Aberdeen, vers une ville bas-carbone en 2050

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ABERDEEN, Vers une ville bas-carbone en 2050.

Architecture, Villes, Ressources Coline Colliat StĂŠphanie Shamoun

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ABERDEEN, Vers une ville bas-carbone en 2050. La ressource city aux milles et uns gisements.

Architecture, Villes, Ressources Coline Colliat StĂŠphanie Shamoun

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Pointe-Ã -Pitre

Coimbra


Medway

Murano Reggio Emilia

Rijeka Constanta

Thessalonique Cagliari

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REPÈRES Chronologiques

-444 ma

XVIIIe s Formation du granite à plusieurs kilomètres en dessous de la surface du sol

Naissance de l’industrie du granite

-150 ma Formation du combustible fossile à l’origine du pétrole

XIXe s

Développement de l’industrie du granite

XIIe s Premiers prototypes d’éoliennes

Création du port d’Aberdeen

1837

Construction du Marischal College


1959

2015 Déclin de l’industrie du granite à cause de l’arrivée de la Chine sur le marché Découverte en Mer du Nord, du plus grand champ de gaz jamais trouvé en Europe, et l’un des plus grands du monde

Avec l’arrivée du pétrole, le port se transforme et devient l’un des ports les plus modernes

Oil capital of europe

2014

Oil capital of Europe > Energy Capital of the UK Mise en place du «Aberdeen city center masterplan and delivery programme». Pour une ville plus verte, plus agréable, redonner plus de place aux piétons et aux mobilités douces, instaurer un rythme de vie plus lent et respectueux de son environnement.

1960

XXIe s

2016

2018 Aberdeen devient le «hub» de toute l’activité pétrolière qui s’est développée au large de l’Écosse. Cette aubaine venue de la mer a permis à la ville de devenir très riche en peu de temps.

Mise en service du parc de 11 éoliennes offshore à Aberdeen Bay

2040 Les prix du pétrole s’effondrent à l’échelle mondiale, passant de 115 dollars le baril en juin 2014 à 26 dollars le baril en janvier 2016. La ville entre en récession

Les puits de pétrole au large d’Aberdeen sont épuisés

2050

Capitale européenne de l’énergie bascarbone La ville est alimentée à 100% par les énergies renouvelables


DONNÉES Numériques



fig. 16 : La place de la voiture Ă Aberdeen


AVANT-PROPOS Les retours de notre expérience sur place

En janvier 2018, nous nous rendons en Ecosse. Nous faisons une première halte de quelques jours dans la capitale, Edinburgh, puis le mercredi 23 janvier nous prenons le train direction Aberdeen. Quelques heures de voyage nous séparent de la ville et nous passons le trajet a imaginer à quoi ressemble réellement cette ville que nous avons tant étudié à distance. Sera-t-elle conforme à nos attentes ? Avons nous été justes dans nos analyses? Ou allons nous être confrontées à une ville inconnue ? Au bout de quelque temps, le train emprunte le fameux Forth Bridge et nous aperçevons enfin la mer. Nous sommes immédiatement plongées dans les univers pétrolier et marchands qui s’établissent sur la mer du Nord. Nous distinguons rapidement des grands pétroliers, des chalutiers et des plateformes offshore au loin. Nous longeons ensuite la côte et apercevons de magnifiques paysages sauvages, des châteaux en ruine au bords de falaises et de fastueux terrains de golf. Quelques instants plus tard nous arrivons enfin à Aberdeen. Il fait beau et la première chose que l’on vérifie, c’est si le granite scintille au soleil. C’est le cas, nous sommes rassurées. Notre séjour de 5 jours dans la Silver City nous a permit de découvrir une ville où le piéton à cédé sa place à la voiture et aux grands axes, une ville où les espaces publics se font rares, une ville certes bien entretenue mais peu agréable à traverser à pied, une ville au bord de la mer mais qu’on voit peu, une ville fractionnée entre son centre historique, son port et son bord de mer. Avant d’arriver sur place, nous savions dèjà qu’un programme de requalification urbaine du centre avait été approuvé et que ce dernier allait donc rapidement être amené à se transformer. A l’origine nous avions en tête de nous positionner dans ce centre ville en mutation mais c’était sans compter la découverte du port, un territoire sous exploité.


fig. 17 : La port d’Aberdeen


SOMMAIRE INTRODUCTION

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I : LE CENTRE-VILLE : Aberdeen repensé à travers un programme de requalification urbaine

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LE PROJET POLITIQUE : Aberdeen, ville bas-carbone en 2050 LE PROJET URBAIN : Une requalification totale du centre-ville • Les grandes lignes du projet • Les interventions dans la ville • Un projet complet mais critiquable II : LE PORT : composante majeure d’Aberdeen et du nord-est de l’Écosse LA PLACE DU PORT DANS LA VILLE • L’histoire du port • Forme et fonctions LE PORT : UNE BARRIÈRE PHYSIQUE ET VISUELLE MARKET STREET : UN AXE MAJEUR UN LITTORAL DIFFICILE D’ACCÈS III : REPENSER LE PORT : un enjeu pour Aberdeen, future ville décarbonnée

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p.21 p.25 p.27 p.33 p.35 p.39

REPENSER LE PORT : ENTRE REQUALIFICATION ET PRÉSERVATION UN ÉQUIPEMENT PUBLIC A LA MESURE DES ENJEUX D’UNE VILLE DÉCARBONNÉE • La structure poteaux-poutre bois • La double peau en verre recyclé • Isolant de récupération • Travail du sol en granite • Les auvents en structure acier • L’énergie hydraulique • L’énergie solaire UN ÉQUIPEMENT PUBLIC CONNECTÉ À SON ENVIRONNEMENT • Le travail de la place public • Un connecteur entre terre et mer • Programme

p.41 p.47

POUR CONCLURE ...

p.67

REMERCIEMENTS

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BIBLIOGRAPHIE

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

p.73

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fig. 18 : Le port au cœur de la ville 2


INTRODUCTION Aberdeen a fondé la majeure partie de son économie et a fait sa renommée mondiale grâce aux énergies fossiles et non renouvelables telles que le pétrole et le gaz. Consciente de la fin proche de cette ressource et de l’enjeu actuel de la transition énergétique, la ville est aujourd’hui en phase de transformation et de remise en question. Après avoir subi de nombreuses crises liées à la chute des cours du pétrole, la ville doit se réinventer pour rester compétitive sur les marchés mondiaux. Aberdeen doit régénérer son centre. Aujourd’hui les centres urbains prospères, productifs et attrayants sont moteurs de croissance. Il est donc nécessaire de fournir une orientation stratégique au centre-ville d’Aberdeen afin de lui permettre de redevenir une destination remarquable pour les citoyens, les touristes et les entreprises. C’est dans cette optique qu’en 2015, la ville a mis au point un plan directeur soulevant les grandes difficultés auxquelles fait face Aberdeen. La ville souhaite repenser entièrement son centre. Elle désire en premier lieu, améliorer la qualité de vie de ses habitants et pour cela elle doit devenir une ville plus verte, plus agréable, redonner plus de place aux piétons et aux mobilités douces, instaurer un rythme de vie plus lent et respectueux de son environnement. Comme nous l’avons vu dans le tome 1, son premier acte fort à été de tirer partie des ressources renouvelables de son territoire, telles que l’énergie éolienne. En effet, grâce à l’installation d’éoliennes offshore en mer du Nord, Aberdeen souhait alimenter ses ménages en électricité à hauteur de 100%. Comme nous avons pu le constater sur place, ce projet de réaménagement de grande ampleur concerne uniquement l’hyper-centre de la ville mais la zone du port reste à l’écart. Qu’adviendra-til de ces espaces ? D’ici une cinquantaine d’années, les puits de pétrole au large d’Aberdeen seront épuisés et cela mènera à la cessation de toutes les activités liées à l’or noir. Il va donc être nécessaire de penser à l’avenir de ces immenses quais proches du centre-ville.

