement exposé au Salon de 1769 (n˚ 154) dans une appréciation toute nuancée ; même Diderot se ravise : « C’est une figure maniérée, c’est une ombre légère, mince comme une feuille de papier et soufflée sur une toile 205 ». Si la vérité du rideau a été remarquée, le caractère sensuel de la jeune femme n’a pas convaincu, à tel point que Beaucousin parle d’une « figure minaudière & forcée 206 ». En faisant paraître sa figure à une fenêtre, Greuze emprunte la formule aux peintres nordiques, notamment aux œuvres de Gérard Dou (1613-1675) qui connaissaient alors une vogue exceptionnelle. La main avec laquelle la jeune femme laisse tomber la lettre fait l’objet d’une étude emplie de sensualité 207. Dans notre feuille [cat. 46] , Greuze resserre le cadrage sur le buste de la jeune femme pour se concentrer sur son geste qui diffère légèrement de la peinture puisqu’il dessine en effet le moment juste avant d’envoyer le baiser. La lumière est subtilement exprimée par des jeux de réserve et par un savant travail des hachures.
Le caractère sensuel du dessin est indéniable, par le cadrage d’une part et par le traitement voluptueux de la sanguine d’autre part. La signature, rare sur les dessins de Greuze, ainsi que le haut degré d’achèvement de la feuille, interroge sur son statut qui demeure difficile à établir, entre un dessin préparatoire ou une reprise indépendante pour faire de ce détail une œuvre autonome. La qualité plastique de ce motif a été largement appréciée : René Gaillard (1719-1790) a gravé en contrepartie le buste de la jeune femme sous le titre de La Voluptueuse [ill. 46]. Annoncée dans la Gazette de France le 16 décembre 1774, cette estampe fait suite à celle d’Augustin de Saint-Aubin qui avait gravé intégralement Le Baiser envoyé pour le Recueil d’estampes gravées d’après les tableaux du cabinet de Monseigneur le duc de Choiseul en 1771 [ill. 45]
204- D. Diderot, Salon de 1765, éd. J. Seznec et J. Adhémar, 1960, p. 205-206.
205- D. Diderot, Salon de 1769, éd. J. Seznec, 1967, p. 107.
206- B[eaucousin], 1769, p. 26.
207- Sanguine sur papier vergé, H. 41,5 ; L.32,4 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, inv. OP-14811, voir cat. exp. New York, Los Angeles, 2002, p. 154.
H. 18,3 ; L. 13,6 cm, Providence, Rhode Island School of Design Museum, inv. 84.198.1273.
ill. 46 - René Gaillard d’après Jean-Baptiste Greuze, La Voluptueuse, eau-forte, Washington, National Gallery of Art, inv. 1942.9.2353.
~ cat. 46 ~
Figure de jeune fille, à mi-corps, « Le Baiser envoyé »
Sanguine sur papier vergé
H. 41,8 ; L. 31,8 cm
V. Expressions
« J’ose dire que ce grand homme surpasse de beaucoup le célèbre Le Brun pour l’expression. Car on a reconnu que ce dernier avait une expression générale non variée, au lieu que l’expression de Greuze est d’une grande variété et bien sentie dans le tout en général, comme dans les figures en particulier 208 »
Cette citation tirée de la correspondance du graveur suédois Per Gustaf Floding (1731-1791) est bien représentative de la critique à l’égard des œuvres de Greuze qui a toujours mis en avant sa grande expressivité. Bien conscient de la popularité de ses têtes dessinées ou peintes, l’artiste s’est plu à décliner tout au long de sa vie la tête humaine avec une attention particulière à la physionomie et à l’expression. Pour que l’action de ses grandes scènes moralisantes soit la plus compréhensible possible, Greuze s’appuie sur le système de Le Brun 209 , mais insuffle à ses têtes une sensibilité bien différente qui correspondait davantage aux exigences des contemporains [cat. 47]. L’époque est à l’expression, comme le montrent les recherches qui tentent à réformer et revaloriser l’étude d’après le modèle vivant et qui aboutiront notamment à l’instauration du « prix de la tête d’expression » par le comte de Caylus (1692-1765) en 1759. Les multiples variantes de Greuze autour d’une même physionomie, la déclinaison en versions peintes ou dessinées prouvent le caractère commercial de sa démarche mais sont aussi le signe d’une recherche constante pour trouver l’expression la plus convaincante. Au sein de cette abondante production, il faut distinguer
deux catégories : une première qui rassemble des têtes qui peuvent être directement associées aux grands tableaux de l’artiste, qu’elles soient préparatoires ou non, et une seconde catégorie qui regroupe des études qui ne sont pas liées à des compositions précises, mais qui appartiennent aux types physiques de l’artiste 210 . La séduisante Petite boudeuse de l’ancienne collection Bonna se rattache à la première catégorie [cat. 48]. Elle est représentée de profil, coiffée d’un large bonnet, dans une attitude presque passive avec une émotion contenue. Marie-Anne Dupuy-Vachey211 a bien montré qu’elle dérivait vraisemblablement de la fillette agenouillée au premier plan de La Lecture de la Bible [ill. 47]. Comme souvent, le statut et la fonction d’une telle feuille sont difficiles à déterminer mais son degré d’achèvement ainsi que son style, assez différents de ses tout premiers dessins, poussent à voir dans cette étude une œuvre plus tardive, exécutée bien après sa toile. Ce qui est certain en revanche, c’est que Greuze fit graver son dessin par Louis-Martin Bonnet dans la nouvelle technique de la manière de sanguine, lui permettant de reproduire fidèlement son épaisse craie rouge si caractéristique et de diffuser largement son image.
208- Correspondance publiée par G. W. Lundberg, éd. 1931-1932, p. 292.
209- Sur Greuze et Le Brun, voir Y. Jackall, 2022, et en particulier p. 105-122.
210- Y. Jackall dans cat. exp. Paris, 2017, p. 212.
211- M.-A. Dupuy-Vachey dans cat. exp. Paris, Genève, 2006-2007, p. 216-219, n˚ 50.
~ cat. 47 ~
Étude de tête de jeune homme, le regard levé
Huile sur bois
H. 40,5 ; L. 32,5 cm
~ cat. 48 ~ La Petite Boudeuse
Sanguine sur papier vergé H. 28,6 ; L. 21 cm
Sa tête de jeune savoyarde [cat. 49] correspond plutôt à la deuxième catégorie dans la mesure où elle n’est pas liée à une composition, mais exploite la thématique de la jeune femme coiffée d’un fichu que l’on rencontre à de nombreuses reprises dans l’œuvre de Greuze. La tête est charmante, remarquablement vivante, puissamment dessinée par de vifs coups de sanguine. Le buste peint du même sujet [ill. 48] témoigne de la pratique de l’artiste, qui pour répondre à une demande croissante, décline son motif dans une pose un peu différente. De ce tableau dérive une eau-forte qui semble être la seule qui puisse être attribuée avec certitude à Greuze212 [ill. 49]. Comme de nombreux artistes au XVIIIe siècle, les Savoyards ont, semble-t-il, particulièrement retenu l’attention de Greuze qui les a représentés à maintes reprises [cat. 16].
À la fin de sa carrière, Greuze poursuit ses recherches autour des expressions et de leurs figurations, car « les passions ont leurs gestes213 » ainsi que le remarquait Rousseau. Au Salon de 1800, il expose entre autres tableaux, trois têtes de différents caractères : La Crainte et le désir, Le Sommeil et La Peur de l’orage. Cette dernière est traditionnellement identifiée comme la toile du
ill. 48 - Jean-Baptiste Greuze, Jeune savoyarde au fichu blanc, huile sur toile, H. 48 ; L. 40,6 cm, collection particulière.
212- IFF18, t. XI, article Greuze (Jean-Baptiste), p. 1-2, n˚ 1.
213- Cité par M. Dancer-Mourès dans J. Beauffet (dir.), 2007, p. 97, n˚ 129.
musée de Saint-Étienne214 pour laquelle il existe également une autre version, non moins séduisante, présentée dans l’exposition [cat. 50]. Ces toiles sont à rapprocher d’un tableau plus ambitieux représentant une jeune femme et son enfant se réfugiant sous un arbre 215 [ill. 50] Le caractère déjà préromantique de la composition atteste d’une sensibilité nouvelle, qui est peut-être encore davantage perceptible dans le dessin préparatoire issu de l’ancienne collection Baderou, aujourd’hui au musée de Rouen216 [ill. 51]. L’exécution rapide et imprécise évoque une feuille du même sujet conservée à Tournus217, sans l’enfant cependant et avec un lavis plus largement appliqué. C’est avec la même énergie qu’il exécute un petit dessin représentant deux enfants effrayés [cat. 51] qu’il faut situer un peu avant la fin du siècle. La rapidité de la plume fait écho aux brusques mouvements des personnages qui, comme dans La Peur de l’orage, semblent être aux prises avec les éléments. La représentation de sentiments tumultueux et l’impétuosité des rapports entre les êtres confèrent aux derniers tableaux de Greuze un caractère romantique évident et une grande singularité.
214- L’Effroi ou La Peur de l’orage, huile sur toile, H. 47,5 ; L. 38 cm, Saint-Étienne, musée d’art moderne et contemporain, inv. R.F. 1525, dépôt du musée du Louvre.
215- Huile sur toile, H. 73 ; L. 58 cm, Bordeaux, musée des Beaux-Arts, inv. 1971-2-9.
216- Plume, encre brune et lavis gris, sur papier vergé, H. 27,5 ; L. 20,5 cm, Rouen, musée des Beaux-Arts, inv. 975-4-1306 A.
217- Plume, encre brune et lavis brun sur traits de crayon noir, H. 23,5 ; L. 17,8 cm, Tournus, musée Greuze-Hôtel-Dieu, inv. 82.1509.
~ cat. 49 ~
Tête de jeune savoyarde, tournée vers la droite
Sanguine sur papier vergé
H. 39,3 ; L. 27 cm
Signé en bas à gauche à la plume et encre brune : « Greuze »
ill. 50 - Jean-Baptiste Greuze, La Peur de l’orage, huile sur toile, H. 73 ; L. 58 cm, Bordeaux, musée des Beaux-Arts, inv. 19712-9.
~ cat. 50 ~ L’Effroi
Huile sur toile
H. 60 ; L. 51 cm
~ cat. 51 ~
Deux enfants effrayés se réconfortant
Plume, encre brune, encre noire, lavis brun et gris sur traits de crayon noir, sur papier vergé H. 13,1 ; L. 11,7 cm
Sensualité
À ce goût pour l’expression, Greuze joint souvent à ses têtes une dimension sensuelle plus ou moins explicite, explorant le désir charnel et les passions amoureuses. Ses tableaux jouent sur l’ambiguïté, entre innocence de la jeune fille représentée et son érotisation, qui peut apparaître pour le moins dérangeante au spectateur contemporain. Greuze exploite en effet l’équivoque. Le beau tableau de l’ancienne collection Daupias [cat. 52] joue sur cette ambivalence car l’artiste donne à sa jeune fille des traits encore enfantins, mais lui découvre un sein. C’est avec la même délicatesse dans le rendu des matières qu’il peint une autre jeune fille rêveuse, la tête appuyée sur l’un de ses bras posé sur un livre [cat. 53]. Sa lecture, comme la lettre posée sur le bureau dans le tableau précédent, est sans doute la cause de son air rêveur ; elles sont manifestement échauffées et troublées. Dans d’autres représentations, où le caractère innocent du modèle paraît bien loin, Greuze se plaît à dépeindre toute la gamme émotionnelle, de l’ivresse du plaisir à la tristesse de l’abandon amoureux. Sa femme, Anne-Gabrielle Babuty, fut l’un de ses modèles privilégiés dans ce registre. Il semble possible de reconnaître ses traits dans un tableau singulièrement érotique où Greuze représente une jeune femme alanguie, la gorge déployée, dans une attitude proche de l’orgasme [cat. 54]. La composition dérive d’une série de têtes à l’expression incertaine, du visage de La Mère bien aimée 218 à un portrait de sa femme exposé en 1765 (n˚ 114) pour lequel Diderot aura ses mots : « Cette bouche entr’ouverte, ces yeux nageant, cette attitude renversée, ce cou gonflé, ce mélange voluptueux de peine et de plaisir, font baisser les yeux et rougir toutes les honnêtes femmes dans cet endroit 219 ». Dans
la sanguine du même sujet [cat. 55], traditionnellement considérée comme préparatoire au tableau 220 , le grainage et les fines hachures renforcent la charge sensuelle. Sa traduction en gravure pour le IVe Cahier de têtes de différents caractères par Charles-François Le Tellier confère à l’image un sens plus universel, dissocié de son modèle. Le cadrage serré renforce le rapport avec le spectateur et amplifie le désir tout en l’interrogeant également, car il relève de ce qu’Étienne Jollet appelle la « narration énigmatique221 ». Rien n’indique en effet l’objet de son agitation, aucun élément de contexte, l’artiste donne à voir l’émotion seule. C’est aussi cette recherche du juste sentiment qui émane de sa Jeune veuve dont le vêtement de deuil apparaît bien séduisant [cat. 56]. Remarquable de présence, elle est représentée de face, la tête couverte d’un voile de dentelle noire noué par un ruban sur la poitrine, avec le regard au loin ; elle semble perdue dans ses pensées. À l’intensité expressive de certaines têtes, s’oppose ici une émotion du for intérieur qui traduit le profond isolement des êtres représentés par Greuze. Nul dialogue avec le spectateur, elle devient l’objet d’une appétence, rappelant la forte ambiguïté des jeunes filles peintes par l’artiste. Au XVIIIe siècle, la figure de la veuve est profondément ambivalente, surtout lorsqu’elle est « encore dans l’âge de plaire222 », pour reprendre les mots de Greuze à propos d’une autre de ses compositions223 [ill. 52]. Le théâtre et la littérature en donnent une image souvent frivole, voire parfois libertine si l’on pense à la marquise de Merteuil de Choderlos de Laclos (1741-1803). La jeune veuve reste rarement seule : « La perte d’un époux ne va point sans soupirs. On fait beaucoup de bruit, et puis on se console224 » écrivait Jean de La Fontaine (1621-1695).
