L’aide pédagogique spécialisée : repères et méthodologies

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SOMMAIRE

Présentation : de l'outil à la méthode José Seknadjé-Askénazi

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Ajuster Comprendre, aider à comprendre : ajuster la position de l'enseignant spécialisé à la difficulté de l'apprenant José Seknadjé-Askénazi L'utilisation des bilans psychologique et neuropsychologique dans les aides spécialisées à dominante pédagogique Danièle Toubert-Duffort, Dimitri Afgoustidis et José Seknadjé-Askénazi

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Étayer Comprendre, exprimer, expliquer Patricia Sigwalt Les aides autour de l'écrit Équipe de formation « réseaux d'aides » de l'INS HEA Une activité articulant apprentissage et expression Marie-Françoise Olsem

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Analyser Le maître E, un praticien de l'analyse ? Jacqueline Puyalet et Danièle Toubert-Duffort Neuropsychologie et résolution des difficultés d'apprentissage Marie-Anne Sandrin-Bui et José Seknadjé-Askénazi

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Projeter L'intention étrange du projet d'aide pédagogique José Seknadjé-Askénazi Méthodologie du projet d'aide Jean-Luc Guyot

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Interagir Le travail du maître spécialisé avec la classe et le maître de la classe Bruno Egron Le mémoire professionnel José Seknadjé-Askénazi

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Prévenir Les actions de prévention dans le travail de l'enseignant spécialisé chargé des aides à dominante pédagogique Jean-Luc Guyot De l'oral à l'écrit : continuités et ruptures d'apprentissage Équipe de formation « réseaux d'aides » de l'INS HEA

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Accompagner La pragmatique du projet d'aide Jean-Luc Guyot Le travail sur les compétences de récit avec des élèves en difficulté Valérie David

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Présentation : de l'outil à la méthode José SEKNADJÉ-ASKÉNAZI

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orsque nous avions mis en chantier, au début de l'année 1998, le premier volume publié dans cette collection (Élèves en difficulté : les aides spécialisées à dominante pédagogique), nous ne nous doutions pas vraiment qu'entre sa parution originale (2000) et aujourd'hui (2007) la demande ne se tarirait pas, conduisant à sept impressions (une par an) et trois actualisations. D'autres ouvrages, écrits par d'autres auteurs et correspondant à des problématiques parfois très différentes, sont venus alimenter la réflexion pédagogique autour des aides spécialisées. Mais les remarques et suggestions des enseignants concernant notre travail se sont succédé, pour nous inciter à compléter le propos. En particulier autour de cette idée qu'à côté d'outils fermés (parfois trop fermés) et de problématiques générales (parfois trop générales) l'enseignant spécialisé, quelle que soit son « option », a besoin de repères et de méthodologies de travail, qui encadrent l'action sans pour autant l'obliger à des programmations difficiles à partager avec ses collègues. Ma collègue Joëlle Pojé a entamé une retraite bien méritée, notre équipe de formation et de recherche s'est notablement renouvelée… Nous pouvions ajouter au premier ouvrage, mais le résultat aurait risqué d'être un peu hétérogène, ou indigeste. On a donc préféré engager un opus à la fois complémentaire (en gardant le type de présentation qui avait permis les facilités de maniement et de lecture du premier travail, en ne reprenant pas les axes déjà suffisamment explicités) et spécifique. Le présent ouvrage s'adresse d'abord : - aux maîtres spécialisés en exercice ; - aux maîtres spécialisés en formation, que cette dernière s'effectue dans les IUFM (formation classique en alternance dans le cadre de la préparation au certificat d'aptitude), ou dans des contextes départementaux (formations d'adaptation à l'emploi, formations au travail en réseau) ; - aux professeurs des écoles se préparant à la certification en candidats libres.

