Fusion de Sorel et Tracy - 20 ans

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Que retenir de la fusion, 20 ans plus tard? Jean-Philippe Morin jpmorin@les2rives.com

15 mars 2000. Cette date est marquée dans l’histoire régionale. La fusion entre Sorel et Tracy devenait ainsi officielle. Mais 20 ans plus tard, comment se porte la région? Ce cahier spécial tentera, nous l’espérons, de répondre à certaines questions qui subsistent toujours. Tracy a-t-elle été désavantagée par cette fusion? SainteAnne-de-Sorel et Saint-Joseph-de-Sorel regrettent-elles de ne pas s’être fusionnées à Sorel? Une fusion est-elle toujours envisageable avec ces municipalités? L’idée « une ville, une MRC » est-elle viable aujourd’hui? Plusieurs intervenants – très impliqués à l’époque – ont accepté de se confier à nous. Les opinions, bien que semblables dans la majorité des cas, sont encore divisées sur plusieurs aspects de cette fusion. En feuilletant les pages, vous découvrirez ou redécouvrirez plusieurs personnes qui ont rendu ce regroupement possible, mais aussi d’autres qui ont espéré qu’il ne voie jamais le jour!

Le journal Les 2 Rives titrait « Vive SorelTracy! » la veille de la fusion, le 14 mars 2000. Photothèque | Les 2 Rives ©

Historique Un premier pas avait déjà été fait en 1992 lorsque Saint-Pierre-de-Saurel avait été fusionnée avec la Ville de Sorel. Mais tout a réellement débuté le 4 mai 1999 alors que le député de Richelieu à l’époque, Sylvain Simard, a livré un discours devant plus de 300 gens d’affaires de la Chambre de commerce de Sorel-Tracy. À cette époque, soit au tournant des années 2000, plusieurs fusions forcées avaient lieu partout au Québec, mais celle de la région en aura été une volontaire.

Des gens d’affaires se sont donc mobilisés pour former le Regroupement indépendant pour la relance économique de la région de Sorel-Tracy (RIRÉRST), pilotant le comité du OUI. Le vote pour la fusion s’est tenu le 19 septembre 1999. La Ville de Sorel n’a pas voté, puisque son conseil municipal est unanime. Tracy a voté à 64 % en faveur du OUI, tandis que Saint-Joseph-de-Sorel et Sainte-Anne-de-Sorel ont voté NON à respectivement 71 % et 54 %. C’est alors que la transition vers la nouvelle ville de Sorel-Tracy s’est faite, ce qui a mené à l’élection du nouveau maire Marcel Robert, le 5 novembre 2000, par une vaste majorité (59 % des voix). Sur le même bulletin de vote, les citoyens ont opté pour le nom de Sorel-Tracy à 50,7 %, devant Sorel (45,3 %) et Tracy (4,0 %). Plusieurs acteurs de l’époque ont accepté de raconter comment ils ont vécu toute cette aventure : les députés provincial et fédéral Sylvain Simard et Louis Plamondon, l’homme d’affaires Alain Goulet, qui faisait partie du RIRÉRST en faveur du OUI, le citoyen Rosaire Landry, qui militait pour le NON, l’ex-maire de Tracy Émile Parent, l’ancien greffier de Sorel Jean Charbonneau, le maire de la nouvelle ville de Sorel-Tracy après la fusion, Marcel Robert, le maire actuel, Serge Péloquin et le préfet de la MRC de Pierre-De Saurel, Gilles Salvas, qui a assisté à ce changement comme maire à la table de la MRC. Francine Parenteau, ex-conseillère de

Saint-Joseph-de-Sorel et Réjane Salvail, ex-mairesse de Sainte-Anne-de-Sorel, ont aussi expliqué pourquoi elles s’opposaient à la fusion. Une experte en gestion municipale de l’UQAM, Danielle Pilette, a aussi mis son grain de sel dans le cahier, tout comme notre chroniqueuse Louise Grégoire-Racicot, qui a vécu cette fusion comme journaliste.

Référendum de la fusion avec Sorel le 19 septembre 1999 Tracy: Oui à 64 % Saint-Joseph-de-Sorel: Non à 71 % Sainte-Anne-de-Sorel: Non à 54 %

Vote pour le nom de la nouvelle ville le 5 novembre 2000 Sorel-Tracy: 50,7 % Sorel: 45,3 % Tracy: 4,0 %

Élection du nouveau maire de Sorel-Tracy le 5 novembre 2000 Marcel Robert: 59,4 % Marcel Gauthier: 17,0 % Émile Parent: 19,3 % Réjean Dauplaise: 3,0 % Mario Bastiani: 1,3 %

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Un discours qui a tout changé Jean-Philippe Morin | Les 2 Rives

C’est le député de Richelieu de l’époque, Sylvain Simard, qui a démarré la réflexion autour d’une possible fusion entre Sorel, Tracy, Sainte-Anne et SaintJoseph lors d’un discours le 4 mai 1999 devant plusieurs centaines de gens d’affaires, à la salle Jani-Ber. Car à la suite de ce discours, un mouvement s’est créé et le Regroupement indépendant pour la relance économique de la région de Sorel-Tracy (RIRÉRST) a eu le vent dans les voiles pour se lancer dans la fusion. « On ne pouvait rien faire en continuant les chicanes qui duraient depuis 20 ans. Dans tous les dossiers dont j’avais à m’occuper, les chicanes empêchaient d’avancer, d’aller chercher des subventions et d’avoir des plans d’avenir. Le seul moyen de venir à bout de ça, c’était de fusionner les municipalités », explique Sylvain Simard. « À cette époque, tout le monde faisait sa carrière politique sur le dos du voisin, rappelle-t-il. Ça coûtait une fortune en frais d’avocats dans tous les procès qu’il y avait, que ce soit à la MRC ou dans les municipalités. Je pense donc, à ce moment-là, avoir attaché le grelot et remis dans l’actualité ce sujet. » Selon M. Simard, la fusion a été une bonne chose dans les mois qui ont suivi. « Essentiellement, ç’a mis fin aux querelles perpétuelles. Ç’a permis un travail beau-

coup plus harmonieux. On est repartis à neuf avec un nouveau maire quelques mois plus tard ainsi que des projets. Le gouvernement a donné 21 M$ à la région pour qu’elle se développe économiquement et on s’est doté d’un parc industriel majeur. Ça n’aurait jamais été possible sans la fusion », croit-il.

