La semaine fiscale

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La semaine fiscale Semaine du 9 au 15 avril 2012 - Publication hebdomadaire - Année 2012

Sommaire Impôts sur les revenus Taxation suivant la nationalité : les Français de Belgique n'ont rien à craindre p. 1 Les sociétés momentanées et les obligations comptables de leurs membres p. 2 Frais professionnels : taxés d’office, tremblez ! p. 4

TVA L’arrivée du système de caisse enregistreuse : de quoi s’agit-il encore ? p. 5

Questions en vrac Revente d’un véhicule par un assujetti à la tva : le brouillard persiste p. 7

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Impôts sur les revenus Taxation suivant la nationalité : les Français de Belgique n'ont rien à craindre C'est une étonnante proposition que le Président français a récemment formulée. Il a en effet émis l'intention, s'il est réélu, de taxer dorénavant les personnes de nationalité française qui auraient choisi d'aller vivre dans un autre pays, lorsque ce choix a été dicté par des considérations fiscales.

veaux lieux de résidence. Ces conventions ne permettent pas à l'État français de taxer des résidents de ces pays en France, pour le seul motif qu'ils seraient de nationalité française.

Le système qui résulte de multiples traités internationaux est celui qui recourt exclusivement à la résidence comme critère d'imposition. C'est d'ailleurs parfaitement logique : dans la mesure où l'impôt est censé financer les services publics rendus sur un territoire, il est normal que les personnes vivant sur ce territoire, et elles seules, participent au financement de ces services.

Enfin, on se demande bien comment l'administration fiscale française pourra repérer, parmi les deux millions de français qui ont quitté leur pays, ceux qui ont agi exclusivement pour des raisons fiscales, et les distinguer de ceux qui ont déménagé pour d'autres motifs, voire pour une combinaison de motifs fiscaux et autres.

De tels traités priment sur l'application de la loi française, qui ne pourra dès lors être appliquée aux résidents de ces pays, sauf s'ils sont La proposition est d'abord étrange par son il- renégociés. Mais les pays qui ont conclu de logisme. À l'exception, certes notoire, des tels traités avec la France ne sont pas obligés États-Unis, aucun État occidental n'utilise la d'en accepter la modification et n'y ont en nationalité comme critère de taxation. réalité pas intérêt.

C'est d'ailleurs pour cela que les personnes de nationalité étrangère, en France comme ailleurs, sont des contribuables comme les autres, dans le pays où elles résident. Il n'y a donc aucune raison d'utiliser la nationalité, qui, en soi, n'implique guère de droit envers l'État ni de prestations de celui-ci, comme critère de l'imposition.

Au 4ème siècle après Jésus-Christ, déjà, des Gaulois surtaxés par l'Empire romain quittaient leur pays pour franchir le " limes ", qui séparait l'Empire des régions contrôlées par les Barbares, y compris des régions qui sont aujourd'hui en Belgique, au Luxembourg et en Suisse. L'Empire romain n'y a pas survécu ... ■

Thierry AFSCHRIFT De plus, la France a signé plus d'une centaine Avocat aux Barreaux de Bruxelles, Genève et de conventions préventives de la double imMadrid position avec de très nombreux pays dans le monde, y compris ceux (Belgique, Suisse, An- Professeur ordinaire à l'ULB et à l'Ecole de Commerce Solvay gleterre, Luxembourg, Maroc) que les français choisissent habituellement comme nouAssociation Afschrift

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Les sociétés momentanées et les obligations comptables de leurs membres La loi fiscale n’envisage que la taxation, dans le chef de chaque membre, de la part des bénéfices de l’association qu’il a recueillie ou qu’il est censé avoir recueillie

On s'est demandé en particulier à quelles conditions formelles une provision pour risques et charges constituée dans une société momentanée peut être exonérée d'impôt dans le chef de ses membres.

bilité; la part des bénéfices (...) non distribués, considérée comme attribuée à chaque membre, est déterminée conformément aux stipulations du contrat ou de la convention d'association ou, à défaut, par part virile".

Répondre à cette question n'est pas si simple bien que les règles comptables spécifiques aux associations commerciales momentanées soient très succinctes.