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Présentation Mais il a été conçu de telle sorte que tout enseignant ou cadre éducatif concerné par la question de la difficulté scolaire puisse y trouver matière à réflexion et pistes de travail. On demande en premier lieu aux enseignants spécialisés de ne pas perdre de vue les exigences scolaires, c'est-à-dire la maîtrise des compétences de base qui permettront aux enfants en difficulté par rapport à l'apprentissage de poursuivre leur scolarité dans le milieu le plus « ordinaire » possible. On exige en même temps de ces maîtres des aptitudes professionnelles élevées, tant dans les domaines de l'observation et de l'évaluation que dans ceux de la prévention et des élaborations de projet : projet personnalisé de scolarisation, projet de réseau, projet d'école, projet personnalisé de réussite éducative, projet de groupe (groupe-classe ou regroupement d'adaptation de quelques élèves, mais aussi parfois groupe spécifique rendu nécessaire par la collaboration avec les enseignants généralistes au niveau pré-élémentaire ou élémentaire). Les maîtres spécialisés, aussi bien les maîtres « E » que ceux des autres options, sont réputés travailler en équipe - équipes de réseaux, équipes d'écoles, équipes de suivi ou d'accompagnement -, s'identifier de façon ouverte à la fois vis à vis des parents et des multiples instances (souvent extérieures à l'école) qui interviennent auprès des élèves en difficulté ou handicapés. Les questionnements de ces spécialistes rejoignent donc la majorité des préoccupations actuelles concernant l'adaptation scolaire, la prévention et l'aide individualisée : le souci des points de repère et des méthodologies de travail leur est devenu central, induisant des interrogations professionnelles auxquelles seule une réflexion (une « analyse ») renouvelée concernant leurs pratiques peut tenter de répondre. L'ouvrage, pour ce faire, a été organisé autour de sept parties (ou chapitres), renvoyant toutes à une dimension essentielle des actions d'aide pédagogiques : ajuster, étayer, analyser, projeter, interagir, prévenir et accompagner. Mais les auteurs des contributions ici réunies ont privilégié un découpage « à la carte » rendant possible au lecteur le choix de son parcours, en fonction de ses préoccupations particulières. Cette publication est donc susceptible de se voir consultée ou parcourue en référence à un point spécifique, elle pourrait aussi servir de référence dans le cadre de formations ou de travaux de groupes. La difficulté d'apprentissage s'avère inhérente… à l'apprentissage. Quand il s'agit vraiment de dépasser l'état antérieur des compétences intellectuelles et/ou fonctionnelles, le risque d'échec pointe. Pour autant, dans les situations courantes (même face à certains obstacles par malchance cumulatifs, si pourtant la compréhension et l'intériorisation des contenus cognitifs visés sont étayées sur des appuis pertinents), la difficulté se verra surmontée. Quel est donc au juste le risque d'échec véritable, par rapport auquel la médiation de l'enseignant spécialisé devient nécessaire ? Ici peut-être la méthodologie spécifique aux pages qui suivent se découvrira-telle tant soit peu originale. C'est que nous ne sommes pas persuadés que l'échec psychique ait seulement à voir avec son étymologie immédiate. N'en déplaise à 8


certains, qui voient dans la « mise en échec » du roi indice que la difficulté soit toujours rapport d'empêchement par l'autre, donc que le problème de l'apprentissage soit d'abord celui du pédagogue (« mauvais », il inhiberait) : la conquête de la compréhension, de la connaissance, est d'abord affaire d'ajustement. Il n'y a pas nécessairement « faute » initiale de l'enseignant, quand l'élève a du mal, et on voit de nombreuses parties où le camp qui s'était trouvé mis en échec finit par gagner la partie. La difficulté n'est pas la fin du jeu d'apprentissage, plutôt une de ses composantes, par rapport à laquelle il s'agit de faire avec - fierté de l'enfant qui finit par imaginer sans se tromper, « dans sa tête », le parcours de la pièce sur l'échiquier. Peut-être la métaphore de l'échouage se révélerait-elle encore mieux parlante. Car on échoue - on s'échoue1, souvent - par : - manque de moyens adaptés (une quille trop profonde sur des bancs de sable affleurants, trop fine au milieu de la tempête, quelque chose comme la question d'un handicap lourd non compensé) ; - erreur de parcours (on n'avait pas anticipé, pas pu anticiper l'étroitesse du chenal, ou les vagues), erreur dans la lecture des cartes ; - maladresse de pilotage ; - cumul de tels défauts d'ajustement. Aussi bien la question de la conquête renvoie-t-elle d'abord l'apprenant à luimême, à son utilisation de ressources suffisantes, de stratégies satisfaisantes. Et l'enseignant spécialisé aura-t-il d'abord à l'accompagner, pour s'ajuster à lui : la question de la méthode devient essentielle pour l'enseignant spécialisé, elle excède la question des outils (la meilleure drisse du monde ne sert à rien, si le matelot n'a pu apprendre à l'utiliser). Exemple, pour introduire aux repères et méthodologies développés dans l'ouvrage : Gokhan, éléve de CE1, avait entamé son cursus scolaire de façon un peu désordonnée, à la suite des déménagements répétés de sa famille, plutôt démunie matériellement et culturellement. Dans ses productions orales la syntaxe n'est pas toujours précise, et le vocabulaire utilisé est limité à la vie pratique. Le langage scolaire s'avère donc souvent peu « parlant » pour lui, en particulier lorsque les usages lexicaux se compliquent : quand il lit « je porte des lunettes… » et qu'on lui demande d'expliquer ce que signifie « porter », il ne va pas au-delà de la signification littérale : « soulever ». Mais depuis quelque temps il ose demander des explications à propos des mots qu'il ne comprend pas : c'est un élève volontaire, qui a envie de réussir, qui a des projets de vie, veut aller au CE2, au CM1, au collège, au lycée, et devenir policier. S'il reste donc en général sur les seules définitions qu'il maîtrise et ne s'aide pas du contexte pour ajuster les significations (la plupart du temps son effort d'apprentissage de la lecture est limité à l'oralisation des mots), il traite pourtant assez efficacement les informations écrites lorsqu'il dispose d'un support visuel adapté (illustrations par exemple). Il s'écarte alors du simple « décodage » et travaille plus efficacement. 1. Ici s'éclaire le sens réel des problèmes de « motivation » ou d'« investissement » maladroitement pointés dans certaines fiches de signalement : quand l'esquif menace de sombrer tout entier, le pilote préfère souvent arrêter net son trajet, ayant l'impression qu'au moins ainsi se verront sauvegardés d'ultérieurs possibles. Mais pour que reprenne le périple il y aura besoin de solides garanties - la trahison du pacte didactique a un prix.