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I

LE CENTRE VILLE

Aberdeen repensé à travers un programme de requalification urbaine

fig. 19 : Requalification du centre-ville d’Aberdeen 5


Aberdeen

fig. 20 : Les zones clés pour le futur, bas-carbone de l’Écosse 6


LE PROJET POLITIQUE: Aberdeen, ville bas-carbone en 2050 L’énergie est au cœur des préoccupations. En effet nous avons besoin d’énergie pour notre nourriture, notre chaleur, nos loisirs et notre travail. La source de celle-ci a changé au cours des cent dernières années, passant du bois au charbon, du pétrole au gaz puis aux énergies renouvelables telles que l’énergie éolienne, solaire et hydraulique. Cela continuera à changer à mesure que les nouvelles formes de sources d’énergie et de stockage d’énergie seront mieux comprises. Le climat mondial change constamment mais depuis la fin du XXe siècle, nous prenons de plus en plus conscience que le réchauffement climatique s’accélère. Certains changements dans notre climat sont naturels et inévitables, mais les émissions de gaz à effet de serre provenant des activités humaines augmentent considérablement la vitesse et l’ampleur de ces changements. Aujourd’hui ce sont les villes du monde entier qui sont à l’origine d’une grande partie des émissions de gaz à effet de serre. Paradoxalement, ce sont aussi elles qui abritent de nombreuses solutions telles que des bâtiments durables, des industries technologiques, une expansion des espaces verts, des instituts d’éducation, des transports durables et des technologies renouvelables. Aberdeen possède une main-d’œuvre hautement qualifiée grâce à son expérience du pétrole et du gaz. Cela constitue une mine de connaissances et d’expertises de haut niveau. Cette position de leader donne à la ville un réel potentiel pour faire évoluer considérablement le secteur des énergies renouvelables et devenir une capitale de l’énergie verte d’ici 2050. Imaginons ensemble à quoi pourrait ressembler Aberdeen en 2050. La ville Aberdeen aurait une économie forte qui ne dépend pas de l’industrie pétrolière. Elle maintiendrait sa position en tant que centre mondial d’expertise sous-marine dans les domaines du pétrole et du gaz, tout en élargissant son expertise en recherche et développement et sa formation dans les universités. Les compétences et les connaissances acquises au cours de l’ère du pétrole et du gaz seront conservées et appliquées aux technologies renouvelables. Dans le même temps, les investissements et la diversité des

opportunités et des perspectives d’emploi permetteront une prise de conscience accrue d’une économie plus diversifiée. Les liens étroits qui uniront l’industrie, la recherche et les autorités locales auront créé un changement de mentalité concernant le caractère singulier de l’emploi à Aberdeen. Ce changement sera le résultat d’actions coordonnées et d’informations mises à la disposition des communautés, qui les auront sensibilisées à la situation de la ville, à son emploi et à l’origine de cet emploi. En 2050, les citoyens seront conscients des possibilités et participeront activement au développement d’Aberdeen. La fenêtre d’opportunité pour le changement postpétrole aura effectivement été saisie. Cependant pour en arriver là, cela nécessitera un travail acharné et une réflexion approfondie par le biais d’une coopération entre les secteurs privé et publics, ainsi que l’éducation et l’information. Il faudra utiliser et s’appuyer sur l’expérience déjà existante en partant d’un plan solide, stratégique et cohérent. Ce type de transition requiert en effet de profonds changements dans la façon de vivre et de travailler. Aucune personne agissant seule ne peut provoquer un tel changement. Pour aider à mettre en place ce changement, un groupe s’est réuni pour explorer les voies possibles vers une vie durable. De nombreuses initiatives ont alors vu le jour à Aberdeen et soutiennent cette transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire si la ville souhaite jouer un rôle dans la réalisation des objectifs de son pays en matière de lutte contre le changement climatique, à savoir réduire les émissions de gaz à effet de serre de 80% d’ici 2050.

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fig. 21 : Proposition de réaménagement du marché d’Aberdeen 8


LE PROJET URBAIN: Une requalification totale du centre-ville LES GRANDES LIGNES DU PROJET Pour atteindre ces objectifs en terme d’écologie, le conseil municipal d’Aberdeen délivre en 2015 le «Aberdeen city centre masterplan and delivery programme». Ce programme de requalification urbaine du centre-ville, déroulé sur 25 ans, a pour but la croissance économique et l’amélioration de la qualité de vie d’Aberdeen en créant un avenir dynamique et durable. La ville souhaite combiner son désir de devenir bas-carbone et son envie de relever des défis locaux pour rester compétitive sur les marchés mondiaux. Ce plan directeur traite de la requalification du centre-ville. En effet, aujourd’hui les centres-villes prospères, productifs et attrayants sont moteurs de croissance et constituent un réel atout économique pour les résidents, les entreprises et les touristes. Le plan directeur est organisé en plusieurs grandes thématiques qui fournissent un cadre permettant de relever les défis individuels du centre-ville et de concrétiser ce nouvel Aberdeen. CHANGER LES PERCEPTIONS Au cours des 40 dernières années, Aberdeen s’est transformée en l’une des villes énergétiques les plus influentes du monde et est considérée à juste titre comme une plaque tournante mondiale de l’énergie. Avec plus de 1 000 entreprises dans le secteur du pétrole et du gaz et 38 milliards de barils de pétrole produits grâce à la mer du Nord, ce secteur a eu un impact significatif sur l’économie d’Aberdeen. L’image que l’on se fait d’Aberdeen est donc souvent liée aux secteurs du pétrole et du gaz. Cette image d’Aberdeen en tant que «capitale pétrolière de l’Europe» peut donner lieu à des connotations négatives sur la pollution, les embouteillages, l’éloignement, une ville chère, un manque d’activité culturelle et une domination d’un secteur au détriment d’autres. Ces perceptions peuvent avoir un effet négatif sur la capacité d’Aberdeen à attirer des investissements publics et privés, des touristes, des étudiants et des résidents. Aberdeen souhaite se positionner en tant que ville énergétique et veut véhiculer l’image d’un centre d’affaires international avec un centre-

ville cosmopolite et animé. En redynamisant son centre, l’objectif est de créer un lieu où les gens sont fiers de vivre et de travailler. Un lieu que les gens veulent visiter et où il se passe toujours quelque chose, où il y a toujours quelque chose à voir, que ce soit de la musique, des événements, du sport ou de l’art. DIVERSIFIER LES EMPLOIS DU CENTREVILLE Ces dernières années, le nombre d’emplois dans le centre-ville d’Aberdeen a diminué. Avec l’incertitude qui règne dans les secteurs du pétrole et du gaz et dans le commerce de détail, il existe un risque de perte d’emplois et de perte de fonction du centre-ville. Pour beaucoup, Aberdeen est la vitrine commerciale de la région. La réduction de l’emploi et de l’activité commerciale aura un impact négatif sur la région au sens large. Inversement, un centreville dynamique reflétera mieux la prospérité et les opportunités qui existent déjà dans la région et contribuera à la croissance du nord-est de l’Écosse et du Royaume-Uni. Le centre-ville doit redevenir un centre d’affaires, de commerce, d’innovation et doit encourager de nouvelles activités qui élargissent la base économique de la ville. Certaines activités économiques seront directement liées aux activités énergétiques, tandis que d’autres se situeront dans de nouveaux secteurs. Cela nécessitera de nouveaux réseaux et des espaces modernes pour encourager le transfert de connaissances et la collaboration. De nouveaux espaces de travail et infrastructures sont nécessaires pour répondre aux besoins des employeurs et des entrepreneurs. Le secteur des services, en particulier en ce qui concerne le commerce de détail et l’hôtellerie, ne doit pas être négligé car il jouera un rôle fondamental dans le succès futur d’Aberdeen.

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fig. 22 : Œuvre créée durant le Nuart Festival à Aberdeen

fig. 23 : Œuvre créée durant le Nuart Festival à Aberdeen 10


MADE IN ABERDEEN Aberdeen possède un riche patrimoine et de fortes traditions locales. Le centre-ville doit donc conserver sa spécificité et éviter de devenir un lieu banal proposant une offre standard en termes d’entreprise, de bâtiment, de commerce et d’image de marque. Il faut donc veiller à renforcer ce caractère local, en exploitant l’identité unique de la ville en termes d’architecture, de produits locaux, de littérature, de création musicale, d’art et de design. L’objectif Made in Aberdeen est de développer une gamme d’expériences distinctives afin que le centre-ville d’Aberdeen ne ressemble à aucun autre. Le festival de street art Nuart participe déjà à donner à la ville un caractère spécial et ce depuis quelques années. De plus, il est important d’accepter l’innovation et l’expérimentation, qui encourage les gens à essayer, plutôt que d’empêcher les idées, la créativité et les échanges. UNE VILLE ACCUEILLANTE POUR TOUS Aujourd’hui à Aberdeen la demande de logement est supérieure à l’offre. Il est estimé que dans les 25 prochaines années la population augmentera de 28%. Il est donc nécessaire de construire de nouveaux logements à travers la ville et le comté. L’augmentation du nombre de logements disponibles dans le centre-ville permettra d’exploiter le dynamisme qu’une population résidente peut apporter au centre-ville. Cette demande de logements en centre-ville est en augmentation car de plus en plus de jeunes et de familles aspirent à vivre et à travailler dans le noyau urbain. Pour assurer le développement de cette communauté mixte, la ville prévoit d’élargir et de diversifier le choix des logements qu’elle propose. Dans cette optique il est également nécessaire de créer un environnement plus «habitable» dans lequel les habitants accèderont facilement aux commodités locales telles que les parcs, les espaces verts et les transports en commun. Ces atouts sont essentiels pour créer un environnement viable et pour que la vie en centre-ville soit un choix attrayant.

fig. 24 : Œuvre créée durant le Nuart Festival à Aberdeen 11


fig. 25 : Les véhicules à hydrogène à Aberdeen

fig. 26 : «Revitalisation of Union Terrace Garden» 12


RESPECTUEUSE DE L’ENVIRONNEMENT En tant que capitale énergétique de l’Europe, Aberdeen dispose d’un potentiel réel pour devenir une ville leader en matière de durabilité environnementale, de transition vers une économie à faible émission de carbone et de résilience face au changement climatique futur. L’expertise d’Aberdeen vis-à-vis du secteur de l’énergie se prête d’ailleurs au développement d’innovations technologiques durables. La revitalisation du centre-ville fournit également un excellent banc d’essai pour ces technologies émergentes afin d’améliorer la fonctionnalité de la ville alors que l’Écosse s’oriente vers une économie sans carbone. Dans cette optique, Aberdeen prévoit d’ailleurs de mettre en place des bus à hydrogène qui n’émettront que de la vapeur d’eau, ce qui réduira les émissions de carbone et la pollution atmosphérique, tout en étant plus silencieux et plus fluide. À mesure qu’Aberdeen s’établit comme une ville verte, les connotations négatives souvent associées au pétrole et au gaz commencent à s’effacer et Aberdeen devient plus attrayante en tant que lieu de vie et de travail potentiel. Le centre-ville doit développer ses compétences pour que le terme «vert» fasse référence non seulement à son secteur énergétique, mais également à son caractère de lieu propre, économe en ressources, bien desservi par les transports durables et doté d’infrastructures respectueuses de l’environnement.