C'est au vu de la convention d'association qu'on détermine en quoi consiste le bénéfice réalisé dans celle-ci et à quel moment ce bénéfice est réalisé ou censé réalisé, même et surtout lorsque ce bénéfice n'est pas distribué. En tout cas, le moment où le bénéfice produit par l'association doit être considéré comme réalisé n'est pas défini comme tel par la loi fiscale elle-même.

Le principe essentiel se trouve à l'article 3, alinéa 3, de la loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises, qui énonce que "lorsque l'activité d'une entreprise comporte, au titre de gérant ou d'associé, des opérations menées en association commerciale momentanée ou en participation, sa comptabilité est appropriée de manière à lui conférer le caractère complet défini à l'alinéa 1er, à la fois sous l'angle des rapports avec les tiers d'une part et des comptes que les associés et, le cas échéant le gérant, ont à se rendre d'autre part". L'article 47 du Code des sociétés dispose que "la société momentanée est une société sans personnalité juridique qui a pour objet de traiter, sans raison sociale, une ou plusieurs opérations de commerce déterminées". Cet article rappelle qu'une telle forme de société n'a pas de personnalité juridique, ce que mentionne déjà l'article 2, § 1er, dudit code. Le Code des sociétés ne contient cependant plus la règle de l'ancien article 177 des L.C.S.C. qui prévoyait que "les associations momentanées (...) ont lieu entre les associés, pour les objets, dans les formes, avec les proportions d'intérêt et aux conditions convenues entre eux". Une société momentanée dont tous les associés sont des sociétés résidentes à forme commerciale n'est pas elle-même assujettie à l'impôt des sociétés, parce qu'il lui manque la personnalité morale, condition d'application de cet impôt (article 2, § 1er, 5°, du CIR 1992 combiné avec l'article 179 du même code). Il a donc fallu prévoir une mesure de report de la taxation sur les associés de la société momentanée : c'est l'objet de l'article 364 du CIR 1992, qui dispose que "dans les sociétés civiles et les associations sans personnalité juridique, l'ensemble des bénéfices (...) est considéré comme attribué aux associés ou membres à la date de clôture des comptes annuels auxquels il se rapporte ou au 31 décembre de l'année, à défaut de compta-

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La loi fiscale n'envisage que la taxation, dans le chef de chaque membre, de la part des bénéfices de l'association qu'il a recueillie ou qu'il est censé avoir recueillie. Le bénéfice réalisé dans la société momentanée, quant à lui, est la résultante de tous les éléments, positifs et négatifs, favorables et défavorables, qui ont progressivement contribué à sa formation. D'après nous, rien ne permet de soutenir, au point de vue fiscal, que la part du bénéfice recueillie par un membre d'une telle association se composerait d'une quotité, d'une parcelle ou d'un fragment de chacun des éléments constitutifs du bénéfice qui se trouvent ou se trouvaient dans l'association, lorsque les statuts de celle-ci ne prévoient rien de pareil. Si c'était exact, cela supposerait, de même, qu'une quotité de chacun de ces éléments se trouvant dans l'association (correspondant à la participation du membre dans l'association) appartiendrait à ce membre. Le rapport au Roi précédant l'arrêté royal n° 22 du 15 décembre 1978 modifiant la loi du 17 juillet 1975 relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises s'exprime comme suit, au sujet de la modification apportée à l'article 3, alinéa 3, de cette loi, déjà cité ci-dessus (Moniteur belge, 4 janvier 1979, pp. 21 et 22). Il précise que cette modification, qui a "un caractère exclusivement technique" et ne touche en rien "aux principes de base de la législation en cause", s'attache "davantage aux buts à atteindre qu'aux techniques à mettre en œuvre". Il prévoit ainsi "le rattachement de l'enregistrement comptable (des) opérations (effectuées dans le cadre d'une telle association sans personnalité juridique) à la comptabilité de l'entreprise, associée ou gérante (remarquez le singulier