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Présentation Gohkan parvient à distinguer une lettre d'un chiffre, reconnaît le point d'interrogation mais ne sait pas à quoi il sert, n'est pas non plus encore au clair sur les mots « phrase », « ligne », « texte », « question » - lorsqu'on lui demande de lire la troisième phrase, il tente de déchiffrer la troisième ligne. Le projet d'aide s'attachera donc d'abord à faciliter la prise en compte des informations contenues dans des énoncés oraux et écrits de base. Il s'agira d'amener Gohkan à prendre en compte la globalité de l'énoncé, à approfondir les liens de cause à effet, à retrouver les relations entre les informations fournies, à prendre en compte les indices permettant de repérer le contexte. Cette considération du contexte rendra plus aisé l'accès à la signification des énoncés dont le vocabulaire ne serait pas encore maîtrisé, ou dont la correspondance avec des éléments de réalité connus n'irait pas de soi. Une reformulation fréquente de ce qui a été lu, pour apprendre à regrouper et résumer les informations (effectuer une synthèse progressive des éléments importants) lui sera demandée : il est question de l'amener à mobiliser dans sa mémoire les savoirs pertinents permettant de relier entre elles les diverses informations qui lui parviennent. En outre, au fur et à mesure de ces activités, une reprise systématique des notions concernant le maniement du texte sera conduite : - repérer le texte, la ligne, la phrase, la majuscule… - expliquer à quoi ça sert ; il est important que Gohkan comprenne le mode de fonctionnement des écrits.

Nous avons donc préféré le modèle de la désintrication pédagogique des difficultés, qui permet de les affronter, à cette habitude commode - trop commode - de suggérer à l'enseignant spécialisé tel outil miracle pour telle difficulté standard. Laquelle ne se rencontre en fait jamais de manière isolée. À cette problématique de fond la construction progressive de notre ouvrage a tâché de correspondre, y compris dans son détail : les révisions successives et multiples, jusqu'à harmonisation finale, de certaines contributions empêchent de leur assigner une liste d'« auteurs » parfaitement exhaustive. Mais il faut signaler, et souligner, qu'elles correspondent à des travaux impliquant - outre les contributeurs référencés en articles signés et les praticiens désignés en notes - de nombreux collègues, ex-collègues et enseignants spécialisés. En particulier : Fabienne Rondelli, Philippe Lestiévent, Christelle Derelle, Laurent Cosnefroy, Brigitte Bayet, Cécile De Wilde, Paul Fernandez, Françoise Beaujour, Sylvie Hecquet, Nathalie Lemaine, Christiane Gnagna, Carine Auboin, José Rios-Passagem, Christiane Loupias, Martine Fouli, Odile Charles, Michel Lévidis, Joëlle Pojé… Par delà un temps quelquefois court, parfois long, l'ouvrage leur doit à chacun beaucoup. Et nous serons heureux de bénéficier de toutes remarques ou suggestions permettant d'améliorer cette publication. Bonne lecture…

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