Cultiver le goût et l'odorat

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Cultiver le goût et l'odorat Cultiver le goût et l'odorat

Prévenir l'obésité enfantine dès 2 ans  1/2

Aujourd’hui, en Belgique et en France, 19% des enfants entre 9 et 12 ans sont considérés comme en surpoids ou obèses. Cette épidémie mondiale atteint, à ce jour, un milliard de personnes dans le monde… Les raisons en sont multiples et les conséquences le plus souvent catastrophiques. Une des causes importantes est le mode de vie actuel qui standardise le goût et l’odorat. Ce fléau des temps modernes doit être combattu en priorité chez les enfants. L’École, lieu de vie et de santé, a le devoir de lutter contre les mauvais comportements alimentaires. Le présent ouvrage présente de nombreuses activités concrètes et répond aux interrogations suivantes : - comment peut-on exercer le sens du goût et de l’odorat chez le jeune enfant ? - comment exploiter en classe des projets sollicitant l’exercice de ces sens négligés ? - comment développer des activités pédagogiques permettant de créer une mémoire sensorielle chez les enfants? - comment mener des expériences amusantes et créer des « livres à goûter et à sentir » ? - comment créer des jeux destinés à affiner les discriminations olfactives et gustatives ?

Delphine DRUART Annie JANSSENS Michelle WAELPUT Préface du Dr Myriam VANDE WEYER

Cultiver le goût et l'odorat Prévenir l'obésité enfantine dès 2 ans   1/2

Ce livre s’adresse aux professionnels de l’éducation et de la santé : enseignants, éducateurs, parents, puéricultrices, infirmières, accueillantes, animateurs … 3e édition, actualisée et augmentée.

Maternel et Primaire www.deboeck.com

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CULGOU

ISBN 978-2-8041-6032-6 ISSN 1373-0169

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Chapitre I Chapitre II

Chapitre III

Chapitre IV

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L’ÉDUCATION SENSORIELLE Une conscientisation déjà ancienne . . . . . . . . . . . . . .

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LES SENS NÉGLIGÉS La gustation et l’olfaction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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1. Des observations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Des expériences, des constats, des statistiques . . . . . .

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LE SENS GUSTATIF ET LE SENS OLFACITF Leur rôle dans le développement de l’être humain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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1. Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2. Fonctionnement et développement du sens gustatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3. Fonctionnement et développement du sens olfactif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4. Commentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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L’ÉDUCATION DU SENS GUSTATIF ET DU SENS OLFACTIF DÈS LA MATERNELLE Situations d’apprentissage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Comment pouvons-nous intégrer les activités sensorielles à la vie scolaire de(s) l’enfants(s) . . . . . . . . . . 1. Une activité fonctionnelle : la collation . . . . . . . . . . . . 2. Des projets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3. Des jeux symboliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4. Des activités méthodologiques pour des apprentissages stratégiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5. Un atelier sensoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111


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INTRODUCTION Pourquoi ce livre ? Quel est son but ? Praticiennes de l’éducation, observatrices attentives du quotidien des enfants dans le milieu scolaire, citoyennes responsables, respectueuses de nos valeurs humanistes, nous proposons une série d’actions pédagogiques expérimentées dès l’école maternelle pour lutter contre l’obésité enfantine. Avec d’autres, nous remarquons que les enfants mangent de plus en plus mal : sodas, chocolats, chips, … font partie des collations journalières et, comme le démontrent les résultats d’observations réalisées récemment par des futur(e)s enseignant(e)s, plus de la moitié des petits enfants « se nourrissent » uniquement de tartines au choco le midi. Cette alimentation uniforme, basée sur des mets hypercaloriques génère des problèmes de santé. À force de manger les mêmes aliments, de raréfier leurs expériences gustatives et olfactives, les enfants s’appauvrissent au niveau cognitif et même culturel ce qui nuit inévitablement aux apprentissages de base. Dans les écoles fondamentales, les distributeurs et/ou la vente de sodas ou de sucreries incitent les enfants dès l’âge de 21/2 ans à consommer en grande quantité cette alimentation peu favorable à leur croissance. Les autorités politiques de plusieurs pays (dont notamment la Belgique et la France) sont intervenues à ce sujet et ont donné un coup de frein à ces consommations abusives. Nous pensons que les enseignants ont un rôle primordial à jouer pour enrayer le règne de la « mal-bouffe ». Dès le début de l’enseignement maternel, en complémentarité avec l’éducation familiale, ils peuvent susciter un changement des habitudes alimentaires. Dans le présent ouvrage, nous proposons une série d’activités concrètes à réaliser très facilement par les enseignants de la petite enfance : • créer des livres et des histoires à goûter et à sentir ; • installer des ateliers sensoriels et vivre de multiples expériences amusantes mettant en évidence le double circuit de l’olfaction et de la gustation ; • amener les enfants à goûter des morceaux de fruits et de légumes en situation ludique par des jeux de société « gustatifs » ; • affiner les sensations olfactives et leurs expressions verbales par des jeux appropriés ;