tous âges veulent passer du temps à aller et venir, voir et être vu, se socialiser, se promener et s’imprégner de l’atmosphère. Les projets et programmes viseront à revigorer le tissu urbain avec une série d’interventions de grande qualité dans le domaine publics. À travers une série de projets interdépendants, les habitants d’Aberdeen seront encouragés à revoir ces espaces. Le domaine public sera élargi et assoupli, avec davantage d’espaces verts et de lieux de jeu et d’activité. Les espaces ouverts clés, tels que Castlegate, Union Street et Union Terrace Gardens, seront «prêts pour l’événement», capables d’organiser toute une gamme d’événements et de divertissements qui apporteront un sentiment de vitalité et d’animation bien nécessaire. Dans les endroits appropriés, les hôtels, les cafés, les restaurants et les bars seront encouragés à offrir à manger et à boire en plein air, ce qui renforcera le sens de la vie le soir. Les connexions et les déplacements entre ces points stratégiques seront améliorés afin de faciliter la circulation constante des piétons et des cyclistes dans le centre-ville. Pour cela, la ville prévoit de réduire la circulation des voitures, trop imposante, et de favoriser les transports en commun comme les bus à hydrogène.

De plus il ne faut pas négliger le parc immobilier vieillissant de la ville. Il existe de nombreuses possibilités afin d’améliorer les performances environnementales notamment en matière de consommation d’énergie de celui-ci. Dans cette démarche, Aberdeen peut prendre exemple sur des villes portuaires similaires qui sont redevenues des villes viables et durables comme Portland et Copenhague. En plus de protéger les actifs de la ville, une ville respectueuse de l’environnement attirera les investisseurs et les entreprises internationales à la recherche d’un lieu à faible risque. DES ESPACES PUBLICS POUR TOUS La problématique du manque d’espace public et de la place moindre accordée au piéton au détriment de la voiture en ville, nous était apparue comme évidente quand nous sommes allées sur place. Il semblerait que les habitants d’Aberdeen ont aussi soulevé ce point qui représente une grande partie des futurs projets de la ville. Le centre-ville doit être un lieu où les gens de

fig. 27 : Les espaces publics projetés 13


fig. 28 : Projet de rénovation de la galerie d’art d’Aberdeen

fig. 29 : Projet Aberdeen Music Hall 14


CULTURELLEMENT DISTINCTIF Le centre-ville d’Aberdeen n’est pas à la hauteur de ce qui est proposé dans de nombreuses autres villes de niveau comparable. Les sites culturels de le ville organisent très peu d’événements attractifs et les spécialités de la ville comme la nourriture, la musique, la littérature, la poésie et l’art ne sont pas assez présentes. Le centre-ville doit être la vitrine de ce caractère distinctif, comme Belfast, Manchester, Bilbao et Glasgow l’ont montré de différentes manières. Les lieux et la programmation culturelle, l’utilisation contemporaine d’espaces patrimoniaux, les espaces ouverts et la mise en place de grands événements sont les éléments qui permettront de célébrer l’identité culturelle et de créer un environnement attrayant. Le centre-ville devrait également être capable de se transformer assez facilement en zone piétonne pour les festivals de rue, les marchés de Noël ou les événements sportifs de haut niveau. Comme l’ont montré des villes régénérées avec succès, parvenir à une véritable spécificité culturelle présente de nombreux avantages. Cela permet d’accroître le nombre de visiteurs nationaux et internationaux et cela incitera également les résidents actuels à utiliser et à soutenir le centre-ville plus fréquemment. LA MISE EN VALEUR DU FRONT DE MER Le centre-ville d’Aberdeen est relativement unique car il se trouve à proximité d’un port actif, d’une plage et de deux grandes rivières. Malgré la présence de ces atouts uniques au bord de l’eau, le centre-ville est séparé de son environnement par de grands axes de circulation. Révéler les secteurs riverains permettrait de tirer parti de l’attraction quasi universelle et intemporelle que représente l’eau dans le développement et la jouissance des villes. Les secteurs riverains peuvent offrir un cadre agréable pour les projets de développement nouveaux et existants. L’objectif est de sensibiliser à ces atouts grâce à l’amélioration du domaine public et à de nouveaux développements qui ouvrent et exploitent les vues sur l’eau. La création de liens piétonniers en lien avec les secteurs riverains ainsi que de nouveaux aménagements générateurs d’activités, contribueront à l’expérience globale du centre-ville d’Aberdeen pour les résidents et les visiteurs.

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Denburn Valley Heart of the city Queen’s square Union Street West Station Gateway Castlegate North Dee Torry Waterfront

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fig. 30 : Les lieux concernés par le plan directeur 16


LES INTERVENTIONS DANS LA VILLE Le cœur de la stratégie vise à faire renaître le noyau de la ville. Le noyau historique d’Aberdeen est Union Street. Il s’agit donc dans un premier temps de revaloriser cette rue principale qui traverse la ville d’est en ouest. Dans un second temps il s’agira de mieux la relier avec un axe nord-sud représentée par Market street qui traverse la ville en son centre. Ces deux axes sont la base du plan directeur et cela se lit bien sur le plan des futures interventions. Elles se situent toutes à proximité de ces lignes directrices. Au total, 49 projets de développement physique et d’infrastructure, ainsi que des initiatives non physiques, constituent la stratégie du plan directeur. Denburn Valley s’animera grâce à la revitalisation et à l’expansion des Union Terrace Gardens et d’un nouveau quartier urbain à la tête de la vallée. Le réaménagement du centre de santé de Denburn et la rénovation de l’hôpital historique Woolmanhill permettent de créer un nouveau quartier polyvalent, niché dans un cadre de verdure attrayant et offrant une vue sur la ville orientée vers le sud. The heart of the city obtient l’espace qu’il mérite notamment grâce à la suppression des voitures et l’élargissement des trottoirs sur Union Street. Grâce à un entretien conséquent et à un ravalement des façades la rue, de granite vêtues, scintilleront à nouveau. Les connexions en direction de Union Street depuis le sud sont améliorées avec de nouvelles étapes et des itinéraires améliorés à travers le Trinity Centre. Le centre et le marché couvert de St. Nicholas seront réaménagés afin de créer des espaces plus perméables et une plus grande variété d’utilisation. Queen’s Square sera transformé en un nouveau quartier urbain à usage mixte. Les cafés et les magasins abonderont dans les rues et de nouveaux espaces publics conviviaux seront créés pour les piétons. Avec le Marischal College, le salle de spectacle Lemon Tree et le Arts Centre, le mélange d’usages proposés forme un quartier urbain animé, actif toute la journée et en soirée. C’est un lieu agréable pour les travailleurs de la ville qui souhaitent se détendre au cours de la journée, pour les amateurs de culture qui souhaitent prolonger leur visite au Lemon Tree ou au Arts Center et pour les résidents qui bénéficient d’un accès direct aux possibilités d’emploi et de loisirs du centreville. Union Street West se réaffirmera comme un

quartier citadin élégant, abritant une importante communauté d’affaires, une communauté résidentielle en expansion et un mélange dynamique d’activités de vente au détail et de loisirs. L’environnement de la zone sera considérablement amélioré grâce à de vastes travaux sur Union Street et dans les rues environnantes. La salle de musique rénovée et les nouvelles salles de la ville rehausseront le statut culturel, civique et commercial du lieu, en permettant à plus de visiteurs de circuler tout au long de la journée et de renforcer les possibilités de restauration et de mise en valeur du paysage urbain patrimonial. Station Gateway. De meilleurs itinéraires piétonniers entre Union Street et la gare amélioreront radicalement les premières impressions d’Aberdeen et l’attrait de l’accès par la ligne de chemin de fer. En sortant de la gare, les gens seront accueillis par une ville plus hospitalière. Un espace public plus généreux créera plus d’espace pour que les gens se rencontrent et s’attardent grâce aux nouveaux hôtels et aux nouveaux commerces, contribuant à animer cette importante porte d’entrée du centreville. Castlegate sera repensée comme la place principale du centre-ville d’Aberdeen. Cet espace historique qui, pendant des siècles, a été animé de personnes et d’activités a perdu beaucoup d’importance au sein de la ville ces dernières années. Le but est donc de le replacer au cœur de la ville. À la croisée des chemins entre Union Street, le port et la plage, Castlegate constitue un important point d’orientation pour les visiteurs et devrait redevenir un lieu prisé pour profiter de la vie en ville. A North Dee un nouveau quartier de bureaux permet aux grands employeurs de s’installer dans le centre-ville. Ce quartier-parc d’affaires s’inscrit dans un paysage urbain bien conçu où les déplacements piétons, les commerces et les restaurants locaux sont mis à l’honneur. Ce quartier occupe une position de choix, surplombant la rivière. L’élément central du développement est le Global Energy Hub, qui fournit une gamme d’espaces conçus pour favoriser la collaboration et l’innovation. Torry Waterfront sera un quartier de logement à forte densité surplombant la rivière Dee. Le quartier bénéficiera d’un cadre de vie agréable tout en permettant d’accéder facilement au centre-ville grâce à un nouveau pont piéton. Une promenade et un parc animeront le bord de la rivière offrant une vue imprenable sur la ville et le port. 17