218- Huile sur toile, H. 97 ; L. 130 cm, Madrid, collection du marquis de Laborde.
219- D. Diderot, Salon de 1765, op. cit., p. 151.
220- E. Munhall dans cat. exp. New York, Los Angeles, 2002, p. 145, n˚ 47.
221- É. Jollet, 2012, p. 60.
222- J.-B. Greuze, 1786, p. 1412.
223- La Veuve et son curé , huile sur toile, H. 128 ; L. 160,5 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, inv. ГЭ -7521. Sur la figure des veuves et leur représentation au XVIIIe siècle, voir S. Beauvalet-Boutouyrie, 2001, et F. Fesneau, 2023.
224- La Jeune veuve, vingt-et-unième fable du livre VI, 1ère éd. en 1768.
~ cat. 52 ~ Rêverie
Huile sur toile
H. 61,5 ; L. 52 cm
~ cat. 53 ~ Jeune fille pensive
Huile sur toile
H. 47 ; L. 39 cm
~ cat. 54 ~ La Volupté
Huile sur bois
H. 46,5 ; L. 36,5 cm
~ cat. 55 ~ La Volupté
Sanguine sur papier vergé H. 43 ; L. 33 cm
ill. 52 - La Veuve et son curé , huile sur toile, H. 128 ; L. 160,5 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, inv. ГЭ -7521.
~ cat. 56 ~ La Jeune veuve
Huile sur toile
H. 46 ; L. 37 cm
Des accessoires et surtout des animaux animent quelquefois les jeunes femmes de Greuze qui serrent contre leurs seins des colombes ou de petits chiens. À travers ce compagnon, c’est l’image de leur amant qu’elles portent près de leur cœur. Une lettre du peintre au prince Nicolai Ioussoupov (1750-1831), à propos de La Volupté 225 [ill. 53], une toile montrant une jeune femme enlaçant une colombe, indique clairement l’intention de l’artiste :
Cette colombe, qu’elle presse contre son cœur si amoureusement, avec ses deux mains, n’est que l’image de son amant caché sous cet emblème ; son âme est agitée d’un sentiment si doux et si pur que la femme la plus délicate la pourra regarder avec complaisance sans être
blessée. J’ai ajouté sur sa tête une couronne d’étoiles pour indiquer que le sentiment nous égale aux dieux pour un instant. C’est un grand tableau dans une petite toile226 .
Le Souvenir représente l’une de ces jeunes femmes [cat. 57]. Elle cajole son petit chien, les yeux tournés vers le ciel, la bouche entrouverte ; elle est indéniablement ailleurs. La langue du petit chien ajoute un caractère érotique évident à cette image qui doit être située assez tard dans la carrière de Greuze, à la fin des années 1780. Une autre version de ce tableau est conservée à la Wallace Collection227, mais la langue de l’épagneul a vraisemblablement été effacée pour tenter de dissimuler ce qui pouvait apparaître comme une atteinte à la pudeur.
225-
226-
inv. Ж-819.
datée du 20 avril 1790, citée par J. Ingamells, 1989, p. 184, n. 2.
Huile sur toile, H. 46 ; L. 37 cm, Moscou, musée Pouchkine,
Lettre
227- Huile sur toile, H. 52,2 ; L. 42,3 cm, Londres, The Wallace Collection, inv. P398.
ill. 53 - Jean-Baptiste Greuze, La Volupté, huile sur toile, H. 46 ; L. 37 cm, Moscou, musée Pouchkine, inv. Ж-81.
~ cat. 57 ~
Jeune fille au chien dit Le Souvenir
Huile sur toile
H. 55,5 ; L 46,5 cm
Sainte Marie l’Égyptienne
La fin du XVIIIe siècle apparaît comme une période difficile pour Greuze. Même s’il parvient à conquérir une nouvelle clientèle pour ses portraits, son divorce l’a ruiné et son art ne connaît plus le succès des années précédentes. « J’ai tout perdu hors le talent et le courage. J’ai soixante et quinze ans, pas un ouvrage de commande. De ma vie je n’ai jamais eu un moment aussi pénible à passer228 » écrit-il en février 1801 à Lucien Bonaparte (1775-1840), alors ministre de l’Intérieur. C’est vraisemblablement pour l’aider que ce dernier lui commande une sainte Marie l’Égyptienne en pénitence dans le désert [ill. 54]. Les circonstances du marché sont malheureusement inconnues et demeurent floues, notamment en raison d’une version antérieure qui passait à la vente du notaire Duclos-Dufresnoy en août 1795. Le tableau de Lucien Bonaparte est exposé au Salon de 1801 (n˚ 158), il représente la sainte femme agenouillée et repentante dans une grotte avec un lion à l’arrière-plan. Selon la légende, elle trouva la mort dans le désert et ne put être enterrée que grâce à l’animal qui creusa sa tombe. Les dessins liés à cette composition sont assez nombreux et prouvent les recherches encore incessantes de Greuze à la fin de sa vie. Au sein de cet ensemble, des feuilles se distinguent par leur caractère
très achevé qui les apparentent davantage à des ricordi plutôt qu’à des études préparatoires, selon une pratique coutumière chez Greuze [cat. 58 et ill. 55]. L’étude de tête, impressionnante par sa présence, est dessinée à la pierre noire, largement estompée par endroit afin de marquer les volumes du corps. L’artiste repasse les contours à la sanguine qui est parfois également estompée comme autant de touches lumineuses. La technique, alliant sanguine et pierre noire estompée, est caractéristique des années 1795-1800 ; de même, le type physique de la jeune femme dont le contour coulant, c’est-à-dire « qui n’est point prononcé rudement229 » selon Pernety (17161796), était particulièrement recherché pour figurer les formes féminines. Tout comme le Portrait de Bonaparte en premier Consul 230 , commande qu’il reçoit en 1803 mais qu’il ne parvient pas à achever avant sa mort231 , sa Sainte Marie l’Égyptienne apparaît, au tout début du XIXe siècle, presque d’un autre temps, très différente des œuvres qui avaient fait son succès, sans être pleinement néoclassique. Aux Goncourt de conclure cruellement : « Rien autour de lui n’était plus de son âge232 », assertion faisant fi toutefois des efforts de l’artiste pour renouveler son art au terme de sa vie.
ill. 54 - Jean-Baptiste Greuze, Sainte Marie l’Égyptienne, huile sur toile, H. 181,6 ; L. 145,4 cm, Norfolk, Chrysler Museum, inv. 71.652.
ill. 55 - Jean-Baptiste Greuze, Sainte Marie l’Égyptienne, fusain, sanguine et lavis gris, H. 48,8 ; L. 37,4 cm, Paris, galerie Benjamin Peronnet.
228- Reproduite par Ch. Blanc, 1865, t. II, « Jean-Baptiste Greuze », p. 16. Cette lettre est parfois considérée de la main de sa fille (E. Munhall dans cat. exp. Hartford, San Francisco, Dijon, 1976-1977, p. 234, sous le n˚ 113).
229- A.-J. Pernety, 1757, p. 104.
230- Jean-Baptiste Greuze, terminé par Anne-Geneviève dite Caroline Greuze, Bonaparte, premier Consul, devant une vue d’Anvers, huile sur toile, H. 242 ; L. 177 cm, Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon, inv. MV 4634.
231- C’est sa fille, Caroline Greuze, qui termine le tableau : « J’ai reçu le portrait de Sa Majesté l’Empereur commencé par feu M. votre père pour la ville d’Anvers et terminé par vous », V. Denon, lettre à M lle Greuze, 21 mai 1806, voir M.-A. Dupuy-Vachey, I. Le Masne de Chermont et E. Wiliamson, 1999, t. I, p. 349, n˚ 901.
232- E. et J. de Goncourt, éd. 1906, p. 62.
~ cat. 58 ~
Sainte Marie l’Égyptienne
H. 43,2 ; L. 35 cm
Signé en bas à gauche à la sanguine : « J.B. Greuze »
Sanguine, pierre noire et estompe sur papier vergé
Remerciements
Permettez-moi d’exprimer ici toute ma gratitude à Éric Coatalem pour son soutien et pour la confiance qu’il m’a accordée. Mes remerciements s’adressent aussi à Emmanuelle Brugerolles avec qui j’ai eu plaisir à travailler sur ce projet et à échanger sur les œuvres, à Juliette Trey, pour ses conseils et ses remarques, ainsi qu’à Sébastien Castel, Sarah Catala, Martial Damblant, Agathe Dupont, Véronique Meyer, Axel Moulinier, Oprah Nicet, Hélène Rihal, Marie-Laure de Rochebrune, Côme Rombout, Joëlle Vaissiere et Jean-Philippe Vecin.
Liste des œuvres
Autoportrait
Huile sur toile
H. 61,3 ; L. 50,1 cm
Au revers du cadre, étiquette de la vente de 1882 et une étiquette : « Portraits du Siècle / 145 ».
Hist. : peut-être Salon de 1761, n˚ 98 « Le Portrait de M. Greuze, peint par luimême» ; vraisemblablement Ange Laurent de La Live de Jully (1725-1779) ; Catalogue historique du cabinet de peinture et de sculpture françois de M. de Lalive…, 1764, p. 17 : « Seconde pièce sur la cour. Le portrait de Greuse [sic] par lui-même, sur toile, de vingt-trois pouces de haut sur dix-huit pouces & demi de large. Ce portrait est d’une parfaite ressemblance & d’une vérité de teintes prises dans la nature. » ; sa vente 5 mars 1770 et jours suiv., n˚ 108 : « Le portrait de ce peintre peint par lui-même ; il s’est représenté presque à mi-corps, la tête découverte, le col de sa chemise déboutonné, & en robe de chambre bleuâtre. Ce tableau qui a le mérite des morceaux que cet habile artiste sait si bien perfectionner, est peint sur une toile de 23 pouces de haut, sur 18 pouces 6 lignes de large », acquis 300 livres 2 sols par Jacques Lenglier (1732-1814) ; vente anonyme, Paris, Hôtel Drouot (Me Escribe), 1er avril 1882, n˚ 12, vendu 6 700 fr.1 ; vente Paris, Hôtel Drouot (Me Ader), 25 avril 2023, n˚ 53 ; galerie Éric Coatalem ; collection particulière.
Bibl. : J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 70, n˚ 1142 (si tableau passé en vente en 1882) ; La Gazette Drouot (C. Papon et S. Reyssat), 21 avril 2023, n˚ 16 p. 38 ; La Gazette Drouot, 4 mai 2023, n˚ 18, p. 81 ; L’Objet d’Art, juin 2023, p. 90.
1- Annotation sur le catalogue de vente mais non répertorié dans le procèsverbal de la vente, voir AP, D42E 3 65, Me Escribe, commissaire-priseur, procèsverbal de vente, Paris, 1er avril 1882.
~ cat. 2 ~
Tête de vieil homme, le regard levé
Sanguine sur papier vergé.
Filigrane : soleil à six rayons.
H. 45,2 ; L. 37,4 cm
Hist. : collection particulière, France ; galerie Éric Coatalem.