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• vivre de véritables projets axés sur la découverte et l’exercisation du goût et de l’odorat. Notre démarche prend appui sur : • les résultats encourageants relevés lors de nombreuses activités réalisées par nos étudiant(e)s lors de leurs stages ; • les réactions positives des praticiennes ainsi sensibilisées ; • l’adhésion de parents au projet. Petit à petit, les enfants se rendent compte qu’ils peuvent apprécier certains aliments qu’ils croyaient détester et qu’ils rejetaient sans y avoir touché. Ils goûtent à tout et élargissent ainsi leur palette sensorielle, garante d’une alimentation saine et diversifiée à l’adolescence et à l’âge adulte. Les activités et les jeux détaillés dans cet ouvrage devraient permettre aux enfants de vivre la vie à « pleins sens » et éviter qu’ils ne deviennent de véritables analphabètes sensoriels.

À qui est destiné ce livre ? Ce livre s’adresse principalement aux enseignants du fondamental, aux futurs enseignants et aux formateurs de maîtres. Plus généralement, il concerne toutes les personnes participant à l’éducation du jeune enfant : parents, puéricultrices, infirmières pédiatriques, gardiennes encadrées et éducateurs…

Quelle est la structure de l’ouvrage ? ■ Le chapitre 1 rappelle, à travers les écrits de philosophes, pédagogues,

médecins et psychologues, la conscientisation déjà ancienne de l’importance de l’éducation sensorielle. ■ Le chapitre 2 rapporte et commente une série d’observations relatives aux réactions sensorielles d’enfants dans divers lieux d’expériences en Belgique et en France ainsi que les résultats d’un sondage sur les habitudes alimentaires des enfants. ■ Le chapitre 3 décrit succinctement, après une série de définitions utiles, le fonctionnement et le développement du sens gustatif et du sens olfactif. ■ Le chapitre 4 développe longuement des exemples d’activités gustatives et olfactives à réaliser avec les enfants des premiers cycles de l’école fondamentale dans le cadre de pratiques de classe. Des fiches didactiques de jeux de société, de jeux éducatifs, sont également proposées.


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LES SENS NÉGLIGÉS la gustation et l’olfaction CHAPITRE II


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CULTIVER LE GOÛT ET L’ODORAT