Une fusion volontaire Au même moment, soit dans le tournant des années 2000, le gouvernement de Lucien Bouchard poussait très fort vers les fusions municipales pour des grandes villes un peu partout au Québec. « Mais moi je tenais à ce que ce soit une fusion volontaire et non forcée par le gouvernement. Nous avons rapidement trouvé le moyen de le faire avec un groupe de gens d’affaires, mais aussi la collaboration des deux maires en place, Émile Parent et Marcel Gauthier. Un des deux allait perdre sa job dans l’opération! Ils ont quand même collaboré et été très actifs », relate l’ex-député. Ensuite, une subvention du gouvernement a été nécessaire pour préparer un plan de fusion. « L’important pour moi, c’est que 80 % de la population ait décidé de fusionner. L’essentiel, c’était Sorel et Tracy. J’aurais préféré que Sainte-Anne et SaintJoseph se joignent, ç’aurait certainement aidé à solutionner certains problèmes régionaux comme la route industrielle, mais on a respecté la volonté de la population », avance M. Simard.

Le discours de Sylvain Simard n’a laissé personne indifférent, comme en fait foi la page frontispice du journal Les 2 Rives du 11 mai 1999. Photothèque | Les 2 Rives ©

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Plamondon le militant De son côté, le député de Bécancour– Nicolet–Saurel, Louis Plamondon, agissait surtout comme militant dans le camp du OUI. « Mon rôle était plus en retrait, plutôt dans l’organisationnel, notamment lors du jour du vote. Comme militant et non pas comme dirigeant. J’avais fait des déclarations et publié des textes en faveur de la fusion », explique-t-il. En même temps, le député bloquiste se disait réaliste face à la décision de SainteAnne et Saint-Joseph. « Saint-Joseph recevait (et reçoit encore) la majorité de ses taxes avec QIT, ce qui lui permet d’offrir des services exceptionnels à ses citoyens. Il y avait une crainte, dans la population, de perdre les acquis. À Sainte-Anne, comme la

mairesse [Réjane Salvail] n’était pas favorable, il fallait s’attendre à ce que ce soit difficile », analyse M. Plamondon. Le doyen de la Chambre des communes estime que dans l’ensemble des municipalités du Québec, les fusions ont rapporté, en général, plus de services aux citoyens. C’est la même chose à Sorel-Tracy, croit-il. Mais si on refaisait un référendum 20 ans plus tard, est-ce que le résultat serait le même? « Je ne suis pas certain que ça passerait à Tracy. Des gens me disent qu’ils se sentent encore délaissés à Tracy. Par contre, en montrant les chiffres d’investissements, les gens comprendraient que ce n’est pas le cas, notamment avec le pôle sportif en train de se bonifier, ce qui ne serait pas le cas sans la fusion », conclut Louis Plamondon.


Et la fusion fut! Louise Grégoire-Racicot | chroniqueuse

Quelle époque intéressante que cette période référendaire qui a mené à la fusion de Sorel et de Tracy le 15 mars 2000. Un sujet plus émotif que rationnel. Il y avait 20 ans qu’on en parlait. Ses adeptes y voyaient la seule façon d’ouvrir de meilleurs horizons économiques, ses opposants craignant de perdre beaucoup. Trop. Les gens d’affaires en aimaient la perspective. Plusieurs élus s’en tenaient loin. Ce sont les divergences de vue entre les villes de Sorel et de Tracy – toutes deux en quête d’investisseurs – qui ont accéléré sa concrétisation. Le vase déborda lors d’un diner de la Chambre de commerce où le promoteur d’une usine d’éthanol – considérant s’installer à Tracy – fut interpelé à la suite d’une intervention du maire de Tracy, par celui de Sorel qui lui vanta les avantages qu’il aurait à s’installer dans sa ville. Désolation alors des témoins de ces deux maires se déchirant publiquement pour obtenir une usine devant pourtant employer des gens des deux municipalités et injecter une certaine énergie à la région dévitalisée! Et ce n’était pas le seul dossier du genre. Visiblement, la division bloquait le développement de la région. La situation ne pouvait plus durer. Les deux collectivités ne devaient former qu’une!

Deux conseillers traciens – Carmelle L. Soucy et Michel Berthiaume – déposèrent à deux reprises à la table de leur conseil, une demande d’étude de faisabilité d’une fusion. Sans succès! Il fallut l’intervention musclée du député Sylvain Simard sur l’avenir de la région pour secouer les puces de plusieurs. Les élus de Sorel, Tracy, Saint-Joseph-de-Sorel et Sainte-Anne-de-Sorel consentirent finalement à cette étude. Québec en finança une partie. L’autre le fut par le Regroupement indépendant pour la relance économique de la région de Sorel-Tracy (RIRÉRST), André Lussier, Benoît Théroux et Alain Goulet en tête. Ils présentèrent un projet de fusion à quatre, en discutèrent publiquement de longues soirées avec les citoyens. La campagne référendaire fut menée rondement dans les quatre municipalités. Seul le conseil de Sorel – convaincu du bien-fondé de cette fusion – ne tint pas de référendum sur la question. Dans les trois autres municipalités le vote fut clair : OUI à Tracy, NON à Saint-Joseph et à Sainte-Anne. Plusieurs municipalités avaient vécu des fusions forcées. On souhaitait que celle de Sorel-Tracy soit volontaire. Elle le fut. Mais ce fut une fusion à deux! La dette de Sorel, la vétusté appréhendée de ses infrastructures, leur désir de demeurer autonomes expliquent le NON des deux petites municipalités. D’autant

qu’à l’époque, elles achetaient à moindre prix – souvent grâce à des surenchères – les services de Sorel ou de Tracy, jouant sur le fort désir de chacune d’augmenter ses revenus. Les contribuables de Sorel et de Tracy payaient ainsi plus que ceux des deux autres alors qu’ils étaient confrontés au même problématiques régionales : manque d’emplois industriels et d’habitants, mauvais état de l’environnement et besoin de susciter un esprit entrepreneurial et d’appartenance nécessaires à son redéploiement. L’après-fusion fut loin d’être facile. L’intégration des deux structures administratives aux philosophies fort différentes exigea une souplesse pas toujours évidente aux employés et occasionna le départ de plusieurs cadres qui convoitaient des postes qu’ils n’eurent pas. Conjuguée à la constitution d’un fonds régional de 22 M$ venant de Québec mais administré localement – tel que négocié par le député Sylvain Simard – l’entrée dans le XXIe siècle semblait tout de même prometteuse. Cet argent a notamment permis le dragage du Richelieu et l’achat de terrains pour constituer le parc industriel Ludger-Simard. Une base sur laquelle construire. Depuis 2000, Sorel-Tracy a emboité le pas des municipalités plus ouvertes à jouer les nouveaux rôles qu’on attend d’elles. Un bien gros mandat!