~ cat. 3 ~
Jeune fille debout, la main droite sur l’oreille
Sanguine sur papier vergé
H. 47,1 ; L. 30,5 cm
Au verso, esquisse à la sanguine d’une autre main représentant la même jeune fille ; une inscription au stylo noir en bas, à gauche : « vente Couvreur / 1[un chiffre caviardé]75 / 1875 »
Hist. : peut-être M. Couvreur, sa vente, Paris, Hôtel Drouot (Mes Pillet et Delestre), 1er-2 décembre 1875, n˚ 164 : « Greuze. Trois dessins » ; vente Paris, Christie’s, 21 mars 2018, n˚ 56 ; collection Inna Bazhenova, Monaco. Bibl. : A. Chatelain dans cat. exp. Sceaux, 2022, p. 186, sous le n˚ 72.
~ cat.4 ~
Jeune fille debout vue de dos
Sanguine sur papier vergé
H. 47,1 ; L. 30,8 cm
Hist. : Georges Bourgarel ; sa vente, Paris, Hôtel Drouot (Me Lair-Dubreuil), 13-15 novembre 1922, n˚ 92, repr. p. 69 ; Jean de Cayeux (1913-2009), Paris, sa marque en bas, à droite (L. 4461) ; galerie Jan Krugier, Genève ; vente Paris, Christie’s, 22 mars 2023, n˚ 65 ; collection Inna Bazhenova, Monaco.
Exp. : Paris, Genève, 1978, p. 42, n˚ 16.
~ cat. 5 ~
Les Œufs cassés
Pierre noire, fusain et rehauts de craie blanche sur papier vergé
H. 27,8 ; L. 38 cm
Inscription en bas à droite à la pierre noire : « Greuze f. Rome 1756 ».
Hist. : peut-être vente anonyme, Paris, 21 mars 1768, n˚ 369 : « Un dessin par le même (Greuze), aux crayons noir & blanc, étude de son tableau de l’Œuf cassé » (selon le Getty Provenance Index Databases, la collection vendue est celle de Jacques-Gabriel Huquier [1730-1805]) ; collection particulière.
~ cat. 6 ~
Les Offres malhonnêtes
Plume, encre noire, lavis gris et encre brune sur traits de crayon noir, sur papier vergé
H. 33,5 ; L. 26,2 cm
Au verso : « S.A.S. Chantilly / J. Bte. Greuze ».
Hist. : vraisemblablement Charles-Henri Watelet, sa vente, Paris, 6 décembre 1786, partie du n˚ 203 : « Deux autres moyens dessins par le même [Greuze] dont un vieillard voulant tenter une jeune fille en lui présentant une bourse […] » ; peut-être Louis-Henri-Joseph, Prince de Condé, Chantilly (en raison de l’inscription au verso de la feuille) ; vraisemblablement Gruyter, sa vente Paris, Hôtel Drouot, 20 et 21 avril 1860 (Me Delbergue-Cormont), n˚ 142 (« Vieillard cherchant à séduire une jeune fille avec une bourse ; sa femme le surprend par la porte ouverte. Très beau dessin lavé à l’encre, avec la gravure de Watelet »), vendu 100 fr. ; collection de Monsieur de L., sa vente Paris, galerie Charpentier (Me Baudoin), 22 juin 1938, n˚ 8, repr. pl. II ; Donald S. Stralem, Esq. (en 1968) ; vente, New York, Sotheby’s, 29 janvier 1997, n˚ 76 ; collection particulière.
Bibl. : J. Smith, 1837, p. 434, n˚ 135 ; J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 22, n˚ 293 ; E. Munhall, 1965, p. 87-88, fig. 7 ; A. Brookner, 1972, p. 98 ; N. Jeffares [en ligne], article Greuze ; cat. de vente Londres, Christie’s, 5 juillet 2022 [en ligne], sous le n˚ 59.
Exp. : Londres, 1968, p. 82, n˚ 325, fig. 230 ; Hartford, San Francisco, Dijon, 19761977, p. 76, n˚ 28 (E. Munhall).
Gravé en sens inverse par Claude-Henri Watelet (1718-1786).
~ cat. 7 ~
Une Jeune fille qui pleure la mort de son oiseau
Huile sur toile
H. 71 ; L. 61 cm, de forme ovale
Signé et daté en bas, à droite, sur la cage : « I. Greuze. 1757 ».
Hist. : Salon de 1759, n˚ 107 (« Une jeune Fille qui pleure la mort de son Oiseau. Tableau ovale) » ; Sophie Marie Joséphine Albine Chotek de Chotkowa et Wognin, duchesse de Hohenberg (1868-1914), épouse de l’archiduc FrançoisFerdinand (1863-1914), Vienne ; par descendance à son fils, Maximilien de Hohenberg (1902-1962), duc de Hohenberg ; galerie Cailleux, Paris, avant 1957 ; Marcel Leclercq Masurel, Roubaix, France (selon une étiquette au dos du tableau et une note dans la documentation de Marianne Roland-Michel) ; vente Sotheby’s, 10 juillet 1968, n˚ 93 (à Monckton) ; vente Londres, Sotheby’s, 30 Juin 1971, n˚ 31 ; Dr. Klaus Virch, Kiel ; vente New York, Sotheby’s, New York, 15 janvier 1987, n˚ 96 ; vente New York, Christie’s, 17 avril 2024, n˚ 107 ; collection particulière.
Bibl. : J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 47, n˚ 703 (avec des confusions cependant avec les autres tableaux du même sujet) ; P. Cailleux, 1963, s. p., repr. ; J. Seznec et J. Adhémar, 1957, p. 54 ; A. Brookner, 1972, p. 100 (comme perdu) ; E. Munhall dans cat. exp. Hartford, San Francisco, Dijon, 1976-1977, p. 104, n. 2, sous le n˚ 44 ; E. Munhall dans cat. exp. Paris, 1984, p. 241, sous le n˚ 63 ; E. Barker, 2012, p. 89, repr. fig. 2.
~ cat. 8 ~
Homme nu debout, regardant vers la gauche et tendant le bras
Au dos de l’encadrement : étiquette avec le numéro 573, et étiquette de l’exposition Le dessin français de Watteau à Prud’hon de la galerie Cailleux, avril 1951.
Bibl. : E. Munhall dans cat. exp. Hartford, San Francisco, Dijon, 1976-1977, p. 184, fig 21 ; L.-A. Prat, 2017, p. 439 et 441.
Exp. : Paris, 1951, s. p., n˚ 61 ; Londres, 1995, s. p., n˚ 37 (S. Ongpin).
~ cat. 10 ~
Buste de jeune homme, la tête de trois quarts vers la gauche
Huile sur toile
H. 40,6 ; L. 32,4 cm
Hist. : comte et comtesse Orlowski (selon le catalogue de la vente suivante) ; vente New York, Sotheby’s, 24 janvier 2002, n˚ 67 ; collection particulière.
Une autre version aux dimensions presque identiques (H. 40 ; L. 32,4 cm) est passée en vente à New York chez Sotheby’s le 28 janvier 2000 (n˚ 98) avec comme provenance une vente qui pourrait aussi correspondre à notre toile : vente Paris, Hôtel Drouot (Me Pillet), 23 mars 1872, n˚ 31 : « Jeune garçon. Vu en buste, les cheveux blonds, il regarde vers la droite. Étude pour le tableau du Fils maudit. Toile. Haut., 39 cm. ; larg., 30 cent. », voir J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 62, n˚ 984.
~ cat. 11 ~
Homme assis, vu de profil, les bras tendus
Sanguine sur papier vergé
H. 43 ; L. 33,2 cm
Inscription en haut à gauche au crayon : « La Malédiction paternelle ».
Hist. : marquis Charles de Valori (1820-1883), sa marque en bas à droite (L. 2500), ne figure cependant pas dans les catalogues des ventes du 16-18 avril 1866, du 25-26 novembre 1907 et du 13-14 février 1908 ; collection particulière, France ; vente New York, Sotheby’s, 26 janvier 2022, n˚ 45 ; collection particulière.
~ cat. 13 ~ Tête d’homme, de profil vers la droite
Sanguine sur papier vergé
H. 47,4 ; L. 32,5 cm
Hist. : peut-être Caroline Greuze (1762-1842), sa vente après décès, Paris, 25-26 janvier 1843, n˚ 88 : « Tête du père dans la Malédiction paternelle [à la sanguine] », vendu 36 fr. ; peut-être Camille Marcille (1816-1875), sa vente, Paris, 6-7 mars 1876, n˚ 86, « Tête d’homme, profil tourné à droite. Ce dessin à la sanguine sur papier blanc a été fait comme étude pour le tableau représentant la Malédiction paternelle. H. 0.44. L. 0.33 », acquis 120 fr. par Charles Edmond (palais du Luxembourg)2 ; descendance de la famille de Paul Huet (1804-1869) ; galerie Éric Coatalem ; collection particulière.
Bibl. : J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 89, n˚ 1523 [si dessin de Caroline Greuze] et p. 95, n˚ 1678 [si dessin de la vente Marcille] ; É. Coatalem, 2013, s. p. ; L.-A. Prat, 2017, p. 442.
Les provenances Caroline Greuze et Marcille sont traditionnellement associées à cette feuille, mais elles pourraient aussi correspondre au dessin précédent.
2- AP, D48E 3 66, Me Pillet, commissaire-priseur, procès-verbal de la vente Marcille, Paris, 6-9 mars 1876.
~ cat. 14 ~
Tête de jeune garçon, la bouche entrouverte
Sanguine sur papier vergé
H. 37,5 ; L. 30,7 cm
Hist. : Richard Owen, Paris ; colonel A. de Kotzebue, en mai 1967 (note dans la documentation de Marianne Roland-Michel) ; collection du comte E. T… ; sa vente Bordeaux (Me Briscadieu), 10 décembre 2009, n˚ 7 ; W. M. Brady & Co. ; collection particulière.
~ cat. 15 ~
Un Enfant embrassant un chien
Plume et lavis gris sur traits au crayon graphite, sur papier vergé
H. 20,5 ; L. 24 cm
Hist. : comte André-Gaspard-Parfait de Bizemont Prunelé (1752-1837), Orléans, sa marque en bas, à droite (L. 128) ; par descendance, soit à son fils, Adrien de Bizemont, Orléans, soit sa fille, la comtesse de Candé ; vente Paris, Hôtel Drouot (Mes Ader Picard Tajan), 29-30 novembre 1989, n˚ 63 ; Kate de Rothschild et Yvonne Tan Bunzl, Londres, en 1990 ; collection Horace Wood Brock ; Stephen Ongpin Fine Art, Londres, 2018 ; collection particulière.
Bibl. : K. de Rothschild, n. d. [2008], s. p., n˚ 26 ; C. S. Ackley, 2009, p. 55, ill. p. 59, fig. 11 ; Stephen Ongpin Fine Art, 2018, s. p., n˚ 32. Exp. : Londres, 1990, s. p., n˚ 30 ; Boston, 2009, p. 156, n˚ 110, repr. p. 112.
~ cat. 16 ~
Le Ramoneur
Plume, encre noire et lavis gris sur traits de crayon noir, sur papier vergé
H. 45 ; L. 36 cm
Hist. : vraisemblablement Pierre-Louis-Paul Randon de Boisset (1708-1776), sa vente Paris 27 février-25 mars 1777, n˚ 375 (« Un autre bon dessin aussi à la plume & lavé de bistre, sur papier blanc, composé d’une jeune femme qui tient un balai, & qui ôte le linge qui entouroit la tête d’un ramoneur ; d’un enfant, d’un chien sur une chaise & d’ustensiles de cuisine : hauteur 16 pouces 6 lignes, largeur 13 pouces »), acquis par Jacques Lenglier (1732-1814) 421 liv. ; peut-être Hippolyte Dreux, sa vente Paris, 3-4 février 1870, n˚ 56 : « La jeune mère et le petit ramoneur. Au bistre et à l’encre de Chine. Ce charmant dessin a été gravé », acquis par Boiselet pour 240 fr. ; ancienne collection Béraldi (selon le catalogue de la vente suivante) ; vente Monaco, Sotheby’s, 26 novembre 1979, n˚ 563 ; collection particulière.
