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La Suisse reste au top de la performance

Notre pays demeure à la pointe de la compétitivité et de l’innovation, selon deux classements publiés cet été. La discipline financière helvétique, avant et pendant la pandémie, a payé. Mais des nuages bourgeonnent au loin au niveau de la recherche.

TEXTE JEAN-FRANÇOIS KRÄHENBÜHL JEAN-FRANCOIS.KRAHENBUHL@CVCI.CH

La crise sanitaire n’a en rien altéré la compétitivité de l’économie suisse. Mieux, notre pays a fait preuve d’une résilience remarquable à en croire la 33e édition du classement mondial de la compétitivité de l’IMD. L’institut de management, sis à Lausanne, a mesuré l’impact de la pandémie de Covid-19 sur la compétitivité économique. Les pays d’Europe occidentale caracolent en tête de ce classement et, ô bonne surprise, la Suisse y figure à la première place pour la première fois. Elle est suivie de la Suède (6e l’an dernier) et du Danemark (2e en 2020). Les Pays-Bas (également 4es l’an dernier) complètent le top 5, suivis de Singapour, qui a abandonné la première place qu’elle occupait ces deux dernières années. Les économies européennes ont ainsi mieux surmonté la crise sanitaire que la plupart des autres régions.

Les auteurs de ce hit-parade de la compétitivité observent que des qualités telles que l’investissement dans l’innovation, la numérisation, les prestations sociales et le leadership résultant de la cohésion sociale ont aidé les économies à mieux surmonter la crise, leur permettant de se classer avantageusement. Sur le site de l’IMD, Arturo Bris, directeur de l’IMD World Competitiveness Center et professeur de finance, estime que «bien que la Suisse ait mis du temps à lutter contre la pandémie, elle n’a pas compromis sa croissance économique future, car elle a conservé une stratégie financière disciplinée en ne dépensant pas trop ».

La compétitivité, c’est bien, mais que serait-elle sans l’innovation? De ce point de vue, la Suisse tutoie également les sommets. Selon le Tableau de bord européen de l’innovation publié cet été par la Commission européenne (CE), notre pays est leader en la matière en Europe. Il précède les 27 Etats membres de l’Union européenne (UE). Cependant, seule Zurich intègre le top 5 de la liste des villes européennes les plus innovantes.

La Suisse a obtenu les meilleurs résultats dans les sept indicateurs utilisés pour établir ce classement. Sont notamment mis en exergue son système de recherche attrayant, la qualité de sa main-d’œuvre et ses experts bien formés. Depuis 2014, toutefois, l’écart entre l’UE et la Suisse en matière de force d’innovation s’est réduit, révèle le classement. Le Tableau de bord européen de l’innovation compare les performances en matière d’innovation des pays de l’UE, des autres pays européens et des pays voisins de la région dans le cadre d’une analyse comparative, évaluant les forces et faiblesses relatives des systèmes d’innovation nationaux.

En marge de ces classements, il faut rappeler combien les programmes-cadres européens, comme Horizon Europe, doté d’un budget de dizaines de milliards d’euros, contribuent à accélérer l’innovation en Europe. La Suisse a pu bénéficier de cette manne jusqu’alors. Selon le Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI), ces programmes constituent la deuxième source de financement privilégiée après le Fonds national suisse. Cependant, depuis que le Conseil fédéral a renoncé à l’accord-cadre, le 26 mai dernier, la donne a changé. Le 12 juillet dernier, la Commission européenne a communiqué au SEFRI que la Suisse est considérée jusqu’à nouvel ordre comme un pays tiers non associé à Horizon Europe pour tous les appels à projets de l’année 2021.

Le SEFRI a réagi sur son site Web en précisant que ce statut permet néanmoins aux chercheurs de Suisse de participer à Horizon Europe ainsi qu’aux programmes et initiatives qui y sont liés, et de déposer des propositions pour les volets du programme et les instruments d’encouragement qui leur sont ouverts. Cependant, leurs coûts de projets ne seront généralement pas financés par la CE. Dans ce cas, chaque fois qu’une participation sera possible, le financement sera assuré par le SEFRI. Le Parlement a accordé une enveloppe de 6,15 milliards de francs pour permettre à la Suisse de participer au «paquet Horizon » et a déjà décidé d’une possibilité de financement direct pour les chercheurs de Suisse. Une solution temporaire qui, on en conviendra, ne résout rien sur le long terme.

FAIBLESSES INTRINSÈQUES

Julien Guex, responsable de l’innovation au sein de la CVCI, tempère ces bons résultats. « Bien que l’on puisse se réjouir de la bonne position de la Suisse au niveau de l’innovation, il faut toutefois relativiser quelque peu ces performances. La place de notre pays dans ce type de classement est fortement influencée par certaines caractéristiques uniques de notre pays : notamment le poids de son système académique et le nombre de multinationales, parmi le plus dense au monde par rapport à la taille de son économie. Le fait que l’écart avec les autres écosystèmes performants en Europe se réduise doit également nous interpeller. La Suisse se doit, en effet, d’exceller afin de compenser les faiblesses intrinsèques de son écosystème d’innovation, en particulier une taille critique trop faible et la cherté du coût de la vie. »

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