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La « TVA » au secours du climat
Après le refus de la loi CO2, quels outils privilégier pour lutter contre le réchauffement climatique ? Pierre-Marie Glauser, professeur à l’Unil et avocat, propose notamment de miser sur un incitatif fiscal. Il s’agirait d’utiliser la TVA comme vecteur pour prélever – en parallèle à la taxe standard – une « General Green Tax » à vocation écologique.
Face à l’urgence climatique, la prise de conscience collective grandit. Cependant, en juin dernier, la révision de la loi CO2 n’a pas su convaincre au niveau suisse. La nécessité d’agir en faveur du climat n’en est pas moins réelle et les outils à même de nous y aider restent à inventer. « Je ne crois pas à l’utilisation de la TVA comme instrument climatique en tant que tel, parce que seul le consommateur final serait concerné », précise Me Glauser. « Je crois à son utilisation comme outil, ou plutôt vecteur, pour prélever une taxe qui toucherait tout le monde sur le marché, y compris les entreprises. »
Afin de parvenir à un pacte social, l’effet incitatif doit intervenir à tous les stades de la chaîne de valeur, et l’effort concerner tous les acteurs économiques. «La General Green Tax (GGT) serait prélevée comme un supplément de taux sur le chiffre d’affaires réalisé par les entreprises assujetties à la TVA, de la même manière et selon les mêmes règles que la TVA. Mais cette taxe ne serait pas récupérable à titre d’impôt préalable, ni par les consommateurs finaux ni par les entreprises assujetties. » Dès lors, les consommateurs comme les entreprises seraient encouragés à se détourner des produits polluants, alors que ceux qui sont neutres climatiquement ne seraient pas soumis à la GGT. Des légumes produits localement, et qui donc ne seraient pas taxés, se trouveraient avantagés sur le marché suisse. « De plus, le fait de ne pas prélever la GGT sur les opérations localisées à l’étranger ou exportées réduirait le risque de pénalisation s’agissant de la compétitivité internationale de nos entreprises», souligne Me Glauser. UNE TAXE HYPER-ÉVOLUTIVE
La solution qu’il propose a trois spécificités intéressantes. Elle concerne potentiellement tous les secteurs – pas uniquement les carburants, les énergies fossiles et les billets d’avion. De plus, puisqu’elle s’appuie sur le système en place pour la TVA, elle permet d’éviter de créer un nouvel appareil étatique et de voir se multiplier à l’avenir les organes de perception et de contrôle. Enfin, elle semble assez facile à mettre en œuvre. « Il s’agit de greffer sur la ‹plateforme› dédiée aujourd’hui à la TVA, une taxe hyper-évolutive qui servirait, par exemple, à financer les énergies propres ou à mettre en place l’infrastructure indispensable à la transition écologique. »
Vous l’aurez compris, le système imaginé a un objectif incitatif. L’idée est d’influencer les comportements pour que les meilleures options soient privilégiées, par les individus comme les entreprises. « Le bâtiment, l’industrie, la production alimentaire mais aussi les services, tous sont concernés par l’impact climatique, souligne Me Glauser. Seule une approche globale permettra de répondre aux enjeux. La GGT s’appliquerait sur les prestations (biens ou services) identifiés comme devant être pénalisés pour des motifs climatiques. Le jour où tous les acteurs se conduiront correctement, cette taxe disparaîtrait.»
UN DÉBAT ESSENTIEL
Instaurer une telle surtaxe exigerait toutefois une nouvelle base constitutionnelle dont Me Glauser propose une formulation. « Il faut la double majorité – des cantons et du peuple – pour décider d’un changement constitutionnel », note Me Glauser. « Mais dans le cas précis, cela semble à la fois crucial démocratiquement et faisable, notamment parce qu’une mise en place par étape et type de produits et services est possible, mais aussi car l’ensemble des acteurs économiques sont touchés, incités à faire mieux et – à leur mesure – à participer à la solution globale.»
Il reste à résoudre la question des produits soumis – ou non – à cette surtaxe, et celle du niveau des taux. Là réside en effet toute la difficulté. Une volonté forte s’annonce nécessaire. Quant au débat, il sera forcément complexe politiquement. «En choisissant ce chemin, notre pays pourrait ‹faire école› et obtiendrait les ressources nécessaires – sur une certaine période – à sa transition écologique», conclut Me Glauser. « En Suisse, la TVA a rapporté 22,5 milliards en 2019, une surtaxe de 1 % rapporterait ainsi 2,9 milliards ; de 0,5 %, 1,4 milliards… Cela représenterait beaucoup d’argent à investir très concrètement en faveur du climat, mais au plus court terme possible. »
EN SAVOIR PLUS « 25 ans de TVA ! Et demain : Une TVA verte ? – De l’utilisation de la TVA comme outil climatique», par Pierre-Marie Glauser, accessible sur https://bit.ly/3rnaCeP