seminaire2011-beaunieux

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Peut-on améliorer les résultats des prises en charge en fonction du profil des patients ? Approche en neuroimagerie H. Beaunieux, A.L. Pitel, A.P. Le Berre, C. Cauvin, C. Lannuzel, F. Vabret, F. Eustache.

Alcool, dépendance et traitements : état des lieux et perspectives

Paris, Octobre 2011


Contr么le

Alcoolo-d茅pendants

Atrophie

Atrophie du corps calleux

Dilatation ventriculaire

Rosenbloom et Pfefferbaum, 2008


Hippocampe Beresford et al., 2006

Corps mamillaires Sullivan et al., 1999

Cervelet Sullivan et al., 2003


AL<CS

Influence de l âge de la première consommation d alcool sur la macrostructure du cerveau

Atteinte cérébrale étendue Chanraud et al., 2007


Pfefferbaum et al., 1996

Rosenbloom et Pfefferbaum, 2008


Atteintes des fibres: -Mésencéphale-Pont -Mésencéphale-Thalamus

MésencéphaleThalamus Mésencéphale-Pont Pont-Cervelet

Chanraud et al., 2008


Quelles conséquences pour la prise en charge ? A. Liens avec les déficits neuropsychologiques

Mémoire Fonctions exécutives Prise de décision Motivation


Mémoire

Chanraud et al. (2009). PlosOne.

Difficultés à: Se rappeler des situations à risque Anticiper les futures situations à risque Imaginer le contexte spatial (bar, maison…) et temporel (seul, avec amis, le soir…) Se rappeler de la sensation de craving


Corrélations avec la flexibilité mentale Alcooliques Contrôles

MésencéphalePont

Syndrome de déconnexion entraînant notamment une atteinte de la flexibilité mentale Incapacité à envisager d autres alternatives Risque de rechute ++

Chanraud et al., 2008


Prise de décision Tâche de simulation de casino

A et B: tas de cartes désavantageux C et D: tas de cartes avantageux Cortex ventromédian: aspect émotionnel et social Cortex cingulaire: aspect cognitif Hippocampe: mémoire et apprentissage Comportements à risque: incapacité émotionnelle et cognitive à anticiper les situations à risques Risque de rechute ++

Le Berre et al., Addiction, Soumis


Mo.va.on Modèle du changement et stades motivationnels

Prochaska et DiClemente, 1982

Questionnaire Readiness to Change

31 alcoolo-dépendants en début de traitement

Le Berre et al., Addiction, soumis


Quelles conséquences pour la prise en charge ? B. Mieux dépister les pa>ents alcoolo-­‐ dépendants à risque de syndrome de Korsakoff


Continuum?

Sullivan et Pfefferbaum, 2009


Analyse de conjonction

Effet de l alcoolisme Pitel et al., Neurology, Soumis

KS<CS et KS<AL

Peu de spécificité du SK comparativement à l alcoolisme


Substance grise

**

*


Intérêts

Sevrage

Imagerie cérébrale

Pas d’a:eintes cérébrales

A:eintes cérébrales  troubles cogni.fs

Récupéra(on cogni(ve Prise en charge standard

Retard de la prise en charge

Ajustement de la prise en charge

Consomma.on contrôlée ?

Allongement de la prise en charge

Techniques de réhabilita.on


Limites  Outils d imagerie sophistiqués non accessibles aux services cliniques (IRM 3T, DTI)  Données issues d études de groupe ne permettant pas aux cliniciens d en dériver un indice individuel fiable permettant adapter le parcours de soin  Hétérogénéité ++ des atteintes cérébrales et des troubles cognitifs associés  Absence de prédicteurs cliniques fiables de la sévérité de l atteinte cérébrale


Inserm-­‐EPHE-­‐UCBN U923 Neuropsychologie cogni0ve et neuroanatomie fonc0onnelle de la mémoire humaine

