La prĂŠservation du patrimoine architecturale:
Enjeux et ressources Coline Colliat
ensag 12.06.17
SOMMAIRE
INTRODUCTION PARTIE I : L’architecture, patrimoine historique A) L’architecture comme trace significative de notre passé. B) La réhabilitation/ rénovation comme moyen de faire subsister les monuments historiques. PARTIE II : Les enjeux urbains, sociaux et environnementaux liés à la transformation de monuments historiques. A) Redynamisation de zones délaissées. B) Lutte contre l’étalement urbain et par prolongation directe : enjeux écologiques. CONCLUSION
Introduction Baroudeuse et rêveuse. Voilà comment je me définis. Cela découle sans doute des nombreux voyages que j’ai pu faire. J’ai eu la chance de « voir » le monde : ses différentes cultures, ses traditions ainsi que ses diverses formes architecturales. Les anecdotes et légendes qui accompagnent les édifices que nous visitons nous permettent de nous plonger dans l’histoire. Elles nous font vivre les souvenirs de périodes révolues. L’architecture est selon moi un réel témoignage de nos civilisations et activités passées ainsi que le gage de la richesse culturelle et de notre environnement présents dans le monde entier et à toutes les époques. Selon l’UNESCO, le patrimoine mondial - représentatif du génie humain - mérite d’être transmis aux générations futures. Au-delà de l’aspect esthétique, c’est la signification tant sociale que technique ou économique qui en justifie la sauvegarde. Le temps, les guerres ainsi que les intempéries sont à l’origine de la détérioration de monuments considérés aujourd’hui comme historiques. C’est depuis la Révolution de 1789 - lorsque certains esprits avisés se sont inquiétés des
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exactions commises contre des édifices témoins de l’Ancien Régime - qu’émergea la conscience de la nécessité de sauvegarder les œuvres artistiques témoins du passé. Aujourd’hui nous sommes pleinement conscients de l’importance de cet héritage et des enjeux que pose sa conservation. C’est à partir de ce constat que les questions de restauration et de réhabilitation du patrimoine mondial me sont apparues essentielles. Elles sont aussi le point départ et de convergence de nombreux sujets qui me paraissent tout aussi importants. « Et si l’on arrêtait de démolir systématiquement pour construire ? ».1 L’avenir de nos villes et de nos territoires urbanisés est un sujet qui me touche tout autant. La reconstruction de l’aprèsguerre guidée par l’urgence puis la « rénovation bulldozer » des années 1960-1970 ont contribué à développer des espaces mal pensés. Aujourd’hui l’heure est à la transformation. La transformation au service notamment de la lutte contre l’étalement urbain. La réhabilitation de monuments patrimoniaux abandonnés ou en mauvais état devient depuis quelques années une solution à ce problème d’ampleur. Ce renouvellement ouvre le champ de la réinterprétation, voire celui de la « réinvention » chère à Viollet-le-Duc. « Le durable c’est le transformable ».2 Ces thématiques me paraissent d’autant plus intéressantes au vue de mon année de master 1 qui se déroulera à Rome. Capitale du plus vaste empire méditerranéen dans l’Antiquité, elle est devenue la capitale de la chrétienté catholique. Son patrimoine est donc très riche et permet de lire l’histoire de la ville comme un ensemble de permanences et de mutations. La ville antique est en effet toujours présente dans la ville actuelle. 1 2
Extrait du livre Un bâtiment combien de vies ? Sous la direction de Francis Rambert. Christian de Portzamparc, architecte et urbaniste français.