Le Départ en nourrice ou La Privation sensible
Plume, encre noire et lavis gris sur traits de crayon noir, sur papier vergé
Au verso esquisse de la composition au crayon noir H. 32 ; L. 27, 5 cm
Signé en bas à droite : « Greuze »
Hist. : Paul Randon de Boisset (1708-1776), sa vente Paris, 27 février-25 mars 1777, partie du n˚ 374 : « Le départ de la nourrice & le retour de l’enfant. Ces deux desseins à la plume & lavé, sur papier blanc, sont riches de composition & remplis d’esprit ; ils portent chacun 12 pouces de haut, sur 10 pouces de large », acquis par Demarest pour 1 500 liv. ; Louis-Antoine Vassal de Saint-Hubert (1741-1742), ses ventes Paris, 29 mars 1779, partie du n˚ 163 : « Le départ de la nourrice & le retour de l’enfant ; ces dessins admirables, sont à la plume & lavés sur papier blanc ; hauteur chacun 12 pouces, largeur 10 pouces : ils viennent du cabinet de M. Randon de Boisset. N˚ 374 », vendus 600 liv. (ou rachetés ?), et Paris, 24 mai 1783, partie du n˚ 160 : « Le Départ de la Nourrice, & le Retour de l’enfant, idem. Ces dessins pleins de mérite, ont chacun 12 pouces de haut, sur 10 pouces de large. Du Cabinet de M. Randon de Boisset » ; B. Houthakker Galleries, Amsterdam de 1936 à 1952, avec son pendant ; H. E. ten Gate, Almelo, Pays-Bas, 1955, avec son pendant ; C. G. Boerner, Düsseldorf, 1964, avec son pendant ; Paul Drey Gallery, New York, sa vente à Londres le 27 juin 1974, n˚ 47 avec son pendant ; The Norton Simon Foundation, Los Angeles and Pasadena jusqu’en 1985 ; vente New York, Sotheby’s, 16 janvier 1985, n˚ 119, avec son pendant ; galerie Wildenstein & Co., New York, 2000 ; galerie Éric Coatalem, 2001 ; collection particulière.
Bibl. : J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 16, n˚ 195 et p. 25 cité sous le n˚ 355 ; F. Monod et L. Hautecœur, 1922, p. 25 sous le n˚ 26 ; M. Roux, 1940, p. 217, sous le n˚ 70 ; D. Hannema, 1955, t. I, p. 133, n˚ 238, repr. t. II, pl. 127 ; C. G. Boerner, 1964, s. p., n˚ 120, repr. ; W. Stubbe dans cat. exp. Hambourg, 1965, p. 36, sous le n˚ 170 ; A. Ehrard dans cat. exp. Clermont-Ferrand, 1984, p. 17 ; R. Michel dans cat. exp. Paris, 1989, p 32 et p. 154 sous le n˚ 12, n. 1 ; cat. de vente New York, Sotheby’s, 13 janvier 1993, sous le n˚ 133 ; T. le Claire dans cat. exp. New York, 1998, s. p., sous le n˚ 22, n. 1 ; E. Munhall dans cat. exp. New York, Los Angeles, 2002, p. 115, sous le n˚ 34 ; galerie Éric Coatalem, 2001, s.p. ; G. Brunel, 2005, p. 67 ; E. Barker, 2005, p. 105-106 ; B. Fort, 2006, p. 122-126, repr. p. 123, fig. 15 ; E. Barker, 2009, p. 435 ; H. Gaßner dans cat. exp. Hambourg, Paris, 2016-2017, p. 266, n. 1, sous le n˚ 110.
Exp. : Amsterdam, 1936, p. 45, n˚ 184, repr. ; Amsterdam, 1952, p. 5, n˚ 32 ; Düsseldorf, 1964, s. p. n˚ 120, repr. ; Hartford, San Francisco, Dijon, 1976-1977, p. 98-99, n˚ 41 (E. Munhall).
Gravé en sens inverse par Jean-Baptiste Blaise Simonet (1742-1817) sous le titre de La Privation sensible
~ cat. 18 ~
Le Départ en nourrice
Sanguine, pierre noire, plume, encre noire, lavis gris et rehauts de gouache blanche, sur papier vergé
Hist. : peut-être Ange Laurent de La Live de Jully (1725-1779) ; François Paul des Hours-Farel (1788-1878) ; par descendance à sa fille, Charlotte des HoursFarel (1825-1893), plus tard M me Jean-Jacques Alexis Auriol (1810-1874) [selon une inscription à l’encre au dos], Montpellier ; par descendance à une collection particulière ; leur vente Paris, Hôtel Drouot, 19 mars 1990, n˚ 16 ; vente New York, Sotheby’s, 28 janvier 2015, n˚ 113 ; collection particulière.
Bibl. : J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 14, n˚ 171.
Exp. : New York, 2005-2006, p. 228-229, n˚ 87.
Gravé en sens inverse par Ange Laurent de La Live de Jully (1725-1779) sous le titre de « La Mère de famille » ; gravé en sens inverse et en manière de lavis par François-Philippe Charpentier (1734-1817) sous le titre d’« Étude de Mandiants [sic] ».
~ cat. 20 ~
Les Soins maternels
Plume, encre noire et lavis gris sur traits de crayon noir, sur papier vergé
H. 41,5 ; L. 31,5 cm
Hist. : Chevalier de Damery (1723-1803) ; Fournelle [ou Cournelle ?] ; sa vente Paris, 14 octobre 1776, n˚ 150 : « Une jeune femme assise : elle tient nne [sic] petite fille entre ses jambes, & semble lui montrer à tricoter ; un petit garçon est assis auprès d’elle, & appuyé sur son genou : différens attirails domestiques ornent ce dessin, qui est à la plume & lavé », acquis 60 liv. par M. de La Mure (selon le Getty Provenance index) ; si non confondu avec le dessin gravé sous le titre « La Maman », peut-être Servat ; sa vente Paris, 3-14 février 1778, n˚ 620 : « La bonne Mère, sujet connu par l’estampe qu’en a gravé M. Beauvarlet, à l’encre de Chine », vendu 140 liv. ; Gustave Guyot de Villeneuve (1825-1898) ; sa vente Paris, Hôtel Drouot (Me Chevallier), 28 mai 1900, n˚ 30, repr., acquis 5 500 fr. par M. Ducrey ; docteur Théodore Tuffier (1859-1929), Paris (en 1910) ; vente, Paris, galerie Charpentier (Me Rheims), 28 mars 1955, n˚ 34, repr. ; acquis par M. et M me Cino del Duca ; leur vente de succession, Paris, Hôtel Drouot (Coutau-Bégarie), 19 novembre 2004, n˚ 18 ; galerie Éric Coatalem, Paris, 2005 ; collection particulière.
Bibl. : J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 26, n˚ 372 ; Éric Coatalem, 2005, s. p. ; W. M. Johnson et V. Meyer, 2009, p. 34, sous le n˚ 28.
Exp. : Berlin, 1910, p. 41, n˚ 185 (sous le titre de l’Amour maternel).
Gravé en sens inverse par Jacques-Firmin Beauvarlet (1731-1797) sous le titre des Soins maternels
~ cat. 21 ~
La Mère sévère
Plume, encre noire et lavis gris sur traits au crayon noir, sur papier vergé.
Au verso, légère étude pour la même composition à la pierre noire
Bibl. : J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 24, n˚ 337.
Gravé en sens inverse par Devisse sous le titre de La Mère sévère
~ cat. 22 ~
Étude de jeune garçon, debout, de profil vers la droite, penché en avant, le bras gauche étendu sur un appui carré
Sanguine sur papier vergé
H. 31,1 ; L. 21,8 cm
Inscription en bas à gauche à la plume et encre brune : « 9-49 ».
Hist. : Ivan Ivanovitch Betskoy (1704-1795), acheté à l’artiste en 1769 ; Académie impériale des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg (L. 2699a) ; transféré au musée de l’Ermitage en 1924 ; vente Leipzig, C. G. Boerner, 29 avril 1931, n˚ 110, acquis par Seligmann 1 150 Reichsmarks ; collection Albert Meyer, Paris ; collection Herbert Fleishhacker (1872-1957), San Francisco, dans les années 1930, puis par descendance ; vente Londres, Bonhams, 9 juillet 2014, n˚ 7 ; Jean-Luc Baroni ; collection particulière.
Bibl. : F. Monod et L. Hautecœur, 1922, p. 26, n˚ 38 ; S. de Ricci, 1935, s. p., n˚ 34.
~ cat. 23 ~
La Mère en courroux
Plume, lavis gris et brun sur traits de crayon noir, sur papier vergé
H. 18,3 ; L. 14,4 cm
Inscription au stylo-bille sur une étiquette moderne collée sur le carton d’encadrement : « J. B. Greuze / “La déclaration de / grossesse” / LAPORTE ».
Hist. : vente Paris, Hôtel Drouot (Mes Oger et Dumont), 12 juin 1985, n˚ 39 ; Monsieur et Madame Laporte ; vente Paris, Christie’s, 22 mars 2017, n˚ 118 ; collection Inna Bazhenova, Monaco.
~ cat. 24 ~
Le Petit mathématicien
Huile sur toile
H. 46,2 ; L. 38,3 cm
Hist. : vraisemblablement collection du comte Nicolas Demidoff (1773-1828), Villa San Donato, Florence (selon le catalogue de la vente de 1870) ; puis, par descendance à son fils Anatole N. Demidoff, Prince de San Donato (1812-1870), Villa San Donato, Florence ; sa vente (« Collections de San Donato »), Paris, Me Pillet, 26 février 1870, n˚ 114 (« L’Étude »), acquis 20 000 fr. par Agnew 3 ; comte Potocki, Varsovie ; prince Youssoupoff, Saint-Pétersbourg, avant 1905 (selon le cat. Sotheby’s, 2021, voir infra) ; Wildenstein, Buenos Aires, en 1946 ; acquis par un collectionneur privé en 1948 ; vente anonyme, New York, Sotheby’s, le 14 janvier 1988, n˚ 212 ; vente anonyme (« Vente des arts de France »), New York, Christie’s, 21 octobre 1997, n˚ 88 ; vente Londres, Sotheby’s, 5 décembre 2020, n˚ 188 ; vente Londres, Sotheby’s 28 avril 2021 [en ligne], n˚ 449 ; galerie Éric Coatalem ; collection particulière.
Bibl. : peut-être J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 35, n˚ 497 et 498 (si les tableaux Donato et Youssoupoff sont les mêmes).
Exp. : Buenos Aires, Galerie Wildenstein, 13-25 septembre 1958 (selon une étiquette au dos au tableau).
3- AP, D.48E 3 61, Me Pillet, commissaire-priseur, procès-verbal de la vente d’Anatole N. Demidoff, Paris, 26 février 1870.
Portrait de Madame de Courcelles à sa toilette
Huile sur toile H. 81,2 ; L. 65 cm, de forme ovale
Hist. : Louise Charlotte Valmalette (1740-1822) ; sa fille, Alexandrine Louise Boutinon des Hayes (1758-1828) ; sa fille, Apolline Charlotte Adélaïde de Guibert (1776-1852), mariée en 1795 à François René Vallet de Villeneuve, comte de Villeneuve-Chenonceau (1777-1863) ; leur fils, Armand Louis Septime Vallet de Villeneuve-Guibert, comte de Villeneuve-Guibert (1799-1875) ; son fils, René Gaston Vallet de Villeneuve-Guibert, vicomte de Villeneuve-Guibert (1826-1895), marié en 1857 à Claire Marie Valentine Duchâtel (1837-1919) ; sa cousine, la comtesse Duchâtel ; galerie Durand-Ruel ; galerie Newhouse, New York (1952) ; collection particulière au Texas (jusqu’en 1993) ; galerie Stair Sainty Matthiesen, New York ; collection particulière.
Bibl. : P. Mantz, 1874, p. 196 ; W. J. Hoppin, 1875, p. 263 ; E. et J. de Goncourt, éd. 1882, p. 82 ; J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 67, n˚ 1082 ; J. Martin, 1912, p. 86 ; E. Pilon, 1912, p. 59-60, repr. p. 90 ; P. Perrin, 1990, s. p., sous le n˚ 15 ; cat. exp. New York, 2005-2006, p. 302, fig. 130b.
Exp. : Paris, 1866, p. 25, n˚ 66 ; Paris, 1874, p. 39, n˚ 195 ; Londres, New York (Matthiesen Gallery et Stair Sainty Matthiesen), 1993, p. 163-165, n˚ 40.
~ cat. 26 ~
Portrait de François Babuty (v. 1683-1768)
Huile sur toile
H. 59,7 ; L. 48,2 cm, de forme ovale
Hist. : Salon de 1761, n˚ 97 (« Le portrait de M. Babuti. […] Ces trois tableaux sont de même grandeur. Ils ont 2 pieds de haut sur 1 pied & demi de large. ») ; M me Lyne-Stephens ; sa vente, Londres, Christie’s, 9-17 mai 1895, n˚ 374 ; Rodolphe Kann ; sa vente Paris, 1907, lot n˚ 148 ; M me Roussel ; sa vente, Paris, galerie Georges Petit, 25-28 mars 1912, n˚ 11 ; David David-Weill, Neuilly, à partir de 1921 ; collection particulière.