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ndlr) qui a traité avec les tiers pour compte de l'association. Ce faisant, le texte vise également à assurer que toutes les relations avec les tiers, qu'il s'agisse de créances ou de dettes, d'engagements ou de recours, de produits ou de charges, qui se rattachent aux activités poursuivies en association, se trouvent effectivement traduites, selon leur nature et pour leur montant brut, dans la comptabilité et, dès lors, dans les comptes annuels, d'une ou de plusieurs entreprises, membres de l'association ou gérantes de celle-ci", cette entreprise ou ces entreprises étant seulement, comme on l'a dit ci-dessus, celle(s) qui a (ou ont) traité avec les tiers pour compte de l'association. À la lecture de ces passages, il apparaît que ces exigences d'ordre comptable ne s'appliquent donc nullement, dans tous les cas, à tous les membres d'une telle association. Après avoir ainsi réglé l'expression comptable des relations de l'association avec les tiers, le rapport au Roi examine les effets produits par "toute opération effectuée" dans le cadre d'une association sans personnalité juridique "sous l'angle des rapports entre associés". Il prévoit que "la comptabilisation de ces opérations assure la mise en évidence de ces effets entre associés", pour "permettre de faire périodiquement les comptes de l'association (il n'y a donc pas d'obligation d'établir ces comptes au jour le jour) et d'effectuer entre associés sur base de leurs conventions le décompte des opérations effectuées en commun", qui "doit permettre d'imputer à chacun d'eux aux fins de l'établissement de ses comptes annuels, sa part dans le patrimoine et dans les résultats de l'association". Le texte "se borne, quant aux modes d'imputation comptable, à prescrire leur nécessaire appropriation". La loi fiscale ne prévoit pas qu'un manquement formel, tel que la comptabilisation d'une provision en méconnaissance ou en violation d'une règle comptable, par exemple en utilisant un poste comptable, un libellé ou un indice de compte inadéquat, entraîne à lui seul et par lui-même, à titre de "sanction" fiscale, la taxation de la provision ainsi constituée. Il est vrai que l'administration fiscale n'est pas liée par la comptabilité pour établir la base imposable, car elle dispose de tous les moyens de preuve du droit commun, sauf le serment (article 340 du CIR 1992), et des modes de preuve particuliers en matière d'impôts sur les revenus. L'article 205, 1° de

l'AR/CIR 92 n'exige d'ailleurs pas non plus une comptabilité tenue suivant les prescriptions de la loi comptable (v. Com.I.R. n° 360/62). Au risque d'en décevoir certains, nous devons souligner que l'attendu de principe contenu dans l'arrêt de la Cour de cassation du 20 février 1997, d'après lequel "sauf dérogation expresse de la loi fiscale, les bénéfices imposables des entreprises sont déterminés conformément aux règles de droit comptable" (v. Bulletin de la Commission des normes comptables, n° 43, mars 1998, pp. 2 et 3) n'est d'aucun secours pour la solution de la question posée, parce qu'il existe une disposition fiscale particulière que l'administration doit appliquer ici : c'est l'article 364 du CIR 1992, déjà cité, qui l'oblige à se référer à la convention d'association pour déterminer les bénéfices non distribués d'une association sans personnalité juridique, à défaut de règles et d'obligations comptables précises qui s'appliqueraient à tous les membres de celle-ci. Ledit article 364 ne crée pas non plus d'obligations comptables pour toutes les sociétés membres d'une association momentanée, et ne précise pas par la survenance de quel événement ce bénéfice est réalisé ou censé réalisé. Tout ce qui précède nous conduit à considérer que l'obligation de constituer une provision pour risques et charges qui satisferait aux règles comptables ainsi qu'à celles qui sont prescrites par l'article 48 du CIR 1992 et par les articles 22 et 24 de l'AR/CIR 92 ne peut pas être étendue aux participants non gérants de l'association. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de penser qu'il existerait de ce fait chez les membres non gérants de l'association une sous-évaluation (imposable) de l'actif. À nos yeux, il y a bien plutôt une sous-évaluation du passif, due à l'absence d'expression, au passif du bilan de ces membres, de leur quote-part dans la provision. Or, une sous-évaluation du passif n'est pas imposable, et son corollaire n'est pas une sous-évaluation de l'actif, mais l'absence de comptabilisation d'une charge : la dotation à la provision, dans la comptabilité de ces membres, ce dont il ne peut leur être fait grief, puisque les exigences d'ordre comptable prévues par l'article 3, alinéa 3, de la loi précitée du 17 juillet 1975 ne s'appliquent nullement, dans tous les cas, à tous les membres d'une société momentanée. ■ Roger JASPARD

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Frais professionnels : taxés d’office, tremblez ! Lorsqu’elle établit la taxation d’office, l’administration est obligée de tenir compte de l’ensemble des éléments dont elle a connaissance