Francis Eustache

Fausto Viader

Anne Lise Pitel Anne Pascale Le Berre François Vabret

Céline Cauvin

Coralie Lannuzel

Ludivine Ritz


H BEAUNIEUX 12/10/2011 En introduction, il me semble important de vous dire que, malheureusement, en considération de la question posée, je n’ai pas de solution miracle à vous apporter aujourd’hui. La consommation excessive et chronique d’alcool peut entraîner chez certains patients une atrophie cérébrale que l’on peut repérer de façon très générale sur une IRM clinique par un élargissement des sillons et une dilatation ventriculaire. Par ailleurs, l’atrophie du corps calleux peut parfois être repérée à l’œil nu lorsqu’elle est sévère. Néanmoins l’absence de comparaison à un échantillon de sujets contrôles en clinique courante permet difficilement de repérer les atteintes modérées et de préciser les régions spécifiquement atteintes (diapositive n°2). Les travaux expérimentaux sur la substance grise ont identifié un certain nombre de régions particulièrement sensibles aux effets délétères de l’alcool. La méthode des régions d’intérêts a notamment permis de décrire une perte de densité de substance grise dans des structures fondamentales pour le fonctionnement cognitif, comme l’hippocampe et les corps mamillaires (impliqués dans la mémoire) ou encore le cervelet, impliqué dans la motricité et les fonctions exécutives. Toutes ces fonctions cognitives sont très sollicitées par les prises en charge cliniques dans les services d’addictologie (thérapie motivationnelle, TCC). Les travaux ayant considéré l’ensemble du cerveau (approche « whole brain ») (diapositive 4), ont montré que sont également touchées de façon très significative des régions tout à fait fondamentales dans l’inhibition des habitudes de consommations et dans la projection vers une autre habitude de vie : les lobes frontaux, tant sur les régions latérales que sur les régions médianes. La sévérité de cette atrophie est parfois modulée par des variables qualifiant l’histoire alcoolique comme l’âge du premier verre ou encore le nombre de sevrages. Concernant la substance blanche, il est classiquement rapporté une atrophie du corps calleux chez des patients présentant des conséquences cérébrales de leur abus d’alcool, atrophie qui va toucher essentiellement le corps et le genou du corps calleux. Plus récemment il a également été décrit une atteinte des réseaux des fibres blanches et notamment les faisceaux reliant le mésencéphale et le pont (en rouge sur la diapositive 6) et ceux qui font le lien entre le mésencéphale et le thalamus (en bleu marine sur la diapositive 6). Quelles sont les conséquences de ces atteintes cérébrales ? Les premières conséquences observables sont les conséquences cognitives observées chez certains patients, notamment sur la mémoire, les fonctions exécutives, la prise de décision et la motivation à changer de comportement. Les compétences de mémoire sont notamment sous-tendues par le système limbique dont certaines structures peuvent subir les effets délétères de l’alcool. S Chanraud a, par exemple, montré que les troubles mnésiques des patients alcoolo-dépendants étaient notamment liés à l’atteinte microstructurale de l’hippocampe. Ces troubles mnésiques peuvent avoir des conséquences directes sur la prise en charge de ses patients. En effet, le travail fait avec les patients lors des ateliers prévention de la rechute implique notamment l’identification et la remémoration d’évènements concernant les différentes situations à risque de réalcoolisation. Cela implique pour les patients de pouvoir se rappeler précisément des habitudes de consommation, de la sensation de craving ; des contextes associés aux alcoolisations passées et de revivre la façon dont les précédentes rechutes se sont déroulées. Toutes ces situations font peu ou prou appel aux compétences de mémoire.