De tous nos sens, le plus ignoré, l’odorat souvent méprisé, parfois réprimé, joue un rôle essentiel dans notre vie, tant privée que publique. Nous sommes affectés par les « mauvaises » odeurs des autres et celles de notre environnement. Le langage olfactif est un moyen de communication silencieux, invisible. Nous recevons dès l’enfance des messages olfactifs qui éduqués, conditionnent notre perception du monde extérieur : les dangers (gaz), les plaisirs (parfum de fleurs)… Des sociologues de l’université de Californie ont montré dans les années 1960 que des personnes-stimuli parfumées et envoyées dans un parc de jeux repoussaient ceux qui se trouvaient dans leur voisinage, désir inconscient de protéger leur espace personnel des stimulations olfactives émanant de personnes inconnues. Ce comportement ressemble beaucoup à celui des animaux quand on introduit un membre étranger à l’espèce. On retrouve dans la langue « vulgaire » des expressions qui traduisent cet état d’esprit. Par exemple, lorsqu’un individu est pénible et qu’on veut le tenir à l’écart, on dit que c’est un type « puant » et si cela s’aggrave on dit que c’est un « fumier » !!! Notre type de société n’admet pas les odeurs corporelles, la mauvaise haleine… La publicité le prouve par l’abondance de déodorants corporels présentés. Le comble de l’impolitesse est de lâcher un pet en public. Les sociologues appellent cela « le tabou du pet ». On constate aussi une tendance à la standardisation des stimuli chez les enfants et les adolescents : les odeurs corporelles naturelles sont camouflées par les déodorants à la mode et les goûts culinaires semblent s’uniformiser sous l’influence de substances sucrées comme le ketchup et le coca-cola. Dans le domaine de la gustation, nous remarquons que nous ne mangeons pas toujours pour vivre mais pour une autre foule de raisons. Un repas pris ensemble, par exemple, peut donner une excellente occasion de contact social (déjeuner d’affaires, dîners mondains). Savoir goûter toutes sortes de plats exotiques, simples ou très élaborés, éveille le goût en développant harmonieusement la sensibilité, ce qui fera de nous et des enfants, des êtres épanouis et ouverts à toutes les cultures. Le goût comme l’odorat est précisé par une cascade de règles socio-culturelles qui vont conditionner le caractère agréable ou désagréable de ce que l’on mange.


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2. Les sens négligés

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DES OBSERVATIONS

En Belgique, nous avons cherché des lieux permettant aux enfants d’exercer leur goût et leur odorat. Nous avons trouvé des endroits fixes ou itinérants amenant les enfants à la découverte de leurs sensations olfactives et gustatives. Ceux que nous avons découverts sont appréciés unanimement par les enfants et l’ensemble du corps éducatif. Leur liste n’est pas exhaustive et nous constatons avec plaisir une multiplication d’espaces sensoriels éducatifs, témoins d’une prise de conscience de tous les responsables (médecins, nutritionnistes, éducateurs, enseignants, parents, animateurs…

AU MUSÉE DES BEAUX-ARTS 1 Au musée de Charleroi, deux activités étaient organisées par les animatrices. Le public se composait de 20 enfants de troisième maternelle.

■ Une première activité La première activité consiste en la découverte de la salle d’exposition. Les tableaux représentent, dans la plupart des cas, des tables dressées, des mets alléchants, des plats séduisants. Lors d’un jeu, certains enfants jouent le rôle d’un chef : cuisinier ou saucier ou pâtissier… Tout d’abord, chaque chef montre du doigt un élément en relation avec son rôle, les autres enfants doivent alors approuver ou désapprouver en justifiant leur intervention. Ensuite, tous les chefs composent un repas complet simple. Dans cette activité, les enfants devaient employer des mots liés aux sens gustatif et olfactif : amer, piquant, acide… Beaucoup de difficultés d’expression ont été constatées.

■ Une seconde activité La seconde activité comprend également des jeux relatifs aux sens olfactif et gustatif. L’animatrice propose des odeurs de fruits et de légumes connus (citron, poire, pomme ; céleri, poireau…). 1.

Musée des Beaux-Arts de Charleroi, Hôtel de ville, 2e et 3e étages, place Charles II, 6000 Charleroi.


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CULTIVER LE GOÛT ET L’ODORAT

Lorsque les enfants reconnaissent une odeur, ils l’apparient à la représentation du légume ou du fruit figurant sur les tableaux. Divers condiments, sucreries, et aliments sont aussi proposés à d’autres enfants qui ont les yeux bandés. Il s’agit, pour eux, de comparer les différentes saveurs entre-elles (sucrées, salées, acides, amères). À cette occasion, nous avons observé que la plupart des bambins confondent le salé et le sucré, ne paraissent pas reconnaître la saveur amère ni la saveur acide. D’où notre étonnement : s’agissait-il d’une simple méconnaissance des termes ou plus particulièrement de difficultés de distinction des saveurs entre-elles ? Nous étions perplexes.