fig. 31 : Le port, une zone dĂŠlaissĂŠe au profit du centre-ville

fig. 32 : Le processus d’Aberdeen pour devenir une ville bas-carbone 18


UN PROJET GLOBAL MAIS CRITIQUABLE Le plan directeur que propose la ville est très global. Aberdeen nous propose une vision totale du futur de la ville au travers de multiples thématiques. En revanche, il semble que quelques points qui nous paraissent fondamentaux dans le renouveau de celle ci, n’ont pas été traités. Le dessin ci contre représente un condensé des objectifs à atteindre dans le cadre de ce plan directeur et une chose nous frappe. Ce que l’on distingue le mieux sont les flux. Cela veut dire que les flux sont les choses auxquelles la ville accorde le plus d’importance dans ce renouveau ? Tant dans ce schéma que dans son programme, la ville met profondément de coté sa relation à l’eau. On le voit bien dans le cadrage des plans qui racontent le programme de requalification. La zone portuaire d’une superficie aussi importante que celle du centre ville, est hors champs. La ville l’ignore intégralement. Or l’un des enjeux majeurs d’une ville industrielle portuaire en reconversion est sa connexion à celle ci. On entend vaguement parler de l’importance de l’eau dans la thématique «mise en valeur des fronts de mer» mais on ne parle ici que d’un bras de la rivière Dee. Or ce qu’il faut c’est reconnecter toute la ville à son littoral. Après notre séjour sur place à arpenter la ville, nous sommes convaincues que cette reconnexion pourrait être initiée par le port. Avec la fin proche de l’activité pétrolière Aberdeen va devoir faire face à un nouveau challenge et doit penser au devenir de ces quais qui abritent aujourd’hui 70% de cette activité en déclin.

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II LE PORT

Contraintes et potentialités d’un site emblématique de l’ère pétrolière

fig. 33 : Le port d’Aberdeen 21


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Route très empreintée Route empreintée localement Dépôt pétrolier Bureau des autorités portuaires Arrêt de bus Points d’accès au port Gare Quais liés à l’industrie du pétrole Quai lié au commerce et à la pêche

fig. 34 : Le port d’Aberdeen 23


fig. 35 : Reconstruction du Palmerston Quay

fig. 36 : Évolution du port d’Aberdeen 24


LA PLACE DU PORT DANS LA VILLE L’HISTOIRE DU PORT Le port d’Aberdeen a été officiellement créé au XIIe siècle à l’endroit où la rivière Dee rencontre la mer du Nord. Depuis 1136, lorsque le roi David Ier d’Écosse accorde aux évêques d’Aberdeen le droit de prélever une dîme sur tous les navires faisant escale, le port affecte et façonne la vie de générations d’Aberdoniens. À l’époque de la dynastie royale des Tudor, au XVIe siècle, de nouvelles relations commerciales ont permis d’améliorer le port. Ainsi en 1582 la première grue de manutention de fret a été installée. Un fort a été construit en 1532 sur le côté nord de l’entrée du port, contribuant à dissuader l’Armada espagnole de débarquer dans cette région. En 1860 Torry Battery est construite en hauteur du port et de la ville pour défendre ceux ci en cas d’attaque. Durant la Seconde Guerre mondiale, le port subit de nombreux dégâts car il était considéré comme une cible stratégique importante pour les avions ennemis.

en eau profonde, et d’importantes zones de secours permettant aux dockers* de mener de nombreuses opérations de manutention et d’expédition. Aberdeen Harbour est le principal port commercial du nord-est de l’Écosse et le principal port européen de soutien logistique maritime à l’industrie pétrolière et gazière de la mer du Nord. Il gère également des services de transbordements roulants à destination de la Norvège et des transbordeurs** de ligne pour les îles des Orcades et des Shetland. En outre, le port est en contact avec plus de quarante pays du monde entier. Le port est donc une composante majeure de l’infrastructure de transport du nord-est de l’Écosse et les activités portuaires rapportent plus de 420 millions de livres sterling par an (environ 534 millions de dollars) à l’économie locale où il soutient directement et indirectement environ 11 000 emplois.

Depuis sa création, le port est le berceau de l’industrie de la pêche, qui a connu un essor considérable avec la création du chalutier à vapeur dans les années 1880. Aberdeen abritait également un secteur important de construction navale, qui a connu une fin relativement récente dans les années 90. L’arrivée de l’industrie pétrolière et gazière en mer du Nord au milieu des années 1960 a marqué le début d’une période de modernisation intense pour le port. Au cours de cette période il a été pratiquement entièrement reconstruit. Il est rapidement devenu l’un des ports les plus importants et modernes d’Europe. Aberdeen Harbour a joué un rôle central dans l’identité d’Aberdeen et dans son succès économique, passé et présent. FORME ET FONCTION Le port d’Aberdeen s’étend sur 153 hectares, dont 83 hectares de terres et 70 hectares d’eau. Il y a plus de six kilomètres de quais, dont 14 postes d’amarrage

* Docker : Ouvrier qui travaille au chargement et au déchargement des navires. ** Transbordeur : désigne un appareil servant à transborder, c’est-à-dire à transporter la cargaison d’un bâtiment où les voyageurs d’un véhicule dans un autre bâtiment ou un autre véhicule. 25


fig. 37 : Une double barrière physique qui empêche la vue sur la mer

fig. 38 : Vue du port depuis le haut de Market Street 26


LE PORT : UNE BARRIÈRE

PHYSIQUE ET VISUELLE Peu de villes ont un port opérationnel situé à quelques centaines de mètres seulement de leur rue commerçante principale*. Le port occupe une position centrale et stratégique dans la ville d’Aberdeen. La zone du port relie en effet, la ville au nord, au sud et à l’ouest. Elle est de plus très bien desservie et accessible grâce aux différents moyens de transport en commun comme le ferry, le train, le bus et le taxi. Pourtant, ce lieu stratégique est depuis toujours tenu à l’écart du centre-ville. Dans un premier temps, c’est la topographie du terrain qui a largement contribué à cette exclusion. En effet, le port est situé au niveau 0 tandis que Castelgate et Union Sreet se situent en hauteur. Puis dans les années 1960 lorsque le port se modernise, les limites de celui-ci sont tracées et des barrières sont montées. Aujourd’hui, le port et la ville se bousculent. Ils partagent des limites et, dans de nombreux cas, leurs limites ne sont ni caractérisées comme faisant partie du port ni de la ville. D’après notre expérience in situ, nous avons trouvé l’accès jusqu’aux abords du port plutôt facile. Plusieurs percées à travers des immeubles ou des rues permettent d’apercevoir de grands bateaux et de savoir dans quelle direction avancer. En revanche une fois sur place nous nous sommes retrouvées face à des kilomètres de barrières et derrières elles, des pétroliers et bateaux de pêches en tout genre. Avec tout ça, impossible de voir la mer. Pour en apercevoir un fragment nous avons du entrer dans une zone interdite au public, sur Commercial Quay. Le port offre des avantages publics allant au-delà de la viabilité économique, notamment la gestion de l’environnement, la conservation et l’accès public à l’eau. Il est donc nécessaire d’examiner attentivement ces limites et déterminer comment de meilleures connexions peuvent être établies physiquement ou visuellement entre la ville et le port et la ville et la mer.

* Nous parlons ici de Union Street 27


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Market Street (haut) Shiprow Marischal Street Castelhill Market Street (milieu) North Esplanade West Sinclair Road Pocra Quay Quais liés à l’industrie du pétrole Quai lié au commerce et à la pêche

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fig. 39 : Les percées visuelles à travers la ville vers le port 29


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Market Street (haut)

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Shiprow

© 2019 Google © 2019 Google

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Marischal Street

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Castelhill


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Market Street (milieu)

Sinclair Road

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North Esplanade West

Pocra Quay

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fig. 40 : Le marché aux poissons d’Aberdeen en 1961

fig. 41 : Market Street aujourd’hui 32


MARKET STREET: UN AXE MAJEUR D’après nos recherches et notre ressenti sur place, Market Street semble représenter la barrière physique la plus importante entre le port et le centre-ville d’Aberdeen. Repenser cet axe pourrait permettre une réelle opportunité d’améliorer la connexion entre les deux. Market Street est un élément clé de l’infrastructure de transport de la ville. Chaque jour, des milliers de véhicules empruntent cette route, et en particulier pour accéder aux bureaux et entreprises situées autour du port. Market Street est également très empruntée par les transports en commun de la ville. En effet, avec la principale gare routière de la ville située dans Guild Street, juste à côté de Market Street, une proportion importante des personnes se rendant en bus jusqu’au centre-ville et passant par la ville empruntent cet itinéraire. De plus, Market Street constitue le lien historique entre le vieil Aberdeen et le port. Il s’agissait à l’origine de la route principale reliant Union Street au port et, comme son nom l’indique, était l’emplacement de l’ancien marché du poisson. Plus tard, elle constitua l’axe principal de l’expansion de la ville au sud de la région connue aujourd’hui sous le nom de Torry. De simples raisons géographiques et économiques ont donné à Market Street cette importance. La géographie n’a pas suffisamment évolué pour en changer la pertinence. Malgré la fin proche du pétrole, son rôle économique n’est pas différent aujourd’hui non plus. Le port est devenu une grande puissance économique pour Aberdeen. Par conséquent, si nous voulons améliorer les liaisons entre la ville et son port, nous devons commencer par Market Street. Market Street est donc un axe majeur de la ville et constitue une réelle opportunité dans la reconnexion entre la ville et le port. En revanche, la place des piétons et des cyclistes est mise de coté et cela contribue au manque de convivialité qui règne dans cette artère. Considérée comme la porte d’entrée du centre-ville, Market Street doit incarner et représenter Aberdeen encore plus aujourd’hui, alors que la ville est en pleine transformation.