Bibl. : abbé Le Blanc, 1761, p. 160 ; abbé Bridard de La Garde, 1761, p. 177 ; abbé de La Porte, 1761, p. 177 ; Bailly, 1761, p. 124 (reprend le texte de l’abbé de La Porte) ; Journal encyclopédique, 1761, p. 60 ; É. Fréron, 1761, p. 14 ; Pierre Gustave Floding, 1761, éd. G. W. Lundberg, 1932, p. 291 ; Diderot, 1761, éd. J. Seznec et J. Adhémar, 1957, p. 134 ; J. Boilly, 1852-1853, p. 160 ; Le Magasin pittoresque, 1879, p. 385-386 ; E. et J. de Goncourt, éd. 1882, p. 76 et 82 ; É Bellier de La Chavignerie et L. Auvray, 1882, p. 696 (comme Portrait de M me Babuty) ; W. Bode, 1900, p. v, n˚ 91, repr. ; E. Michel, 1901, p. 504 ; C. Strienski, 1903, p. 210, 214, repr. p. 212 ; J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 65, n˚ 1055 ; W. Bode, 1907, t. II, p. 58, n˚ 148, repr. ; L. Dumont-Wilden, 1909, p. 196 ; L’Illustration, 2 février 1922, repr. en couv. ; L. Hautecœur, 1924, p. 170-171, repr. ; G. Henriot, 1926, t. I (peinture), p 171-173, repr. p. 175 ; D. Diderot, Salon de 1761, éd. J. Seznec et J. Adhémar, 1957, p. 54, 97-98, fig. 55 ; J. Thuillier et A. Châtelet, 1964, p. 224, repr. p. 222 ; A Brookner, 1972, p. 60, 62, 100-101, 105, pl. 27 ; S. Preston, 1977, p. 137 ; S. Laveissière, 1980, p. 249 ; E. M. Bukdahl, 1982, p. 351, n. 436 ; Y. Zéphirin, 1987, p. 25 ; A. Scottez dans cat. exp. Lille, 1985, p. 103, sous le n˚ 60 ; J. Thompson, 1990, p. 18, repr. p. 19 ; J. Baillio, 1993, p. 135 ; E. Munhall dans cat. exp. New York, Los Angeles, 2002, p. 22, 80, fig. 65 ; F. Barbier, S. Juratic et A. Mellerio, 2007, p. 103. Exp. : Paris, 1874, p. 42, n˚ 211 (identifié à tort comme le beau-frère de Greuze) ; Paris, 1934, p. 68, n˚ 174 ; Londres, 1968, p. 80, n˚ 306, fig. 243 ; Hartford, San Francisco, Dijon, 1976-1977, p. 11, 20, 72, n˚ 26 (E. Munhall) ; Paris, 1984, p. 220222, n˚ 58 (E. Munhall).
~ cat. 27 ~
Portrait d’Ange-Laurent de La Live de Jully (1725-1779)
Pastel
H. 46,5 ; L. 38,5 cm
Hist. : Ange-Laurent de La Live de Jully (1725-1779) et Marie-Louise-Josèphe de Nettine (1742-1808) ; leur fille, Louise-Justine de La Live (1764-1832) et Philippe, comte, puis marquis, de Montesquiou Fezensac (1753-1833) ; leur fils, Raymond-Aimery de Montesquiou-Fezensac (1784-1867) et HenrietteHortense-Mathilde Clarke de Feltre (v. 1790-1831) ; leur fille, Louise-Mathilde de Montesquiou-Fezensac (1811-1883) et Maurice Adolphe Charles, comte de Flavigny (1799-1873) ; leur fille, Oriane-Marie-Blanche de Flavigny (18351885) et Artus Charles César, vicomte de La Panouse (1820-1904) ; leur fils, général Artus Henri Louis, vicomte de La Panouse (1863-1945) et Louise Manuela Consuelo Sabine de Wendel (1875-1941) ; par descendance, collection particulière.
Bibl. : C. B. Bailey, 2001, p. 68, fig. 6 (attr. à Tocqué) ; C. B. Bailey, 2002, p. 61, fig. 50 (attr. à Tocqué) ; N. Jeffares, 2006, p. 214, et [en ligne], n˚ J.361.159, repr., (Greuze).
Exp. : Paris, 1934, p. 59, n˚ 137 (La Tour).
~ cat. 28 ~
Portrait présumé de Madame de Porcin couronnant son chien
Bibl. : É. Coatalem, 2007, s. p. ; É. Coatalem, 2015, p. 92-93.
~ cat. 29 ~
Portrait d’un jeune moine
Pinceau, encre noire et lavis noir sur traits de crayon graphite, sur papier vergé
H. 23 ; L. 18,3 cm, de forme ovale
Hist. : Carlo Lucido, sa marque sur le montage, en bas, à droite (L.3269) ; vente
Anvers, Bernaerts, 23 juin 2004 ; vente Paris, Christie’s, 16 décembre 2005, n˚ 279 (comme école italienne du XVIIIe siècle) ; collection Colin B. Bailey et Alan Wintermute, New York.
~ cat. 30 ~
Portrait de jeune homme à mi-corps
Pierre noire, sanguine et estompe, traits d’encadrement à la plume et encre brune, sur papier vergé
H. 35,9 ; L. 30,8 cm
Hist. : peut-être M. C. Pillet, Paris (si dessin exposé en 1879) ; Léon Decloux ; sa vente 14 février 1898, n˚ 75 (« Portrait d’homme. Vu jusqu’à la ceinture, la tête légèrement tournée vers la droite, les cheveux bouclés ; il porte une cravate blanche nouée sous le menton et un habit boutonné sur la poitrine, à large col rabattu. Beau dessin, au crayon noir et à l’estompe. (H., 0,35.-L. 0,30). Cadre en bois sculpté »), acquis par Paulme pour 1 555 fr. ; Georges Dormeuil, sa marque en bas à gauche (L.1146a) ; vente Londres, Sotheby’s, 3 juin 2013, n˚ 52 ; collection particulière.
Bibl. : si dessin exposé en 1879 : P. de Chennevières, 1879, p. 203 ; J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 74, n˚ 1194 ; L.-A. Prat, 2017, p. 449. Exp. : peut-être Paris, 1879, n˚ 572 (« Portrait de M. Legrand, ancien marchand de tableaux, vu à mi-corps, presque de face, vers la droite. Redingote boutonnée, avec grande pèlerme ; haute cravate blanche ; cheveux longs et bouclés. Aux deux crayons, lavé d’encre de Chine. H 0.365, L. 0.290. Appartenait à M. C. »).
~ cat. 31 ~
Jeune fille en buste de trois quarts, la tête penchée sur l’épaule, vêtue d’un châle noir
Jeune fille à mi-corps, les cheveux retenus par un léger bandeau
Huile sur toile
H. 46 ; L. 36,8 cm
Hist. : James-Alexandre, comte de Pourtalès-Gorgier (1776-1865), Paris ; sa vente Paris, 27 mars-4 avril 1865, n˚ 265 (« Tête de jeune fille, les cheveux retenus par un léger bandeau ; elle est vêtue d’une robe de couleur violette qu’entoure une ceinture blanche. Elle est appuyée sur le dossier d’une chaise »), acquis 5 200 fr. par le comte Edmond de Pourtalès (1828-1895) 4 ; Edmond de Pourtalès ; PierreLouis Dreyfus, Paris, v. 1930 ; puis par descendance et vendu anonymement, vente New York, Sotheby’s, 25 mai 2000, n˚ 89 ; collection particulière ; vente New York, Sotheby’s, 6 juin 2013, n˚ 66 ; collection particulière.
Bibl. : J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 41, n˚ 598.
4- AP, D.48E 3 56, Me Pillet, commissaire-priseur, procès-verbal de la vente de James-Alexandre comte de Pourtalès-Gorgier, Paris, 27 mars-4 avril 1865.
~ cat. 33 ~
Jeune garçon vu à mi-corps de trois quarts vers la gauche
Huile sur toile
H. 60 ; L. 49,5 cm, de forme ovale
Hist. : vente anonyme, palais d’Orsay, Paris, Mes A. et R. Ader, Picard & Tajan, 18 mars 1980, n˚ 24 ; collection particulière, Paris ; vente « Collection privée parisienne », Paris, Sotheby’s, 16 décembre 2004, n˚ 60, repr. ; vente Paris, Christie’s, 25 juin 2019, n˚ 40 ; collection particulière, France ; vente Christie’s, 16 juin 2023, n˚ 161 ; galerie Éric Coatalem.
~ cat. 34 ~ Le Petit paysan
Huile sur bois
H. 40,6 ; L. 32,1 cm
Inscription au revers du panneau : « Galerie / de / San Donato » ; porte un sceau de cire rouge avec les armoiries Demidoff ; le verso du panneau est également estampillé deux fois : « Malaine Pre. Rue / et Faubourg Martin / N. o 19 à Paris ».
Hist. : peint pour Nicolas Demidoff (1773-1828) selon le catalogue de la vente de Paul Demidoff (voir infra) ; par descendance à son fils, Anatole N. Demidoff (1812-1870), prince de San Donato, Villa San Donato, Florence ; sa vente Paris, 26 février 1870, n˚ 119, repr. par la gravure d’Edmond Hédouin, acquis 16 000 fr. par Paul Demidoff 5 ; Paul Demidoff, prince de San Donato (1839-1925), sa vente, Florence, Villa San Donato, 15 mars 1880, n˚ 1473, repr., acquis par M. Vanderbilt selon The Art Amateur, vraisemblablement Cornelius Vanderbilt II (1843-1899) ; par descendance à sa fille, la comtesse Gladys Moore Vanderbilt Széchenyi (1886-1965) ; offert à sa fille Sylvia Széchenyi (1918-1998), Noël 1943 ; vente New York, Sotheby’s, 29 janvier 2015, n˚ 81 ; collection particulière.
Bibl. : « Prince Demidoff and the San Donato Sale », The Art Amateur, 1880, p. 99 ; C. Normand, 1892, repr. p. 3 (gravure de Hédouin) et p. 27 (peinture) ; J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 61, n˚ 968 (« Le Petit Paysan ») et p. 62, n˚ 987 (« Jeune Paysan Hollandais »).
5- AP, D.48E 3 56, Me Pillet, commissaire-priseur, procès-verbal de la vente d’Anatole N. Demidoff, Paris, 26 février 1870.
~ cat. 35 ~
Portrait de Marie-Louis Thomas, marquis de Pange (1763-1796)
Pastel
H. 41,5 ; L. 33,5 cm
Au dos du montage, sur une étiquette ancienne : « Le Marquis de Pange / né en 1763 / colonel aux hussards de Bercheny en 1785 / Tué en Vendée en 1796 / [Greuze. 1770.] ».
Hist. : marquis de Pange ; par descendance ; collection particulière.
Bibl. : N. Jeffares, 2006, p. 214, et [en ligne], n˚ J.361.168, repr. ; É. de Pange, 2012, p. 15, repr.
Exp. : Paris, 1874, p. 113, n˚ 655 ; Marly, Cholet, 2003, p. 80, n˚ 33, repr. (L. Hugues).
~ cat. 36 ~
Portrait de Marie-François-Denis Thomas, chevalier de Pange (1764-1796)
Pastel
H. 41 ; L. 33 cm
Au dos du montage, sur une étiquette ancienne : « Le Chevalier de Pange / Né en 1764 / chevalier de Malte en 1768 / [Greuze 1770] ».
Hist. : marquis de Pange ; par descendance ; collection particulière.
Bibl. : P. de Broglie, 1925, p. 3 ; N. Jeffares, 2006, p. 214, et [en ligne], n˚ J.361.166, repr. ; É. de Pange, 2012, p. 15, repr.
Exp. : Paris, 1874, p. 113, n˚ 656 ; Marly, Cholet, 2003, p. 80, n˚ 34, repr. (L. Hugues).
~ cat. 37 ~
Portrait d’Alexandre Brongniart (1770-1847)
Sanguine sur papier vergé
H. 33 ; L. 26 cm
Hist. : la famille du modèle, puis par descendance ; vente Paris, Christie’s, 1er avril 2011, n˚ 82 ; collection particulière.
~ cat. 38 ~
Fillette de trois quarts, vue en buste
Sanguine sur papier vergé
H. 34 ; L. 25 cm
Au dos du montage moderne, deux étiquettes anciennes d’encadreurs : l’une « Le Brun Doreur » annotée « 7751 », et l’autre « E. Grosvallet ».
Étude d’un enfant en buste, regardant vers la gauche, les yeux levés
Sanguine sur papier vergé
H. 34,7 ; L. 30,3 cm
Inscription en bas à droite au crayon graphite : « donné par la fille de Greuze ».