1. Tout praticien de la fiscalité connaît les rement un revenu « net », déduction faite des principes de déduction fiscale des charges charges professionnelles. professionnelles. 4. Les dispositions et principes rappelés ciL'article 49 du CIR/92 porte trois conditions dessus sont particulièrement importants en cas de taxation d'office. cumulatives : – la dépense doit être exposée en vue d'ac- En effet, lorsque les conditions d'une taxation quérir ou de conserver des revenus pro- d'office sont réunies, c'est en règle générale au contribuable qu'il appartient de prouver fessionnels; positivement la preuve de ses revenus et de – elle doit être réalisée au cours de la péses charges, afin que soit déterminé le revenu riode imposable pour laquelle la déducimposable dans son chef. tion est postulée; Il n'en demeure pas moins exact que, lors– elle doit être justifiée au moyen d'un doqu'elle établit la taxation d'office, l'adminiscument probant. tration est obligée de tenir compte de 2. L'article 49 du CIR/92 porte lui-même un l'ensemble des éléments dont elle a connaispremier tempérament : à défaut de docu- sance, auxquels nous pensons qu'il convient ment probant, il est possible de prouver la d'ajouter ceux dont elle devrait raisonnableréalité et l'importance d'une dépense au ment avoir connaissance (en ce sens, voir moyen de tout autre mode de preuve, hormis Bruxelles, 25 mai 2011, Mons, 18 février 2005 et Liège, 28 février 2003). le serment. 5. L'application cumulée de ces dispositions enjoint donc à l'administration qui établit une taxation indiciaire de calculer le revenu imposable en tenant compte, d'une part, de l'ensemble des ressources taxables dont elle a connaissance, mais aussi d'autre part de toutes les charges dont elle est informée ou 3. L'article 50 du CIR/92 apporte d'autres attédont il est raisonnable de penser qu'elles sont nuations à la rigueur du principe exposé à intrinsèquement liées à l'activité du contrier l'article 49, al. 1 du CIR/92. buable ou nécessaires à la réalisation de celleA défaut de document probant, le montant ci (Cass. 7 décembre 2000). des frais professionnels doit être déterminé En pratique, l'administration pourra recourir de commun accord entre le contribuable et aux éléments de la déclaration TVA, si le l'administration ou par référence à un accord contribuable y est assujetti, mais également à collectif, formalisé par un arrêté royal délibéré la comparaison de la situation du contrien Conseil des Ministres. buable par rapport à d'autres (Com. IR, n° 50/ S'il n'existe aucun accord collectif et que le 13). A défaut, elle devra évaluer les frais de contribuable et l'administration ne par- manière raisonnable, mais empirique. viennent pas à s'accorder sur le montant des Il est, en tout cas, interdit à l'administration de frais, il appartient au fisc de les évaluer raisontaxer, en quelques circonstances que ce soit, nablement. du chiffre d'affaires brut dans le chef du Cette dernière disposition constitue une obli- contribuable. gation dans le chef de l'administration (Com. La sanction est la nullité de la cotisation pour IR, n° 50/01, qui cite les travaux parlemencause d'arbitraire (voir, en ce sens, Bruxelles, taires à l'appui de cette affirmation). En effet, 25 mai 2011 déjà citée, où l'État belge a reen aucun cas, « le contribuable ne peut être connu l'arbitraire de la cotisation). imposé sur un revenu brut » (Com. IR, n° 50/ Nous estimons qu'il est particulièrement im13) ! portant que les Cours et Tribunaux veillent au Un argument de texte vient, du reste, à l'aprespect de ces normes, qui participent à la sépui de cette injonction, l'article 351 du CIR/92 curité juridique qui doit régner sur les relaautorisant l'administration à établir une taxations entre l'administration fiscale et les tion d'office en se fondant sur le « montant contribuables. des revenus imposables qu'elle peut présumer eu égard aux éléments dont elle 6. Nous ne pouvons donc que déplorer cerdispose ». Un revenu imposable est nécessai- taines décisions récentes, qui s'écartent des Selon le commentaire administratif, ce tempérament n'est de mise que dans les hypothèses où il est impossible (ou pas d'usage) d'obtenir un justificatif ou lorsqu'un accord individuel ou collectif peut être conclu (Com. IR, n° 49/19).