Louise Grégoire-Racicot œuvre depuis une quarantaine d’années au journal Les 2 Rives, dont les deux dernières comme chroniqueuse. Elle a vécu la fusion il y a 20 ans à titre de rédactrice en chef et journaliste. Photothèque | Les 2 Rives ©

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Fusion de Sorel et Tracy : un exemple de réussite Katy Desrosiers | Les 2 Rives

La fusion de Sorel et Tracy est un exemple de réussite qui a apporté une dynamique progressiste à la Ville et l’a beaucoup aidée dans son développement.

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C’est du moins le constat de Danielle Pilette, professeure à l’Université du Québec à Montréal (UQÀM) et spécialiste en gestion municipale. « Peut-être que ça vous a aidé d’être entouré de territoire agricole et de ne pas avoir d’autres compétiteurs qui viennent brouiller les cartes. Tracy n’a pas à se demander “Si on n’avait pas fusionné avec Sorel, on serait avec qui?” », explique-t-elle, en précisant que la fusion était un peu destinée dans le développement des deux villes. Mme Pilette n’est pas surprise que la fusion ait été volontaire. « La communauté est très proactive. On le voit avec le leadership qui s’exerce entre autres en matière de santé. On voit que la communauté veut, malgré sa relative petite taille », précise-t-elle. La professeure du département de Stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’École des sciences de la gestion ajoute que le modèle de fusion connu ici est semblable à celui de certaines villes comme Saint-Jérôme. Sorel, la ville-centre, était industrielle et institutionnelle, avec ses ouvriers, l’hôpital et une grande partie des services. Tracy était une banlieue résidentielle et comportait

Danielle Pilette se spécialise entre autres dans la gestion municipale. Photo Émilie Tournevache, UQÀM

plus d’éléments pour le récréotourisme comme des motels et des restaurants plus spacieux. Avec la fusion, un nouveau modèle de ville, moins homogène, se crée. Une ville avec plus de diversité nait, à condition que la fusion soit bien acceptée. Dans certains cas, il peut rester des clivages et plusieurs années plus tard, des banlieues souffrent encore d’un trou de service. Par contre, elle ne croit pas que ce soit le cas à Tracy. Mme Pilette explique qu’une fusion est plus productive lorsqu’elle se produit tôt dans le développement de la banlieue

puisque les équipements publics ne sont pas à maturité et ils peuvent être orientés selon les nouvelles réalités. Dans le cas de Tracy, elle était déjà quelque peu avancée dans son développement. « C’est compensé par le fait qu’on voulait arriver à une taille de population qui permette de donner des bons services aux entreprises et pour donner des services de qualité aux individus. […] Je pense qu’elle était axée aussi sur une force accrue de représentation, compte tenu de la compétitivité d’autres villes en Montérégie qui sont plus populeuses », mentionne la professeure.

Une ville, une MRC? Danielle Pilette souligne qu’il est possible de regrouper plusieurs municipalités afin de créer une seule MRC et donne comme exemple Laval. Cependant, dans le cas de Sorel-Tracy, il faudrait analyser la situation sous l’angle des finances municipales. Elle confirme avoir regardé les finances de la ville et remarque qu’elle est très bien gérée. Par contre, les points qui l’inquiètent sont les faibles valeurs foncières et le faible dynamisme du marché immobilier. « La richesse moyenne par unité d’évaluation est très très faible, environ 100 000 $ de moins en moyenne qu’ailleurs, précise-t-elle. La valeur des résidences est très très faible. Vous allez chercher les revenus qu’il vous faut, mais en étant très serrés parce que vous ne voulez pas augmenter trop le taux de taxation. » Comme la situation peut être plus accentuée dans les municipalités avoisinantes, si celles-ci se joignent à Sorel-Tracy, la valeur des maisons serait encore plus basse. « Et ça, ça m’inquiéterait. Comment faire pour donner des services sur une plus grande superficie si l’assiette de richesse foncière qu’elle nous apporte est plus faible? Il faudrait faire des acrobaties. […] Dans certains cas, il est plus favorable de ne pas fusionner, mais plutôt de mettre en place une régie intermunicipale pour offrir certains services sans fusionner », conclut-elle.


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Rien à gagner, tout à perdre Sébastien Lacroix | Les 2 Rives

« Elle est venue les yeux grands et elle m’a quasiment ri dans la face, se souvient-elle. C’était le lundi. Le vendredi, nous avons reçu une lettre comme quoi ils ne nous forceraient pas, mais qu’ils nous recommandaient fortement de le faire. C’est comme ça qu’on s’en est sorti. »

Pour Réjane T. Salvail et Francine Parenteau, deux opposantes de la première heure de la fusion municipale, SainteAnne-de-Sorel et Saint-Joseph-de-Sorel n’avaient rien à gagner à adhérer au regroupement de Sorel et de Tracy.