Hist. : Anne-Geneviève, dite Caroline Greuze (1762-1842), selon l’inscription en bas à droite de la feuille ; Françoise Salignac de Fénelon, par descendance à sa fille ; Gilberta Ritter von Zahony, par descendance à sa fille ; Giovanna Serlupi Crescenzi ; collection particulière, Angleterre ; W. M. Brady & Co ; collection particulière.
~ cat. 40 ~
Tête de jeune enfant, de trois quarts à droite
Sanguine sur papier vergé
H. 36,9 ; L. 31,1 cm
Au dos du montage ancien : « J.B. Greuze ».
Hist. : Jules Porgès, Paris (tradition orale) ; comtesse Robert de Fitz-James, Paris (tradition orale) ; vers 1950, collection Eric & Irene Stiebel, New York ; collection Ilse Nelson, New York ; galerie Éric Coatalem, 2011 ; collection particulière.
Bibl. : É. Coatalem, 2011, s. p.
Exp. : Paris, 2015, p. 90.
Gravé dans le même sens par Charles-François Letellier (1743-1800), IIIe Cahier de têtes de différents caractères (1er numéro de la suite).
Signés et datés en bas à droite : « J. B. Greuze / 1766 »
H. 41 ; L. 33 cm
Hist. : achetés à l’artiste le 14 juin 1766 pour 40 liv. par Jean-Georges Wille (1715-1808) pour le comte Joachim Godske Moltke (1746-1818) ; comte Adam Wilhelm Moltke (1785-1864), Copenhague ; comte Frederik Georg Julius Moltke (1825-1875), Copenhague ; comte Frederik Christian Moltke (18541936), Copenhague ; sa vente, Copenhague, Winkel & Magnussen, 1er et 2 juin 1931, nos 44 et 45, repr. p. XI, XII ; Frank T. Sabin, Londres, 1934 ; Arthur Tooth and Sons, Londres, 1945, inv. nos 1191 et 1192 ; achetés en 1946 par Robert Watson comme cadeau de mariage pour sa femme Enid ; offert par Enid à son fils Ian Cameron pour son quarantième anniversaire en 1972 ; M. et Mme Ian Cameron, Berkshire ; vente Newbury, Berkshire, Dreweatt-Neate, 1er février 2006, n˚ 156 ; Galerie Richard Green, Londres (2006) ; collection particulière.
Bibl. : J.-G. Wille, 1857, t. II, p. 322 (14 juin 1766) ; R. H. Weinwich, 1818, nos 113 et 137 ; Catalogue des tableaux de la collection du comte de Moltke, 1885, p. 64, nos 121 et 122 ; J. Martin et Ch. Masson, 1908, n˚ 840 (pour les deux portraits) ; M. Krohn, 1922, t. II, p. 195, pl. 16 et 17 ; T. Borenius, 1935, p. 141 ; C. Fischer dans cat. exp. Copenhague, 2000, p. 14-15 ; E. Munhall, 2006 ; S. Lemeux-Fraitot, 2008, p. 73-74, fig. 5 et 6 ; E. Barker, 2009, p. 428, fig. 3 et 4 ; F. Gétreau, 2011, p. 162-163, sous le n˚ 36.
~ cat. 43 ~
Tête de femme inclinée de trois quarts vers la droite
Sanguine sur papier vergé
H. 38 ; L. 28 cm
Inscription en bas à gauche à la plume et encre noire : « 8-n˚ 62 ».
Hist. : Ivan Ivanovitch Betskoy (1704-1795), acheté à l’artiste en 1769 ; Académie impériale des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg (L. 2699a) ; transféré au musée de l’Ermitage en 1924 ; vente Leipzig, C. G. Boerner, 29 avril 1931, n˚ 107 ; vente New York, Sotheby’s, 13 janvier 1993, n˚ 77, repr. ; collection Nina Griscom ; sa vente New York, Christie’s [en ligne], 14-28 janvier 2021, n˚ 30 ; collection particulière.
Bibl. : F. Monod et L. Hautecœur, 1922, p. 36, n˚ 109.
~ cat. 44 ~
Une Femme assise sur une chaise
Sanguine sur papier vergé
H. 37,5 ; L. 30 cm
Inscription en bas à gauche à la plume et encre noire : « 9-56 ».
Hist. : Ivan Ivanovitch Betskoy (1704-1795), acheté à l’artiste en 1769 ; Académie des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg (L. 2699a) ; transféré au musée de l’Ermitage en 1924 ; vente C. G. Boerner, Leipzig, 4 mai 1932, n˚ 47 ; collection René Fribourg (dès 1935) ; sa vente Londres, Sotheby’s, 16 octobre 1963, n˚ 546, repr. ; collection particulière, Rhénanie ; vente Cologne, Lempertz, 30 mai 2020, n˚ 2167 ; collection particulière.
Bibl. : F. Monod et L. Hautecœur, 1922, p. 30, n˚ 66.
Exp. : Copenhague, 1935, p. 118, n˚ 392 ; Paris, 1937, p. 257-258, n˚ 548.
~ cat. 45 ~
Jeune garçon endormi
Huile sur toile
H. 46 ; L. 38,1 cm
Hist. : vraisemblablement Pierre-Étienne Lesueur (17..-1802) ; sa vente, Paris, 22 novembre 1791 et jours suivants, n˚ 33 : « Un buste de jeune garçon de grandeur naturelle ; il est appuyé contre une table, & endormi. Ce tableau, d’une touche facile & savante, offre une des belles études de cet habile artiste.
Haut. 20 p. larg. 14. T. », acquis 110 liv. par Antoine de Sauzay (1745-1821) ; collection particulière suisse ; vente Zurich, Koller, 18 septembre 2015, n˚ 3070 ; vente New York, Sotheby’s, 26 janvier 2017, n˚ 216 ; galerie Éric Coatalem ; collection particulière.
~ cat. 46 ~
Figure de jeune fille, à mi-corps, « Le Baiser envoyé »
Sanguine sur papier vergé
H. 41,8 ; L. 31,8 cm
Signé en bas à droite à la sanguine : « Greuze ».
Inscription en bas à gauche à la plume et encre brune : « 8-n˚ 56 ».
Hist. : Ivan Ivanovitch Betskoy (1704-1795), acheté à l’artiste en 1769 ; Académie impériale des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg (L. 2699a) ; transféré au musée de l’Ermitage en 1924 ; vente C. G. Boerner, Leipzig, 29 avril 1931, n˚ 99, repr. pl. XL ; vente New York, Sotheby’s, 13 janvier 1989, n˚ 12 ; vente New York, Christie’s, 9 janvier 1991, n˚ 60 ; vente Londres, Christie’s, 6 juillet 1999, n˚ 185 ; vente New York, Sotheby’s, 25 janvier 2023, n˚ 38 ; collection particulière.
Bibl. : F. Monod et L. Hautecœur, 1922, p. 36, n˚ 113, pl. XLV ; E. Munhall dans cat. exp. New York, Los Angeles, 2002, p. 154, sous le ˚ 50, fig. 124.
Bibl. : La Gazette Drouot, 9 décembre 2022, p. 181 (P. Dufour).
~ cat. 48 ~
La Petite boudeuse
Sanguine sur papier vergé
H. 28,6 ; L. 21 cm
Hist. : peut-être vente N. A. [Durand], Paris, Hôtel Drouot, 17 avril 1825, probablement n˚ 132 6 ; galerie de Bayser Paris ; collection Jean Bonna ; vente Paris, Christie’s, 27 mars 2019, n˚ 97 ; collection particulière.
Bibl. : J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 43, sous le n˚ 632 ; J.-L. Baroni, 2003, sous le n˚ 35 ; E. Bell dans cat. exp. New York, 2011, p. 52, sous le n˚ 19, repr. ; M. Delon (dir.), 2012, p. 161 ; N. Strasser, 2016, p. 168, n˚ 72 ; Marty de Cambiaire, 2017, sous le n˚ 44 ; A. Bordes, 2019, p. 52, sous le n˚ 10 (notice d’A. Zvereva).
Exp. : Paris, Genève, 2006-2007, p. 216-219, n˚ 50 (M.-A. Dupuy-Vachey) ; New York, Édimbourg, 2009, p. 180-183, n˚ 81 (M.-A. Dupuy-Vachey).
Gravé dans le même sens en manière de sanguine par Louis-Marin Bonnet (1736-1793) sous le titre de La Petite boudeuse
6- M.-A. Dupuy-Vachey cite cette provenance car J. Marin et Ch. Masson (1908) mettent en relation ce dessin avec la gravure de Bonnet, voir cat. exp. Paris, Genève, 2006-2007, p. 216, n˚ 50.
~ cat. 49 ~
Tête de jeune savoyarde, tournée vers la droite
Sanguine sur papier vergé
H. 39,3 ; L. 27 cm
Signé en bas à gauche à la plume et encre brune : « Greuze » ; inscription en bas à droite au crayon : « Greuze » ; en haut à droite à la plume et encre brune : « 12 ».
Hist. : vente, Londres, Sotheby’s, 9 juillet 2008, n˚ 120 ; galerie Paul Prouté, 2009 ; collection particulière.
Bibl. : galerie Paul Prouté, Catalogue Barocci, 2009, p. 26, n˚ 14.
~ cat. 50 ~ L’Effroi
Huile sur toile
H. 60 ; L. 51 cm
Hist. : acheté par Asbjörn Lunde à New York dans les années 1980 ; galerie Éric Coatalem, 2020 ; collection particulière.
Exp. : Juillet 2014 à juillet 2015, Clark Art Institute, Williamstown, États-Unis.
~ cat. 51 ~
Deux enfants effrayés se réconfortant
Plume, encre brune, encre noire, lavis brun et gris sur traits de crayon noir, sur papier vergé
H. 13,1 ; L. 11,7 cm
Hist. : vente Londres, Sotheby’s, 3 juillet 1995, n˚ 154 ; vente Londres, Sotheby’s, 2 juillet 1997, n˚ 227 ; vente Londres, Sotheby’s 26 janvier 2011, n˚ 640 ; Paris, galerie Didier Aaron, 2012 ; vente Paris, Christie’s, 27 mai 2020, n˚ 60 ; collection Daniel Thierry.
Rêverie
Huile sur toile
H. 61,5 ; L. 52 cm
Hist. : collection de la duchesse de Penthièvre ; collection de la famille de Montebello ; collection Philipp (provenances citées dans le catalogue de la vente du comte Daupias) ; collection du comte Daupias, Lisbonne ; sa vente Paris, galerie Georges Petit (Me Chevallier), 17 mai 1892, n˚ 23, repr., acquis par Lacroix pour 34 000 fr. 7 ; collection Louis Renault ; collection Ribes ; chez Maurice Segoura ; collection de Monsieur D. ; sa vente Paris, Hôtel Drouot (Mes Oger-Blanchet), 20 octobre 2023, n˚ 12 ; collection particulière.
Bibl. : J. Martin et Ch. Masson, Paris, 1908, p. 46, n˚ 690 ; La Gazette Drouot (C. Blumenfeld), vendredi 6 octobre 2023, n˚ 35, p. 28-29.
7- AP, D48E 3 78, Me Chevalier, commissaire-priseur, procès-verbal de la vente du comte Daupias, Paris, 16-17 mai 1892.
~ cat. 53 ~
Jeune fille pensive
Huile sur toile
H. 47 ; L. 39 cm
Sur le châssis, étiquette de l’exposition de 1956.
Hist. : vraisemblablement vente Paris, 13 mai 1926, n˚ 56 (selon le cat. de vente de 1997) ; Madame B. (provenant des anciennes collections Gustave et Robert de Rothschild) ; sa vente de succession, Paris, Hôtel Drouot (Me Piasa), 13 juin 1997, n˚ 73 (attribué à) ; collection particulière.
Exp. : Paris, 1956, p. 18, n˚ 47 (selon le cat. de vente de 1997).
J. Martin et Ch. Masson (1908, p. 52, n˚ 779) signalent un tableau au sujet identique dans la collection de James de Rothschild mais avec des dimensions légèrement plus petites (H. 40 ; L. 37).
Bibl. : E. Munhall dans cat. exp. New York, Los Angeles 2002, p. 145, fig. 114 ; M. Delon (dir.), 2012, p. 161 ; L.-A. Prat, 2017, p. 441.
Exp. : Londres, 2001, p. 146-149, n˚ 18 (E. Munhall) ; Paris, 2020-2021, p. 112-113, n˚ 44 (Y. Jackall).
~ cat. 55 ~
La Volupté
Sanguine sur papier vergé
H. 43 ; L. 33 cm
Hist. : Matthiesen Gallery, Londres, 1950 ; galerie Cailleux, Paris, 1951 ; vente New York, Sotheby’s, 8 janvier 1991, n˚ 7 ; collection particulière.