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principes évoqués ci-dessus. Ainsi, dans un arrêt du 29 juin 2011, la Cour d'appel de Liège a énoncé que « c'est erronément et contra legem que le premier juge a cru pouvoir contraindre l'administration à rechercher la preuve de dépenses non justifiées ou à les évaluer de manière réaliste ( !) parce qu'un tel raisonnement aboutit à faire naître l'arbitraire entre les contribuables et plus précisément entre ceux qui justifient de leur dépenses et ceux qui omettent de le faire ».

sable, ainsi correctement déterminée, ne correspond pas à la réalité de sa situation.

Il convient de ne pas perdre de vue que la taxation d'office peut, en effet, survenir en conséquence à la requalification en revenus professionnels de rentrées que le contribuable pensait non taxables, de sorte qu'il n'a pas nécessairement conservé de trace des dépenses effectuées en vue d'obtenir ces revenus. Dans ce cas, évaluer la base imposable sans tenir aucun compte de dépenses nécessaires à l'activité nous paraît totalement inNous pensons, au contraire, qu'il incombait juste et, précisément, source d'un arbitraire effectivement à l'administration de procéder que les Cours et Tribunaux doivent au calcul correct de la base imposable sou- combattre. ■ mise à la taxation d'office, étant précisé qu'il Olivier Robijns appartient toujours au contribuable de rapAvocat au Barreau de Liège porter la preuve concrète que la base impoSpécialiste en droit fiscal

TVA L’arrivée du système de caisse enregistreuse : de quoi s’agit-il encore ? Dans le système de la caisse enregistreuse, toutes les données sont chiffrées par un algorithme qui est enregistré de manière inaltérable dans une sorte de « boîte noire » dont le contenu ne peut être contrôlé que par l’administration de la TVA et l’inspection sociale

Contexte De plus en plus d’établissements de l’horeca posent la question de savoir s’ils doivent s’équiper d’une nouvelle caisse enregistreuse. C’est qu’à partir du 1er janvier 2013, l’actuel système de la note ou du reçu, mieux connu de tous sous le nom de « souche TVA », va disparaître, tout comme celui des tickets des caisses qui sont actuellement agréées pour qu’ils vaillent de « souche TVA » et qu’ils puissent donc servir de document unique. À noter que le système du reçu pourra encore être appliqué par les établissements qui fournissent occasionnellement des repas à consommer sur place, c’est-à-dire ceux dont les recettes qui proviennent de la fourniture de repas à consommer sur place, à l'exclusion des boissons qui accompagnent ces repas, sont inférieures à 10 % du chiffre d'affaires total réalisé par les activités de l’horeca.

une sorte de « boîte noire » dont le contenu ne peut être contrôlé que par l’administration de la TVA et l’inspection sociale. Période transitoire 2010 - 2012 Les systèmes qui ont été introduits antérieurement comme les caisses enregistreuses (Circulaire n° 6/1999) et les systèmes informatiques (Décision E.T. 103.592 du 2 juin 2003) ne répondent pas aux normes établies pour le nouveau système de caisse enregistreuse.

C’est pour cela qu’une période de transition a été prévue du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. À cette date, toutes les autorisations pour utiliser les caisses enregistreuses actuelles seront définitivement caduques de manière générale. La décision administrative E.T. 103.592 du 2 juin 2003 qui concerne les ordinateurs ne sera pas retirée le 1er janvier 2013, mais ne pourra plus être inCe ticket devra être immédiatement remis au voquée que pour des systèmes informatiques client après la fourniture du service et fera en existants, et ce de manière très limitée. même temps office de document de contrôle et de facture simplifiée. En outre a été introÉtablissements existants duite l’obligation d’émettre une facture simplifiée aussi pour toute personne physique Au cours de la période de transition complète, les entreprises qui existaient avant le non assujettie à la TVA. 1er janvier 2010 peuvent continuer à utiliser Le chiffre d’affaires « en noir » sera donc ren- les documents de contrôle connus jusdu d’autant plus difficile. En effet, dans le sys- qu’alors, comme le reçu (souche TVA), le tictème de la caisse enregistreuse, toutes les ket de caisse (Circulaire n° 6/1999) ou un données sont chiffrées par un algorithme qui ticket informatique (Décision E.T. 103.592), et est enregistré de manière inaltérable dans ce jusqu’au 31 décembre 2012 donc. La semaine fiscale no 40 - Semaine du 9 au 15 avril 2012