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Dans le but de répondre aux interrogations que pose ce sujet nous verrons dans un premier temps en quoi l’architecture est-elle un livre ouvert sur l’histoire. Nous tenterons pour cela de répondre aux questions suivantes : Pourquoi faut-il la préserver ? Comment la préserver ? Puis, dans une seconde partie nous analyseront les enjeux urbains, sociaux et environnementaux liés à la réhabilitation de monuments patrimoniaux. En quoi la revalorisation de ces bâtiments au passé significatif est-elle un outil de redynamisation de zones délaissées ? De quelle manière ces thèmes sont intrinsèquement liés à la lutte contre l’étalement urbain ? Et par prolongation, comment ces notions intègrent-elles certains enjeux écologiques chers à notre société actuelle ? PARTIE I : L’ARCHITECTURE, PATRIMOINE HISTORIQUE «Nous affirmons notre droit à la mémoire et notre devoir de respect envers les gens, les lieux et les objets qui en sont porteurs. Nous affirmons l’importance et la signification de notre patrimoine pour la société et pour chacune des personnes qui la composent».1 I : L’architecture comme trace significative de notre passé Au travers de manifestations sensibles, perceptibles, subjectives et intellectuelles, la mémoire est ce qui relie l’homme à son passé. Elle concentre ce qui reste. Les traces de ce passé participent à la construction de la mémoire collective et des identités dans le présent. Elle peut être matérielle : une archive, un objet. Elle peut être un territoire : une stèle, un monument, et cela induit une architecture, une épigraphie. Cette architecture introduit une relation subjective et vivante avec ce passé puisqu’elle est la représentation directe d’une histoire, d’un événement. C’est ainsi que le patrimoine Déclaration québécoise du patrimoine, 15 avril 2000.
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devient le support d’un imaginaire. En effet ces traces ont toujours captivé les hommes dans la mesure où elles matérialisent ce qui n’est plus, lui donnent une représentation, permettent de se l’imaginer, de l’étudier, de se souvenir, de commémorer, de montrer une évolution en remontant le temps. Certains considèrent qu’il faudrait démolir les bâtiments anciens pour laisser la place à de nouveaux, plus fonctionnels, plus solides et plus hauts, pour y accueillir davantage d’usages et d’usagers. Pourtant la conservation du patrimoine tombe sous le sens tant l’impact de sa présence dans l’histoire de l’architecture moderne et contemporaine et dans le récit urbain est important. Le patrimoine architectural fait l’âme de nos villes et de nos villages. Il faut pourtant savoir que ce désir n’a pas toujours existé. Le phénomène de conservation est avant tout moderne. C’est depuis l’année 1887 avec la loi sur la conservation des monuments historiques que le patrimoine est entré dans un cadre de plus en plus sophistiqué de lois et de règlements. Depuis cette période La notion de « monument historique » a fait place à celle de « patrimoine culturel » qui domine actuellement les discours internationaux et permet d’englober « les édifices individuels, les sites archéologiques ou commémoratifs, les ensembles urbains ou ruraux, les paysages ou sites panoramiques, voire des régions ou des chemins qui les relient, autant que les archives, les collections d’objets ou les traditions vivantes de nature immatérielle ou les langages pour les décrire. ».1 En Evoluant, cet intérêt citoyen pour le patrimoine bâti passe aussi par un phénomène nouveau et d’une ampleur croissante – le tourisme – qui réunis des individus et le patrimoine. Bien que certain puissent croire à une fixation faite sur le passé dans ce monde en permanente mutation, la réflexion sur la conservation en fonction des dimensions 1
Les sens multiples d’un mot porteur de valeurs, Dinu BUMBARU (secrétaire général de Conseil international des monuments et des sites)
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5 https://interlab100.com/2014/0 5/19/neues-museum-david-chipperfield-architects/