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fig. 42 : Publicité pour la plage d’Aberdeen

fig. 43 : Exemple de zone traversée pour atteindre la mer 34


UN LITTORAL DIFFICILE D’ACCÈS A notre arrivée à Aberdeen, nous visitons le centre, à la recherche des bâtiments remarquables de la ville. Puis, après avoir été confrontées aux barrières et aux navires qui nous obstruaient la vue de la mer, nous décidons de partir à sa rencontre. Nous partons donc du centre-ville, du Castelgate plus précisément, direction la promenade le long de la mer du Nord. Nous savons ce que l’on va trouver à l’arrivée grâce à nos recherches faites en amont. En revanche ce que l’on avait moins anticipé c’était le trajet pour y arriver. Nous comprenons rapidement que peu de transports en commun peuvent nous y amener et à des horaires peu commodes. La solution la plus simple pour nous, reste la marche à pied. A partir de l’instant où nous avons commencé notre descente de Castelate vers le niveau de la mer, le paysage, les flux et les sons sont devenus différents. Après avoir péniblement traversé une quatre voies où les voitures ont peu l’habitude de croiser des piétons, nous nous enfonçons dans de grandes artères où les trottoirs sont quasi inexistants. Les voiture roulent à toute vitesse, nous ne nous sentons pas en sécurité ni très à l’aise avec cet environnement inhospitalier. Nous longeons des zones commerciales, des entrepôts liés à l’industrie pétrolière, traversons de gigantesques parkings dédiés aux grandes surfaces pour enfin apercevoir l’horizon. Aberdeen Beach est reconnue pour être un lieu de loisirs et de sport qui attire de nombreux visiteurs tout au long de l’année. Depuis la promenade le long de la mer on peut accéder au centre de loisirs, à la patinoire Linx, à un choix multiple de cafés, de restaurants et à une fête foraine. Il y a aussi un cinéma et une salle de fitness. C’est aussi le seul endroit de la ville où l’on peut admirer la mer, voir le va-et-vient des pétroliers et entrevoir les hautes éoliennes qui fendent le vent. Cependant, comme à l’image du reste de la ville et des constats fait précédemment, Aberdeen, berceau de l’industrie pétrolière, est une ville faite pour les déplacements en voiture. Les piétons et cyclistes ne sont pas pris en compte et n’ont actuellement pas leur place sur le trajet qui mène jusqu’à la mer.

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Point de départ: Castelgae Trajet effectué Limites du port

fig. 44 : Chemin emprunté et zones traversées pour atteindre la mer 37



III

REPENSER LE PORT

Un enjeu pour Aberdeen, future ville décarbonnée

fig. 45 : Le port aujourd’hui 39


fig. 46 : Emscher Park, Allemagne

fig. 47 : Scheepstimmermanstraat, presqu’île de Bornéo, Amsterdam 40


REPENSER LE PORT :

ENTRE REQUALIFICATION ET PRÉSERVATION D’après nos analyses et constats nous nous rapprochons donc naturellement de la zone portuaire de la ville. Imaginons les darses d’Aberdeen en 2050. L’activité pétrolière est arrivée à son terme et les quais anciennement dédiés à l’industrie du pétrole se désindustrialisent progressivement pour laisser place à un foncier disponible de grande ampleur. Dans ce contexte de ville en mutation tant environnementale qu’économique et politique nous considérons Aberdeen comme une ville laboratoire qui permet d’imaginer ce à quoi pourrait ressembler la ville de l’après pétrole. Il faut prendre en compte ces grandes mutations et les utiliser pour fabriquer une nouvelle urbanité.

important voir nécessaire d’accompagner cette transition, en préservant une partie de l’identité du port. Enfin grâce au quai nord, les mobilités douces seront misent à l’honneur avec une grande promenade le long des berges permettant d’accéder au bord de mer en toute tranquillité. L’idée de cette requalification n’est pas de créer un nouveau mode d’habiter en opposition avec la ville historique mais plutôt de faire dialoguer ces deux entités dans le but de redynamiser la ville.

Nous proposons donc une ébauche de modèle d’habiter qui va réfléchir aux questions de transition. Après la ville construite et vécue comme le berceau des travailleurs du secteur pétrolier, on imagine aujourd’hui une ville tournée vers les énergies renouvelables, une ville qui fait plus de liens entre nature et culture, un modèle d’urbanité lié à la slowlife où la question du plaisir de déambuler devient importante. Alors que la ville a été construite autour de l’idée de la ville fonctionnelle, c’est plutôt le côté «ville agréable à vivre, ville verte» que l’on a envie de concevoir. Pour cela, la première étape est de constater les dégâts causés par l’industrie pétrolière sur les sols et ainsi avoir une idée de la répartition des programmes sur les darses. Il serait trop cher de tout dépolluer, l’idée est donc de recouler une dalle par dessus et par endroit d’utiliser le système de phytoépuration*. Les darses non polluées peuvent accueillir des logements tandis que celles ayant été au contact du pétrole se transformeront en parcs ou promenades. Le projet urbain évoluera par étapes, en fonction du phasage de désindustrialisation des quais. Une fois la désindustrialisation complète, nous imaginons sur le quai sud, un quartier d’habitation autosuffisant et en lien direct avec la mer à la manière de la presqu’île de Bornéo à Amsterdam. Sur le quai centrale, les piétons et cyclistes pourront se promener dans un grand parc et déambuleront entre les vestiges de l’industrie du pétrole à la manière de l’Emsher Park en Allemagne. En effet, en tant que vestige de l’ère pétrolière, il nous parait

*La phytoépuration est au sens large l’épuration par les plantes. Celles-ci peuvent contribuer à épurer ou dépolluer les trois grands milieux que sont l’air, les sols et l’eau 41


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fig. 48 : La dĂŠsindustrialisation schĂŠmatique des quais et leur nouveau visage 43


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fig. 49 : Notre projet de requalification des quais 45


Bois d’Épicéa Sitka

Isolants de récupération

Verre recyclé

fig. 50 : Coupe : les matériaux locaux et de réemploi 46


UN ÉQUIPEMENT PUBLIC À LA MESURE DES ENJEUX D’UNE VILLE DÉCARBONNÉE Les quais du port d’Aberdeen viendront à se désindustrialiser progressivement dans les 30 prochaines années il est donc difficile de prévoir l’avenir exact de ses quais. Cet avenir incertain nous pousse à nous projeter dans une échelle de temps plus proche, en imaginant un bâtiment constructible dès demain. Dans le but d’assurer cette transition énergétique à Aberdeen, nous proposons d’apporter la première pierre à l’édifice en imaginant un projet autonome en énergie et dont la conception à été pensé autour de la thématique du réemploi. Nous souhaitons aller au delà des bâtiments simplement démonstrateurs de l’utilisation des énergies renouvelable, en intégrant les notions de circuits courts que se soit dans la localité des matériaux utilisés, que dans leur utilisation ou réutilisation. LA STRUCTURE POTEAUX POUTRE BOIS: L’Écosse est une région de montagnes sauvages comme les Cairngorms ou les Highlands du NordOuest, ce qui permet d’obtenir une couverture forestière représentant 18,5% du territoire. Depuis quelques années les constructions en bois se multiplient en Ecosse car les conditions climatiques extrêmes, en particulier dans les Highlands, exigent la construction de bâtiments résidentiels avec des matériaux durables aux propriétés thermiques importantes. Avec un poids dans l’économie estimé à £250 million (285 million d’euros), la construction bois hors-site est un enjeu majeur pour l’Écosse et son investissement offre une solution au changement climatique. De nombreuses industries voient alors le jour. L’usine de production de poutres James Jones Forres, la chaîne de montage la plus moderne d’Europe, se situe à une centaine de kilomètres d’Aberdeen. Pour ces raisons, la structure poteaux-poutre de notre édifice est réalisée en bois d’Épicéa Sitka. Cette espèce représente plus de 60% de la couverture forestière d’Écosse.