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Starters et repreneurs Les assujettis à la TVA qui ont démarré leur établissement horeca ou qui ont repris un établissement horeca existant au cours de la période de transition, mais qui n’étaient pas encore identifiés et enregistrés au 1er janvier 2010 comme exploitant d’un établissement où on consommait régulièrement des repas, doivent dès le début de leur activité utiliser un système de caisse enregistreuse, du moins dès que ce système sera fonctionnel et opérationnel et qu’il est donc disponible et proposé sur le marché. Établissements qui ne servent qu’occasionnellement des repas Il est évident qu’imposer aussi au cours de la période de transition, donc après le 1er janvier 2010, aux starters d’un établissement (ou à ceux qui reprennent un établissement existant) dans l’horeca où on ne sert qu’occasionnellement des repas, l’obligation de faire immédiatement, dès le début de leur activité, l’investissement d’un système de caisse enregistreuse peut s’avérer exagéré sur le plan financier vu qu’ils ne servent qu’un nombre limité de repas. On songe ici par exemple aux plus petits hôtels.

facture, soit un ticket qui sort d’un système de caisse enregistreuse. À partir du 1er janvier 2013, il sera donc mis définitivement fin à l’écheveau des règles relatives à la fameuse souche TVA. Qui doit s’équiper d’une caisse enregistreuse ? Le critère déterminant pour savoir qui aura l’obligation d’avoir un système de caisse enregistreuse sera la notion d’« ÉTABLISSEMENT QUI SERT RÉGULIÈREMENT DES REPAS DESTINÉS À ÊTRE CONSOMMÉS SUR PLACE ». Il s’agit des établissements dont les recettes (TVA non comprise) qui proviennent de la fourniture de repas à consommer sur place sont supérieures ou égales à 10 % des recettes totales (TVA non comprise). Tombent également sous ces principes : – les traiteurs; – les exploitants d’hôtels et de « Bed & Breakfast » (pour les opérations autres que celles reprises dans la note d’hôtel globale);

– les exploitants de débits de boissons (café, taverne), d'un snack-bar, salon de thé, cafétéria, salon de consommation de glace Une exception a été prévue dans le nouveau ou de pâtisserie et autres salons de régime pour les établissements qui ne consommation, qui se limitent à servir, servent qu’occasionnellement des repas. tout au plus avec du pain, les repas Pour déterminer si un établissement doit être « légers ». considéré comme ne servant des repas « qu’occasionnellement », il ne faut examiner Il s’agit des repas légers suivants : que le chiffre d’affaires. Si les recettes qui pro– potages; viennent de la fourniture de repas à consommer sur place (TVA non comprise et à – croques (monsieur, madame, hawaïen...) et autres toasts en tout genre; l'exclusion des boissons qui accompagnent ces repas) sont inférieures à 10 % du chiffre – croquettes (de crevettes, de viande, de vod'affaires total (TVA non comprise) réalisé par laille, de fromage...), à l'exclusion des croles activités de l’horeca, l'assujetti n'est pas quettes de pommes de terre; considéré comme « un exploitant d'un établissement où sont consommés régulière- – vol-au-vent, boudins, « satés »; ment des repas ». – sandwiches garnis (y compris hamburgers, hot-dogs, pittas...); La conséquence en est qu’il est déchargé de l’obligation d'utiliser déjà le nouveau système – pâtes (spaghettis, lasagnes...), pizzas, de caisse enregistreuse pendant la période de quiches et autres tartes salées; transition. – salades froides (de viande, de poisson...); Situation à partir du 1er janvier 2013 – assiettes anglaises; Concrètement, le régime pour les établissements qui ne servent qu’occasionnellement – omelettes et autres œufs préparés; des repas ne différera principalement de celui – crêpes, desserts et glaces, gaufres, gâqui s’applique aux établissements où sont teaux, brioches, croissants, milk-shakes. consommés régulièrement des repas qu’à partir du 1er janvier 2013 où les premiers se- Tant les établissements existants que les starront encore autorisés à délivrer un reçu (une ters et les repreneurs n’ont pas l’obligation souche TVA)à des particuliers non assujettis à d’émettre un document de contrôle pendant la TVA, alors que ceux qui appartiennent à la toute la période de transition. À partir du 1er seconde catégorie (de loin la plus impor- janvier 2013, il n’y a pour l’instant aucun dotante) ne pourront plus émettre que soit une cument de contrôle particulier prévu.