historiques, artistiques, techniques ou utilitaires du patrimoine bâti, reste essentielle et constitue une forme d’action visionnaire, tournée vers l’avenir bien plus que replié sur une nostalgie du passé. « Fait du présent dont la conservation se tourne vers le futur pour qu’il ne soit pas amnésique ni éphémère, le patrimoine bâti s’inscrit dans la réalité de l’espace humain vivant. Il ne peut être mis, comme le font les musées, en isolation dans un environnement contrôlé qui garantisse sa pérennité. Au-delà des fascinantes progressions scientifiques, sociales ou culturelles sur le sujet, il faudra donc apprendre à comprendre son rôle dans l’être et l’avoir d’une société. D’abord, par des caractères, des repères ou des aspects immatériels comme la toponymie, ce patrimoine définit le sens et une identité propre au lieu, et autour de lui gravitent les objets, les savoirs, les traditions ou les mémoires. Pour cela, le patrimoine bâti n’est pas qu’une autre catégorie de patrimoine : en définissant la relation entre société et lieu, il apporte le sens d’un engagement collectif et durable. ».1 II : Transformation et rénovation comme moyen de faire subsister les monuments historiques. Ce patrimoine, si nous y tenons tant et si nous voulons le protéger il nous a fallu trouver des solutions. C’est au travers des termes de rénovation et de transformation que nous sommes susceptibles de trouver cette solution. Dans cette mission, architectes ABF (Architectes des Bâtiments de France) et artisans travaillent main dans la main. A la fin du XXe siècle _après que Viollet-le-Duc s’est attaché à poser les fondamentaux d’une méthode de travail propre à la conservation des monuments historiques_ le premier concours d’architectes en chef des Monuments historiques est lancé. Depuis, cette singularité française s’inscrit dans 1
Les sens multiples d’un mot porteur de valeurs, Dinu BUMBARU (secrétaire général de Conseil international des monuments et des sites).
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un long continuum qui est agrémenté de débats, controverses, et suit des évolutions marquantes. Aujourd’hui « l’Architecte des Bâtiments de France conseille et promeut une architecture et une urbanisation de qualité en tenant compte du contexte dans lequel les constructions doivent s’intégrer harmonieusement. Il délivre des avis sur les demandes d’autorisation d’occupation du sol ayant pour effet de modifier les espaces protégés, bâtis ou naturels. Il est conservateur des monuments historiques appartenant à l’État. Il veille également à l’état sanitaire des monuments protégés au titre des monuments historiques ».1 Les tâches de restauration d’édifices et de consolidation d’ouvrages propres aux architectes du patrimoine ont pour objectif de restituer les éléments disparus et de mettre en valeur celui-ci. Pour autant ce travail serait difficilement accomplissable sans le savoir-faire ancestral des artisans. En effet la valorisation de ce patrimoine s’adresse au devenir des hommes de demain. Dans cette mission de revalorisation de ce patrimoine bâtit les entreprises de restauration de monuments historiques sont donc directement impliquées. Les méthodes de constructions propres à telle ou telle période de l’histoire sont les héritières d’une tradition millénaire, elles sont les dépositaires du passé, de la maîtrise et de l’œuvre des bâtisseurs d’autrefois et elles ont le devoir de les porter vers l’avenir. Ce savoir-faire qui s’est transmis de génération en génération, s’associe aujourd’hui à des modes opératoires modernes. Chaque corps de métiers s’attèle à utiliser de nouvelles techniques pour les conjuguer à leurs procédés traditionnels : le tailleur de pierres ne se limite plus à remplacer les éléments dégradés mais réalise des greffes, des reminéralisations, des nettoyages et des patines … etc. Pourtant, bien que les pratiques de restauration aient amplement évolué il ne faut pas pour autant mettre de côté les gestes hérités de l’art des Définition tirée du site du ministère de la Culture, Rôles et missions des Architecte des Bâtiments de France.