LA DOUBLE PEAU EN VERRE RECYCLÉ : Pour protéger la structure poteaux-poutre bois des intempéries, on vient fixer par dessus une seconde peau en verre recyclé, à certains endroits. L’entreprise Reglit Glass Architecture a mis au point le système de vitrage Pilkington Profilit et le développe au Royaume-Uni et en Irlande depuis 1982. Il s’agit d’un simple concept de profilés en U en verre autoportants dans un cadre périmétrique en aluminium extrudé ce qui peut l’assimiler à un bardage. Ce système permet de créer des revêtements économiques aux effets lumineux particuliers et adaptables à presque tous les types de bâtiments. Sa transparence apporte une lumière naturelle à l’intérieur du bâtiment, tout en le protégeant des regards extérieurs. Le système de façade Pilkington Profilit est un «produit vert» ayant un bilan énergétique durable, de la fabrication à l’utilisation, au recyclage. Il n’y a pas d’adhésif auxiliaire, sauf le gel de silice. Son nettoyage et son entretien sont très pratiques. Avec l’introduction du Nanogel, un matériau isolant révolutionnaire, Reglit a créé un système de vitrage qui optimise les performances d’isolation, la transmission de la lumière et la résistance à la condensation. En outre ce nouveau système permet une transmission optimale de la lumière du jour tout en offrant une efficacité énergétique maximale. L’ISOLANT DE RÉCUPÉRATION : La double peau en verre recyclé offre une première isolation thermique de qualité. Elle nous permet de minimiser la mise en œuvre de l’isolation des programmes internes à la structure. Cela rend possible le réemploi d’isolants comme la laine de verre, difficilement recyclable.

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Acier de container

fig. 52 : RÊemploie de l’acier des containers en auvent

fig. 51 : L’utilisation du granite 48

fig. 53 : Travail photographique de Bernd et Hilla Becher


TRAVAIL DU SOL EN GRANITE: L’utilisation quasi omniprésente du granite, dans les constructions d’Aberdeen donne à la ville un caractère spécial et en fait la fierté de ses habitants. Malheureusement la plupart des carrières d’exploitation ferment progressivement depuis quelques années, au désespoir des Aberdonniens. Pour le clin d’œil et parce que nous savons que le granite est un matériau cher aux habitants, nous nous proposons de récupérer des blocs provenant de démolition ou de déconstruction de bâtiments, ainsi que des chutes laissées dans les carrières fermées. Après avoir intercepté ces chutes, nous les redimensionnons pour en faire les marches de l’escalier de l’espace public extérieur. LES AUVENTS EN STRUCTURE ACIER: L’espace public extérieur que nous créons est partiellement couvert par de grands auvents. Pour la création de ces auvent nous nous inspirons de l’univers industriel et portuaire de notre site. La structure est en acier et reprend les codes des structures des cuves de pétrole ou des anciens gazomètres à l’image de ceux photographiés par Bernd et Hilla Becher. Ce qui nous intéresse dans ce type de structure, c’est la hiérarchie des éléments et leur rôle plus ou moins important dans l’équilibre de celle ci. En fonction des épaisseurs des barres d’acier, on comprend assez facilement leur intérêt structurel. Le travail photographique des Becher porte sur la photographie des typologies des bâtiments industriels du XIXe et XXe siècles. Pour ce travail ils suivent un protocole extrêmement rigoureux en tentant de reproduire les même conditions pour chaque photo. Ils en font ensuite des séries de photographies. Pour la couverture de ces auvents, nous réutilisons de l’acier provenant des containers du port.

fig. 54 : Travail du sol de la place en granite 49


fig. 55 : Les hydroliennes alimentant le bâtiment

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L’ÉNERGIE HYDRAULIQUE : Afin de proposer un bâtiment eco-responsable à tout point de vue, nous souhaitons le munir d’un système qui lui permette de produire sa propre électricité, de manière durable. L’activité éolienne étant déjà en pointe à Aberdeen, il nous parait plus intéressant d’explorer d’autres sources potentielles d’énergie. Notre projet se situant au bord de la mer, il nous parait évident d’exploiter les énergies en rapport avec l’eau. «Les déplacements des eaux des océans, en partie provoqués par les marées, offrent une force motrice considérable. Si les vitesses sont relativement faibles, les débits et la densité de l’eau de ces mouvements constituent des atouts indéniables. En Europe, le potentiel hydrolien est estimé entre 18 et 35 TWh/an (environ 8 % de la consommation annuelle d’énergie des logements en France). Le Royaume-Uni, la France et la Norvège sont les pays les mieux situés pour profiter de ce potentiel.»* Une hydrolienne est une turbine hydraulique placée au fond des océans qui utilise l’énergie cinétique des courants marins, comme une éolienne utilise l’énergie cinétique du vent. La turbine de l’hydrolienne permet la transformation de l’énergie cinétique de l’eau en mouvement en énergie mécanique qui peut alors être convertie en

énergie électrique par un alternateur. Les machines peuvent prendre les formes les plus variées allant du gros générateur de plusieurs mégawatts immergé en profondeur dans des spots à très forts courants de marée au micro-générateur flottant équipant des petits courants de rivière. Nous plaçons donc un parc d’hydroliennes à l’extérieur du port pour pouvoir capter le maximum de mouvements. Des câbles sous marins relient les hydroliennes à l’espace comprenant le transformateur permettant de convertir l’énergie. Cet espace au sein du projet est visible de l’extérieur par des ouvertures. Il joue un rôle éducatif et ludique pour toutes les personnes souhaitant comprendre la manière dont le bâtiment est alimenté en énergie. L’ÉNERGIE SOLAIRE : L’espace entre les deux toitures permet l’installation de chauffe-eaux solaires sur la toiture des logements qui peut recevoir la lumière au travers du verre recyclé. Un chauffe-eau solaire produit de l’eau chaude sanitaire à hauteur de 50% des besoins. * Source de la citation : https://www.planete-energies.com/fr/medias/ decryptages/l-energie-des-courants-marins

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fig. 56 : Insertion du projet, plan de toiture 53


fig. 57: Plan du RDC + espace public 54


UN ÉQUIPEMENT PUBLIC CONNECTÉ À SON ENVIRONNEMENT LE TRAVAIL DE LA PLACE PUBLIQUE Le manque d’espaces publics est un point qui nous a marqué lorsque nous sommes allées à Aberdeen. Comme nous l’avons vu précédemment, la ville souhaite pallier ce manque en développant un réseau de places urbaines en son centre. Ce qui nous importe aujourd’hui, c’est de poursuivre cette démarche en y ajoutant un élément qui nous parait capital : la mer. La position que le projet occupe sur le territoire d’Aberdeen est stratégique. La parcelle quasiment vide nous permet de nous positionner à proximité de la mer et d’avoir un rapport intime avec elle. En nous rapprochant de l’eau, nous plaçons le bâtiment en retrait par rapport à Market Street qui, comme nous l’avons vu, est une rue très passante. La création d’une piste cyclable ainsi que la plantation d’une rangée d’arbres permet de créer un premier filtre visuel et de diminuer les nuisances sonores liés au trafic. Le sol sur lequel s’assoit notre architecture est un quai artificiel construit dans les années 60, conçu à l’origine pour recevoir les chalutiers et décharger leur marchandise. Pour cela il a été construit à 2m au dessus du niveau de l’eau. Notre désir étant d’établir un contact proche avec la mer, nous décidons d’abaisser cette dalle de 1,5m.

C’est cette raison qui nous amène à penser le grand espace public (créée par les deux bâtiments en équerre), en escalier. Ces escaliers, travaillés en gradins et de manière rythmée permettent d’accueillir de multiples fonctions. Tantôt couverte par les grands auvent, tantôt ouverte, la place devient un lieu de déambulation, de rassemblement, de promenade, de pause, de sport et de loisirs. Ce jeu de sol, visible depuis la rue, permet aussi d’inviter les promeneurs à descendre vers ce bel espace, ainsi que vers les bâtiments et la mer. En extension de cette piazza, nous recréons un petit port de plaisance pour accueillir les voiliers des locaux ou des touristes et le long duquel on peut se promener et manger en terrasse. La structure du ponton flottant en bois accueille aussi des bassins aquaponiques, au sud. Au centre des bassins, on vient construire des radeaux en roseaux dans lesquelles seront plantés des fruits et légumes. Sous ces radeaux, nous installons un élevage de crevettes grises. Les déjections des crevettes nourissent les plantes qui filtrent l’eau pour la renvoyer propre aux crustacés. C’est une façon écologique et naturelle de produire de la nourriture qui réunit à la fois les meilleures qualités de l’aquaculture et de l’hydroponie, sans avoir besoin de rejeter d’eau, de la filtrer ou d’utiliser des fertilisants chimiques

fig. 58 : Vue perspective de l’espace public 55


fig. 59 : Coupe de la rue à la mer 56


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fig. 60 : Les «portes d’entrées» 58


