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Introduction

La technique de production de framboises hors sol sous abris s’est d’abord développée en Europe (Landry, 2013). L’Angleterre, les Pays-Bas, la Belgique et l’Allemagne ont particulièrement innové dans ces façons de produire, mais plusieurs pays européens les ont adoptées à leur tour (Norvège, Suisse, France, Espagne, Italie) (Landry, 2020). Des équipes de recherche travaillent toujours à la mise au point de ces techniques : citons par exemple Delphy aux Pays-Bas (Heijerman, 2021), Agroscope en Suisse (Ançay et Carlen, 2015) ou la Norwegian Institute of Bioeconomy Research en Norvège (Sønsteby et coll., 2013).

Le développement de cette technique avait pour but de répondre à une problématique de fatigue des sols, essentiellement liée à la présence de Phytophthora fragariae var. rubi causant le pourridié des racines, qui engendre le dépérissement des framboisières en plein sol. Les systèmes hors sol permettent de cultiver ces sites devenus défavorables à la culture de plein champ. Cela permet également de mettre en culture des sites qui ne seraient pas propices à la culture de la framboise pour de multiples autres raisons. La culture sous abris ne fait pas exception. En effet, avec l’utilisation de plus en plus populaire d’abris pour protéger les cultures des intempéries, survient une contrainte au niveau des rotations de culture. En cultivant en pot, les plants peuvent alors être déplacés d’un abri à l’autre si nécessaire ou, le cas échéant, ils peuvent demeurer sous les mêmes abris plusieurs années durant.

Émergence de la culture de la framboise sous abri et hors sol au Québec

La framboise est un petit fruit cultivé en champ au Québec depuis plusieurs décennies. Selon les données publiées dans le Profil sectoriel de l’industrie bioalimentaire au Québec des quinze dernières années, en 2008, 578 exploitations québécoises récoltaient des framboises sur 465 ha; tandis qu’en 2019, ce sont 505 entreprises récoltant sur 384 ha qui étaient recensées. Ces chiffres démontrent que le nombre d’entreprises a diminué de 13 % et les superficies en récolte de 17 % (MAPAQ, 2008 et 2020). Plusieurs facteurs expliquent ces diminutions. Certaines entreprises ont cessé complètement cette activité agricole; pour d’autres, l’apparition des problèmes de maladies racinaires au champ (pourridié des racines) a eu comme effet de beaucoup diminuer le rendement de leurs framboisières. Certaines rencontraient également des difficultés à percer le marché du gros (épiceries,

supermarchés), car les framboises des variétés cultivées en champ au Québec, non protégées des intempéries, perdent rapidement leur fermeté et leur durée de conservation en postrécolte. Les responsables des achats pour ces établissements leur préfèrent donc les fruits plus fermes provenant de l’importation.

C’est dans ce contexte qu’en 2006, décidés à reprendre ces parts de marché, certains producteurs québécois innovants ont tenté l’aventure de la culture de la framboise en plein sol et hors sol sous grands tunnels. Les premiers essais ont d’abord eu lieu avec des cultivars de framboisiers remontants. De nouveaux cultivars disponibles pour le Québec ont pu être mis à l’essai (p. ex. : Autumn Britten, Autumn Bliss, Caroline, Polka, etc.). Ces cultivars sont moins intéressants à implanter directement en champ, puisqu’ils produisent des framboises prêtes à être récoltées trop tardivement en fin d’été et à l’automne, lorsque les précipitations et les gels hâtifs abîment les fruits. Les grands tunnels ont ainsi permis d’augmenter le rendement commercialisable et de prolonger la saison à l’automne.

Vers 2014, la production de framboises d’été selon la technique « longues cannes » en pots est apparue comme une avenue prometteuse. Ce système permet d’optimiser l’usage des abris en réalisant l’année de production végétative dans une zone pépinière, puis de déplacer les plants sous les abris dans leur année de fructification. La maîtrise de ces nouvelles techniques, combinée au bon choix de cultivars, augmente de façon importante le rendement à l’hectare : celui-ci passe de 3 000 kg/ha en champ à près de 20 000 kg/ha sous abris (Brillant, 2017; Larivière, 2017; Pouliot, 2019).

En 2021, la production de framboises sous abris parapluie et grands tunnel (plein sol et hors sol, combinés) a été réalisée sur plus de 45 ha par 41 entreprises québécoises. Le développement de la filière framboise hors sol passera notamment par l’accessibilité des cultivars répondant aux marchés visés, à la mise au point et à la maitrise des techniques de production ainsi qu’à l’accès à des aides financières. C’est donc un travail conjoint entre tous les acteurs de la filière : les pépiniéristes, les producteurs, leurs conseillers et les acheteurs, qui permettra à cette filière de bien se développer.

Avantages et inconvénients de la culture hors sol

Au Québec, l’intérêt pour la culture de framboises hors sol réside dans la possibilité de cultiver des variétés non rustiques, mais d’intérêt commercial. Tulameen en est un exemple, puisqu’il s’agit d’un cultivar non rustique, offrant

une qualité de fruit exceptionnelle pour le marché frais local. Comme les plants sont en pots, il est ainsi possible de les coucher sous des protections hivernales, ce qui leur permet de survivre sous les conditions prévalant au Québec. Une autre méthode consiste à entreposer les pots dans des chambres froides à température contrôlée pour toute la période hivernale et de programmer les sorties de plants au printemps suivant, afin d’étaler la période de récolte. La culture hors sol permet également d’avoir une zone pépinière sur l’entreprise pour la phase végétative et de déplacer les plants dans les abris seulement pour la phase de production de fruits.

Grâce au développement de la culture hors sol, la production peut s’étendre à différentes régions, sur des sols au potentiel agricole moins favorable ou sur des entreprises ne disposant que de très petites superficies. Cette technique, combinée au bon choix de cultivar, offre l’opportunité aux producteurs qui la maîtrisent d’obtenir des rendements forts intéressants.

Comparativement à la culture en plein sol, le hors-sol nécessite de très bonnes connaissances techniques, un suivi rigoureux de la culture et beaucoup de main-d’œuvre. Les coûts de production et les investissements sont d’ailleurs très élevés, d’où l’importance de commencer à petite échelle et d’être bien accompagné. Ce guide vise donc à outiller les producteurs et leurs conseillers intéressés par la technique de production hors sol.

Note sur la production biologique hors sol

Bannie dans divers pays d’Europe, la production biologique hors sol des framboises est actuellement acceptée au Canada. Toutefois, les pratiques à recommander ne sont pas encore solidement établies. Actuellement, des discussions sont en cours quant aux techniques applicables et aux volumes de substrats recommandés, entre autres. C’est pourquoi ce mode de production n’a pas été abordé en détails dans le présent guide.

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