Bibl. : E. Munhall dans cat. exp. Londres, 2001, p. 149, fig. 84 ; M. Szanto dans cat. exp. Paris, 2026-2017, p. 110, sous le n˚ 31 ; L.-A. Prat, 2017, p. 441, fig. 899.
Exp. : Londres, 1950, p. 13, n˚ 37, pl. VII ; Paris, 1951, s.p., n˚ 65 ; New York, Los Angeles, 2002, p. 145-147, n˚ 47 (E. Munhall) ; Paris, 2020-2021, p. 112-113, n˚ 45 (Y. Jackall).
Gravé par Charles-François Letellier (1743-1800) pour son IVe Cahier de têtes de différents caractères (6 e numéro d’une suite de 6 pièces).
~ cat. 56 ~ La Jeune veuve
Huile sur toile
H. 46 ; L. 37 cm
Hist. : marquis de Dufferin et Ava ; vraisemblablement Clara Bischoffsheim, baronne de Hirsch de Gereuth (1833-1899) ; Léopold Goldschmidt (1830-1904) ; par descendance à sa fille Claire Julie Eugénie Goldschmidt (1866-1930), épouse du comte André Pastré (1884-1926) ; par descendance à leur fille Diane Pastré (1888-1971), épouse de Charles de Vogüé (1882-1914) ; succession comtesse Charles de Vogüé, Paris, 14 mars 1972, n˚ 181 (avec les provenances antérieures) ; collection particulière.
Bibl. : J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 47, n˚ 704 ; E. Pilon, 1912, p. 75 ; L. Vaillat, 1912, p. 87, n. 33.
Exp. : Paris, 1897, p. 31, n˚ 78 ; Paris, 1909, p. 21, n˚ 66, repr.
~ cat. 57 ~
Jeune fille au chien dit Le Souvenir
Huile sur toile
H. 55,5 ; L 46,5 cm
Hist. : collection du peintre Antoine Vestier (1740-1824) ? ; puis par descendance ; galerie Éric Coatalem ; collection Farida et Henri Seydoux, Paris.
Bibl. : J. Ingamells, 1989, p. 183, sous le n˚ P398.
~ cat. 58 ~
Sainte Marie l’Égyptienne
Sanguine, pierre noire et estompe sur papier vergé
H. 43,2 ; L. 35 cm
Signé en bas à gauche à la sanguine : « J.B. Greuze ».
Hist. : peut-être Jules Burat ; sa vente, Paris, 28-29 avril 1885, n˚ 80 (« La Madeleine. En buste, une abondante chevelure blonde couvre ses épaules, la tête penchée appuyée sur la main gauche. Très beau dessin, à l’estompe, sanguine et crayon noir. Haut., 40 cent. ; larg., 36 cent. »), acquis 480 fr. par Louis Burat ; vente Le Cannet, Var Enchères - Arnaud Yvos SVV, 26 octobre 2013, n˚ 210 ; galerie Éric Coatalem, 2014 ; collection particulière.
Bibl. : peut-être J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 93, n˚ 1630 ; É. Coatalem, 2014, s. p. ; É. Coatalem, 2015, p. 96-97 ; B. Peronnet, 2024, p. 43, n. 3 sous le n˚ 15.
~ cat. 59 ~
Tête de jeune fille, vue de trois quarts, penchée en avant, et vers la droite, le corsage lâche, les cheveux s’échappant en boucles d’un ruban
Sanguine, craie noire, estompe et rehauts de craie blanche, sur un papier vergé préparé avec un léger lavis brun
H. 27,2 ; L. 22,4 cm
Inscription en bas à gauche à la plume et encre brune : « 8-n˚ 113 ».
Hist. : Ivan Ivanovitch Betskoy (1704-1795), acheté à l’artiste en 1769 ; Académie impériale des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg (L. 2699a) ; transféré au musée de l’Ermitage en 1924 ; vente Leipzig, C. G. Boerner, 29 avril 1931, n˚ 109 ; collection particulière ; Christopher Bishop Fine Art, New York.
Bibl. : F. Monod et L. Hautecœur, 1922, p. 42, n˚ 156.
Bibliographie et sources
SOURCES
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AP, D.48E 3 61, Me Pillet, commissaire-priseur, procès-verbal de la vente d’Anatole N. Demidoff, Paris, 26 février 1870.
AP, D48E 3 66, Me Pillet, commissaire-priseur, procès-verbal de la vente Marcille, Paris, 6-9 mars 1876.
AP, D48E 3 78, Me Chevalier, commissaire-priseur, procès-verbal de la vente du comte Daupias, Paris, 16-17 mai 1892.
SOURCES IMPRIMÉES ET PUBLIÉES
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Anonyme, « Arts. », Journal de politique et de littérature, n˚ 27, t. III, 25 septembre 1775, p. 229-230.
Anonyme, « Exposition des peintures, sculptures et gravures », L’Année littéraire, t. V, 1759, lettre 10, p. 217-231.
Anonyme, « Arts. Gravure », L’Avant-coureur, n˚ 22, 1 juin 1767, p. 337-338.
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Copenhague, 1935
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Düsseldorf, 1964
150 Meisterzeichnungen des 16.bis 19 Jahrhunderts, Düsseldorf, C. G. Boerner, 1-15 décembre 1964.
Gunna, Chiba, Wakayama, Kure 2002
Les Chefs-d’œuvre des musées d’Angers, Gunna, musée d’art moderne, 20 avril2 juin, Chiba, musée municipal d’art, 8 juin-14 juillet 2002, Wakayama, musée d’art moderne, 21 juillet-8 septembre 2002, Kure, musée municipal d’art, 13 septembre-20 octobre 2002, Takamatsu, musée municipal des Beaux-Arts, 1er novembre- 8 décembre 2002, cat. exp. sous la dir. de Le Nouëne Patrick.
Hambourg, 1965
Zeichnungen alter Meister aus deutschem Privatbesitz, Hambourg, Kunsthalle, octobre-novembre 1965, cat. exp. de Wolf Stubbe, Rolf Kultzen et Hanna Hohl.
Hambourg, Paris, 2016-2017
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Paris, 2017
Tradition & Transitions. Eighteenth-Century French Art from The Horvitz Collection, Paris, Petit Palais, 21 mars - 9 juin 2017, cat. exp. sous la dir. d’Alvin L. Clark.
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Fragonard & his friends: changing ideals in eighteenth century art, St. Petersburg (Floride), Museum of Fine Art, 20 novembre 1982-6 février 1983, cat. exp. de Marion Lou Grayson.
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Le Trait et l’Ombre. Dessins français du musée des Beaux-Arts d’Orléans, Sceaux, musée du Domaine départemental de Sceaux, 6 mai-17 août 2022, acte I, de Poussin à David, cat. exp. sous la dir. de Céline Barbin, Dominique Brême, Mehdi Korchane et Olivia Voisin.
Tournus, 2005
Greuze et l’affaire du Septime Sévère, Tournus, Hôtel-Dieu, musée Greuze, 25 juin - 18 septembre 2005, cat. exp. de Clémence Poivet, Annick Lemoine, Mickaël Szanto et Marie-Anne Dupuy-Vachey.
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ill. 1 - Jean-Baptiste Greuze, La Mère bien-aimée, huile sur toile, H. 99 ; L. 131 cm, collection privée.
Portraits de la famille Laborde
Au Salon de 1769, alors que Greuze présente son Caracalla1 qui ne rencontre pas le succès escompté, un tableau se fait remarquer par son absence. « Le livret annonce La Mère bien-aimée caressée par ses enfants, mais ce morceau dont j’ai entendu dire monts et merveilles n’a point été exposé2 » écrit Diderot. En effet, il semble que son propriétaire, le marquis Jean-Joseph de Laborde (1724-1794), n’ait pas souhaité se dessaisir de son tableau le temps de l’exposition, ce qui fut largement critiqué par les contemporains3 . Fermier général et banquier de la Cour, le marquis de Laborde est l’un des hommes les plus riches de France. Il épouse en 1760 Rosalie de Nettine (1737-1820) avec qui il aura six enfants. Dans La Mère bien-aimée4 [ill. 1], Greuze le représente au retour de chasse, découvrant avec plaisir sa femme et sa belle-mère entourées d’une multitude d’enfants, dans une atmosphère intimiste où tout concourt au bonheur familial. Cette « fiction rustique5 » correspondait au goût des contemporains qui y trouvaient une sincérité bien différente des pastorales de François Boucher (1703-1770).
Edgar Munhall 6 a retracé la genèse de cette imposante toile dont l’origine remonte à quelques années auparavant. En 1765, le dessinateur expose en effet au Salon (n˚ 123) une esquisse d’une composition analogue non retrouvée à ce jour, mais préparée par un ensemble de dessins, dont une esquisse pour le groupe autour de la mère ainsi que plusieurs études de figures à la sanguine7
Malgré des circonstances qui demeurent floues, il semble qu’entre 1765 et 1769, le marquis de Laborde ait commandé à Greuze l’exécution du tableau suivant l’esquisse de 1765, mais en lui demandant de transformer la scène en un portrait de famille ainsi que l’écrit Grimm (1723-1807) :
M. de La Borde voulait que Greuze fît son portrait et celui de sa femme à la place des deux principales figures de ce tableau ; l’artiste fit semblant de se prêter à cette fantaisie, mais il n’eut garde de gâter ses deux figures en leur ôtant leur poésie8 .
Malgré les réticences de Greuze – dues selon Grimm aux malheurs de son propre ménage 9 –, le dessinateur va transformer la scène en un portrait de famille, en donnant à son personnage les traits du marquis de Laborde. Pour adapter sa composition, Greuze étudie le visage du marquis dans une séduisante et puissante sanguine qui le montre le visage de trois quarts, une cravate de mousseline nouée autour du cou [cat. 1] Le regard vif, la bouche entrouverte, il esquisse un léger sourire. Jean-Joseph de Laborde est bien reconnaissable avec son large front et sa physionomie chaleureuse. Il est légèrement plus âgé que dans son portrait peint au pastel en 1763 par Alexandre Roslin (1718-1793) qui le représente de trois quarts sur un fond sobre10
1- Huile sur toile, H. 124 ; L. 106 cm, Paris, musée du Louvre, inv. 5031. Sur la genèse et la réception du tableau, voir cat. exp. Tournus, 2005.
2- D. Diderot, Salon de 1769, éd. J. Seznec, 1967, p. 107.
3- « Ce tableau est le seul que Greuze ait fait dans l’intervalle des deux Salons ; mais il a été fait pour Sultan de La Borde qui n’a pas voulu qu’il fût souillé par les regards profanes du public » (D. Diderot, éd. E. Marie Bukdahl, M. Delon, D. Kahn, A. Lorenceau, 1995, note de Grimm, p. 116) commente Grimm, tandis que Desboulmiers écrit que c’est « avec beaucoup de chagrin que ce même public [du Salon] s’est vu privé du tableau de La Mère bien-aimée » avant d’ajouter qu’« Après le bonheur de posséder les chefs-d’œuvre des artistes illustres, il semble que la plus grande jouissance des riches amateurs, doit être celle de les partager avec la nation, que ces artistes honorent » (Desboulmiers, 1769, p. 203).
4- Huile sur toile, H. 99 ; L. 131 cm, collection privée. La bibliographie sur La Mère-bien aimée est très abondante, voir notamment E. Munhall dans cat. exp. New York, Los Angeles, 2002, p. 134-141 et 200-203, R. Rand, 1997, M. Ledbury, 2000, p. 164, E. Barker, 2005, p. 111-112, E. Lajer-Brucharth, 2007 et G. Tocchini, 2016, p. 39-68.
5- P. Bordes, 2007, p. 264.
6- E. Munhall dans cat. exp. New York, Los Angeles, 2002, p. 200-203, n˚ 70.
7- Ibid., p. 134-141, nos 42-45.
8- D. Diderot, éd. E. Marie Bukdahl, M. Delon, D. Kahn, A. Lorenceau, 1995, note de Grimm, p. 116.
9- « Il n’a manqué à Greuze que la paix et l’âme du ménage pour faire de ce tableau un de ses chefs-d’œuvre », D. Diderot, éd. E. Marie Bukdahl, M. Delon, D. Kahn, A. Lorenceau, 1995, note de Grimm, p. 116, voir P. Bordes, 2007, p. 264.
10- Pastel, H. 57 ; L. 47 cm, collection particulière, voir G. W. Lundberg, 1957, t. I, p. 76-77, repr. p. 77, t. III, p. 37, n˚ 179, et N. Jeffares, [en ligne], n˚ J. 629.146.