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https://www.studioesinam.com/blogs/love-architecture/neues-museum-berlin
8 https://davidchipperfield.com/project/neues_museum
grands bâtisseurs. « Il ne s’agit pas que de conserver pour transmettre, il faut aussi transmettre pour conserver. (…) Les principes et les traditions de ces métiers en font un univers caractéristique dans lequel le respect de l’homme découle de celui de l’œuvre et où l’apprentissage dépasse le cadre du professionnalisme ».1 Le mariage des savoirs faires des architectes patrimoine combiné à ceux des artisans permet une rénovation de qualité des édifices historiques. Il semble qu’une technique de rénovation irréprochable soit à la base de toute transformation. Pourtant, rénover est une chose, transformer en est une autre. Lorsque l’on rénove on cherche à reproduire à l’identique les vestiges de temps passés ; lorsque l’on « transforme » c’est à ce moment-là que l’architecte peut se permettre de devenir créatif et « d’atteindre » à la pureté du bâtit ancien. Transformer les édifices, c’est aussi refuser d’effacer les mémoires qu’ils recèlent. L’édifice connaît des cycles d’utilisation, à l’issu desquels s’offrent deux possibilités : détruire ou conserver. De multiples raisons _historiques, esthétique, économique, urbaine_ peuvent conduire à choisir la deuxième option. Le contexte budgétaire, la crise des ressources, les transitions énergétique et écologique donnent un regain d’intérêt au recyclage des bâtiments existants, selon différentes modalités : la réutilisation liée à l’émergence d’un nouvel usage ou à l’attribution d’une nouvelle fonction, la réhabilitation qui consiste à améliorer un bâtiment parce que ses occupants ou ses usages ont évolués (sans toutefois modifier sa fonction essentielle), la reconversion qui résulte d’un changement dans la fonction essentielle de l’édifice et requiert une compatibilité fonctionnelle et symbolique du nouveau projet avec l’ancien. Toutefois il faut quand même relever que la marge de manœuvre est étroite pour l’architecte, l’enjeu étant d’établir 1 Les enjeux de la valorisation du patrimoine, Christophe ESCHLIMANN (président du Groupement des monuments historiques de la Fédération Française du Bâtiment). 9
une continuité qui respecte l’esprit du bâtiment existant tout en développant parfois un autre vocabulaire, jusqu’au langage végétal. Jusqu’à quel point le bâtiment initial devra-t-il être respecté ? A contrario quelle marge de manœuvre pour l’architecte ? Restaurateur ou rénovateur ? Adaptateur ou inventeur ? PARTIE II : LES ENJEUX URBAINS, SOCIAUX ET ENVIRONNEMENTAUX LIES A LA REHABILITATION DE MONUMENTS HISTORIQUES. Comme vu précédemment, transformer un édifice patrimonial est ardu et pose de nombreuses questions. Liées aux révolutions industrielles et aux progrès techniques, les friches industrielles à l’abandon foisonnent sur le territoire français. Quand on observe ces docks ainsi que tous ces bâtiments abandonnés, vidés de leur population ouvrière on peut se demander : d’autres vies sont-elles possibles pour eux ? Faut-il les raser pour construire futur ? I
: Redynamisation de zones délaissées.
Depuis le début des années 1990 nous sommes capables de voir le potentiel des sites industriels. Ils représentent le passé et l’histoire de nos villes. Laissés pour la plupart du temps dans des états déplorables, ils constituent aujourd’hui un bon exercice dans cette dynamique de réhabilitation (dictionnaire du Larousse : La réhabilitation est l’action de restaurer et de moderniser un site ou un immeuble. Elle implique de préserver l’architecture de l’existant : il s’agit en général de préserver les façades (ou les autres éléments architecturaux forts qui donnent leur caractère aux bâtiments) et de restructurer l’intérieur). Il est possible et intéressant de leur donner une seconde vie. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir, dans les villes, aussi