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« J’ai toujours été contre. Si j’étais encore mairesse et que le même dossier revenait, je serais de moins en moins favorable, observe Réjane T. Salvail qui a été mairesse de Sainte-Anne-de-Sorel pendant 26 ans. On avait tout ce qu’il fallait pour se gérer toute seule. Nous, on ne voyait pas d’intérêt. » Elle se souvient qu’elle et son conseil s’opposaient au développement touristique de Sainte-Anne-de-Sorel et de ses îles. « On n’en voulait pas. Je voulais que Sainte-Anne demeure ce qu’il est avec toute la richesse qu’on avait. D’être maîtres chez nous, explique-t-elle. Nous ne l’avons jamais regretté. Le monde m’en parle encore. » Mme Salvail estime que Sainte-Anne-deSorel aurait toujours été à la merci des décisions prises par Sorel, sans avoir de mot à dire. « On était en harmonie. On achetait des services comme l’incendie, l’aqueduc, le traitement des eaux. On payait notre quotepart. On n’avait pas d’avantages à s’en aller avec Sorel et payer le gros montant, plaidet-elle. Avec ce que je vois aujourd’hui, on n’aurait rien décidé. On aurait toujours été pénalisé. »

Réjane T. Salvail, l’ancienne mairesse de Sainte-Anne-de-Sorel, a toujours été contre la fusion municipale. Photothèque | Les 2 Rives ©

L’ancienne mairesse de Sainte-Anne-deSorel s’était même rendue à Québec pour s’entretenir avec la ministre des Affaires municipales, Louise Arel, afin d’éviter une fusion forcée qui a bien failli être imposée à la Municipalité. Mme Salvail se souvient même d’avoir menacé de prendre les grands moyens pour se faire entendre. Après avoir indiqué à la

ministre Arel que sa municipalité est la seule au Québec où en arrivant au bout du chemin, il n’est pas possible de continuer, elle lui a fait savoir qu’elle aménagerait une porte d’arche avec des quenouilles à l’entrée de la municipalité. « On va être comme les Indiens, on va se retirer de la constitution », lui avait-elle lancé.

« Ça n’a même pas passé près » Du côté de Saint-Joseph-de-Sorel, la conseillère Francine Parenteau et son homologue Georges Pontbriand avaient organisé un comité qui avait cabalé pour ne pas que Saint-Joseph-de-Sorel adhère au regroupement municipal. Elle se souvient que c’était surtout la hausse de la taxation et la perte de services qui étaient les principaux enjeux. « Les usines nous rapportaient beaucoup de taxes et nous aurions payé plus cher, se souvientelle. Aujourd’hui, je ne le regrette pas. Parce que si vous regardez, ils font des travaux plus souvent à Sorel qu’ils en font à Tracy. Nous sommes une petite ville et c’est bien entretenu par les employés municipaux. Tandis qu’à Sorel, l’hiver, il y a des rues qui sont mal ouvertes. » Francine Parenteau ne se souvient pas non plus qu’il y ait eu des incitatifs pour tenter d’attirer Saint-Joseph-de-Sorel à se joindre au mouvement. « Ils pensaient que si Tracy embarquait, nous étions pour embarquer, mais nous n’avons pas suivi, note-t-elle. Ça n’a même pas passé près. »


Pas question de rejouer dans le film de la fusion municipale Sébastien Lacroix | Les 2 Rives

Les maires de Saint-Joseph-de-Sorel et de Sainte-Anne-de-Sorel, Vincent Deguise et Michel Péloquin, assurent qu’ils ne reviendraient pas en arrière pour changer l’histoire. Selon eux, leurs municipalités se portent très bien 20 ans après avoir décliné l’invitation à adhérer au regroupement municipal avec Sorel et Tracy. Pas question non plus de revenir sur le sujet. « Ce n’est pas quelque chose sur lequel nous envisageons de travailler à court terme. Ç’a été d’actualité au début des années 2000, mais aujourd’hui, ce n’est pas ce dont on parle, estime le maire de Sainte-Joseph-deSorel, Vincent Deguise. La décision a été prise il y a 20 ans et je ne crois pas que les gens voudraient retourner jouer dans ce film-là. » À son avis, il n’y aurait pas eu des aspects positifs que la Ville de SaintJoseph soit fusionnée avec le reste de la région. « J’ai de la difficulté à voir ce qui aurait pu être mieux [pour la communauté de Saint-Joseph] en étant fusionné avec les quatre municipalités qui étaient dans le projet à l’époque, ajoute-t-il. Est-ce que les citoyens auraient eu des services autant de

Le maire de Saint-Joseph-de-Sorel, Vincent Deguise. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

Le maire de Sainte-Anne-de-Sorel, Michel Péloquin. Photo Pascal Cournoyer | Les 2 Rives ©

proximité, aussi accessibles? Je ne crois pas. » « La force d’action, on l’a avec la MRC et Saint-Joseph a sa voix. On a la force de notre indépendance locale et de la concertation régionale. Ça nous donne une force d’action

quand on veut agir auprès du gouvernement de façon concertée avec l’ensemble de la population. On est capable de le faire. On l’a fait quand les 12 maires se sont mis ensemble pour réclamer des choses communes à l’ensemble du territoire », plaide-t-il.

Michel Péloquin estime lui aussi que c’est la proximité avec les fonctionnaires et les élus qui a fait pencher la balance du côté de Sainte-Anne-de-Sorel. « Les gens sont convaincus que d’avoir une administration plus près d’eux, c’est ce qui fait la grosse différence », raconte le maire. À l’époque, il était pourtant l’un des leaders du camp du OUI dans la région. Vingt ans plus tard, il admet que, localement, il n’y avait pas vraiment d’avantages pour la municipalité de Sainte-Annede-Sorel. « L’objectif, c’était d’avoir une meilleure cohésion régionale de façon générale sur le plan du développement économique », se souvient-il. « Il y avait deux villes d’à peu près la même importance, Tracy et Sorel, qui étaient souvent en opposition. C’est ce que nous voulions éliminer dans le temps. Quand on a mis en place le référendum pour Sorel et Tracy, on s’était dit tant qu’à y être, intégrons aussi Sainte-Anne et Saint-Joseph, mais ça n’a pas passé. » Le maire ne croit pas que le fait de ne pas adhérer à la grande ville puisse avoir retardé les projets ou son développement. « Ça n’a pas eu d’impact du tout, tranche-t-il. SainteAnne a les moyens. On est en très bonne santé financière. On est capable de répondre à nos besoins. »

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Le développement économique toujours difficile Katy Desrosiers | Les 2 Rives

Vingt ans après la fusion, certaines divergences d’opinions entre les camps du OUI et du NON persistent. L’ homme d’affaires et membre du camp du OUI à l’époque, Alain Goulet, ainsi que le membre du camp du NON, Rosaire Landry, font part de leur vision. À l’époque, la rivalité entre les deux villes était importante et elle ralentissait en quelque sorte le développement économique, plaide M. Goulet. « On avait une ville de 15 000 de population et une de 20 000. Au gouvernement, ça ne sonne pas fort. […] On a été chercher 21 M$ pour la région dans le contexte qu’on s’organiserait pour faire la fusion des quatre villes (Sorel, Tracy, Saint-Joseph-de-Sorel et Sainte-Anne-de-Sorel). On sait ce qui est arrivé », mentionne M. Goulet.