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Friteries

Tant les établissements existants que les starters et les repreneurs n’ont pas l’obligation Il s’agit ici des friteries qui se limitent à la d’émettre un document de contrôle pendant vente de frites et : toute la période de transition. À partir du 1er – de mets achetés totalement prêts à être janvier 2013, il n’y a pour l’instant aucun dofrits dans la graisse ou l'huile (p. ex. ham- cument de contrôle particulier prévu. burgers, toutes espèces de burgers, fricandelles, viandelles, sticks, « satés », Foires, kermesses, marchés, fêtes populaires, loempias, toutes espèces de croquettes); compétitions sportives, à condition qu’il n’y ait pas d’installations fixes – de sauces; Il n’y a ici aucune obligation d’émettre un do– d’épices (oignons, cornichons, concom- cument de contrôle. bres, moules, rollmops); Restaurants d’entreprise (cantine, mess…) – œufs durs; Il n’y a ici aucune obligation d’émettre un do– saucisses précuites servies froides, telles cument de contrôle. ■ que cervelas et chasseurs; Stefan Ruysschaert – carbonnades, goulasch, vol-au-vent, bouInspecteur principal d'une administration fislettes de hachis, à la sauce tomate; cale – hot-dogs; Professeur au BTW Centrum voor Beroepsopleiding Antwerpen (secteur TVA) – « smos » (pain, salade, tomates, jambon, fromage, etc.). Chargé de cours à la Hogeschool de Gand

Questions en vrac Revente d’un véhicule par un assujetti à la tva : le brouillard persiste Le principe de la neutralité fiscale est l’essence même de la tva, qui est une taxe à la consommation. Cela signifie que quand une opération économique est réalisée entre deux assujettis, l’incidence de la tva est nulle et elle le reste jusqu’à ce que la chaîne aboutisse à réaliser une opération économique entre un assujetti et un non assujetti (ou un assujetti exonéré)

Il n'en reste pas moins que le trouble persiste et qu'il nous est apparu important de préciser les différentes positions de l'administration, que nous contestons, mais qu'il faut connaître afin de savoir sur quel terrain miné l'administration nous a embarqués avec ses changements incessants d'interprétation (et Cet article se fondait sur le point 5.3 de la dé- ce n'est pas fini, puisque dans la décision tva cision tva du 20.10.2011. du 23.12.2011, l'administration annonce enEntretemps, l'administration est revenue sur core de nouvelles directives...) : son idée et a considéré que le point 5.3 de – Véhicule acheté avant 2011, avec applicacette décision n'était plus d'application que tion de l'art. 45, § 2 ctva (déduction de pour les véhicules qui avaient subi la limita50 % de la tva) : lors de la revente, il faut tion de l'art. 45, § 1quinquies (point 7 de la appliquer la tva sur la totalité du prix de décision tva du 23.12.2011). vente (point 7 de la décision tva du 23.12.2011) Dans un autre précédent article, nous avons argumenté contre cette position de l'admi- – Véhicule acheté en 2011, avec application nistration, qui ne repose selon nous sur aude l'art. 45, § 2 et sans application de cune base légale, et qui est contredite par la l'art. 45, § 1quinquies (déduction de la tva rédaction des art. 45, § 1quinquies et de sur la quote-part professionnelle d'utilisal'art. 48 ctva. Nous nous penchions dans cet tion du véhicule, avec un maximum de article sur le problème de l'avantage de toute 50 %) : lors de la revente, il faut appliquer nature et de la révision de la déduction sur les la tva sur la totalité du prix de vente (point investissements mobiliers. 7 de la décision tva du 23.12.2011) Dans un précédent article, nous vous avions annoncé une bonne nouvelle, à savoir que lors de la revente d'un véhicule qui avait subi la limitation de l'art. 45, § 1quinquies ou § 2 ctva, il ne fallait plus appliquer la tva que sur 50 % du prix de vente.