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bien en leur centre qu’en périphérie, d’anciens sites industriels réappropriés après plusieurs années d’abandon. Ainsi, à l’intérieur d’anciennes usines, manufactures, raffineries, etc. se dressent des salles d’expositions, de concerts, des bureaux, des appartements et diverses autres infrastructures. En effet de plus en plus de friches industrielles (selon moi : un site ou simplement un bâtiment ayant été abandonné par l’activité industrielle qu’il abritait) font l’objet de reconversion car au-delà du souci de leur impact écologique, ils représentent un potentiel patrimonial fort. Ce mouvement a été provoqué en premier lieu dans les années 1960 lorsque certains street artistes étaient à la recherche de lieux pour s’exprimer à l’abri des regards et des « représailles » (l’art de rue étant illégal). La période de post-industrialisation a su offrir à ces artistes des lieux de production à l’écart: les friches industrielles. Des artistes comme Keith Haring et Jean-Michel Basquiat voient dans ces espaces désaffectés du potentiel pour développer leurs œuvres d’art in situ. Ces artistes, connus du grand public, font de ces espaces des lieux d’expositions reconnus et hors du commun. De plus, l’art, au travers de ses différentes expressions, touche toutes les générations, toutes les cultures. Pour rassembler les populations et rendre un espace ouvert au plus grand nombre, la réponse la plus simple est donc d’y installer une infrastructure culturelle. C’est souvent autour, d’un programme d’exposition ou d’expression artistique que se fondent aujourd’hui les projets de reconversion des friches industrielles. C’est donc naturellement, que les friches industrielles sont réhabilitées pour être investies de programmes artistiques ou culturels et, plus largement, par des programmes plus variés de plus grande envergure. Dans le but d’y voir plus clair et de comprendre ce phénomène, nous étudierons le sujet au travers de la ZAC Bastide Niel de Bordeaux
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http://www.theartstory.org/artist-haring-keith.htm
12 http://minagahet.blogspot.fr/2016/05/
http://www.telegraph.co.uk/travel/news/mapped-banksy-art-works-you-can-still-see/
13 https://streep.fr/page/3/
http://www.bordeaux2030.fr/bordeaux-demain/niel
14 http://www.aqui-bordeaux-metropole.fr/FaitduJour-les-associations-de-darwin-dans-la-tourmente,14985.html
Après avoir été successivement des magasins généraux, un entrepôt militaire, une prison durant la seconde guerre mondiale et une caserne militaire ; la caserne Niel est -comme l’explique Angèle POPOT- après le départ des militaires, laissé à l’abandon. Les bâtisses s’abiment, les toits sont manquant, les fenêtres cassées, la végétation envahissante, le bâtiment perd de sa grandeur mais n’est pas pour autant déserté. De nombreux squatteurs viennent occuper les lieux, des personnes s’y aventurent pour voler le matériel laissé par l’armée, des skateurs profitent des hangars pour s’entrainer, des street-artistes viennent s’exprimer et apporter de la couleur et de la poésie à ce lieu morne. Ils ne le savent pas encore, mais cette utilisation artistique des friches de la caserne annonce la nouvelle jeunesse des lieux. Quelques années plus tard, convaincu du potentiel du lieu des architectes et urbanistes sont missionnés pour repenser l’endroit en Zone d’Aménagement Concerté (ZAC). Le principal objectif est de définir un projet urbain s’établissant sur la base des enjeux suivants : conserver la mémoire du lieu lors de la transformation et la réappropriation de friches ferroviaires et militaires, garantir une réelle mixité d’usages et de fonctionnalités urbaines mais également la réalisation d’un quartier de centre-ville durable et accessible à tous. Le plan urbain de cette ZAC garde en mémoire à la fois la caserne mais aussi l’activité ferroviaire en s’inscrivant dans l’espace structuré par les rails. Pour autant, ce concept de ville soucieux de sa mémoire et du patrimoine est ouvert à l’architecture contemporaine et à un mode de vie exceptionnel et innovant. Il réemploie et valorise le patrimoine en place. Aujourd’hui les infrastructures se déploient jusqu’à la limites des berges du quartier. Il est maintenant possible de « tout faire » (comme le présente le site internet officiel du lieu : www.darwinecosysteme.fr) : le site regroupe beaucoup