AU MUSÉE DES ENFANTS 2 Dans ce musée, le thème principal s’intitule « La vie à plein sens ». Le groupe est composé de 20 enfants de 3e maternelle et 20 enfants de 1re année primaire. Dans chaque salle, ils ont l’occasion de participer à différentes activités sollicitant les cinq sens. L’exemple suivant nous paraît significatif pour notre propos. Les enfants hument certaines odeurs pas toujours agréables, telles que celles de cendres de cigarettes. C’est à ce moment, qu’à notre étonnement l’un d’eux a dit : « Ça sent le café ». La question suivante lui a été posée : « Crois-tu vraiment que cela sente le café ? » Il a répondu « Non, mais ma maman fume chaque fois qu’elle prend une tasse de café. » Nous comprenons aisément pourquoi cet enfant vient de faire la relation entre l’odeur de cigarette et celle du café. Nous remarquons souvent ce genre d’associations dans nos classes maternelles lorsqu’il n’y a pas de support visuel et qu’il faut faire appel aux souvenirs. L’enfant associe des éléments nécessaires, par raison logique, entre eux. Par ailleurs, lors de cette visite, nous avons, une nouvelle fois, observé que les enfants manquaient de vocabulaire, pour exprimer une odeur.

2.

Musée des Enfants, rue du Bourgmestre, Bruxelles.


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3. Le sens gustatif et le sens olfactif

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DÉFINITIONS

Les termes les plus fréquement utilisés se définissent comme suit : GOÛT « Celui des cinq sens par lequel on perçoit les saveurs. 1 » « C’est le sens grâce auquel l’homme et les animaux perçoivent les saveurs propres aux aliments. » « La langue et le palais sont les organes du goût. Avoir le goût fin, usé. Épices, liqueurs qui émoussent le goût. Aliment qui flatte le goût, agréable au goût. Sensations, plaisirs du goût. 2 » Dans le livre « Physiologie du goût » de BRILLAT-SAVARIN, on relève : « Le goût est celui de nos sens qui nous met en relation avec les corps sapides, au moyen de la sensation qu’ils causent dans l’organisme destiné à les apprécier. Le goût, qui a pour excitateurs l’appétit, la faim et la soif, est la base de plusieurs opérations dont le résultat est que l’individu croît, se développe, se conserve et répare les pertes causées par les évaporations vitales. » 3

SAVEUR « C’est la sensation produite par certains corps sur l’organe du goût : saveur piquante. 4 »

ODORAT « Sens permettant la perception des odeurs dont les récepteurs sont localisés dans les fosses nasales chez les vertébrés, sur les antennes chez les insectes, et qui joue un rôle de premier plan chez la plupart des espèces, tant aquatiques que terrestres. 5 » 1. 2. 3. 4. 5.

Petit Larousse 1999. Robert, dictionnaire 1993. BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, Médit., II, 6. Op. Cit. Op. Cit.


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CULTIVER LE GOÛT ET L’ODORAT

« C’est le sens grâce auquel l’homme et les animaux perçoivent, sentent les odeurs. La perte de l’odorat s’appelle l’anosmie 6 ».

ODEUR « Émanation transmise par un fluide (air, eau) et perçue par l’appareil olfactif. 7 » « C’est une émanation volatile, caractéristique de certains corps et susceptible de provoquer chez l’homme et chez certains animaux des sensations dues à l’excitation d’organes spécialisés. 8 »

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FONCTIONNEMENT ET DÉVELOPPEMENT DU SENS GUSTATIF

La langue présente quatre zones précises correspondant aux quatre saveurs de base : sucré, salé, amer, acide. Elle assure la perception du goût. Les cellules sensorielles spécialisées ne sont pas réparties uniformément sur la surface de la langue. Elles sont disposées dans des zones précises et reconnaissent quatre types de goût qui peuvent se mélanger pour produire les variations les plus subtiles. Les cellules sont pourvues de nombreux filaments longs et fins, capables de capter et de fixer les substances sapides qui pénètrent dans les papilles avec la salive. Les réactions chimiques entre les substances stimulent les cellules et les résultats sont transmis au cerveau sous forme d’influx nerveux. Le nourrisson confronté expérimentalement aux saveurs de base (sucré, salé, acide, amer) manifeste son plaisir ou son déplaisir par des mimiques très observables. 9 Une solution légèrement salée provoque un intérêt heureux. C’est la saveur de nos humeurs internes. L’eau neutre laisse indifférent. Avant la première tétée, il sait ce qui est bon et ce qu’il aime. 6. 7. 8. 9.