Le portrait de Roslin est gravé par Ange Laurent de La Live de Jully (1725-1779), le beau-frère de Laborde. Le buste, inséré dans un médaillon orné de feuillage et de fleurs, repose sur un support architecturé soutenant une tablette où sont inscrits des vers mettant en avant la vertu du marquis :
« Vray Citoyen, vertueux Pere, Sensible Epoux fidel amy ; Son plus grand bonheur sur la terre Est de faire celuy d’autruy » [ill. 2]
Dans la remarquable sanguine de Greuze, le souci naturaliste de l’artiste est tout entier à l’œuvre. En alternant des zones de réserve et des zones subtilement estompées, le dessinateur confère modelé et luminosité à son étude qu’il accentue avec des traits d’une sanguine plus largement appuyée, notamment dans la chevelure. Cette feuille sera suivie, semble-t-il, d’une étude pour la figure entière11 [ill. 3] reprenant – la tête adaptée cependant – un dessin à la sanguine qu’il avait exécuté vers 176512 [ill. 4]. Emma Barker a montré que si Greuze
ill. 2 - Ange Laurent de La Live de Jully d’après Alexandre Roslin, Portrait de Jean-Joseph de Laborde, eau-forte, H. 33,2 ; L. 21,8 cm, Paris, Bibliothèque nationale de France, départements des Estampes et de la photographie, inv. N-2 (LABORDE, Jean Joseph).
avait donné au mari les traits du marquis de Laborde, il ne s’agissait pas proprement d’un portrait de famille, mais plutôt d’une image qui incarne un nouvel idéal marqué par une vision régénérée de la société dans laquelle la vertu publique du citoyen est garantie par sa vie privée13
C’est sans doute sous l’influence du duc Étienne François de Choiseul (1719-1785) et plus encore de celle de son beau-frère La Live de Jully, que le marquis de Laborde se constitue une collection14. C’est principalement dans son hôtel parisien de la rue d’Artois (rue Cerutti pendant la Révolution, aujourd’hui rue Lafitte) et son château de la Ferté-Vidame, puis à Méréville que Laborde expose ses tableaux et objets d’art. En 1784, Hubert Robert (1733-1808) est chargé de l’aménagement du parc de Méréville et de la décoration intérieure du château. Il y peint notamment quatre vues d’architecture pour le petit salon, aujourd’hui conservées au musée de Chicago15 , ainsi que La Grande cascade 16 [ill. 5] et Le Grand rocher 17 [ill. 6] pour la salle de billard. Ces toiles formaient un remarquable ensemble qui exploitait l’esthétique du
ill. 3 - Jean-Baptiste Greuze, Étude d’homme debout les bras écartés tenant de la main droite un fusil , sanguine, pierre noire et estompe, H. 48,5 ; L. 31,3 cm, collection particulière.
ill. 4 - Jean-Baptiste Greuze, Étude d’homme debout les bras écartés tenant de la main droite un fusil , sanguine sur papier vergé, H. 48,5 ; L. 32,3 cm, SaintPétersbourg, musée de l’Ermitage, inv. P-14764.
11- Sanguine, pierre noire et estompe, voir J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 14, sous le n˚ 169, repr. dans F. d’Ormesson et J.-P. Thomas, 2002, cahier d’images non paginé.
12- Sanguine sur papier vergé, H. 48,5 ; L. 32,3 cm, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, inv. OP-14764.
13- E. Barker, 2005, p. 111.
14- Sur la collection de Jean-Joseph de Laborde, voir F. Boyer, 1961.
15- Sur les tableaux de Chicago, voir Y. Jackall dans cat. exp. Paris, Washington, 2016, p. 95-103.
16- La Grande cascade , huile sur toile, H. 205 cm ; L. 220 cm, Paris, galerie Éric Coatalem. Sur ces deux œuvres voir S. Catala, 2022.
17- Le Grand rocher, huile sur toile, H. 205 cm ; L. 230 cm, Paris, galerie Éric Coatalem.
~ cat. 1 ~
Sanguine sur papier vergé H. 42,3 ; L. 31 cm
Portrait de Jean-Joseph de Laborde (1724-1794)
~ cat. 2 ~
Portrait de François-Louis-Joseph de Laborde, marquis de Méréville (1761-1802)
Pastel sur papier
H. 41,5 ; L. 33,5 cm
cat. 3 ~
Portrait de Pauline-Louise-Josèphe de Laborde, future comtesse des Cars (1767-1792)
Huile sur toile
H. 59,6 ; L. 50 cm, de forme ovale
ill. 5 - Hubert Robert, La Grande cascade, huile sur toile, H. 205 cm ; L. 220 cm, Paris, galerie Éric Coatalem.
ill. 6 - Hubert Robert, Le Grand rocher, huile sur toile, H. 205 cm ; L. 230 cm, Paris, galerie Éric Coatalem.
Liste des œuvres
~ cat. 1 ~
Portrait de Jean-Joseph de Laborde (1724-1794)
Sanguine sur papier vergé
H. 42,3 ; L. 31 cm
Inscription en bas à droite « Greuze »
Hist. : Martial François Marcille (1790-1856) ; sa vente Paris, 4 mars 1857, n˚ 120, acquis par Defer pour 16 fr. ; Pierre Defer (1798-1870) ; puis Henri Dumesnil (1823-1898), sa marque en bas, à gauche (L. 739) ; sa vente Defer-Dumesnil, 10-12 mai 1900, n˚ 152, acquis 1 200 fr. par Danlos ; collection du marquis de Laborde, par descendance ; collection particulière.
Bibl. : J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 73, n˚ 1182 ; E. Munhall dans cat. exp. New York, Los Angeles, 2002, p. 203, repr. fig. 172.
Exp. : Paris, 1879, p. 139, n˚ 568 ; vraisemblablement Paris, 1951, p. 6, n˚ 62.
~ cat. 2 ~
Portrait de François-Louis-Joseph de Laborde, marquis de Méréville (1761-1802)
Pastel sur papier
H. 41,5 ; L. 33,5 cm
Hist. : collection du marquis de Laborde, par descendance ; collection particulière.
Bibl. : F. d’Ormesson et J.-P. Thomas, 2002, p. 139 ; N. Jeffares [en ligne], n˚ J.361.154.
Exp. : Paris, 1944, n˚ 2 ; Paris, 1949, n˚ 262.
~ cat. 3 ~
Portrait de Pauline-Louise-Josèphe de Laborde, future comtesse des Cars (1767-1792)
Huile sur toile H. 59,6 ; L. 50 cm, de forme ovale
Hist. : vente Delessert, 1874 (selon J. Martin et Ch. Masson, voir infra) ; collection du marquis de Laborde, par descendance ; collection particulière.
Bibl. : J. Martin et Ch. Masson, 1908, p. 73, n˚ 1180 ; F. d’Ormesson et J.-P. Thomas, 2002, p. 245, repr. (cahier d’images non paginé).
Exp. : Paris, 1874, p. 40, n˚ 203 ; Paris, 1878, p. 154, n˚ 725 ; Paris, 1897, p. 32, n˚ 85 ; Paris, 1950, s. p., n˚ 49.
Une note dans les archives d’Edgar Munhall (New York, Frick Collection) documente la provenance de ce portrait dans la première moitié du XIXe siècle sans que nous ayons pu vérifier ces informations : « encore dans la famille après 1805… a disparu jusqu’en 1840… tableau retrouvé à Châteaudun par mon père Léon de Laborde… il l’acquit pour 1 600 frs (Mémorial [de la famille Laborde], p. 84). »
Bibliographie et sources
OUVRAGES ET ARTICLES
Emma Barker, Greuze and the painting of sentiment, New York, Cambridge University Press, 2005.
Philippe Bordes, « Portraiture in the Mode of Genre: A Social interpretation », French Genre Painting in the Eighteenth Century, sous la dir. de Philip Conisbée, National Gallery of Art, Washington, New Haven, Londres, Yales Universitiy Press, 2007, p. 257-273.
Ferdinand Boyer, « Les collections et les ventes de Jean-Joseph de Laborde », Bulletin de la Société de l’Histoire de l’art Français, 1961, p. 137-152.
Sarah Catala, « La Grande cascade et Le Grand rocher », galerie Éric Coatalem, juin 2022.
Jean-François Des Cars, Mémoires du duc Des Cars, colonel du régiment de dragons-Artois, brigadier de cavalerie, premier maître d’hôtel du Roi, publiés par son neveu, le duc Des Cars ; avec une introduction et des notes par le comte Henri de L’Épinois, Paris, E. Plon, Nourrit et Cie, 1890, 2 vol.
Desboulmiers (dit), Jean-Auguste Jullien, « Exposition des peintures, sculptures & gravures de MM. de l’Académie royale, dans le salon du Louvre 1769 », Mercure de France, octobre 1769, t. I, p. 199-203.
Denis Diderot, Salons de 1769, 1771, 1775, 1781, éd. Jean Seznec, Oxford, Clarendon Press, 1967.
Denis Diderot, Salons IV. Héros et martyrs, textes établis et présentés par Else Marie Bukdahl, Michel Delon, Didier Kahn, Annette Lorenceau, Paris, Hermann, 1995.
Neil Jeffares, « Greuze, Jean-Baptiste », Dictionary of pastellists before 1800, en ligne : http://www.pastellists.com/Articles/Greuze.pdf.
Ewa Lajer-Brucharth, « Genre and Sex », French Genre Painting in the Eighteenth Century, sous la dir. de Philip Conisbée, National Gallery of Art, Washington, New Haven, Londres, Yales Universitiy Press, 2007, p. 2001-219.
Marc Ledbury, Sedaine, Greuze and the boundaries of genre, Oxford, Voltaire Foundation, 2000.
Gunnar W. Lundberg, Roslin: liv och verk: avec un résumé en français et le catalogue des œuvres, Malmö, Allhems förlag, 1957, 3 vol.
Jean Martin et Charles Masson, Œuvre de J.-B. Greuze : catalogue raisonné, suivi de la liste des gravures exécutées d’après ses ouvrages, Paris, G. Rapilly, 1908.
François d’Ormesson et Jean-Pierre Thomas, Jean-Joseph de Laborde, banquier du roi mécène des Lumières, Paris, Perrin, 2002.
Richard Rand, Love, « Domesticity, and the Evolution of Genre Painting in Eighteenth-Century France », Intimate Encounters. Love and Domesticity in Eighteenth-Century France, Princeton University Press, 1997, p. 3-21.
Gerardo Tocchini, Su Greuze e Rousseau. Politica delle élite, romanzo e committenza d’arte nella tarda età del Lumi, Pise, Scuola Normale Superiore, 2016.
EXPOSITIONS
New York, Los-Angeles, 2002
Greuze the draftsman, New-York, The Frick Collection, 14 mai - 4 août, Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, 10 septembre - 1er décembre 2002, cat. exp. d’Edgar Munhall.
Paris, 1869
Catalogue descriptif des dessins de maîtres anciens exposés à l’école des Beaux-Arts, Paris, École des Beaux-Arts, mai-juin 1879, cat. exp. de Charles Ephrussi et de Gustave Dreyfus.
Paris, 1874
Explication des ouvrages de peinture exposés au profit de la colonisation de l’Algérie par les Alsaciens-Lorrains, Paris, Palais Bourbon, 23 avril 1874.
Paris, 1878
Exposition universelle de 1878 à Paris. Notice historique et analytique des peintures, sculptures, tapisseries, miniatures, émaux, dessins, etc. exposés dans les galeries des portraits nationaux au Palais du Trocadéro, par M. Henry Jouin, Paris, 1879.
Paris, 1897
Catalogue de l’exposition des Portraits de Femmes et d’Enfants ouverte au profit de l’œuvre de l’École des Beaux-Arts le 30 avril 1897, Paris, 1897.
Paris, 1944
La vie familiale. Scènes et portraits, préface par Georges Lecomte, Paris, galerie Charpentier, 1944.
Paris, 1949
L’Enfance, avant-propos de Jean-Louis Vaudoyer, Paris, galerie Charpentier, 1949.
Paris, 1950
Cent portraits de femmes du XV e siècle à nos jours, préface de Henry de Montherlant, Paris, galerie Charpentier, 1950.
Paris, 1951
Le dessin français de Watteau à Prud’hon, Paris, galerie Cailleux, avril 1951, cat. exp. de Jean Cailleux, préface de Gérard Bauër.
Paris, Washington, 2016
Hubert Robert, 1733-1808 : un peintre visionnaire, Paris, musée du Louvre, 8 mars - 30 mai, Washington, National Gallery of Art, 26 juin - 2 octobre 2016, cat. exp. sous la dir. de Guillaume Faroult avec la collaboration de Catherine Voiriot.
Tournus, 2005
Greuze et l’affaire du Septime Sévère, Tournus, Hôtel-Dieu, musée Greuze, 25 juin - 18 septembre 2005, cat. exp. de Clémence Poivet, Annick Lemoine, Mickaël Szanto et Marie-Anne Dupuy-Vachey.