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Une progression Le 21 M$ a quand même été octroyé et il a permis, entre autres, d’embaucher un commissaire industriel, d’acheter des terrains pour développer des industries comme Alstom, d’attirer des entreprises comme Korhani et de réaliser le dragage du chenal. « Ce qu’on n’a pas pu faire, c’est de poursuivre le développement de PME dans la région. On avait une mauvaise réputation, avec des groupes criminalisés », précise-t-il.

Encore aujourd’hui, il affirme qu’il est difficile d’attirer les PME. M. Goulet salue le travail du maire actuel, mais constate qu’il y a tout de même peu de lots disponibles pour accueillir des PME. Les lots sont plutôt grands et disponibles pour des grandes industries. Aussi, il avance qu’il faut davantage développer une culture d’entrepreneurship. « A-t-on progressé? Oui. A-t-on progressé comme on pensait en 2000? En ce qui me concerne, non. Est-ce qu’il y a une possibilité? Je crois que oui, mais il va falloir que plus de monde tire dans le même sens », croit M. Goulet. Selon lui, tout le monde a gagné avec la fusion, même Saint-Joseph-de-Sorel et Sainte-Anne-de-Sorel. « Dans les années 2000, Sorel avait des problèmes financièrement. Tracy s’est développée, elle avait plus de moyens et moins de dettes. Sorel demeurait une petite ville. Il n’y avait pas une grosse capacité d’aller chercher des subventions. À ce moment, la ville de Sorel devenait un boulet. Tracy a beaucoup aidé Sorel, Sorel s’en est sorti avec le temps et Tracy en bénéficie », expliquet-il. Il croit que la situation à Sorel-Tracy est mieux qu’il y a 20 ans et que si la fusion n’avait pas eu lieu, les conditions de vie seraient différentes et les taxes seraient plus élevées. Il croit aussi que Tracy n’aurait pas nécessairement augmenté sa population de façon considérable, même si elle avait été seule.

L’homme d’affaires Alain Goulet faisait partie du comité du OUI lors de la fusion. Photothèque | Les 2 Rives ©

Tracy aurait pu se développer seule Rosaire Landry, du camp du NON, est persuadé que Tracy aurait finalement pu payer sa dette et poursuivre son développement si elle n’avait pas joint Sorel. « Qu’est-ce qu’on aurait pu faire avec l’argent en plus? En baissant les taxes, ça aurait pu plus intéresser les petites et moyennes entreprises à venir ici. […] J’étais fier de Tracy. Je me disais : on va bâtir quelque chose, on va pouvoir faire certaines dépenses bien placées. On aurait attiré des gens », croit M. Landry. Il souligne que plusieurs ont voté oui parce qu’ils croyaient économiser avec un seul maire et parce qu’ils étaient gênés de dire qu’ils étaient de Tracy. M. Landry affirme que quelques années après la fusion, plusieurs lui ont dit qu’ils auraient dû voter non. Encore aujourd’hui, il croit que Tracy est délaissée entre autres sur le volet économique et des services et qu’une rivalité existe toujours. « Ce n’est pas trop égal, mais je ne m’arrête pas trop à ça. Je tiens à vivre ma vie et ne pas m’embarquer là-dedans. J’aime vivre ici, on s’entend avec le monde et ça va bien, sauf que le rêve que j’avais, je l’ai perdu », avoue M. Landry. Il mentionne que le maire actuel est un très bon maire, mais que malgré les efforts qu’il fait, il est très difficile d’abaisser la dette qui a bondi avec les années.

Le président du comité du NON de Tracy, Claude Pronovost, et l’homme d’affaires dans le comité du OUI, André Lussier, se sont serré la main après le dévoilement des résultats des référendums en 1999. Photothèque | Les 2 Rives ©


Répercussions de la fusion de Sorel et Tracy

Certains impacts minimisés? Katy Desrosiers | Les 2 Rives

Malgré des points de vue politiques différents, l’ancien greffier de Sorel, Jean Charbonneau et l’ancien maire de Tracy, Émile Parent, s’entendent pour dire que la fusion de Sorel-Tracy était nécessaire à son développement. Aussi, ils croient que la fusion aurait été plus bénéfique si elle avait inclus Sainte-Anne-de-Sorel et Saint-Joseph-de-Sorel.

Émile Parent a été maire de Tracy de 1987 à 2000. Photothèque | Les 2 Rives ©

Émile Parent croit que même si on ramenait la question de la fusion avec Sainte-Anne-de-Sorel et Saint-Joseph-deSorel, les deux municipalités ne voudraient pas fusionner. Malgré tout, il demeure convaincu qu’elle serait bénéfique. « Les résidents des deux municipalités paient à peu près la moitié de notre compte de taxes. […] J’ai toujours pensé que la seule façon de faire, et de grandir ensemble, c’est de les annexer et de faire la bataille une fois pour toutes et que ce soit fini. Les enjeux sont toujours là parce qu’on n’a rien réglé », conclut-il. Des occasions historiques manquées L’ancien greffier de la Ville de Sorel, Jean Charbonneau, a toujours été favorable à la fusion. Il a aussi vécu d’autres regroupements, dont celui de Saint-Pierre-de-Sorel et Sorel dans les années 90. « Ça aussi, ça avait été une réussite totale, ça n’a jamais créé de problème. Avec l’expérience qu’on avait, on était convaincu qu’en regroupant Sorel et Tracy, ça aurait été avantageux pour la région », affirme-t-il. Bien qu’il croit que la fusion ait été avantageuse, il déplore que Sainte-Anne-deSorel et Saint-Joseph-de-Sorel soient restées dans leur coin.