Op. Cit. Op. Cit. Op. Cit. HERBINET, E., et BUSNEL, M-C., L’aube des sens, Les cahiers du nouveau-né 5, Stock, Paris, 1981.


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3. Le sens gustatif et le sens olfactif

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La saveur sucrée déclenche une intense satisfaction ; la bouche en redemande. L’acide provoque une bouche en « cul-de-poule » ; ça agace sans déplaire. L’amer (une solution de sulfate de quinine) provoque dégoût et rejet. Ce rejet pourrait être une défense contre les alcaloïdes toxiques souvent amers. » La saveur des laits proposés dans le commerce varie d’un produit à l’autre. En revanche, lorsqu’un bébé est au sein, le goût du lait varie à chaque tétée en fonction des aliments ingérés par la mère. On connaît certains aromates utilisés pour leur vertu gustative et olfactive : le cumin, le fenouil, l’anis vert. L’enfant tète alors avec plus d’avidité. À l’inverse, certaines plantes (ail, asperge, oignon, chou…) donnent au lait une saveur perçue comme désagréable par le nourrisson. Les spécialistes se demandent si les saveurs perçues au cours de l’allaitement, voire in utero peuvent contribuer à déterminer les choix alimentaires ultérieurs de l’enfant. Il est certain que l’enfant allaité connaît déjà une plus grande diversité de saveurs.

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FONCTIONNEMENT ET DÉVELOPPEMENT DU SENS OLFACTIF

L’organe sensoriel de l’odorat se situe au fond du nez. Nos récepteurs de l’odorat se trouvent dans une petit zone de tissu d’environ 3 cm2 au sommet des fosses nasales. Elle comporte plusieurs millions de minuscules terminaisons nerveuses du nerf olfactif. Tout ce que nous pouvons sentir doit être suffisamment volatil et probablement assez soluble pour se dissoudre dans les sécrétions muqueuses du nez. L’odorat est très vite saturé. Si nous pénétrons dans une pièce où règne une forte odeur, nous en sommes très conscients au début puis, au bout d’un certain temps, nous cessons presque de la percevoir. Il existe de subtiles différences dans les aptitudes individuelles à détecter les odeurs. Un nez peut distinguer en moyenne de 2000 à 4000 odeurs différentes. 10 Quant aux animaux, leur odorat est vital pour leur survie. 10. COLLECTION Notre monde n° 9 « Le goût et l’odorat » Éd. Marshall 1995. p. 6.


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4. L’éducation du sens gustatif et du sens olfactif dès la maternelle

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COMMENT POUVONS-NOUS INTÉGRER LES ACTIVITÉS SENSORIELLES À LA VIE SCOLAIRE DE(S) L’ENFANT(S) ? De nombreux moments vécus dans les classes des premiers cycles de l’enseignement fondamental se prêtent à l’éveil des sens par l’exploitation d’activités globales où goût et odorat seront des plaisirs à « re-découvrir » Nous voudrions insister sur quelques « recommandations » car nous ne souhaitons nullement négliger d’une part les stimulations vécues par les enfants dans leur milieu familial et d’autre part réduire notre propos à une exploitation trop scolaire. Tout enfant qui franchit la porte de l’école est riche d’informations, d’émotions, d’expériences, d’usages, d’habitudes, de comportements… appris, acquis, expérimentés dans le milieu familial. Et tout enseignant, s’appuyant sur les théories pédagogiques actuelles n’ignore pas l’absolue nécessité, soulignée par Philippe Meirieu1 d’accueillir l’enfant avec ses « déjà-là. » Ces éducateurs informés, formés, sont aussi attentifs à l’appropriation différente par les enfants d’une situation identique. La perspective constructiviste de l’apprentissage est ici évoquée. Cependant nous voudrions surtout insister sur la dimension liée aux interactions sociales et aux différences culturelles. UN EXEMPLE PUISÉ DANS LA RÉALITÉ QUOTIDIENNE Aujourd’hui, dans la classe des 4/5 ans, c’est le jour des « surprises ». Les enfants découvrent pour qui, des éléments connus, pour qui, des apports nouveaux : – un bouquet de fleurs fraîches et variées – un plateau de fruits secs – une corbeille de boules de laine de divers coloris. Chacun s’exprime, les dialogues s’installent, les répliques fusent. Paroles, silences, sourires, gestes, accompagnent les découvertes. L’observateur respecte chacun dans sa manière d’être : regarder, palper, toucher, humer, croquer, déguster et dire. 1.