UN CONNECTEUR ENTRE TERRE ET MER L’assise du projet s’articule autour de deux grands axes formant ainsi une équerre. Le premier s’inscrit perpendiculairement au bord de mer, le second parallèlement. Le premier corps de bâtiment se situe dans le prolongement du quai dédié au commerce et à la pêche. La percée nord-sud dans l’édifice permet de faire un lien direct avec ce quai ainsi qu’avec l’activité qu’il génère. Cette percée toute hauteur dans le bâtiment donne directement sur un espace végétalisé au sein du bâti puis sur le grand espace public central. La seconde ouverture, est-ouest permet, elle, un cadrage direct sur la mer. L’équerre étant interrompue, l’entre-deux devient intéressant. Les deux bâtis côte à côte permettent de créer un passage entre les terrasses de restaurant, jusqu’au bord de l’eau. Le second bâtiment, lui aussi percé d’est en ouest, permet une vue sur l’horizon et sur les bassins d’aquaponie. Avec cette disposition et cette typologie de bâti nous recréons du lien entre la terre et la mer en invitant les promeneurs à s’engager sur la place et découvrir le nouveau visage du bord de mer d’Aberdeen. Nous récréons aussi du lien entre le port et la mer en venant marquer la liaison entre le quai consacré à la pêche et cette nouvelle infrastructure. A l’image d’une gare dont les portes représentent l’entrée dans une ville, notre projet incarne le lieu par où s’effectuent les échanges liés à l’attraction de la ville. Comme nous l’avons vu précédemment,

de part sa position stratégique, Market Street constitue elle même, physiquement, la porte d’entrée vers Aberdeen. « Aujourd’hui les portes de villes sont au centre, ce sont les gares». Le Corbusier, Urbanisme «Une entrée de ville, n’est pas le centre-ville. Ces lieux sont bien souvent dépourvus des caractéristiques des quartiers de ville, avec de l’habitat, des lieux de travail, des équipements publics, etc. Il n’y a également aucun traitement des espaces publics. Les entrées de villes sont des territoires dans lesquels un des enjeux majeurs est de concilier le développement économique, l’existence d’importantes voies de déplacement et la qualité de vie, enjeux souvent contradictoires».* Pour ce projet, vitrine de la ville d’Aberdeen, les enjeux sont nombreux. Il nous faut concilier de nombreux programmes pour faire de ce lieu, un endroit dynamique et attractif.

*Source : http://www.patrimoine-environnement.fr/wp-content/ uploads/2018/01/synth%C3%A8se-colloque-EDV.pdf

fig. 61 : Vue perspective depuis la mer, entre deux de l’équerre 59


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fig. 62 : Élévation coté rue

fig. 63 : Élévation coté mer 61


fig. 64 : Plan RDC

fig. 65 : Plan R+1 62


PROGRAMME Dans le but de rendre cet endroit accessible, apprécié de tous et d’en faire LE nouveau lieu incontournable d’Aberdeen, l’offre de programme est multiple. Au sein du premier bâtiment, les espaces internes suivent deux grands axes : nord-sud et est-ouest, selon une trame poteaux-poutre classique. La mise en œuvre de leur isolation est plus faible qu’en temps normal puisque la seconde peau en verre recyclé constitue une bonne première isolation. En rez-de-chaussée on retrouve des espaces de restauration, des bars et un espace de coworking. On y trouve également une capitainerie permettant un point d’arrêt pour les bateaux et la gestion des flux, ainsi qu’une petite centrale électrique permettant de stocker l’énergie produite par les hydroliennes. Les espaces de restauration sont potentiellement extensibles et se déploient sur la place et au bord de la mer si le temps le permet. Les R+1 et R+2 accueillent chacun 8 unités d’habitation allant de 37m2 à 50m2. La grande hauteur sous plafond permet la création d’un espace de nuit en mezzanine. L’espace entre la double peau en verre recyclé et la structure interne, permet d’avoir au RDC des espaces de circulation classique et au R+1 et R+2 des extensions des logements. La dalle des logements est tirée jusqu’à la double peau pour créer un espace inter-climatique intermédiaire. Grâce à des panneaux coulissants de verre recyclé, la façade est amovible et permet de s’ouvrir sur la place ou sur la ville. La façade change de visage chaque jour, en fonction des envies de chacun. Les espaces de vide, à l’intérieur du bâtiment, permettent eux, au RDC, un espace de déambulation au travers d’un sas végétalisé dans lequel on plante des bouleaux et allant droit vers la mer. Au R+1 ces espaces internes permettent la création de coursives desservant les logements.

fig. 66 : Plan RDC

Dans le second bâtiment, lui de plain-pied, on retrouve le même système constructif. Cet édifice abrite un espace muséal consacré à l’exposition des travaux réalisés par des architectes, urbanistes et paysagistes dans le cadre de la requalification du port. On trouve un autre espace de restauration, ouvert lui, directement sur la promenade en bord de mer. Pour finir et pour faire le lien avec le futur du port, on installe un espace dédié aux vélos (location, garage et réparation), qui sera plus tard en lien direct avec le grand parc urbain. 63


fig. 67 : Vue perspective intĂŠrieure

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fig. 68 : Vue perspective intĂŠrieure

fig. 69 : Vue perspective du port 65


fig. 70 : Quais de Bordeaux 66


POUR CONCLURE ... De nos jours les sociétés carbonées font de l’espace une ressource qu’elles s’approprient pour les rentabiliser. Les ports pétroliers en sont un bon exemple. Depuis plus de 50 ans, on observe de loin ces bords de mer, avec mépris et amertume. S’ils n’accueillaient pas toute cette industrie, on pourrait sans doute revoir la mer. La transition énergétique colossalle, à laquelle nous devons faire face aujourd’hui et la fin proche du pétrole, nous a permis d’imaginer ce que pourrait devenir le port d’Aberdeen dans la période post pétrolière et ce que nous pourrions faire dès aujourd’hui pour initier cette transition. En nous inspirant des travaux effectués à Bordeaux, notre première intervention a été de reconnecter la ville avec son bord de mer en imaginant l’aménagement complet d’une grande place publique donnant sur une promenade au bord de l’eau. En effet, le réaménagement récent des rives de la Garonne à Bordeaux est un exemple de réussite de réconciliation entre une ville et sa géographie. Il est aussi un exemple de la réussite d’un partenariat efficace entre le maître d’ouvrage, le maire Alain Juppé, et le maître d’oeuvre, le paysagiste Michel Corajoud. Les espaces de stockage qui occupaient les rives avaient éloigné la ville de son ancrage fluvial. Libérant ces espaces pour la circulation comme pour le regard, la spectaculaire reconquête esthétique des quais et du fleuve a suscité leur réappropriation par les Bordelais de tous âges, de toutes conditions et de toutes origines. De même à Orléans, à Nantes ou à Lyon, la réinvention de la ville s’est opérée à partir d’une mise en valeur de la vie du fleuve et de son histoire. Notre seconde manière d’appréhender cette problématique de transition énergétique a été de penser le projet par rapport à son empreinte carbone. Notre objectif est de concevoir un édifice qui, non seulement produit sa propre énergie renouvelable mais aussi, dont la construction aura

engendré très peu d’énergie grise. Nous sommes cependant conscientes que la transition vers des sociétés de l’après-pétrole ne s’attache pas à régler les seuls problèmes énergétiques. En inventant autant de solutions techniques pour résoudre cette transition, l’innovation va susciter en même temps un nouveau fonctionnement social et de nouvelles attitudes. C’est à ce nouveau fonctionnement social et à ces nouveaux modes de vie que l’architecte de demain sera confronté et auxquels il aura le devoir de répondre. L’architecte ne peut changer la donne à lui tout seul. Pour embrasser ce futur complexe il faut avant tout, remettre en question les politiques publics et encourager toutes les initiatives allant dans le sens d’une bonne transition énergétique.

fig. 71 : Zone Sensible, une ferme urbaine de Saint-Denis 67



REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier toutes les personnes qui ont contribué à la rédaction de ce mémoire. Nous voudrions dans un premier temps remercier notre directeur d’étude, Clémence DUPUIS, enseignante contractuelle à l’ENSAG, pour ses judicieux conseils qui ont contribués à alimenter notre réflexion. Nous remercions également tout les membres de l’équipe pédagogique du Master Architecture Villes Ressources, pour leur patience, leur disponibilité et leur bienveillance à notre égard. Nous tenons à témoigner toute notre reconnaissance aux personnes suivantes, pour leur aide dans la réalisation de ce mémoire : Nos parents, pour leur soutien constant ainsi que leurs encouragements. Merci à eux d’avoir relu et corrigé notre mémoire. Leur conseils de rédaction ont été très précieux. Tous nos cammarades du Master avec qui l’ambiance de travail à toujours été bénéfique, dynamique et agréable.

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BIBLIOGRAPHIE LIVRES AMBROISE, Régis; ODILE, Marcel. Aménager les paysages de l’après pétrole. Editions Charles Léopold Mayer. Paris, Fance. 2015. 100p Actes du colloque paysage de l’après-pétrole. solutions paysagères pour territoire en mutation. Collectif paysages de l’après-pétrole. 2015. 67p HAENTJENS, Jean. La ville frugale, un modèle pour préparer l’après pétrole. FYP Editions. 142p TIESDELL, Steve; ALLMENDINGER, CITIES. ELSEVIER Editions. 2004. 180p

Phil.