Les atteintes microstructurales de la substance blanche ont également des conséquences cognitives. Ainsi, l’étude de S Chanraud a mis en évidence l’existence d’un lien entre l’atteinte des faisceaux de fibres blanches reliant le mésencéphale au pont cérébral et les difficultés de flexibilité mentale des patients (diapositive 9). La flexibilité cognitive est une compétence cognitive tout à fait fondamentale pour d’envisager une autre façon de vivre, inhiber les habitudes sur-apprises (telle que la consommation d’alcool) pour envisager d’autres alternatives. On peut donc présager que les patients alcoolo-dépendants les moins flexibles seront les plus résistants au changement et donc les plus à risques de rechutes. Anne Pascale Leberre a ainsi montré dans notre équipe à Caen que ces déficits cognitifs ont des conséquences sur des activités plus complexes comme la prise de décision ; activité continuelle des patients alcoolo-dépendants qui essayent de maintenir une abstinence. Nous avons montré que ces déficits de prise de décision (évalués par l’intermédiaire d’une tâche de simulation de casino) semblent liés à l’atrophie de certaines régions frontales, cingulaires et temporales internes chez certains patients alcoolo-dépendants. Enfin, nous avons montré que les atteintes cérébrales et les troubles neuropsychologiques associés pouvaient expliqués une part de la résistance au changement chez certains patients alcoolo-dépendants. Nous avons évalué le stade motivationnel de 31 patients alcoolo-dépendants à l’entrée dans le service d’addictologie du CHU de Caen. Nous avons également réalisé une évaluation neuropsychologique approfondie de ces patients qui ont aussi bénéficié d’une imagerie cérébrale (IRM 1.5T). Le premier constat est que tous les patients ne sont pas au même stade motivationnel à l’entrée dans le service : 68 % sont au stade de l’action alors que 29 % sont au stade de la contemplation et 3 % au stade de la précontemplation. Nous résultats suggèrent que les patients les moins motivés sont également ceux présentant des déficits exécutifs et mnésiques (Le Berre et al., 2012) mais aussi ceux chez qui l’imagerie cérébrale révèle une atrophie frontale marquée (Le Berre et al., soumis). Ces données soulignent l’importance de considérer les patients alcoolo-dépendants les plus à risque de rechute et donc de développer un syndrome de Korsakoff. Néanmoins, les données d’imagerie cérébrales permettent difficilement de caractériser ces patients. En effet, il a été montré l’existence d’un réel gradient d’atteinte cérébrale entre les patients alcoolodépendants sans complications neurologiques sévères vs des patients atteints d’un syndrome de Korsakoff (Sullivan et al., 2009) alors que pendant très longtemps seuls les patients atteints de Korsakoff étaient considérés comme pouvant présentés des atteintes cérébrales. Même les structures comme les corps mamillaires, considérées comme très spécifiques du Korsakoff (en haut à gauche de la diapositive) peuvent être atrophiées chez certains patients alcoolo-dépendants. Une étude très récente de notre équipe a montré qu’il existe peu de spécificités d’atteintes cérébrales entre le syndrome de Korsakoff et les patients alcoolo-dépendants ne présentant pas ce syndrome (Pitel et al., 2012, Neurology). Les deux populations cliniques de cette étude ne se distinguent qu’en termes de sévérité d’atteinte notamment du thalamus. Cette structure est plus spécifiquement altérée chez les patients présentant un Korsakoff vs les alcoolo-dépendants: sur la diapositive 15, on s’aperçoit que l’analyse en cluster montre que les patients atteints de Korsakoff sont à plus de 2 écart-types de la moyenne, des contrôles, mais les patients alcoolodépendants sont très hétérogènes. Ces résultats peuvent amener à deux commentaires : le premier est qu’il existe bien des patients alcoolo-dépendants à risque de développer un syndrome de Korsakoff et le deuxième est que le recours à un examen en IRM ne sera que très peu contributif au diagnostic différentiel entre ces deux formes cliniques d’alcoolodépendance : uns de nos objectifs est donc de rechercher d’autres indices d’imagerie spécifiques du syndrome Korsakoff.


Idéalement ces indicateurs en imagerie pourraient avoir pour fonction d’aménager le parcours de soins des patients (dia 16): en présence d’atteintes cérébrales associées à des troubles cognitifs, il pourrait être préconisé un allongement dans le temps de la prise en charge permettant une récupération cognitive pour ensuite proposer une prise en charge standard basée notamment sur des TCC. Face à des troubles cognitifs sévères le bénéfice des TCC semble particulièrement faible. Il faudrait alors envisager un autre type de prise en charge inspiré des techniques de réhabilitation utilisées dans d’autres populations cliniques en neuropsychologie. Enfin, en l’absence d’atteinte cérébrale une prise en charge standard ou une proposition de consommation contrôlée pourrait être envisagées. Cette organisation idyllique se heurte néanmoins à des obstacles majeurs : L’accès à des techniques d’imagerie sophistiquées (IRM 3 T, DTI) n’est pas réaliste en clinique courante. En effet, quel que soit la technique d’imagerie, l’analyse des images et notamment la comparaison à un groupe de sujets sains de référence nécessite trop d’expertise d’ingénierie pour être actuellement réaliste à l’échelle nationale. Enfin, il n’est pas non plus réaliste, pour des questions économiques, de proposer une imagerie cérébrale à tous les patients alcoolo-dépendants. Une des réponses à toutes ces limites serait de pouvoir disposer d’un outil de dépistage des troubles cognitifs spécifiquement rencontrés chez les patients alcoolo dépendants, utilisables par des nonpsychologues et prédictif de l’atrophie cérébrale. C’est l’un des objectifs majeurs du projet francoaméricain « Alcobrain » 2011/2015 mené par notre équipe en collaboration avec E Sullivan et A Pfeffeurbaum de l’Université de Stanford en Californie.

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