MEIRIEU, P., Apprendre… Oui, mais comment, ESF, Paris, 6e Édition, novembre 1990. p. 93.


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CULTIVER LE GOÛT ET L’ODORAT

L’on se dit… L’on se raconte… On évoque les faits vécus dans la famille : – les fleurs blanches offertes pour la cérémonie nuptiale de la sœur d’Ali ; – les fruits secs grignotés lors du repas de Noël, chez Roy, Susan, Gilliane ; – les boules de laine récoltées pour la mamy de Francesca. Ce partage des coutumes, usages et pratiques spécifiques contribuent à assurer la sécurité affective des enfants mais permettent aussi de faire connaître tout un héritage culturel. Ces interactions sociales favorisent des démarches mentales telles que citées dans le document publié par le Ministère de l’Éducation de la Communauté Française 2 mais développent aussi chez les apprenants des attitudes relationnelles indispensables pour s’insérer dans la vie contemporaine. On ne peut contester que « se connaître, connaître les autres et accepter la différence » découvrir d’autres cultures, c’est vivre par un enrichissement mutuel l’interculturalité. Nous détaillerons dans quelques pages, une situation organisée suscitée par l’enseignant mais enrichie des apports culturels de chacun. Si l’enseignant porte un regard attentif, intéressé aux réalités culturelles de ses élèves, il ne doit pas réduire les pratiques quotidiennes au seul vécu familial et se limiter à une exploitation trop rigide des activités scolaires. Il nous semble prépondérant, que les professionnels profitent du momentané, de l’imprévisible, et se distancent par rapport à « ce qui était prévu, programmé, voire minuté ! » pour saisir et exploiter globalement la situation de vie qui se présente et qui peut être ne se renouvellera jamais. Sachons donc saisir le spontané, l’inédit, l’événement fortuit. Quoi de plus naturel de profiter de quelques instants de la bruine, de se laisser caresser le visage par ces gouttelettes minuscules, de humer l’odeur du gazon fraîchement tondu, d’apprécier la bonne odeur de soupe qui semble parvenir de la maison voisine. Nous savons que la réalité pédagogique ne peut se réduire à ces moments très riches mais nous sommes convaincues que l’apprentissage y trouve de profondes racines qui forgeront leur robuste et efficace développement dans d’autres activités scolaires.

2.

Socles de Compétences Ministère de la Communauté Française 1999.


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4. L’éducation du sens gustatif et du sens olfactif dès la maternelle

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Des limites temporelles rigides, des plages horaires, minutées, des contenus programmés freinent et/ou entravent l’exploitation du « ici et maintenant » Il convient également d’utiliser d’autres espaces que l’espace classe. Confiner les élèves dans l’espace classe sans oser en franchir les frontières prive les enfants des riches apports de l’environnement. Il s’avère donc indispensable de profiter de tous les espaces qu’il nous est permis d’explorer tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’école. • • • • • • • • • •

Cour, Couloirs, Rue, terrain contigu, Magasins avoisinants l’école… Commerces artisanaux, Lieux de vie communautaire, Bibliothèque et jardins publics, Maison des seniors,… Terrains de sport et aires de jeux, Piscine…

Et si nous jouissons d’un cadre scolaire, implanté en site rural, n’hésitons pas à emmener les enfants à la découverte des trésors naturels, à apprécier, à préserver, à visionner, … • le ruisseau • la prairie, le petit bois, les talus, sentiers, terrils, • l’étang… Et si notre univers spatial est réduit, offrons à nos enfants des moments « de bain sensoriel » dans des lieux moins conventionnels que la classe. Pourquoi ne pas lire un conte, un jour de printemps, dans le grenier de la grand mère de Paul ou dans la grange de… ou lors d’une visite dans la salle d’attente du… (médecin, dentiste…) Ces activités vécues dans des espaces autres que celui limité de la classe s’intègrent naturellement à la vie scolaire, trouvent leur point d’appui dans le vécu quotidien, répondent à un souci d’éducation globale. Elles favorisent l’émergence de compétences transversales 3 et se fixent, comme objectif général l’éveil sensoriel. Citons deux compétences transversales à exercer pour s’approprier un langage sensoriel :

3.