« Aujourd’hui, tout le monde se scandalise parce que tout est apporté à l’extérieur. Mais mettez-vous à la place du gouvernement. Quand il regarde de haut, c’est quoi la région? Sorel-Tracy, c’est une petite campagne de 30 000, 35 000 habitants. On ne compte plus pour rien. On n’a aucune force, aucun poids démographique. Du

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Émile Parent était maire de Tracy lors de la fusion. « Je pensais que pour créer une ville dans la région, on avait besoin de tous les points : le tourisme de Sainte-Anne-deSorel, l’industrie de Tracy et Saint-Joseph ainsi que le commercial de Sorel. C’est sûr qu’il y a des choses en cours de route que j’aurais aimé qu’elles soient différentes. Je ne peux pas dire que je suis satisfait à 100 % de la fusion. Il y a beaucoup de choses qui ont été négligées du côté de Tracy », mentionnet-il en faisant état de l’aspect des rues. Il croit que dans les années 2000, les villes étaient dues pour un revirement. Il s’attendait toutefois à ce que la collaboration se fasse mieux. « Même la planification qui a été faite au départ de la nouvelle ville a été un peu déficiente à mon point de vue. C’est dans les années suivantes qu’il aurait fallu redresser », ajoute-t-il. Par exemple, il note les travaux faits aux infrastructures de Sorel aux dépens de celles de Tracy, qui étaient plus récentes. Il croit qu’une planification sur plusieurs années aurait pu être faite pour s’assurer qu’il n’y ait pas de bris de service. M. Parent pense qu’il faudra deux générations avant que les villes soient réellement fusionnées. Pour améliorer la situation, il faudrait entre autres que les conseillers s’impliquent davantage dans le processus de la ville. « Dans le moment, on a un monopole et ce n’est pas bon des monopoles en politique municipale, plaide-t-il. L’autre chose, c’est que les gens ne sont pas là pour les citoyens, ils sont là pour eux-mêmes, pour faire vivre leurs projets. Ça, ce n’est pas correct. » Il avance que certains projets, comme celui du quai Catherine-Legardeur, étaient nécessaires puisque la région manque justement d’installations pour attirer les visiteurs.

point de vue économique, j’ai l’impression que régionalement, on a manqué une belle occasion d’assurer notre avenir », explique M. Charbonneau. Il se souvient même qu’à l’époque où il y a eu la formation des MRC, Tracy souhaitait aller avec Contrecœur du côté de la MRC voisine. Il confirme que Maurice Martel, député à cette époque, avait décrété que Tracy devait rester dans la même MRC que Sorel. Aussi, il affirme qu’il a même été question que Contrecœur soit dans la MRC du Bas-Richelieu, devenue celle de Pierre-De Saurel. Selon lui, le portrait économique de la région serait tout autre si en effet, Contrecœur avait décidé de se joindre à la MRC de Pierre-De Saurel. Il croit que la fusion avec Sainte-Anne-de-Sorel et Saint-Joseph-deSorel, ainsi que d’inclure Contrecœur dans la MRC, sont deux occasions historiques manquées. Aujourd’hui, il souligne que la fusion a permis de sauver les pots, mais que sans les pressions exercées par le regroupement des hommes d’affaires, elle n’aurait peut-être jamais eu lieu. « Une chance qu’il y a eu le regroupement parce que si ça n’avait pas été de ça, je ne sais pas où on serait rendu », lance-t-il. Actuellement, pour redresser la situation, il faudrait, selon lui, développer un sentiment d’appartenance, une fierté plus grande envers la région.


Serge Péloquin croit toujours au regroupement Sébastien Lacroix | Les 2 Rives

Ce n’est pas d’hier que le maire de SorelTracy, Serge Péloquin, prône un regroupement volontaire. À la fin des années 1990, il faisait partie du Regroupement indépendant pour la relance économique de la région de Sorel-Tracy (RIRÉRST) qui avait financé un plan d’affaires pour une fusion à quatre municipalités.

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Alors qu’on célèbre les 20 ans de la fusion entre Sorel et Tracy, des voix s’élèvent pour relancer le débat quant à la nécessité de voir Saint-Joseph-de-Sorel et Sainte-Anne-deSorel être annexées à la grande ville. La question est d’ailleurs revenue sur la place publique, il y a quelques semaines, lors du dîner-conférence qu’il a donné devant la Chambre de commerce et d’industrie de Sorel-Tracy (CCIST), alors qu’on lui a même demandé de faire appel au ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH). « Quand c’est le milieu des affaires qui soulève ça, ça veut dire qu’il est grand temps qu’il se passe quelque chose », souligne le maire, qui a même déjà soulevé la possibilité de faire « une ville, une MRC ». « On est mûr pour une grande réflexion, 20 ans plus tard. Tant qu’à réfléchir, réfléchissons! » Le grand avantage du regroupement volontaire pour lui est la force du nombre. Il donne en exemple les villes de SaintHyacinthe et de Drummondville qui servent souvent de comparaison avec Sorel-

Tracy. « Saint-Hyacinthe était aussi petite que Sorel-Tracy. Quand ils ont regroupé la ruralité ensemble, ils ont monté à 57 000. À Drummondville, ils sont rendus 75 000 », indique-t-il. « Nous [Sorel-Tracy], on est toujours avec notre petit 35 000. Saint-Joseph est toujours avec son petit 1600 [de population] dévitalisé et Sainte-Anne est avec son 2600, continue Serge Péloquin. Partout où il y a une densification, l’essor économique s’installe. Nous, on aime mieux faire nos petites affaires, dans nos petits patelins et regarder passer la parade. Le temps que nous ne faisons qu’en parler, les autres avancent. » Le maire Péloquin raconte même que les gens de l’extérieur ne comprennent pas que la fusion n’a toujours pas été faite. « Quand on reçoit des ministres ou des agents de développement économique et qu’on leur montre le territoire, ils ont toujours un petit sourire en coin en regardant la carte. Ils se disent : “voyons donc”, raconte-t-il. Les gens ne savent même pas que Saint-Joseph existe. Quand il se passe quelque chose à SaintJoseph, c’est Sorel-Tracy qui ressort et le téléphone sonne chez nous. » Sorel-Tracy : un succès Serge Péloquin estime que le regroupement des anciennes villes de Sorel et de Tracy a eu beaucoup d’impacts favorables pour son développement en raison, justement, de la force de représentation de la Ville.