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de commerces, des bars et restaurants, des espaces réservés à la création et l’exposition de projets artistiques, des salles de sport, un skate-parc, et la production de street-art y est même autorisée (elle reste néanmoins payante pour garantir le respect d’un règlement et donc donner un aspect légal à cet art). La reconversion de ces friches industrielles, a permis d’avoir un réel impact sur le quartier qui les abrite. Les lieux de ce type se multiplient depuis ces dernières années et font naitre de nouveaux types de population, une énergie nouvelle ainsi. Un sentiment de renouveau nait de ces projets. II : Lutte contre l’étalement urbain et par prolongation directe : enjeux écologiques. La tendance constante dans la ville européenne du XXe siècle a été de détruire et de reconstruire les édifices pour en transformer les usages. En incisant sa toile, Lucio Fontana nous rappelait combien la construction même de la modernité européenne reposait sur l’idée de coupure. La tabula rasa, l’irréversibilité y étaient les conditions même du progrès. Pourtant, à l’heure où les villes ne cessent de voir leur population croître, et aux vues des problèmes écologiques actuels, il s’agit de trouver des solutions pour le futur (pas si lointain) de nos villes. L’étalement urbain1, c’est ça le problème majeur que nous devons affronter. Les problèmes engendrés par ce phénomène, qui prend de l’ampleur de jour en jour, sont à la fois économiques, sociaux et environnementaux. D’après Guillaume SAINTENY (Directeur des Etudes économiques et de l’Evaluation environnementale, MEDAD) dans son article : l’étalement urbain. 1
Définition de la Direction départementale des Territoires des Yvelines : L’étalement urbain désigne le développement des surfaces urbanisées à un rythme croissant associé à un éloignement des lieux d’habitat par rapport au centre-ville. La consommation excessive de foncier a deux conséquences néfastes : le mitage des paysages et la fragmentation des milieux agricoles et naturels. Un des leviers de lutte contre
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« D’un point de vue économique, l’étalement urbain vient aujourd’hui en concurrence directe avec les productions agricoles alimentaires et énergétiques. Il induit à la fois une diminution, un morcellement et une instabilité à long terme des espaces agricoles les plus productifs et les plus proches des centres de consommation. D’un point de vue social, l’étalement urbain concourt à la ségrégation et va à l’encontre des objectifs de mixité, tant sociale que professionnelle et fonctionnelle. Les ménages périurbains retrouvent plus difficilement du travail, ont moins accès aux services clés, sont plus dépendants des véhicules particuliers et du renchérissement du coût de l’énergie. Du point de vue de l’environnement, les conséquences sont multiples : -Une réduction de la surface des espaces naturels et donc de la biodiversité. -Des effets de coupure des corridors biologiques et de fragmentation des écosystèmes, selon les localisations de l’étalement urbain. -Une imperméabilisation des sols entraînant un accroissement des risques d’inondation, une moindre recharge des nappes, un accroissement des coûts d’assainissement et des risques de surcharge des stations d’épuration. -L’étalement urbain est un facteur de dépendance à l’automobile et de multi-équipements : le taux de motorisation est d’autant plus élevé qu’on s’éloigne du centre-ville. -Logiquement, la consommation d’énergie par habitant augmente lorsque la densité baisse. Il en va de même pour les émissions de CO2. » Comme il est facilement compréhensible si l’étalement urbain n’est pas considéré comme durable c’est parce qu’il va à l’encontre d’un certain nombre de principes clés du développement durable.
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http://afasiaarchzine.com/
18 http://afasiaarchzine.com/
En outre, la réhabilitation de monuments patrimoniaux tels que les friches industrielles représente un véritable joyau dans l’affaiblissement de ce phénomène tragique. Premièrement cela permet de construire, de renouveler les espaces, d’innover et de laisser place à la créativité sans pour autant faire table rase du passé. Ensuite, la réhabilitation de bâtiments à l’abandon présent dans les villes depuis toujours, permet d’éviter de construire en périphérie. En reprenant possession de ces lieux, en finançant et en organisant la mise en valeur des friches urbaines (par exemple) chacun participe ainsi au déclin de l’étalement urbain. La solution ne serait-elle donc pas de bâtir la ville sur la ville : penser plus largement à la réhabilitation, à la reconversion et à la réutilisation des anciens bâtiments de la ville au lieu de les détruire pour reconstruire (plutôt que de faire table rase, il s’agit de réinvestir des espaces délaissés et leur donner une nouvelle valeur esthétique, d’une certaine façon, en les réhabilitant).