Socles de compétences Ministère de la Communauté Française, 1999.


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CULTIVER LE GOÛT ET L’ODORAT

discriminer des éléments, des phénomènes auditifs, visuels, tactiles, gustatifs et kinesthésiques. ; utiliser un répertoire de vocabulaire sensoriel, auditif, visuel, gustatif, tactile et kinesthésique.

Les situations d’apprentissage décrites ci-après développeront surtout l’éducation des sens olfactif et gustatif. Elles se situent dans la problématique d’actions efficaces, motivantes, et significatives. Notre choix s’est porté sur les plus révélatrices dévoilant diverses méthodes pédagogiques, soulignant les compétences initiées et développées mais aussi rencontrant les directives inscrites dans les décrets publiés au Moniteur belge. 4-5

DES SITUATIONS D’APPRENTISSAGE C’est au départ de faits spontanés de vie scolaire, des questions que l’enfant se pose et qu’il pose ; des défis suscités, des problèmes posés, des projets suggérés, personnels, d’école, de cycle(s), de classe, d’actions didactiques fonctionnelles de jeux proposés, … que les expériences sensorielles des enfants vont enrichir et élargir leurs représentations mentales. C’est lors de ces activités que l’enfant traite les informations, les ajuste au besoin, les coordonne, les organise, les met en mémoire. C’est aussi durant ces moments que les conflits socio-cognitifs naissent, que la régulation des comportements s’actualise, que la réflexion de l’action, des actions est proposée, que l’évaluation formative est rencontrée. Nous sommes convaincues que les compétences ainsi construites dans le cadre d’activités éducatives relevant des différents domaines de l’appren4. 5.

Décret relatif à la promotion d’une école de la réussite dans l’enseignement fondamental, D 14.03.1995, M.B. 17.08.1995. Décret définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, D. 24.07.1997, M.B. 23.09.1997.


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4. L’éducation du sens gustatif et du sens olfactif dès la maternelle

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tissage 6 rencontrent les objectifs pédagogiques actuels et nous référant au document déjà cité nous engageons les lecteurs à parcourir les feuillets traitant de l’éducation artistique 7. Après ces quelques « ouvertures » nous proposons la description de situations vécues.

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UNE ACTIVITÉ FONCTIONNELLE : LA COLLATION

Les moments de collation « Petit déjeuner, goûter… » sont à considérer à part entière : moments où l’on se retrouve tous, bien installés autour de tables coquettes, moments de plaisir partagé qui se révèlent très riches sur les plans éducatif et pédagogique. Certes pour que ces moments de convivialité, où la familiarisation avec les pairs est renforcée, enrichissent le potentiel sensoriel des enfants, il appartient à l’enseignant(e) de prêter attention à chacun, de provoquer l’étonnement, de susciter les réactions, les questions, de parler des friandises, fruits, laitages, découverts dans la mallette, d’utiliser un lexique précis, spécifique, nuancé, voire teinté d’humour. C’est aussi l’institutrice (teur) qui pourra conduire les « petits » vers la culture du goût, des odeurs… « Quoi de plus naturel que de humer avant de déguster la compote préparée par maman, de découvrir une collation « fruits secs », de déballer un quartier de pudding… ? » La participation, la présence, l’intérêt des adultes, leurs gestes et paroles sont autant de stimulations aussi importantes qu’une « leçon de langage ». C’est lors d’activités globales que l’arc-en-ciel sensoriel s’anime, s’élargit… D’autres occasions de la vie en classe peuvent aussi amener les enfants à choisir, découvrir, déguster, apprécier d’autres ingrédients, d’autres mets. 1) L’organisation de « petits déjeuners malins » animée en collaboration avec des partenaires extérieurs. 2) Les préparations insolites au départ d’apports des enfants : ainsi le papy de Manon lui a confié un sac de noix, une botte de rhubarbe, un cageot de fruits rouges, un sac d’orties. 6. 7.

Op. Cit. Op. Cit.


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