Le RIRÉRST s’est formé pour promouvoir la fusion. Cette photo, tirée de la page frontispice de l’édition du 12 septembre 1998 du journal La Voix, montre les débuts du regroupement. Photothèque | Les 2 Rives ©

Il souligne également qu’il est faux de prétendre que les citoyens ont perdu des services en raison de la fusion. « Nous avons toujours maintenu deux bibliothèques, deux casernes de pompiers, deux usines de filtration, deux maisons des jeunes, deux glaces (curling et Colisée Cardin), deux parcs à chiens, deux importants parcs riverains

(Maisouna et Regard-sur-le-Fleuve), indique-t-il. C’est important que les services soient donnés de façon très équitable. Il faut que ce soit une préoccupation et ce devrait toujours l’être. » Vingt ans plus tard, Serge Péloquin croit que les gens sont prêts à passer à la prochaine étape. « On a maintenu tous les


des quatre municipalités Comment appeler les résidents de Sorel-Tracy? Sébastien Lacroix | Les 2 Rives

Comment doit-on appeler les gens qui habitent à Sorel-Tracy? Même 20 ans après la fusion, il n’y a toujours pas de gentilé officiel pour désigner les résidents de la ville.

Vingt ans après la fusion, les premiers membres du RIRÉRST se sont rassemblés le temps d’une photo. Photo gracieuseté

services en double, pour que personne ne perde de ses services, mais il faudra commencer à dire que ce n’est pas parce qu’on fait quelque chose à Tracy, que ça exclut Sorel et vice-versa, fait valoir le maire. Cette compréhension-là, les jeunes l’acceptent et le comprennent. » « Ceux qui n’ont pas connu les débats d’il y a 20 ans, ils ne voient pas deux villes, ils n’en voient qu’une. Ils sont comme l’outarde

qui se promène au-dessus du territoire. Ils ne voient pas de frontières », illustre-t-il. Au cours des prochaines semaines, le maire dressera un bilan de la fusion pour revoir les forces, les faiblesses et les opportunités avec les agents de développement économique et les entrepreneurs. « Je vais les écouter, assure-t-il. Ils savent ce qui est bon pour eux et quelles sont leurs attentes. Ça va dicter les prochaines étapes. »

Le comité du patrimoine se penche d’ailleurs sur la question depuis quelque temps et lancera sous peu une consultation en ligne pour sonder l’opinion de la population. Pour le moment, le terme Sorel-Tracy en serait écarté. « Parce que ça se dit un peu mal », fait valoir le président du comité du patrimoine et conseiller du district Des Patriotes, Patrick Péloquin. Comme le terme Sorelois est celui qui est d’usage, c’est autour de celui-ci que le comité a décidé de miser. « Les gens continuent de dire Sorelois. Même dans les journaux, on écrit Sorelois, explique Patrick Péloquin. Maintenant, si on y va avec Sorelois, on l’écrit comment? Sorelois, comme c’est le cas présentement? Saurelois? Ou plus près de la langue française. Parce que techniquement, avec seulement avec un l, c’est plus près de l’anglais. Alors, est-ce qu’on met deux l à Sorelois? » Le comité laissera toutefois la place à la créativité des gens. S’ils veulent y aller avec une autre proposition, il sera possible de le

Le président du comité du patrimoine et conseiller municipal, Patrick Péloquin. Photothèque | Les 2 Rives ©

faire. « On laisse la porte ouverte à des suggestions », assure Patrick Péloquin On souhaite aussi officialiser le blason populaire des habitants de Sorel-Tracy. « Ce n’est pas un dessin ou une armoirie, mais un surnom que l’on donne aux gens d’une région. Ici, le blason est assez bien établi avec tire-bouchon », rappelle le président du comité du patrimoine.

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Avec le regroupement de Sorel et Tracy

La ville-centre a un pouvoir accru à la MRC de Pierre-De Saurel Katy Desrosiers | Les 2 Rives

Depuis la fusion de Sorel et Tracy, la dynamique décisionnelle autour de la table des maires de la MRC de Pierre-De Saurel a changé. En 2000, la nouvelle ville rassemblait plus de population et gagnait du pouvoir.

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Lors de l’arrivée en 1989 du maire de Saint-Robert et aujourd’hui préfet de la MRC, Gilles Salvas autour de la table, 17 maires siégeaient. Saint-Ours était divisée en deux municipalités, Yamaska en trois, et Sorel et Tracy étaient deux villes indépendantes. Le regroupement des deux parties de Saint-Ours s’est déroulé en 1991 et celui des trois parties de Yamaska en 2001. Ainsi, en 2000, peu avant la fusion de Sorel et Tracy, il y avait 16 maires à la MRC. Aujourd’hui, 12 maires y siègent. Avant la fusion de Sorel et de Tracy, chaque municipalité avait un vote par tranche de 5000 résidents. Celles en deçà de ce seuil avaient d’emblée un vote. « Les maires Marcel Gauthier et Émile Parent ont accepté de mettre ça un vote par 9000 de population. Sorel-Tracy, en fusionnant, tombait à environ 35 000 de population. C’est pour ça qu’aujourd’hui, elle a quatre votes. […] C’est une entente qui a été signée avec les deux maires qui avaient réalisé la fusion parce que sinon, on se disait que ce serait pratiquement invivable à la MRC. Que la ville dirigerait toute seule », souligne Gilles Salvas, en précisant que les maires de l’époque étaient unanimes avec cette décision.

Encore aujourd’hui, pour éviter que Sorel-Tracy ait tout le pouvoir, il existe le principe de la double majorité. Pour faire adopter un projet, la ville-centre doit avoir la majorité de la population, ce qu’elle a, et la majorité des votes autour de la table des maires. Pour avoir cette deuxième majorité, Sorel-Tracy doit avoir quatre municipalités qui se rangent derrière elle lors d’une décision. D’un autre côté, les 11 autres municipalités ne peuvent se rallier pour un projet sans l’accord de Sorel-Tracy puisqu’elles n’auraient pas la majorité de la population. Selon le préfet, la dynamique aujourd’hui est totalement différente que si la MRC comportait deux villes fortes. Il croit que les maires de la ruralité auraient plus de pouvoir. « Si Sorel-Tracy n’avait pas fusionné, on serait encore 10 maires autour des deux villes. Notre poids serait bien plus important. Notre vote [des municipalités rurales] a perdu de la valeur. […] Avant, quand il y avait un différend entre les deux villes, la balance était donnée à la ruralité », explique M. Salvas.

Une fusion à quatre? Si les municipalités de Sainte-Annede-Sorel et Saint-Joseph-de-Sorel se joignaient à Sorel-Tracy, la Ville aurait plus de 36 000 résidents et gagnerait un vote. Il y aurait également deux maires de moins à la table. « Il y a encore un partage assez équitable, mais s’il y avait une fusion avec Saint-Joseph et Sainte-Anne, il faudrait que le système de vote soit modifié », conclut-il.