CONCLUSION Dans le contexte d’épuisement des ressources que nous connaissons l’heure n’est-elle pas venue de réutiliser les édifices existants plutôt que de démolir pour reconstruire ? Donner une seconde vie aux bâtiments patrimoniaux me semble être alternative de taille. Pourtant bien que les raisons de ces projets soit honorables et redonnent vie aux anciens sites industriels en leur apportant un regain d’énergie certain ainsi qu’une nouvelle population, on constate l’arrivé d’un effet pervers non désiré, causé par la réhabilitation de friches industrielles. La revalorisation de ces sites entraîne en contrepartie des logiques marchandes et discriminatoires. Les quartiers sont certes revalorisées mais il s’en suit souvent une hausse du
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foncier et donc des prix au mètre carré. Les friches attirent les populations mais aussi les investisseurs et les promoteurs. De plus, on constate qu’une certaine population est ciblée lors de la conception des projets proposés pour la réhabilitation des friches. On assiste à une gentrification des utilisateurs des lieux : les lieux devenant branchés, les services proposés sont souvent haut de gamme, voire « de luxe ». Finalement, la population présente initialement sur les sites s’en retrouve exclue. Il est donc délusoire de croire la mixité sociale parfois prônée par les acteurs du projet, celle-ci étant plutôt une façon d’exprimer la mixité des programmes amenée par les projets. Comme souvent la situation n’a pas une issu, le dénouement est pluriel. Et avant cela comment faut-il réagir dans ce contexte : fautil tout conserver au risque de geler la situation actuelle et muséifier le territoire; faut-il détruire sans discernement comme cela était le cas dans les années 60-70; ou faut-il chercher une voie médiane permettant un équilibre rassurant et des procédures d’observations adaptées aux territoires ? La réflexion imposée par la rédaction de ce rapport d’études m’aura permis de me poser de nombreuses questions induites par la thématique choisit, des questions sur moimême ainsi que d’axer ma pensée et mes désirs en tant que future architecte. Prochainement j’espère avoir l’occasion de travailler pour des projets de réhabilitation, cela me permettrait d’enrichir mes connaissances en la matière. De plus, je me renseigne actuellement sur le DSA (diplôme de spécialisation et d’ap-
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-profondissement) mention Architecture et Patrimoine pour devenir architecte du patrimoine. Ce n’est pas par hasard que Freud, dans son beau texte sur Rome, utilise l’image de la construction d’une ville comme métaphore des mécanismes inconscients. Dans le psychisme humain, nous dit-il, rien ne se perd. Tout subsiste, au moins à l’état de trace. Comme si la ville de Rome conservait, côte à côte, toute les phases de son développement « à l’emplacement du palazzo Caffarelli se dressait de nouveau sans qu’on est besoin de raser cet édifice, le temple de Jupiter Capitolin… Là où maintenant se dresse la Colisée, nous pourrions aussi admirer la Domus Aurea de Néron, qui a disparu ; sur la place du Panthéon nous ne trouverions pas seulement le Panthéon actuel, tel qu’il nous fut légué par Hadrien, mais aussi sur le même terrain la construction originelle de M. Agrippa … ». C’est dans cette belle capitale que se déroulera mon master 1 dans le cadre du programme ERASMUS. La Sapienza (université d’accueil) dispense des cours de restauration ainsi que d’histoire de la ville en italien auxquels j’aimerais beaucoup prendre part. Je pense que l’étude d’une nouvelle langue me sera bénéfique dans ma future vie professionnelle ; qui plus est la langue internationale de la culture et des arts. Il me semble que c’est un environnement dans lequel je m’épanouirai et qui pourra sans doute m’apporter quelques réponses concernant mon futur. Si, à la suite de cette année riche d’expériences, mes convictions restent inchangées il me paraît assez logique de m’orienter vers le Master 2 intitulé «Architecture, ville, ressources», dirigé par Mme Stéphanie David ainsi que Gilles Marty. « Il s’agit avant tout de donner une nouvelle vie à des édifices historiques, tombés en désuétude, à l’abandon ou menacés de destruction, par des fonctions contemporaines qui vont en assurer la mutation programmatique, culturelle, sociale et urbaine».
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