SITES WEB ABERDEEN HARBOUR. Aberdeen Harbour. http://www.aberdeen-harbour.co.uk/about-us/

COMPASS HANDBOOKS. UK-PORT.ORG the reliable guide to thz UK’s commercial ports. http:// uk-ports.org/

ARTICLE DE PÉRIODIQUE EN FORMAT ELECTRONIQUE MITCHELL, Alex. «Union Street - What happened ?», Aberdeen voice. 2010. https://aberdeenvoice.com/2010/11/ union-street-what-happened/

PAOLI-LEBAILLY, Pascale. «Agriloops : une ferme aquaponiqueen eau salée à Rennes en 2020», LA TRIBUNE. 26 avril 2018. https://www.latribune.fr/regions/

bretagne/agriloops-une-ferme-aquaponique-en-eau-salee-a-rennesen-2020

SERGEUR, Frédéric. «LES PRIX DE L’ÉNERGIE RENOUVELABLE ONT BAISSÉ DE PLUS DE 10% EN UN AN», Capital. 1 juin 2019. https://www. capital.fr/economie-politique/les-prix-de-lenergie-renouvelable-ontbaisse-de-plus-de-10-en-un-an

TRESORIERE, Zeila; LECARDANE, Renzo. «L’urbanité de l’héritage industriel La reconversion du viaduc de la High Line à New York», In Situ, revue des patrimoines. 2015. https:// journals.openedition.org/insitu/

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TABLE DES ILLUSTRATIONS • fig. 1 et 2 : Couverture, le port d’Aberdeen.

Illustration personnelle • fig. 3 : Carte de l’Europe. Illustration personnelle • fig. 4 : Carte du Royaume-Uni. Illustration personnelle • fig. 5 à 15 : Photographies d’Aberdeen. Photographies personnelles • fig. 16 : La place de la voiture à Aberdeen. Illustration personnelle • fig. 17 : p.1, Le port d’Aberdeen. https://www.mnwb.org/ Port_Welfare_Committees

• fig. 18 : p.3, Le port au coeur de la ville. http:// futurescot.com/aberdeen-innovation-facility-unveiled/

• fig. 19 : p.5, Requalification du centre-ville

d’Aberdeen.http://www.bdp.com/en/projects/a-e/aberdeen-citycentre-masterplan/

• fig. 20 : p.6, Les zones clés pour le futur, bas-carbone

de l’Écosse. https://npfactionprogramme.com/a-low-carbon-place/ • fig. 21 : p.8, Proposition de réaménagement du marché d’Aberdeen. https://www.pressandjournal.co.uk/fp/news/ aberdeen/1685786/stunning-new-images-reveled-as-plans-lodged-to-redevelop-aberdeen-indoor-market/

• fig. 22 : p.10, Œuvre créée durant le Nuart Fesival

àAberdeen. https://arrestedmotion.com/2018/04/nuart-aberdeen-

• fig. 31 : p. 18, Le port, une zone délaissée au profit

du centre-ville. Illustration personnelle • fig. 32 : p. 18, Le processus d’Aberdeen pour devenir une ville bas-cabone. http://www.energy-cities.eu/resources/citiesactions/aberdeen-in-transition-journey-towards-2050-aberdeen~1485

• fig. 33 : p. 20, Le port d’Aberdeen. Photographie

personnelle • fig. 34 : p. 22, Le port d’Aberdeen. Illustration personnelle • fig. 35 : p. 24, Reconstruction du Palmerston Quay. https://www.eveningexpress.co.uk/news/local/gallery-aberdeens-fishmarket/

• fig. 36 : p. 24, Evolution du port d’Aberdeen.

Illustration personnelle • fig. 37 : p. 26, Une double barrière physique qui empêche la vue sur la mer. Photographie personnelle • fig. 38 : p. 26, Vue du port depuis le haut de Market Street. Photographie personnelle • fig. 39 : p. 28, Les percées visuelles à travers la ville vers le port. Illustration personnelle • fig. 40 : p. 32, Le marché aux poissons d’Aberdeen en 1961. https://www.eveningexpress.co.uk/news/local/gallery-aberdeensfish-market/

• fig. 41 : p. 32, Market Street aujourd’hui.

• fig. 23 : p.10, Œuvre créée durant le Nuart Fesival

Photographie personnelle • fig. 42 : p. 34, Publicité pour la plage d’Aberdeen.

18-murals-part-i/

• fig. 43 : p. 34, Exemple de zone traversée pour

18-murals-part-i/

àAberdeen. https://arrestedmotion.com/2018/04/nuart-aberdeen-

• fig. 24 : p.10, Œuvre créée durant le Nuart Fesival

http://www.raitt.org/aberdeenshire-raitts.html

• fig. 26 : p. 12, «Revitalisation of Union Terrace

atteindre la mer. Google maps • fig. 44 : p. 36, Chemin emprunté et zones traversées pour atteindre la mer. Illustration personnelle • fig. 45 : p. 38, Le port avant/ après. Illustration personnelle • fig. 46 : p. 40, Emscher Park, Allemagne. http://cms.

intervention/

• fig. 47 : p. 40, Scheepstimmermanstraat, presqu’île

aberdeencitycentremasterplan.com/projects/areas-of-intervention/

com/2010/12/21/things-you-might-see-in-holland/

àAberdeen. https://arrestedmotion.com/2018/04/nuart-aberdeen18-murals-part-i/

• fig. 25 : p. 12, Les véhicules à hydrogène à Aberdeen. https://twitter.com/rubberdicky

Garden». https://aberdeencitycentremasterplan.com/projects/areas-of-

• fig. 27 : p. 13, Les espaces publics projetés. https:// • fig. 28 : p. 14, Projet de rénovation de la galerie d’art d’Aberdeen. https://aberdeencitycentremasterplan.com/projects/ phase-1/aberdeen-art-gallery/

• fig. 29 : p. 14, Projet Aberdeen Music Hall. http://www. originalfm.com/aberdeen-council-backs-city-centre-masterplan/

• fig. 30 : p. 16, Les lieux concernés par le plan

directeur. https://aberdeencitycentremasterplan.com/projects/areasof-intervention/

latzundpartner.de/index.php?id=74

de Bornéo, Amsterdam. https://brianmbaker.wordpress.

• fig. 48 : p. 41-42, La désindustrialisation

schématique des quais et leur nouveau visage. Illustration personnelle • fig. 49 : p. 45, Notre projet de requalification des quais. Illustration personnelle • fig. 50 : p. 46, Coupe : les matériaux locaux et de réemploi. Illustration personnelle. • fig. 51 : p. 48, L’utilisation du granite. Illustration personnelle 73



• fig. 52 : p. 548, Réemploi de l’acier des containers en auvent. Illustration personnelle • fig. 53 : p. 48 Travail photographique de Bernd et Hilla Becher. https://deskgram.net/explore/tags/ D%C3%BCsseldorfSchool

• fig. 54 : p. 48 Travail du sol de la place en granite.

Illustration personnelle • fig. 55 : p. 50, Les hydroliennes alimentant le bâtiments. Illustration personnelle • fig. 56 : p. 53, Insertion du projet, plan de toiture. Illustration personnelle • fig. 57 : p. 54, Plan du RDC +espace public. Illustration personnelle • fig. 58 : p. 55, Vue perspective de l’espace public. Illustration personnelle • fig. 59 : p. 56, Coupe de la rue à la mer. Illustration personnelle • fig. 60 : p. 58 ,Les «portes d’entrées». Illustration personnelle • fig. 61 : p. 59, Vue perspective depuis la mer. Illustration personnelle • fig. 62 : p. 61, Élévation coté rue. Illustration personnelle • fig. 63 : p. 61, Élévation coté mer. Illustration personnelle • fig. 64 : p. 62, Plan RDC. Illustration personnelle • fig. 65 : p. 62, Plan R+1. Illustration personnelle • fig. 66 : p. 62, Plan RDC. Illustration personnelle • fig. 67 : p. 64-65, Vue perspective intérieure. Illustration personnelle • fig. 68 : p. 64-65, Vue perspective intérieure. Illustration personnelle • fig. 69 : p. 64-65, Vue perspective du port. Illustration personnelle • fig. 70 : p. 66, Quais de Bordeaux. https://france3-regions. francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/gironde/bordeaux/bordeaux-ce-jeudiquais-deviennent-dynamiques-1831796.html

• fig. 71 : p. 67, Zone Sensible, une ferme urbaine de Saint-Denis. https://www.facebook.com/zonesensible/ photos/3620334861317208

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Aberdeen a fondé la majeure partie de son économie sur les énergies fossiles telles que le pétrole et le gaz. Consciente de la fin proche de cette ressource et de l’enjeu actuel de la transition énergétique, la ville est aujourd’hui en phase de transformation. Après avoir subi de nombreuses crises liées à la chute des cours du pétrole, la ville doit se réinventer. Aberdeen doit régénérer son centre afin de lui permettre de redevenir une destination remarquable pour les citoyens, les touristes et les entreprises. La ville désire en premier lieu, améliorer la qualité de vie de ses habitants et pour cela elle doit devenir une ville plus verte, plus agréable, redonner plus de place aux piétons et aux mobilités douces, instaurer un rythme de vie plus lent et respectueux de son environnement. Comme nous avons pu le constater sur place, ce projet de réaménagement de grande ampleur concerne uniquement le centre de la ville mais la zone du port reste à l’écart. Qu’adviendra-t-il de ces espaces ? D’ici une cinquantaine d’années, les puits de pétrole au large d’Aberdeen seront épuisés et cela mènera à la cessation de toutes les activités liées à l’or noir. Il va donc être nécessaire de penser à l’avenir de ces immenses quais proches du centreville.

Directeur d’études : Clémence DUPUIS Responsable du Master : Stéphanie DAVID


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