Le maire de Saint-Robert, Gilles Salvas, a vécu de près la fusion entre Sorel et Tracy puisqu’il siège à la MRC depuis 1989. Photo Simon Ménard


Gérer les tensions après la fusion, le principal défi de Marcel Robert Jean-Philippe Morin | Les 2 Rives

contre, ç’aurait marché. Je reste convaincu que la fusion entre Sorel et Tracy reste une excellente chose, même s’il reste certains nostalgiques. Ç’a permis de repositionner Sorel-Tracy, on a réussi à créer une dynamique régionale importante », croit-il. À cette époque, plus la date de l’élection approchait, plus son nom circulait pour devenir le maire de la nouvelle ville. Il était toujours en affaires après avoir vendu ses restaurants Valentine puis acheté, en 1996, le commerce Louise Péloquin fourrure. Il était aussi impliqué dans les campagnes d’achat local. « Quand on m’a approché, j’ai manifesté mon intérêt, mais je n’étais pas encore certain. C’était une décision importante et si je voulais m’impliquer, c’était à fond de train », explique celui qui a été élu avec 59,4 % des voix, devant Émile Parent (19,3 %), Marcel Gauthier (17 %), Réjean Dauplaise (3,0 %) et Mario Bastiani (1,3 %).

À la base, la fusion entre Sorel et Tracy, Saint-Joseph et Sainte-Anne était supposée apaiser les tensions existantes entre les municipalités et faire cesser les guerres de clocher. Lorsque Sorel et Tracy ont finalement fusionné en mars 2000 et que le nouveau maire Marcel Robert a été élu en novembre, les conflits à l’interne étaient encore bien présents.

Marcel Robert a été élu avec près de 60 % des voix, en novembre 2000. Photothèque | Les 2 Rives ©

travailler là-dessus. On s’est impliqué à l’UMQ, dans des programmes de construction, de développement durable (Agenda 21), etc. Il fallait dire aux gens que SorelTracy, ce n’est pas au bout de la 30, c’est le début de la 30 », explique-t-il. Encore aujourd’hui, Marcel Robert prône la mentalité « une ville, une MRC ». « C’est vers là qu’il faudrait aller, pas juste ici, mais au Québec en général. Il y a une soixantaine de MRC au Québec qui auraient un grand avantage à faire cette démarche pour avoir une nouvelle dynamique, mais aussi une pôle position plus monopolisante avec les gouvernements. Ça ne se fera pas demain la veille,

mais ça prend des discussions ouvertes et franches entre les municipalités », pense-t-il. Une erreur Marcel Robert agissait comme bénévole avant la fusion. Selon lui, la non-fusion de Saint-Joseph-de-Sorel et Sainte-Anne-deSorel est, encore aujourd’hui un non-sens. « Malheureusement, ces deux municipalités ont choisi de ne pas y adhérer et c’est une erreur. Il s’agissait d’un geste égoïste de Saint-Joseph de prêcher pour sa paroisse en raison des taxes de Rio Tinto. Ils n’auraient pas été oubliés dans la fusion. Puis à SainteAnne, si la mairesse Réjane Salvail n’était pas

Sa plus grande déception Sur la même carte électorale que pour choisir le maire en novembre 2000, les électeurs se prononçaient aussi sur le nom de la nouvelle ville. Sorel-Tracy l’a emporté de justesse (50,7 %), devant Sorel (45,3 %) et Tracy (4 %). « C’est ma plus grande déception, lance Marcel Robert. Il y avait un mouvement de mettre, sur le bulletin de vote, le nom Saurel (avec «au» et non «o») pour l’élément historique. Le maire de Tracy, Émile Parent, s’était objecté farouchement à ça. Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais je pense que ce nom l’aurait emporté. Les gens étaient confrontés à Sorel ou Tracy, et malgré que Sorel était deux fois plus populeuse, les gens ont choisi Sorel-Tracy, à ma grande surprise. […] Le temps me donne raison… Regarde ce qui est arrivé plus tard avec le CLD, la SADC, la MRC et la Caisse Desjardins qui se sont nommées Pierre-De Saurel. » Il s’agissait toutefois d’un référendum consultatif et non décisionnel. C’est donc le nouveau conseil de ville qui devait trancher. « Quand c’est revenu à la table du conseil, on ne voulait pas se rembarquer dans une autre chicane. On a réglé ça rapidement avec le choix des gens parce que l’objectif de notre élection était d’aller de l’avant, pas de recommencer le scénario de conflits », conclut-il.

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« Je me souviens que les trois premiers jours ont été plutôt rock’n’roll », se rappelle M. Robert, qui a été maire de 2000 à 2009. « Il a fallu s’armer de patience et vraiment travailler en collaboration. Quand on réorganise une structure comme ça, évidemment il y a des gagnants, mais il y a aussi des gens qui auraient souhaité être des gagnants. Dans cette réforme, il fallait être le plus juste possible, mais aussi nommer les meilleures personnes aux bonnes places pour s’assurer de faire avancer les dossiers », se rappelle-til, en ajoutant qu’aucune coupure de poste n’a été effectuée. À la suite de son élection, il a remarqué que plusieurs mésententes subsistaient également dans la façon de travailler chez les employés. « On tombait avec deux mentalités ayant de larges différences de perception dans l’approche du travail. Il fallait trouver un moyen de ramener les employés de Sorel et Tracy sous la même bannière. Ç’a été plus difficile parce que qu’ils avaient des attentes qui ne sont pas les mêmes que les orientations de la nouvelle ville. Il y a eu un certain bras de fer dans des services. Moi et le directeur général Mario Lazure, on leur a dit : “embarquez dans la démarche, vous ne serez pas perdants. Oubliez ce que vous faisiez avant, on part sur de nouvelles bases”. Ce n’était pas des promesses en l’air. Depuis ce temps, il n’y a pas eu de problème particulier avec les cols bleus, les cols blancs ou les cadres. Ç’a pris un bon quatre ans, mais la pensée de la confrontation est peu à peu disparue », relate Marcel Robert. Avec le recul, croit-il, son conseil a pris les bonnes décisions. « C’était toujours dans le but de repositionner Sorel-Tracy. On a des choses intéressantes à montrer, il faut


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