Les arguments que nous avions développés – Véhicule acheté en 2011 ou 2012, avec application de l'art. 45, § 1quinquies : lors de sont entièrement transposables à la problématique de la revente d'un véhicule. la revente, il faut appliquer la tva sur 50 % La semaine fiscale no 40 - Semaine du 9 au 15 avril 2012

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du prix de vente (point 5.3 de la décision vendre avec application de la tva ? Parce que tva du 20.10.2011) ledit véhicule aurait été utilisé dans le cadre de son activité économique assujettie et que – Véhicule acheté quelle que soit l'année sur ses frais de fonctionnement, la tva aurait d'acquisition avec la tva à la marge (art. 58 pu être déduite à concurrence de 50 % ? Le ctva - pas de déduction de la tva) : lors de raisonnement ne tient pas la route, car c'est le la revente, la tva est due selon les règles normales sans tenir compte du fait qu'à même bien, sur lequel aucune tva n'a été dél'origine, l'assujetti l'a acheté avec applica- duite, qui est ensuite revendu. En vertu du tion du régime particulier d'imposition de principe de la neutralité fiscale, il ne faudrait la marge bénéficiaire ou avec application pas appliquer de tva lors de la revente, surdu régime normal (art. 520/8 du manuel tout s'il est revendu à un prix inférieur à sa valeur d'acquisition. tva).

Rédacteur en chef : Émile Masset Secrétaire général de la rédaction : Yann Delalande Collaborent à la rédaction : Thierry Afschrift et l’Association Afschrift, Christian Amand, Jean-Pierre Bours, Bruno Colmant, Samah Dugardin, Marc Gielis, Stephen Hürner, Frédéric Ledain, Stéphane Mercier, Luc Michel, Guy Poppe, Olivier Robijns

Et tout cela, sur base du principe de la neutra- A défaut, on pourrait aussi soutenir qu'un imlité de la tva (c'est mentionné in extenso dans meuble qui a été acheté avec application des droits d'enregistrement devrait être revendu la décision tva du 20.10.2011). avec application de la tva parce qu'il a été utiQu'il nous soit permis de douter de l'argu- lisé dans le cadre des activités économiques ment. de l'assujetti. En effet, le principe de la neutralité fiscale est Compte tenu de l'incohérence du raisonnel'essence même de la tva, qui est une taxe à la ment tenu par l'administration à propos des consommation. Cela signifie que quand une véhicules achetés à la marge et qu'il faudrait opération économique est réalisée entre ensuite revendre avec application de la tva deux assujettis, l'incidence de la tva est nulle sur la totalité du prix de vente, il faut se poser et elle le reste jusqu'à ce que la chaîne aboula question de la même cohérence du raisontisse à réaliser une opération économique nement pour les véhicules qui ont subi la limientre un assujetti et un non assujetti (ou un tation de la déduction de la tva lors de leur assujetti exonéré). achat. Le même principe de neutralité fiscale, Si l'on se réfère à ce principe fondamental, il invoqué par l'administration dans sa décision n'y a aucune raison d'appliquer 100 % de tva du 20.10.2011, et qui sous-tend toute la masur la revente d'un véhicule automobile sur tière tva, voudrait au contraire que l'on ne lequel la tva n'a été déduite qu'à 50 %, et en- doive pas appliquer de tva sur de la tva. core moins sur lequel aucune tva n'a été déduite parce que ce véhicule a été acheté à la Voilà une question qui mériterait d'être soumise à la Cour Européenne de Justice, qui est marge. l'autorité suprême pour déterminer comProcéder de la sorte revient à appliquer de la ment il faut appliquer la tva dans l'Espace tva sur de la tva. Un non-assujetti qui revend économique européen. ■ sa voiture n'applique pas de tva, Pourquoi un Emile Masset assujetti qui a acheté une voiture sur laquelle Rédacteur en chef de Fiscalnet il n'a pas pu déduire de tva devrait-il la re-

Abonnements : Abonnement annuel : 290 € HTVA De Boeck Services sprl Tél : 0800/39.067 – Fax : 0800/39.068 E-mail : abo@deboeckservices.com http://professionals.deboeck.com Éditeur : De Boeck Professionals Éd. resp. : V. Simonart - Rue des Minimes 39 – 1000 Bruxelles

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La semaine fiscale no 40 - Semaine du 9 au 15 avril 2012


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